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GRECS D’ASIE MINEURE DANS LA SALONE ROMAINE DENIS FEISSEL UDK: 930.271 (497.5 Solin) „652“ Institut d’Études byzantines 904 (497.5 Solin) „652“ F- Paris, 52 rue du Cardinal Lemoine Izvorni znanstveni članak Primljeno: 25. II. 2011. Les inscriptions grecques de Salone témoignent dès le Haut-Empire des liens de la Dalmatie avec les provinces orientales. Parmi ces documents encore édités de façon insufsante, sont ici publiés trois textes nouveaux ou restitués de façon nouvelle. Le n o 1, du genre commémoratif, a été gravé par un groupe de marins venus de Myra, en Lycie. L’épitaphe n o 2 précise l’origine d’un autre Lycien, de la cité de Rhodiapolis. Le sarcophage n o 3 révèle une famille de Publii Calvisii originaire d’Hypaipa, qui devait la citoyenneté romaine à Calvisius Ruso, proconsul d’Asie sous Domitien. Parmi les multiples domaines où s’est déployée l’œuvre scientique d’Emilio Marin, l’épigraphie de la Dalmatie, et singulièrement celle de Salone, n’ont cessé d’être au cœur de son activité de chercheur et d’or- ganisateur de la recherche. Ceux qui ont eu la chance de collaborer au corpus des inscriptions de Salone chrétienne, paru en 2010 au terme de trois décennies de collaboration franco-croate 1 , ne sauraient oublier ce que l’ouvrage commun doit à sa science, à son énergie et à sa générosité. Chargé pour ma part d’éditer dans ce volume les inscriptions grecques de Abréviations. BD = Bullettino di archeologia e storia dalmata. MZK = Mittheilungen der K. K. Central-Commission zur Erforschung und Erhaltung der Kunst- und historischen Denkmale. TIB 8 = H. Hellenkemper – F. Hild, Tabula Imperii Byzantini 8. Lykien und Pamphylien, Wien, 2004. VD = Vjesnik za arheologiu i historiju dalmatinsku. 1. Salona IV. Inscriptions de Salone chrétienne, IV e VII e siècles, dir. N. Gauthier - E. Marin - F. Prévot, Rome - Split, 2010 (Collection de l’École française de Rome, 194/4). 237

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Salona

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  • GRECS DASIE MINEURE DANS LA SALONE ROMAINE

    DENIS FEISSEL UDK: 930.271 (497.5 Solin) 652Institut dtudes byzantines 904 (497.5 Solin) 652F- Paris, 52 rue du Cardinal Lemoine Izvorni znanstveni lanak Primljeno: 25. II. 2011.

    Les inscriptions grecques de Salone tmoignent ds le Haut-Empire des liens de la Dalmatie avec les provinces orientales. Parmi ces documents encore dits de faon insuffi sante, sont ici publis trois textes nouveaux ou restitus de faon nouvelle. Le no 1, du genre commmoratif, a t grav par un groupe de marins venus de Myra, en Lycie. Lpitaphe no 2 prcise lorigine dun autre Lycien, de la cit de Rhodiapolis. Le sarcophage no 3 rvle une famille de Publii Calvisii originaire dHypaipa, qui devait la citoyennet romaine Calvisius Ruso, proconsul dAsie sous Domitien.

    Parmi les multiples domaines o sest dploye luvre scientifi que dEmilio Marin, lpigraphie de la Dalmatie, et singulirement celle de Salone, nont cess dtre au cur de son activit de chercheur et dor-ganisateur de la recherche. Ceux qui ont eu la chance de collaborer au corpus des inscriptions de Salone chrtienne, paru en 2010 au terme de trois dcennies de collaboration franco-croate1, ne sauraient oublier ce que louvrage commun doit sa science, son nergie et sa gnrosit. Charg pour ma part dditer dans ce volume les inscriptions grecques de

    Abrviations.BD = Bullettino di archeologia e storia dalmata. MZK = Mittheilungen der K. K. Central-Commission zur Erforschung und Erhaltung der Kunst- und historischen Denkmale. TIB 8 = H. Hellenkemper F. Hild, Tabula Imperii Byzantini 8. Lykien und Pamphylien, Wien, 2004.VD = Vjesnik za arheologiu i historiju dalmatinsku.

