CENTRE INTERNATIONAL DE FORMATION DES AVOCATS … · Session du 19 Août au 13 Septembre 2019...
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CENTRE INTERNATIONAL DE FORMATION DES AVOCATS
FRANCOPHONES
CIFAF
Session du 19 Août au 13 Septembre 2019
FORMATION EN DROIT PROCESSUEL
Thème : Pratique du contentieux administratif1
M. Césaire KPENONHOUN
Enseignant à l’Université
« La Forme est la sœur jumelle du fond. »
HYERRING
INTRODUCTION
Pour paraphraser un auteur, il est miracle que l’on soit parvenu à soumettre la puissance
publique à la règle de droit. Dit autrement, l’Etat de droit constitue en principe, un dénominateur
commun à tous les Etats qui se réclament du libéralisme politique, de la démocratie pluraliste.
La soumission de l’administration à la loi doit être un acquis dans un Etat démocratique. On
pourrait avancer que la légalité est la sœur jumelle de la légitimité, ce que traduit la notion de
‘’libéralisme administratif’’2 qui ne se confond pas au libéralisme économique.
Toutefois, la conception du libéralisme administratif peut varier d’un espace politico-juridique
à l’autre. Très exactement, il ne se conçoit pas de la même manière selon que l’on a affaire au
Commun Law qu’au Civil Law.
Dans le premier système, ‘’tous doit être soumis à la loi’’ signifie que « nul n’est au dessus
de la loi », et que « la même loi doit être appliquée à tous ». Au vu d’un tel système, l’Etat de
droit prône la soumission des administrés ou des citoyens et de la puissance publique aux
mêmes règles juridiques ainsi qu’à une même juridiction. Il en découle une unité de juridiction
coiffée par une Cour suprême.
Dans le second système, il pourra y avoir un Etat de droit sans que les administrés et la puissance
publique soient d’une part, régis par les mêmes règles de droit, et d’autre part, appelés à
comparaître devant une même juridiction. Les règles de droit commun ou ‘’de tout le monde’’
s’appliqueront aux citoyens qui auront à s’adresser aux juridictions de droit privé pour connaître
de leurs litiges. En revanche, il y aura un droit spécial et une juridiction spécifique pour statuer
sur les litiges auxquels l’administration est partie. C’est ce qu’il faut entendre par le privilège
de juridiction. On parlera de l’’’Administration et de son droit’’, ou encore de
1 Par césaire F.S. KPENONHOUN, Maître assistant / CAMES en Droit public, Enseignant –chercheur à l’Université d’Abomey-Calavi (UAC-Bénin), Conseiller à la Cour suprême du Bénin 2 Voir Yves GAUDEMET, Droit administratif, pp.9 et s.
2
l’’’administration et de son juge’’. Un tel système opte pour la suma divisio : droit public-droit
privé, avec pour corollaire, la dualité de juridictions. Il existe d’un côté une Cour de cassation
avec ses démembrements- tribunaux et cours d’appel-, et de l’autre côté, un Conseil d’Etat avec
sa suite. Les conflits de compétence ou de décisions sont tranchés par un tribunal des conflits.
Le double degré de juridiction est instauré au sein des deux ordres de juridictions (judiciaire et
administratif) au même titre que cela se conçoit au regard d’une unité de juridiction ou de la
Cour suprême qui tranche de juge, les contrariétés de décisions dudit système.
Mais quelles explications donne-t-on aux règles spécifiques et au privilège de juridiction dont
bénéficie l’Administration ? En effet, sous l’Ancien Régime en France, le Parlement exerçait
aussi la fonction juridictionnelle, ce qui l’amenait à empiéter sur le domaine de compétence du
Roi. Avec l’avènement de la Révolution de 1789, ce mauvais souvenir, des rapports entre les
pouvoirs publics demeurait vivace dans l’esprit des acteurs politiques. Il fallait le combattre.
Certes il était évident qu’avec la séparation des pouvoirs, le législatif ne pouvait plus être
également érigé en un juge au lendemain de 1789. Un troisième pouvoir a plutôt été consacré,
à savoir le pouvoir ou l’autorité judiciaire. La logique des Révolutionnaires français était de
faire en sorte que les interférences de l’autorité juridictionnelle ou judiciaire dans les
attributions du pouvoir exécutif soient prohibées. Car, au nom du principe de la séparation des
pouvoirs, était déduit cet autre principe : « juger l’administration, c’est encore administrer ».
Une pareille approche de la séparation des pouvoirs était à l’origine de l’interdiction… Les
différents textes juridiques qu’on vient de citer ont été matérialisé par l’arrêt Blanco en février
1872 : « La responsabilité qui peut incomber à l’Etat du fait …. Ne peut être régie par les
principes qui sont établis dans le Code civil pour régir les rapports de particulier à particulier ;
qu’elle a ses règles spécifiques qui varient en fonction des besoins du service et de la nécessité
de concilier les droits de l’Etat avec les droits des particuliers ». On n’a pu en déduire que la
forme suit le fond, à savoir que les règles de compétence et de forme ressortissent autant que
celles de fond, du droit administratif et de la juridiction administrative.
Dit autrement, et de nos jours, c’est de façon technique et pratique, grâce aux finalités ou
aux missions de l’Administration que sont l’intérêt général ou le maintien de l’ordre
public qu’un droit spécifique lui est appliqué par un juge spécial. A cette fin, la puissance
publique utilise des méthodes et des procédures exorbitantes de droit commun et des
moyens de plus en plus performants ou sophistiqués auxquels sont affectés d’énormes
deniers publics tendant à devenir eux aussi exorbitants de droit commun, ce qui nécessite
la présence d’un juge approprié pour en contrôler les résultats.
Aussi convient-il de préciser que ‘’la pratique du contentieux administratif’’ qui est l’objet
des présents échanges s’article autour des règles de forme, des règles de procédure qui
retiendront presque exclusivement notre attention3.
NB : Le libéralisme administratif, tel qu’il vient d’être décrit ci-dessus, fait état d’un principe
qui admet une exception de part et d’autre. En effet, il arrive que dans le système du Commun
Law, une règle spéciale s’applique à l’administration et que dans celui du Civil Law, des règles
3 Voir René CHAPUS, Droit du contentieux administratif, 2008.
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qui ressortissent du droit privé régissent celle-ci qui est également attraite par moments devant
les juridictions de droit privé.
Quid de l’option africaine, francophone, du ‘’libéralisme administratif’’ ?
En effet, à l’accession à l’indépendance des Etats africains d’influence et d’expression
françaises, le choix à faire entre la dualité de juridictions et l’unité de juridiction s’est posé en
raison du nombre limité des juristes qu’il y avait à l’époque. Le motif qui est ainsi avancé a
évolué, mais l’option qui a été faite demeure en vigueur sur le fondement des arguments d’ordre
pratique et technique. Elle consistera à s’inspirer des deux systèmes : la Commun Law et le
Civil Law. La première variante de l’unité de juridiction est calquée sur le système français. Il
existe une Cour suprême avec des tribunaux et cours d’appel comportant une Section ou
Chambre spécialisée en contentieux administratif. Le double degré de juridictions est préservé
comme en France. Mais les magistrats qui sont chargés d’animer les Sections ou Chambres sont
les magistrats de l’ordre judiciaire. On peut citer les exemples du Mali ou du Tchad. La
deuxième catégorie de Cour suprême se confond en réalité à la première. La justice
administrative était concentrée au sein d’une Chambre administrative de la Cour suprême. La
Chambre statue en premier et dernier ressort. C’était le cas du Bénin jusqu’à la déconcentration
dans les faits, de la justice administrative, à partir de janvier 2017. La concentration continue
de prévaloir en Guinée Conakry. La troisième tendance est celle de la Côte d’Ivoire ou du
Sénégal. L’article 1er de l’ordonnance n° 60-56 du 14 novembre 1960 dispose :
« L’organisation judiciaire au Sénégal comprend outre la Cour suprême siégeant à Dakar, des
Cours d’Appel, des Cours d’assises, des Tribunaux de première instance, des justices de paix
et des Tribunaux du travail. Ces juridictions connaissent quel que soit le statut du justiciable
de toutes affaires civiles, commerciales ou pénales et de l’ensemble du contentieux
administratif.» Il n’existait pas de Section ou Chambre. Les juridictions reçoivent
indistinctement les requêtes en quelle que matière que cela puisse être. La quatrième option
s’est traduite par le Conseil d’Etat qui a été créé en 1995 au Sénégal. Elle fait état d’une unité
de juridiction à la base, et une dualité de juridictions au sommet. Mais l’expérience n’a pas
survécue à la révision constitutionnelle de 2008. Elle est présentement reprise par le Burkina
Faso. La Cour de cassation ayant disparu au Sénégal, la Cour suprême a été ressuscitée. Elle
dispose d’une Chambre qui statue en premier et dernier ressort en matière de recours
pour excès de pouvoir. En outre, elle est juridiction de cassation dans le domaine du plein
contentieux.
Tout compte fait, le principe ou le système qui domine, est que les quatre variantes ont en
commun un juge judiciaire qui statue sur le contentieux administratif. C’est ce qu’il faut
entendre par ‘’une unité de juridiction avec séparation des contentieux’’.
Les exceptions sont de deux ordres. Certains Etats ont fini par instaurer la dualité de
juridictions. On peut citer les exemples de la République centrafricaine, du Maroc ou de
la Tunisie. D’autres Etats, le Bénin en l’occurrence, pratique une expérience hybride. Les
Chambres administratives des juridictions de fond sont animées par des magistrats de
l’ordre judiciaire, donc non spécialisées. En revanche, statuent à la Chambre
administrative de la Cour suprême, des magistrats de l’ordre judiciaire. On enregistre
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une forte tendance à la spécialisation de ceux-ci. A ces derniers sont adjoints des juristes
de droit public, universitaires ou administrateurs, pour connaître du contentieux
administratif.
