ANTONIA Fiennes BIRNBAUM - FIDMarseille

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JOURNAL EDITÉ PAR LE FIDMARSEILLE AVEC LE SOUTIEN DES MÉCÈNES DU SUD JEUDI chronique d’ ANTONIA BIRNBAUM Beau comme un camion. Tellement de choses ont Ă©tĂ© Ă©crites sur lui. A son propos, Ă  propos du film, ou Ă  propos de Marguerite Duras. Un trente deux tonnes bleu, avec une remor- que, qui traverse le paysage. Des camions, on en voit sur les routes, les autouroutes surtout. Aux USA, les camions sont eux-mĂȘmes : des animaux, Ă  la fois bruyants muets, lents et puissants. Ce sont eux qui endurent la longueur du trajet, ils sont Ă  la taille d’un pays immense, pays sans rail, juste des highways, des routes longues et larges comme les camions qui y circulent. Les camions peuplent les films amĂ©ricains. Dans Duel, un camion est un des personna- ges principaux, avec une voiture. En Europe, les camions m’apparaissent comme des maquettes des camions amĂ©ricains. Dans le livre Le Camion, un entretien. Marguerite Duras note que les enfants disent : toi tu aurais Ă©tĂ© un pirate, tu es un pirate. Ailleurs, dans Sur la facultĂ© mimĂ©ti- que, Walter Benjamin note que les enfants ne jouent pas seule- ment Ă  ĂȘtre pirate ou Ă©picier, mais aussi Ă  ĂȘtre une locomotive ou un navire. On aurait dit que le film Le Camion est la maquette d’un film amĂ©ricain de Marguerite Duras. Le camion traverse le visible, il avance, infatigable. Je le regarde, aucune narration ne vient organiser mon regard, aucune explo- sion, aucune action : c’est un Ă©tirement contemplatif d’un film amĂ©ricain. Un camion, c’est un changement d’échelle qui sil- lonne les routes. C’est toute une vie ramassĂ©e dans une cabine qui passe Ă  cĂŽtĂ© de nos trajets minuscules dans nos voitures miniatures. Mais dans le film, on ne verra pas le scĂ©nario - une femme monte dans un camion -, il sera lu. Le camion, sĂ©parĂ© de ceux qui en parlent, poursuit son chemin muet. Je ne sais pas si cette image rejoindra jamais ce qui est lu, mais je sais que ce qui est lu dĂ©toure le camion, le rend visible. Il crĂšve l’écran, comme on le dit d’une star. D’ailleurs, il est la star du film. « Filmer dit-elle » est le titre de l’écran parallĂšle traversĂ© par ce camion. Il ressemble Ă  DĂ©truire dit-elle de Marguerite Duras. On sait que les camionneurs tapissent souvent leurs cabines d’images pornos. On ne savait pas, avant Marguerite Duras, que les femmes qui filment peuvent tapisser l’écran d’images d’un camion qui passe. On aurait dit que les femmes qui font des films ne traitent pas nĂ©cessairement du fĂ©minin, mais qu’elles ont rarement la chance et donc le budget, le temps, la confiance accordĂ©e, de se trouver derriĂšre la camĂ©ra. Juste aprĂšs le premier film de cet Ă©cran parallĂšle - Sans titre, 11 Mars 2005 -, un camion est passĂ© et il a silencieusement mais sĂ»rement dĂ©moli toutes les choses que je pouvais craindre d’un programme regroupant les femmes. Elles peuvent filmer tout ce qui leur traverse le regard au mĂȘme titre que n’importe qui : il suffit qu’elles nous adressent ce qu’elles voient. La preuve, mon regard a percutĂ© ce trente deux tonnes bleu il y a bien des annĂ©es et j’en suis amou- reuse depuis : heureuse de le revoir. e dĂ©part du projet ? Je tournais autour de l’idĂ©e de la fiction, cherchant Ă  comprendre pourquoi le rĂ©cit est quel- que chose de si captivant. Comme specta- trice, j’ai souvent le sentiment que suivre un fil narratif est une expĂ©rience fastidieuse, mais incontournable. C’est comme si l’intrigue Ă©tait au service d’une chose bien plus irrĂ©sistible, mais qui passe « dessous » le scĂ©nario. The Pervert’s Guide parle de ce « dessous », si dĂ©cisif au cinĂ©ma. J’ai commencĂ© Ă  lire Zizek par intĂ©rĂȘt pour ses rĂ©flexions sur la foi et la religion. Au fur et Ă  mesure que j’avançais dans ses textes, j’ai dĂ©couvert qu’il parlait beaucoup de cinĂ©ma et j’ai trouvĂ© sa maniĂšre d’envisager les films absolument passion- nante. Je suis convaincue que les grands films demandent des spectateurs Ă  leur hauteur. Si nous restons mornes, s’il n’y a pas des Ă©tincel- les qui s’allument en nous quand un chef d’Ɠu- vre se dĂ©roule devant nos yeux, c’est qu’on est mort. Et un film, encore une fois, n’est que ce que son public en fait. Le sujet de The Pervert’s Guide, c’est l’expĂ©rience de specta- teur, l’expĂ©rience de la pensĂ©e elle-mĂȘme. Qu’est-ce qui a guidĂ© le choix des scĂšnes ? ConcrĂštement, les choses se sont passĂ©es trĂšs simplement. Je lui ai soumis le projet et, une semaine durant, on s’est vu tous les jours pour discuter du choix des textes et des films. Il peau- finait chaque jour le matĂ©riel de base, en cou- pant et ramassant les choses d’aprĂšs nos Ă©changes. Ce premier matĂ©riel a servi de point de dĂ©part pour se dĂ©velopper ensuite de maniĂšre irrĂ©guliĂšre pendant une annĂ©e. Mais il a aussi improvisĂ© au moment du tournage ou rĂ©agi Ă  des questions que je pouvais lui poser. Ça a Ă©tĂ© un mĂ©lange. D’un cĂŽtĂ©, lui accorder l’es- pace pour jouer de ses idĂ©es pendant la prise. De l’autre, le tenir pour m’assurer que des cho- ses qui me paraissaient primordiales soient bel et bien enregistrĂ©es. Il n’y avait ni prompteur, ni continuitĂ© Ă©crite. Je souhaitais vraiment qu’il s’adresse Ă  la camĂ©ra elle- mĂȘme. La structure finale s’est trouvĂ©e au montage. Ce sont les films et les scĂšnes que nous prĂ©- fĂ©rions ou qui nous fascinaient ou qui nous hantaient, qui ont dictĂ© le choix. L’éventail de films prĂ©- sents couvre 80 annĂ©es. Peut- ĂȘtre que The Pervert’s Guide est une Ă©pitaphe au cinĂ©ma dans une Ăšre de « pourvoyeur de sens. » DĂ©solĂ©e, mais je reste mĂ©lancolique dans mon rapport au cinĂ©ma. Pourquoi avoir mis en scĂšne les leçons de Zizek ? L’idĂ©e m’est venue, tout simplement, et quand j’ai vu que ça marchait, j’ai dĂ©cidĂ© de le faire jusqu’au bout, et le plus parfaitement possible. Les films crĂ©ent des univers clos qui sont Ă©phĂ©mĂšres, de simples espaces fantomatiques, des images proje- tĂ©es. Mais la maniĂšre dont nous reconstituons ces lieux dans nos tĂȘtes quand on regarde un film est proprement fascinante. J’avais envie de sug- gĂ©rer que ces lieux pouvaient produire une consistance durable, et qu’il Ă©tait possible de retourner les visiter. Citer autant d’extraits de films fameux, cela a un coĂ»t. Puisque le film se prĂ©sente comme une confĂ©rence, de type critique et psychanalytique, face Ă  la camĂ©ra, on a pu tra- vailler Ă  l’aide d’un article de loi relatif aux droits. Cela a eu pour consĂ©quence que j’ai travaillĂ© avec une Ă©quipe d’avocats au mon- tage de maniĂšre Ă  m’assurer que chaque extrait entrait bien dans le cadre de cet article de loi sur le copyright. Les dĂ©tenteurs des droits des films ne nous ont pas fait payer, ça aurait Ă©tĂ© une infraction avec le fait que le film fait Ă©cho Ă  des travaux publiĂ©s. La voix de Zizek dĂ©borde Ă  plusieurs repri- ses sur les extraits des films. Cela a juste- ment Ă  voir avec les restrictions imposĂ©es dans le cadre de l’application de la loi dont j’ai parlĂ©. Si les extraits passent sans la voix, les juristes considĂšrent que vous utilisez le film comme du papier peint et que vous sortez du contrat. C’est une raison. Il y en a une autre. Ce que raconte Zizek est souvent inattendu, il nous fait voir les films sous un certain angle. Il fallait donc que sa voix reste prĂ©sente, pour guider notre rĂ©flexion de maniĂšre Ă  ce que son dĂ©veloppement reste d’une traite et cohĂ©rent. Le titre ? Parce que nous nous servons du cinĂ©ma pour nous aider Ă  organiser notre dĂ©sir. Zizek le dit : l’art du cinĂ©ma rĂ©side dans la façon dont il joue avec notre dĂ©sir, tout en le gardant Ă  distance suffisante. Jouer de cette maniĂšre avec le dĂ©sir dĂ©finit une pratique per- verse, mais une perversion Ă  laquelle nous sommes tous enclins et que nous trouvons tous source d’un immense bonheur. [Propos recueillis par Nicolas Feodoroff traduits par JPR] THE PERVERT’S GUIDE TO CINEMA PremiĂšre française entretien avec Sophie Fiennes Lecture du scĂ©nario SABRINA de Marie Dumora, par Sophie Quinton La lecture sera retransmise Ă  21h sur les ondes de France Culture (99.0 fm), Ă  l’occasion d’une soirĂ©e spĂ©ciale animĂ©e par Laure Adler. SOPHIE QUINTON MARIE DUMORA english version p. 2 L 05.07.07 FIDMARSEILLE JOURNAL/DAILY Lecture Ă  La CriĂ©e Ă  21h / sĂ©ance spĂ©ciale CNC ET FRANCE CULTURE SABRINA Les livres de Slavoj Zizek sont en vente sur le stand de L’histoire de l’Ɠil - hall de la CriĂ©e © Eurozoom

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Page 1: ANTONIA Fiennes BIRNBAUM - FIDMarseille

JOURNAL ED ITÉ PAR LE F IDMARSEILLE AVEC LE SOUT IEN DES MÉCÈNES DU SUD

JEUDI c h r o n i q u ed’ANTONIABIRNBAUMBeau comme uncamion.Tellement dechoses ont Ă©tĂ©Ă©crites sur lui. Ason propos, Ă  propos du film,ou Ă  propos deM a r g u e r i t eDuras. Un trentedeux tonnes bleu,avec une remor-que, qui traversele paysage. Descamions, on en voit sur les routes, les autouroutes surtout. AuxUSA, les camions sont eux-mĂȘmes : des animaux, Ă  la foisbruyants muets, lents et puissants. Ce sont eux qui endurent lalongueur du trajet, ils sont Ă  la taille d’un pays immense, payssans rail, juste des highways, des routes longues et largescomme les camions qui y circulent. Les camions peuplent lesfilms amĂ©ricains. Dans Duel, un camion est un des personna-ges principaux, avec une voiture.En Europe, les camions m’apparaissent comme des maquettesdes camions amĂ©ricains. Dans le livre Le Camion, un entretien.Marguerite Duras note que les enfants disent : toi tu aurais Ă©tĂ©un pirate, tu es un pirate. Ailleurs, dans Sur la facultĂ© mimĂ©ti-que, Walter Benjamin note que les enfants ne jouent pas seule-ment Ă  ĂȘtre pirate ou Ă©picier, mais aussi Ă  ĂȘtre une locomotiveou un navire. On aurait dit que le film Le Camion est lamaquette d’un film amĂ©ricain de Marguerite Duras. Lecamion traverse le visible, il avance, infatigable. Je le regarde,aucune narration ne vient organiser mon regard, aucune explo-sion, aucune action : c’est un Ă©tirement contemplatif d’un filmamĂ©ricain. Un camion, c’est un changement d’échelle qui sil-lonne les routes. C’est toute une vie ramassĂ©e dans une cabinequi passe Ă  cĂŽtĂ© de nos trajets minuscules dans nos voituresminiatures. Mais dans le film, on ne verra pas le scĂ©nario - unefemme monte dans un camion -, il sera lu. Le camion, sĂ©parĂ©de ceux qui en parlent, poursuit son chemin muet. Je ne sais passi cette image rejoindra jamais ce qui est lu, mais je sais que cequi est lu dĂ©toure le camion, le rend visible. Il crĂšve l’écran,comme on le dit d’une star. D’ailleurs, il est la star du film.« Filmer dit-elle » est le titre de l’écran parallĂšle traversĂ© par cecamion. Il ressemble Ă  DĂ©truire dit-elle de Marguerite Duras.On sait que les camionneurs tapissent souvent leurs cabinesd’images pornos. On ne savait pas, avant Marguerite Duras,que les femmes qui filment peuvent tapisser l’écran d’imagesd’un camion qui passe. On aurait dit que les femmes qui fontdes films ne traitent pas nĂ©cessairement du fĂ©minin, mais qu’ellesont rarement la chance et donc le budget, le temps, la confianceaccordĂ©e, de se trouver derriĂšre la camĂ©ra. Juste aprĂšs le premierfilm de cet Ă©cran parallĂšle - Sans titre, 11 Mars 2005 -, un camionest passĂ© et il a silencieusement mais sĂ»rement dĂ©moli toutesles choses que je pouvais craindre d’un programme regroupantles femmes. Elles peuvent filmer tout ce qui leur traverse leregard au mĂȘme titre que n’importe qui : il suffit qu’elles nousadressent ce qu’elles voient. La preuve, mon regard a percutĂ© cetrente deux tonnes bleu il y a bien des annĂ©es et j’en suis amou-reuse depuis : heureuse de le revoir.