    1. Salona IV. Inscriptions de Salone chrtienne, IVeVIIe sicles, dir. N. Gauthier - E. Marin - F. Prvot, Rome - Split, 2010 (Collection de lcole franaise de Rome, 194/4).

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    Salone partir du rgne de Diocltien, il ma dabord fallu runir len-semble des inscriptions grecques de toute poque puis tcher de distin-guer, autant que faire se peut, les textes pr-ttrarchiques des documents postrieurs. Mes recherches dans les inventaires, la bibliothque et sur-tout les collections du muse de Split, commences ds 1983 avec laide effi cace dIvana Britvi, ont donc abouti un partage : dune part les 83 textes jugs postrieurs Diocltien, prsent runis dans Salona IV ; dautre part quelques dizaines dinscriptions grecques plus anciennes, souvent dites de faon insuffi sante si ce nest indites. Cette docu-mentation dpoque impriale sest beaucoup accrue depuis un sicle, au temps o R. Cagnat ne comptait, au tome I de ses IGR, pas plus de quatre inscriptions de Salone2. La plupart des textes grecs parus de 1902 1940 ont t joints par J. ael son recueil paru en 1986, malgr le titre restrictif dInscriptiones Latinae3. Quant au grand rpertoire de G. Alfldy, paru en 1969, il enregistre jusqu cette date la quasi-totalit de lonomastique salonitaine, en grec comme en latin4. Tous ces documents devraient avoir un jour leur place dans un corpus de la Salone romaine, qui comblerait surtout un des grands desiderata de lpigraphie latine. Sans attendre ce jour, je voudrais offrir ici trois documents, nouveaux ou mconnus, en remerciement celui qui me les fi t dcouvrir :

    .

    Comme toutes les inscriptions grecques de la Dalmatie postrieures lpoque hellnistique, celles-ci tmoignent a priori de la prsence Salone de rsidents dorigine orientale plus ou moins rcente, voire de simples voyageurs de passage. La prsomption gnrale dune origine

    2. R. CAGNAT, Inscriptiones graecae ad res Romanas pertinentes I, Paris, 1906, nos 549-552. On relevait dans cette srie un Libyen (549) ; un prtendu Palestinien dAscalon, dont lorigine sest avre illusoire (550, rdit Salona IV, no 791) ; un Philoxnos sans origine explicite (551) ; un Flavios Znn, ancien marin de la fl otte de Misne (552).

    3. J. AEL, Inscriptiones Latinae quae in Iugoslavia inter annos MCMII et MCMXL repertae et editae sunt, Ljubljana, 1986 (plus bas abrg : ael 1986).

    4. G. ALFLDY, Die Personennamen in der rmischen Provinz Dalmatia, Hei-delberg, 1969 (plus bas abrg : Alfldy 1969). Notons en passant deux corrigenda. P. 293, le nom Xenokles (mal lu Senokles daprs CIL III 2152) nappartient pas Salone comme le suggrait une copie ancienne : il sagit en fait dune inscription dpidaure apporte Venise ( prsent IG IV2 1, 678). P. 304, lhapax Sygonius (daprs lpitaphe grecque BD 31, 1908, p. 68) est un nom fantme : ma rvision de la pierre au muse de Split donne le nom Eutonios. Pour le nom Calotychos, omis par Alfldy, voir n. 29.