La notion, de contentieux, désigne un litige. Il est administratif lorsqu’il se rapporte aux
procès auxquels sont parties en général, les personnes morales de droit public, ou en
particulier, les litiges qui naissent des activités de nature administrative (quelles que soient
les parties au procès), et qui sont soumis à une juridiction administrative, par application
en principe, des règles de forme et de fond relevant du droit administratif.
La définition présente cinq centres d’intérêt.
Premièrement, les litiges sont classés d’une manière classique en deux grandes catégories : le
contentieux des poursuites et celui des recours. Dans le contentieux des poursuites, c’est
l’administration elle-même qui est la plaignante. C’est le cas en matière de contraventions de
voirie (atteinte à l’intégrité d’une voie publique, etc.). Mais ce contentieux n’étant pas
développé dans les Etats francophones, il ne sera pas abordé ici. Seul le contentieux des recours
sera approfondi.
Il comprend deux subdivisions : le contentieux de l’excès de pouvoir et le contentieux de
pleine juridiction ou plein contentieux.
Le contentieux de l’excès de pouvoir comprend quatre recours : le recours pour excès de
pouvoir, le déféré préfectoral, le recours en appréciation de légalité et le recours en déclaration
d’inexistence juridique.
Le contentieux de pleine juridiction est plus diversifié que le recours pour excès de pouvoir. Il
comprend deux sous-branches. D’un côté le contentieux objectif de pleine juridiction et de
l’autre le contentieux subjectif de pleine juridiction.
Il y a recours objectif de pleine juridiction lorsque la procédure a trait à une décision
administrative que le requérant demande à la juridiction administrative d’annuler, de réformer
ou modifier ou de rapporter en y substituant une autre décision au besoin. Le contentieux
électoral, fiscal ou des édifices menaçant ruine en sont des exemples non limitatifs.
Le contentieux est dit subjectif de pleine juridiction quand ce qui est demandé au juge est de
condamner l’administration au versement d’une somme déterminée en réparation du préjudice
que le requérant estime avoir subi. Il se rapporte dans l’ensemble à la responsabilité
contractuelle et extracontractuelle de l’administration. A juste titre le contentieux subjectif est
désigné par l’expression : responsabilité administrative.
Deuxièmement, les autorités administratives sont prioritairement concernées. Mais en dehors
d’elles, les particuliers qui se voient confier la gestion d’un service public mènent des activités
qui peuvent être à l’origine d’un contentieux administratif. En outre, toutes autres institutions
politiques nationales (Assemblée nationale ou Cour constitutionnelle…) peuvent provoquer un
contentieux administratif au regard des activités de portée administrative qu’elles mènent (par
exemple dans leurs relations avec les agents qu’elles emploient). En cas de recours incident de
la part du juge judiciaire, l’on est également en présence d’un contentieux administratif.
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Troisièmement, l’administration pouvant mener des activités en se plaçant dans les mêmes
conditions qu’un particulier, la répartition de la compétence contentieuse entre les deux ordres
de juridictions intervient fondamentalement, sauf prescriptions législatives contraires, sur la
base du critère d’une gestion publique par opposition à la gestion privée.
Quatrièmement, le juge judiciaire concurrence, âprement, la juridiction administrative
dans le règlement de litiges qui relevaient à l’origine, de la compétence presque exclusive
de celle-ci. La concurrence est fort perceptible en droit administratif économique (droit
de la concurrence, de la consommation, contractuel etc.).
En contrepartie, le juge administratif érode un pan non négligeable du domaine de
compétence qui, de façon classique, revenait à la juridiction judiciaire : la protection des
droits fondamentaux et des libertés publiques. Mis à part le juge constitutionnel, les juges
judiciaire et administratif deviennent simultanément, des gardiens des libertés publiques
et de l’intérêt général. Il devient de plus en plus laborieux de faire une distinction entre le
contentieux administratif et le contentieux de l’administration. Celui-ci rassemblait le
contentieux administratif et le contentieux de droit privé de l’administration.
Cinquièmement, l’on se permettra de marquer une pause relativement au Bénin. En effet,
l’article 36 de la loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire prévoit des
tribunaux de première instance. Les trois communes à statut particulier que sont Cotonou,
Porto-Novo et Parakou comprennent chacune un tribunal de première instance de première
classe. Les 74 communes ordinaires comptent, avec un regroupement par zones, 25 tribunaux
de première instance de 2e classe, ce qui porte le total à 28 tribunaux de première instance. Les
sièges des tribunaux de première instance de 2e classe sont fixés à Ouidah, Abomey-Calavi,
Allada, Adjohoun, Avrankou, Pobè, Sakété, Comé, Aplahoué, Lokossa, Dogbo, Abomey,
Bohicon, Covè, Savalou, Dassa-Zoumé, Savè, Niki, Bembérèkè, Kandi, Malanville, Djougou,
Natitingou, Kouandé et Tanguiéta. Avec l’avènement du Code de procédure civile,
commerciale, sociale administrative et des comptes du 28 février 2011, chacun des 28 tribunaux
sera doté d’une Chambre administrative. A cela se rajoutent trois cours d’appel. Chaque cour
comprend une Chambre administrative conformément à l’article 61. Il s’agit de celle
d’Abomey, Parakou et de Cotonou. Elles sont toutes fonctionnelles.
Néanmoins, exceptés 10 tribunaux, à savoir ceux de Cotonou, Porto-Novo, Parakou, Ouidah,
Abomey-Calavi, Lokossa, Abomey, Savalou, Kandi, Djougou et Natitingou, les 17 autres
restants ne sont pas encore fonctionnels.
Les textes juridiques qui sont applicables au contentieux administratif sont au nombre de cinq :
-l’ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 portant composition, organisation, attributions
et fonctionnement de la Cour suprême ;
- la loi n° 2001-37 du 17 août 2002 portant organisation judiciaire en République du
Bénin ;
- la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les
formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
- la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant organisation, attributions et
fonctionnement de la Cour suprême ;
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- la loi n°2008-07 du 28 février 2011 portant Code de procédure civile, commerciale,
administrative, sociale et des comptes.
Le Bénin ne dispose pas encore d’un Code des obligations de l’Administration (COA) comme
au Sénégal ou au Gabon.
Il en ressort que la démarche adoptée sera inductive. L’argumentation prendra sa source dans
les systèmes des Etats francophones pour être éclairée au besoin, à la lumière du droit comparé.
Elle sera enrichie par les cas d’études réels ou supposés qui sont attendus de nos partenaires,
les Avocats que vous êtes. L’approche sera également linéaire ou classique. De ce fait, elle
comprendra, en raison du temps qui nous est impartie, deux mouvements : l’examen des règles
de recevabilité et l’instruction des affaires.
PREMIERE PARTIE : LA RECEVABILITE DES RECOURS
Première partie : La Procédure administrative contentieuse
La première partie sera consacrée à la saisine du juge. Seront étudiées, les conditions de
recevabilité relatives aux recours pour excès de pouvoir et au plein contentieux. L’accent sera
mis ensuite sur les conditions de recevabilité qui sont propre à chaque type de recours (chapitre
II).
Chapitre I : Les conditions de recevabilité relatives aux deux types de recours
Il y a un certain nombre de conditions de recevabilité dont la violation est irrémédiable. Le
recours doit être déclaré irrecevable. Ce sont les conditions non susceptibles de régularisation
(section I). En revanche, il y a des conditions de recevabilité que le juge invite un requérant peu
attentif à régulariser. Il s’agit des conditions susceptibles de régularisation (chapitre II).
Section I : Les conditions non susceptibles de régularisation
Les conditions en cause ici se rapportent au requérant lui-même. Ils sont de deux ordres : la
capacité et la représentation (paragraphe I) d’une part, et l’intérêt à agir et à la qualité pour
agir (paragraphe II) d’autre part.
Paragraphe I : La capacité, l’assistance et la représentation
Dans le silence des différents textes juridiques sur le contentieux administratif au Bénin, il faut
entendre, par capacité, soit l’aptitude physique et mentale à pouvoir ester en justice en nom
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propre, soit la jouissance d’une existence juridique qui permet au représentant d’une personne
morale d’agir au nom et pour le compte de celle-ci. Il faut donc pour être capable, qu’une
personne physique soit majeure et jouissent de ses facultés mentales, et qu’une personne morale
existe juridiquement.
L’article 457 de la loi n° 2002-07 du 24 août 2004 portant Code des personnes et de la famille
au Bénin situe la capacité, en l’occurrence la majorité à 18 ans. Un mineur ne peut donc ester
en justice (arrêt Blanco, 1872). L’article 459 du même Code dénie également la capacité aux
majeurs dont la faculté mentale est altérée ainsi que ceux qui ne jouissent pas de leurs droits
civils.4 Ces dispositions sont comparables à l’article 1123 du Code civil français en vertu duquel
la capacité est « une aptitude à plaider en justice (en nom) devant les tribunaux (capacité de
jouissance) soit comme demandeur (capacité active), soit comme défendeur (capacité passive) ;
aptitude à faire valoir soi-même ses droits en justice, à y être partie agissante comme
demandeur ou défendeur sans être représenté par un tiers. »5 Ceux qui ne jouissent pas de la
pleine faculté mentale ne peuvent que faire l’objet d’une assistance, sauf en cas d’une
altération passagère des facultés mentales (N° 040/CA du 20 septembre 2001, Lucien
NAGNONHOU). C’est une originalité de la jurisprudence administrative béninoise. On a
pu penser à une capacité virtuelle.