e dĂ©part du projet ? Je tournaisautour de l’idĂ©e de la fiction, cherchant Ă comprendre pourquoi le rĂ©cit est quel-

que chose de si captivant. Comme specta-trice, j’ai souvent le sentiment que suivre un filnarratif est une expĂ©rience fastidieuse, maisincontournable. C’est comme si l’intrigue Ă©taitau service d’une chose bien plus irrĂ©sistible,mais qui passe « dessous » le scĂ©nario. ThePervert’s Guide parle de ce « dessous », sidĂ©cisif au cinĂ©ma. J’ai commencĂ© Ă  lire Zizekpar intĂ©rĂȘt pour ses rĂ©flexions sur la foi et la

religion. Au fur et Ă  mesure que j’avançaisdans ses textes, j’ai dĂ©couvert qu’il parlaitbeaucoup de cinĂ©ma et j’ai trouvĂ© sa maniĂšred’envisager les films absolument passion-nante. Je suis convaincue que les grands filmsdemandent des spectateurs Ă  leur hauteur. Sinous restons mornes, s’il n’y a pas des Ă©tincel-les qui s’allument en nous quand un chef d’Ɠu-vre se dĂ©roule devant nos yeux, c’est qu’on estmort. Et un film, encore une fois, n’est que ceque son public en fait. Le sujet de ThePervert’s Guide, c’est l’expĂ©rience de specta-teur, l’expĂ©rience de la pensĂ©e elle-mĂȘme.

Qu’est-ce qui a guidĂ© le choix des scĂšnes ?ConcrĂštement, les choses se sont passĂ©es trĂšssimplement. Je lui ai soumis le projet et, une

semaine durant, on s’est vu tous les jours pourdiscuter du choix des textes et des films. Il peau-finait chaque jour le matĂ©riel de base, en cou-pant et ramassant les choses d’aprĂšs nosĂ©changes. Ce premier matĂ©riel a servi de pointde dĂ©part pour se dĂ©velopper ensuite demaniĂšre irrĂ©guliĂšre pendant une annĂ©e. Mais il aaussi improvisĂ© au moment du tournage ourĂ©agi Ă  des questions que je pouvais lui poser. Çaa Ă©tĂ© un mĂ©lange. D’un cĂŽtĂ©, lui accorder l’es-pace pour jouer de ses idĂ©es pendant la prise.De l’autre, le tenir pour m’assurer que des cho-

ses qui me paraissaient primordiales soient belet bien enregistrĂ©es. Il n’y avait ni prompteur, nicontinuitĂ© Ă©crite. Je souhaitais vraiment qu’ils’adresse Ă  la camĂ©ra elle-mĂȘme. La structure finale s’esttrouvĂ©e au montage. Ce sont lesfilms et les scĂšnes que nous prĂ©-fĂ©rions ou qui nous fascinaient ouqui nous hantaient, qui ont dictĂ©le choix. L’éventail de films prĂ©-sents couvre 80 annĂ©es. Peut-ĂȘtre que The Pervert’s Guide estune Ă©pitaphe au cinĂ©ma dansune Ăšre de « pourvoyeur desens. » DĂ©solĂ©e, mais je restemĂ©lancolique dans mon rapportau cinĂ©ma.

Pourquoi avoir mis en scĂšne lesleçons de Zizek ? L’idĂ©e m’estvenue, tout simplement, et quandj’ai vu que ça marchait, j’ai dĂ©cidĂ©de le faire jusqu’au bout, et le plusparfaitement possible. Les filmscrĂ©ent des univers clos qui sontĂ©phĂ©mĂšres, de simples espacesfantomatiques, des images proje-tĂ©es. Mais la maniĂšre dont nousreconstituons ces lieux dans nostĂȘtes quand on regarde un film est

proprement fascinante. J’avais envie de sug-gĂ©rer que ces lieux pouvaient produire uneconsistance durable, et qu’il Ă©tait possible deretourner les visiter.

Citer autant d’extraits de films fameux,cela a un coĂ»t. Puisque le film se prĂ©sentecomme une confĂ©rence, de type critique etpsychanalytique, face Ă  la camĂ©ra, on a pu tra-vailler Ă  l’aide d’un article de loi relatif auxdroits. Cela a eu pour consĂ©quence que j’aitravaillĂ© avec une Ă©quipe d’avocats au mon-tage de maniĂšre Ă  m’assurer que chaqueextrait entrait bien dans le cadre de cet articlede loi sur le copyright. Les dĂ©tenteurs desdroits des films ne nous ont pas fait payer, çaaurait Ă©tĂ© une infraction avec le fait que le filmfait Ă©cho Ă  des travaux publiĂ©s.

La voix de Zizek dĂ©borde Ă  plusieurs repri-ses sur les extraits des films. Cela a juste-ment Ă  voir avec les restrictions imposĂ©esdans le cadre de l’application de la loi dont j’aiparlĂ©. Si les extraits passent sans la voix, lesjuristes considĂšrent que vous utilisez le filmcomme du papier peint et que vous sortez ducontrat. C’est une raison. Il y en a une autre.Ce que raconte Zizek est souvent inattendu, ilnous fait voir les films sous un certain angle. Ilfallait donc que sa voix reste prĂ©sente, pourguider notre rĂ©flexion de maniĂšre Ă  ce que sondĂ©veloppement reste d’une traite et cohĂ©rent.

Le titre ? Parce que nous nous servons ducinĂ©ma pour nous aider Ă  organiser notre dĂ©sir.Zizek le dit : l’art du cinĂ©ma rĂ©side dans lafaçon dont il joue avec notre dĂ©sir, tout en legardant Ă  distance suffisante. Jouer de cettemaniĂšre avec le dĂ©sir dĂ©finit une pratique per-verse, mais une perversion Ă  laquelle noussommes tous enclins et que nous trouvonstous source d’un immense bonheur.

[Propos recueillis par Nicolas Feodoroff traduits par JPR]

THE PERVERT’S GUIDE TO CINEMAPremiùre française

entretien avec SophieFiennes

Lecture du scĂ©nario SABRINA de Marie Dumora, par Sophie QuintonLa lecture sera retransmise Ă  21h sur les ondes de France Culture (99.0 fm), Ă  l’occasion d’une soirĂ©e spĂ©ciale animĂ©e par Laure Adler.

SOPHIE QUINTONMARIE DUMORA

english version p. 2

L

05.07.07FIDMARSEILLE

JOURNAL/DAILY

Lecture à La Criée à 21h / séance spéciale CNC ET FRANCE CULTURE

SABRINA

Les livres de Slavoj Zizek sont en vente sur le stand de

L’histoire de l’Ɠil - hall de la CriĂ©e

© Eurozoom

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utohystoria is your third full-length film after The Island at theEnd of the World and Indio Nacional (FID 2006). How did thisproject get started? It's a very special film.After traveling outside

the country with Indio Nacional to festivals, I had become greatlyexhausted, in all aspects. It was a very emotional time for me, becauseall at once I was worrying about my future, people's expectations, fin-ding a sense of purpose. I think of my brother a lot those days, who hadalready moved out of the house and country, to Singapore, left his poe-try writing on hold to be with his girlfriend and work in a men's maga-zine. Because times like those, when I'm confused and the world feelstoo heavy, I remember crashing in my brother's room and bugging himand talking to him and listening to his music and reading his books. Soafter months of sulking I told myself I'm going to start a project, a verypersonal one. That was the starting point.

Could you tell us why did you choose, for the second time, to questionthe history of the Philippines at the end of the 19th century? Who arethose characters, the two brothers, Andres and Procopio Bonifacio?After Indio Nacional, I'm moving towards the Philippine Revolution,after Jose Rizal's death. I still don't know exactly why I'm operating likethat, following a chronological investigation of history. I don't thinkthere is a clear procedure I'm following, since Autohystoria moves backand forth to past and present, it just happened that I found the bro-ther's story close to my emotions during that time. Andres Bonifaciowas one of the leaders of the Philippine Revolution during colonial rule.He was pushing for armed struggle, as opposed to Rizal's rather ilus-trado-driven literary inspiration. In history, he had become the epitomeof working class hero during the time,and for that an argument of onlysecond-best hero of the country. Procopio is Andres' younger brother,also involved in the revolution in the same way as his brother.They wereexecuted in the mountains on May 10, 1897.

At the first gaze, the different parts seem to be autonomous, and usingdrama,documentary,history film,experimental cinema. But the film isblurring all these boundaries. What led you to experiment this bothsimple and complex construction? The idea behind Autohystoria is tocapture dreams in film, or video in this case. I have this theory that thethings we dream about are mixtures of our preoccupations, regardlessof space and time. I thought it fit perfectly to talk about both personaland historical exiles in one continuum, which is the dream. Originally, Ihad only wanted to interpret the story of the Bonifacio execution inplanned time sequences, so that each of the scene written had a corres-ponding time planned in minutes specific. This was something to dowith rhythm. I thought that was boring. Then I constantly think of sce-narios, so that the police car scene circling around the monument (theBonifacio Monument, which is not a popular landmark compared tothe well-visited Rizal Park portrays an overdramatic encounter ofAndres Bonifacio with the Filipino revolutionaries attacking the Spanish

soldiers) came up one day, but there was no way this was going to be a"period" thing anymore. So I shot both brothers as me and my brother,wearing the exact same clothes we would wear a couple of years agowhen I was still in highschool and he was in college as a budding acti-vist. The opening scene came at the last minute, when I thought of afewlines to introduce the dramatic sequences. So I shot it one night, inmy neighborhood, in my apartment, where all the thinking began. Iwasn't conscious of the experimentation, but I was hoping all footageswould work out in the end (even if at the back of my head I quite knewthey would, at least for me). The Edison newsreels that closes the filmwas very last minute. One of them should refer to Emilio Aguinaldo, thePhilippine Republic's first president, and was the one who reportedlyordered to execute the brothers in the mountains. I managed to grab acopy from a friend, after months of looking for them, and quickly atta-ched them to the end.

The title is rather enigmatic. What does it mean for you? The wholeconcept was "autobiography" and "history", historical autobiography.The "auto" also refers to "automatic" as I thought it was an automaticfilm, the idea that it was shot on video (analog and digital) that allowsto just point and shoot and create automatically. Khavn suggested thespelling, and it expanded to include "hysteria" as a feeling that's proba-bly somewhere there.

[Interviewed by Nicolas Feodoroff]

utohystoria est votre troisiĂšme long-mĂ©trageaprĂšs L’Île au bout du Monde, et Indio NacionalmontrĂ© l’an dernier au FID. La genĂšse du projet ?

C’est un film trĂšs particulier. AprĂšs avoir beaucoup voyagĂ© enfestivals avec Indio, je me suis trouvĂ© Ă©puisĂ©, de bien desfaçons. Ça a Ă©tĂ© un moment intense, parce que tout se conju-guait : l’attente des gens, mes inquiĂ©tudes sur l’avenir et larecherche d’un but. J’ai beaucoup pensĂ© Ă  mon frĂšre qui aquittĂ© le pays et interrompu son travail de poĂšte pour aller s’ins-taller Ă  Singapour avec son amie et trouver un poste dans unmagazine masculin. Quand il Ă©tait encore lĂ , dans ces momentsde bourdon, j’allais le voir dans sa chambre pour bavarder,Ă©couter ses disques ou lire ses livres. Donc aprĂšs plusieursmois de dĂ©prime, je me suis dit qu’il fallait que je me mette surun projet, trĂšs personnel. VoilĂ .

