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  • 6 – la gueule toute verte

    Creuse-Citron a essayé d’y voir un peu plus clair sur le dossier des mines d’uranium et des déchets enLimousin. Mais il faut dire que les informations sont difficiles à obtenir et que le travail des associa-tions qui ont un œil critique sur ce sujet est rendu difficile car tout cela est encore largement couvertpar le « secret défense ».

    Dans l’radon, tout est bon !

    La ClisUne Commission locale d’information et de surveillance (Clis) devrait exister depuis juillet 2008 dans tous les départements de France

    où il y a d’anciennes mines d’uranium. Mais ça n’est pas appliqué correctement partout, il y a des endroits où le pouvoir est confisquépar le Préfet, par Areva et par les administrations chargées de faire respecter la loi ; ce qui fait que les associations n’ont d’autres moyensque de faire des manifestations, de mettre des panneaux d’affichage…

    Des Clis ont été mises en place en Limousin. Au sein de la Clis, une commission restreinte paritaire de six ou sept personnes a étécréées : un ou deux conseillers généraux, un ou deux maires, les représentants d’Areva et deux associations (en Creuse, « Oui à l’ave-nir » et « Sources et rivières du Limousin »).

    Certaines Clis ont relevé des manquements à la réglementation qui ont entraîné des pénalités pour Areva. Ces pénalités peuvent entraî-ner une inscription au casier judiciaire d’une personne nominative.

    IL FAUT SAVOIR qu’au départ c’est le généralDe Gaulle qui a décidé, en 1945, la créationdu CEA (Commissariat à l’énergie atomi-que). C’était une réponse politique aux États-Unis qui avaient construit un réacteurnucléaire à des fins militaires. Ces recherchesavaient un coût important etsimultanément on a cherché à uti-liser l’énergie nucléaire à des finsciviles. Ce n’est qu’en 1958 qu’aété mis en service le premier réac-teur nucléaire produisant del’électricité. Et c’est en 1960 qu’aeu lieu la première explosiond’une bombe atomique. D’autresréacteurs ont été construits, maisc’est à la suite du choc pétrolierde 1973, que M. Mesmer adécidé, sans consulter le parle-ment, la construction d’une batte-rie de 19 centrales nucléaires, à lafois pour « assurer une indépen-dance énergétique » à la France,et à la fois pour réduire les coûtsdu nucléaire. Un leurre puisqu’au-jourd’hui la totalité de l’uraniumest importée. Même si les activi-tés civiles et militaires du CEAont été officiellement séparées en1981. Le nucléaire est marqué parson histoire militaire et couvertpar le secret-défense. L’opacité de l’informa-tion fait partie du nucléaire et de son indus-trie. Le plutonium produit comme déchet parle pseudo-nucléaire civil est retravaillé avec

    des centrifugeuses pour servir à l’élaborationd’armes nucléaires. N’importe où dans lemonde, tout projet de production d’électricitéà partir du nucléaire est un projet guerrier.

    « Oui à l’avenir »POUR ESSAYER d’y voir plus clair sur ce dos-sier, nous avons rencontré en particulierJean-Pierre Minne de l’association « Oui à

    l’avenir ». L’association « Oui à l’avenir »(qui fait partie du réseau Sortir du nucléaire)s’est d’abord créée contre les projets d’en-fouissement des déchets radioactifs enCreuse (cf. Creuse-Citron, n° 1, septembre2004), qui pour le moment n’ont pas été réa-

    lisés, de même qu’à Bure lesdéchets ne sont toujours pas des-cendus. Ce combat, qui est menédepuis sept ans, continue.

    Aujourd’hui « Oui à l’avenir »mène un autre combat pour laréhabilitation des mines d’ura-nium, car il faut savoir qu’il y a215 ou 220 mines d’uranium enFrance, dont une trentaine enCreuse.

    Ces mines ont été abandonnéeset elles mettent en danger la santédes gens. Le problème est que lesmines d’uranium creusoises negênent personne sur le plan éco-nomique. Il n’y a aucune utilisa-tion des sites (et des alentours), niindustrielle ni agricole : donc iln’y a pas d’intérêt économique às’en occuper : la pression ne peutse faire que sur l’environnementet la santé, parce que ce sont lesseuls enjeux. L’impact environne-mental n’est pas visible, il faut le

    mettre en évidence pour pouvoir obtenir dunettoyage et de la réhabilitation. Celle-ciconsiste souvent à enlever les caillouxradioactifs d’un endroit pour les mettre dans

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    un autre… Mais la question demeure, c’est àAreva de trouver la solution, puisque de laradioactivité est restée, il faut s’en débarras-ser. Les premières mesures d’urgence consis-tent à signaler les sites, à empêcher les gensd’y aller et, dans les endroits qui sont lessi-vés par des ruisseaux, il faut dévier l’eaupour que les ruisseaux ne passent pas sur lamine, autant de travaux prométhéens qui nesont pas prêts d’être réalisés…

    Dans le code de l’environnement, Areva ahérité des mines d’uranium d’un tas de petitessociétés. Ces sociétés étaient créées unique-ment pour l’exploitation d’un site. Et quandl’exploitation de ces mines était terminée, cessociétés disparaissaient. L’État a fait en sorteque ces sociétés disparues sont devenuesCogéma, puis c’est Areva qui en a hérité.

    Un citoyen qui se pose des questions doits’adresser à la Dreal Limousin (Directionrégionale de l’environnement, la recherche,l’aménagement et le logement) qui aupara-vant s’appelait la Drire (Direction régionaleà l’industrie, la recherche et l’environne-ment). À la Dreal, il y a un secteur minier,composé de deux personnes qui ont autoritépour effectuer des contrôles de radioactivité,y compris des contrôles inopinés.

