CAHIER DES ARESQUIERS - Marie-Lydie Joffre
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Marie-Lydie Joffre
CAHIER DES ARESQUIERS
Sensations dâartiste
SOMMAIRE
LE SOLEIL SE VEINE DE GRIS BLEU .......................................................................... 3
LES CHAIRS FRAGILES .................................................................................................. 4
DES PLUMES BLANCHES JONCHENT LE SABLE PIĂTINĂ ..................................... 5
LâĂCUME SâĂNIVRE DâUN REFLET FURTIF .............................................................. 7
VAGUES PACIFIQUES .................................................................................................... 8
LE LEVER DU SOLEIL MASQUĂ DâUN NUAGE LOURD.......................................... 9
ASPHODĂLES BLANCHES COMME DES MARIĂES ................................................ 10
DUNE ONDULĂE............................................................................................................ 11
AMPHORE ....................................................................................................................... 12
LES ĂTANGS LE CIEL LA MER SâAIMANTENT....................................................... 13
LE MARIN ET LE GREC ................................................................................................ 15
LA MER MOIRE .............................................................................................................. 19
SOLEIL DANS LES VAPEURS...................................................................................... 22
LA MER LACTĂE ........................................................................................................... 26
LA MER SE GRISE DE GRIS ......................................................................................... 31
DU BLEU DANS LES YEUX ......................................................................................... 34
ME SUIT LE REFLET COMME MON OMBRE ........................................................... 36
SOLEIL DANS UN FLOT DE NUAGES........................................................................ 39
LE CERCLE DES PĂCHEURS ....................................................................................... 41
LE LOUP DE LOULOU .................................................................................................. 42
STERNES NAINES NAGEANT ..................................................................................... 43
LA GARDIOLE ET LES ARESQUIERS ........................................................................ 44
LA MER LAITEUSE GLISSE DANS LE CIEL BRUMEUX ........................................ 45
LA MER BLEU ET VERT ............................................................................................... 47
PLUME DE MOUETTE................................................................................................... 48
CHEVAUX ROUGES DE SOLEIL ................................................................................. 50
BARQUE ANCRĂE DANS LA BRUME ........................................................................ 53
LA MARCHE DU 14 JUILLET ....................................................................................... 57
LE PLEIN SOLEIL........................................................................................................... 59
ĂCLATS DE SOLEIL FLOTTĂ ...................................................................................... 61
CâEST LA POĂSIE QUE LE PĂCHEUR PĂCHE .......................................................... 64
Etes-vous née avec un crayon à la main ? ......................................................................... 69
LE SOLEIL SE VEINE DE GRIS BLEU 6 heures
Cri fin dâoiseau cri de poussin le ciel gris est dans lâeau arachnĂ©en le croissant de lune moiteur ventĂ©e du Marin un pĂȘcheur dans lâĂ©cume tire sur sa canne
6 heures 25 la boule tamisĂ©e repose sur lâĂ©cran de fumĂ©e de lâhorizon rugit la vague au ciel les mouettes crient au croissant de soleil la lune a disparu demi-boule de sang laiteux le soleil se veine de gris bleu puis le calice se brise reste un petit tiret puis seul un puits de lumiĂšre mousseuse au sommet du ciel
LES CHAIRS FRAGILES
Les chairs fragiles
Ă toute Ă©preuve
se resserrent
se desserrent
comme une fleur
au soleil sâouvrant
Ă la lune se refermant
enferment la tiédeur
dans leur senteur
DES PLUMES BLANCHES JONCHENT LE SABLE PIĂTINĂ 5 heures 45
Queue de chat queue de poisson filet rouge Ă lâhorizon le soleil dessinĂ© dâun trait sur feuille bleutĂ©e du ciel imbibĂ© de mer satinĂ©e sâaquarelle de rose des lueurs jaune soyeux dessinent les crĂȘtes dâune barre grise
6 heures 20 une saignĂ©e de luminositĂ© sâĂ©coule dans lâeau irisĂ©e au ciel un poudroiement de rouge brassĂ© de jaune se vaporise dans le gris un clignement de diamant mâĂ©blouit lâastre gros est Ă dĂ©couvert son feu mouvant sur lâeau traverse la mer bleu-clair sâensable dans le rivage une mouette contemple
6 heures 35 moirĂ©e de rose clapote la mer bleu-tendre au niveau de lâĂ©tang de Pierre Blanche se dĂ©roule sur la plage le blanc tapis dâun rassemblement de mouettes je les dĂ©range elles sâĂ©lancent Ă la mer en frĂŽlant lâeau retournent Ă lâĂ©tang en frĂŽlant le ciel des plumes blanches jonchent le sable piĂ©tinĂ©
mon regard se noie dans la vapeur lumineuse du ciel reflétée comme un lac dans la mer
7 heures 35 Bain de mer Ă©tale sous soleil dĂ©robĂ© main dans la main avec Bern on sâĂ©loigne du rivage le sable sous les pieds forme des vagues de velours cĂŽtelĂ© lâeau grise est transparente tĂȘte Ă©mergĂ©e corps immergĂ© on rigole comme deux gamines on joue Ă nâavoir plus pied on joue Ă saut de grenouille
LâĂCUME SâĂNIVRE DâUN REFLET FURTIF 6 heures
Cri faible dâune mouette Ă mon oreille des strates effilochĂ©es rose orangĂ© strient le ciel pĂąle Ă©clairent la mer lâĂ©cume frissonne de bleu lâhorizon de vapeur se perce dâune goutte de sang lâĂ©cume sâĂ©nivre dâun reflet furtif le soleil est pris au piĂšge des nuĂ©es je marche dans lâeau lourde de tiĂ©deur sans couleur fouettĂ©e de petits galets me baigne dans lâeau opaque les vagues me bousculent
VAGUES PACIFIQUES
6 heures 10
Je dĂ©barque seule aux Aresquiers la plage est solitaire la nature que pour moi fait son cinĂ©ma le soleil levant cramoisi dĂ©teint sur un bandeau de brume la mer est bleu nacrĂ© assoupi dans son fauteuil de toile un pĂȘcheur garde un Ćil sur ses deux cannes campĂ©es les vagues dorĂ©es frĂŽlent mes pieds jâavance vers le soleil feutrĂ© il mâĂ©claire couleur abricot douce brise Ă mes oreilles frĂŽlement de mouettes
7 heures 30 dĂ©vĂȘtue je pĂ©nĂštre la mer les vagues sont pacifiques le sable doux sous les pieds je mâallonge dans lâeau porteuse et vogue
LE LEVER DU SOLEIL MASQUĂ DâUN NUAGE LOURD
6 heures 10
Lever de soleil masqué
dâun nuage lourd
la mer roule douce
en bruissement de taffetas
paisibles vagues
nuages célestes illuminés
je glisse dans lâeau gonflĂ©e
me couche sur le dos
bercé mon corps
au gré des flots dérive
ASPHODĂLES BLANCHES COMME DES MARIĂES
7 heures 20
Le vent souffle fort le ciel se fait bleu Ă lâabri les tamaris perlent du rose velouteux sur lâherbe Ă©meraude les Ă©tangs sont silencieux la mer Ă©tale sous le vent la plage vide mouillĂ©e dĂ©file vite sous mes pas au retour je marche pieds nus dans lâeau accueillante parfois des vagues impertinentes me mouillent jusquâau ventre je me laisse traiter avec dĂ©lice fonds dans le ciel azur de la mer flotte sur les petits nuages blancs planeurs de la sombre Gardiole oĂč poussent les asphodĂšles blanches comme des mariĂ©es
DUNE ONDULĂE
Traces de pieds sur la dune ondulée
collier de minuscules pattes palmées
un tronc délavé enjambe
la mer luisante de vert
reluit sous le soleil mouillé
AMPHORE
Bain de lune en mer corps immergĂ© courant dâair bousculĂ© par la vague dâeau sablĂ©e caressĂ© de lichens flotte dans la voie lactĂ©e
LES ĂTANGS LE CIEL LA MER SâAIMANTENT 9 heures 45
