Analyses d’articles – décembre 2010

3
Analyses d’articles – de ´cembre 2010 New publications – December 2010 M. Juste*, F. Lagrange, H. Barreteau Centre hospitalier Auban-Moe ¨t, 51200 E ´ pernay, France Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Pharmacothe ´rapie & Lindhoff-Last E, Samama MM, Ortel TL, Weitz JI, Spiro TE. Assays for measuring rivaroxaban: their suitability and limitations. Ther Drug Monit, published ahead-of- print 14 September 2010. Certains se sont e ´tonne ´s de la mise sur le marche ´ dans plusieurs pays d’un anticoagulant sans que l’on ne dispose d’aucun moyen de suivi de l’obser- vance, de surveillance de son effet anti- coagulant, ni d’antidote pour les surdoses, les phe ´nome `nes thromboem- boliques ou he ´morragiques, les alte ´ra- tions de la fonction re ´nale ou me ˆme simplement de pe ´riode postope ´ratoire. Cet article est important car les spe ´cia- listes habituels du domaine ont e ´tudie ´ le retentissement de rivaroxaban : Xarelto W inhibiteur direct, se ´lectif et re ´versible du facteur Xa et de dabigatran : Pradaxa W inhibiteur direct, se ´lectif et re ´versible de la thrombine (facteur IIa) sur les tests courants de coagulations. Ils re ´pondent donc aux de ´tracteurs et proposent de suivre faci- lement le rivaroxaban au moyen d’un test anti-Facteur Xa dont les e ´talons sont faits avec du rivaroxaban (de fac ¸on similaire a ` ce qui avait e ´te ´ de ´veloppe ´ pour le dosage du fondaparinux) Voir aussi Tripodi A, Chantarangkul V, Guinet C, Samama MM. The INR cali- brated for Rivaroxaban-(INRrivaroxa- ban) has the potential to normalize PT results for Rivaroxaban-treated patients: results of an in-vitro study. J Thromb Haemost 2010 Oct 13. doi:10.1111/j.1538-7836.2010.04106.x. F. Lagrange & Lettino M. Inhibition of the antithrombotic effects of clopidogrel by proton pump inhibitors: facts or fancies? Eur J Internal Med, in press, corrected proof, available online 16 September 2010. En 2009, la FDA et l’EMEA ont de ´con- seille ´ la prescription d’IPP chez les patients traite ´s par clopidogrel sur la base d’une re ´duction de l’effet anti- agre ´gant. Le clopidogrel associe ´ a ` l’ome ´prazole re ´ve ´lant une diminution de l’effet antiagre ´gant et un risque accru d’e ´ve ´nements cardiovasculaires. En mars 2010, le Committee for Medi- cinal Products for Human Use (CHMP) de l’EMEA pre ´cise qu’il s’agit d’une mesure de pre ´caution concernant eso- me ´prasole et ome ´prazole mais que l’association de clopidogrel et d’IPP reste acceptable en cas de « ne ´cessite ´ absolue » [1]. L’interaction des anti- H2 avec le clopidogrel aurait le me ˆme impact clinique que celui observe ´ avec les IPP [1]. L’inte ´re ˆt de cet article est qu’il propose une attitude the ´rapeutique adapte ´eau risque de saignement et d’ulce `re gas- tro-intestinal en fonction de la gravite ´ de la pathologie traite ´e, de l’associa- tion e ´ventuelle a ` un autre antiagre ´- gant (bithe ´rapie anti-agre ´gante plaquettaire aspirine-clopidogrel) et des ante ´ce ´dents he ´morragiques du patient. Il propose : pantoprazole qui est a ` la fois un inhibiteur faible du CYP2 C19 et qui n’interfe `re pas avec l’action pharmaco- logique du clopidrogrel ; le respect d’un intervalle de 12 a ` 15 heures entre l’administration du clopidogrel et des IPP ; le recours aux nouveaux antiagre ´- gants prasugrel (Efient W ) (voie du CYP2 C19 marginale) et ticagrelor (Brilinta W ) qui sont plus efficaces et non influence ´s par l’utilisation conco- mitante d’IPP. Cela serait aussi moins cou ˆteux que de mesurer ex vivo le niveau d’inhibition de l’agre ´gation plaquettaire avant et apre `s introduc- tion de l’IPP pour augmenter si besoin la dose de clopidrogrel [1]. Re ´fe ´rence [1] Bretagne JF. Inhibiteurs de la pompe a ` protons et clopidogrel : que faire en pratique ? Presse Med, in press, corrected proof, available online 6 September 2010. F. Lagrange * Auteur correspondant. e-mail : [email protected] Rec ¸u le : 2 octobre 2010 Accepte ´ le : 4 octobre 2010 Revue de presse 211 0768-9179/$ - see front matter 10.1016/j.phhp.2010.10.009 Le Pharmacien hospitalier 2010;45:211-213