Pour la deuxiĂšme fois, aprĂšs Indio, vous revenez surl’Histoire des Philippines Ă  la fin du 19Ăšme. Qui sont les deuxpersonnages, les deux frĂšres : Andres et ProcopioBonifacio ? Cette fois, je me suis intĂ©ressĂ© Ă  la pĂ©riode de larĂ©volution, qui suit la mort de Jose Rizal. Je ne sais toujourspas bien pourquoi je procĂšde ainsi, Ă  suivre une piste chronolo-gique et Ă  enquĂȘter sur l’Histoire. Il n’y a pas de fil directeur clairdans ma tĂȘte, de la mĂȘme façon oĂč Autohystoria fait des allerset retours entre le passĂ© et le prĂ©sent. Il se trouve que cettehistoire de frĂšres a rĂ©sonnĂ© Ă  cette Ă©poque avec les hantisesqui me traversaient Ă  ce moment-lĂ . Andres Bonifacio Ă©tait l’undes chefs de la RĂ©volution Philippine pendant l’occupation colo-niale. Il poussait Ă  la lutte armĂ©e, Ă  l’inverse des positions deJose Rizal, d’inspiration plus romantiques. Andres est devenudans l’Histoire du pays, au fil des ans, la figure par excellencedu hĂ©ros prolĂ©tarien, et, du mĂȘme coup, seulement la secondefigure hĂ©roĂŻque derriĂšre Rizal. Procopio est le frĂšre cadetd’Andres, lui aussi impliquĂ© dans la lutte rĂ©volutionnaire. Tousles deux ont Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s dans les montagnes le 10 mai 1897.

A premiĂšre vue, les diffĂ©rentes parties ont l’air autonomes,tantĂŽt du drame, du documentaire, du film historique, ducinĂ©ma expĂ©rimental. Pourquoi cette construction ? L’idĂ©e,c’est de capturer des rĂȘves sur pellicule, ou, dans ce cas, survidĂ©o. J’aime penser que nos rĂȘves sont faits de nos prĂ©occu-pations, sans tenir compte ni du temps ni de l’espace. J’ai eule sentiment que ça coĂŻncidait parfaitement : Ă©voquer des exilsĂ  la fois individuels et historiques dans un mĂȘme continuum, quiest le rĂȘve. Au dĂ©part, j’avais l’intention de refaire l’histoire del’exĂ©cution des Bonifacio selon un sĂ©quençage extrĂȘmementrigoureux, minutĂ© plan par plan. C’était par souci de rythme.Mais j’ai rĂ©alisĂ© que ça risquait d’ĂȘtre rigide et ennuyeux. Puisj’ai songĂ© Ă  plusieurs types de scĂ©narios. C’est comme ça quel’histoire de la voiture de police qui tourne autour de la place aumonument Bonifacio est arrivĂ©e. Au passage, ce monument,

qui est bien moinscĂ©lĂšbre que le ParcRizal, lui trĂšs frĂ©-quentĂ©, reprĂ©-sente AndresBonifacio Ă  la tĂȘtedes rĂ©volutionnai-res Philippins atta-quant l’armĂ©e colo-niale Espagnole.Mais, pour revenirau film, il n’a jamaisĂ©tĂ© question defaire un film d’his-toire, en costu-mes. C’est pourcette raison que j’aifilmĂ© les frĂšres,interprĂ©tĂ©s parmon frĂšre et moi-mĂȘme, portantexactement lesmĂȘmes vĂȘtementsque ceux qu’onportait il y a quel-ques annĂ©es, Ă l’époque oĂč j’étais

encore au lycĂ©e et lui Ă  la fac, activiste en herbe. La scĂšne d’in-troduction est venue Ă  la toute fin, quand j’ai pensĂ© Ă  Ă©crirequelques lignes avant les sĂ©quences dramatiques. Donc j’aitournĂ© ça un soir, dans mon quartier, prĂšs de mon apparte-ment, lĂ  oĂč toute la rĂ©flexion avait dĂ©marrĂ©. Je n’avais pasconscience du cĂŽtĂ© mĂ©langĂ©, expĂ©rimental, j’espĂ©rais que tou-tes les prises puissent s’agencer au mieux. Le film d’actualitĂ©Edison en conclusion est arrivĂ© Ă  la derniĂšre minute. L’un despersonnages renvoie Ă  Emilio Aguinaldo, le premier prĂ©sidentde la RĂ©publique Philippine. Il paraĂźt qu’il est celui qui a donnĂ©l’ordre d’exĂ©cuter les frĂšres dans la montagne. Je me suisdĂ©brouillĂ© pour me procurer une copie par l’intermĂ©diaire d’unami, aprĂšs l’avoir cherchĂ©e pendant des mois, et l’ai vite mon-tĂ©e en plan de fin.

Le titre est plutĂŽt Ă©nigmatique. Une explication ? C’esttoute l’idĂ©e : agrĂ©ger l’autobiographie et l’Histoire, faire uneautobiographie historique. Auto renvoie aussi pour moi Ă  « auto-matique », dans la mesure oĂč c’est pour moi du cinĂ©ma auto-matique, comme on dit « Ă©criture automatique », puisque lavidĂ©o permet de cadrer, filmer et crĂ©er automatiquement. Monami cinĂ©aste Khavn m’a soufflĂ© l’orthographe qui incluait ducoup l’hystĂ©rie, sentiment qui Ă©tait sans doute aussi prĂ©sent.

[Propos recueillis par Nicolas Feodorofftraduits par JPR]

AUTOHYSTORIAPremiÚre française

MartinRaya

ow did this project get started? I was researching some ideasabout fiction - looking for clues into what makes stories soengaging. As a viewer it has often seemed to me that follo-

wing a story line is something of a chore, but a necessary one. Itseems that plot-lines serve a much more compelling thing whichgoes on ‘beneath’ the storyline. The Pervert’s Guide to Cinema isabout this ‘beneath’ that is so important to cinema.I started reading Zizek because I was interested in his ideas on beliefand religion. The more I read I realised he was writing a lot aboutcinema and I found his way of looking at films very thrilling. I thinkgreat films deserve great audiences. If our responses are dulled, ifsparks don’t fly inside us when we watch a great piece of cinemaunfold, then we are as good as dead. And a film is only as good as itsaudience. The Pervert’s Guide to Cinema is about film watching andabout thinking itself.

How did you choose the scenes? Practically the way things got star-ted was very simple. I proposed my idea to him and over the courseof a week we met every day and discussed different texts and films.He cut and pasted a document which he adjusted daily, following ourconversations. This served as the starting point and was developedover the course of a year, intermittently. But during the shooting hewould also improvise and respond to questions I would ask. It was amixture of giving him space to play with ideas while the camera wasrolling, but also keeping him on a tight leash to make sure certainthings I thought were crucial got properly covered. There was noauto-cue or tightly worded script. I really wanted him to address thecamera itself. The final structure was built in the edit. The how andwhy of films and scenes chosen was because of what we liked most,or were fascinated by or haunted by. The range of films featuredcovers 80 decades. Maybe The Pervert’s Guide to Cinema is an epi-taph to cinema in an era of ‘content providers.’ Sorry, but I do feelmelancholic about cinema.

Why did you choose to stage his explanations? This idea occurred tome in a very simple way, and when I saw it was working I decided topursue it absolutely and to the highest possible film production stan-dard. Films create hermetic worlds which are on the one hand ephe-meral, just spectral spaces, projected pictures. But the way we recons-truct these places in our heads when we watch films is endlessly fas-cinating. So I wanted to suggest that there was an enduring physica-lity to these locations, and that it is possible to re-enter them.

A film with so many clips (43 movies quoted) of well-known moviesmust be expensive. How did you produce it? As the film is a criticaland analytical lecture to camera we were able to work with the FairDealing law, or Fair Use, as it is called in the US.This meant that in theedit I worked with a team of lawyers to make sure every clip featuredis fairly delt under the guidelines of this copyright act, as such thecopy right holders do not license the material to us, as this wouldinfringe on our right to respond to published works.

Very often, the voice of Slavoj Zizek covers the film shown. Why?This is a lot to do with working within the restrictions of the FairDealing act. If you let clips play without a voice over, then the lawyerssay you are using the clips as ‘wall paper’ and you are not stayingwithin the law. So this is one reason. But also, what Zizek has to sayis often unexpected, he is making us look at these films a certain way,so his voice needs to stay present, to guide our thinking so his pointcan be properly completed and coherent.

Why this title? Because we use cinema to help us organise our des-ire. As Zizek says, the art of cinema is in how it ‘plays with our des-ire, but keeps it at a safe distance’. Playing with desire in such a wayis a pervert practice, but one we are all prone to and find immenselyenjoyable.

[Inteviewed by Nicolas Feodoroff]

The Pervert’s Guide to Cinema interview with Sophie Fiennes

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Page 3: ANTONIA Fiennes BIRNBAUM - FIDMarseille

Haruki Yukimura & Nana-chan

aissance du projet ? Pendant un sĂ©jour Ă  Kyoto l’an-nĂ©e derniĂšre, en rĂ©sidence Ă  la Villa Kujoyama, je tra-vaillais sur un projet de fiction dans lequel sont soule-

vĂ©es des questions sur l’espace etle temps dans la narration.Assez rapidement, je me suisrendu compte que ce qui m’intĂ©resse lĂ -dedans, c’est le «lien ». Les liens que l’on entretientavec le passĂ©, les attaches quel’on tisse avec les gens. Or il setrouve qu’en japonais comme enfrançais les mots « lien » et « attache » peuvent prendre unesignification propre ou figurĂ©e :ĂȘtre attachĂ© Ă  quelqu’un, demaniĂšre affective ou physique. Etquoi de plus parlant ou visuel que

les corps pour exprimer ces notions ? Je me suis donc docu-mentĂ© sur le bondage, ou plus exactement le « shibari », neconnaissant rien du milieu SM, en France et encore moins auJapon. Le rĂ©dacteur en chef d’une revue japonaise - SM Sniper- a Ă©tĂ© intĂ©ressĂ© par mon projet, et m’a proposĂ© de faire un filmpour inaugurer la nouvelle formule de son magazine qui inclut unsupplĂ©ment DVD.

Combien de temps a durĂ© le tournage et comment s’est-ildĂ©roulĂ© dans l’intimitĂ© de la sĂ©ance ? Le tournage s’estdĂ©roulĂ© sur une journĂ©e entiĂšre. Mais il avait Ă©tĂ© trĂšs prĂ©parĂ©.J’avais assistĂ© Ă  une sĂ©ance publique du MaĂźtre, Ă  laquelleNana-chan participait, parmi d’autres. C’était la premiĂšre foisqu’ils travaillaient ensemble. Nous nous sommes revus plusieursfois. J’ai expliquĂ© Ă  Haruki Yukimura ce que je recherchais, il m’afait des propositions et nous sommes tombĂ©s d’accord pour undĂ©roulement et certaines figures. Avant chaque prise, le MaĂźtre

me disait grosso-modo ce qu’il allait faire et j’essayais de trouverma place afin de ne pas les gĂȘner, mais de rendre le mieux pos-sible ce qu’il se passait.

Entre l’arrivĂ©e et le dĂ©part de Nana-chan chez MaĂźtreYukimura, les corps font lentement connaissance au grĂ© desfondus au noir. Poses et Ă©tapes dans la reprĂ©sentation ?Exactement. C’est d’autant plus vrai que ce n’était que ladeuxiĂšme fois qu’ils travaillaient ensemble. Et la premiĂšre fois,elle n’était pas seule. Ils ne se connaissaient pas, ils ont dĂ»apprendre Ă  s’apprivoiser, savoir ce qui fait mal, ce qui fait dubien, sentir leurs limites. Par ailleurs, ce sont des tableaux aux-quels on assiste. On voit un travail en train de se faire et sonrĂ©sultat est Ă  admirer.