Prairie dâherbes Ă©meraude bulle grise de lâĂ©tang de Vic bois sombre des Aresquiers aux senteurs de rĂ©sine de pin puis du haut du pont rebondi sur le canal du Midi on plonge dans les reflets de lâinfini les Ă©tangs le ciel la mer sâaimantent lĂ si prĂšs bel ensoleillement aux lendemains de fortes pluies la mer proprette sous son reflet clinquant est douce mĂ©diterranĂ©e paisibles les vaguelettes flottantes je suis vĂȘtue dâĂ©tĂ© un pĂȘcheur ajuste son moulinet un autre les mains dans le dos arpente le bord de lâeau pour surveiller un troupeau de cinq cannes quâil est doux le bruit des vagues Ă lâoreille pas un pouce de vent et ce soleil frĂŽlant lâĂ©tĂ© ombrant doux les galets un fil de pĂȘche Ă©tincelant se tend au reflet incandescent Loulou est lĂ avec ses potes on plaisante tout est complet ne manque rien Ă la bontĂ©
10 heures 25 une brise lĂ©gĂšre se lĂšve tout prĂšs de lâeau jâarpente prudemment les gros galets arrosĂ©s puis monte chercher un Ă©quilibre sur la dune aplatie de galets sous mes pieds les galets craquent croquent comme le cheval qui mange
10 heures 40 en haut de la plage de sable feutrĂ© deux nus dans les dunes conversent le reflet scintillant propage dans son sillage des gouttelettes de brillance le vent se renforce ciel bleu pĂąle mer bleu estival je me mets Ă marcher pieds nus dans lâeau sur des bancs de sable oĂč se croisent les flux autour de mes chevilles lâeau est cristalline et pas froide ici un divan de sable mâinvite Ă mâasseoir sac Ă dos et vĂȘtements vite posĂ©s sur la plage me voilĂ au contact intime du sable dans lâeau du reflet Ă me masser de sable fin trempĂ© la vague me rince peu Ă peu je me glisse dans lâeau les vagues me caressent la peau me laisse flotter au grĂ© de la vague fouetter par les vagues mousseuses porter par lâonde onctueuse mâouvre Ă la caresse du soleil dans lâeau
LE MARIN ET LE GREC 8 heures 59
La mer est agitĂ©e un grondement blanc arrive par rouleaux en un dĂ©ferlement de vagues Ă©cumantes monte la mousse Ă lâassaut des galets gĂ©missants souffle le vent soufflent les vagues grondent piaffent se grisent de blancheur effervescente me poursuit une vague⊠un pĂȘcheur sâinstalle un autre arrive je le rencontre pour la premiĂšre fois câest Michel de Cournonterral il dit sây connaĂźtre en pĂȘche aujourdâhui câest le Marin qui souffle on lâappelle le Grec il se dĂ©clare aprĂšs le premier quartier de lune il est trĂšs bon pour pĂȘcheurs et chasseurs contrairement au Narbonnais qui vaut rien ! Michel fonctionne aux coups de lune un pĂȘcheur-jardinier en quelque sorte ! le ciel entier est lisse jaspĂ© comme lâintĂ©rieur dâun couteau de mer un nuage frĂŽle la brume dâun saignement le vent moelleux mâenrobe la plage de sable en avant-poste des galets est submergĂ©e par les vagues jâavance sur le chemin de sable pierreux entre la mer fougueuse et les Ă©tangs paisibles groupe de flamants roses immobile le long des haies de sansouire longeant le canal noyĂ© dans les Ă©tangs
9 heures 23 atténué le tumulte de la mer par le rempart de galets ciel spacieux de tendre grisaille
la mer dirige sur moi sa proue de vagues dĂ©ferlantes je sens sur mon visage des gouttelettes âŠdu ciel ou de la mer ? je me rapproche de lâocĂ©an de vagues dans le calme du ciel clair de lait stagne la roseur du nuage rejetĂ© par la mer sâest effondrĂ© sur le rivage un grand filet de pĂȘche embrouillĂ© flotteurs rouge et cordages vert Ă©parpillĂ©s sable attendri bruit furieux du gouffre de la mer des tapis de vagues glissent Ă mes pieds
9 heures 49 le rosĂ© du ciel sâĂ©claircit une lueur lunaire dĂ©robe le soleil blanc aĂŻe une mousse blanchĂątre volette sur le sable ! collent au sable mĂ©andres jaunĂątre de mousse sĂšche trĂŽne une Ă©norme tresse de cordages repliĂ©e comme un serpent Ă tĂȘte de caniche tombe une tiĂ©deur avec le vent calmĂ© vague rougeur dans le sable du rivage le Marin reprend son souffle de blanc fouettĂ©e la mer gronde comme un avion au dĂ©collage jâen vois un dans le ciel mais ne lâentends pas les avancĂ©es de vagues forment sur le sable des miroirs de verre rose imperturbable les nuĂ©es rose Ă peine teintĂ©s les miroirs sablĂ©s Ă©ruptives les vagues dĂ©ferlantes
halte au blockhaus en ruine envahi de sable Ă mi-hauteur jây trouve la gousse noire de ce fruit sec asiatique Ă quatre pinces de scorpion une voiture sur la plage abrite deux pĂȘcheurs du vent des mares glauques cernĂ©es de mousse verdĂątre sâĂ©talent au milieu de la plage
10 heures 25 le ciel sâĂ©claire le nuage rosĂ© se nuance dâorangĂ© son doux reflet sombre dans les vagues ressuscite dans le sable coulant
10 heures 30 le sable aux flaques devient mouvant je reviens sur mes pas un des pĂȘcheurs Ă la voiture plongĂ© de noir vĂȘtu dans les vagues blanches repĂȘche sa canne Ă pĂȘche pas de soleil en vue mais sa luminositĂ© me fait pleurer les yeux fixĂ©e Ă un jerrycan de plastique blanc une grappe de moules plage dĂ©solĂ©e de dĂ©tritus la mer renvoie ce qui sây perd blockhaus dĂ©labrĂ© mer dĂ©montĂ©e ciel obscurci soupçon de nuĂ©es rose je marche dans les dĂ©combres un marcheur au crĂąne rasĂ© suit le bord de mer au pas cadencĂ© une bonbonne de plastique bleu foncĂ© a roulĂ© jusquâen haut de la plage Ă lâhorizon de SĂšte brume dâĂ©cume les cohortes de vagues Ă lâassaut de la plage ont transportĂ© branchages et bĂ©liers de bois
le sable est tout mou dâĂȘtre lavĂ© la vague rejetĂ©e est frangĂ©e de mousse souillĂ©e tant pis je me dĂ©chausse et marche dans lâeau ruisselle lâeau sur les mottes de coquilles et galets façonnĂ©es par le flux
LA MER MOIRE 8 heures 38
La mer est en soie chamarrĂ©e marbrĂ©e vibrante feuille aluminium feux laiteux de nacre reflets chatoyants arc-en-ciel Ă lâhorizon vapeur de feu sans flamme soleil moirĂ© de nuages sur les flots une ligne blanche souligne le ciel dans lâeau nacrĂ©e jusquâaux cuisses un pĂȘcheur assise sur les galets je glisse dans les soieries et le calme des vagues tout lustrĂ© dâirisĂ© un reflet comme sâil pleuvait hĂ©risse de brillants la mer descendue dâune voĂ»te dâazur lueur bleutĂ©e infiltre lâeau vapeur de feu rougeoie en son milieu soleil dans les duvets ceinte de nuages moelleux plane une apesanteur turquoise sur La Grande Motte Ă©vanouie doux flux onctueux
8 heures 49 une brusque percĂ©e de soleil blanc percute les flots dâun zigzag de mercure Ă©blouissant s'enfuit le reflet avec le soleil
8 heures 52 je me relÚve moussent les vagues la mer bleuit turquoise dans la vapeur stries des rayons en diagonale oeillades de soleil haut dans les nuages sombres ombres des rayons alignées sur la mer
9 heures 06 il fait frais lĂ©gĂšre brise des pĂȘcheurs ont allumĂ© un feu de bĂ»ches sur les galets sur la mer que du nacrĂ© lâintĂ©rieur si doux de la coquille moutons au ciel sur fond dâazur la vapeur de feu a perdu son feu pĂąle fantĂŽme repose sur une ligne sombre dâhorizon
9 heures 17 le soleil Ă©mergĂ© dâun pommelĂ© gĂ©ant largue des rayons surnaturels sur le bronze patinĂ© de la mer la panse des vagues est dâĂ©mail flammĂ© dissimulĂ© le soleil blanc-bleu par un claustra de nuages diffuse de larges rayons de fumĂ©e bleue dans la lumiĂšre rose ocrĂ©e un Ă©clairage de projecteur rĂ©chauffe le sable le soleil a bu les nuages reflet blanc cru
9 heures 32 la mer est bleue deux pĂȘcheurs de tellines dans lâeau jusquâĂ la taille raclent le fond sablonneux
SOLEIL DANS LES VAPEURS 7 heures 45
Pourquoi câest si beau : la mer grise effleurĂ©e de rose le ciel gris dĂ©coupĂ© de crĂȘtes en Ă©chappĂ©es de fumĂ©es roses le sable ambre-gris les cannes Ă pĂȘche arachnĂ©ennes tendues au ciel dans lâeau les vagues au ralenti la douce brise enrobĂ©e dâhumiditĂ© la voĂ»te cĂ©leste marbrĂ©e de rose et bleu ? les nuĂ©es roses se font nettes sur les crĂȘtes surlignĂ©es dâun trait de pastel lumineux puis de feu des lĂšvres rose incarnat avalent le soleil le moutonnement du ciel descend sur lâhorizon de la mer grisĂ©e surnage une longue anguille des abysses cernĂ©e de feu trois pĂȘcheurs assis en demi-cercle dans leur fauteuil leurs cannes Ă pĂȘche alignĂ©es dans le flou sont aux premiĂšres loges du temps