Transcript of Analyses d’articles – décembre 2010

Page 1: Analyses d’articles – décembre 2010

������

Analyses d’articles – decembre 2010

New publications – December 2010

M. Juste*, F. Lagrange, H. Barreteau

Centre hospitalier Auban-Moet, 51200 Epernay, France

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

������������������������������

Recu le :2 octobre 2010Accepte le :4 octobre 2010

Revue de presse

Pharmacotherapie

& Lindhoff-Last E, Samama MM, OrtelTL, Weitz JI, Spiro TE. Assays formeasuring rivaroxaban: theirsuitability and limitations. TherDrug Monit, published ahead-of-print 14 September 2010.

Certains se sont etonnes de la mise surle marche dans plusieurs pays d’unanticoagulant sans que l’on ne disposed’aucun moyen de suivi de l’obser-vance, de surveillance de son effet anti-coagulant, ni d’antidote pour lessurdoses, les phenomenes thromboem-boliques ou hemorragiques, les altera-tions de la fonction renale ou memesimplement de periode postoperatoire.Cet article est important car les specia-listes habituels du domaine ont etudiele retentissement de rivaroxaban :XareltoW inhibiteur direct, selectif etreversible du facteur Xa et dedabigatran : PradaxaW inhibiteur direct,selectif et reversible de la thrombine(facteur IIa) sur les tests courants decoagulations. Ils repondent donc auxdetracteurs et proposent de suivre faci-lement le rivaroxaban au moyen d’untest anti-Facteur Xa dont les etalonssont faits avec du rivaroxaban (de faconsimilaire a ce qui avait ete developpepour le dosage du fondaparinux) Voir

* Auteur correspondant.e-mail : [email protected]

0768-9179/$ - see front matter10.1016/j.phhp.2010.10.009 Le Pharmacien hospitalier 2010;45:2

aussi Tripodi A, Chantarangkul V,Guinet C, Samama MM. The INR cali-brated for Rivaroxaban-(INRrivaroxa-ban) has the potential to normalizePT results for Rivaroxaban-treatedpatients: results of an in-vitro study. JThromb Haemost 2010 Oct 13.doi:10.1111/j.1538-7836.2010.04106.x.

F. Lagrange

& Lettino M. Inhibition of theantithrombotic effects of clopidogrelby proton pump inhibitors: facts orfancies? Eur J Internal Med, in press,corrected proof, available online 16September 2010.

En 2009, la FDA et l’EMEA ont decon-seille la prescription d’IPP chez lespatients traites par clopidogrel sur labase d’une reduction de l’effet anti-agregant. Le clopidogrel associe al’omeprazole revelant une diminutionde l’effet antiagregant et un risqueaccru d’evenements cardiovasculaires.En mars 2010, le Committee for Medi-cinal Products for Human Use (CHMP)de l’EMEA precise qu’il s’agit d’unemesure de precaution concernant eso-meprasole et omeprazole mais quel’association de clopidogrel et d’IPPreste acceptable en cas de « necessiteabsolue » [1]. L’interaction des anti-H2 avec le clopidogrel aurait le memeimpact clinique que celui observe avecles IPP [1].

11-213

L’interet de cet article est qu’il proposeune attitude therapeutique adaptee aurisque de saignement et d’ulcere gas-tro-intestinal en fonction de la gravitede la pathologie traitee, de l’associa-tion eventuelle a un autre antiagre-gant (bitherapie anti-agreganteplaquettaire aspirine-clopidogrel) etdes antecedents hemorragiques dupatient.Il propose :� pantoprazole qui est a la fois uninhibiteur faible du CYP2 C19 et quin’interfere pas avec l’action pharmaco-logique du clopidrogrel ;� le respect d’un intervalle de 12 a15 heures entre l’administration duclopidogrel et des IPP ;� le recours aux nouveaux antiagre-gants prasugrel (EfientW) (voie duCYP2 C19 marginale) et ticagrelor(BrilintaW) qui sont plus efficaces etnon influences par l’utilisation conco-mitante d’IPP. Cela serait aussi moinscouteux que de mesurer ex vivo leniveau d’inhibition de l’agregationplaquettaire avant et apres introduc-tion de l’IPP pour augmenter si besoinla dose de clopidrogrel [1].Reference[1] Bretagne JF. Inhibiteurs de lapompe a protons et clopidogrel : quefaire en pratique ? Presse Med, in press,corrected proof, available online 6September 2010.

F. Lagrange

211

Page 2: Analyses d’articles – décembre 2010

Le Pharmacien hospitalier 2010;45:211-213

& Lebrin F, Srun S, Raymond K, et al.Thalidomide stimulates vesselmaturation and reduces epistaxis inindividuals with hereditaryhemorrhagic telangiectasia. NatMed 2010;16(4):420–8 [Epub 2010Apr 4].