Dans le cĂ©rĂ©monial de l’attachement la relation Ă©rotiques’établit notamment sur un plan sonore : le souffle deHaruki Yukimura, les mots chuchotĂ©s, quelques Ă©clats derires. D’habitude, ce genre de sĂ©ances est soit trĂšs silencieuse,soit trĂšs bruyante. Les « bruyantes » le sont en gĂ©nĂ©ral dans uncontexte SM : des ordres, des cris, des humiliations, etc. Toutce que je ne voulais pas. Le cadre plus esthĂ©tique dans lequelnous Ă©tions rĂ©clame de la concentration, du silence. Silencesouvent absolu d’ailleurs, presque religieux. Mais je tenais parti-culiĂšrement Ă  entendre le souffle des protagonistes. Je le leurai dit, demandĂ© mĂȘme qu’ils laissent Ă©chapper ce qu’ils ressen-tent. MĂȘme si on ne comprend pas tout ce qu’ils disent, c’estde l’ordre de l’intime, de leur intimitĂ©, mais on l’entend. Et onimagine, et c’est plus fort.

Votre attention se concentre sur le corps complice etcontraint du modĂšle qui s’en remet aux techniques expĂ©ri-mentĂ©es du MaĂźtre. Comment avez-vous vĂ©cu la sĂ©ance etparticipĂ©, de votre point de vue, Ă  cette performance artis-tique ? La complicitĂ© sous-entend une relation basĂ©e sur laconfiance. La contrainte n’est pas forcĂ©ment du cĂŽtĂ© que l’oncroit. Le MaĂźtre n’est pas toujours maĂźtre de la situation. C’esten fonction des rĂ©actions – rĂ©ciproques - que se dĂ©roule la per-formance. Parfois c’est le modĂšle qui amĂšne le maĂźtre sur unterrain auquel il n’avait pas pensĂ©. De plus, Ă©tant le premierspectateur, tous deux me donnaient Ă  voir. Ma prĂ©sence fait par-tie de la performance, tout en tentant d’éviter l’aspect voyeur, ausens pĂ©joratif du terme. Ils m’ont offert une expĂ©rience et destableaux vivants. J’ai essayĂ© Ă  mon tour de l’offrir aux specta-teurs, dans le but de les interroger sur les possibilitĂ©s d’unerelation, certes particuliĂšre, de deux corps.

[Propos recueillis par Julie Savelli]

PremiĂšre mondiale

XavierBrillat

Ă©cran parallĂšle Presto !

Opera Jawa est une comédie musicale basée sur le

Ramayana. Garin Nugroho a tournĂ© cette histoire d’amour

avec 60 artistes et un orchestre de gamelan (musique tradi-

tionnelle de Java). Ce film a été commandité par Peter Sellars

dans le cadre de la célébration Mozart.

Projection de Opera Jawa le jeudi 5 à 19h30 à La Criée

séance spéciale au CRDP à 12h00présentée par Martine Viglione, directrice du CMCA

CENTRE MÉDITERRANÉEN DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE – CMCA

Photo : Garin Nugroho, réalisateur

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OPERA JAWA

GAMBIT

CRDP : 31, Bd d’Athùnes 13001 Marseille

Garin Nugroho

de Sabine Gisiger

SOIRÉE TOKYO FEED 19:00 > 21:00 DJ Deschamps - We are not the robots / Radio Grenouille 22:00 > 02:00 Virginie Lavey / Philippe Chatelain 21:30 > 22:30« Killing small Buggs » Electro set

21:00 > 02:00 « Unles Afternoon » projections 23:30 > 02:00 « Iki o tomeru / Apnee » projection 23:30 > 02:00Mix electro-rock, electro-clash / Philippe Chatelain Visuel / Alvaro & casselini et Philippe Chatelain.

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Page 4: ANTONIA Fiennes BIRNBAUM - FIDMarseille

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u’est-ce qui a dĂ©terminĂ© cette quĂȘte gĂ©nĂ©alogique ?NĂ©e en France d’un pĂšre vietnamien et d’une mĂšre fran-çaise, je n’ai pas, de par mon mĂ©tissage, une culturecomplĂšte. C’est une nostalgie active de l’idĂ©ogramme quinourrit toute ma rĂ©flexion sur le cinĂ©ma dont la fonction

langagiĂšre m’est essentielle. En dĂ©couvrant L’expĂ©rience hĂ©rĂ©ti-que de Pier Paolo Pasolini, j’ai Ă©tĂ© confortĂ©e dans mon idĂ©e quele cinĂ©ma est une Ă©criture de la rĂ©alitĂ© en images – une Ă©critureidĂ©ographique. Le titre de Ho est un repĂšre orthonormĂ© avec un

seul point, le point ori-gine, figure mathĂ©mati-que idĂ©ographique uni-verselle. En ajoutant le« H », j’obtiens le son « Ho » qui est le secretde cette origine, l’oncleHo. Ho c’est l’originemais c’est aussi Ho ChiMinh : un secret par-tagĂ© dans le mondeentier. N’appartenant Ă aucune communautĂ©, jedois tenter de parler auVietnam, Ă  la France etau monde entier, grĂąceau cinĂ©ma dont laparole est universelle.

Comment la fabrication du film prend-t-elle en charge vos ori-gines vietnamiennes ? Je renoue avec mes origines par la fabri-cation mĂȘme de ce film qui est devenu progressivement vietna-mien. En 1996, lors de mon premier tournage au Vietnam, je n’aipas voulu nĂ©gocier avec les autoritĂ©s vietnamiennes avant ledĂ©part, qui a Ă©tĂ© prĂ©cipitĂ© par le dĂ©cĂšs de mon pĂšre. Aussi, noussommes partis dans des conditions clandestines avec unecamĂ©ra Bell-Howell 16mm Ă  ressort (celle qui a servi pendant lesguerres aux armĂ©es françaises et amĂ©ricaines, aux reporters) etun magnĂ©tophone MD - les micros Ă  la place des oreillettes ducasque imitaient un baladeur. De plus, nous n’avions presque pasde pellicule sur nous. Le matĂ©riel n’était donc pas assimilable Ă celui d’un tournage professionnel. A mon arrivĂ©e, je suis attendueĂ  Ha Noi par deux personnes, le cinĂ©aste Tran Kim Thanh et, quel-ques jours plus tard, l’écrivain Vu Can. Tous deux, descendants defamilles de lettrĂ©s, vont partager et assumer mon projet malgrĂ©sa clandestinitĂ©. Et le film leur devient nĂ©cessaire autant qu’à moi,Vu Can nous y donnant son « adieu ». Huit ans plus tard, en2004, Tran Kim Thanh m’attend Ă  nouveau au Vietnam. Il adĂ©cidĂ© de produire le film Ă  l’intĂ©rieur du cinĂ©ma vietnamien. Dansles studios d’Etat, je suis l’étrangĂšre, cachĂ©e dans le hangar Ă motos. Puis l’équipe adopte mon film, s’en empare mĂȘme, merappelant au travail lorsque je doute parfois. Si la question du noirinquiĂšte d’abord Tran Kim Thanh car c’est un pari artistique qu’ilva devoir assumer, il dĂ©cide pourtant de m’accompagner dans cemonologue intĂ©rieur qu’il compare au thĂ©Ăątre de Brecht. On m’en-toure de curiositĂ©, tous les membres du studio participent aumixage et se rĂ©jouissent du projet final qu’ils portent aussi en eux– comme en tĂ©moigne Vo Thi Hao qui Ă©crit une page dans lemagazine spĂ©cial TĂȘt du Journal des femmes. En 2006, lors de

mon troisiĂšme sĂ©jour, le filmsort enfin de la clandestinitĂ©.A la faveur du changement degouvernement, Tran KimThanh prĂ©sente le projet auMinistre de la Culture qui luidonne l’autorisation de pro-duction. Et Ho devient le pre-mier long-mĂ©trage documen-taire vietnamien, pionnier de laproduction privĂ©e qui venaitalors d’ĂȘtre autorisĂ©e.

Quel est le statut du noir ?Y a-t-il une relation avec ladĂ©synchronie ? Ma recher-che m’a conduite Ă  essayer defaire des idĂ©ogrammes encinĂ©ma. Or, dans cette cultureidĂ©ographique, l’image et leson sont sĂ©parĂ©s. L’écriturechinoise est utilisĂ©e par despeuples qui ont des languesorales diffĂ©rentes. La dichoto-mie du son et des images adonc pour moi ce sens prĂ©cisau cinĂ©ma : l’oralitĂ© est pre-miĂšre, elle est le secret, l’écri-ture vient en suite, elle estdĂ©clarative. Dans mondeuxiĂšme film Faille (1996), lacouche sonore Ă©tait dĂ©jĂ  pre-miĂšre. Elle rythme les images qui sont agencĂ©es dans un secondtemps autour des idĂ©es qu’elles doivent exprimer. Et ces diffĂ©rentsgroupes d’images sont sĂ©parĂ©s par des noirs et du silence. PourHo, j’ai d’abord montĂ© les couches sonores (2 pistes) avec du noir.Puis, j’ai repris le rythme entier du film avec les images qui onttrouvĂ© leur place dans le noir. J’ai souvent doutĂ© en me deman-dant si c’était bien le film vietnamien que je voulais faire, si cesnoirs silencieux venaient bien de nous et non pas seulement demoi et de mon travail prĂ©cĂ©dent. J’ai trouvĂ© l’apaisement lorsquecette prĂ©sence particuliĂšre du noir et du silence m’est apparuecomme celle des ancĂȘtres. Au Vietnam, il y a toujours une prĂ©-sence dans le silence. En ralentissant de façon analogique des pla-ges sonores plus « calmes », la prĂ©sence des ancĂȘtres s’est faitesentir dans les noirs.

Est-ce une forme de dialogue que vous Ă©tablissez avec les ancĂȘ-tres par la prĂ©sence de votre propre famille dans le film ? Jesentais que l’espace cinĂ©matographique du film devait ĂȘtre unautel des ancĂȘtres. J’ai utilisĂ© la force de ma famille, de mes fil-les et de mon mari. Parce que la famille est intrinsĂšque au lan-gage vietnamien. Mon mari est cinĂ©aste, il Ă©tait lĂ©gitime qu’iltourne des images Ă  l’intĂ©rieur de notre famille vietnamienne. Parailleurs, pour permettre une transmission active de ces liens fami-liaux Ă  mes enfants, il Ă©tait nĂ©cessaire que nous fassions le che-min de Ho ensemble. Il fallait les intĂ©grer avec leur propre expres-sion afin qu’ils en soient acteurs : la musique pour l’une de mesfilles, le chinois pour l’autre. Au Vietnam, l’espace privĂ© n’est passĂ©parĂ© de l’espace public, aucun langage, mĂȘme celui de la rĂ©vo-lution, n’échappe Ă  la base familiale.

[Propos recueillis par Julie Savelli]

hat sparked this quest to unearth your roots? I was born inFrance to a Vietnamese father and a French mother andthrough my mixed heritage I did not have a complete culture

of my own. It is an active nostalgia for the ideogram, which feeds mywhole approach to the cinema, in which the function of language is soessential to me. After discovering L’expĂ©rience hĂ©rĂ©tique (Heretical

Empiricism) by Pier Paolo Pasolini, I was reassured by that confir-mation of my idea that the cinema is an account of reality throughimages – ideographic writing. The title Ho is an orthonormal refe-rence point conveyed with a single ‘o’ – which is the starting point,a universal ideographic mathematical figure. By adding the ‘H’ Iobtained the sound ‘Ho’, which is the hidden story of the word’s ori-gin, Uncle Ho. Ho is the source, but it is also Ho Chi Minh: a secretshared the world over. While not belonging to any one community,I feel I must attempt to speak to Vietnam, to France and the worldat large, through the universal language of cinema.

How did the making of the film take account of your origins? I gotback in touch with my roots whilst making this film which becameincreasingly Vietnamese as time went by. In 1996, at the time of myfirst shoot in Vietnam, I did not want to negotiate with theVietnamese authorities before my departure, which was broughtforward by my father’s death. In addition, we left in clandestineconditions with a 16mm Bell & Howell spring-loaded camera (thekind used by French and American war reporters) and a MD recor-der – the microphones were inserted in the earpieces of the head-phones to make it look like a walkman. We also had hardly any filmwith us. Our resources were nothing like those on a professionalshoot. On my arrival in Hanoi I was met by two people – the film-maker Tran Kim Thanh and a few days later the writer Vu Can, bothof whom are descendants of literary families. They were going toshare in and take on my project despite its clandestine nature. Thefilm became as important to them as it was to me. It was Vu Can’sfarewell gesture. Eight years later in 2004, Tran Kim Thanh waswaiting for me again in Vietnam. He had decided to produce thefilm from within Vietnamese cinema. I was the outsider in theState Studios, hiding out in the motorcycle shed. Then the teamadopted my film, even got involved in it, giving me faith in mywork, when I sometimes had doubts about it. If the question of theuse of black screen sequences worried Tran Kim Thanh at first, it isbecause it was an artistic challenge which he had to rise to: never-theless, he decided to accompany me on this very personal mono-logue which he compared to Brechtian theatre. Everybody aroundme was very curious, all the people in the studio took part in thefinal mix and were overjoyed with the completed project that theyhad helped create and would always feel part of, as Vo Thi Hao ack-nowledged in his one-page article in the special magazine pull-out“TĂȘt” in Journal des femmes. In 2006, during my third visit, the filmfinally came out of the shadows. Following the change of govern-ment, Tran Kim Thanh presented the project to the Minister ofCulture who authorised the production. Ho became the first

Vietnamese feature-length documentary film, a pioneer of private produc-tion which had just been authorised.