    « Oui à l’avenir » a dénombré 14 ancienssites qui ne sont pas recensés par Areva.L’association a alerté la Dreal qui va déclen-cher des contrôles inopinés sur ces lieux oùsont convoqués le directeur régional d’Arevaet ses techniciens. Le contrôle est fait par unlaboratoire, souvent la Criirad (Commissionde recherches et d’informations indépendan-tes sur la radioactivité) et tous les frais sont àla charge d’Areva. Si les analyses confirmentla présence d’une radioactivité anormale, laDreal, via le préfet, met en demeure Arevad’effectuer des travaux de dépollution souspeine de sanction.

    Combien de minesL’INSTITUT DE RADIOPROTECTION et de sûreténucléaire (IRSN) a publié deux bilans – inti-tulés Mimausa (Mémoire et impact desmines d’uranium), 2004-2005 et 2007-2008.Sur la Creuse, le premier inventaire comptait16 mines d’uranium ; le deuxième en arelevé 20. La dernière mine ayant fermé en2001, comment se fait-il qu’un institutretrouve dans l’intervalle 4 mines ? Les 4mines n’auraient pas été des mines, il n’yaurait pas eu d’exploitation…

    Le sous-sol n’étant jamais une propriétéprivée, pour toute exploitation de type minieril faut obtenir un permis d’exploitation et derecherche, qui est publié au Journal officiel.« Oui à l’avenir » a épluché un stock devieux Journaux officiels des années 1950 à

    Bessines et le retourdu stockage des déchets

    Quand on fait une installation classéedans le cadre de la protection de l’envi-ronnement (ICPE), par exemple pourun stockage de déchets, il y a uneenquête publique, puis après il faut unpermis de construire : c’est le maire quile délivre ou le préfet pour cause d’uti-lité publique. Quand Areva a voulustocker à nouveau des déchets àBessines son discours a été le suivant :« Vous avez des trous, on va vousremettre de l’uranium, le même que cequ’il y avait auparavant, enfin presquece n’est plus de l’uranium 235, c’est du238, et puis il y a du césium, du stron-tium, du polonium, ce sont des trucs quiviennent des centrales… Enfin, c’est lamême chose, c’est dans la terre. »

    On vote au conseil municipal et ilaccepte.

    Donc l’uranium appauvri revientactuellement à Bessines, sauf qu’il y aun problème légal : le permis destockage est attribué pour une quantitéprécise et le seuil sera vite atteint car aulieu de stocker 10 % des déchets ici etd’en exporter 90 % en Russie,aujourd’hui tout arrive ici. Dans un anou un an et demi, il n’y aura plus laplace. Alors que va-t-on faire de cesdéchets ?

    1975 et a croisé les mentions de permis déli-vrés avec la base de données du Bureau derecherches géologique et minier (BRGM) oùl’on trouve les coordonnées précises de cha-que site. Puis, munis d’un compteur« Radex », les membres de l’association ontfait des mesures sur les sites découverts : 31lieux en Creuse ont donné lieu à exploitation,et un bon nombre n’a pas fait de déclarationde fin d’exploitation. Les mines sont toujoursconsidérées en activité !!

    Le problème de l’eau« OUI À L’AVENIR » souhaite demander à laClis qu’une fois par an il y ait une analyse dela radioactivité de l’eau distribuée aux parti-culiers dans les anciens secteurs miniers.Tous les mois il y a un affichage en mairie dela qualité de l’eau (coliformes fécaux, nitra-tes, sels d’aluminium, etc.), mais il n’y a pasde mesures de la radioactivité. Dans la revuedu réseau Sortir du nucléaire, il y a un articlesur les mines d’uranium avec photos de lamine d’Hyverneresse (sur la commune deGioux), qui est à ciel ouvert et en souterrain.Pour ce site, la société Areva a été mise endemeure : elle a commencé à faire des clôtu-res, à gratter ; elle a racheté des terrains. Celas’est amélioré, mais ça n’est pas fini et l’eauqui descend de la mine va directement dans laCreuse. Les sédiments sont 30 à 50 fois plusradioactifs que les stériles qui sont près de lamine, car les sels d’uranium sont lessivés ;parmi les minéraux ce sont les plus solubles,presque aussi solubles que le sel. Les mesuresfaites par Areva et la Criirad au mêmeendroit, ne sont pas toujours les mêmes : oùest la vérité ?

    La mine de Montagaud, sur la commune deRoches, est une ancienne mine à ciel ouvertdevenue un étang. Cet étang est non clôturé,situé sur un terrain privé (la Cogéma arevendu la mine aux gens du coin) et l’eau estradioactive. Les vaches boivent de l’eauradioactive ; une bouse de vache a été analy-sée à 3 000 becquerels (unité de mesure de laradioactivité) – alors que la radioactiviténaturelle est de 200. On a trouvé des tas debois radioactifs. Le bois pompe des nutri-ments dans le sol, mais il pompe égalementdes radio-actinides ; puis il les vaporise, maisen plus de faire du gaz carbonique et del’oxygène, il émet du radon. Quand on coupece bois et qu’il brûle dans la cheminée, il y aune partie de ces actinides qui se décomposedans l’atmosphère (radon).

    L’eau du robinet à Limoges est radioactive,elle contient du strontium, du tritium (voir lefilme TV d’Élise Lucet). Le Préfet de régiona considéré que cette histoire portait préju-dice à l’image touristique du lac de Saint-Pardoux ; il a donc été demandé à Cogéma de

  • nettoyer le lac. En fait les déchets ont étédéplacés (à Bellezane et ailleurs). Il existedes photos d’une pelleteuse faisant un trou ety déversant un peu de ces saloperies quidevaient disparaître et qui donc n’étaienttransférées que de 20 à 30 mètres !

    Si on mesure le thorium qui se trouve dansle ruisseau du Vincou près du lac de Saint-Pardoux, on a 1 500 becquerels alors que lebruit de fond est de 200 (bruit ordinaire surun carreau de mine d’uranium), soit 7 fois ladose. Et en plus, il y a du radon (5 fois ladose), du plomb radioactif, du potassium etdu césium (impliqué dans certains cancers).Ce qui veut dire qu’il y a sans doute eu desstockages, sur Compreignac (Haute-Vienne), de l’uranium de la mine deMargnac, mais aussi sûrement des chosesramenées d’ailleurs après enrichissement.