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    trangre est assez souvent confi rme et prcise par une indication gographique (nom de province, de cit ou de village), ou par un nom de personne caractristique dune rgion (de langue smitique notam-ment). la diffrence de la Salone tardive o la communaut hellno-phone, partir du IVe sicle, est en majorit originaire du Proche-Orient5, limmigration des premiers sicles de lEmpire tmoigne surtout des liens du grand port dalmate avec lAsie Mineure, en particulier avec ses rgions maritimes. On connaissait dj lpitaphe dun Smyrniote qui, fait remarquable pour un oriental, est rdige en latin6 ; en grec lpitaphe dun esclave lycien7 et celle dun nauclre de Nicomdie8, sans compter (car la restitution est trs douteuse) celle dun homme de Proconnse9. Les documents ci-dessous illustreront une fois de plus les relations de la Dalmatie romaine avec la Lycie et, de faon plus indite, avec la cit lydienne dHypaipa10.

    I. INSCRIPTION COMMMORATIVE POUR UN GROUPEDE MARINS, IIe S. (fi g. 1)

    Deux fragments jointifs dun bloc de calcaire ( gauche inv. 384 B, droite 3409 A), le premier de provenance indtermine, le second trouv en juin 1904 sur un terrain appartenant Spiridion Gapi. Jai runi les deux frag-ments, au Muse de Split, et pris un estampage du tout en septembre 2000.

    Dimensions de lensemble : ht. 24 ; larg. max. en bas 23 ; p. (daprs Buli) 9 et 16 cm ; hauteur des lettres 2 cm. criture soigne, dpourvue de toute lettre lunaire, probablement du IIe sicle (noter particulirement aux l. 2 et 5 lomga dont le cercle est dtach de sa base).

    Fragments publis successivement par F. Buli, BD 25, 1902, p. 89, no 384 B, et BD 32, 1909, p. 12, no 3409 A.

    5. Voir Salona IV, p. 79, o je recense partir de la Ttrarchie vingt-huit ressortissants du Proche-Orient pour seulement huit dAsie Mineure.

    6. VD 52, 1950, p. 4 : T(iberius) Flavius Trophimus T. f. Smyrnaeus. Cit par Alfldy 1969, p. 314 (Sptzeit).

    7. Voir ci-dessous, n. 29.8. Voir ci-dessous, n. 16.9. R. EGGER, Forschungen in Salona II, no 30 : ]() [ ]

    . ael 1986, no 2308, ne restitue pas la l. 2 mais enregistre nanmoins lethnique dans son index. Parmi de multiples alternatives, il pourrait sagir dun ], origi-naire de Phaina en Arabie ; deux ressortissants de Phaina sont en effet connus Salone, probablement pas avant lpoque des Ttrarques (Salona IV, nos 767 et 793).

    10. Les photographies des pierres et des estampages sont de lauteur. Le traitement numrique des fi g. 1 4 est d M. Artyom Ter-Markosyan, que je remercie de son aide.

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    |[ ] | [] [] |[ ]4 [] | [ ..] [..] [] [.....] vac. [] [vac.]

    Nous marquons dun trait vertical la limite entre les deux fragments. Le seul mot de la l. 6 est apparemment plac au mi-lieu de la ligne, entre deux va-cat. Une ligne a t martele au-dessous de la l. 6 ; on peut y lire seulement un grand espilon lunaire, dune main diffrente de linscription prcdente.

    Rappelons les lectures de Buli. Fr. 384 B : l. 1 || 2 o, mais il faut lire omga le petit cercle soulign dun trait horizon-tal || 3 || Fr. 3409 A : l. 1 ] || 2 || 3 ][ || 4 || 5 ][ || 6 .

    Ont t commmors (ceux qui viennent) de Myra, larmateur et le pilote ainsi que les marins qui sont avec eux () et Hgtr le () a t commmor.

    Dcouverts par Buli quelques annes de distance, les deux fragments nont pas t rapprochs par lui. Du premier, lauteur crivait : fram-mento di epoca cristiana, del V-VI secolo . Nous nous sommes toutefois gard de joindre au corpus de la Salone chrtienne une pierre qui, raccorde au fragment de droite, savre remonter au Haut-Empire et faire partie des inscriptions votives de marins.