8 heures lĂ -haut dans la brume grise se glisse une perle dâor suspendues au bleu du ciel nues pommelĂ©es ivoire peu de vagues Ă la mer apparition dâune buĂ©e de soleil puis dâun quartier de soleil orangĂ© aussitĂŽt avalĂ© par les lĂšvres rose tĂȘte de mort un nuage de luminositĂ© transperce la brume laiteuse
reflet sur la mer effleurĂ© tout devient dâopacitĂ© pĂąle juste deux traces de nues en couleur rose tendre abricot lumineux mer moelleuse vent chargĂ© dâhumiditĂ© le soleil dans le nuage abricot Ă©claire le nuage rose un jeune pĂȘcheur allongĂ© sur la dune de galets ses trois cannes plantĂ©es dans les galets savoure la prise dâune belle daurade sâĂ©vaporent les nuages colorĂ©s effacĂ© le subtil reflet sur la mer
8 heures 25 je suis moite de froid ciel mou flux nonchalant soleil disparu dans les brumes le ciel se referme sur la derniĂšre trace la rose dans la voĂ»te du ciel nuages blanc flous sur fond bleu mer gris dâhuĂźtre une nuĂ©e de mouches attaque un fruit pourri rien de visible sur lâhorizon gris sur terre massif de La Gardiole en apesanteur premiĂšre rencontre un jogger essoufflĂ© a la force de rĂ©pondre Ă mon sourire ici le sable craque sous les pieds les vagues sont agitĂ©es sous le vent oh un bateau fantĂŽme Ă lâhorizon et au ciel un perlĂ© jaune paille Ă la place du soleil ! le vent forcit jâai les doigts engourdis
8 heures 48 je me sens mouillĂ©e de froid le vent ne parvient pas Ă me sĂ©cher le perlĂ© sâest dĂ©ployĂ© y luit une perle satinĂ©e de blanc aussitĂŽt Ă©vanouie reflet invisible tout est gris
9 heures 16 le vent ralentit mon pas je fais une pause en direction des Ă©tangs traversĂ©e dâune Ă©tendue de sable tapissĂ©e de larges galets plats ponceux on dirait des maquettes de sculptures dâHenry Moore sur les Ă©tangs tout est humide stagnant et plein de cris dâoiseaux fines aigrettes en lisiĂšre de buissons flamants roses alignĂ©s comme pour la parade mouettes virevoltantes bruit dâhĂ©licoptĂšre invisible les hautes herbes commencent Ă jaunir cathĂ©drale de Maguelone dans un brouillard dâarbres ciel dilatĂ© de brume retour Ă la rumeur de la mer entend-t-il la mer le vĂ©tĂ©tiste sous son casque ? j'ajuste mon chapeau protĂšge vent
9 heures 34 je fais demi-tour Ă lâarbre allongĂ© demi enterrĂ© noyĂ© dans le sable du rivage je reçois le vent dans le dos et la sensation de chaleur revient le vĂ©tĂ©tiste le long de lâeau se plante dans un gendarme couchĂ© de coquilles la mer gris acier roule placide de glissade en glissade une impression vert turquoise monte des profondeurs
des bateaux et un grand voilier fantĂŽme glissent Ă lâhorizon de brume blanche une mouette survole lentement les flots le soleil sort sans se montrer le ciel est tout baignĂ© de brume un autre grand voilier dĂ©file dans le sillage du premier la brume sâillumine je mets les lunettes de soleil
10 heures mais je rĂȘve⊠un grand voilier glisse en sens contraire des deux autres âŠ.. câĂ©tait un mirage il nây avait quâun seul voilier ! me dĂ©soriente la brume dans la voĂ»te du ciel au-dessus de la mer sâouvrent des blocs de neige sur un soleil-lune dĂ©filant derriĂšre un Ă©cran dâambre bleutĂ© se referme le glacier de nuages sur le blanc soleil et ce bruit sourd de tonnerre Ă intervalle rĂ©gulier semblant monter du gouffre de la mer quâest-ce que câest ? un coup de soleil rĂ©chauffe le sable au loin sur la mer sautille le reflet vite nus les pieds dans lâeau transparente se faire prendre les chevilles par le tourbillon des vagues
LA MER LACTĂE 7 heures
Sur lâĂ©tang de Vic dĂ©gradĂ© arc-en-ciel dans lâeau cinq flamants roses glissent sur lâirisation dans le silence des cygnes voix rauques dans les roseaux en file indienne les flamants se rapprochent dâun autre groupe frisant lâeau rosie de mauve en direction du nord strates or et carmin veloutĂ©es dans un ciel feu de vifs poissons percent dâondes concentriques la surface du calme miroir aquatique atteignent lâeau cuivrĂ©e les flamants alignĂ©s entament lâeau grisĂ©e de rose au bas du ciel de lâorange embrasĂ© annonce du rouge incendiaire Ă fleur dâeau se mauve se grise se dore encore plus lâeau rougit de sang naĂźt le soleil sort la tĂȘte illuminĂ©e de lâeau crie une mouette crient les oiseaux ciel bleuĂątre au nord moirĂ©e lâeau en bordure des roseaux les roseaux Ă©coutent le reflet sur lâeau est gorgĂ© dâor un canard flotte solitaire dans la coulĂ©e en fusion de la boule aplatie de feu lâeau de lâĂ©tang grisĂ©e pĂąlit se nappe de cuivre Ă reflets rouge
on entend le chĆur des flamants soleil et reflet Ă©crasent tout sâintensifie lâenrouement des flamants le reflet trouble lâeau de vapeur dâeau Ă lâhorizon de lâĂ©tang ruban dormant dâeau blanche une barque de pĂȘcheur y est posĂ©e sâĂ©claire fort la traĂźne du soleil dĂ©jĂ haut cap sur la mer
7 heures 22 mer bleuĂątre sans Ă©cume lisse comme du lait ciel tout embuĂ© de nues bleutĂ© et coquille dâĆuf la fraĂźcheur humide me plombe soleil blanc diffus dans les nues reflet jaune pĂąle sur lait jaspĂ© le reflet devient froid je « pĂšgue » de partout ! un camion de travaux descend sur la plage je lui laisse la place Ă©normes traces de pneus sur le sable vierge le soleil frĂŽle le sable jâai moins froid scintillent galets paillettes dans le sable damĂ© par la vague sur la mer Ă lâhorizon sud le bandeau blanc ressemble comme deux gouttes dâeau au ruban vu sur lâĂ©tang le reflet liquĂ©fiĂ© inonde violemment lâeau tendre le soleil sâimpose dans un ciel humide de bleu les vagues roulent douces
7 heures 44 je marche entre deux sillons alvĂ©oles de pneus une barque de pĂȘcheur sâarrĂȘte non loin du rivage seule rĂ©alitĂ© dans la mollesse ambiante soleil humide chauffe trĂšs doux ciel crĂ©meux jâarrive au niveau de la barque ondoie sur la mer lactĂ©e Ă sa proue le reflet limpide le pĂȘcheur Ă©tend ses filets
le reflet dĂ©passe la barque avec moi il me suit prolonge mon regard Ă lâinfini Ă lâest la mer rentre dans le ciel montĂ© haut le soleil reflet trop luisant un chercheur de trĂ©sor Ă©couteurs aux oreilles se concentre sur le ballant de son balai dâastronaute creuse le sable de son rĂąteau grillagĂ© le son de la mer est profond le trĂ©sor est dans la mer un jogger me dĂ©passe dâun pas mesurĂ© sur la respiration de la vague
8 heures 12 caresse tiĂšde sur ma peau mais toujours des frissons en dedans tonalitĂ©s mercure sur les flots lissĂ©s des embruns me montent aux narines lâhumiditĂ© me pĂšse aux Ă©paules vacarme des flots ? non câest le camion qui revient par le bord de mer pourquoi si vite ? Ă lâhorizon ligne de brillance dorĂ©e descendue du soleil trop haut trop puissant de luminositĂ© je me garde de le regarder le reflet sur lâeau se perd en clapotis dâĂ©clats de lumiĂšre violente de-ci de-lĂ
8 heures 21 ultimes Ă©clats du reflet Ă mes pieds me donne envie de les chauffer dans lâeau câest un leurre lâeau est froide le ruban dâeau blanche Ă lâhorizon rĂ©trĂ©cit et absorbe la ligne dorĂ©e les vagues lĂšchent le sable dâeau claire La Grande Motte se dĂ©robe sous brume blanche un tronc dâarbre se fait rouler par la vague je mâenfonce dans le sable le ciel dans la mer
prĂšs du blockhaus deux catamarans un canot pneumatique et une population de campeurs adolescents dont certains encore roulĂ©s dans leur sac de couchage quatre jeunes-gens joyeux venant de la mer rejoignent le campement la vanille du ciel se teinte un peu de bleu mer huilĂ©e de lait sur le sable de la grĂšve des fresques fraĂźches sont gravĂ©es probablement lâĆuvre du groupe dâadolescents visages de coquettes cĆurs Ă©panouis nus fĂ©minins parĂ©s Ă ClĂ©lia en lettres gĂ©antes lâamour toujours ! des barques commencent Ă poindre fourmis Ă lâhorizon frissons encore en moi partage des cieux onctueuses clartĂ©s grises bleu aĂ©rien Ă voiles blanc
8 heures 55 La Grande Motte ouatĂ©e dâangora blanc Ă lâhorizon une brume fantĂŽme se rĂ©pand puis se noie barques estompes de fusain sur le sable face Ă la mer une installation artistique de bois flottĂ© regarde lâimmensitĂ© les barques fondent voĂ»te cĂ©leste en lĂ©vitation bleu-ciel sur la mer ciel laiteux
9 heures 13 je fais demi-tour la mer change de ton de bleu phosphore je marche pieds-nus dans les vaguelettes lâeau est glacĂ©e irai-je mây baigner ?
