Camp militaire LA LÉGION SAUTE SUR LE LARZAC · 2019. 1. 21. · Charlie Hebdo, nous avons appris...

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28 LA VILLE EN PARLE La Gazette n° 1429 - Du 5 au 11 novembre 2015 1 200 légionnaires sont attendus dans le camp militaire du Larzac. Une annonce entourée de précautions, saluée par les élus locaux, et vécue comme une provocation par des collectifs d’habitants. Derrière ces débats, se profile la question de l’avenir agricole et humain du Larzac. TEXTE : FRANÇOISE KOUCHNER. PHOTOS : GUILLAUME BONNEFONT D es moutons ! Pas la Légion !Les mots ont surgi ici et là le long de l’A 75, sur cet immense plateau du Larzac balayé par le vent, à 100 km au nord de Montpellier. Des slogans dignes de la lutte qui avait mobilisé, entre 1971 et 1981, les paysans du Larzac et les militants pacifistes contre l’ex- tension du camp militaire de La Cavalerie. Après une mobilisation têtue, les opposants avaient arraché de François Mitterrand, alors pré- sident de la République, l’annula- tion du projet. Depuis, à La Cavale- rie (1 058 habitants), les 180 mili- taires permanents et les soldats en formation au Centre d’entraînement au tir opérationnel (CEITO) cohabi- tent en paix avec leurs voisins éle- veurs, chacun chez soi, les brebis étant régulièrement invitées à venir désherber les terrains militaires lors des périodes hors tirs. Émirats arabes unis. Les décisions communiquées le 31 juillet 2015 par le ministère de la Défense ont semé le trouble dans cette quiétude champêtre : départ du CEITO vers le camp de Canjuers dans le Var, et prochaine arrivée de la 13 e brigade de la Légion étrangère (la DBLE), actuellement stationnée aux Émi- rats arabes unis. 350 légionnaires sont attendus à l’été 2016, 1 200 en 2018. Cette annonce a rallumé le débat sur ce territoire de 3 000 habitants devenu le symbole de la lutte anti- militariste, prompt à se mobiliser sur des causes altermondialistes ou écologistes : 300 000 personnes réu- nies lors du rassemblement Larzac 2003, plusieurs manifestations contre le gaz de schiste. Peu désireux d’ouvrir un nouveau front dans une région sensible politique- ment, le ministère de la Défense s’est ef - forcé de déminer le terrain et de s’assurer préalablement l’adhé- sion des élus locaux. Mission réussie, les élus du coin se mon- trent unanimes, tous bords confondus, à soutenir l’arri- vée du nouveau régiment. “L’an- nonce de fin juillet est la conclusion de plusieurs mois de discussions entre les élus et le ministère de la Défense”, explique Alain Fauconnier, maire socialiste de Saint-Affrique, ville de 8 000 habitants en bordure du Larzac. Promesses. Suite aux attentats de Charlie Hebdo, nous avons appris que l’armée avait décidé de redé- ployer des moyens dans l’Hexagone. Elle a consulté pour voir ce qui se passerait si la brigade de la Légion venait sur le Larzac.” Une version confirmée par Jean-Claude Luche, président UDI du Conseil départe- mental de l’Aveyron, par ailleurs adversaire politique acharné d’Alain Fauconnier. “ Les choses étaient claires, l’armée ne voulait pas venir sur un territoire où il n’y aurait pas un accueil unanime. Nous avons analysé pourquoi il y avait eu la révolte en 1971. Ne nous mettons pas les agriculteurs sur le dos. L’ar- mée reste donc strictement sur son périmètre actuel.” Au-delà de cette promesse de non- extension gravée dans le marbre, la rétrocession de terrains non uti- lisés par l’armée et leur retour à un usage agricole est également évo- quée. “Cela serait un signal fort pour l’avenir”, espère Alain Fauconnier. Emplois. Figurent aussi dans la cor- beille la création d’un collège sur le Larzac, réclamée depuis des années par les habitants du causse, et la perspec- tive d’un nouvel élan économique et démo- graphique. Le Sud-Aveyron souf- fre économiquement, Saint-Affrique et Mil- lau perdent des habi- tants. Il n’y a que La Cavalerie qui s’en sort grâce à l’A 75. L’arrivée de 1 200 soldats en garnison, l’installa- tion de 250 familles génèrent auto- matiquement des emplois”, s’enthou- siasme Jean-Claude Luche. Même optimisme chez Bruno Fer- rand, actuel maire de La Cavalerie sans étiquette, mais “plutôt à droite“. Je vois cela comme une entreprise qui créerait 1 200 emplois. Cela repré- sente des consommateurs et des emplois induits. L’armée investira en outre 40 millions d’euros pour la rénovation du camp, sans compter les investissements des collectivités territoriales. Ces arrivées rendront viables économiquement des projets de lotissements en sommeil, et accé- léreront, par exemple, la construction d’un gymnase intercommunal sur la Camp militaire LA LÉGION SAUTE SUR LE LARZAC Marysette Tarlier, figure légendaire de la lutte contre l’extension du camp militaire du Larzac dans les années 70, est de nouveau mobilisée, mais cette fois contre l’arrivée de la Légion dans le camp du Larzac. LES ÉLUS SE MONTRENT UNANIMES À SOUTENIR L’ARRIVÉE DU NOUVEAU RÉGIMENT. ENQUÊTE