    Le problème des remblaisD’UNE MANIÈRE GÉNÉRALE les cailloux qu’onretirait d’une mine et qui n’étaient pas suffi-samment radioactifs pour être traités, res-taient sur le carreau de la mine, et ce qui estgrave c’est qu’ils ont été utilisés pour fairedes remblais ailleurs. Vous vous promenezsur une route en Limousin avec un compteurGeiger et tout d’un coup ça mesure 5 000becquerels !

    Théoriquement ilne devrait pas yavoir de produitsrayonnants à fortedose. Mais enCreuse et dans leLimousin, on en atrouvé, parce que leminerai, qui est lui-même radioactif àdes doses importan-tes, a été enrichi. Ily avait des endroitsoù on procédait à lalixiviation : on les-sive l’uraniumextrait du sol avecde l’acide sulfuri-que pour l’enrichir.Ce procédé génèredes résidus : pour5 kg d’uranium unpeu enrichi, on a95 kg de résidus.Ces résidus ont étéutilisés pourempierrer la N 145ou un stade àGueugnon, ou on ena donné à des parti-culiers pour empier-

    rer leur route ou leur jardin ! Onn’enrichissait pas l’uranium dans toutes lesmines d’uranium du Limousin (une soixan-taine), il y avait des lieux de regroupement :deux ou trois en Haute-Vienne et la Ribièreà Domeyrot en Creuse.

    Areva a été mis en demeure, par la circu-laire Borloo de juillet 2009, d’aller recenseret faire des mesures là où il y a des stériles.Un hélicoptère est passé et repassé au-dessusde la Creuse et de la Haute-Vienne, pourdresser une cartographie des stériles. Maiscette cartographie n’a pas été publiée.Comment se fait-il que ces relevés par héli-coptère ne soient pas communiqués ? Quesont-ils devenus ?

    Il faut savoir qu’en Creuse une trentainede municipalités sont concernées. Qui vabouger pour exiger une information qui estdue à chacun ? Parfois on peut se demanderdans quelle mesure on souhaite connaître lavérité…

    N’oublions pas tous les chauffeurs rou-tiers qui ont transporté dans la benne de leurcamion le minerai d’uranium (après avoirbien respiré la poussière sous la trémie), etbien sûr sans aucune protection. Tous ceschauffeurs sont morts… et pas de vieillesse.Par exemple ceux des mines du Bourgd’Hem en Creuse.

    Méthodes de traitement des déchetsLE PRINCIPE n’est pas compliqué : vous pre-nez un bloc d’uranium, vous le mettez sur latable ; et vous repassez 24 millions d’annéesaprès, il a perdu la moitié de sa radioactivité(l’uranium a une période de demi-vie de24 millions d’années). L’uranium a desenfants : le radium, le radon (le fils duradium), et au bout de la chaîne on a duplomb.

    Il suffit de laisser les minerais où ils sontet les déchets en particulier : les déchets, onles a faits, il ne faut pas les balader ! Si vousles mettez ailleurs, vous les transportez, vousmultipliez le risque.

    Il y a plusieurs procédés pour diminuer laradioactivité des déchets. Un procédé chimi-que ; un autre procédé qui consiste, pour cer-taines radiations, à tendre un film spécialempêchant les remontées et à recouvrir par-dessus ; un troisième procédé encore est lelagunage : on met les boues à l’air dans unfossé et elles perdent leur radioactivité,essentiellement par décomposition desradio-actinides et par évaporation en radon.Évidemment, il faut alors empêcher l’accèsaux promeneurs. Les clôtures posées parAreva sont parfois des clôtures à vaches,mais ce genre de clôture n’a jamais empêchéles gens de passer, les chasseurs pour aller ausanglier et les promeneurs pour aller auxchampignons !

    MAP & S

    Le RadonDans les éléments chimiques

    radioactifs nommés « actinides » il y atrois familles : alpha, béta, gamma. Leradon est dans les alphas ; en troisjours il perd la moitié de sa radioacti-vité ; il disparaît rapidement ; il suffitd’aérer sa maison. Dès qu’il y a duradon, même si les doses ne sont pasimportantes, il faut se méfier ; danscertaines écoles de la région, une VMCa été installée qui génère un courantd’air permanent. Par contre, le radonest dangereux à ingérer car il attaqueles cellules, les gens peuvent en inha-ler, ou en absorber, car il peut être dis-sous. En Creuse il n’y a pas eu d’étudeépidémiologique, les cancers sontimputés à la boisson, au tabac ou à laradioactivité naturelle… mais il sem-ble bien, en fait, qu’il y ait une surre-présentation de certaines affectionscancéreuses.

    8 – la gueule toute verte

  • Les fils du vent… la rengaine !