9 heures 35 je me mouille Ă petit feu bain de mer bain de ciel Ă©tendue nue comme un poisson dans lâeau les frissons de lâeau me glissent sur la peau apparition dâun morceau dâarc-en-ciel dans une trouĂ©e de nue blanche voile de lune irisĂ©e
LA MER SE GRISE DE GRIS 6 heures 55
Arrivée plage des Aresquiers par un temps « marinas » le vent souffle de la mer tout est grisaille mais la mer n'est pas démontée ciel pùle de nuages tendres posé sur l'horizon un voile de brume galonné de tracés rose et jaune le soleil dissimulé dans la brume envoie du rose abricot moutonner dans les nuées grises deux mouettes se poursuivent dans les nuages la mer a des luisances d'étain la brume du soleil poudroie rose pastel humide le souffle du vent ciel en féerie de nuages illuminés
7 heures 8 la boule rouge Ă demi nette dans l'estompe rose la chauffe de vapeur monte la boule dans la brume puis se fait arrĂȘter par un nuage dense elle en Ă©merge en feu en larguant une zĂ©brure de cuivre ruisselante sur la mer juste Ă mes pieds une strie argentĂ©e sur l'horizon et un abondant reflet sur les eaux
7 heures 15 la crĂȘte de l'Ă©cume se veloute la strie argentĂ©e se dore sous l'insoutenable clartĂ© solaire j'ai froid d'humiditĂ© le soleil Ă l'ombre d'une branche de nues Ă©claire d'orangĂ© la vaporeuse brume le reflet chauffe l'argenture des flots
puis la refroidit profond est le soleil d'eau enfoui dans le sable du rivage les derniĂšres nues s'attĂ©nuent sous robe diaphane ciel partagĂ© sur l'horizon voile de vapeur tremblĂ©e au-dessus Ă©pais rideau ardoise soleil en rapide ascension tout se couvre le soleil vient d'ĂȘtre avalĂ© par le rideau la mer privĂ©e de reflets se teinte bleuĂątre lumiĂšre tamisĂ©e sourd du soleil Ă©clipsĂ© le sable est blond grisĂątre je frissonne au vent j'ai les mains mouillĂ©es valse une nuĂ©e de mouettes puis se pose sur le sable
7 heures 40 plus de soleil visible depuis un moment que douceur de ciel et d'eau mouettes noires et mouettes blanches picorent dans le sable comme c'est bizarre elles ressemblent Ă des pigeons ! dĂ©collent Ă mon arrivĂ©e se posent plus loin la mer est pleine et plate et tendre le soleil intĂ©rieur diffuse des rayons fumĂ©e dans la buĂ©e rose de gris de brume gris tourterelle est la mer Ă l'endroit du reflet invisible s'envolent les mouettes je les ai dĂ©rangĂ©es envol vers la mer retour vers la plage retour preste Ă la mer en un claquement de voile au vent juste par-dessus ma tĂȘte je suis dans du coton gris gorge de pigeon
la plage est dĂ©serte seules rencontres depuis l'arrivĂ©e un pĂȘcheur pĂȘchant un groupe d'adolescents gantĂ©s munis de grands sacs plastique pour le ramassage des dĂ©tritus sur la plage plus loin un joggerâŠ
7 heures 53 des chants d'oiseaux retentissent le jour s'Ă©claire mais le ciel Ă l'unisson de gris persiste serait-ce des cigales que j'entends dans les dunes ? bizarres mes sensations dans les brumes ! la mer claque de clameurs oyats et dunes grises se figent de blanc gris graphite le sable de la grĂšve la brume se grise de bleu
8 heures 8 une barque au lustre de gondole fend la mer en direction de l'est la mer est un instant toute lisse de rutilance sous une timide trouĂ©e blanchie de soleil une vedette se dirige Ă l'ouest Ă toute Ă©cume s'arrĂȘte net blĂȘme sur mer mĂ©tallisĂ©e hĂ©site Ă la manĆuvre pivote avant de s'immobiliser les deux hommes Ă bord surgissent avec des cannes pour pĂȘcher une barque noire trace l'horizon Ă toute vitesse
DU BLEU DANS LES YEUX 6 heures 30
sur la route de lâĂ©tang de Vic virevolte une poussiĂšre noire dâoiseaux il faut un nuage pour piĂ©ger le soleil câest le cas juste Ă lâendroit oĂč il va se lever Ă©tang bleu froissĂ© du vent horizon mauve subtil le nuage sombre se perce dâune goutte de magma la tomate orange incendiaire trĂšs vite sâimpose en majestĂ© se dressent les roseaux rose mauve lâhorizon du bleu dans les yeux des carrĂ©s bleus sây agitent je vois le cheval blanc tout bleu
6 heures 45 mer comme on la rĂȘve bleu ciel laquĂ© couverte du soleil rouge cuivrĂ© pĂ©nĂ©trĂ©e du reflet cuivre en fusion ça passe trĂšs vite la tramontane sifflante rafraĂźchit les oreilles et soulĂšve le chapeau quand le vent du nord piaffe la mer du sud se calme eau luisante du reflet sable sombre de dĂ©bris de coquillages mouillĂ©s crissant sous mes pieds le vent gonfle mes vĂȘtements horizon jaunĂątre cris de mouettes
7 heures 11 soleil chauffĂ© Ă blanc Ă©claire de blanc son reflet de jaune le sable les galets du bord de mer rutilent de noir sous le roulis des vaguelettes les drisses vibrent contre les mĂąts des catamarans du centre aĂ©rĂ© je ferme les yeux jâarrive au prĂ© je suis dans la prairie le vent colporte les souvenirs tempĂȘte dâempreintes coussinets et griffes de chiens sur le sable humide de la plage la tramontane ne cĂšde pas la mer lutte mais les vagues sont freinĂ©es et finissent par se coucher sous les ailes du vent dans une barque Ă moteur bleue comme la mer un pĂȘcheur en cirĂ© jaune comme le soleil Ă©tend ses filets aidĂ© de deux plongeurs sur le sable durci autour du blockhaus sâĂ©caillent des petits tas de sable nervurĂ© dans le sable du rivage scintillent des piqĂ»res de quartz
ME SUIT LE REFLET COMME MON OMBRE
7 heures 20 Etang de Vic Ă dĂ©couvert dĂ©ployĂ© en miroir ondĂ© de mauve tendu attend la brĂ»lure du soleil lac nu silencieux crie un oiseau le boulet de feu surgit Ă lâhorizon de lâeau tisonne lâeau dâune coulĂ©e de lave vermillon lac de clartĂ© mauve dorĂ© roseaux contemplatifs rougeoie lâeau solaire ciel bleu lĂ©ger sillonnĂ© des nuages rectilignes de fumĂ©es dâavion orangĂ©es
7 heures 47 gloup gloup la mer calme comme un lac le soleil brĂ»le le ciel le reflet Ă©bouillante lâeau crissent mes pas sur coquilles et galets noirs Ă©clairĂ©s de jaune soleil accompagnĂ©e je suis du reflet mâillumine miroite prend le relais du soleil effacĂ© de luminositĂ© se balance sur la vague souple descend les escaliers de vagues
la luminositĂ© rouille les tamaris la plage est nue personne dessus un barrage de galets ferme le lit dâune riviĂšre de sable gouttelettes limpides frangent la vague ondes douces en riziĂšre sur plateaux de sable
8 heures je marche dans la douceur le reflet nâa pas quittĂ© mes pieds tangue Ă mes cĂŽtĂ©s lavĂ©e des intempĂ©ries alerte rouge la mer est rĂ©novĂ©e de bleu plage jonchĂ©e par endroit de branchages et de tronçons de troncs coups de feu des chasseurs dans les Ă©tangs me poursuit le reflet presque blanc sur le sable blondĂątre du rivage nervures des crĂȘtes de vagues sĂ©chĂ©es bouquet de chardons sec mouillĂ© reflet blanc du soleil trempĂ©
8 heures 16 le reflet ne cesse de mâescorter une barque de pĂȘcheur le franchit un groupe de baigneurs naturistes se sĂšchent au soleil Ă©chouĂ©s un gros crabe noir un minuscule crabe blanc un petit bras de mer sâouvre Ă moi jâentends comme un gĂ©missement un goĂ©land blotti sur le sable essaie de sâenvoler en vain ses larges ailes ploient aussitĂŽt retombe sur le ventre souffre blessĂ© Ă mort se fige appelant face au soleil
8 heures 34 le reflet du soleil étalé sur la mer étale étincelle
SOLEIL DANS UN FLOT DE NUAGES 6 heures
Reflets sanguine sur la mer ciel rose reflet givre vol de mouettes fissure de rouge dans la barre gris plombĂ© du ciel fait des taches de sang sur les flots de lâaube barre sĂ©pare la clartĂ© de la mer et le haut du ciel plane et frĂŽle lâeau la mouette barre sâentrebĂąille du feu Ă sa fenĂȘtre deux yeux de feu dans la sombre barre rougissant le sable lĂ©chĂ© par la vague un Ćil sâenflamme le ciel sâĂ©claire barre rosit mer sâĂ©tale rayon cuivrĂ© zigzague au grĂ© des vagues bronze dore pĂ©nĂštre en un puits de lave striĂ©e le miroir du sable mauve lustrĂ© par la vague sable mauve festonnĂ© de mousse bleutĂ©e ciel panoramique pommelĂ© frangĂ© de lumiĂšre Ă©claire de poudre de riz la base de la barre la mer devient bleu tendre le reflet diffuse sur lâeau le vent se lĂšve lâhorizon sâĂ©claire de vapeur poudrĂ©e orangĂ©e ainsi que le cordon de sable mouillĂ© se cache le soleil dans la partie haute de la barre diffuse lâĂ©ventail de ses larges rayons fantomatiques du jaune sur la mer Ă lâest Ă lâouest bleu MĂ©diterranĂ©e monte la perle dâambre dans les nuages noirs miroir argentĂ© sous le soleil blanc nuages gris crĂ©nelĂ©s de blanc au-dessus le ciel bleu clair une traĂźnĂ©e de gris morne sĂ©pare en deux le ciel ciel bleu clair aĂ©rien ciel jauni de nuages grisĂ©s Ă lâhorizon de lâeau Palavas soulignĂ© dâun trait argentĂ© vague douce
glissent les vaguelettes sur le sable blondi La Grande Motte se rĂ©veille sâĂ©lĂšve la Grande pyramide
6 heures 45 une vague de silhouettes dâoiseaux se dirige vers les Ă©tangs le soleil atteint les derniers nuages sombres les incendie Ă blanc reflet blanc devant La Grande Motte vers les CĂ©vennes un train de nuages blanc Ă cĆur sombre se disperse va-t-il franchir les derniers nuages Ă©pais le soleil blanc ? un rayonnement de faisceaux ombrĂ©s le prĂ©cĂšde la mer ne reçoit plus de reflet lâastre perce percent les chants dâoiseaux la mer caressĂ©e dâun large reflet scintille vagues ourlĂ©es de brillance lunettes solaires bienvenues clapotis soleil glacier reflet froid nuages espacĂ©s jaune de gris encore quelques nuages jaunis prĂȘts Ă ĂȘtre vaincus flopĂ©es de mouettes tournoient bruyamment dans le ciel de lâĂ©tang la mer brille le soleil Ă©merge en force du flot des nuages je ne peux plus le regarder en face reflet puissant dans la mer le ciel bleu pĂąle est balayĂ© de nuages blanc grisaillĂ© des canards flottent la mer roule monotone
LE CERCLE DES PĂCHEURS 8 heures 30
Chaleureux le cercle des pĂȘcheurs assis en croissant de lune dans des fauteuils de toile face Ă la mer en verve Jean-Marie et FrĂ©die dĂ©gustant un bon vin du pays ils mâinvitent Ă trinquer une gorgĂ©e suffit je ne tiens pas le gobelet ! pas de vagues mer froissĂ©e ressac affable soleil voilĂ©
9 heures 45 le vent me colle Ă la peau Ă©claircie de cire sur la mer je mâĂ©tourdis du vent sur les tempes du goĂ»t du vin dans le palais des bracelets dâeau aux chevilles des caprices du soleil
LE LOUP DE LOULOU
9 heures 45
la mer remuĂ©e gris acier huilĂ©e scintille ça sent la marĂ©e le soleil filtrĂ© un lĂ©ger Mistral rafraĂźchit la moiteur de la peau la moiteur des eaux la moiteur du Marin un seul pĂȘcheur Loulou câest lâessentiel sans sa casquette flamboyante je ne le reconnaissais plus sans son tee-shirt bleu ou rouge ou vert non plus aujourdâhui il en arbore un jaune Ă©clatant quelle pĂȘche ! toujours le cĆur sur la main tu veux un petit loup ? me dit-il il ne lui reste plus quâune heure jâai oubliĂ© ma glaciĂšre aujourdâhui ! le petit loup rien de meilleur rentrer pour le dĂ©guster Ă point ou aller marcher dans les vagues quel dilemme la vie !
