Commentaire de Texte Chapitre XVIII Candide
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COMMENTAIRE DE TEXTE
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CANDIDE, Voltaire (Chap. XVIII, Ce qu’ils virent dans le pays d’Eldorado)
INTRODUCTION
(Phrase d’accroche)Au XVIIIème siècle, la France et l’Europe sont inscrites dans une
perspective de changement. (Développement) En effet, l’association de la montée des
contestations et de la volonté d’amélioration de la condition humaine amène à l’apparition
d’une pensée philosophique : le mouvement des Lumières. En France, Voltaire (François-
Marie Arouet) est un des acteurs de cette philosophie. Les principaux axes de cette pensée
renvoient à la critique du régime autoritaire du roi et à la recherche de solutions visant à
l’amélioration de la société. (Contexte de l’œuvre) Dans ce contexte instable, Voltaire écrit
de nombreuses œuvres, telle que le conte philosophique Candide (ou l’optimisme). Cette
œuvre raconte les aventures du jeune Candide, qui recherche - malgré ses nombreuses
péripéties - sa bien-aimée, Cunégonde. A travers cet objectif et les différents obstacles qu’il
rencontre, il construit sa réflexion sur la condition humaine. Cet ouvrage est animé de
références anglo-saxonnes (Voltaire fut en exil en Angleterre) et de ses pensées
philosophiques.
(Bref résumé du texte) Le chapitre XVIII, Ce qu’ils virent dans le pays d’Eldorado, est
la description d’une visite en un monde merveilleux, en opposition au monde européen.
(Questionnement par rapport à ce texte) Quelles en sont les caractéristiques ? En quoi ce
monde est-il plus merveilleux qu’un autre ? Quelle est la vraisemblance de ce monde ? Quel
est le message de l’auteur ?
(Présentation du plan) Dans un premier temps, nous analyserons le caractère
extraordinaire de l’Eldorado. Dans un deuxième temps, nous caractériserons la population
de ce monde merveilleux (son peuple et ses principes). Enfin, dans un troisième temps, nous
aborderons les éléments du message de Voltaire, en précisant ses références.
I. Une découverte extraordinaire, proche de l’illusion
a) Une situation extraordinaire
(Idée 1)Dans un premier temps, l’auteur - en focalisation omnisciente - décrit un monde
merveilleux, digne d’un conte. Il s’agit d’ailleurs du genre de cette œuvre (conte
philosophique). (Citation/Justification par la forme) En effet, on constate une multitude de
termes renvoyant au thème du merveilleux. Ainsi on relève notamment des moutons rouges
et volants ; de la terre d’or ; des cailloux de pierres précieuses ; un vieillard de cent soixante-
douze ans et des montagnes droites de dix milles pieds de hauteur. De plus, la tonalité
extraordinaire de ce texte mêlée à des éléments d’un monde réel accentue le caractère
inattendu de ce pays. (Explication) Tous les ingrédients sont donc réunis pour faire adhérer
le lecteur à ce pays merveilleux. Ce dernier, à travers l’auteur et les personnages, parait
entrer dans un rêve (pas si éloigné de la réalité) où tout semble possible.
(Idée 2) Dans un deuxième temps, le milieu naturel de ce pays parait être très riche. On
observe une certaine abondance de richesses. (Citation/Justification par la forme) En effet,
il n’est pas constitué de terre mais d’or et de pierres précieuses. C’est de cette composition
qu’il tire le nom d’Eldorado (le doré). Ceci s’associe à une accumulation de termes qui amène
l’idée de richesse tels que : « or ; argent ; rubis, émeraudes ; diamants ; plumes de colibri ».
Cependant, la présence d’antithèses et d’euphémismes (cf. b)) atténuent cet aspect luxueux.
(Explication) Cet Eldorado est un pays rempli de richesses, mais elles semblent n’avoir
aucune valeur pour ses habitants.