    LA RENGAINE, il n’y a que ça qui reste sur leslèvres et dans les oreilles. On en fredonneencore les paroles longtemps après que leursens est tombé comme une feuille morte dansle vaste pourrissoir de la terre. La mélodieminimaliste nous fait danser au pas. Il fau-drait écouter ce que murmure la rumeurdocile des foules, sous la baguette du bouchermélomane : si elles s’entendaient, les foulesmoutonnières, peut-être ne fredonneraient-elles pas avec tant d’entrain l’hymne patrioti-que de l’abattoir. Car quand on dit : lesRomanichels nous sucent le sang, les Arabesnous menacent, les immigrés nous pourris-sent la vie, il faut entendre : malheur auxvaincus, mort aux plus pauvres, qu’ils brûlentdans la fournaise tisonnée par les charo-gnards milliardaires. À la lumière du feu lepassé se projette, une image muette et synco-pée, sur le mur du futur érigé par nos maîtresen travers de tous les chemins confisqués.Shoah, Samudaripen. L’horreur de l’extermi-nation aurait pu être dénoncée dans les méca-nismes qui conduisirent à éliminer tous ceuxqui, pour des raisons diverses, portaientatteinte au fantasme psychopathe de lapureté : Juifs, Tsiganes, homosexuels, com-munistes, asociaux, résistants. Ce rêve mons-trueux d’une sociétéhomogène consti-tuée de clones que lenazisme porta auxnues demeure. Depuis,la manipulation de masseest devenue un art magistrale-ment exercé par la classe politi-que et les médias, marionnettedroite et marionnette gauche d’uneploutocratie cupide. Les bronzésfont tache, les nomades introdui-sent du flou dans la photo degroupe, les immigrés dépareil-lent. De façon très habile, l’hor-reur générée par l’holocauste aété capitalisée au profit d’ungroupe important, mais non exclu-sif de victimes. L’extermination estdevenue l’extermination des Juifs.L’analyse d’un système économico-militaire fondé sur l’exploita-tion à mort de tous les groupeshumains différents est éludée. Etpourtant… Ce qu’il aurait peut-être falluretenir de cet épisode, ce sont les fortunescolossales qu’il permit d’édifier sur l’in-dustrialisation du travail forcé (un ouvrier

    sur cinq pendant le IIIe Reich). Ces fortunes,aujourd’hui, n’ont cessé de prospérer. Pourles puissants, la haine des peuples est uneaffaire juteuse. L’Holocauste est devenu unetragédie juive, alors que c’était un choix desociété global poussant jusqu’au délire lesmécanismes discriminatoires sur lesquelssont assises nos sociétés.

    La France hait la diversité, et c’est bienpratique pour se procurer une chiourme,ainsi que pour noyer le poisson chaque foisque la cupidité des riches devient obscène.Quand on est aux manettes, pour manipulerle populo, on n’a pas besoin d’imagination,l’Histoire n’en a aucune. Depuis six siècles,depuis leur arrivée en Europe de l’Ouest, lesTsiganes sont persécutés. La culturenomade, basée sur les liens de parenté et nonsur une identité géographique, fascine etrévulse les sédentaires. Pour remédier à cettegêne, il est plus simple de s’attaquer auxGitans qu’à nos sentiments. La haine, quinous est consubstantielle, est évidemment leproblème en soi, peu importe ce qui l’excite.Renoncer à la nourrir, l’identifier avantqu’elle passe pour ce qu’elle n’est pas – uneopinion – devrait être l’objectif de touthumain qui n’a pas envie de passer sa vie àse replier sur ses rancœurs comme une huîtremalade. Mais cela ne servirait pas l’intérêt

    des puissants.

    Donc rallumons le feu ! Reprenons lesmêmes, ils sont toujours là. Malgré les mas-sacres, malgré cinq siècles d’esclavage, mal-gré l’extermination, malgré une espérancede vie de quinze ans inférieure à celle desautres nationaux et des taux de mortalitéinfantile comparable à ceux des pays dits envoie de développement, ils sont toujours là.Leurs rangs sont même grossis par les mou-vements de migration récents, d’ailleurslimités : autour de 15 000 Rroms venusd’Europe centrale ou orientale. S’ajoutantaux quelque 130 000 « gens du voyage »,euphémisme visant à désigner les Kalé,Sinté, Yéniches français complètement itiné-rants, ils commettent l’exploit de saturer lesémissions de télé et les rapports de policedans des proportions absurdes si on se réfèreà leur nombre. Et comme toujours, le pro-blème essentiel est éludé : celui des droitsdes plus pauvres, et particulièrement le droitau logement.

    Pour les nomades, c’est un casse-tête : leslois Besson (l’autre) qui prévoyaient desaires d’accueil dans toutes les communes deplus de 5 000 habitants, servent de papier-cul à la plus grande partie des municipalités.Quand elles existent, ces aires d’accueil,elles sont souvent minimalistes. Donc les iti-nérants s’installent comme ils le peuvent, oùils le peuvent. Les possibilités d’expulsionssont conditionnées par l’existence ou pas

    desdites aires, mais aussi d’un risqueavéré d’atteinte à la salubrité, la sécu-

    rité et la tranquillité publiques. Lesgroupes de grands passages, géné-ralement, connaissent bien la loiet rappliquent dans toutes lesaires où ils s’installent illégale-

    ment avec des liasses de formulai-res à faire remplir par les municipaux.

    Dès que le moindre rififi se profile, ilssont prompts à faire valoir leurs droits

    devant les tribunaux, qui dans l’ensembledéboutent les communes. Mais tout lemonde n’a pas le bonheur d’être aussi bienorganisé. Contrairement aux idées reçues, lagrande majorité des voyageurs bosse, exer-çant selon les opportunités et les saisons desmétiers variables qui vont de l’artisanat et ducommerce ambulant aux travaux agricoles.Ils sont nombreux à vendanger, par exemple.Toutes ces activités suffisent à les faire vivreet à payer les carrosses qui font grincerd’aigreur le populo. Quant aux Rroms issusde l’esclavage, qui ont été émancipés plus

    12 – Roms attitude

  • Roms attitude – 13

    Et le vrai problèmeposé par les « gens duvoyage » sous couvertdu faux problème lié àleur marginalité passeà la trappe : peut-on,dans ce pays dit desdroits de l’homme,mener la vie qu’onveut ? Se loger selonses moyens ? Refuserle salariat, le consumé-risme, la contraintegéographique et tem-porelle ? Car comme lerelève l’associationHalem, si les Tsiganessont 150 000, les habi-tants de lieux mobiles,de cabanes, de squats,approchent les 2 mil-lions dans notre pays.Pour beaucoup d’entreeux, il s’agit d’un

    choix de vie délibéré : travaillermoins, consommer moins pour vivremieux. Avoir de petits besoins et degrands espaces de liberté. Préférer laprécarité à la lobotomie d’une viesacrifiée au salariat. Se foutre de lasécurité, chérir la liberté. Fuir lagrise aliénation d’une existence où il fautpenser à la retraite dès l’âge de 15 ans.Pourquoi les Tsiganes ne peuvent-ils camperoù bon leur semble ? Pourquoi ont-ils tantde mal à faire valoir les droits qu’ils ontpourtant, pourquoi les autorités s’ingénient-elles à leur rendre la vie impossible ?Pourquoi une caravane n’est-elle pas unlogement ? Pourquoi ne peut-on se domici-lier sur un terrain non constructible, mêmes’il est à nous ?