STERNES NAINES NAGEANT
ce soir les oiseaux piaillent strident ce matin jâai vu dans la lunette dirigĂ©e sur lâĂ©tang de Vic un chevalier gambette trois avocettes Ă©lĂ©gantes et des sternes naines nageant
LA GARDIOLE ET LES ARESQUIERS
7 heures
LuminositĂ© voilĂ©e garrigue en apesanteur Ă©maillĂ©e de couleurs des gerbes dâaphyllantes Ă©toilĂ©es bleu profond fusent au pied des genĂȘts chargĂ©s de fleurs papillonnantes Ă fine fragrance Ă©mouvant le plissĂ© des liserons roses le cĆur soyeux des chardons mauves escargot Ă©tirĂ© hors de sa coquille culbutĂ©e entre des brindilles Ă dĂ©couvert des vers ventrus luisant de noir se meuvent en plein chemin de terre La plage des Aresquiers Descendues des jardins sauvages suspendus retrouver le niveau de la mer et la bonne humeur de nos amis pĂȘcheurs puis marcher sur la plage dĂ©peuplĂ©e prendre un premier bain de saison sans lâardeur du soleil pĂ©nĂ©trer la mer mousseuse en frissonnant de rire Jean-Marie aurait-il attendu notre retour pour nous faire admirer sa pĂȘche miraculeuse ? 4 daurades dont une royale de 3 kg moitiĂ© argentĂ©e moitiĂ© nacrĂ©e de rose bleutĂ©e dâhorizons dâor
LA MER LAITEUSE GLISSE DANS LE CIEL BRUMEUX
7 heures 30
Je marche dans le vent la mer me borde elle me cherche la vague la mousse ensoleillĂ©e sâexclame les pĂȘcheurs sont dans lâeau jusquâĂ la taille un pĂȘcheur jusquâau cou en combinaison de plongĂ©e araignĂ©e de soie noire au soleil Ă©merge des flots avec sa canne Ă pĂȘche
8 heures 30 des dunes tendres sont Ă©jectĂ©es des gerbes dâanthĂ©mis pimpantes perlĂ©es de rosĂ©e une mouette comme un chien court sur le sable un oiseau mort dans le bec trop lourd pour elle ne peut voler avec le lĂąche et prend la mer Je fais demi-tour la mer laiteuse glisse dans le ciel brumeux lâeau pas froide me tente en petite tenue jây entre les capricantes vagues me font perdre lâĂ©quilibre je mâenhardis contre le vent la vague mâattaque au ventre mon chemisier je serre fort Ă la morsure de tramontane vite marcher enivrĂ©e dans les cascades de galets ardents sous la plante des pieds
je quitte lâeau Ă regret fais halte pour un bain de soleil soufflant sur un tronc dâarbre lisse Ă©tendu sur la dune
LA MER BLEU ET VERT
11 heures 57
Pieds crissant yeux perdus dans lâazur pommelĂ© de blanc lumineux clin dâĆil du soleil masquĂ© blafard grosses vagues tranquilles coquille St Jacques blanc bĂ©nitier trempĂ© de lumiĂšre la mer bleu et vert Ă la fois vert luisant sombre bleu sable ambrĂ© jâai une ombre
PLUME DE MOUETTE
7 heures 5 Ciel labourĂ© comme terre ocre rose vue dâavion des fumĂ©es jaunes dâavion sâentrecroisent mer ciel laiteux bleu-ciel soleil encagĂ© dans une barre de nuages bleu-gris odeur de malaĂŻgue sur lâĂ©tang de Vic Ă©chappĂ©e de nuages gris sombre sertis de lumiĂšre fuselĂ©s comme des dauphins le soleil lutte avec la barre ombreuse Ă lâopposĂ© du soleil ciel layette fille et garçon humiditĂ© et tramontane se rencontrent Le soleil a surmontĂ© la barre tout blanc de luminositĂ© les dauphins gris fusent sur la barre pour la pulvĂ©riser
7 heures 22 le soleil dĂ©jĂ haut projette son reflet diffus dâincandescence blanche sur la douceur de la mer vol de mouettes muet le vent souffle fort des vagues plates en escalier se forment trempĂ©e la voix de la mer deux chiens errants courent en tout sens la terre ocrĂ©e du ciel sâest mĂ©tamorphosĂ©e en champ de neige poudreuse sillonnĂ©e des tenaces dauphins le blanc liquide du reflet plonge dans le sable du rivage coule Ă mes pieds les chiens courent le long des ganivelles
7 heures 36 chants aigus dâoiseaux dans les Ă©tangs les vagues Ă©tirĂ©es lâune sur lâautre affleurent au ralenti sur les bancs de sable le reflet huile les flots lisses le soleil glisse sur le sable avec la vague la tramontane se renforce je marche entre deux bruits fouettant lâair et lâeau fines traces de vagues sĂšches sur le sable Ă quelques pas de la mer bruits aussitĂŽt assourdis quiĂ©tude de lâĂ©tang tout bleu enchĂąssĂ© de longs cheveux vert tendre sous le soleil frisant envahissant le reflet luisant sur la mer tourbillonnantes les mouches de la grĂšve bruit de la mer mĂȘlĂ© au bruit du vent je me cache sous mon chapeau le sable Ă©tincelle de brillants dans la masse gĂźt une plume de mouette toute blanche je la recueille ainsi quâun tendre duvet Ă©bouriffĂ© des calligraphies de pattes flĂ©chĂ©es incisent le sable dĂ©sorientĂ© en souvenir dâun combat rĂ©cent bain de mer nue chair de poule dans une eau tiĂšde glacĂ©e du vent bain de mer les yeux dans le ciel au cĆur du lac de mousse blanche dâun immense nuage me laisse flotter au grĂ© de lâonde si douce sous ce vent si froid assise sur le sable me sĂšche au vent ensoleillĂ©
CHEVAUX ROUGES DE SOLEIL
6 heures 35
Le soleil est juste levĂ© sur lâĂ©tang de Vic lac Ă peine effleurĂ© du vent bordĂ© de miroirs du ciel soleil rouge sur lac bleu les chevaux blancs dans le prĂ© sont rouges de soleil vibrent les chants dâoiseaux un chat noir se glisse dans les roseaux
7 heures des goĂ©lands stationnent sur le parking de la plage Ă lâaffĂ»t des reliefs dâun grand pique-nique nocturne aux dires de Jean-Marie le pĂȘcheur mer lisse comme un lac aussi le soleil dĂ©jĂ haut lâarrose dâun reflet platinĂ© des vaguelettes satinĂ©es de soleil effleurent le sable la mer bleue de bleu tranche lâhorizon le ciel Ă©thĂ©rĂ© bleuit en ascension la page blanche de mon cahier jaunit mâescorte le reflet sur la mer dĂ©froissĂ© par la tramontane soleil Ă©clatant de lumiĂšre blanche reflet violent
7 heures 20 le chapeau me protĂšge de soleil et vent la mer frĂ©mit dâĂ©cailles brillantes refluent au large et se perdent dans le reflet tiĂ©deur de la chaleur frisson de la tramontane drapeau de la colonie de vacances orientĂ© sud
aprĂšs la plage de galets de larges Ă©tendues sablĂ©es sâouvrent Ă la mer façonnĂ© par lâeau le sable se creuse de petites mares limpides qui invitent Ă tremper les pieds sur du velours cĂŽtelĂ© le chien noir rĂŽdeur de la plage surgit en trombe Ă mes cĂŽtĂ©s
7 heures 32 dans les tamaris tente tĂ©lescopique verte et ses deux habitants blottis le chien a filĂ© vers les Ă©tangs la tramontane forcit et feuillette mon cahier Palavas la Grande Motte dressĂ©s Ă lâhorizon le chien revient bondissant prendre des bains en sĂ©rie s'Ă©broue cherche Ă manger rĂŽde vient se faire caresser le bleu outremer sâĂ©claircit piaillent les mouettes Ă mes oreilles plonge une mouette Ă pic sur un poisson la mer avance dans un froissement de faille je trouve un galet en forme de petit chien un homme surgi du blockhaus se dirige vers le secret des Ă©tangs le reflet sâest Ă©talĂ© de tout son large me fait tituber la tramontane
7 heures 53 garder lâĂ©quilibre se prĂ©munir du vent fort dans lâoreille des rayons du foyer blanc dans le ciel dâune mĂ©duse Ă©chouĂ©e hublot globuleux dans le sable un banc de sable rectangulaire me donne envie dây poser le pied je traverse le fossĂ© dâeau dormante satinĂ© le sable naissant le puits du soleil lâalimente lâeau alentour est transparente
je poursuis mon chemin le vent en rafale me sable les mollets jâapproche des parages de lâĂ©tang de Pierre Blanche vivier des oiseaux une nuĂ©e de mouettes survole la mer le reflet commence Ă se lubrifier au loin parfois Ă©chappĂ©e dâĂ©cume poussiĂ©reuse rencontre de deux marcheuses ici les vagues sâagitent a plongĂ© la mouette a loupĂ© le poisson plongent et replongent les mouettes pĂȘcheuses
BARQUE ANCRĂE DANS LA BRUME
6 heures 21 Au-dessus des tamaris ciel pommelĂ© rose de gris entrefilet de rouge tamisĂ© sur la mer gris luminescent ciel nuancĂ© de gris silencieux vagues gris acier vent de la mer moite et frais se rĂ©pand une clartĂ© brumeuse rayĂ©e dâune fumĂ©e jaune dâavion au loin un bateau noir sur le sable mouillĂ© de gris pointent des cannes Ă pĂȘche froid mou sur ma poitrine frissons aux jambes au milieu des nues de nuages Ă©teints vacille un foyer de cendres vives un bouquet de pĂ©tales orangĂ©s flambe sur ma tĂȘte une lumiĂšre rougeĂątre gonflĂ©e cligne de lâĆil flou parmi les nuages me fait penser Ă la lune je me retourne et la vraie lune mollie me regarde de travers mâa fait passer la nuit blanche la pleine lune ! soleil invisible derriĂšre une muraille plombĂ©e un arc de lumiĂšre carmin moelleux se rĂ©chauffe dâorangĂ© brĂ»lant de brume rose tendre se vaporise le ciel