    Un texte de ce genre est unique Salone, mais non sans parallles dans laire adriatique. On en trouve en effet une srie Grammata, en Albanie, site connu depuis Cyriaque dAncne, o Pierre Cabanes et ses collabora-teurs ont pu relever en 2005 plus dune centaine dinscriptions, romaines ou plus tardives11. Il sagit l habituellement, du moins lpoque imp-riale, dinvocations aux Dioscures, la formule dominante tant du type :

    11. Un aperu provisoire, avec des textes indits dpoque romaine et byzantine, est donn par A. HAJDARI et alii, REG 120, 2007, p. 353-394.

    Fig. 1. Inscription commmorative pour des marins de Lycie (estampage 2000)

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    Untel sest souvenu (a fait mention) dUntel auprs des Dioscures 12. Dans le texte de Salone, le verbe initial et le verbe fi nal ne sont cependant pas lactif, mais au passif puisque les noms suivants sont tous au nomina-tif (comme cest normalement le cas au Proche-Orient dans les inscriptions de ce genre)13 et non pas au gnitif14.

    La l. 2 mentionne probablement comme port dattache du navire Myra, capitale de la Lycie15. On ne saurait cependant exclure Limyra, autre cit lycienne, un peu lcart de la cte.

    L. 2-4. Sont commmors tour tour, de faon anonyme, le nauclre-ar-mateur (quil soit ou non prsent en personne Salone), le pilote et lqui-page. Deux autres sont connus Salone, au IIe ou IIIe sicle, commencer par un Markos Aurlios Primos, nauclre de Brytos, le grand port phnicien16. Plus rcemment, L. Moretti a su reconnatre dans un modeste fragment dpitaphe la mention dun nauclre de Nicomdie17. Salone venait ainsi sajouter la longue liste, tenue jour par L. Robert jusquen 197818, des inscriptions attestant la prsence ou le passage de nauclres ou de de cette cit, y compris dans laire adriatique19. La prsence de nauclres ly-ciens en Occident est galement illustre par des inscriptions de Sicile20.

    L. 5. Le nom Hgtr, courant lpoque hellnistique, notamment en Asie Mineure, est plus rare lpoque romaine 21. Il nest pas particulire-ment rpandu en Lycie.

    12. Par exemple CIG I 1827, rvis par A. HAJDARI et alii, op. cit., p. 379-380, A 2 (avec photographie) : () () (sic) .

    13. La distinction et la rpartition entre ces deux types de formules ressortent bien de ltude dA. REHM, Philologus 94, 1940, p. 1-30 (analyse par J. et L. ROBERT, Bull. p. 1941, 24).

    14. Le nom Hgtr nest pas non plus au gnitif, qui serait .15. Cf. TIB 8, p. 342-359, Myra.16. R. EGGER, Forschungen in Salona III, Wien, 1937, p. 151, no 12. 17. CIG IV 9431. Cf. L. MORETTI, Rivista di fi lologia e di istruzione classica 112,

    1984, p. 65 (SEG XXXIII 490).18. L. ROBERT, BCH 102, 1978, p. 422-424 (nauklroi et kyberntai de Nicomdie). 19. Ravenne, lpitaphe de

    (M. BOLLINI, Le iscrizioni greche di Ravenna, Faenza, 1975, p. 70-71, no 34 ; SEG XXXII 1036) est manifestement authentique. Aquile, lpitaphe ddie par ses deux fi ls au Nicomdien M. Aur. Timokrats (IG XIV 2339) ne prcise pas sa profession. Le corpus de Nicomdie (TAM IV 1) compte cinq autres Timokrats.