Il en ressort que les personnes morales qui ne peuvent agir par elles-mêmes, se font représentées
en justice. C’est ce qu’il convient d’abord de comprendre par l’article 23-1 du Code béninois
de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes lorsqu’il énonce que
les « personnes publiques peuvent se faire représenter par un de leur préposé ». La formule
caricaturée de Gaston JEZE garde toute son importance : « Je n’ai jamais délayé avec l’Etat ».
L’Etat peut être représenté par un de ses ministres, l’Agent judiciaire du Trésor (AJT) ou le
préfet. Par exemple, l’article 160 de la loi n°97-029 du 15 janvier 1999 habilite le conseil
municipal à délibérer sur les actions que la commune peut intenter ou soutenir en justice.
L’article 67-8 autorise le maire à représenter la commune en justice. Les établissements publics
sont représentés par leur premier responsable statutaire.
En vertu du même article, 23-1 du Code béninois de procédure, les sociétés de personnes
peuvent se faire représentées par l’un des associés et les autres personnes morales privées par
un de leurs préposés fondé de pouvoir. En d’autres termes, si l’un des sociétaires peut agir au
nom de la structure à laquelle il appartient dans les sociétés de personne, dans celles qui sont
anonymes ou dans les écoles privées d’enseignement par exemple, seuls peuvent agir, le PDG
(président directeur général) ou le fondé de pouvoir par référence aux statuts de l’institution
concernée. Les Sociétés en faillites sont représentées par le Syndic (Voir les articles 53
alinéa 2, 147 et 170 alinéa 3 de l’Acte uniforme du 10 avril 1998 portant procédures
collectives d’apurement du passif ; Michel SAWADOGO, Traité et Actes uniformes de
l’OHADA commentés et annotés, Paris, Juriscope, 2002, p. 899 ; ou a contrario, l’arrêt de
la Chambre administrative de la Cour suprême du Bénin, N° 07/CA du 07 février 2002,
Etat béninois représenté par l'AJT ; en droit administratif français, « en cas de dissolution,
les personnes morales survivent pour les besoins de leur liquidation. » (CE 6 mai 1970,
SCI Résidence Reine Mathilde).
Un requérant peut se faire représenter par un mandataire de son choix. Le cas échéant,
ce dernier doit être doté d’un mandat ou d’une procuration dûment délivrée par le
4 Toutefois, l’incapacité qui frappe un repris de justice n’exclut pas qu’il répond de ses actes devant la justice ou attrait un adversaire devant la loi en cas de besoin. 5 Rapporté par Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, op.cit., pp. 131-132.
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mandant. Il existe une jurisprudence abondante en la matière au Bénin (N ° 22/CA du 07
juin 2001 Hervé VINOU ; N° 146 / CA du 28 juillet 2005, J. Pascal GANDOLANHOU ; N°
167 / CA du 15 Septembre 2005, SOKENOU G. SOFFO Rep. / SOKENOU S. et Bertine
TCHIBOZO).
Par conséquent, il ne semble pas qu’il soit possible pour une mineure émancipée d’intenter
une action devant le juge administratif. Elle devrait se faire représenter.
Les mandats illégaux sont naturellement rejetés et le recours est déclaré irrecevable (N°
58/CA du 1er mars 2005, Ayabavi AMOUSSOUVI et autres ; N°17/CA du 1er mars 2007,
Gafarou ATANDA). D’un autre point de vue, puisque chacun des époux a en principe
capacité pour agir en justice, le juge n’admet pas que le mari agisse au nom de sa femme
pas plus que celle-ci ne peut ester en justice à la place de son conjoint (voir au Bénin,
N°37/CA du 8 avril 2004, Julien AHIHOU ; voir du côté de la France, CE Sect. 27 juillet
1990, Ministre de l’Agriculture).
Aussi, l’article 23-1 n’exclut pas que devant les tribunaux de première instance, les personnes
morales qui le désirent soient représentées par un avocat. La représentation par un avocat se fait
en quelque sorte par ricochet. Il se substitue au représentant de la personne morale pour l’action
à mener, mais il n’est pas le représentant de ladite personne morale comme le sont par exemple
les préposés ou fondés. De ce fiait, en matière de recours pour excès de pouvoir où le
ministère d’avocat n’est pas exigé (article 824 alinéa 2-2), celui-ci doit disposer, en
principe, d’un titre justificatif de sa qualité comme tout autre représentant (N°102/CA du
19 mai 2005, Isaac Festus DOSSA). Toutefois, dans la pratique, sauf objection de la part
du représenté, ou du changement d’un avocat par un autre, le port de la Robe emporte
devant le juge administratif de la Cour suprême au Bénin, le ministère d’avocat d’une
manière générale, à savoir dans le domaine du plein contentieux et aussi en matière de
recours pour excès de pouvoir.
Lorsqu’une société est en faillite, il est possible qu’une juridiction dénie sa qualité de
représentant à l’avocat au motif que ce dernier ne détenait plus un titre régulier. Mais, ce
sera sous réserve. Cela voudra dire que le syndic peut reconduire à l’avocat le mandat de
celui-ci. Il y aura une simple régularisation expresse ou tacite. Un esprit de continuité du
procès le recommande, à moins que le syndic ait des raisons de craindre l’ambiguïté des
relations entre l’avocat et les dirigeants défaillants.
Paragraphe II : L’intérêt à agir et la qualité pour agir
Conformément à l’article 33 du Code béninois de procédure de 2011, « l’action en justice n’est
recevable que si le demandeur :
-justifie d’un intérêt légitime, direct… ;
- a la qualité pour agir en justice… ».
En contentieux administratif, l’intérêt à agir en justice représente le tort, le méfait (recours pour
excès de pouvoir) ou le préjudice, le dommage (plein contentieux) que le requérant a subi du
fait de l’acte juridique, matériel ou de l’inertie de l’administration, et qui le décide à attraire
celle-ci devant le juge. Contrairement aux autres textes juridiques qui l’ont devancé, le
Code béninois de procédure de 2011 a apporté des précisions à ce qu’il convient
d’entendre par un intérêt individuel. Celui-ci doit être légitime, direct et personnel.
En effet, par intérêt légitime, il faudrait comprendre un intérêt qui est défendable au regard de
la loi ou de la jurisprudence, qui n’est pas illicite ou prohibé. Lorsque par hypothèse, un
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justiciable occupe illégalement un domaine public qu’il refuse de libérer suite à une mise en
demeure que l’administration lui aurait adressée, il ne se plaindrait qu’à lui-même du préjudice
qu’il aura subi à l’occasion de son déguerpissement des lieux par les forces de l’ordre. Un intérêt
est direct quand il est actuel ; le juge peut le constater au moment de sa saisine. Le requérant
ne sera pas admis à se prévaloir d’un intérêt éventuel ou futur, qui n’est pas palpable ou évident.
L’intérêt personnel signifie que le tort doit être causé au requérant lui-même, mais non pas à
quelqu’un d’autre. D’où la formule, « pas d’intérêt pas d’action », ou encore, « nul ne plaide
par procureur » gardent toute leur portée en contentieux administratif (mais pas en contentieux
constitutionnel). Quand un justiciable arrive à prouver une telle inconséquence de la part de
l’administration, il n’est plus un simple justiciable, mais l’intérêt lui confère la qualité de
requérant, plaignant, plaideur, demandeur etc. On dit que l’intérêt à agir donne qualité pour
agir. Mis à part la représentation du requérant qui donne lieu à un premier emploi de la notion
de qualité, un second usage est ainsi rattaché à l’intérêt à agir. Mais le Code béninois de
procédure est resté muet sur l’intérêt des personnes morales ou l’intérêt collectif.
Toutefois, par référence au droit comparé, et vu sous un troisième angle, la qualité pour agir en
justice signifie qu’en dehors de l’intérêt personnel, il peut arriver qu’un requérant agisse pour
le compte d’une communauté, d’une association dont il est membre. L’intérêt n’est plus le sien
à ce moment, mais celui du groupe auquel il appartient. On dit que l’intérêt est collectif. Le
juge effectue deux vérifications en une pareille circonstance. Premièrement, il s’avise que le
justiciable appartient effectivement au regroupement dont il se réclame. Il vérifie sa qualité de
membre d’une association donnée. Alors, la qualité (de membre d’une institution) donne
« intérêt pour agir en justice ». Secundo, la qualité de membre étant requise, le juge
administratif se penchera sur le tort qui aurait été causé à la communauté d’intérêt qui serait en
jeu. Ce n’est qu’à cet instant, et à cet instant seulement, que le membre serait considéré comme
un véritable requérant. Par enchaînement, on pourrait dire que la qualité donne intérêt pour agir,
et par la suite, l’intérêt donne qualité à agir (CE 28 décembre 1906, SYNDICAT des PATRONS-
COIFFEURS de LIMOGES).
La Chambre administrative de la Cour suprême du Bénin a fait un exploit en matière de
qualité donnant intérêt à agir. Elle a admis que la qualité de citoyen local donne intérêt
pour se plaindre au juge des opérations de recasement qui se sont déroulées dans un
département.6 A fortiori, le cas des communes n’est plus à rappeler. Ce n’est plus la qualité
de contribuable seule qui peut être brandie (articles 161 à 164 de la loi n° 97-029 du 15
janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin), mais aussi la
qualité de citoyen communal. On retient en France, ‘’ la qualité d’habitant pour les actes
régissant un secteur géographique’’ (Voir Marceau LONG, Conclusions sur CE 14 février
1958, ABISSET).
Il reste qu’en France, l’autorisation accordée au contribuable est donnée en fonction de
l’action à entreprendre, mais non pas au regard de la personne qui l’a sollicitée. En
d’autres termes, le recours contentieux peut être exercé par un autre contribuable que
celui qui a demandé l’autorisation de le formuler7. Le recours s’exerce donc erga omnes.