6 heures 37 la Gardiole se cache dans la brume sous un ciel caressé de tendresse le ciel sur la mer est éclairé de brume dégradée le soleil émergé à moitié la vague éclaire vaguement puis il se couche dans la brume
6 heures 52 soudain rĂ©apparaĂźt lâastre illuminant et son reflet de pĂ©pites sur les flots dure lâespace dâun instant brusquement je me retrouve sur la lune la mer se drape dâun gris peureux laque figĂ©e noire de bleu la totalitĂ© du ciel est voilĂ©e le soleil nâexiste plus reflet volĂ© nuages envolĂ©s la mer en deuil semble assourdie voiles du ciel Ă peine colorĂ©s morne plage plats galets gris tamaris la mer enrobĂ©e de gris pĂ©trole subitement est surlignĂ©e Ă lâhorizon dâun trait ferme bleu outremer ciel flottant de mollesse toujours pas de soleil visible juste un voile fantomatique rose au-dessus du trait outremer laisse deviner des rayons irrĂ©els ma chemise lourde dâhumiditĂ© me plaque Ă la peau le vent me charge les oreilles les yeux rivĂ©s sur le rose diaphane je cherche Palavas
la plage est restĂ©e dĂ©serte jusquâĂ prĂ©sent un pĂȘcheur aux quatre cannes alignĂ©es se prĂ©lasse dans son fauteuil de toile du gris partout nuancĂ© de toutes les teintes Ă©teintes mon pas sâalourdit sur le sable lourd la brume est plus tenace que le soleil le vent aussi qui picote la page de mon cahier de grains de sable je dĂ©cide de fendre la grisaille dâun pas tonique
7 heures 20 la mer sous le soleil supposĂ© tire un trait argentĂ© flux satinĂ© tout devient doux de doux discret turquoise entre les nuĂ©es molles trait argentĂ© disparu vent moins froid la mer se couvre de vert de gris coupĂ© de gris mauve Ă lâhorizon puis disparaissent les gris VĂ©lazquez je ralentis le pas quatre mouettes contemplant leur reflet dans le reflet du sable sâenvolent le soleil potentiel exalte les nuances dâeau et dâair je fonds dans les brumes jâai froid Ă nouveau un vĂ©tĂ©tiste me dĂ©passe et se retourne pour me saluer convient Ă mes Ă©tats dâĂąme ce temps suspendu Ă mes Ă©tats de peau sensible cette mer du nord subtile en place de la grande bleue !
7 heures 30 la mer couleur dâhuĂźtre me berce chantent fluet les oiseaux des Ă©tangs rythme mon pas la rĂ©sonance lancinante du ravin marin mâapaise lâhorizon adouci le vent tiĂšde me mouille les mains le cycliste revient de sa virĂ©e le soleil semble avoir disparu pour longtemps le bateau noir est en rĂ©alitĂ© une barque de pĂȘcheur barque ancrĂ©e dans la brume dont je vais essayer de me rapprocher si ce nâest pas un fantĂŽme avant de rebrousser chemin une mouette plane sur la mer et fait des va-et-vient mer Ă©tang en criant une autre mouette la rejoint sâenvolent vers la mer tournoient prĂšs de la barque ça sent la malaĂŻgue des Ă©tangs deux chiens courent vers moi un noir et un marron qui tient en gueule un jeune lapin inerte ce sont des habituĂ©s de la plage je nâai jamais vu leur maĂźtre passent leur chemin la barque immobile sâagite lorsque jâarrive Ă son niveau elle sâĂ©loigne⊠je dĂ©cide de faire demi-tour et de marcher dans la vague
LA MARCHE DU 14 JUILLET
6 heures 50
Soleil en face au-dessus de la mer chair de poule sur les bras la mer ondule sous le vent ciel brume pastel poudrĂ©e de rose centrĂ© le soleil dans un matelas de nuages pommelĂ©s son reflet dorĂ© de brillance mâatteint les pieds les vagues froides bleutent le sable la brume rose est dĂ©jĂ blanche de bleu fantĂŽme la plage au loin le reflet sur lâeau est trop puissant jâen pleure je chausse mes lunettes de soleil le ciel devient grisaille de bleu rose les vagues bleu gris font le bruit de mousse qui sâĂ©vanouit serpente la vague de feu Ă ma rencontre lustre le sable du rivage lisse les flots le reflux ruisselle sur les galets le reflet devient surexposĂ© lâombre des galets se creuse de contraste sur le sable jauni battu par la vague mon ombre sâallonge derriĂšre moi devant la mer se teinte de pĂąle ciel blanc cassĂ© par lâastre de lumiĂšre barque de pĂȘcheur au loin sur la mer
la colonie de vacances est dĂ©serte les voiliers rangĂ©s sur les galets nus pointent leurs mĂąts au ciel attendent les cris des enfants la barque du pĂȘcheur me dĂ©passe en silence un banc de galets sous lâeau frise la mousse le puits de soleil sur la grĂšve mâĂ©blouit je pose mon regard sur la frange cristalline des vagues la mer clapote sur bruit de fond profond dormeur emmitouflĂ© dans son sac de couchage au milieu de la plage des chĂąteaux de sable fondent dans la vague le sable est piĂ©tinĂ© flĂšches de mouettes coussinets de chiens un chĂąteau crĂ©nelĂ© de coquilles blanches rĂ©siste coiffĂ© dâune plume blanche flux et reflux rythment mon pas sur le velours du sable mouillĂ© Ă©claboussures sur les chaussures un grand cercle de blanches coquilles incrustĂ©es dans le sable protĂšge un chĂąteau disparu les vagues se pĂ©trissent lâune lâautre fine Ă©cume bulles de verre en lisiĂšre retour demi-tour la mer Ă contresens du soleil levant bleu MĂ©diterranĂ©e mais attĂ©nuĂ© ciel fade bleui de brume soleil et vent doux dans le dos mon ombre oblique devant moi ma peau est toute jaune le sable aussi lâheure est venue de me baigner toute nue dans la mer
LE PLEIN SOLEIL
9 heures 50
Ah Loulou est lĂ ! lâaigue-marine navigue dans ses yeux le soleil va sortir il voudrait bien des coques vivantes pour pĂȘcher Ă la ligne mais il sait que la mer les garde blanc comme la pleine lune le soleil dĂ©file derriĂšre un voile de nues le transperce un reflet mĂ©tallique illumine la mer la mer gris vert aux vagues blanches remuĂ©es la mer pleine dâair siffleur Ă mes oreilles la mer moussante du ciel de crĂȘtes neigeuses sous dĂŽmes dâazur lâherbe sent le moisi noir argentĂ© la mer puis noir grisĂ© la mer un trait dâargent illuminant la sĂ©pare de lâhorizon flots gonflĂ©s Ă©tangs au calme pas dâoiseaux le reflet se dilate un Ă©clairage instantanĂ© fait voir jaune se rĂ©tracte le trait dâargent
Ă lâEst la mer se teinte aigue-marine se propage le vert Ă©clairĂ© du dedans sous la perçante percĂ©e du plein soleil blanc tout se rĂ©chauffe mon ombre pousse reflet de brillance vert chaud cris fins dâoiseaux des herbes fil ont poussĂ© parmi les galets la dune de galets me protĂšge de la houle vert jade le vacarme reprend avec la plage de sable deux pĂȘcheurs lâun pĂȘche lâautre fume sable garni de fĂ©tus de bois et pas mal de dĂ©tritus un filet de pĂȘche a capturĂ© un tronc dâarbre le sable est moquette qui a pris lâeau les vagues attaquent avec le vent remontent haut la plage des troncs dâarbres monte le lait des vagues se fripe le reflet argentĂ© un papillon jaune bouton dâor titube au vent mĂ©tal galvanisĂ© le reflet Ă©lectrisĂ© du haut soleil
10 heures 45 sortie franche du plein soleil blanc des nuages blancs me rĂ©chauffent la peau les nuages bas ont grisaillĂ© bain de bleu sur la mer trouĂ©es turquoise et bleu dans le ciel floconneux le blockhaus est cernĂ© de vagues un extra-terrestre longe la plage Ă grande vitesse câest un ami pĂȘcheur sur son squad jaune on se hĂšle au passage ici le sable est tout lavĂ© de beige le flot a repoussĂ© les dĂ©tritus vers les dunes de petites mĂ©duses gisent sur le sable rosĂątre de gelĂ©e jâai la paume des mains rose dâhumiditĂ©
ĂCLATS DE SOLEIL FLOTTĂ
7 heures 31
ArrĂȘt au bois des Aresquiers sans crier gare jaillit le soleil dâune brume bleuĂątre boule de feu coquelicot les parcelles dâĂ©tangs bordĂ©es de sansouire lui tendent leurs miroirs silencieux lustrĂ©s de gris mauve glissent des ombres dâoiseaux dâeau sur lâonde lisse le gris mauve se teinte vermillon se teinte cuivre jaune un morceau de soleil rouge sây reflĂšte les oiseaux sâenvolent au bruit de ma portiĂšre se posent plus loin sur lâonde bleutĂ©e
7 heures 35 ça y est plonge dans lâeau le soleil devenu boule orangĂ©e dâor argente lâeau dâĂ©blouissement lâĂ©tang se moire de raies mauve blanc et gris argentĂ© y tracent les oiseaux des sillages bruit de la mer assourdi de brume un seul pĂȘcheur sur la plage avec sa brise et son reflet sur la mer un froid humide me transperce jâai les doigts glacĂ©s kway et gilet de laine en cache col au loin trois cannes Ă pĂȘche ponctuent la mer ciel bleu faible en arriĂšre une demi-lune sây dĂ©lite la grande dune de galets gris ourlĂ©e de galets mouillĂ©s se profile sur le soleil bien ancrĂ©