(Idée 3) Dans un troisième temps, ces richesses semblent être à la fois matérielles
(comme nous venons de le voir) et immatérielles. (Citation/Justification par la forme)
L’auteur décrit, en effet, une société qui fonctionne à merveille. Les termes employés pour
traduire la réaction des habitants et leur accueil (le vieillard, le roi et sa cour) renvoient à
une attitude courtoise et agréable, malgré les questionnements répétitifs de Candide sur
leur mode de vie. Ainsi on relève notamment : « il rougit ; il satisfit à leur curiosité ; qui les
reçut avec toute la grâce imaginable et qui les pria poliment à souper ». En outre, la
ponctuation des phrases de ces individus reste affirmative, contrairement aux propos de
Candide qui sont souvent exclamatifs et interrogatifs. (Explication) Cela traduit d’une
certaine sagesse des habitants de l’Eldorado et d’une civilité bien ancrée. On peut noter le
contraste qui apparait entre Candide et ces gens. Les propos de celui-ci montrent
l’émerveillement qu’il porte à ce monde inconnu.
b) Un monde antinomique, en opposition à la réalité
(Idée 1) Tout d’abord, ce texte présente de fortes oppositions notamment par rapport au
contraste antinomique que l’auteur fait avec la richesse du pays. (Citation/ Justification par
la forme) En effet, on observe que l’auteur associe cette opulence à la simplicité. Ainsi on
note, concernant la description des habitations luxueuses et celle du pays, les termes : « fort
simple ; extrême simplicité ; selon l’usage ordinaire ; mon pays est peu de chose ». Toutefois
dans la phrase : « Jamais on ne fit meilleure chère, et jamais on eut plus d’esprit à souper
qu’en eut Sa Majesté », la répétition du terme « jamais » montre que l’auteur conçoit la
magnificence de ce pays. (Explication) Il semble que cette association soit ironique, afin
qu’en suggérant la simplicité, on traduise - encore plus fortement - de l’importance de ces
richesses.
(Idée 2) Ensuite, on constate un anticonformisme concernant les relations entre
humains. (Citation/ Justification par la forme) En effet, comme nous l’avons vu
précédemment, la richesse du milieu naturel de l’Eldorado, n’a aucune valeur pour ses
habitants. Ainsi on note : « Je ne conçois pas, dit-il, quel goût vos gens d’Europe ont pour
notre boue jaune ». (Explication) Par conséquent, on peut penser que ces richesses sont les
mêmes pour tous les habitants de l’Eldorado et donc qu’il n’y a pas de hiérarchie de richesse
entre eux. Mais cet aspect est contradictoire avec le fait que leur moyen d’échange soit la
Livre Sterling et qu’ils aient un roi. (Citation/ Justification par la forme) En outre, on
constate une situation en contradiction avec le contexte de l’œuvre. En effet, les gardes du
roi et ses officiers sont majoritairement des femmes : « Vingt belles filles de la garde […] les
grands officiers et les grandes officières ». (Explication) Ceci parait surprenant pour l’époque
(1759), car la parité homme-femme n’existait pas encore.
(Idée 3) Pour terminer, on constate une inversion des rôles entre Cacambo, le valet et
Candide, le maître. (Citation/ Justification par la forme) En effet, l’auteur emploie des
pronoms masculin singulier pour faire référence aux deux personnages : « son, lui ». De plus,
la phrase : « Candide ne jouait plus que le second personnage, et accompagnait son valet »
confirme cet échange de rôle. En outre les phrases : « fit demander par Cacambo ; Cacambo
demanda humblement ; dit Cacambo, qui servait toujours d’interprète aux doutes de
Candide ; Cacambo demanda à un grand officier ; Cacambo expliquait les bons mots du roi à
Candide » montrent que Cacambo a le pouvoir sur Candide. (Explication) Cette permutation
des rôles s’explique par la barrière de la langue. Le valet, d’origine étrangère, sait parler et
traduire la langue des habitants de l’Eldorado. Ceci accentue le caractère contradictoire du
texte et renforce l’étrangeté du monde dans lequel ils ont fait escale.