La maladie de Rendu-Osler ou telan-giectasie hemorragique familiale(HHT) est une maladie hereditairecaracterisee par des malformationsvasculaires. La manifestation la pluscommune est une epistaxis (saigne-ments de nez spontanes et frequents)qui affecte la qualite de vie de faconimportante et n’est pas facile a soigner.Elle est inscrite sur la liste des maladiesorphelines.Cet article rapporte les resultats d’uneetude realisee sur sept sujets traitesavec la thalidomide sur une periodede six mois a cinq ans. Ce traitementdiminue de facon significative la seve-rite et la frequence des saignements ;les taux d’hemoglobine remontentchez ces patients comme consequencede la diminution des saignements et dela stabilisation des vaisseaux. Les effetssecondaires ont ete limites : constipa-tion, perte de libido et lethargie saufpour un patient qui a du arreter letraitement au bout de 19 mois car ildeveloppait une neuropathie periphe-rique.Parallelement, des etudes ont etemenees sur des souris mutantes,qui developpent des lesions vasculai-res comparables a celles observeeschez les patients atteints de HHT, aux-quelles a ete administree de la thali-domide.Ce medicament, chez les souris, ademontre des proprietes antiangioge-niques par effet direct sur les cellulesendotheliales et des proprietes immu-nomodulatrices en augmentant l’acti-vation des cellules T.De la a imaginer de donner de la tha-lidomide a tous les patients atteints demaladie de Rendu-Osler, il y a unemarge.Le Pr Henri Plauchu, coordonnateur duCentre de reference national, « Maladie

M. Juste et al.

212

de Rendu-Osler » a l’Hotel-Dieu (Lyon),n’est actuellement pas convaincu parles resultats obtenus par quelquesequipes sur quelques patients.Le Centre de competence IDF pour lamaladie de Rendu-Osler (Pr Marie-France Carette) a Tenon a depose unedemande de PHRC (traitement despatients atteints de maladie deRendu-Osler avec de la thalidomide)aupres de l’Assistance publique–Hopi-taux de Paris et n’a pas encore d’accordsur ce protocole.Attendons donc d’avoir les resultats dece PHRC ; s’ils sont positifs, alors unenouvelle utilisation de ce « vieux » pro-duit pourra etre envisagee.

H. Barreteau

& Moreau C, Siguret V, Loriot MA.Pharmacogenetique et antivitamineK aujourd’hui : un debat ouvert. RevMed Int 2010;31(5):361–8.

L’importance clinique de la pharmaco-genetique est grandissante. Certainesnotions telles que la resistance au trai-tement se voient remises en questiongrace aux recherches menees sur lesgenotypes de certaines populationsde patients. Si l’on retient que la dosetotale hebdomadaire moyenne de cou-madine peut varier d’un facteur 16 entreindividus, on comprend vite que desrecherches sur le genome pourraientnous aider a determiner a priori desdoses optimales sans perdre de tempsni risquer d’evenement indesirablepour le patient.Cet article reprend les definitions, lesfacteurs non genetiques de variationsdans la reponse aux antivitamines K etbien sur les facteurs pharmacogeneti-ques. Parmi ceux-ci, il faut distinguerles facteurs lies au metabolisme del’antivitamine K (dont les cytochromesP450), ceux lies a la cible pharmacolo-gique et ceux lies au transport du medi-cament.Les deux facteurs principaux quiimpactent l’activite de la warfarine(et peut-etre celui de la fluindione dontla pharmacocinetique est tres mal

connue) sont le metabolisme par lecytochrome P450 2C19 et l’activiteenzymatique de la VKORC1 qui permetla reduction de la forme oxydee de lavitamine K et donc sa reintegrationdans le cycle d’action de cette vitaminepour l’activation des facteurs de coa-gulation.L’article montre bien les diverses etu-des sur les variations d’activite enzy-matique dans differentes populationsdisposant d’alleles differents. Ainsi, ilpeut exister des facteurs de variationsassocies (sur le cytochrome 2C19 et surla VKORC1 par exemple) pouvant expli-quer des risques hemorragiques ou desdelais anormaux d’atteinte de l’equili-bre.Ces facteurs pharmacogenetiques vontencore compliquer les problemes devariations intra-individuels bien connuslies a l’alimentation et a l’observance,sans parler des interactions pharmaco-logiques.Grande serait la tentation de generali-ser des comportements posologiqueslies au phenotype (asiatique, caucasien,afro-americain. . .), mais l’analyse dugenotype peut donner l’informationsuffisante.La pharmacogenetique va aussinous obliger a revoir certains classe-ments arbitraires qui nous avaienthabitues a classer comme inevitablescertains effets indesirables : mainte-nant certains mecanismes et certai-nes susceptibilites sont connus etdeterminables par des tests. De nou-veaux comportements vont doncdevoir s’imposer peu a peu pour anti-ciper des effets genetiquement previ-sibles.Pour en savoir plusSiguret V. Antivitamines K etpharmacogenetique : vers une meil-leure comprehension de la variabiliteindividuelle de l’effet dose-reponse.Pathol Biol (Paris) 2007;55:295–8.Stehle S, Kirchheiner J, Lazar A, FuhrU. Pharmacogenetics of oral anticoagu-lants. Clin Pharmacokinet 2008;47:565–94.