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1 200 légionnaires sont attendus dans lecamp militaire du Larzac. Une annonceentourée de précautions, saluée par les éluslocaux, et vécue comme une provocationpar des collectifs d’habitants. Derrière cesdébats, se profile la question de l’aveniragricole et humain du Larzac.

TEXTE : FRANÇOISE KOUCHNER. PHOTOS : GUILLAUME BONNEFONT

Des moutons ! Pas la Légion !”Les mots ont surgi ici et làle long de l’A 75, sur cet

immense plateau du Larzac balayépar le vent, à 100 km au nord deMontpellier. Des slogans dignes dela lutte qui avait mobilisé, entre1971 et 1981, les paysans du Larzacet les militants pacifistes contre l’ex-tension du camp militaire de LaCavalerie. Après une mobilisationtêtue, les opposants avaient arrachéde François Mitterrand, alors pré-sident de la République, l’annula-

tion du projet. Depuis, à La Cavale-rie (1058 habitants), les 180 mili-taires permanents et les soldats enformation au Centre d’entraînementau tir opérationnel (CEITO) cohabi-tent en paix avec leurs voisins éle-veurs, chacun chez soi, les brebisétant régulièrement invitées à venirdésherber les terrains militaireslors des périodes hors tirs.

Émirats arabes unis. Les décisionscommuniquées le 31 juillet 2015par le ministère de la Défense ont

semé le trouble dans cette quiétudechampêtre : départ du CEITO versle camp de Canjuers dans le Var, etprochaine arrivée de la 13e brigadede la Légion étrangère (la DBLE),actuellement stationnée aux Émi-rats arabes unis. 350 légionnairessont attendus à l’été 2016, 1200 en2018. Cette annonce a rallumé le débatsur ce territoire de 3000 habitantsdevenu le symbole de la lutte anti-militariste, prompt à se mobilisersur des causes altermondialistes ouécologistes : 300000 personnes réu-nies lors du rassemblement Larzac2003, plusieurs manifestationscontre le gaz de schiste.Peu désireux d’ouvrir un nouveaufront dans une régionsensible politique-ment, le ministère dela Défense s’est ef -forcé de déminer leterrain et de s’assurerpréalablement l’adhé-sion des élus locaux.Mission réussie, lesélus du coin se mon-trent unanimes, tousbords confondus, à soutenir l’arri-vée du nouveau régiment. “L’an-nonce de fin juillet est la conclusionde plusieurs mois de discussionsentre les élus et le ministère de laDéfense”, explique Alain Fauconnier,maire socialiste de Saint-Affrique,ville de 8000 habitants en borduredu Larzac.