What is the role of the black screen sequences in the film? Is there a rela-tionship between them and the desynchronization of sound and picture?My research led me to try to make ideograms in the cinema. In this ideo-graphic culture, picture and sound are separate. Chinese writing is used bypeoples whose spoken languages are different. The dichotomy of soundand picture has special implications for me with regard to cinema: orallanguage comes first – it is the secret, then comes writing, declaring mea-ning. In my second film, Faille (1996), the sound layer came first. First mat-ching the rhythm of the images, then arranging them around the ideasthey should express. These different groups of images are separated byblack screen sequences and silence. For Ho, I first put together layers ofsound (on 2 tracks) against a black screen. Then I took up the rhythm of thewhole film again with the images which found their place in the darkness.I was often assailed by doubts, asking myself whether it was really aVietnamese film that I had set out to make, whether these silent, blackscreen sequences really stemmed from us, not just from me and my pre-vious work. I was relieved when this particular presence in the silences andthe black screen sequences appeared to me like ancestors. In Vietnam,there is always a presence in silence. By similarly slowing down the calmerparts of the different tracks, the presence of the ancestors made itself feltduring the black screen sequences.

Did you establish a form of dialogue with the ancestors through the pre-sence of your own family in the film? I felt the cinematographic space ofthe film should be that of an altar for the ancestors. I used the strength ofmy family, of my daughters and my husband, because the family is anintrinsic element in the Vietnamese language. My husband is a film-maker; it was legitimate that he shot the images within the context of ourVietnamese family, in order, among other things, to make it possible toactively transmit these family ties to my children. It was crucial for us totravel together on the journey to make Ho. My children had to be broughtinto the film with their own mode of expression, through which theybecame actors: the music was the way in for one of my daughters, Chinesefor the other. In Vietnam, private space is not separated from public space,no language, even that of revolution, can escape associations with family.

[Interviewed by Julie Savelli]

PremiĂšre mondiale

entretien avec

GaëlleVu Binh Giang

PEDRO COSTARÉTROSPECTIVELa CriĂ©e Ă  14:15O SANGUE

Les VariĂ©tĂ©s Ă  20:30 OÙ GÎT VOTRE SOURIRE ENFOUI ?

CARTE BLANCHE Les Variétés à 12:30

BILLIE HOLIDAY CHANTE «FINE AND MELLOW»

DALLE NUBE ALLA RESISTENZA, de Jean-Marie Straub et DaniĂšle Huillet

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Page 5: ANTONIA Fiennes BIRNBAUM - FIDMarseille

ilmmaker and also critic, teacher for manyyears, curator, Profit Motive and the whisperingwind is your fourth film. How did this project

get started? The initial spur grew out of reading thebook A People's History of the United States 1492 - pre-sent by one of America's most celebrated historians andactivists, Howard Zinn. First published in 1980, Zinn'sbook recounts the country's history from its "discovery"by Columbus up the present. But unlike traditional scho-lastic primers, Zinn emphasizes the voices often silenced,stories of America's women, factory workers, African-Americans, Native Americans, working poor, and immi-grant laborers. The book has had an ever growinginfluence in re-shaping our understanding of this his-tory, selling more copies each year than the year beforewhich, as you may know, is a rare thing in publishing. Ishould hasten to add that this hasn't gone unnoticed inFrance where in 2003, Zinn was awarded the Prix desAmis du Monde Diplomatique for the book's French edi-tion. Encountering this eye-opening work, and HowardZinn himself who I've gotten to know a little, I had theimpulse to give something back to him and this workwhich has meant so much to us on the Left. The desirewas to write a poem, which is the film you see.There wasalso, I should add, a practical consideration. Having pre-viously spent six years on my last feature film and accu-mulated a fair amount of debt, I was looking for a pro-ject I could undertake almost entirely by myself withrelatively modest means.

You practice as you called it yourself, a committedcinema, and this film is obviously political. Why did youchoose this cinematographic form? The form evolved.There was not a script and following each successive tripfilming across parts of the United States, I had a little bitthe feeling of putting a puzzle together. The decision tobuild the film around gravesites was a way of payinghomage and a personal curiosity about what I mightdiscover in trying to make this past somehow tangible.While building a film around such "static" subject mat-ter would, on the surface, seem resolutely anti-cinema-tic, more suited to a photo book perhaps, I trusted myintuition that this ultimately would not be the case.I am mindful, of course, that one must approach thewhole arena of political filmmaking with great humility.How any film, or creative act, works upon the humanspirit is not always clear, operating often in subterra-nean ways, working over time, etc. And films are but oneof myriad stimuli one encounters in a day, albeit itpotentially quite a powerful one. My hope is that theviewer's own pilgrimage through this historical terrain,much of it little known to most Americans, wouldencourage deeper reflection and curiosity about thepast, about those who fought through word, action, anddeed in the attempt to shape a more just and egalita-rian society. When you truly tune in and listen to thispast, which my film attempts to create space for, Ibelieve you can hear, and feel, it beckoning us forward.

The landscape is very important in your film, in diffe-rent ways. Could you tell us more about this choice? Thequestion is actually not as easy to answer as it mightseem. I am tempted to borrow the quote Jean-MarieStraub often cites from D. W. Griffith who is reported tohave said at the end of his life that "What the modernmovies lack is the beauty of moving wind in the trees."In recording the play of wind, rain, light in a variety ofterrains as I traveled around the country there is to besure some reflection of my pantheism. Even more crucialwas the distinct and individualistic sound of these envi-ronments. Within the spectrum of the cemeteries andmarker locations, there were those situated in the heartof metropolitan activity (though often unnoticed) andthose in remote, sometimes bucolic, sometimes desolatelocations. Additionally I wanted to establish a subtlecontrast, both visual and aural, between where the pre-sence of man is clearly indicated and where it is not, bet-ween the drama and tragedy quietly reflected in thesememorials, and the language, if you will, of nature. Yesone can say the wind in the film is metaphoric but itsmaterial value is as meaningful to me.

Your film is not only a political history of the USA. Couldit also be an intellectual self-portrait? Yes and no. As sta-ted, the choices fundamentally sprang from the landmarkwritings of Howard Zinn. During three years I attemptedto locate the resting place of the majority of the indivi-duals he cites in A People's History. The list of folks Iattempted to track down without luck is nearly as long asthose I located, individuals who were either cremated,their ashes scattered, whose families kept their restingplace private, or whose whereabouts are simply unknownor vanished.There were also those who contributed migh-tily to the enriching of the United States and whoseremains reside elsewhere, for example W.E.B. Du Bois inGhana, Marcus Garvey in Jamaica, Benjamin Tucker inMonaco, Bill Haywood in Moscow, etc., and, of course,those whose names and deeds, equally deserved of ourgratitude and remembrance, were never penned and pas-sed down, or, if recorded, have since drifted from memory.

I did expand my choices beyond Zinn's research,discovering in my own study some individualsand events I felt were as valid candidates for ajourney through this progressive history andthese are included. Of course one can keep going

with this detective work which was indeed very pleasu-rable if challenging. At a certain point I felt the film hadachieved a sufficient breadth and representative value,that it could stand upon its choices and hopefully besuggestive enough of all those omitted for one reason oranother. What perhaps is more reflective of a kind ofself-portraiture is the internal construct of the film as awhole. When I watch the film, I do think it mirrors muchabout me. But of course even though we recognize our-selves in mirrors, oddly, we really never seem to knowwhat we look like.

[Interviewed by Nicolas Feodoroff]

ous ĂȘtes rĂ©alisateur et aussi critique,enseignant depuis de nombreusesannĂ©es. Profite Motive est votre qua-triĂšme film. Son origine ? L’étincelle ini-

tiale est venue de la lecture d’Une histoire popu-laire des Etats-Unis de 1492 Ă  nos jours. L’auteur,Howard Zinn, est l’un des plus fameux historien etactiviste amĂ©ricain. Dans son ouvrage, il passe enrevue l’Histoire du pays, de sa « dĂ©couverte » parColomb jusqu’à aujourd’hui. Mais Ă  la diffĂ©rencedes Ă©tudes conventionnelles, Zinn dĂ©place l’ac-cent sur des voix souvent passĂ©es sous silence,celles des femmes, des ouvriers, des Afro-amĂ©ri-cains, des Indiens, des travailleurs prĂ©caires et dela main-d’Ɠuvre immigrante. PubliĂ© d’abord en1980, le livre n’a cessĂ© d’accroĂźtre son aura enrefaçonnant notre comprĂ©hension de cette his-

toire. Il s’en vend chaque annĂ©e davantaged’exemplaires, ce qui reste, comme vous le savez,une exception dans l’édition. Je ne devrais pasoublier de prĂ©ciser que la France n’a pas manquĂ©Ă  l’appel, puisqu’en 2003 Zinn a Ă©tĂ© rĂ©compensĂ©du Prix des Amis du Monde Diplomatique pour laversion française [Ă©d. Agone, disponible en librairieĂ  la CriĂ©e]. AprĂšs la rencontre avec un ouvrage siĂ©clairant et avec Zinn lui-mĂȘme, dont j’ai eu l’occa-sion de faire la connaissance, j’ai eu envie de ren-dre quelque chose : Ă  lui et Ă  cette Ɠuvre qui atant comptĂ© pour la gauche amĂ©ricaine. Mon dĂ©sira Ă©tĂ© d’écrire un poĂšme, c’est le film dont on parle.S’ajoute, il faut le prĂ©ciser, une considĂ©ration d’or-dre pratique. AprĂšs avoir passĂ© six ans sur monprĂ©cĂ©dent film et accumulĂ© pas mal de dettes, j’aicherchĂ© Ă  faire un projet que je pourrais produireseul, et Ă  relativement peu de frais.

Vous pratiquez ce que vous nommez vous-mĂȘme un cinĂ©ma engagĂ©, et ce film relĂšve Ă l’évidence du politique. Pourquoi le choix d’unetelle forme ? Cette forme a Ă©voluĂ©. Il n’y avait pasde script. AprĂšs chaque voyage passĂ© Ă  filmer Ă travers le pays, l’impression de complĂ©ter un puz-zle augmentait. C’est la volontĂ© de l’hommage Ă rendre qui a motivĂ© la dĂ©cision de construire le

film Ă  partir de sites funĂ©raires, mais aussi lacuriositĂ© de ce que j’allais dĂ©couvrir en m’effor-çant de rendre ce passĂ© tangible. Et mĂȘme siconstruire un film sur un sujet si statique pouvaitsembler, Ă  premiĂšre vue, anti-cinĂ©gĂ©nique, ouconvenir davantage Ă  un livre de photos, j’ai faitconfiance Ă  mon intuition, convaincu qu’à la fincela marcherait. Je suis conscient qu’il faut bienĂ©videmment approcher la sphĂšre du film politiqueavec beaucoup d’humilitĂ©. La façon dont un film,ou l’art, travaille dans nos tĂȘtes ne va pas tou-jours de soi. Cela peut prendre des biais souter-rains, travailler sur le temps, etc. Et les films nesont qu’une incitation parmi les si nombreusescroisĂ©es chaque jour, malgrĂ© son potentiel et sonefficacitĂ©. J’ai bon espoir que le spectateur fasseson propre pĂšlerinage sur ce chemin historique,ignorĂ© de la plupart des AmĂ©ricains. Et que celaencourage l’approfondissement de sa rĂ©flexion etde sa curiositĂ© du passĂ©, envers ceux qui se sontbattus avec le verbe, les actions dans leur tenta-tive de façonner une sociĂ©tĂ© plus juste et plus Ă©ga-litaire. Si on se met sincĂšrement Ă  l’écoute dupassĂ©, Ă  son diapason, ouverture que mon filmessaie de mĂ©nager, je suis convaincu qu’on peutentendre et ressentir ce passĂ©, qui nous invite Ă aller de l’avant.