    20. SEG XIV 404 (Messine) et XVIII 395 (Syracuse). 21. Cf. Th. CORSTEN, A Lexicon of Greek Personal Names, V A, Coastal Asia Mi-

    nor: Pontos to Ionia, Oxford, 2010, p. 198 (o SEG XL 1101, en 192 ap. J.-C., est un exemple tardif mais isol).

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    II. UN LYCIEN DE RHODIAPOLIS, IIe-IIIe S. (fi g. 2)Publiant en 1906 deux petits fragments dcouverts Salone, lEst de

    la basilica urbana (inv. 513 B + 509 B), F. Buli na pas manqu dy re-connatre lpitaphe dun Lycien22. Le texte tait alors ainsi lu et restitu :

    [- -] [ | - -] [ - - | - -] [] [.

    La rvision du fragment 509 B au Muse de Split ( dfaut de 513 B, non retrouv) confi rme, malgr quelques dtriorations rcentes (phot. fi g. 2)23, la justesse de ce dchiffrement. La restitution, toutefois, reste sujette

    caution. Lditeur, en guise de commentaire gographique, ren-voyait juste titre aux Ethnika dtienne de Byzance : , 24. Cest sous la mme forme, Rhodia, que la cit fi gure dans la Gographie de Pto-lme25. Cependant son ethnique, anciennement selon tienne de Byzance, na jamais t comme celui de la cit de Rhodes. On trouve gnrale-ment lethnique form sur le nom de la cit en usage lpoque impriale, le compos (ou plutt juxtapos) Rhodiapolis26. Mais la variante est galement cor-

    recte (comme de ) et dj atteste27. Cest pourquoi je prfre restituer Salone (en soulignant les lettres du fragment conserv) :

    22. F. BULI, BD 29, 1906, p. 182 (do ael 1986, p. 227, no 2248). Dimensions de lensemble 16 x 24 x 8 cm. Lettres 4,6 cm.

    23. Buli dcrit dj les lettres de la dernire ligne comme mancanti e incerte . On reconnat cependant lalpha de [], ce qui exclut lethnique [].

    24. tienne de Byzance, d. Meineke, p. 546, 6 : , . , . Ces ethniques fminin et masculin, plausibles date ancienne, nont pas dattestation documentaire.

    25. Ptolme, Geographia, V, 3, d. C. Mller, II, p. 843, 11.26. Sur son plus fameux citoyen, le grand vergte Opramoas, voir Chr. KOKKINIA,

    Die Opramoas-Inschrift von Rhodiapolis, Bonn, 2000. 27. CIG III 4324. Rhodes, IG XII 1, 383 ( ).

    Fig. 2. pitaphe dun Lycien de Rhodiapolis (phot. 1986)

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    [- - -] | [ ]| []|[] [ - -](Tombe de ), fi ls dpikttos, de Rhodiapolis de Lycie ().

    Un dernier tmoignage complte la srie des Lyciens Salone : lpi-taphe de lesclave Kalotychos, originaire dAntiphellos, aujourdhui Ka sur la cte sud de la Lycie un peu lOuest de Myra28.

    | | | | .Kalotychos, esclave, originaire dAntiphellos, ayant vcu 23 ans je re-

    pose ici. Publie en 1873, disparue ensuite, linscription na gure retenu lat-

    tention29. Ce Kalotychos porte un nom de bon augure, correspondant au fminin Kaltych30 mais moins rpandu que ce dernier31. Bien quil sagisse ici dun esclave, le nom est attest en Lycie mme pour des ci-toyens32. Il est donc probable que notre Kalotychos sappelait ainsi avant darriver Salone.

    III. PITAPHE DUN MDECIN DHYPAIPA, IIe-IIIe S. (fi g. 3-4)Partie gauche dune face de sarcophage, mutile droite et en bas.

    Lpitaphe est inscrite dans une tabula ansata, dont lanse gauche est or-ne dun fl euron. Le sarcophage appartient au type dit standard , dont lusage est devenu gnral Salone au IIIe sicle33. Cependant, compte tenu de son inscription, celui-ci pourrait tre un peu plus ancien, probable-ment entre 150 et 250.