Promesses. “Suite aux attentats deCharlie Hebdo, nous avons apprisque l’armée avait décidé de redé-ployer des moyens dans l’Hexagone.Elle a consulté pour voir ce qui sepasserait si la brigade de la Légionvenait sur le Larzac.” Une versionconfirmée par Jean-Claude Luche,président UDI du Conseil départe-mental de l’Aveyron, par ailleursadversaire politique acharné d’Alain

Fauconnier. “Les choses étaientclaires, l’armée ne voulait pas venirsur un territoire où il n’y aurait pasun accueil unanime. Nous avonsanalysé pourquoi il y avait eu larévolte en 1971. Ne nous mettonspas les agriculteurs sur le dos. L’ar-mée reste donc strictement sur sonpérimètre actuel.”Au-delà de cette promesse de non-extension gravée dans le marbre,la rétrocession de terrains non uti-lisés par l’armée et leur retour à unusage agricole est également évo-quée. “Cela serait un signal fort pourl’avenir”, espère Alain Fauconnier.

Emplois. Figurent aussi dans la cor-beille la création d’un collège sur

le Larzac, réclaméedepuis des annéespar les habitants ducausse, et la perspec-tive d’un nouvel élanéconomique et dé mo - graphique. “Le Sud-Aveyron souf-fre économiquement,Saint-Affrique et Mil-lau perdent des habi-

tants. Il n’y a que La Cavalerie quis’en sort grâce à l’A75. L’arrivée de1200 soldats en garnison, l’installa-tion de 250 familles génèrent auto-matiquement des emplois”, s’enthou-siasme Jean-Claude Luche. Même optimisme chez Bruno Fer-rand, actuel maire de La Cavaleriesans étiquette, mais “plutôt à droite“.“Je vois cela comme une entreprisequi créerait 1200 emplois. Cela repré-sente des consommateurs et desemplois induits. L’armée investira enoutre 40 millions d’euros pour larénovation du camp, sans compterles investissements des collectivitésterritoriales. Ces arrivées rendrontviables économiquement des projetsde lotissements en sommeil, et accé-léreront, par exemple, la constructiond’un gymnase intercommunal sur la

Camp militaire

LA LÉGION SAUTESUR LE LARZAC

Marysette Tarlier,figure légendaire de la lutte contrel’extension du campmilitaire du Larzacdans les années 70,est de nouveaumobilisée, maiscette fois contrel’arrivée de laLégion dans lecamp du Larzac.

LES ÉLUS SE MONTRENTUNANIMES À

SOUTENIR L’ARRIVÉEDU NOUVEAU

RÉGIMENT.

ENQUÊTE

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commune, pour un usage partagéavec l’armée.”Outre sa vision économique, ladroite locale ne boude pas son plai-sir de ce renouveau du camp mili-taire “L’arrivée de 1 200 militaires,c’est extraordinaire, compte tenu del’histoire du Larzac !”, savoure Jean-Claude Luche. Le jeune maire de LaCavalerie, enfant du pays, enfoncele clou. “Les militaires vont revenirau village, nous allons accueillir laLégion, un corps d’élite, en généraltrès religieux, l’église va à nouveause remplir…”

Déception. L’unanimité affichée atout de même ses limites. PourAlain Fauconnier, par ailleurs pré-sident du parc naturel régional desGrands Causses, l’arrivée d’une gar-nison de 1200 bidasses ne résoutpas tout. “Cela a du sens si on res-pecte l’histoire du Larzac, le bouillon-nement d’énergie, sa volonté d’unautre modèle agricole, si l’on ne remetpas en cause les projets sur l’énergieou la filière bois.“En face, des militants du Larzacremontés, outrés d’abord par lecalendrier et les méthodes. “Ilsannoncent cela le 31 juillet, par la

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bande, un déni de démocratie, commeavant“, peste Joseph Pineau, anciencoordonnateur des comités anti-Larzac. La déception est d’autant plus forteque circulait depuis quelques an -nées la rumeur d’une possible fer-meture du camp de La Cavalerie,en ces temps de restrictions budgé-taires. “Nous pensions entendreconfirmer le départ du CEITO. Noustravaillions sur des projets de réuti-lisation de ces 3 000 hectares quiseraient restitués à unusage civil, commenty ac cueillir des gens,voire y installer le col-lège. Alors apprendrel’arrivée de 1 200 lé -gionnaires, par lapresse…”, confirme desa voix douce Mary-sette Tarlier, autrefigure de la lutte duLarzac, un mo mentemprisonnée pour des actions mili-tantes. La pilule est d’autant plus amère àavaler qu’il s’agit de la Légion étran-gère, qui ne laisse pas indifférentet transforme chacun en historienavisé de la chose militaire. “Des sol-

dats pas comme les autres, des fersde lance de la colonisation, regardezla guerre d’Algérie !”, lâche encoreJoseph. “J’ai pris cela comme unebaffe, une claque ! Ici, au Larzac, lesymbole est pour le moins fâcheux”,enrage Christian Roqueirol, éleveurde brebis installé ici lors de la lutte.