8 heures 8 couchĂ© sur les galets en pente presque totalement effeuillĂ© racines emmĂȘlĂ©es rouge hennĂ© gĂźt lâun des « Quatre arbres » peints par Egon Schiele mes oreilles fendent le vent le vide le vide et le vent abondants de la mer sous mes pieds crissent les coquilles beige gris noir blanc petits galets comme des dragĂ©es lĂ©chĂ©s par la vague jamais fatiguĂ©e je transpire sous mon kway mais de vent frais je suis cernĂ©e horizon plat de vapeur jaunie mer bleu tranchant
8 heures 27 dĂ©boulent dans mon dos deux chevaux au galop montĂ©s de jeunes cavaliĂšres dĂ©jĂ au loin se perdent dans le sable sable tendre coussins de coquilles brisĂ©es dressĂ©s par le flux de retour les chevaux au galop dans la mer font des vagues dâĂ©cume sortent de lâeau trĂ©pignent foncent sur moi un cheval craint lâeau moi le coup de sabot les deux chevaux pĂ©nĂštrent de front la mer semblent Ă prĂ©sent trotter dans lâeau se perdent dans les flots
8 heures 43 une joggeuse arrive en face au rythme de fruits bercĂ©s inscrites sur le rivage vagues de coquilles et galets ici les chevaux sont passĂ©s ont creusĂ© le sable de leurs fers lĂ les chevaux ont fait demi-tour le sable sec en est tout retournĂ© dans lâeau une mĂ©duse morte paraĂźt vivante champ de sable aux troncs dâarbres migrateurs
9 heures 8 le soleil nâest pas encore chaud sur ma peau essaimĂ©s sur la plage un tronc dâarbre dauphin Ă ailerons de sable cet autre sur ses ergots de piques saillantes escargot de mer gĂ©ant alignement de branchettes festonnĂ© par la marĂ©e brume jaunĂątre sur le Pic St Loup et Montpellier
9 heures 22 je rebrousse chemin pieds nus dans lâeau la chaleur sâinstalle je prends un bain de lait dans la mer bleu pĂąle parmi les Ă©clats de soleil flottĂ©
CâEST LA POĂSIE QUE LE PĂCHEUR PĂCHE
7 heures 20 Etang de Vic gris perle cieux Ă peine frĂŽlĂ©s de nues poudre orangĂ©e mer moirĂ©e gris rosĂ©e ciel voilĂ© de clartĂ©s douce brise douce houle ruban de crĂȘpe bleu sur lâhorizon y perle une goutte de sang nuages crĂ©nelĂ©s de lumiĂšre orangĂ©e un anneau rouge fantĂŽme couronne les nuages escarpĂ©s puis on ne voit que du bleu rĂ©apparaĂźt en boule dĂ©jĂ tout illuminĂ© escortĂ©e du reflet fanfare sur la mer je suis tout humiditĂ© le soleil se trouble de luminositĂ© mes yeux aussi qui voient vert la page blanche de mon cahier la bleutĂ© se trouble de rose trois flamants roses volent vers les Ă©tangs le reflet bat son plein de drapĂ©s luxuriants les flots reflĂštent du turquoise un pĂȘcheur assis sur le sable rembobine patiemment du fil Ă pĂȘche sur le rivage une rangĂ©e de cannes au garde-Ă -vous surveille la mer
je rencontre Loulou toujours une joie on ne sâĂ©tait pas vu depuis un moment il sĂ©journait Ă Salon sa ville natale mais il prĂ©fĂšre Vic La Gardiole jâapprends de son copain Etienne que cette barriĂšre sur le parking marque la frontiĂšre entre les plages de Frontignan et Vic la Gardiole alors il paraĂźt que vous Ă©crivez sur moi il se saisit de mon cahier oĂč s'Ă©panche mon Ă©criture impĂ©nĂ©trable jây comprends tchi normal moi aussi il mâarrive de ne pas pouvoir me relire mais Loulou les textes sont tapĂ©s et je les fais suivre depuis des jours dans le coffre de la voiture pour vous je vous les donnerai la prochaine fois car Ă prĂ©sent je sens lâappel de la mer dĂ©barquent deux joyeux compĂšres Ă©quipĂ©s dâĂ©lĂ©gante panoplie de pĂȘche lâun dâeux prĂ©sente Ă la cantonade lâami niçois qui lâaccompagne je prends le bon coin car je connais le coin dit-il dâun clin dâĆil complice bof il y a du poisson nulle part rĂ©pliquent en choeur les pĂȘcheurs du coin goguenards câest toujours le mĂȘme refrain avec les pĂȘcheurs quel que soit le temps ce nâest jamais le jour favorable câest de la poĂ©sie que le pĂȘcheur pĂȘche
7 heures 43 pendant ce temps le reflet sâest Ă©talĂ© un pĂȘcheur isolĂ© est assis tout confort devant la mer ses deux cannes solidement amarrĂ©es Ă une sorte de poussette amĂ©nagĂ©e je lâappelle la « chariote » me confie-t-il mer replĂšte de vaguelettes ciel tout vapeur soleil dilatĂ© reflet adouci roulis assourdi sur le sable est Ă©difiĂ© un grand cercle solaire de galets rempli de galets et plumes de mouette la mer aujourdâhui rejette ses plumes jonchent le rivage tout du long je piĂ©tine en canard dans le sable foulĂ© de tant de pas qui se chevauchent sur la plage dĂ©serte
8 heures 04 voile Ă©tale dans le ciel le vent de la mer forcit sâengouffre sous ma chemise moite le reflet ne dĂ©croche pas le soleil feu de vapeur je lâeffleure du regard le sable se cendre de douceur un pĂȘcheur solitaire en maillot de bain se laisse prendre au vent mes mains sont lavĂ©es dâhumiditĂ© je fends le vent
8 heures 23 le reflet poursuit son chemin le sable commence Ă blondir sous le foyer blanc du soleil un jeune couple Ă©tendu sur le sable se relĂšve
secoue le drap de bain et sây drape dedans se met lentement en marche Ă lâabri de la cape partagĂ©e ne me voit pas passer le vent constant empĂȘche la chaleur de descendre blanc le reflet glissant noir le tronc dâarbre immergĂ© un jogger Ă©mergĂ© du blockhaus surgit vite disparu dans les vapeurs
8 heures 43 le ciel vide est plein de clartĂ© brumeuse le vent toujours porteur de moiteur le jogger revient sur ses pas cheveux plus blonds que le soleil sur le sable se rencontrent dâinnombrables traces de pieds modelĂ©s par la douceur de la lumiĂšre ici le flux a modulĂ© du sable ondulĂ© il fait si doux lorsque le vent sâapaise un oiseau noir vole haut
9 heures 12 une mouette surgit des Ă©tangs Palavas est embrumĂ© de blanc La Grande Motte escamotĂ©e barques illusion voguent Ă lâhorizon des buissons de salicorne vert acidulĂ© ont percĂ© les dunes de sable et de galets les tamaris sont gris une fougueuse vedette entaille les flots
9 heures 20 je fais demi-tour sâavance au loin un naturiste tout rosi de soleil les tamaris virent au vert foncĂ© le ciel vide sur la mer se bleute le ciel sur terre est lourd de gris les oyats sont sĂ©pia les massifs de salicorne ont tournĂ© au vert bleutĂ© vent dans le dos chaleur sur ma peau
10 heures bain dâĂ©clats de rires avec Bern Ă se laisser surprendre par lâĂ©clat des rouleaux de vagues dans le caressant reflet du soleil
_______________________ Tous les textes du Cahier des Aresquiers ont été rédigés au cours de la période de juillet 2005 à juillet 2006
Etes-vous nĂ©e avec un crayon Ă la main ? Je suis nĂ©e Ă Millau le 14 mars 1944. Ă l'Ăąge de six ans, je pars en Indochine, alors en guerre. J'y reste six mois et lĂ , se fixe dans ma mĂ©moire une fascination des papillons liĂ©e Ă la mort de mon pĂšre. Je suis Ă©levĂ©e par mes grands-parents. Enfance solitaire et rĂȘveuse. J'aime la nature, l'arc-en-ciel de sauterelles, lorsqu'elles dĂ©ploient leurs ailes, les nuages, les images. N'ayant pas la possibilitĂ© de m'exprimer par le dessin ou la peinture, j'ai dĂ» dĂ©velopper une grande frustration, peut-ĂȘtre bĂ©nĂ©fique Ă la passion de l'art. De la frustration naĂźt la crĂ©ation ? Câest pour cela que vous avez dĂ©cidĂ© de ne pas suivre dâĂ©tudes artistiques ? Ne pourrait-on pas croire au contraire que le fait dâapprendre Ă manier les outils vous aurait permis dâexplorer dâautres formes dâexpression ? Il y faut le manque pour crĂ©er du dĂ©sir. Je ne souhaite pas entreprendre des Ă©tudes artistiques de crainte dâinfluencer mon potentiel crĂ©atif instinctif. Je crois que l'art est une expĂ©rience comme celle de la vie, mais sous-tendue d'une interrogation perpĂ©tuelle avec des rĂȘves pour lui donner forme. Il y a aussi les gaucheries qui jouent un rĂŽle. L'art a lieu par hasard disait si justement StĂ©phane MallarmĂ© ! Quand je suis mĂ©contente d'une oeuvre, c'est souvent parce qu'elle apporte du nouveau Ă mon insu, qu'elle rompt mes habitudes. Or, je me rends compte, lorsque je revois mes travaux avec le recul, que le lĂącher prise, les prĂ©tendues maladresses sont en fait des forces. Cette Ă©volution ne serait-elle pas tout simplement l'expression de la personnalitĂ© profonde de l'artiste, livrĂ©e par l'inconscient ? Votre passage aux Beaux-arts vous a sĂ»rement donnĂ© les bases qui vous ont permis de vous exprimer ? Il me semble que des bases m'empĂȘcheraient de planer ! Un bref passage aux Beaux-arts de Montpellier, le jeudi matin, est, pour l'Ă©lĂšve de 4Ăšme que je suis Ă l'Ă©poque, le bien-ĂȘtre de sortir seule de l'internat du lycĂ©e Georges ClĂ©menceau ! J'en retiens ma myopie dĂ©celĂ©e par l'enseignant, le magnifique peintre Georges Dezeuze, et l'ennui de reproduire du plĂątre antique au fusain. Au lycĂ©e, en cours de dessin, je dĂ©couvre la beautĂ© du pastel, mais j'aime l'encre de Chine en secret !