Vous accordez beaucoup d’importance au paysage. Son emploi ? Naturalisme ?MĂ©taphorique ? Il n’est pas si facile de rĂ©pondreĂ  cette question. Je suis tentĂ© d’emprunter unecitation dont Jean-Marie Straub se sert souvent.D.W. Griffith aurait dit vers la fin de sa vie : « cedont manquent les films modernes, c’est la

beautĂ© du vent qui agite les arbres. » Il est certainque mon panthĂ©isme se reflĂšte dans cette façond’enregistrer le jeu du vent, de la pluie et de lalumiĂšre dans une variĂ©tĂ© de contextes. Mais plusdĂ©cisif, c’est le son particulier, spĂ©cifique Ă  cha-cun de ces lieux. Parmi ces cimetiĂšres et ces pan-neaux commĂ©moratifs, certains, mĂȘme s’ils sonttrĂšs discrets, sont situĂ©s au cƓur de mĂ©tropoles.D’autres se trouvent dans des lieux reculĂ©s,champĂȘtres voire dĂ©serts. En outre, j’ai vouluintroduire une distinction subtile, Ă  la fois visuelleet sonore, entre les lieux marquĂ©s par la prĂ©-sence humaine et les autres : entre le drame etla tragĂ©die que ces monuments reflĂštent ensilence, et le langage, si vous voulez, de la nature.Du coup, oui, on peut dire que le vent dans le filma une portĂ©e mĂ©taphorique, mais son importancephysique est tout aussi significative pour moi.

Votre film est une histoire politique des Etats-Unis. Serait-ce aussi un autoportrait intellec-tuel ? Oui et non. Comme dit, les choix se sontimposĂ©s au dĂ©part Ă  partir du texte de Zinn. J’aipassĂ© trois ans Ă  localiser les tombes de la plu-part des personnages qu’il cite dans son livre. Laliste de ceux que je n’ai pas retrouvĂ©s est aussilongue que l’autre – les gens qui se sont fait inci

nĂ©rer et leurs cendres jetĂ©es au vent, d’autresinhumĂ©s par leur famille dans des sites privĂ©s, oud’autres encore simplement disparus. Il y a aussile cas de ceux dont la contribution historique estindiscutable mais qui reposent Ă  l’étranger. Parexemple, W.E.B. Du Bois au Ghana, MarcusGravey en JamaĂŻque, Benjamin Tucker Ă  Monaco,Bill Haywood Ă  Moscou, etc. Sans oublier tousceux dont les noms et les actes sont tout aussidignes de notre gratitude et de notre souvenir,mais qui n’ont jamais Ă©tĂ© chroniquĂ©s, ou dont lamĂ©moire s’est effacĂ©e. C’est vrai que j’ai Ă©largi leschoix au-delĂ  des noms Ă©voquĂ©s dans le Zinn. Aufil de ma recherche, j’ai dĂ©couvert des individus etdes faits dont j’avais le sentiment qu’ils Ă©taient descandidats sĂ©rieux pour figurer dans cette Ă©popĂ©eprogressiste, et je les y ai inclus. On pourraitencore poursuivre l’enquĂȘte, en soi un dĂ©fi, et quis’est avĂ©rĂ©e pur bonheur. Est arrivĂ© un momentoĂč j’ai eu le sentiment que le film avait atteint uneampleur suffisante dans sa fonction de reprĂ©sen-tation, pour qu’il puisse rĂ©pondre de ses choix etespĂ©rer faire signe vers tous ceux qui avaient Ă©tĂ©omis pour une raison ou une autre. Ce qui jouepeut-ĂȘtre davantage le rĂŽle d’une sorte d’autopor-trait est la structure du film dans son entier.Quand je regarde le film, je pense en effet qu’illivre beaucoup de ma personne. Mais mĂȘme sinous nous reconnaissons devant une glace, Ă©tran-gement nous ne savons jamais vraiment Ă  quoinous ressemblons.

[Propos recueillis par Nicolas Feodoroff, traduits par J-P Rehm]

PROFIT MOTIVE AND THEWHISPERING WINDPremiĂšre internationale / Prix son John entretien avec Gianvito

F

V

aujourd’huiĂ©cran parallĂšle Revolver

Table ronde

À 17H À L’AGORA DES SCIENCESInvitĂ©s :

Nicolas Wackerbarth, réalisateur

Angela Schanelec, réalisatrice

Jens Christian Börner, réalisateur

Elizabeth Lequeret, critique de cinéma et

sélectionneuse pour la Berlinale

Modératrice :

Andrea Wenzek, Festival International du Film

Francophone de TĂŒbingen

Page 6: ANTONIA Fiennes BIRNBAUM - FIDMarseille

Ecrire une contre-géographie

es bateaux qui chavirent, des immigrantsclandestins échouant sur les cÎtes euro-péennes : c'est par ce genre d'images dra-

matiques que les frontiĂšres du sud de l'Europeapparaissent dans les journaux tĂ©lĂ©visĂ©s. LesmĂ©dias croient que cela communique l'essence dela « frontiĂšre » sous sa forme la plus concise et laplus frappante. Pourtant, aucune image de cesdrames ne peut raconter ou circonscrire l'histoiresans fin de l'intĂ©gration et de l'exclusion.L'Ă©vĂšnement de ce franchissement ne peut serĂ©duire Ă  une quelconque icĂŽne de violence : seu-les la multiplicitĂ© des passages, leurs diversesincarnations, leurs motivations et leurs articula-tions peuvent en rendre compte. Au lieu de sefocaliser sur le simple franchissement illĂ©gal d'uneligne, le fait d'exposer les transactions Ă©conomi-ques transnationales, diffuses et semi lĂ©gales quecachent les multiples dĂ©placements dans lesrĂ©gions frontaliĂšres, nous permettrait de mieuxcomprendre le site lui-mĂȘme et la place centralequ'occupent les traversĂ©es clandestines dans l'en-semble du tableau. ParallĂšlement, cela situe l'Ă©vĂš-nement dans un cadre narratif susceptible detranscender les reprĂ©sentations qu'en donnent lesmĂ©dias, en particulier dans les informations.L'alliance de la vidĂ©o et de la thĂ©orie peut redĂ©finirefficacement le genre documentaire. Il existe sansconteste une convergence entre l'analyse thĂ©ori-que de la globalisation, l'Ă©tude ethnographique dela situation concrĂšte des femmes dans les rĂ©gionsen crise et le caractĂšre abstrait des reprĂ©senta-tions technologiques, sans oublier la critique decette forme de visualisation visant Ă  l'hĂ©gĂ©monie.[
]

Europlex, réalisé en collaboration avec l'anthropo-

logue et vidĂ©aste Angela Sanders, est une vidĂ©oqui a pour sujet la zone frontiĂšre situĂ©e entrel'Espagne et le Maroc. Ce que nous appelons « frontiĂšres » n'est pas une structure linĂ©aire. Ellecomprend le DĂ©troit de Gibraltar, avec sa circula-tion maritime transversale, les deux enclavesespagnoles de la cĂŽte marocaine, et aussi les cul-tures maraĂźchĂšres en serres couvertes de plasti-que d'Andalousie, qui sont rendues possiblesgrĂące Ă  une main-d’Ɠuvre africaine. Si nous consi-dĂ©rons la gĂ©ographie comme une spatialisationdes relations entre divers systĂšmes allant du localau transnational, il apparaĂźt clairement que, Ă  tousles niveaux de cette gĂ©ographie frontaliĂšre, depuissants processus de compression sont Ă  l’Ɠu-vre. La fonction de canalisation des postes defrontiĂšres destinĂ©s Ă  contrĂŽler le flux humain n'estque le point de convergence visible de rĂ©seaux quis'Ă©tendent sur toute une rĂ©gion voire relient descontinents. Jusqu'Ă  une date rĂ©cente, Malaga etAlmeria ne se considĂ©raient pas comme des villesfrontiĂšres ; aujourd'hui, toute la cĂŽte sud del'Espagne doit prĂ©server l'identitĂ© europĂ©enne dupays, quelle qu'en soit la dĂ©finition. Comme tou-jours, la solution la plus simple est l'exclusion.L'Europe se dĂ©finit par ses limites extrĂȘmes. Les

deux enclaves espagnoles de Ceuta et de Melilla,situĂ©es en territoire marocain, constituent uneexception brisant la continuitĂ© d'une frontiĂšre qui,Ă  part cela, suit fidĂšlement les cĂŽtes des deuxcontinents. Ces ultimes vestiges de l'occupationcoloniale de l'Afrique du Nord ajoutent une trameĂ  un tissu d'ores et dĂ©jĂ  complexe. GrĂące auxgĂ©nĂ©reuses subventions que l'Union EuropĂ©enneaccorde aux rĂ©gions dĂ©favorisĂ©es du sud del'Europe, les autoritĂ©s espagnoles construisent devĂ©ritables forteresses, sous la forme de centrescommerciaux et d'Ă©lĂ©gantes arcades de bord demer, tĂ©moignage de l'opulence europĂ©enne - ser-vant Ă©galement Ă  distinguer les enclaves des villesmarocaines voisines. Les frontiĂšres peuvent revĂȘ-tir de nombreuses formes architecturales. [
]

Mon Ɠuvre Ă©tant fondĂ©e sur l'hypothĂšse que l'es-pace gĂ©ographique est, en derniĂšre analyse,constituĂ© par les dĂ©placements des personnes, ilsemble appropriĂ© d'examiner le rĂŽle du corps, tantdans la zone transnationale que dans l'espace del'essai. Dans la tradition du documentaire, la rĂ©a-litĂ© est insĂ©parable du corps ; la camĂ©ra suit cecorps qui vit diverses situations, l'acteur social - etdans ce sens, il s'agit d'un corps historique. Dansla fiction, le corps reprĂ©sente un personnage quifait l'objet d'un rĂ©cit, c'est un corps racontĂ©. Dansl'essai, les corps ne sont instrumentalisĂ©s d'au-cune de ces façons, ils n'exercent pas de fonctionreprĂ©sentative. Par contre, les corps de l'essayistecontribuent Ă  construire d'autres objets - en l'occurrence, des frontiĂšres. [
]

Dans mon travail artistique et textuel, je m'efforcedans toute la mesure du possible de clarifier la cor-rélation entre les sociétés à haute technologie etl'apparition de conditions de vie précaires. Un demes principaux buts est d'amener à reconnaßtreque les causes et les solutions ne se situent pastoujours « ailleurs ».

(Ursula Biemann, extrait d’un texte publiĂ© dans le cadre de Appel Ă  tĂ©moin, Le Quartier, Centre pour l'art contemporain,

Quimper, 2003)

apsized boats and clandestine migrantswashing up on European shores: these arethe dramatic images by which the European

Southern border gets into the news again andagain.The media seems to say that these imagescommunicate the essence of the border in itsmost compressed and climactic form. But there isno defining image of drama that can narrate theendless story of inclusion and exclusion.There canbe no violent icon to which the event of crossingcan be reduced to, only the plurality of passages,their diverse embodiments, their motivations andarticulations.Turning the focus away from the sim-ple trespassing of a line towards exposing thetransnational, diffuse and semilegal economictransactions behind the multiple movementswithin the borderlands might bring us closer tounderstanding the site and how perfectly the clan-destine boat passages fit into the whole picture.At the same time it places the event in the frame-work of a narrative that can transcend mediarepresentations, particularly the news

format.Theory and video can be an effectivealliance in redefining the documentary. In this ins-tance, we can speak of the convergence of a theo-retical analysis of globalization, the ethnographiesof the material reality of women in areas of crisis,the abstraction of technological representationsas well as the critique of their function as hegemo-nic visualizations. [...] Europlex, made in collabora-tion with visual anthropologist Angela Sanders, isa video which looks at the Spanish Moroccan bor-derlands.What we can call the border there is nota linear formation. It encompasses the Strait ofGibraltar with all its transversal traffic, the twoSpanish Enclaves on the Moroccan side and theplastic covered vegetable plantations inAndaldusia powered by an African laborforce.When we see geography as a spatializationof the relationships connecting systems rangingfrom the local to the transnational, it also beco-mes plain why, in border geographies, there areprocesses of extreme compression on alllevels.The funneling functions of actual border sta-tions intended to regulate the flow of people areonly the visible points of convergence for connec-ting strands that are spread over a region or linkup continents. At these bottlenecks, the hindran-ces of a mobile world have to get by withoutembellishing words. Until recently, MĂĄlaga and AlmerĂ­a did not see themselves as borders; nowa-days, the whole of Spain's southern coastline hasto uphold the country's European identity, howeverthis is formulated.The simplest form is still, asever, exclusion. Europe defines itself by its outer-most edge. The two Spanish enclaves of Ceutaand Melilla, situated on Moroccan territory, forman exception to the line of the border, which other-wise faithfully follows the coastlines of the twocontinents. They are wefts in an already complexfabric, last remnants of the colonial occupation ofNorth Africa. With the heavy financial grants thatthe EU gives to the disadvantaged southernregions of Europe, the Spanish administrationthere is building fortresses in the form of shop-ping precincts and elegant beach arcades assigns of Europe's wealth, and also as a way of set-ting the enclaves apart from the neighboringMoroccan towns. Borders take on a number ofarchitectural forms. [...] Since my work is basedon the assumption that geographic space is ulti-mately constituted through the various move-ments of people, it could also be interesting to

look at the role of the body in the transnationalzone as well as in the essayist space. In the docu-mentary tradition, reality is attached to a body, thecamera focuses on the experiencing body, thesocial actor, in that sense it is a historical body. Infiction, on the other hand, the body represents anarrated figure, it is a narrated body. But in theessay, the bodies are not instrumentalized ineither way, they do not have to perform represen-tative functions. On the contrary, in their self-reflexive way, the essayist bodies contribute toconstructing other things. In this event, theyconstruct borders. [...] In my artistic and textualwork, I try to elaborate, wherever possible, on thecorrelation between high-technologized societiesand the production of precarious living conditions.One of my prime concerns is the willingness torecognize that causes and solutions are notalways located somewhere on the outside.”