Augmentation. Mais l’essentieln’est pas là. “Oser nous dire: “On vientvous sauver“, c’est du mensonge puret simple. C’est balayer toute la dyna-

mique du territoiredepuis des an nées. Leplateau compte 150 à200 habitants supplé-mentaires, tous les ha -meaux abandonnésont retrouvé des habi-tants, il n’y a pas uneferme vacante, desnouvelles fermes sesont créées, des arti-sans se sont installés.

Nous avons mis en place des réseauxde vente directe. Le Larzac est la seulezone rurale en France où le nombred’agriculteurs a augmenté ces der-nières années ! Partout ailleurs lesagriculteurs disparaissent. Alors nousramener l’armée comme facteur de

développement ! On va juste fairetourner les bistrots à La Cavalerie ettransformer Millau en ville de garni-son. Et on veut vendre du tourismede nature, les grands espaces, l’airpur, avec des légionnaires en uni-forme dans les rues !”De fait, des réactions s’organisent :réunions de militants à la bergeriede la Jasse, protestations collectivesà Millau et à Rodez, lettre ouverteà François Hollande, signée par2500 personnes, demandant l’an-nulation de la décision. “Il y a desfortes protestations, des jeunes quiont envie de réagir, qui sont souventcritiques contre notre génération,jugée trop arrangeante. Du coup, ledialogue se renoue. Et nous-mêmessommes toujours sur la brèche”,sourit Marysette.

Gardem Lo Larzac ! Un collectifd’opposants à l’arrivée de la Légionsur le Larzac a créé son blog, baptiséGardem Lo Larzac! (“Gardons le Lar-zac !” en occitan), clin d’œil directau mouvement Gardarem Lo Lar-zac! (Nous garderons le Larzac!) desan nées 70. Mais les temps ont changé, mêmesi la gouaille, le goût de la formule

14000hectares. C’étaitle projet d’agran-dissement ducamp militaire deLa Cavalerie qui amis le feu auxpoudres en 1971.Le camp comptaitalors 3043 ha. 107paysans devaientêtre expropriés,103 ont refuséjusqu’au bout devendre.

350 stagiaires.C’est le nombreactuel de soldatsen formation auCEITO de LaCavalerie, aux-quels s’ajoutent180 permanentset une quaran-taine de civils.Les 1200 légion-naires prévus engarnison à LaCavalerie repré-senteront environ250 familles.

5 habitants au km2. C’est ladensité de lapopulation sur lecanton de Cornussur le Larzac.

REPÈRES

L’ÉLEVEUR CHRISTIANROQUEIROL :

“OSER NOUS DIRE : “ON VIENT VOUS

SAUVER”, C’EST DUMENSONGE

PUR ET SIMPLE.”

Entre Montpellier et Millau, le causse duLarzac. Les 180 militaires permanents et

les soldats en formation au centred’entraînement au tir opérationnel

(CEITO) devraient partir et laisser la placeà la 13e brigade de la Légion étrangère (la

DBLE), actuellement stationnée auxÉmirats arabes unis. 350 légionnaires

sont attendus à l’été 2016, 1 200 en 2018.

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Mais est-ce à nous de dire quel corpsd’armée doit venir sur le Larzac?”,commente Laurent Reversat, un desporte-parole de la Conf’, qui rappellela priorité : le maintien d’une agri-culture paysanne autour de l’agro-pastoralisme, cette forme d’élevagepeu intensif, itinérant et en pleinair pratiquée au Larzac.