c) L’effet produit et les réactions des personnages : Candide et Cacambo
(Idée 1) Tout d’abord, du point de vue textuel, on constate que l’auteur fait preuve de
beaucoup d’humour et d’ironie dans ce texte. (Citation/ Justification par la forme) En effet,
il utilise une multitude d’antithèses telles que : « Ils entrèrent dans une maison fort simple,
car la porte n’était que d’argent […] ; au milieu de deux files chacune de mille musiciens,
selon l’usage ordinaire […] ; Après avoir parcouru, toute l’après-dinée, à peu près la
millième partie de la ville ». Il emploie aussi, de façon répétitive, le terme « que » qui semble
atténuer l’importance de ce qu’il décrit. En outre, lorsqu’il parle du vieillard de cent
soixante-douze ans, il ajoute ensuite : « Excusez-moi, leur dit-il, si mon âge me prive de
l’honneur de vous accompagner ». (Explication) Par conséquent, on observe que l’auteur se
joue de son propre texte en incorporant des pointes d’humour dans ses propos. Cela laisse
penser que l’auteur sait qu’il décrit quelque chose d’extraordinaire, mais laisse le lecteur
appréhender, de lui-même la véracité des faits.
(Idée 2) Ensuite, on observe que Candide - contrairement à Cacambo - est subjugué par
ce pays qui lui était inconnu. (Citation/ Justification par la forme) En effet, Candide par ses
interrogations montre sa curiosité. Le nombre élevé de questions qu’il pose, traduit de son
désir d’en savoir plus sur ce pays. La litote : « De tout ce qui étonnait Candide, ce n’était pas
ce qui l’étonna le moins », précise son attitude et la surprise qu’il ressent de constater
l’extraordinaireté de ce pays. (Explication) Candide est littéralement en « extase » devant ce
monde dont il semble avoir toujours rêvé, compte tenu de ce qu’il a vécu depuis sa sortie du
château de Thunder-ten-tronckh.
(Idée 3) Enfin, face à tant de nouveautés, Candide effectue un parallèle entre ce monde
et le sien. (Citation/ Justification par la forme) En effet, dans la partie du texte où il fait
référence à Pangloss, Candide, pour la première fois, contredit les propos de son précepteur
de philosophie. Pour lui, l’Eldorado est le meilleur des mondes, contrairement au château de
Thunder-ten-tronckh. En outre « il est certain qu’il faut voyager », traduit la nécessité de
prendre du recul sur sa condition et ainsi de l’améliorer, en vivant des choses nouvelles. De
plus, on ressent la transformation de Candide vis-à-vis de la découverte de ce pays : « Si nous
restons ici, nous n’y serons que comme les autres ; au lieu que si nous retournons dans notre
monde seulement avec douze moutons chargés de cailloux de l’Eldorado, nous serons les
plus riches ». (Explication) On observe donc que Candide compare son propre monde à celui
de l’Eldorado et en tire de fines conclusions. Il est très surpris par ce pays et il l’apprécie
réellement, mais il sait aussi comment s’en servir. A l’inverse, Cacambo ne montre aucun
étonnement (ni sentiment) vis-à-vis de ce monde.
II. Un peuple parfait dans le meilleur des mondes
a) La situation du pays Eldorado
(Idée 1) Tout d’abord, il semble que ce pays soit inaccessible. (Citation/ Justification par
la forme) En effet, comme le décrit l’auteur, il est isolé du reste du monde. D’une part, cet
isolement provient, du relief qui l’entoure : « rivière rapide […] qui court sous des voûtes de
rochers. […] Les montagnes qui entourent mon royaume ont dix mille pieds de hauteur, et
sont droites comme des murailles ; elles occupent chacune en largeur un espace de plus de
dix lieues ; on ne peut en descendre que par des précipices. ». En outre, l’auteur, en
employant des termes faisant référence au danger et à l’inaccessibilité : « inabordable ;
précipices, abri ; rapacité ; fureur inconcevable ; tueraient » renforce le sentiment
d’impénétrabilité de l’Eldorado. D’autre part, l’isolement nait aussi de leurs richesses
naturelles et du fonctionnement idéal de leur société. D’ailleurs le roi évoque un « miracle »
en parlant de l’arrivée de Candide et Cacambo. (Explication) Au sens littéral du texte, ce
pays est isolé et ne permet pas l’accès aux étrangers. Dans un sens plus extrapolé, cette
situation peut laisser entendre un certain protectionnisme de l’économie locale et des
richesses de l’Eldorado. Cet isolement permet peut être, aussi, de maintenir la population.