La loi portant organisation des communes au Bénin, pas plus que L’arrêt SEVO,
n’intègrent cette dimension (erga omnes) de l’autorisation de plaider. Un plaidoyer ou de
préférence une plaidoirie, peut être effectuée dans ce sens à la moindre occasion. Le cas
échéant, l’intérêt collectif garderait tout son sens. L’initiative de plaider deviendrait une
6 Voir N° 106/CA du 19 mai 2005, Hontongnon Pierre SEVO c/ Préfet Atlantique, www.juricaf.org (consulté le 18 juillet 2008). 7 Voir CE Sect. 22 juillet 1992, CERAPIN, Rec, p. 302.
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initiative collective (n’importe quel contribuable pourrait la prendre, et sa mise en œuvre
émanerait aussi de tout membre de la communauté d’intérêt concernée).
Une autre originalité de la jurisprudence béninoise réside dans l’évolution ou le
changement de la qualité pour agir en cours d’instance. La qualité initiale est remplacée
par une autre qualité, qui lui est substitué. Le requérant s’est prévalu à l’origine, de sa
qualité d’époux pour exercer un recours en lieu et place de sa conjointe. L’administration
a conclu à l’irrecevabilité du recours. Mais puisque les règles de recevabilité sont des
moyens d’ordre public, le juge a fait prévaloir d’office, la qualité de fermier du plaideur
pour relever le recours de l’irrecevabilité auquel il est exposé (N°37/CA du 8 avril 2004,
Julien AHIHOU). On enregistre une double originalité : la présomption d’intérêt à agir,
et son extension.
D’une part, la jurisprudence française prévoit par exemple, le changement d’intérêt en
cours d’instance (voir CE 3 mai 1993, Soc. industrielle de construction). Par la suite, il a
décidé qu’une association pour la protection de l’environnement qui ne jouit pas en raison
de son objet d’un intérêt à demander l’annulation d’un permis de construire, peut se
prévaloir de son agrément par le préfet, en application du Code de l’environnement,
postérieurement à l’introduction de l’instance, pour justifier la recevabilité de son
recours (voir CE 25 juin 2003, Commune de Saillagouse, Rec., p.950). Dans la Commune
de Saillagouse, s’il n’est pas exclu que la permutation d’intérêts est intervenue dans une
même instance, il n’en demeure pas moins vrai que l’intérêt dont le requérant français
s’est prévalu en deuxième position dans la même instance est postérieur à l’introduction
de l’instance alors que dans la jurisprudence béninoise, l’intérêt qui a été brandi
ultérieurement existait avant la saisine de la Chambre administrative.
D’autre part, le législateur français a fait échec à la jurisprudence Saillagouse dans
l’article 13 d’une loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le
logement. Cet article qui a modifié le 2e alinéa de l’article L142-1 du Code de
l’environnement interdit que les actes administratifs qui sont intervenus postérieurement
à l’introduction d’une instance soient exploités dans le sens de la présomption d’intérêt à
agir. Cela ne fait que renforcer l’originalité de la jurisprudence AHIHOU. A partir du
moment où le législateur français entrevoit la réforme dans le sens d’un acte administratif,
le juge béninois pourrait s’en inspirer pour étendre la présomption d’intérêt aussi bien à
la qualité que l’intérêt à agir ou dans le sens de leur combinaison.
Au surplus, le changement d’intérêt à agir peut intervenir pour une première fois en
appel. Il est arrivé qu’en France, une requérante soit admise à invoquer sa qualité de
promoteur en première instance, puis en appel, celle de propriétaire voisin d’une
construction donnée (CE 3 mai 1993, Soc. industrielle de construction précité) ; CAA
Bordeaux, 3 mars 2009, CAPDEBOSCQ, AJDA, 2009, p.1006.
D’un autre point de vue, une personne morale non encore déclarée peut-elle toutefois
ester en justice contre des actes qui contredisent l’intérêt collectif dont elle est appelée à
se réclamer ? Le Conseil d’Etat français l’admet (CE. Ass. 31 octobre 1969, Syndicat de
défense des eaux de la Durance). Il semble que la Chambre administrative de la Cour
suprême du Bénin n’est pas encore saisie d’un tel recours.
Au demeurant, contrairement à la France où la qualité donnant intérêt pour agir s’érige
en un principe, c’est plutôt le contraire qui s’observe au Bénin ; l’intérêt à agir demeure
la règle générale. Le principe de l’un est alors l’exception de l’autre. Mais pour des motifs
11
de pertinence, de célérité et d’efficacité, les requérants auront tout intérêt à agir
collectivement.
Mais il n’est pas possible en retour, à la communauté d’intérêt d’ester en juste pour le
compte personnel, pour l’intérêt individuel de ses membres. Il n’y a donc pas de
réciprocité en la matière : exemple, défalcation de salaire pour un motif de grève (N°70/CA
du 16 novembre 2000, SNESTP8 ; voir du côté français, CE 28 décembre 1906, SYNDICAT
des PATRONS-COIFFEURS de LIMOGES ; CE, 22 janvier 2007, Union fédérale
équipement-CFDT).
Section II : Les conditions pouvant être régularisées
Les conditions pouvant être régularisées sont la caution et le droit de timbre
(paragraphe I) et le mémoire ampliatif (paragraphe II).
Paragraphe I : La caution ou consignation et le droit de timbre
La caution est de 15.000 frcs CFA (article 6 de la loi n° 2004-20 du 17 octobre 2007 portant
règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême. Ce
taux a été réitéré par le Code de procédure de 2011 en son article 931). Mais au moment du
dépôt du recours, il y 1000 frs de frais de justice qui sont payés au service du greffe de la Cour
suprême.
Contrairement en ce qu’il en est au Bénin, l’apposition d’un timbre sur chaque page du mémoire
n’est plus en vigueur en France. Le timbrage revient à 800 frs par page de la requête introductive
d’instance ou du mémoire sommaire. Les mémoires ampliatif ou complémentaire, en réplique,
et en duplique ne sont pas timbrés.
Paragraphe II : La production du mémoire ampliatif
Par mémoire ampliatif, il faut entendre le mémoire qui vient renouveler le mémoire sommaire
d’introduction de l’instance. Il s’agit plus exactement d’un mémoire complémentaire. Pour
éviter par exemple d’être forclos, un requérant peut, au lieu de produire un mémoire introductif
d’instance valant mémoire ampliatif, se contenter de retracer les grandes lignes du recours
contentieux dans un mémoire sommaire, avec la promesse, fait au juge, qu’il établira un
mémoire en bonne et due forme par la suite. Au cas où il ne le ferait pas, la juridiction le
rappellera à l’ordre en lui enjoignant de produire un mémoire complémentaire. S’il ne
s’exécutait pas, le recours sera frappé de déchéance.
Au mémoire introductif d’instance valant mémoire ampliatif ou à celui-ci, succède le mémoire
en défense. Il peut appeler un mémoire en réplique de la part du demandeur. Il pourrait y avoir
un second mémoire en défense auquel répondra encore un mémoire en duplique etc.
NB : Eviter d’avoir à produire des conclusions nouvelles ou à invoquer de nouveaux
moyens dans le mémoire ampliatif lorsqu’il est produit hors délai, c’est-à-dire après
l’expiration du délai de recours contentieux. En cas de non production du mémoire
ampliatif, le requérant est réputé s’être désisté et l’affaire est classée.
Le mémoire du requérant comporte trois parties (l’exposé des faits, les moyens et les
prétentions). Celui de la défense comprend deux parties (réponse aux moyens du
8 Voir en sens contraire, N°07/CA du 1er février 2007, SYNATRADER c/ MDR, www.juricaf.org (consulté le 18 juillet 2008). La jurisprudence ne paraît donc pas encore stabilisée.
12
requérant, et la conclusion). Il est précédé d’une brève introduction qui rappelle les
énonciations faites par le demandeur.
Chapitre II : Les conditions de recevabilité propres à chaque type de recours
Il s’agit d’abord, des conditions propres au recours pour excès de pouvoir (section I) et
ensuite, de celles qui interpellent le plein contentieux (II).
Section I : Les conditions propres au recours pour excès de pouvoir
La même méthode d’analyse sera reprise. Les conditions qui ne peuvent pas être régularisées
(paragraphe I) interviendront avant celles qui en sont susceptibles (paragraphe II).
Paragraphe I : Les conditions ne pouvant pas être régularisées
Les conditions ne pouvant pas être régularisées sont d’un certain nombre, pas moins de cinq
en tout cas : l’acte faisant grief (A), le délai de recours contentieux et le recours administratif
préalable (B), les recours contentieux sans moyens ou conclusion (C).
A/ L’acte faisant grief
NB : La matière administrative doit être métrisée pour écrire le mémoire en toute
connaissance de cause, faute de quoi le juge se déclarera incompétent pour connaître de
l’affaire dont il aura été saisi. « La juridiction statuant en matière administrative est
compétente pour du contentieux de tous les actes émanant de toutes les autorités
administrative de son ressort. Relèvent du contentieux administratif :
1°-les recours en annulation des actes ;
2°- les recours en interprétation des actes des mêmes autorités sur renvoi des autorités
judiciaires… »
L’explication de l’acte faisant grief sera dérivée de la compétence du juge. En effet, il avait été
avancé que la Chambre administrative contrôle toute sorte de décision, mais elle ne sanctionne
que les actes faisant grief. Les décisions posent un problème de compétence. L’acte faisant grief
soulève une question de recevabilité. Exemple : le ministère béninois de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche scientifique avait donné une autorisation provisoire d’ouverture à
des établissements privés d’enseignement dont les « Ecoles INFOGES et LOYOLA ». Elles
sont spécialisées dans la formation des apprenants dans les domaines médicaux et para
médicaux. Au moment de programmer les écoles privées accréditées qui vont présenter des
candidats aux différents examens nationaux de 1999, le ministère n’avait pas écrit sur la liste
qu’il a établie, le nom des « Ecoles INFOGES et LOYOLA ». Il leur avait reproché de n’avoir
pas respecté les normes et standards qui sont en vigueur dans le domaine concerné. La question
se pose de savoir le nombre de décisions que comprend la liste ministérielle qui a été ainsi
affichée. En effet, il y a trois actes administratifs.