(Ursula Biemann, published for Appel à témoin, Le Quartier,Centre pour l'art contemporain, Quimper, 2003.)

BiemannUrsulaécran parallÚle Filmer, dit-elle

La programmation des films d'Ursula Biemann et de Daniel Schmid a bénéficié dusoutien du Consulat général de Suisse

CASA VERDI - IL BACIO DI TOSCAĂ©cran parallĂšle Presto !

« L’idĂ©e de faire un film avec de vieilles stars de l’opĂ©ra vivant, depuis longtemps

oubliĂ©es de tous, dans un palace de Milan, m’est venue car c’est un endroit oĂč la

fiction et le documentaire se rejoignent. Ces ex-chanteurs vivent tous dans une fic-

tion et aucun d’eux ne distingue le vrai du faux dans leurs vies. Ils disent avoir 80 ans

alors qu’en vĂ©ritĂ© ils en ont 90 ; ils ont prĂ©parĂ© leurs bagages dans leurs chambres,

prĂȘts Ă  partir alors qu’ils vivent lĂ  depuis 10 ou 20 ans. La frontiĂšre entre la rĂ©alitĂ© et

l’imaginaire se dĂ©place constamment en eux avec une aisance formidable, ce qui

m’arrive trĂšs souvent Ă  moi aussi. Cela conduit Ă  une sorte de rĂ©alitĂ© intermĂ©diaire ;

si quelqu’un s’imagine quelque chose depuis 15 ans, cela devient sa rĂ©alitĂ© qu’elle

soit vraie ou non. Et finalement, tout notre travail a consisté à essayer de jouer avec

la frontiÚre entre documentaire et fiction.»Daniel Schmid (1984)

Projection de Casa verdi - Il bacio di Tosca, de Daniel Schmid à 10h30 aux Variétés

Daniel Schmid

C

D

RENCONTRESAVEC URSULABIEMANNAU TNM LA CRIÉE :VENDREDI 6 JUILLET À 17:15 ETÀ L’AGORA DES SCIENCES :SAMEDI 7 JUILLET À 11:30

Présentation de :

Remote sensing

Writing desire

Performing the border

Black sea files

Contained mobility Europlex

Daniel Schmid et la soprano Edita Gruberova

Page 7: ANTONIA Fiennes BIRNBAUM - FIDMarseille

JérÎme Beaujour avait déjà répondu à nos questions. Extrait de son dernier livre Dans le décor

séance spéciale à 18:45 au Cinéma Les Variétés

CONSEIL RÉGIONAL PROVENCE ALPES CÔTE D’AZUR

Au plus prĂšs du Tribunal PĂ©nal International du Rwanda, ce film questionne la justice et sa reprĂ©sentation. Ce projet, aidĂ© par le CNC, le Conseil RĂ©gional PACA,est le fruit d’une coproduction franco-canadienne.

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Patricio Guzmann[JURY INTERNATIONAL]

Parcours« Lorsque j’étaisadolescent, dansles annĂ©es 50, j’aipu voir Ă  Santiagodu Chili des filmsqui provoquaientchez le public unerĂ©action singu-liĂšre. Ces filmssortaient de façonirrĂ©guliĂšre. On n’yvoyait pas destars. En fait, il n’yavait mĂȘme pasd’acteurs. Pasnon plus de dĂ©cor.C’étaient des filmsdocumentaires,que le public sui-

vait avec le plus grand intĂ©rĂȘt dans les salles de cinĂ©ma, la tĂ©lĂ©-vision n’étant pas encore arrivĂ©e au Chili. Ces films m’ont mar-quĂ© pour toujours. Ils ont fait naĂźtre en moi la passion pour lecinĂ©ma documentaire. J’y ai dĂ©couvert que l’on pouvait racon-ter des histoires captivantes avec des Ă©lĂ©ments de la rĂ©alitĂ©.Les spectateurs n’oubliaient jamais, ou bien moins, ces histoi-res « non fictionnelles ». On filmait la « mise en scĂšne » qu’il ya dans la vie, tout en sachant d’avance que la rĂ©alitĂ© est aussiune illusion. Tous les documentaristes ne sont pas des « chas-seurs » d’évĂ©nements, nous sommes aussi des poĂštes, nousessayons de trouver dans le temps et sur les lieux authentiquesles traces, mĂȘme les plus infimes, laissĂ©es par les ĂȘtres. »

Extrait de Les films qui m'ont marqué pour toujours

L'exil« AprĂšs le coup d’Etat du 11 septembre 1973, un groupeimportant de rĂ©alisateurs est parti dans plusieurs paysd’Europe et d’AmĂ©rique, oĂč ils ont continuĂ© Ă  travailler pourrĂ©aliser plus de 100 films. Presque tous des documentairessur la tragĂ©die de la rĂ©alitĂ© chilienne. Cela a Ă©tĂ© le groupe leplus puissant de « cinĂ©ma en exil » qu’ait jamais gĂ©nĂ©rĂ© un paysd’AmĂ©rique Latine. (
) Une partie du groupe est rentrĂ©e auChili pendant « les annĂ©es de plomb » ou juste aprĂšs la chute

de Pinochet, et presque tous – Ă  l’intĂ©rieur comme Ă  l’extĂ©rieurdu pays - ont continuĂ© Ă  tourner des documentaires sur la rĂ©a-litĂ© chilienne. »

La situation du documentaire au Chili « L’histoire du cinĂ©ma documentaire chilien occupe unedemi-page. Si c’était une bande sonore, elle durerait Ă  peinequelques secondes. C’est comme un Ă©clair, absent des ency-clopĂ©dies. Ce n’est pas dans les dictionnaires. Ce n’est pasdans les revues. Ça n’apparaĂźt pas dans les mĂ©dias « spĂ©-cialisĂ©s ». Cependant c’est un courant cinĂ©matographiquevivant, puissant, authentique, qui montre la complexitĂ© de larĂ©alitĂ©. En quelques dĂ©cennies, le Chili a traversĂ© le capita-lisme fĂ©odal, le front populaire, la dĂ©mocratie chrĂ©tienne deFrei, la rĂ©volution socialiste d'Allende, la dictature militairede Pinochet et le nĂ©olibĂ©ralisme des « Chicago Boys». »

« Il existe aujourd’hui un mouvement documentaire. Il est com-posĂ© de divers cinĂ©astes, des jeunes ou des vĂ©tĂ©rans, aux ori-gines et aux Ă©critures multiples. Ils se produisent eux-mĂȘmesou grĂące Ă  l’apport Ă©conomique d’une ou deux maisons de pro-duction, le plus souvent grĂące Ă  la contribution du FONDART,une fondation d’Etat aujourd’hui appelĂ©e « Fonds deDĂ©veloppement Audiovisuel. » La mĂ©moire collective, lamĂ©moire historique, l’analyse du passĂ© et du prĂ©sent en sontles thĂšmes dominants. MĂȘme si la subjectivitĂ©, l’expĂ©rimenta-tion et la recherche formelle restent aussi trĂšs prĂ©sentes. (
)Alors que ce mouvement gagne en importance et en influence,les principales chaĂźnes de tĂ©lĂ©vision l’ignorent en rĂšgle gĂ©nĂ©-rale. Certains programmateurs redoutent, voire dĂ©testent lesƓuvres critiques, polĂ©miques ou mĂȘme celles qui font simple-ment mention du passĂ©. Ils ont peur du moindre questionne-ment sur les « pĂšres de la patrie » ou les « hĂ©ros officiels. » Ilscraignent la mise en cause des chefs politiques actuels, reli-gieux ou militaires. Ils ont peur des nombreuses questionsquant Ă  la sociĂ©tĂ© civile dans son ensemble. (
) C’est la consĂ©-quence paradoxale de la transition politique qui n’en finit pas definir dans ce pays. Et ce, malgrĂ© les efforts des gouvernementsdĂ©mocratiques depuis 1990. Le gouvernement de MichelleBachelet nous apporte cependant quelque espĂ©rance. »

Extraits de « Le documentaire chilien, un panorama », article écritpour la semaine chilienne du cinéma,

Paris, avril 2004, revu en 2006.

Articles disponibles en espagnol et en italien sur le site de Patricio GuzmĂĄn : www.patricioguzman.com

[Extraits traduits de l'espagnol par Maria-Giovanna Vagenas]

D’ARUSHA À ARUSHAWork in progress de Christophe Gargot

JĂ©rĂŽme Beaujour[JURY NATIONAL]

ENTRETIENS AVEC 3 JURÉS

Dans le décor, de JérÎme Beaujour. Ed. P.O.L, 2005, p. 96-97

»

«

MichĂšle Sylvander[JURY SON ET PREMIER FILM]

Quel est votre parcours ? Je viens banalement de l'École des beaux-arts, comme beaucoup d'artistes.

Quel est votre rapport au cinĂ©ma en tant qu’artiste ? Le cinĂ©ma estun plaisir que j'ai un peu dĂ©laissĂ© ces derniĂšres annĂ©es - le monde estvaste. Par contre, j'ai utilisĂ© la vidĂ©o qui permet des relations plus inti-mes et qui correspond pour l'instant Ă  ma façon de travailler, disons dansla fiction, sans vouloir opposer de façon bien trop rapide la fiction audocumentaire, bien sĂ»r.

Quelles sont vos attentes en matiĂšre de son ? Quand je vois et entendsun film, j'aime autant les sons directs que la musique, Ă  condition qu'elle nesoit pas uniquement de l'ordre de l'illustration sonore. J'attends d'ĂȘtre sur-prise, et mĂȘme que le son vienne se substituer aux images.

Votre sentiment sur le cinĂ©ma aujourd’hui et ses passerelles avecl’art ? Lorsqu'il est bon, le cinĂ©ma peut inspirer des artistes. Aujourd'hui,beaucoup d'entre eux interrogent aussi le rĂ©el avec une camĂ©ra, des pas-serelles se crĂ©ent donc naturellement, et je m'en rĂ©jouis.

Comment envisagez-vous votre travail au sein du jury ? Je n'ai aucuna priori et aucune certitude sur le rÎle de jury. Seulement quelques atten-tes. J'ai envie que les images que je vais découvrir s'ouvrent sur l'imagi-naire et qu'elles me rendent libre, c'est beaucoup.

[Propos recueillis par Olivier Pierre]

Page 8: ANTONIA Fiennes BIRNBAUM - FIDMarseille

omment avez-vous appris la disparitionde cette bobine d’actualitĂ© bosniaque ?Et qu’est-ce qui vous a attirĂ© dans cettehistoire : le mythe du film perdu ? Ce

sont des gens du musĂ©e du cinĂ©ma de Sarajevoqui m’ont parlĂ© de ce film, tournĂ© en 1947 etdĂ©truit en 1993. Ce qui m’a retenue, c’est qu’ilmontrait un cours d’alphabĂ©tisation. Du coup sadestruction renvoyait au saccage, Ă  bien pluslarge Ă©chelle, que la guerre rĂ©cente et la pĂ©riodede privatisation et de nationalisme avaient menĂ©aprĂšs la guerre : saccage des idĂ©aux modernistesd’éducation et d’émancipation.