Ainsi : « vœu de ne jamais sortir de leur enceinte » s’oppose, dans le texte à : « il est certain
qu’il faut voyager ».
(Idée 2) Cependant, malgré cet isolement, le roi et les habitants ne sont pas incultes vis-
à-vis de ce qui les entoure. (Citation/ Justification par la forme) En effet, le vieillard et le roi
font mention du peuple européen, notamment des Espagnols (les conquistadors). Ainsi on
relève : « Les Espagnols ont eu une connaissance confuse de ce pays, ils l’ont appelé El
Dorado, et un Anglais, nommé le chevalier Raleigh, en a même approché il y a environ cent
années », alors qu’ils se disent inaccessibles, autant pour les étrangers, que pour eux-mêmes
(ils ne peuvent pas en sortir). C’est une contradiction de plus qui s’ajoute à toutes les autres.
(Explication) Ce paradoxe laisse penser que Voltaire, laisse, tout au long de son texte, des
indices pour le lecteur. Cela concerne à nouveau, la recherche de la véracité des faits et la
compréhension du message implicite de l’auteur. Enfin, le vieillard parle d’une « vision
confuse » des Espagnols par rapport à l’Eldorado, ce qui semble montrer que les habitants
de ce pays, ne considèrent pas l’or et les pierres précieuses comme des richesses.
b) L’esprit de la société
(Idée 1) Tout d’abord, les habitants d’Eldorado restent des gens simples, malgré le luxe
de leurs demeures et de leur pays. (Citation/ Justification par la forme) En effet,
l’association que l’auteur fait entre l’extravagance, le luxe et la simplicité (comme vu
précédemment) provoque un sentiment de sagesse à la lecture de ce texte. (Explication) Ce
sentiment caractérise, par voie de conséquence, le peuple de l’Eldorado. Leur simplicité se
traduit dans leur accueil, dans les réponses aux questions de Candide et dans leur mode de
vie. On notera l’ironie de l’auteur lorsqu’il évoque la rencontre avec le roi. Candide et
Cacambo pensent devoir se prosterner et se faire dominer par le roi (comme en Europe)
alors que « l’usage […] est d’embrasser le roi et de le baiser des deux côtés », tout
simplement. (L’accumulation du terme « si », montre une certaine impatience et envie de la
part de Candide et Cacambo).
(Idée 2) Ensuite, ils semblent être assez consensuels et vertueux. (Citation/ Justification
par la forme) En effet, en employant des termes du champ lexical de la morale « plus sages,
consentement ; innocence ; félicité ; respectable », l’auteur présente un peuple stable et
vertueux. En outre, le vieillard ajoute « nous sommes tous ici du même avis », ce qui montre
que le peuple aspire aux mêmes idéaux, et partage les mêmes idées. (Explication) De plus,
ce peuple sage, simple et soudé ne montre aucune animosité envers les deux étrangers, ce
qui est plutôt surprenant. Ils attribuent donc assez vite leur confiance, en suivant leur
intuition. Ils n’ont ressenti aucun danger vis-à-vis de Candide et Cacambo. Cette attitude est
réellement vertueuse.
c) L’exagération dans la description de ce monde
(Idée 1) Tout d’abord, malgré cette simplicité reproduite par l’auteur, on ressent de
l’extravagance concernant l’Eldorado. (Citation/ Justification par la forme) En effet, comme
nous l’avons vu précédemment, l’auteur atténue les faits, ce qui accentue l’effet. En outre, la
phrase : « Ils passèrent un mois dans cet hospice. », ironise sur le lieu, qui est loin d’être une
maison d’accueil pour les plus démunis. Par ce procédé d’ironie, la superbe d’Eldorado est
accentuée. Enfin, les infrastructures du pays sont surprenantes : « marchés ornés de milles
colonnes, les fontaines d’eau pure, les fontaines d’eau rose, celles de liqueurs de canne de
sucre, qui coulaient continuellement dans de grandes places, pavées d’une espèce de
pierreries qui répandaient une odeur semblable à celle du gérofle et de la cannelle » ; tout
comme leur décoration d’intérieure : « la porte n’était que d’argent, et les lambris n’étaient
que d’or, mais travaillés avec tant de goût […] le vieillard reçu les deux étrangers sur un
sopha matelassé de plumes de colibri, et leur fit présenter des liqueurs dans des vases de
diamant ». Ceci fait d’Eldorado, un rêve éveillé, un paradis sur terre. (Explication) Ceci parait
donc invraisemblable et pourrait correspondre au monde idéal.