Le premier acte renseigne sur le nom des établissements qui ont été autorisés à présenter
des candidats. En tant que tel, c’est une mesure administrative qui crée un
ordonnancement juridique relativement à l’organisation des examens de fin d’année
scolaire. Le juge l’aura contrôlé. Mais comme elle ne cause pas de tort à ses destinataires,
il ne la sanctionnera pas. En cela consiste la question de compétence.
13
La deuxième mesure administrative n’est pas apparente. Mais elle existe et fait grief. Elle
signifie que les requérants ne sont pas en réalité pris en compte par le ministère de
l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Un tel acte administratif est
qualifié d’une information indirecte.
La troisième décision est pareille à la deuxième. Il suffit d’interpréter la décision qui est
affichée pour s’en rendre compte. A quoi bon une école peut-elle exister qui ne produit
pas des diplômés ? En réalité, la liste éditée est synonyme de ce que l’autorisation
provisoire des établissements « INFOGES et LOYOLA » leur est retirée. En clair, ils ont
été fermés. L’acte émis en une pareille circonstance est qualifié d’acte exigeant un effort
d’analyse. Et dans la mesure où elle porte fermeture des écoles d’une manière illégale, en
l’occurrence il retire l’autorisation, mais ne s’est pas contenté de l’abroger, il porte grief.
Lorsqu’on examine l’arrêt « INFOGES et LOYOLA », ce sont les trois actes administratifs
que l’on peut décrypter.
NB : Faire attention à la reconnaissance des actes à procédure et à leur régime juridique.
B/ Le délai de recours contentieux et le recours administratif préalable
Le délai est l’intervalle de temps dont dispose le justiciable pour saisir le juge du litige qui
l’oppose à l’administration. Sa mise en œuvre paraît complexe. Il s’agira d’étudier le
déclenchement, la computation, la prorogation et la prolongation du délai. L’on prendra appui
sur un exemple concret pour l’élucider.
En effet, des articles concordants (68 alinéas 1 à 5 de l’ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966,
32 alinéas 1 à 6 de la loi n°2004-20 du 17 aout 2007 portant règles de procédures applicables
devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême et 827 alinéas 1 à 7 du Code de
procédure de 2011) qui l’organisent, il en ressort que le délai est déclenché par la notification
d’un acte individuel et la publication d’un acte réglementaire. La publicité de l’acte joue donc
un rôle important en matière contentieuse. Faute de publicité, le délai de recours contentieux
est déclenché par la connaissance acquise de fait. Il y aura connaissance acquise de fait lorsque,
faute pour l’administration d’avoir publié un acte administratif, le destinataire ne sera censé en
avoir été informé qu’à la date où celui-ci se serait pris d’une manière qui révèlera qu’il a
nécessairement connaissance de l’existence dudit acte.
A supposer qu’un acte administratif, qu’il soit réglementaire ou individuel ait été signé le 10
avril 2012. Ses effets courent à partir de cette date. Mais quel est l’intervalle de temps qui est
imparti au demandeur qui s’apprête à intenter un procès contre de tels actes administratifs ?
Pour ce qui est de l’acte réglementaire dont la publication remonte au 25 mai 2012 par exemple,
cette date est le dies ad quo, c’est-à-dire le jour déclencheur du délai. Celui-ci est donc
déclenché le même jour qu’a eu lieu la publication. Mais la computation commence à partir du
26 mai 2012 à minuit. Le délai est compté de quantième à quantième. Dit autrement, il court du
26 mai 2012 au 26 juillet 2012. Cette dernière date est le dies ad quem. On dit qu’il s’agit d’un
délai franc ou délai de procédure. Au cas où le 26 juillet serait un jour non ouvrable, il sera
encore possible d’exercer le recours contentieux le jour ouvrable qui suivra immédiatement. On
dit qu’il y a une prolongation du délai de recours contentieux.
En revanche, quant à l’acte individuel qui a été également notifié le 25 mai 2012, c’est sans
doute, à partir de cette même date que la question du délai contentieux va se poser. Le 25 mai
est le jour déclencheur du délai. On parle aussi de dies a quo. Une fois le délai déclenché, sa
14
computation a de même lieu à partir du lendemain du dies a quo, à savoir le 26 mai 2012 à zéro
heure.
Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue que le législateur préconise l’exercice d’un recours
administratif préalable avant de passer à la phase du recours contentieux proprement dit. Le
recours peut être gracieux, hiérarchique ou mixte. Dans le premier cas, il est adressé à l’auteur
de l’acte. Dans le second cas, c’est le supérieur de l’autorité administrative qui a édicté l’acte
qui est le destinataire du recours préalable. Le troisième type de recours administratif préalable
est une spécificité béninoise. Il est qualifié d’un recours administratif préalable mixte ou dérivé
et existe depuis 1998. En effet, quelle est la nature du recours administratif préalable adressé à
un ministre au sujet d’une décision qui a été prise par le Gouvernement ? Pour répondre à cette
question qui, a priori, devrait conduire à l’irrecevabilité du recours contentieux, la Chambre
administrative a estimé que lorsque la décision a été prise sur proposition d’un ministre, qui l’a
contresignée, et est chargé de sa mise en application, que le ministre doit être considéré comme
« l’autorité la mieux informée ». Partant, il peut être le destinataire du recours préalable qui en
résulte. Ne pouvant être pris pour un recours gracieux, moins encore pour un recours
hiérarchique, la doctrine l’a considéré au Bénin comme étant un recours administratif préalable
mixte ou dérivé.
Sur cette base, concevons à présent que le recours administratif préalable a été exercé le 26 mai
2012. La puissance publique dispose de deux mois pour répondre à la demande du requérant.
Le délai de deux mois étant déclenché le 26 mai 2012, les deux mois qui sont impartis à
l’administration courent de la période allant du 27 mai 2012 à zéro heure au 26 juillet 2012 à
minuit, mais non pas au 27 juillet 2012. Il en est ainsi d’autant plus que le délai n’est pas un
délai de procédure. C’est un délai administratif. Il n’est pas compté de quantième à quantième
comme un délai franc. S’il devrait prendre fin un jour non ouvrable, le requérant doit mettre
tout en œuvre pour exercer le recours administratif préalable le jour ouvrable qui précède, et
qui constitue de ce fait le dernier jour d’exercice du recours administratif préalable. Mais il ne
doit pas le former le jour ouvrable qui succède au jour non ouvrable où le délai devrait
normalement expirer. Le délai administratif ne fait pas l’objet d’une prolongation.
Au cas où la puissance publique ne répondra pas au recours administratif préalable à l’issue des
deux mois de sa saisine par le requérant, l’on dit qu’il y a un rejet implicite de la part de
l’administration. Une décision implicite de rejet est ainsi formée. Pour reprendre notre exemple,
la décision implicite datera du 26 juillet 2012. Et, c’est de cette décision implicite de rejet que
la juridiction administrative est saisie. De ce fait, la conclusion du recours administratif
préalable doit être identique à celle du recours administratif contentieux. Le contentieux atteint
alors sa maturité, il entre dans sa phase décisive, il devient en quelque sorte mûre pour être
connu de la juridiction administrative. Très exactement, on dit qu’il y a une cristallisation ou
une liaison du contentieux administratif.
Le requérant disposera alors des deux mois du recours contentieux proprement dit du 27 juillet
2012 au 27 septembre 2012. Ainsi, alors que le recours contentieux serait déjà exercé contre
l’acte réglementaire au plus tard le 26 juillet 2012, le recours contentieux contre l’acte
individuel ne serait formé que le 27 septembre 2012. On dit qu’il y a une prorogation du délai
de recours contentieux par l’exercice d’un recours administratif préalable. Le délai est aussi
assorti de prolongation comme dans le cas du recours contentieux contre un acte réglementaire.
Mais, en cas d’une réponse explicite de la part de l’administration à la suite de la demande en
recours administratif préalable, qu’en serait-il de l’exercice du recours administratif
contentieux ? Deux hypothèses peuvent se présenter. Dans le premier cas de figure, la réponse
explicite de l’administration peut être une décision positive, auquel cas il y aura un règlement
15
amiable. Le procès prendra alors fin et, comme le mentionne une formule assez connue, un
mauvais arrangement vaudrait mieux qu’un bon procès. En revanche, quand la décision
implicite serait négative, le délai de recours contentieux sera compté à partir de la date de la
décision explicite. En reprenant l’exemple ci-dessus, l’on suppose que le recours administratif
préalable étant formé le 26 mai 2012, l’administration ait donné une suite défavorable le 30
juillet 2012. Par conséquent, le requérant doit avoir exercé le recours contentieux du 31 juillet
2012 au 30 septembre 2012, faute de quoi il sera frappé de forclusion. On dira qu’il est forclos.
La prorogation du délai devrait donc faire l’objet d’une étude au cas par cas.
NB : le délai de recours contentieux est également prorogé par la formation d’une demande en
assistance judiciaire. La prorogation joue ici à la fois pour le délai du recours contentieux exercé
contre un acte individuel que réglementaire.
C/ Les recours sans aucun moyen et sans une conclusion
Par recours sans aucun moyen et une conclusion, il faut comprendre une requête à l’occasion
de laquelle le plaideur n’a adressé aucune prétention au juge. Il n’a non plus fourni aucune
argumentation. On n’aurait pas tort d’avancer que c’est de la fantaisie. Le juge est tenu de le
rejeter comme irrecevable.