Vous traversez l’Histoire de 1947 Ă  1993 enutilisant des archives, du film, des tĂ©moigna-ges directs, du dessin, etc. Comment avez-vous organisĂ© cette diversitĂ© de sources ? Lefilm fait des allers-retours entre la mĂ©moirevivante et celle des films. Les deux mĂ©moires sontinterdĂ©pendantes. Une partie du film est dĂ©diĂ©e Ă la reconstitution de la bobine d’actualitĂ©. DeuxtĂ©moins font part de leurs souvenirs de la scĂšnefilmĂ©e Ă  un dessinateur qui en tire une esquisseen suivant leurs instructions. Il y a donc deux ver-sions diffĂ©rentes de la scĂšne, et la reconstitution,unique, fidĂšle, s’avĂšre impossible. L’autre partiedu film, qui est emmĂȘlĂ©e Ă  ce travail de reconsti-tution, est la recherche effective de la pellicule etl’enquĂȘte sur les circonstances de sa destruction.Le film avait Ă©tĂ© rangĂ© dans un studio de cinĂ©maqui Ă©tait un no man’s land pendant la guerre, unendroit oĂč beaucoup de cĂ©lĂšbres films bosniaquesont Ă©tĂ© tournĂ©s. Aujourd’hui, les accessoires pourles films avec des partisans, les uniformes de laWermacht, les blindĂ©s, tout a Ă©tĂ© dĂ©truit par lavraie guerre. Le sujet de mon film est ce constantglissement entre la guerre fictive et la vraie.

Quelle est l’articulation du dispositif audio-visuel sur un plan technique et thĂ©orique ?AprĂšs la guerre, les personnes qui n’avaient plusde papiers d’identitĂ© devaient produire deuxtĂ©moins pour garantir l’authenticitĂ© de leur iden-titĂ©. C’est la caractĂ©ristique fondamentale de cequ’on appelle un document, dans son sens juridi-que, journalistique, lĂ©gal : il faut deux tĂ©moinspour attester d’une information objective. Ce quiest intĂ©ressant, c’est que, la plupart du temps,les tĂ©moins sont en dĂ©saccord. Donc au momentoĂč l’objectivitĂ© est atteinte, une diffĂ©rence infimese glisse en mĂȘme temps dans le document. Enme servant d’un double Ă©cran sur toute la durĂ©edu film, j’ai essayĂ© de rendre ce dilemme mani-feste : qu’il y a un diffĂ©rent essentiel au cƓur dudocument lui-mĂȘme, diffĂ©rent qui ne peut serĂ©sorber. Par ailleurs, je reste convaincue de lavĂ©ritĂ© documentaire. Elle est possible, mais malai-sĂ©e Ă  produire. Mais, surtout quand on a affaireĂ  ces rĂ©cits pĂ©nibles et plutĂŽt traumatiques, il estdĂ©cisif de garder Ă  l’esprit que toutes les versionsde l’histoire n’ont pas le mĂȘme degrĂ© de vĂ©racitĂ©.MĂȘme s’il est quelquefois difficile de distinguer lavĂ©ritĂ© de ce qui relĂšve des fables rĂ©visionnistes oude la propagande, il faut s’y atteler. Sinon le scep-ticisme postmoderne devient l’alibi d’une autosuf-fisance morale. A la question posĂ©e un jour Ă 

Georges Didi-H u b e r m a n ,historien del’art, de savoirpourquoi ilcroyait Ă  lap o s s i b i l i t Ă©d’une vĂ©ritĂ©, ila rĂ©pondu : «sinon, ce seraitle bordel ! » Jesuis tout Ă  faitd’accord.

Comment l’al-phabĂ©tisationdes femmesmusulmanes, en 1947, rĂ©sonne-t-elle avec ladĂ©scolarisation Ă©voquĂ©e par l’artiste musul-man, Arman Kulasic, pendant la guerre deBosnie au dĂ©but des annĂ©es 90 ? Arman est ledessinateur, celui qui essaie de reproduire auxtraits la scĂšne filmĂ©e. C’est un jeune artiste deSarajevo, trĂšs talentueux. Je pense qu’il prĂ©fĂšre-rait qu’on le mentionne simplement de cettemaniĂšre. Au dĂ©but, il dessine en posant quelquesquestions. Puis il se met Ă  raconter sa propre his-toire et Ă  dessiner sa version Ă  lui de cette sallede classe. Et la salle de classe qu’il dessine estvide. Pourquoi ? Quand lui et sa famille ont fui leurville natale pour Ă©chapper aux persĂ©cutions ethni-ques massives, ils sont arrivĂ©s dans un camp derĂ©fugiĂ©s dans une petite ville, oĂč ils Ă©taient entas-sĂ©s dans des camions Ă  attendre. Le lendemainmatin, tous les habitants du village se sont mis Ă jeter des pierres sur les rĂ©fugiĂ©s, qui Ă©taient assispliĂ©s dans les camions Ă  se protĂ©ger avec leurbaluchon. Et les enfants avaient quittĂ© l’école pourparticiper au lynchage. VoilĂ  la salle de classequ’Arman a dessinĂ©e pour le film : vide, dĂ©sertĂ©epar des Ă©lĂšves sortis jeter des pierres sur desenfants paniquĂ©s. Nous ne connaissions pascette histoire au dĂ©but du tournage. Puis il s’estmis Ă  la raconter. Mais assez clairement, c’estdevenu la partie la plus importante du film.

Les mĂ©moires des deux tĂ©moins diffĂšrentjoyeusement entre elles ainsi qu’avec lesimpressions de l’artiste. Quelle est la part del’humour dans le film ? En tournant le film, j’aiappris qu’il Ă©tait sans doute plus important decĂ©lĂ©brer les actes modestes de vĂ©ritablehĂ©roĂŻsme, que des gens ont accomplis pendantcette guerre plutĂŽt que de se complaire dans lanostalgie ou la dĂ©prime. Il y a des gens, commecet ancien chef Ă©lectro Hadzanovic, qui ont risquĂ©leur vie pour Ă©vacuer des films hors d’un studioqui Ă©tait en train de prendre feu. Ou comme lerĂ©alisateur Orozovic, qui a choisi de rester surplace toute la durĂ©e du siĂšge, alors mĂȘme que lesmiliciens avaient saccagĂ© sa maison et dĂ©truit sesfilms. Il y a des gens du musĂ©e du cinĂ©ma deSarajevo qui ont fait un travail incroyable de res-tauration et de sauvegarde des films dans desconditions trĂšs pĂ©nibles. D’autres ont accomplices tĂąches pour leurs voisins ou leurs amis, alorsmĂȘme qu’on les dĂ©nonçait comme traĂźtre oucomme ennemis de tous les cĂŽtĂ©s. Sans doute lacontribution la plus importante serait de rendrehommage Ă  ces personnes, Ă  ceux qui ont su res-ter humains et dĂ©cents en dĂ©pit des pressions.L’humour fait partie de cette humanitĂ©. Journaln°1 est un film drĂŽle parce que ses protagonistessont des gens courageux et astucieux. Et celamontre aussi qu’il y a des gens comme ArmanKulasic, qui font l’art de demain, pas celui d’hier.

[Propos recueillis par Julie Savelli]

ow did you learn about the disappearance ofthis first newsreel in Bosnia-Herzegovinas andwhat first attracted your attention: is it the lost

film-roll myth? People working at Sarajevo filmmuseum told me about the lost newsreel, which wasshot in 1947 and destroyed in 1993. The most fascinatingaspect was that it showed a literacy class, and the des-truction of this newsreel came to stand for a much morewidespread demolition of modernist ideals of educationand equality during the recent war as well as throughpost-war nationalism and privatisation.

You go through History from 1947 to 1993, assemblingarchives, film, direct testimonies, drawing, etc. What arethe principles that organize the editing of the differentscontents ? The film goes back and forth between actualand cinematic memory. Both depend on each other andare interconnected. One part of the film is devoted tothe “reconstruction” of the newsreel. Two witnessesshare their memories of the film scene with a drawer,

who creates anartists impressionafter their ins-tructions. Thus,two different ver-sions of the filmscene are recrea-ted and the“reconstruction”turns out to beimpossible. Theother part of thefilm, which iswoven into this“reconstruction”is the actualsearch for the

newsreel and the attempt to find out about the cir-cumstances of itÂŽs destruction. It was being stored in afilm studio, which became a no-mans-land in the war, aplace where many famous Bosnian films were shot.Now, the stage props for the partisan films, Wehrmachtarmy uniforms, armed vehicles and so on, have beendestroyed in real warfare. The film is about this constantshuttling back and forth between fiction and reality ofwar.

How is your specific audio-visual setup structured froma technical and theoretical point of view ? After theBosnian war, people, who had lost their documents wererequired to present two witnesses to prove their ownidentity. This is the fundamental character of the judi-cial, the journalistic, the forensic document: one needstwo witnesses to make any information objective. Butthe interesting point is, that the witnesses usually disa-gree. So at the same moment, when objectivity is attai-ned, a slight difference is also introduced within thedocument. By narrating the whole film on two parallelscreens, I tried to visualise this dilemma, a fundamentaldisagreement within the concept of the document itself,which cannot be resolved. On the other hand I believe indocumentary truth. It is possible, but doesn?t come easy.But especially when dealing with these difficult andrather traumatic narratives it is important to keep inmind, that not all versions of the story are equally true.Even if it®s sometimes difficult to distinguish truth fromrevisionist fiction or propaganda, one has to make theeffort. Otherwise postmodernist scepticism becomes anexcuse for ethical complacency. Somebody once askedthe art historian Georges Didi-Huberman, why he belie-ved in the possibility of truth. He said : “Otherwise theworld would be fucked up” (Original in French : Sinon ceserait le bordel). I totally agree.

On one hand, there is the elimination of illiteracyamong Muslim women in 1947 and on the other hand,the Muslim artist Arman Kulasic, recalls his getting outof the school system during the Bosnian war in theearly 90’s. Arman is the graphic artist, the person, whotries to reconstruct the film scene as a drawing. He is avery talented young artist from Sarajevo. I think hewould prefer, if one would refer to him as just that. Inthe beginning, he is just drawing and asking a few ques-tions. But suddenly he starts to tell his own story and todraw his own version of the classroom. The classroom heis drawing is empty. Why? When he was escaping withhis family from his home town because of massive “eth-nic” persecution, they came to a refugee camp in a smallcity, where they were packed into trucks and kept wai-ting. In the morning the whole village started throwingstones at the refugees, who sat hunched in the trucksand tried to protect themselves with lunch packets. Thechildren were off school inorder to participate in this.This is the classroom Armandrawed for the film: an emptyclassroom, whose studentswere out throwing stones atfrightened and confused chil-dren. We didn?t know thisstory, when we started fil-ming. At a certain point, hestarted to tell it to us. Butobviously, it became the mostimportant part of the film.

The memories of both wit-nesses don’t always agreewith each other nor with theimpressions of the artist crea-ting some enjoyable scenes.What place is devoted tohumour in the film ? Whileshooting the film, I learned,that it is perhaps moreimportant to celebrate thesmall acts of real heroism,that some people performedduring this war, then to benostalgic or depressive. There

have been people like the former gaffer Hadzanovic,who risked their lives to evacuate films from a film stu-dio, that was already under fire. People like the directorOrozovic, who stayed during the whole siege, althoughmilitias devastated his home and destroyed his films.There are the people from the film museum in Sarajevo,who have done incredible work under very hard condi-tions to restore the archive and care for the films. Otherpeople have done this for their neighbors and friends,although they were branded as traitors and enemies byall sides. Probably the most important contributionwould be to honor these people, the ones who remaineddecent and human even under massive pressure.Humor is a part of this humanity. Journal No 1 is a funnyfilm, because itÂŽs protagonists are witty and courageouspeople. And it also shows, that there are people likeArman Kulasic, who will produce the art of the future,not the past.

[Interviewed by Julie Savelli]

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Table ronde Les sentiersÀ 18:15 AU CRDPInvitĂ©sNathalie Bourgeois, responsable du service pĂ©dagogique de la CinĂ©mathĂšque FrançaiseSamuel Bester, rĂ©alisateurCarole Sionnet, rĂ©alisatriceAnne Lacour, rĂ©alisatriceAnne-Sophie Birot, rĂ©alisatrice

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