    Comme dit le sénateur Hérisson, « Je nepense pas que le gouvernement veuille allerdans le sens d’une reconnaissance de lacaravane comme logement, car cela auraitdes conséquences incalculables. » Un peu,mon neveu ! Si les Romanichels n’étaientpas persécutés, ça pourrait nous donner uneméchante envie de vivre comme eux. Oncomprend mieux les cacas nerveux du gou-vernement. Toutes ces manœuvres ne visentpas qu’à nous désigner des boucs émissai-res. Elles cherchent aussi, en victimisant lesfils du vent, à nous dissuader de choisir leurmode de vie.

    LAURENCE BIBERFELD

    tard que les Juifs en France (1864 !) et trim-ballent toujours un stigmate à côté duquelcelui de nos indigènes ressemble à unepiqûre de moustique (depuis 1500, le mot« tsigan » est synonyme d’esclave), ils ten-tent tout simplement une survie rendue acro-batique par l’impossibilité légale detravailler comme de se loger, et quoiquecitoyens européens, on trouve que leursbesoins constituent pour l’État français unecharge insupportable. Pourtant les besoins detous seraient largement satisfaits avec uneponction d’un centième à peine de la fortuned’un seul des vautours qui président à nosdestinées, mais il est inconvenant de se poserla question en ces termes. Pour bien montrerque le gouvernement n’est pas raciste et nedemande qu’à aider les plus méritants, il ainstitué des villages d’insertion pour lesRroms qui acceptent de ne plus faire le yo-yoentre la Roumanie et la France, de se plieraux desiderata d’un essaim de personnelssociaux, de rentrer dans le salariat comme onrentre dans les ordres. Inutile de dire que laproportion de Rroms jouissant de ce privi-lège est modeste. On peut penser qu’êtrequasiment assigné à résidence, fliqué dansses moindres mouvements, dépossédé de sonlibre arbitre pour le privilège d’habiter unmobile-home qu’on paye 10 % de ses reve-nus donne à l’intégration un goût de désinté-gration, mais c’est pur mauvais esprit. LaFrance est un pays d’accueil, la preuve.

  • « Si cela s’est produit, alors cela se reproduira ! »PRIMO LEVI.

    14 – Roms attitude

    IL ÉTAIT UNE FOIS deux petits paysnichés dans ce qu’il convient denommer le continent européen.

    Aujourd’hui nous allons parler dedeux petits hommes que beaucoupde points rapprochent. L’un et l’au-tre furent élus Chef démocratique-ment, par une classe moyennefrileuse de perdre ses acquis, trèssoutenus par une classe dirigeantefaite d’industriels et de calculateursvampiriques…

    Les deux petits hommes sont deshyperactifs, sans doute est-ce là undébut d’explication quant à leurobsession de vouloir diagnostiquerles troubles du comportement chezles enfants dès l’âge de 2 ou 3 ans.Dépistage précoce des troublesmentaux chez l’enfant et l’adoles-cent. Rapport du secrétaire d’État àla justice remis le 3 novembre. 2010au nabot léon. Que fait-on de(s)l’enfant(s) concerné(s) ? Isolementpar enfermement, camisole chimi-que ? (coûteux) Élimination physi-que ? (moins coûteux ?)

    Ces deux psychopathes mégalo-manes sont épris de vie saine, ce quiinflue sur leur comportement réci-proque, une détestation des boissonsalcoolisées qui tourne à l’obsessionnel. L’unest franchement végétarien. Pour les deuxles plaisirs de la table sont une perte detemps.

    Pour les deux la conviction profonde, che-villée au corps, est qu’ils incarnent celuiqu’attend le pays qui, grâce à eux, va releverenfin la tête pour aller vers son grand destin.Leur xénophobie est une chose troublantechez ces personnes éprises de l’idée d’unegrande Europe. Les grèves tolérées, presqueobligatoires, sont la grève générale de l’in-telligence.

    Pour atteindre ce but suprême, chaqueChef s’entoure d’un aréopage de conseillerset de ministres inutiles, puisque seul le Chefsait ce qu’il convient de dire et de faire.L’avantage que procurent ces lèche-bottesc’est de porter haut et fort les paroles subli-mes du Chef. Néanmoins, il faut savoirs’entourer d’idéologues convaincus, à lapensée droite, juste et sans faille. Ces minis-tres vont ardemment s’atteler à la tâche laplus importante : l’épuration de la popula-

    tion que le laxisme des prédécesseurs a laisségangrener par une immigration massive,incontrôlée, à l’origine des pires troubles ettrafics. Pour se faire, on balance des petitesphrases (vite appelées des maladresses), peti-tes phrases qui ont pour but d’habituerl’oreille et les tronches aux propos nauséeux,aussi de mesurer jusqu’où peut aller la pro-vocation, et de constater avec satisfaction, laplus totale inertie des mass médias, qui par-fois rajoutent même un commentaire com-plice ou pour le moins goguenard.