Paragraphe II : La production de la décision attaquée, une condition régularisable
Conformément aux articles 66 alinéa 1er de l’ordonnance n° 21/PR, et 30 alinéa 1er de la loi n°
2004-20 du 17 août 2007, la requête introductive d’instance « doit être accompagnée d’une
expédition de la décision attaquée ». Procès fait à un acte, lorsqu’un requérant ne produit pas
la décision dont il se plaint, le juge aura du mal à contrôler le grief qui a été brandi. Le Code
béninois de procédure de 2011, allège la tâche au requérant. « La requête peut, dans la mesure
du possible, être accompagnée ‘une expédition de la décision attaquée. » (Article 821 alinéa
1).
Il peut s’agir d’un recours collectif personnel, ou réel.
La conclusion du recours contentieux et celle du recours administratif préalable, même
facultatif, doivent être identiques (arrêt DJGLA de la Chambre administrative de la Cour
suprême du Bénin).
Les recours précoces sont rejetés. Mais lorsque l’administration ne produit pas ses
observations, le requérant peut être relevé de la précocité au cas où le recours sera
susceptible de prospérer (N°48/ CA du 17 juin 1999, Séverin HOUEDANOU).
NB : Faire attention à la fraude à la procédure (vaine promesse faite par l’administration
de donner satisfaction au requérant après l’exercice du recours administratif préalable.)
Le juge se fonde sur le recours exercé pour valider le recours juridictionnel.
Section II : Les conditions propres au recours de pleine juridiction
Pour s’en tenir à la méthode d’analyse qui est adoptée jusque-là dans le domaine des questions
de recevabilité, les conditions dont le juge ordonne au besoin la régularisation (paragraphe II)
feront suite à celle qui ne peut pas l’être (paragraphe I).
Paragraphe I : Les conditions non régularisables
« Relève de la matière administrative, …2° les recours en interprétation des actes des
autorités administratives ; 3°-tous litiges de plein contentieux mettant en cause une personne
16
morale de droit public sauf exceptions prévues par la loi ; 4°- -les réclamations des
particuliers contre les dommages causés par le fait personnel des entrepreneurs
concessionnaires et régisseurs de l’administration ; 5°)-le contentieux fiscal. »
Les conditions non régularisables sont au non de trois : la décision administrative
préalable, le défaut de chiffrage des dommages-intérêts et le délai de recours contentieux.
A/ Le délai de recours contentieux et la décision administrative préalable
En matière de plein contentieux, la décision préalable est le répondant du recours administratif
préalable. On parle de demande en décision préalable parce que contrairement au recours en
annulation qui est accompagné d’une expédition de la décision attaquée, il n’existe pas à
l’origine de la prétention du plaideur, une décision administrative en contentieux de pleine
juridiction. Cela ne veut pas dire qu’un acte administratif ne peut pas causer de préjudice dont
la réparation sera sollicitée auprès du juge. Loin s’en faut ! Mais le problème qui se pose est
que tant qu’il n’y aura pas une demande en décision préalable, l’administration ne saura pas le
coût des indemnités qui lui sont réclamées. C’est pourquoi il conviendrait de la saisir de la
conclusion du requérant et, à défaut d’un règlement à l’amiable, le contentieux sera cristallisé.
La formalité de la décision préalable joue donc deux rôles : l’information de la puissance
publique du préjudice éprouvé par le demandeur et une tentative de règlement à l’amiable.
Le délai pour exercer le recours de plein contentieux est de 30 ans. Mais, si le recours en
décision administrative préalable venait à être exercé, et que l’administration réagissait par une
décision explicite de rejet, le plaideur doit agir dans les deux mois francs qui suivent, faute de
quoi il sera frappé de forclusion. Mais s’il y a un rejet implicite, le recours contentieux sera
exercé sans condition de délai. Le rejet implicite sera acquis après les deux mois qui suivront
la formation de la demande en décision administrative préalable.
B/ Le défaut de chiffrage des dommages-intérêts
Le défaut de chiffrage des dommages-intérêts expose le recours contentieux à l’irrecevabilité.
Dans la pratique, il n’y a pas assez de rejet dans ce domaine. Toutefois, il convient d’implorer
la clémence du juge pour admettre que les recours soient régularisés.
NB : Le contenu de la demande en décision administrative préalable doit être pareil à la
prétention dont le juge de plein contentieux est saisi, sous peine d’irrecevabilité.
Paragraphe II : Le ministère d’avocat, une condition susceptible de régularisation
Lorsque le requérant ne commet pas un avocat pour le représenter, le juge l’invite à régulariser.
Néanmoins, un nombre non moins important de recours contentieux sont frappés de déchéance.
Pour y remédier, il importe de faciliter la mise en œuvre de l’assistance judiciaire. Elle est
prévue aux articles 47 à 50 de l’ordonnance n° 21/PR et 8 à 10 de la loi n°2004-20 du 17 août
2007.
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Seconde partie : L’instruction des affaires
Préalablement à l’instruction proprement dite des affaires qui fait appel aux mesures
d’instruction (chapitre II), il sera procédé d’une manière globale à l’étude de la délimitation que
le juge fait de l’instance au sens large du terme. On l’abordera en traitant des caractéristiques
du procès administratif (chapitre I).
Chapitre I : Les caractéristiques du procès administratif
Les caractéristiques seront consacrées aux principes directeurs du contentieux administratif.
Ils sont au nombre de quatre : le caractère écrit et inquisitoire du contentieux administratif, le
principe du contradictoire et le délai raisonnable de règlement des litiges.
Section I : Le caractère écrit et inquisitorial de la procédure
L’article 823 alinéa 1er du Code de procédure de 2011 énonce que « devant les juridictions
statuant en matière administrative, la procédure est écrite ». Cette disposition emporte un
certain nombre de conséquences. Elle signifie que l’instruction des dossiers est effectuée sur la
base des mémoires introductifs d’instance et en défense qui, naturellement, sont écrits. Partant,
le juge n’est pas tenu de convoquer les parties à l’audience. Ce n’est que quand il l’aurait jugé
nécessaire qu’il y procédera. Et quand elles vont se présenter, ce ne serait que pour développer
en principe, le résumé des faits, les moyens et conclusions qui ont déjà été présentés dans les
différents mémoires (article 837 du Code de procédure). Il ne se concevrait pas alors qu’un
requérant accuse son avocat ou son représentant de n’avoir pas été présent à l’audience. Il ne
saurait non plus y avoir un jugement par défaut. Autrement dit, le fait pour l’une des parties, en
l’occurrence celle qui aurait tort, de n’avoir pas comparu au prétoire de la Chambre
administrative, à savoir le jour de l’audience n’a aucune influence, n’est pas synonyme de ce
que la partie concernée serait traitée comme étant absente.
C’est ce qui explique que « toutes les communications de pièces ont lieu par la voie
administrative à la diligence du greffier de la juridiction saisie » en vertu de l’article 827 du
Code de procédure de 2011. Il va sans dire que le juge dirige l’instruction9 et la dirige seul.10
9 Voir CE 1er juillet 1955, Caisse rég. de séc. Soc. de Normandie, Rec., p. 418 ; CE 30 juillet 2003, R…, AJDA 2003, p. 210. L’arrêt parle de l’exercice par le juge de ses « pouvoirs généraux de direction de l’instruction ». 10 Voir CE 27 novembre 1985, Soc.paris. de matériaux enrobés, DA 1986, n°52.
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Pour cause, l’article 830 du Code de procédure de 2011 prévoit en ses alinéas 1 et 2 ce qui
suit : « Le juge rapporteur dirige la procédure.
Il procède à toutes mesures d’instruction qu’il estime nécessaires ». En cela réside le
caractère inquisitorial de la procédure. C’est pourquoi à l’étape de la saisine, le demandeur ne
procède pas par assignation. Il n’invite pas l’administration à se présenter devant « son juge ».
Il n’est pas interdit aux parties de prendre des initiatives, de solliciter par exemple des mesures
d’instruction. Mais la conduite de l’instruction ressort des pouvoirs du juge. Le caractère
accusatoire d’un procès civil qui amène le juge à suivre ou à assister les parties en litige à qui
il revient la prérogative de conduire l’instruction ne vaut pas dans un procès administratif.
Section II : Le principe du contradictoire
Les dispositions identiques des articles 52 et 65 alinéa 2 de l’ordonnance n° 21/PR, 13 et 29
alinéa 3 de la loi n°2004-20 du 17 août 2007 et 833 du Code de procédure prévoient que « les
dossiers des affaires sont déposés au greffe et peuvent être communiqués aux parties sans
dessaisissement. Si des pièces y figurent accompagnées de copies certifiées conformes, celles-
ci sont communiquées aux autres parties par le greffier de la juridiction par voie administrative
ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ».
Il ressort de ces dispositions que le principe du contradictoire se déroule en quatre étapes :
D’abord, la communication du dossier et des pièces y afférentes. Ce sont les originaux ou les
copies certifiées conformes qui doivent être produits (voir article 222 alinéa 1er du Code de
procédure de 2011). La communication prend en compte les moyens d’ordre public qui sont
soulevés d’office par le juge dès qu’ils sont de nature à influencer le procès.11 Le principe exige
du juge de communiquer les moyens aux parties en cas de substitution ou de neutralisation de
motifs. Les pièces qui sont couvertes de secret professionnel ou administratif sont
communicables au juge,12 à défaut d’être mises à la disposition des parties. La communication
doit être suffisante pour remplir sa fonction d’information pour une discussion judicieuse. Il est
donc nécessaire d’éviter à tout prix de mettre les parties devant le fait accompli. Ensuite, les
parties doivent naturellement disposer d’un délai pour apprêter leurs observations. Ce délai est
de deux mois en vertu de l’article 830 du Code de procédure de 2011. Il est prolongé d’un mois
assorti de mise en demeure au besoin. En outre, les parties peuvent se faire assister (conseil,
avocat, témoin). Enfin elles présentent une défense prioritairement écrite en contentieux
administratif, ce qui n’est pas synonyme d’une exclusion de toute possibilité d’audition à
l’audience. C’est pourquoi, comme il avait été avancé, 15 jours avant l’audience, elles en sont
informées pour « développer oralement devant le juge saisi, un résumé des faits, moyens et
conclusions exposés dans les mémoires » (voir articles 836 alinéa 2 et 837 du Code de
procédure de 2011).