Pour faire connaissance avec l'auteure voici une
interview de Marie-Lydie Joffre par Christiane
Tréan, parue dans étoiles d'encre n° 59/60,
MĂ©tamorphose, Octobre 2014
http://www.chevre-feuille.fr/revue-etoiles-d-encre
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Pouvez-vous nous retracer votre parcours ? Je fais des Ă©tudes en lettres, et enseigne l'anglais dans le secondaire pendant douze ans. En 1982 je quitte mon mĂ©tier d'enseignante pour me consacrer Ă lâart. La cadence de mon travail artistique, sera toujours irrĂ©guliĂšre, tant il faut s'exclure du monde pour donner toute son Ă©nergie Ă l'art. Aux traversĂ©es du dĂ©sert, je rĂ©ponds par l'intensitĂ© des pĂ©riodes de mise en oeuvre artistique. Ma production est sĂ©rielle. PremiĂšre exposition publique en 1978, au Centre Culturel français de Rabat. De nombreuses expositions de mes Ćuvres s'enchaĂźneront en France et Ă l'Ă©tranger. AprĂšs plusieurs annĂ©es en Afrique du Nord, je vis et travaille Ă Montpellier. Quel est votre medium de prĂ©dilection ? Mes travaux d'autodidacte dĂ©butent par des nus et du graphisme ; le tout Ă la peinture Ă l'huile conventionnelle. Bien vite le pastel, peinture et dessin Ă la fois, texture aile de papillon, s'impose en matĂ©riau exclusif. La subtile poudre induira un long parcours d'introspection autour de la figuration humaine. J'utilise le minimum de matiĂšre par crainte de faire chuter les tonalitĂ©s du prĂ©cieux matĂ©riau. Le veloutĂ© du pastel, dĂ©licatement estompĂ© au petit doigt, produira des thĂ©ories de portraits immatĂ©riels, souvent effleurĂ©s d'une incandescence de papillon gĂ©ant. Le sensuel pastel, qui pĂ©nĂštre les pores de la peau, me conduira plus tard Ă l'absolu de l'encre. J'apprĂ©cie tous les matĂ©riaux Ă dessin, notamment la famille des craies, pratiquĂ©es sĂšches, mouillĂ©es, en techniques mixtes, les glissades du bĂątonnet de graphite... Il se peut que le dessin soit la plus obsĂ©dante tentation de la vie. Paul ValĂ©ry Votre projet « Regard sur 89 » a Ă©tĂ© une phase importante dans votre vie dâartiste. DâoĂč est venu cet intĂ©rĂȘt pour la RĂ©volution Française ? Le projet "Regard sur 89", galerie de portraits au pastel de protagonistes de la RĂ©volution française, m'enthousiasme, Ă©tant acquise Ă la cause de l'Ă©vĂšnement. La fin du XVIIIe siĂšcle est l'apogĂ©e du pastel pour les portraits d'aristocrates, et ce paradoxe m'inspire. D'autre part, le thĂšme me permet de sortir de mon reflet et de me confronter aux autres. J'habite en AlgĂ©rie en 1987 et j'approfondis mes connaissances de la RĂ©volution Ă partir de documents d'Histoire et de recherches iconographiques qui m'aideront Ă dĂ©finir les portraits au niveau physique et psychologique. Les premiers portraits seront exposĂ©s au lycĂ©e Pasteur d'Oran, oĂč mon fils est Ă©lĂšve. RentrĂ©e en France, deux expositions sponsorisĂ©es circuleront toute l'annĂ©e 1989 sur le territoire, Ă l'occasion de la cĂ©lĂ©bration du bicentenaire de la RĂ©volution française. Vous avez ensuite une pĂ©riode plus paisible AprĂšs la rĂ©volution, je rentre au foyer ! NĂ©cessitĂ© constante de me renouveler sous l'effet des contrastes. A prĂ©sent non seulement je n'ai plus envie de m'isoler dans ma bulle, mais de poursuivre le dialogue. J'aime la rencontre. Mon travail sur le thĂšme du nu engendre celui de "La mĂšre et l'enfant". La douceur du pastel sied Ă ces oeuvres mais sa fugacitĂ© va bientĂŽt ĂȘtre prise au lasso de la densitĂ©. AprĂšs la MĂšre et l âEnfant, la prĂ©sence du pĂšre sâimpose... "Ecce Homo" se prĂ©sente sous les angles qui m'impressionnent, le buste, le dos, traitĂ©s en renforcement du pastel, rehaussĂ©s Ă l'huile, cernĂ©s d'encre de Chine, liĂ©s Ă la poudre de marbre. Ainsi, surgiront du corps de l'homme, des flambĂ©es presque expressionnistes. Par la suite, dans une quĂȘte de stylisation formelle, elles seront dĂ©trĂŽnĂ©es par la simplicitĂ© originelle de matĂ©riaux bruts comme fusain, graphite, craie, sanguine ou encore pierre noire sur support de papier blanc. Tout ce petit monde intĂ©rieur circonscrit, mon cheminement va ouvrir Ă la nature.
A cette Ă©poque de transition, j'anime des ateliers d'expression libre : Pastel et techniques mixtes, Nu modĂšle vivant. J'ose aborder la sensibilitĂ© de terrain, me placer Ă l'Ă©coute directe de l'autre, que ce soit l'arbre, le nu, les danseurs. Parlez-nous de vos oeuvres Ă l'encre de Chine. Au tournant du siĂšcle, Ă l'issue du tĂȘte-Ă -tĂȘte avec le pastel, et jusqu'Ă aujourd'hui, mon langage pictural se mĂ©tamorphose en tracĂ©s graphiques Ă l'encre de Chine, comme si le mystĂšre de la poudre m'avait poussĂ©e Ă rechercher une vĂ©ritĂ© sans Ă©quivoque dans la rigueur. EnvoĂ»tant, le pastel fait oublier, il peut s'effacer aussi. Limpide, l'encre noire met devant le fait accompli de l'authenticitĂ© du trait et son courant transporte dans la lumiĂšre. Les arbres sur le motif et le nu modĂšle vivant seront traitĂ©s au calame et Ă l'encre de Chine sur support papier. Lâarbre nu, sculpture vivante, longtemps contemplĂ© en silence, devient ma figure de proue. Mes premiĂšres approches du croquis sur le vif, au Jardin des Plantes de Montpellier, sont des Ă©tudes de dĂ©tails d'arbres, rĂ©alisĂ©es dans des carnets. Puis, l'arbre en tant qu'ĂȘtre en marche est apprĂ©hendĂ© au bĂątonnet de graphite sur papier esquisse. Enfin l'encre de Chine, dĂ©terminante, choisit des supports papiers aquarelle ou calligraphie, pour une voltige des traits Ă tous les vents, au calame trempĂ© d'encre. En quelque sorte, je fais un long dĂ©tour par le questionnement du pastel pour mieux en venir Ă l'inespĂ©rĂ© avec la graphie de l'encre... La matiĂšre vous guide tout au long de votre parcours dâartiste... comment en ĂȘtes-vous venue aux PastelLithes ? Un goĂ»t ancien de garrigue, un morceau de marbre trouvĂ© dans les vignes, une attirance pour l'art des origines, dont les menhirs ! Un jour, Ă l'occasion d'une promenade, je ramasse une pierre qui m'interpelle ; je sais que je vais dessiner un nu sur ce support calcaire. Ainsi naissent les PastelLithes, c'est Ă dire des nus au pastel ou Ă la craie sur roche, dans les tonalitĂ©s du minĂ©ral. Je trouve le matĂ©riau, souffrant ou accidentĂ©, dans les ateliers de la pierre, les carriĂšres abandonnĂ©es... Les PastelLithes, Ă leur tour, rencontrent l'encre de Chine, et dorĂ©navant la pierre rĂ©vĂšle son relief, sa couleur, son imaginaire Ă la sertissure de l'encre. Voulez-vous dire par lĂ que, non seulement vous mĂ©tamorphosez les Ă©lĂ©ments naturels (les arbres, les nus, les pierres...) mais quâavec le temps vos Ćuvres elles-mĂȘmes subissent une mĂ©tamorphose ? L'oeuvre d'art n'existe que par le regard des autres, et se transforme en consĂ©quence. Avec le recul sur mes productions, je perçois toujours plus de nouveaux aspects inscrits dans mes croquis comme si je lisais des moments de ma vie dans une bande dessinĂ©e. L'art apprend aux artistes Ă se connaĂźtre. On se transforme sans cesse, et le dessin entretient des liens avec le destin...
Ădition numĂ©rique par Huguette Bertrand Novembre 2014
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