    Après avoir battu la campagne sous lerègne de la peur : peur des jeunes. Peur desjeunes de banlieues. Peur des jeunes de ban-lieues, issues de l’immigration. Peur del’immigration. Peur de l’immigré. Ceci étantfait, maintenant il est de la plus haute impor-tance de désigner le pire des migrants. Celuiqui, depuis toujours, effraie dans les chau-mières pleines d’esclavagisés, empatriotés,avec dans l’idée que le pire vient du dehors.Et c’est le Rom, ce privilégié. D’autant que,la plupart des citoyens stigmatisent complai-

    samment une race, un groupehumain, sans avoir la moindre idéede ce quoi il s’agit. Le Rom est mou-vant. Pour des sédentarisés indécrot-tables il incarne le pire de tous. C’estarchaïque. Alors on développe cettepeur à l’extrême pour justifier ducomportement des sinistres encharge de ce dérivatif. Nous fournis-sons le coupable de vos maux, ainsique nous montrons notre force àmater les plus rebelles. Tremblezdans vos chaumières et cessez devous plaindre. Voyez ce que nousréservons aux cas incontrôlables. Duspectacle – démolition des campsavec des bulldozers surdimension-nés et force caméras pour les JTs quirelaient l’immonde avec délectation.On expulse. On avionne avec lacomplicité de compagnies aériennesbien taiseuses. Plus tard, dans l’undes deux pays, on inaugure unmoyen plus radical : les camionsplombés où le pot d’échappementfinit dans la partie réservée auxsujets visés. Pour l’autre pays, onn’en est pas encore là, peut-êtreparce que l’on sait que cette popula-tion bannie devient de plus en plusfragile physiquement et psychique-ment, elle meurt. Mortalité massive,en majorité jeune. On peut peiner à

    croire que ce soit une volonté délibérée, maisalors qu’on le dise si ça n’est pas de cela dontil est question. Quel espoir ont ces parias ?

    Dans cette petite histoire, une chose resteimpossible, puisque ça n’est pas une histoireimaginaire, c’est le fait que les deux Chefs nese rencontrent jamais. Celui qui fit œuvre depionnier en la matière a débuté sa véritableascension dans les années 1920 pour devenirChef suprême dans les années 1930, alors quele second débute dans les années 1990 pouratteindre la Chefferie suprême, courant 2007.

    Ils se marièrent et eurent de nombreuxenfants… FIN ? Ou à suivre… ?

    Jusqu’où cela ira ? Jusqu’où, le silenceassourdissant de ceux qui ont la possibilitéde parler au plus grand nombre va-t-il nousconduire ?

    Sur le front des grèves ? Au moins il aurafait beau ! Pas pour tous, hélas !

    GABAR

  • L’ATTAQUE depuis cet été, par les plus hautesautorités de l’État, des Tsiganes, avec des-truction de campements, est une dangereusenouveauté : c’est la première fois, depuis lesmesures contre les Juifs de 1940, qu’ungroupe ethnique est officiellement stigmatisécomme posant en tant que tel un « pro-blème » imposant un « traitement » spécifi-que. Et la précaution oratoire consistant àparler de « certains parmi les gens du voyageet les Roms » ne saurait faire illusion.Imaginons le tollé que produirait de nos joursà juste titre une phrase évoquant avec lamême précaution les « problèmes que posentles comportements de certains Juifs » !

    De même, la proposition d’extension de ladéchéance de la nationalité modifie demanière radicale la conception de la nation ;il y aurait deux sortes de Français : ceux quile seraient de manière essentielle, dont lanationalité ne saurait être remise en cause etpuis les autres, dont la nationalité française

    serait comme un attribut temporaire etconditionnel.

    Si la politique d’expulsion de sans-papierscontinue de plus belle, nous assistonsaujourd’hui à un élargissement de la cible :la frontière entre « eux », les étrangers indé-sirables et « nous » se déplace à l’intérieurdes frontières.

    Les populations visées par la suspicionsont françaises (c’est le cas de 90 % desTsiganes et depuis longtemps), mais ontquelque chose d’étranger au standard duFrançais moyen : les jeunes de banlieue (etparfois les jeunes tout court), les couplesmixtes, les gens de couleur, les musul-mans… Ces populations ont en quelquesorte « un pied dedans, un pied dehors ». Augré des événements médiatiques, on mettraau pilori l’une ou l’autre pour justifier unepolitique de plus en plus sécuritaire etdétourner les colères des citoyens des res-ponsables de leur situation.

    Roms attitude – 15

    La citation suivante, et son commentaire,donnent un bon aperçu de comment fonc-tionne la désignation de cible : ici l’immigra-tion. Elle provient de M. Frédéric Lefebvre,porte-parole de l’UMP :

    « La délinquance, chacun sait qu’il y a desliens avec l’immigration, chacun le sait.C’est souvent pas correct de le dire, maisc’est une réalité que chacun connaît. »

    On a là une vigoureuse expression de ladoctrine qui était jusqu’alors l’apanage duFront national et qui vient d’être validée offi-ciellement à Grenoble par le chef de l’État.On ne sait pas si le terme immigration dési-gne les étrangers qui arrivent sur notre sol oules Français issus des immigrations plus oumoins lointaines. Mais attention, il y a biend’autres messages cachés dans cette petitephrase, qui n’est évidemment pas un déra-page : la répétition de « chacun le sait » et de« chacun connaît » en appelle bien sûr au« bon sens » (on ne cesse d’y revenir) ; maiselle prétend nous parler aussi d’expérience :vous avez bien une grand-mère qui s’est faitvoler son porte-monnaie, une sœur qui s’estfait embêter dans la rue, c’était bien un Noirou Arabe, non ? Vous vous êtes fait cambrio-ler récemment ? Il y a bien un camp rom pasloin de chez vous ?… Voilà ce que, mine derien, nous dit, dans le climat actuel, cettepetite phrase.

    Elle dit aussi autre chose. L’énoncé « c’estsouvent pas correct de le dire » signifie :nous vivons sous un régime de dictature desbien-pensants où il faut beaucoup de couragepour dire tout haut ce que tout le mondepense tout bas. Il est temps de libérer laparole et, par l’exemple que je vous donne, jevais vous y aider : allez-y, lâchez-vous !Nous vous soutenons !