NB : Il existe une innovation béninoise : une troisième étape de l’ultime mise en demeure.
Section III : Le principe d’un délai raisonnable
11 Voir CE Sect. 5 avril 1996, Synd. Des avocats de France, Rec., p.118, JCP 1987, n°22817. 12 Voir arrêt INFOGES et « LOYOLA » précité.
19
Il n’est pas nécessaire de revenir sur l’allure comparable à celle d’une tortue ou d’un caméléon
qui caractérise la procédure administrative contentieuse au Bénin. La durée moyenne d’un
procès est de neuf ans. Certains procès durent près de 26 ans.13
Chapitre II : Le déroulement de l’instruction
Le déroulement interfèrent les mesures ordinaires (section I) et les mesures d’urgence (section
II) de l’instruction.
Section I : Les mesures ordinaires
« De toute façon, chaque partie doit être mise en mesure de discuter tant les faits que les moyens
de droit allégués par l’autre partie. Le régime de la communication des mémoires, ainsi que
des pièces par lesquelles ils peuvent être appuyés, est destiné à assurer la discussion nécessaire.
Dans certains cas, cette discussion ne suffisant pas à permettre au juge d’établir sa
sanction, les mesures adéquates propres à mieux l’éclairer seront ordonnées par lui. »14
Il en découle que les mesures ordinaires rappellent l’échange des mémoires (paragraphe I) et
l’administration de la preuve (paragraphe II). S’y ajoutent les mesures que le juge peut
prescrire au-delà du prétoire, c’est-à-dire dont l’exécution s’effectuera ailleurs que sur les
lieux de l’audience (paragraphe III).
Paragraphe I : L’échange des mémoires
Il n’est plus opportun de revenir avec détail sur l’échange des moires. La procédure de
communication rejoint ce qui a été noté à leur sujet dans le cadre du principe du contradictoire ;
elle intervient par voie administrative ou par lettre recommandée avec avis de réception.
En matière d’échange des mémoires, on peut lire dans l’arrêt Michel GBAGUIDI : « Vu la
requête en date du 1er juillet 1987…Vu le mémoire ampliatif du Conseil du requérant du 22
décembre 1987…Vu la lettre du 26 février 1988 par laquelle la requête et le mémoire ampliatif
ont été communiqués pour ses observations au président de la République…Vu les observations
du 15 mars 1988 du Directeur du Contentieux et Agent judiciaire du Trésor…Vu la
communication faite au Conseil du requérant pour sa réplique éventuelle…Vu le mémoire en
réplique du Conseil du requérant du 18 juillet 1988 etc. »15
Au demeurant, lorsque les mémoires complémentaires ne sont pas produits, suite à une mise en
demeure infructueuse, le juge décide que le requérant est frappé de déchéance.16 Quand le
défendeur ne fait pas parvenir ses observations au juge avant la clôture de l’instruction, on dit
13 En dehors de notre Thèse précitée, voir aussi Ibrahim D. SALAMI, « Le recours pour excès de pouvoir : contribution à l’efficacité du procès administratif au Bénin (199à-2010) », RBSJA année 2011, n° 25, pp. 130-131. 14 Voir Re CHAPUS, DAC, p. 831. 15 Voir -N°2/CA du 16 janvier 1998, Michel GBAUIDI c/ Etat béninois, Rec. CS- Bénin, pp.110-111 ; N°52/CA du 13 juillet 2006, Christophe GBEGNIHENOU LOKO c/ MFE, www.juricaf.org; N° 17/CA du 1er mars 2007, ATANDA Gafarou C/ Préfet de l’Atlantique, www. Juricaf.org. Les deux derniers arrêts ont été consultés le 18 juillet 2008. 16 Voir N° 166/CA du 15 septembre 2005, Albert ZANDO et 02 autres c/ Préfet Atlantique, www.juricaf.org (consulté le 18 juillet 2008).
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qu’il y a un acquiescement aux faits. Mais le juge n’en est pas lié. Il vérifie tout de même si les
pièces qui sont fournies au dossier par le demandeur ne contredisent pas les allégations de celui-
ci.
Paragraphe II : L’administration de la preuve
En vertu de l’article 223 du Code de procédure, « en aucun cas, les pièces ou leurs copies ne
doivent être retirées du dossier ». L’article met ainsi l’accent sur l’importance qu’elles revêtent
dans la conduite de l’instruction. C’est pourquoi « la communication des pièces doit être
spontanée. Elle est faite préalablement à l’audience » (article 209 alinéa 2 du Code de
procédure). Le régime juridique de la communication des pièces suit donc celui de l’échange
des mémoires.
Pour le reste, lorsque les mémoires renvoient à des pièces qui ne sont pas de nature à asseoir la
conviction du juge, celles-ci sont naturellement invitées à prouver le bien-fondé de leurs
allégations. Dans le cas contraire, les affirmations faites seront qualifiées de gratuites. C’est à
ce moment que la question de la preuve se pose. Elle incombe au demandeur dans un procès
civil. En contentieux administratif, la charge de la preuve revient à qui de droit. Selon les
circonstances, la Chambre administrative demandera à l’administration de lui fournir des pièces
qu’elle déteint et dont le requérant ne serait pas en mesure de produire. Le dossier « INFOGES
LOYOLA »17 est assez édifiant à cet effet. Le ministre de l’Education nationale et de la
Recherche scientifique n’a pas retenu les établissements concernés parmi ceux qui présenteront
des candidats aux différents examens de fin d’année parce qu’ils ne respecteraient pas les
normes et standards qui sont en vigueur. Seule l’administration détenant par devers elle lesdits
standards et normes, c’est au ministre qu’est revenu la charge de les faire connaître à la Chambre
administrative, mais pas aux demandeurs bien qu’ils en aient fait état dans leur mémoire. Au
cas où les mémoires et pièces connexes ne parviendront pas à éclairer le juge, ou à ne pas le
renseigner suffisamment, ce dernier étendra le déroulement de la procédure au-delà du prétoire.
Paragraphe III : Les mesures d’instruction susceptibles d’être prescrites
Le cadre général des mesures d’instruction sera retracé ainsi que les différentes formes
qu’elle revêt. L’accent sera mis sur son régime juridique avant de démontrer qu’elles sont
rarement prescrites en contentieux administratif.
Les mesures d’instruction occupent une place importante dans le Code de procédure de
2011. Contrairement aux autres textes juridiques qui les ont à peine abordées, il y
consacre 109 articles, soit les articles allant de 224 à 352. C’est la preuve qu’elles ont une
portée notoire dans le domaine du contentieux en général, et dans celui du contentieux
administratif en particulier. L’article 224 qui en plante le décor dispose : « Les faits dont
dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute
mesure d’instruction légalement admissible. »
Il découle de cette disposition que les mesures d’instruction qui sont prescrites ne sont pas
destinées à combler les carences d’une partie dans l’administration de la preuve. Mais il doit
17 Voir N° 68/CA du 7 octobre 1999, Institut de formation en organisation et gestion sociale (INFOGES) et Ecole « LOYOLA » c/ ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MESRS), Rec. Cour sup. Bénin, p. 482.
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s’agir de faits non compris dans les dossiers ou des faits sur lesquels les productions ou
mémoires ne sont pas en mesure d’apporter tout ou partie de l’éclairage nécessaire au juge dans
leur compréhension et appréciation. La précision prend sa source dans l’article 227 du Code de
procédure.
Si la possibilité s’offre au juge de produire des mesures d’instruction, il doit se limiter aux
mesures qui paraissent simples et sont moins onéreuses (article 228 du Code de procédure).
Plusieurs mesures peuvent être prescrites à la fois. Pendant que certaines sont en cours
d’exécution, le juge peut prescrire de nouvelles mesures d’instruction en fonction de l’article
229. C’est dire qu’il peut accroître le champ des mesures à tout moment, comme il peut le
restreindre au regard de l’article 230. L’initiative peut émaner du juge ou des parties sur le
fondement de l’article 235. Mais en contentieux administratif plus que dans toutes autres
matières, les mesures prescrites sont exécutées par le juge ou sous son contrôle (article 236
alinéa 1er). Les parties et les tiers qui y apporteront leurs soutiens en seront informés par lettre
recommandée avec avis de réception. La convocation peut également être effectuée par la
remise d’un simple avis au conseil des parties. Une convocation verbale est requise lorsque les
parties et les tiers sont présents au moment de la fixation de la date de la mesure qui a été
ordonnée.
Le juge peut procéder à des vérifications personnelles, en se transposant si besoin est, sur les
lieux (article 256 du Code). Une illustration peut être tirée de la jurisprudence de la Chambre
administrative. Dans le dossier GANDOLANHOU, le requérant a formulé une demande de
sursis à exécution. Mais, face à la menace de déguerpissement et les travaux entrepris sur la
parcelle litigieuse, la « procédure enrôlée pour l’audience du jeudi 8 juillet 2004 a été renvoyée
à l’audience suivante de la Chambre administrative pour cause de mesures d’instruction
complémentaires et pour être mise en délibéré. »18 Donc, c’est à dessein que le Professeur
Bernard PACTEAU énonce que « par-delà ses investigations, il revient en réalité au juge de
« conclure » l’administration de la preuve par sa « conviction. » »19 L’arrêt GANDOLANHOU
ne renseigne pas sur la nature de la mesure d’instruction prescrite d’office par le juge. On
s’imagine, au regard de la décision, qu’il est assez probable que ce soit une visite des lieux.