M. Juste

Page 3: Analyses d’articles – décembre 2010

Analyses d’articles – decembre 2010

Toxicologie

& Darsonval A, Boels D, Clerc MA, DeHaro L, Penot-Ragon C, Moal F,Quistinic P, et al. Creation etorganisation d’une banque desserums antivenimeux en France.Presse Med 2010;39:865–70.

L’utilite d’une banque de serums anti-venimeux est liee a une augmentationde la presence des serpents exotiquesdans notre pays. La collaborationentre le centre anti-poison d’Angerset les centres d’elevage a ainsi permisd’organiser une prise en charge effi-cace des accidents d’envenimationmetropolitains. Les serums sont gerespar une PUI (CHU d’Angers ou deMarseille) et peuvent etre transmis atout autre etablissement demandeurapres accord telephonique entre leservice demandeur et le centreanti-poison du plus proche des deuxCHU.Il est actuellement admis qu’il fautagir rapidement et si possible dansles six premieres heures (parfois uneadministration meme tardive peutencore etre efficace). Seul le ViperfavW

a actuellement une AMM, plusieursserums ont une ATU ou sont en coursd’obtention.Cette organisation permet aussi d’allervers une augmentation qualitative desserums selectionnes et la capacite de labanque devrait se renforcer par lasuite.

Ce circuit particulier doit bien sur etreconnu des pharmacies hospitalieres encas de demande urgente.

M. Juste

Pharmacie clinique

& Shigehiro O. Chronotherapeuticstrategy: rhythm monitoring,manipulation and disruption. AdvDrug Deliv Rev 2010;62(9–10):859–75.

Plus largement, Advanced Drug DeliveryReviews [1] nous offre un numero the-matique qui fait le point sur la chrono-therapie. Cet article propose ici uneinteressante revue des principaux medi-caments a administrer en phase avecnos cycles biologiques (glucocorticoıdes,theophylline, anticancereux et psycho-tropes). Il rappelle les modificationspharmacodynamiques et pharmacoci-netiques suivant les heures de prise ainsique l’influence perturbatrice des medi-caments sur les rythmes biologiques.Concernant les psychotropes, les exem-ples d’alteration du rythme veille-som-meil presentes sont particulierementinteressants. On y lit que le passagede l’haloperidol a la risperidone adminis-tree au reveil resynchroniserait en partiele rythme veille-sommeil et diminueraitles perturbations du sommeil pendant lanuit, puis que la restauration estcomplete si l’on associe a la risperidone(toujours administree le matin) de lamelatonine (administree a 21 heures).

Cela n’eveille-t-il pas en nous commeune pensee pour l’utilisation de l’ago-melatine (ValdoxanW) ? L’alteration desrythmes circadiens du sommeil estensuite rapportee pour les IRSS (fluvo-xamine, citalopram, fluoxetine) avecnotamment un retard a l’endormisse-ment egalement ameliore par la mela-tonine a 21 heures (fluvoxamine) [2]. Onsouhaiterait une etude versus benzodia-zepines. La principale conclusion de cenumero thematique est que plusieurspathologies sont encore traitees sanstenir compte de la bonne heure d’admi-nistration des medicaments et que lesresultats des etudes chronopharmaco-logiques devraient systematiquementapparaıtre dans les resumes des carac-teristiques des produits. Cependant, ilnous apprend aussi que les formes gale-niques adaptees a la chronopharmaco-logie font encore defaut [3].References[1] Shigehiro O. Chrono-drug-deliveryfocused on biological clock: Intra- andinter-individual variability of molecularclock. Adv Drug Deliv Rev 2010;62(9–10):857–8.[2] Shigehiro O. Chronotherapeuticstrategy: rhythm monitoring, manipu-lation and disruption. Adv Drug DelivRev 2010 62(9-10):859–75.[3] Bi-Botti C.Y. Chronopharmaceuticaldrug delivery systems: hurdles, hype orhope? Adv Drug Deliv Rev 2010;62(9–10):898–903.

F. Lagrange

213