    Comme cela avait été tenté avec le débatsur l’identité nationale, les chiens sontlâchés. Mais il faut encore s’assurer que l’en-nemi est bien identifié : l’immigré. Et peuimporte qu’il soit en fait français ou étranger,son apparence suffira à le faire reconnaître.Pour enfoncer le clou, on feint de parler« peuple » : Lefebvre omet soigneusement le« ne », marqueur de la négation en « bonfrançais ». Il dit : « c’est pas correct » au lieude « ce n’est pas correct ». Sous entendu :nous ne sommes pas de ces élites totalementignorantes de la « réalité », enfermées dansleurs beaux quartiers, qui se permettent à boncompte d’éprouver de beaux sentiments.Nous sommes proches du peuple, conscientsde cet enfer que vous font vivre au quotidienles délinquants-immigrés.

    JEANcourriel :[email protected]

    Le retour de très vieilles ombres

  • 16 – mémoire aux poings

    « Que tous les Grands de la terre et que tous les nobles fussent pendus avec lesboyaux des prêtres. » Ces fortes paroles inspirèrent plusieurs variantes égayantles murs en mai 1968. Qui se rappelle qu’elles furent écrites il y a près de 300ans par un curé de campagne ? Son Mémoire est un cri universel pour que l’hu-manité s’émancipe de ce qui l’infantilise et l’exploite, les religions et les pou-voirs. »

    Une vie après la mortPar une nuit, probablement sans lune, troissilhouettes, dont deux portent ce qui sem-ble être une soutane, enterrent discrète-ment un cadavre dans le jardin dupresbytère. Nous sommes à Étrépigny,petit village ardennais de 400 âmes, le28 juin 1729. Pourquoi le clerc du lieu etdeux curés du voisinage se débarrassent-ils d’un corps, sans plaque ni pierre tom-bale ? Le lendemain les habitants,demandant des nouvelles de leur prêtre, illeur est ordonné de ne plus s’enquérir deJean Meslier, qui fut pourtant leur curédurant quarante ans ! Le spectre deMeslier terrorise ces serviteurs de Dieu : ila laissé deux lettres, affirmant « ne plusdevoir maintenant faire encore difficultéde dire la vérité », « avoir mille fois mau-dit dans le cœur les vaines et abusivesfonctions de ce vain ministère » et que« toutes les religions ne sont qu’invention

    à la solde du pouvoir pour abuser le peu-ple. » Diable, cela sent l’apostasie ! Cemaudit curé précise qu’il a écrit unMémoire. Ciel !

    Il suffit de quelques années pour quedes copies du Mémoire circulent. Voltairey fait allusion dans une lettre de 1735. En1762 il en tire un abrégé, Le Testament ducuré Meslier, qui se révélera un détourne-ment du texte original. Ce n’est qu’en1864 qu’une version complète sera éditéeà Amsterdam en seulement 500 exemplai-res. Meslier ne sortira de l’oubli qu’en1965, à travers la biographie que luiconsacre Maurice Dommanget. Paradoxa-lement son nom figure sur un obélisque àMoscou, gravé par les bolcheviques en1919 ! Ainsi les bourreaux des marins deCronstadt et des paysans anarchistesmakhnovistes glorifient un homme qu’unde ses contempteurs accuse d’avoir« composé au seuil de sa vie une œuvreanarchiste, destructrice de la Société » !

    Docteur Jekyll et mister HydeJean Meslier naît dans une famille aiséeardennaise. Malgré son peu d’enthou-siasme, son père l’inscrit au séminaire deReims et son chemin (de croix ?) le

    conduit à la cure d’Étrépigny, vil-lage de paysans, de bûcherons, demanouvriers. L’église jouxte unchâteau, et la forêt voisine abriteune abbaye qui prélève la dîmesur les paroissiens. Contrairementà ses prédécesseurs, il est cultivéet ne boit pas, ce qui lui vautd’être bien noté par ses supé-rieurs. Certes, il ne moralise sesouailles que très modérément et ilprend une servante de 23 ans, car« il faut être sot pour ne pas parbigoterie et par superstition goû-ter au moins quelques fois à cedoux penchant de la nature ». Ilaime bien ses fidèles, même s’ilregrette leur penchant pour lasuperstition. Cette vie paisible est

    bouleversée par deux événements qui lemarquent profondément.

    Le « grand hyver » de 1709 décime ani-maux, plantes, humains. Mais le châtelain,les moines et le roi continuent à préleverles impôts. Meslier enrage de voir sesparoissiens réclamer des prières collecti-ves, au lieu de s’en prendre aux puissants.« Comment Dieu peut-il affliger les hom-mes de peste, de maladie, de guerre et defamine ? Comment se plairait-il à les voirmourir de faim et de misère ? » Il pro-nonce plusieurs sermons hostiles à lanoblesse.

    En 1716 il admoneste le seigneur dulieu. « Nous prierons Dieu pour Antoinede Touilly, qu’il lui fasse grâce de ne point maltraiter le pauvre et dépouillerl’orphelin. » Ses prêches deviennent desréquisitoires et le châtelain sollicite l’in-tervention de l’archevêché, qui lui imposede s’amender, de se séparer de sa servantede 20 ans et de passer un mois de médita-tion au séminaire de Reims. Il renonce àl’affrontement direct, pas à ses idées.Prêtre docile le jour, il va consacrer les dixdernières années de sa vie à la rédactionnocturne d’un mémoire contre Dieu,contre les religions, contre le roi et lanoblesse. « Les pauvres sont soumis aurégime de l’espérance, rien sur terre, toutau ciel, les derniers seront les premiers etautres mensonges inventés pour les teniren rang, leur faire payer moult impôts sansprotestation, ni révolte. »

    Des dieux et des puissants faisons table rase

    « Vous serez misérables et malheureux,vous et vos descendants, tant que voussouffrirez la domination des princes et desrois de la terre, vous serez misérables etmalheureux, tant que vous suivrez leserreurs de la religion. » Dans le Mémoirede nombreux exemples montrent que lafoi est l’abdication de la raison, oùl’homme-boa avale n’importe quoi. JeanMeslier met le doigt sur les contradictions