Unesco. “Nous avonsété choqués de voirles élus annoncertous ensemble lanouvelle. Nous ne lesavons jamais vusprendre ainsi posi-tion pour dire qu’ilfaut sauver l’élevage,et se mobiliser devant nos difficultés.C’est choquant d’entendre dire quela Légion va nous sauver, alors quel’avenir de la région passe par la sau-vegarde de l’agropastoralisme. Il n’ya pas que nous qui le disons : c’estinscrit dans la charte du parc régio-nal naturel et c’est pour la qualité deson agropastoralisme que la régionCausses-Cévennes a été classée patri-

moine mondial par l’Unesco.“Pour Pierre-Marie Terral, profes-seur d’histoire et chercheur en his-toire contemporaine à l’universitéPaul-Valéry, auteur de l’ouvrage LeLarzac, de la lutte paysanne à l’al-termondialisme, “les luttes du Larzacont laissé des clivages encore vivaces,notamment à La Cavalerie où les mili-

tants antimilitaristesne se sentent pas lesbienvenus. Il y a deschoses qui se jouentau niveau des sym-boles, l’arrivée de laLégion, la mise enavant au point de vuetouristique des Tem-pliers, un ordre mili-

taire et religieux. Mais il y a aussiune forte inquiétude sur les impactssocio-économiques et démogra-phiques dans une région fragile. Cequi est en jeu, ce n’est pas un conflitagriculteurs-militaires, c’est la visiond’un avenir civil, agricole et touris-tique du Larzac”.Le chercheur rappelle : “Les paysansont montré que leur modèle de déve-

loppement alternatif et autonomeavait du sens. Regardez la croissancede la coopérative Les Bergers du Lar-zac.” Imaginée en 1993, notammentpour s’affranchir de la sociétéRoquefort, la coopérative fromagèreLes Bergers du Larzac regroupeaujourd’hui vingt-six fermes, em -ploie 34 personnes, pour un chiffred’affaires de 7,5 M!, soit 120000!en moyenne par ferme. Autre fierté,la Société civile des terres du Larzac(SCTL) qui gère collectivement les6 378 hectares de terres achetéespar l’État avant 1981.

Filière bois. Dans la foulée, d’autresprojets prennent corps: équipementde toitures en photovoltaïque pourfinancer la restauration du patri-moine, création de la filière bois duLarzac pour limiter l’embroussaille-ment et valoriser le bois déchiqueté… Quoi qu’il arrive, les promoteurs etpartisans de l’arrivée de la Légionsur le Larzac auront intérêt à tenircompte de cette fierté légitimed’avoir favorisé un modèle écono-mique et agricole différent. R

et de la provoc’ restent de mise dansles débats au Larzac. L’oppositionfrontale aux futurs occupants ducamp militaire peine à rassemblerlocalement. Léon Maillet, éleveur àla retraite “pur porc“, c’est-à-direoriginaire du plateau et figureemblématique de la lutte des annéeshéroïques, fait la part des choses,qualifiant le début de mobilisationde “tempête dans un verre d’eau” :“L’armée? Ce ne sont plus les abrutisde l’époque ! Et il y a aussi des fan-tasmes sur la Légion étrangère.” José Bové balaie lui aussi la questionde la Légion. “J’ai demandé si c’étaitle mot légion ou étrangère qui gênait.Ce qui est acté et essentiel, c’est qu’iln’y ait pas de menaces directes surles activités agricoles.” Divisée, la Confédération paysanneaveyronnaise a pondu un commu-niqué a minima, informant qu’elle“ne se réjouit pas de l’arrivée deslégionnaires sur le Larzac”, dénon-çant “les négociations secrètes desélus” et réclamant un autre usagede l’argent public. “Globalementnous sommes tous antimilitaristes.

Léon Maillet, éleveur à la retraite :“L’armée ? Ce ne sont plus lesabrutis de l’époque !”

Bruno Ferrand (à gauche), maire plutôt à droite de La Cavalerie, et Alain Fauconnier, mairePS de Saint-Affrique, sont pour l’installation de la Légion dans le camp du Larzac.

Pierre-Marie Terral, professeur et chercheur en histoire, rappelle : “Les paysans ont montréque leur modèle de développement alternatif et autonome avait un sens.”

JOSÉ BOVÉ : “CE QUI EST ACTÉ :

IL N’Y A PAS DEMENACES DIRECTESSUR LES ACTIVITÉS

AGRICOLES”

ENQUÊTE LA LÉGION SAUTE SUR LE LARZAC

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