(Idée 2) Ensuite, ce paradis est conforté dans la description par l’excentricité des chiffres.
(Citation/ Justification par la forme) En effet, tout est dans la démesure, on note : «cent
soixante-douze ans […] ; cinq ou six mille musiciens les accompagnent […] ; vingt belles filles
[…] ; le portail était de deux cent vingt pieds de haut et cent de large […] ; chacune de mille
musiciens […] ; mille colonnes […] ; trois mille bons physiciens […] ; plus de vingt millions de
livres sterling […] ; [cent deux] moutons rouges [volants] ». En ce qui concerne les moutons,
Candide et Cacambo, n’ont demandé que douze moutons, et on leur en donne cent deux, ce
qui parait fantaisiste. (Explication) Cette démesure dans les chiffres, donne une tonalité
grotesque au texte qui lui ajoute au caractère extravagant.
(Idée 3) Malgré tout, quelques indices laissent à penser que ce monde est impossible.
(Citation/ Justification par la forme) En effet, les hyperboles contenues dans la description
deviennent, au fur et à mesure du texte, trop présentes et trop extravagantes pour exister.
De plus, on constate que Candide, même émerveillé par tant de richesse et de plénitude,
veut tout de même partir d’Eldorado. La raison de Cunégonde n’est pas la seule : il veut aussi
se servir des richesses qu’il voit partout dans ce pays. (Explication) Il semble que la seule
contrainte qui existe dans ce monde (le vœu de rester en Eldorado) ne convienne pas au
personnage de Candide, aventurier, libre et amoureux. Cacambo partage l’idée de d’élever
son statut : devenir plus riche que les rois eux-mêmes.
III. L’œil de Voltaire, la critique européenne
a) L’influence anglo-saxonne et Candide permettent la critique
(Présentation) A la suite d’un conflit qui l’opposait au chevalier Rohan, Voltaire fut arrêté
et emprisonné. Sa liberté fut conditionnée par son exile. Il partit en Angleterre, où la société,
la culture et les mœurs lui plurent. Il inclut par la suite des éléments anglo-saxons dans ses
œuvres, notamment dans ce chapitre XVIII de Candide.
(Idée 1) Tout d’abord, il connote l’économie de l’Eldorado d’un certain style anglo-saxon.
(Citation/ Justification par la forme) En effet, ce pays étrange semble très peuplé : en une
après-midi, Candide ne parcourt qu’un millième de sa surface. En outre, si l’on ajoute tous
les personnages indiqués, la population est élevée (« cinq ou six mille musiciens […] ; douze
domestiques […] ; vingt belles filles […] ; deux files chacune de mille musiciens […] ; trois
milles bons physiciens… »). Leur monnaie - contrairement aux richesses du milieu naturel -
est la Livre Sterling (monnaie anglaise), ce qui peut sembler étrange vis-à-vis du fait que le
pays soit inaccessible. De surcroît, ce pays parait tout de même très riche : « ne coûta pas
plus de vingt millions de livres sterling », somme qui est plutôt importante. On peut alors se
demander ce qui leur permet d’être si prospère, sachant qu’il n’y a aucune exportation
possible, ni colonisation étrangère et que l’or n’est pas un repère monétaire pour eux.
(Explication) On note donc une zone d’ombre concernant cet aspect économique du pays
qui est tout de même fortement marqué par la culture anglaise. En effet, le système anglais,
à cette époque, est plus prospère que la France. Ils semblent plus en avance au niveau
technique et économique.