    Jean Meslier, curé sans dieu ni maître

  • mémoire aux poings – 17

    des textes sacrés, les fausses prédictionsdes prophètes, la notion guerrière de« peuple élu » citée dans l’AncienTestament : « Vous ne ferez point d’al-liance avec les autres Peuples, et vous neleur ferez aucune grâce, au contraire vousles détruirez. » Il dénonce l’Église qui jus-tifie cyniquement sa richesse dans leNouveau Testament : « Si nous avonssemé parmi vous les biens spirituels, est-ce une grosse affaire si nous moissonnonsvos biens corporels. » Se débarrassant deDieu, il jette avec l’eau (bénite) du bainses thuriféraires : « Les ecclésiastiques,moines et abbés richement dotés de reve-nus, ces diseurs de messes et de bréviairesridiculement déguisés n’ont aucune utilité,qu’on les mette au travail pour le biencommun. » L’alliance du trône et de l’au-tel est permanente : « La religion soutientle gouvernement politique si méchant qu’ilpuisse être ; et à son tour le gouvernementsoutient la religion si sotte qu’elle puisseêtre. » Pour faire table rase il fait appel auxtyrannicides : « Où sont passés ces géné-reux meurtriers de Tyrans que l’on a vudans les siècles passés ? »

    Ouvrant des chemins qu’emprunterontplus tard Babœuf, Kropotkine, Bakounine,il propose de construire un monde basé surla collectivisation des terres, la jouissancecommune des biens, l’égalité communau-taire, l’amour libre : « Un autre abus estl’appropriation particulière que les hommesfont des biens et des richesses de la terre, aulieu qu’ils devraient tous également les pos-séder en commun et en jouir aussi tous éga-lement en commun. » La misère renforceune société de domination : « Si vous met-tez les peuples dans l’abondance, ils ne tra-vailleront plus, ils deviendront fiers etindociles et seront toujours prêts à se révol-ter ; il n’y a que la misère et la faiblesse quiles rend souples. »

    À voir : Le Curé Meslier. Précurseur du Siècle des Lumières, un film d’Alain Dhouailly, produit par GénéralMemo Kyoko Nagasawa et les Jardins – Jeudis de La Spouze 2007Voix et interprétation : René Bourdet. Extraits musicaux : Music for Bass viols et Songes et éléments.Dvd, durée 55 mn. Envoi contre 15 euros, adhésion et frais de port compris à l’ordre de l’AssociationCentre Créations Culturelles La Spouze, 23230 La Celle-sous-Gouzon.Ou auprès d’Alain Dhouailly, 7, rue de Prague, Paris 12e, Tél. : 01 43 47 01 20.

    À lire également : Lire Jean Meslier, curé et athée révolutionnaire, introduction au mesliérisme et extraitsde son œuvre, par Serge Deruette, préface de Roland Desné, 2008, éditions Aden, collection Opium dupeuple.

    C’est la faute à Voltaire« Le peuple sera toujours sot et barbare, cesont des bœufs auxquels il faut un joug etdu foin. » L’auteur de ces fortes parolesn’est autre que le symbole des Lumières,François Marie Arouet, dit Voltaire. Celuiqui fréquenta les Grands et laissa uneénorme fortune s’éteint en disant : « Jemeurs en adorant Dieu. » C’est le mêmequi fait imprimer en Hollande un abrégé àsa sauce du Mémoire, intitulé Le Testamentdu curé Meslier, présenté comme « témoi-gnage d’un curé qui, en mourant, demandepardon à Dieu d’avoir enseigné le christia-nisme ». Il en fait un texte déiste, en effacetoute référence sociale. Il est vrai que, pourlui « le mensonge est un vice quand il faitdu mal, c’est une grande vertu quand il faitdu bien ». Car « ce curé voulait anéantirtoute religion et même la naturelle, aussises abrégés sont-ils purgés du poison del’athéisme ». De toute façon la populaceest ignorante et doit le rester : « Pourquoiadresser ce testament à des hommes agres-tes qui ne savent pas lire ? Et s’ils avaient

    pu lire, pourquoi leur ôter un joug salutaire,une crainte nécessaire qui seule peut préve-nir les crimes secrets ? La croyance despeines et des récompenses est un frein dontle peuple a besoin, la religion bien épuréeserait le premier lien de la Société. » Lamesse est dite…

    L’Histoire est encombrée de nombreuxintellectuels libéraux qui adorent le « peu-ple », tant qu’il reste soumis. Dés qu’il serévolte, s’unit, s’autonomise, il faut viterefermer la cage. Émile Zola se remet ainside sa terreur du printemps 1871 : « Le bainde sang que le peuple de Paris vient deprendre était peut-être d’une horriblenécessité pour calmer certaines de ses fiè-vres. Vous le verrez maintenant grandir ensagesse et en splendeur. » Dans Germinaltranspire sa hantise d’une révolution popu-laire : « C’est la vision rouge de la révolu-tion qui les emporterait tous, par une soiréesanglante de cette fin de siècle. Oui, unsoir, le peuple lâché, débridé, galoperaitainsi sur les chemins ; et il ruissellerait dusang des bourgeois. Oui ce serait la mêmecohue effroyable, de peau sale, d’haleineempestée, balayant le vieux monde, sousleur poussée débordante de barbares. »

    Meslier doit, encore aujourd’hui, seretourner dans sa tombe, car les religionsconservent tout leur parfum d’opium dupeuple. Les mouvements sociaux sontcontrôlés, endigués, redirigés vers lesurnes et le « Parti-Église » s’oppose à toutdébordement qui pourrait conduire àl’auto-organisation, à l’autogestion. Pour-tant « s’il est douloureux de subir ses chefs,il est encore plus bête de les choisir »…

    ÉLAN NOIR

    À lire Les Aventures véridiques de JeanMeslier (1664-1729), curé, athée et révolu-tionnaire de Thierry Guilabert, paru auxÉditions libertaires en 2010.