L’intervention forcée qui permet au juge de requérir si nécessaire la comparution personnelle
de justiciables qui ne sont pas parties à un procès constitue également une forme de prescription
de mesure d’instruction (voir article 260 et suivants du Code de procédure).
Le Code prévoit plusieurs modalités de mesures d’instruction. Il peut s’agir d’une enquête (voir
les articles 275 et suivants du Code de procédure). Dans l’arrêt MAGNONFINON,
l’administration estime avoir notifié au requérant la lettre le radiant définitivement des Forces
Armées béninoises. Aussi, l’autorité administrative ajoute-t-elle que non seulement le Sieur
MAGNONFINON a reçu notification de ladite décision, mais que ce dernier a de surcroît
« perçu ses droits (cotisations, caisse de secours) à la Direction des Services de
l’Intendance »20. Toutes ces allégations de la défense étant catégoriquement rejetées par le 18 Voir N° 146 / CA du 28 juillet 2005, J. Pascal GANDOLANHOU c/ Préfet Atlantique, www.juricaf.org
(consulté le 18 juillet 2008).
19 Voir Bernard PACTEAU, « L’arbitrage juridictionnel de la preuve »,in, AJ 1997, p. 210 20 Voir N° 67/CA du 7 octobre 1999, Djim Grégoire MAGNONFINON c/ MDN, Rec. CS. Bénin, p.321
22
plaignant, le juge a décidé que « l’administration ne rapporte pas la preuve de ses allégations
et qu’il échet avant dire droit, d’ordonner une mesure d’instruction à l’effet de demander à
l’administration de produire les pièces justifiant que les droits ont été versés au requérant. »21
Cet arrêt est une illustration appropriée de l’apport des mesures d’instruction à la conduite de
l’instance. C’est donc, à bon droit que le juge a refusé de statuer en l’état, faute de quoi la
décision juridictionnelle aura été entachée d’erreur. Pour cause, le Professeur BEMBA déclare
que, « ne pouvant statuer qu’en connaissance de cause, le prononcé d’une mesure d’instruction
assurera l’information du juge et l’établissement de sa conviction, si les mémoires et les pièces
du dossier ne suffisent pas à l’éclairer. »22
De plus, « lorsqu’une question purement technique ne requiert pas d’investigations
complexes », le juge peut commettre toute personne « de lui fournir une simple consultation »
(article 325 du Code de procédure).
En termes de mesures d’instruction, le juge peut de même ordonner l’expertise lorsqu’une
consultation donnée ne peut être confiée qu’à un technicien (article 331 et suivants du Code de
procédure). Les décisions GNIMAGNON et MOUNIER23 sont illustratives en matière
d’expertise médicale. Elles font état d’incapacité permanente provisoire (IPP). L’expertise peut
appeler une contre expertise (article 231 alinéa 2).
Il importe également de faire droit à la constatation des faits.
Par rapport au régime juridique d’une mesure d’instruction, il peut consister en l’élaboration
d’un avis, d’un procès-verbal ou d’un rapport. Le document qui en est issu est remis en copie à
chacune des parties. Un enregistrement sonore peut être également établi. Chaque partie peut
en avoir copie à ses frais (article 254 et 255 du Code de procédure). La mesure d’inscription
n’ayant pas un effet de dessaisissement du juge, la procédure suit son court à la fin de son
exécution. Le juge connaissant le droit, les mesures d’instruction ne peuvent que porter sur les
faits. En outre, le juge n’est pas lié par les résultats des mesures en cause.24
Enfin, un élément d’analyse doit être mentionné. Il tient lieu d’une précision
complémentaire. Il a trait au rapport entre le juge de l’administration et le juge répressif
en matière d’établissement des faits. Il n’est pas en effet possible pour la Chambre
administrative, moins encore à l’administration active de contredire des faits qui ont été
expressément confirmés ou infirmés par le juge pénal. Il n’y a donc plus de mesure
d’instruction à prescrire. Le juge en tire les conséquences. C’est le cas quand le juge
répressif a statué au fond. Il est ici question des décisions qui sont revêtues de l’autorité
absolue de la chose jugée. Ne sont donc pas concernés les jugements ou arrêts de non-lieu
ou les décisions non juridictionnelles du ministère public prononçant le classement sans
21 Ibidem 22 Voir Joseph BEMBA, « Le juge administratif et le temps dans le contentieux de l’excès de pouvoir », op.cit., p. 516 23 Voir 12/CA du 4 juillet 1997, S. Pierre GNIMAGNON c/ MF, Rec. CS Bénin, pp. 132-136 ; N°58/CA du 13 décembre 2001, Jean MOUNIER c/ Etat béninois et Samuel ZODEHOUGAN, www.juricaf.org (consulté le 18 juillet 2008). 24 Voir René CHAPUS, DCA, p. 861.
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suite d’une affaire25. C’est pourquoi, lorsque la légalité d’une décision administrative est
subordonnée à la constatation des faits réalisée par le juge pénal, dès lors que celui-ci
arrête la commission des faits, la décision est régulière. Dans le cas contraire, elle est
illégale.26 Les arrêts Joseph COMLAN ou BALLE27 en sont des exemples. Les faits qui
sont reprochés aux requérants ont été infirmés par le juge pénal. De ce fait, la Chambre
administrative a déclaré juridiquement inexistants les sanctions qui ont été prononcées à
leur encontre. La juridiction administrative ne se préoccupe pas de la qualification des
faits effectuée par le juge pénal. Elle ne cherche non plus à savoir si les faits sont
constitutifs d’une infraction. Seule leur matérialité l’intéresse.
Un fait peut ne pas être constitutif d’une infraction d’après le juge pénal. Mais sa seule
réalisation aura suffi pour fonder la Chambre administrative dans la décision qu’elle a en vue
de prendre. Ce qui peut avoir aussi une répercussion sur les mesures d’instruction qui ne sont
pas ordinaires.
NB : Se rappelez la procédure d’une riposte offensive en cause. Elle prospère dans le
domaine du plein contentieux, mais pas en recours pour excès de pouvoir (N°21 /CA du
07 juin 2001, D. Rahimy MOHAMED CHERIF)
Section II : Les mesures d’urgence : le sursis à exécution
Des dispositions identiques des articles 73 de l’ordonnance du 26 avril 1966, 36 de la loi n°
2004-20 du 17 août 2007 et 838 du Code de procédure, « sur demande expresse de la partie
requérante, la Chambre administrative peut, à titre exceptionnel, ordonner le sursis à exécution
des décisions des autorités administratives contre lesquelles a été introduit le recours en
annulation.
Le sursis à exécution ne peut être accordé que si les moyens invoqués paraissent sérieux et si
le préjudice encouru par le requérant est irréparable ».
En effet, l’octroi du sursis à exécution est subordonné à trois conditions cumulatives : l’urgence,
les caractères sérieux des moyens invoqués et irréparable du préjudice encouru par le requérant.
Le principe est donc qu’il ne devrait pas y avoir de sursis à exécution dans le domaine du
contentieux de pleine juridiction. Il ne s’agit toutefois pas d’un principe absolu. Le domaine
économique, celui des libertés publiques et dans une certaine mesure, les référés précontractuel
et contractuel en constituent un terrain de prédilection.
CONCLUSION
25 Voir CE 7 juillet 1971, THIERRY, Rec., p. 514 ; CE Ass. 5 mai 1976, LERQUEMAIN, Rec., p.228, concl. G. GUILLAUME. 26 Voir CE 14 décembre 1984, TRAISSAC, Rec., p.690, RFDA 1986, p. 435, concl. Bernard STIRN, obs. J. MORANGE. 27 Voir N° 004/CA du 17 février 2000, Janvier BALLE c/ Etat béninois, Rec. CS Bénin, p. 346 ; N° 45/CA du 22 avril 2004, Joseph COMLAN c/ Etat béninois, www.juricaf.org (consulté le 18 juillet 2008). Dans ces deux arrêts, les faits ont été infirmés par le juge répressif. En revanche, ils ont été confirmés dans cet autre arrêt : N° 50/CA du 28 décembre 1998, Barnabé BIDOUZO c/MF, MFPTRA, Rec. CS Bénin, pp. 154-159.
24
L’étude de la pratique du contentieux administratif, pour être complète, devrait pouvoir
être étendue aux référés et aux voies de recours ainsi qu’à l’exécution de la chose jugée.
En raison du temps qui nous est impartie, elle a été limitée aux règles de recevabilité et à
celles relatives à l’instruction des affaires. Celles-ci peuvent être résumées par un exercice
d’au revoir et de maintien de nos relations au-delà des frontières physique ou
géographique qui nous séparent, ou qui, si vous le voulez, nous unissent.
En effet, une requérante, une étudiante de 16 ans qui vient d’avoir un bébé entend
contester un acte administratif, notamment un acte individuel. Elle voudra en solliciter
l’annulation en même temps que la réparation du préjudice que l’acte lui a causé.
Elle vous informe pour les besoins de la cause qu’elle appartient à une association des
‘’demoiselles émancipées’’, une association qui est en voie d’être formée et dont les
moyens matériels et financiers sont négligeables. Elle vous prend pour conseil et vous
demande de l’éclairer sur toutes les hypothèses possibles d’exercice avec succès, de son
recours contentieux.
Faites-lui une synthèse pratique (appuyée par des textes juridiques et par la
jurisprudence), des règles de recevabilité et d’instruction des affaires en contentieux
administratif. Effectuez l’exercice individuellement et collectivement.