(Idée 2) En ce qui concerne le système judiciaire, l’Eldorado n’en présente pas.
(Citation/ Justification par la forme) En effet, lorsque Candide demande à voir la cour de
justice, le parlement et les prisons, on l’informe que la ville en est dépourvue, car ceci leur
parait inutile. La phrase qui suit : « Ce qui le surpris davantage… » (en parlant du palais des
sciences), montre que l’auteur, à travers son personnage, ne trouve pas surprenant qu’il n’y
ait pas de système judiciaire. (Explication) A l’époque où Voltaire écrit cette œuvre, les
lettres de cachet vont bon train en France. Sur une simple volonté, un simple argument, un
Homme peut être emprisonné. Le système anglais, plus tolérant ne présentait pas ce genre
d’inculpations. Par conséquent, on peut imaginer que l’Eldorado soit assez tolérant, que ses
habitants soient justes et loyaux entre eux et que le roi n’exerce pas de pouvoir absolu sur
ses sujets. Concernant ce dernier point, la phrase : « c’est une tyrannie qui n’est ni dans nos
mœurs, ni dans nos lois », le confirme. (Citation/ Justification par la forme) Enfin, la phrase :
« nous sommes tous ici du même avis », inclut une certaine homogénéité du peuple et une
absence de conflits. (Explication) Malgré l’enclavement du pays, la sagesse des habitants
leur permet de vivre sainement dans un esprit de tolérance.
(Idée 3) Enfin, la religion d’Eldorado semble très tolérante, contrairement à la France de
1759. (Citation/ Justification par la forme) En effet, le vieillard, en répondant au
questionnement de Candide, montre qu’ils croient en une autorité supérieure : « nous
avons, je crois, la religion de tout le monde : nous adorons Dieu du soir jusqu’au matin ».
Mais ce qui diffère des autres modèles religieux, c’est l’absence de « clergé », de hiérarchie
religieuse et un culte assez simple (« Nous ne le prions point […] nous le remercions sans
cesse »). Candide, qui, à travers son interrogation et une assonance en « q » dans : « Quoi !
Vous n’avez point de moines qui enseignent, qui disputent, qui gouvernent, qui cabalent, et
qui font brûler les gens qui ne sont pas de leur avis ? », montre la surprise qu’il a de constater
cela. (Explication) Cette suite d’interrogations induit de façon ironique que la religion
catholique est partout en France à cette époque. Elle gère les différentes institutions qui
existent dans le pays. Ce qui, dit de cette manière, indique à quel point son emprise est
grande et peu pertinente. Voltaire est ainsi présent dans ces propos, puisqu’il était lui-même
déiste. Pour finir, la phrase qui suit ces interrogations : « Il faudrait que nous fussions fous »,
permet à Voltaire de caractériser cette emprise, de folie.
(Idée 4) Enfin, on observe que l’auteur aborde le sujet de la colonisation. (Citation/
Justification par la forme) En effet, au début du texte, le vieillard explique : « Le royaume où
nous sommes est l’ancienne patrie des Incas, qui en sortirent très imprudemment pour aller
subjuguer une partie du monde, et qui furent détruits par les Espagnols », il fait ainsi
référence aux conquistadors espagnols qui voulurent coloniser ce partie du monde. Il ajoute
en parlant de l’inaccessibilité du royaume : « nous avons toujours été jusqu’à présent à l’abri
de la rapacité des nations de l’Europe, qui ont une fureur inconcevable pour les cailloux et la
fange de notre terre, et qui pour en avoir, nous tueraient jusqu’au dernier. ». Les termes
employés sont forts et relèvent du lexique de l’attaque, ceci traduit de l’obstination des
européens en ce qui concerne la colonisation et l’exploitation des richesses de ces terres.
(Explication) Ces propos critiquent assez ouvertement la recherche de conquête et
d’exploitation des européens. Le peuple espagnol est le plus discuté. Et à travers ces propos
on voit apparaître la notion d’esclavagisme, que Voltaire réprimandait fortement. Ce texte et
cette œuvre, par son univers exotique, reste un bon outil pour Voltaire, qui transmet ainsi
ses idées, et celles des Lumières.
b) L’idéalisation de cette société
(Idée 1) Tout d’abord, à travers ce texte on constate une certaine surestimation de
l’Eldorado. (Citation/ Justification par la forme) En effet, les hyperboles associées aux
euphémismes et aux antithèses, accentuent le sentiment de monde merveilleux, mais
indiquent tout de même que ce paradis n’est pas tout à fait « entier ». L’auteur joue sur les
mots, atténue et renforce à la fois les propos, ce qui donne un sentiment d’instabilité au
texte et porte à croire que l’extravagance de ce monde est surjouée. En outre, on peut
observer un paradoxe généralisé dans ce texte. Tout est paradoxal et contradictoire : la
monnaie et l’inaccessibilité du pays ; le voyage, la découverte et « l’emmuraillement »; l’or
en abondance et son dédain…Cet enchevêtrement d’idées paradoxales, semblent être là
pour choquer et provoquer le lecteur. (Explication) L’extravagance, l’instabilité, le paradoxe,
et la contradiction associés, mettent à la fois, le lecteur en admiration devant ce pays et à la
fois dans une situation incertaine.
(Idée 2) Ensuite, on peut se demander, vis-à-vis du désir de départ de Candide, quels
sont les éléments qui retiennent les habitants de l’Eldorado. (Citation/ Justification par la
forme) En effet, l’auteur dans l’extrait « Il est vrai mon ami, encore une fois, que le château
où je suis né […] se résolurent de ne plus l’être et de demander leur congé à Sa Majesté.», fait
référence, en quelque sorte à la déviance humaine. Candide, à travers des arguments bien
tournés et des connecteurs logiques : « mais enfin ; et ; Si ; au lieu que », convainc Cacambo
de leur départ. En outre, l’anaphore : « Si nous restons ici, nous n’y serons […] si nous
retournons dans notre monde […] nous serons plus riches […] nous n’aurons plus […] nous
pourrons aisément », renforce l’argumentaire de Candide et martèle ses raisons.
(Explication) Malgré « l’extase » de Candide devant ce monde merveilleux, son départ est
imminent. Et comme nous l’avons vu précédemment, l’absence de Cunégonde n’est pas la
seule raison. L’appel des richesses et le désir de vivre sans jamais être dans le besoin est le
principal intérêt à leur départ. Mais alors on peut imaginer que les habitants d’Eldorado qui
font vœu de rester au pays, soit ne connaissent pas le besoin, soit ne connaissent pas
l’extérieure et la richesse de voyager et découvrir, soit sont contraints à rester.
(Idée 3) Puisque, finalement, outre leur milieu naturel et leur façon de penser, l’Eldorado
n’a rien de différent avec les pays d’Europe. (Citation/ Justification par la forme) En effet, ils
ont une monnaie, qui ne dépend pas de leurs terres ; ils vivent en communauté avec des lois
et des mœurs acceptés par tous ; le roi a des « sujets »… . (Explication) L’Eldorado possède
toutes les caractéristiques d’un pays, mais l’auteur ne fait pas réellement mention de leur
façon de penser. Alors qu’est-ce qui les rend loyaux et justes ? Pourquoi n’y a-t-il pas de
conflits ? Cette question reste en suspens, mais on peut imaginer qu’il est dans leur nature
d’être sages et bons, et qu’ils partagent un intérêt commun qui peut être la protection de
leur pays.
CONCLUSION
[Bref rappel des découvertes](Ce qui marque le plus dans le texte) Ce chapitre XVIII
est particulier par rapport à l’œuvre de Candide. (Les effets produits pour le spectateur)
L’extravagance mêlée au merveilleux et à l’ironie, accroissent le paradoxe du texte et amène
le lecteur à être surpris et indécis sur ce monde qu’est l’Eldorado. Voltaire laisse des indices
au lecteur, et utilise le texte pour faire la critique de la société européenne et plus
particulièrement française.
(Apport culturel – ouverture) Cet outil assez répandu, qu’est le conte philosophique,
est très utile à Voltaire, et aux philosophes des Lumières, pour répandre leurs idées sur le
territoire.