    De provenance indtermine, la pierre est conserve Split, dans la galerie lapidaire entourant la cour du muse. Copie 1980, phot. 1986, es-

    28. La ville a longtemps gard son nom antique, devenu en turc Antifl i, avant dtre rebaptise Ka : cf. TIB 8, p. 440-442, Antiphellos.

    29. GLAVINI, MZK, Neue Folge, 1, 1875, p. II, no 3. Le nom de Kalotychos nest pas rpertori par Alfldy 1969.

    30. Le latin Caletyche est particulirement frquent Rome, le plus souvent pour des esclaves ou des affranchies (H. SOLIN, Die griechischen Personennamen in Rom, 2. Au-fl age, Berlin - New York, 2003, I, p. 103-104), mais Kaltych est rare dans lpigraphie grecque (3 exemples sur le site epigraphy.packhum.org). Les noms plus anciens Kallity-ch et Kallitychos subsistent paralllement ces formations tardives. Le fminin Calotyce ( Rome, ICUR, n. s., I, 994 et 2907) ne semble pas attest en grec.

    31. Le Lexicon of Greek Personal Names enregistre en Attique un seul Kalotychos (IG II2 13165), un seul autre en Asie Mineure occidentale (Cyzique).

    32. Cf. TAM II 176, 208 et 230. Dautres Kalotychos, de condition libre galement, Amorgos : IG XII 7, 239, 308 et 373.

    33. Voir en particulier, pour les sarcophages de Manastirine, la typologie dfi nie par N. Cambi, Salona III, Rome Split, 2000, p. 227-257.

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    tampage 2000. Dimensions non releves. Hauteur des lettres : 3,5 cm la l. 1, puis 3 cm.

    Apparemment indite.

    () [ cognomen] () [ ] [ ]4 [ ] () [ ] [ [8 [

    La restitution de lpi-taphe se heurte plusieurs incertitudes. La longueur des lignes est indtermi-ne. La nomenclature de la l. 1 exige au moins un cognomen, mais elle pour-rait tre plus dveloppe si linscription occupait toute la longueur de la tabula ansata. Dautre part, des deux personnages nom-ms aux l. 1 et 5, lun doit tre lauteur de lpitaphe, lautre le dfunt ; faute de

    dsinence casuelle, on ne peut dcider srement qui est nomm le pre-mier car les deux formules sont galement courantes34. Nous avons ci-dessus opt pour lordre nominatif + datif, sans que lordre inverse soit pour autant exclu. Il nest pas impossible non plus, dans lhypothse de lignes suffi samment longues, quaprs le bouleute des lignes 1-2 ait t mentionn aux lignes 3-4 un second personnage. Cest donc non sans rserves que nous attribuons les l. 1-4 un ddicant unique, et les l. 5-8 un dfunt unique.

    34. Pour nous limiter lpigraphie salonitaine de la mme poque, citons IGR I 551 (R. EGGER, Forschungen in Salona III, p. 150-151, no 11), o le dfunt est dabord nomm au datif, suivi de ses hritiers au nominatif ; inversement, CIL III 2227 : .

    Fig. 3. Sarcophage de Publius Calvisius(phot. 1986)

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    Quoi quil en soit, le ddicant et le dfunt taient apparents, peut-tre pre et fi ls, daprs le prnom et le gen-tilice qui leur sont communs. Bien que leur cognomen manque ou soit incom-plet, on peut affi rmer que leur famille devait la citoyennet romaine P. Cal-visius Ruso, proconsul dAsie sous Do-mitien (92-93)35, comme cest le cas dautres Publii Calvisii dj connus dans cette province36. Daprs la l. 3, cette famille tait apparemment ori-ginaire de la cit lydienne dHypaipa, dans la province dAsie37. Elle poss-dait donc la citoyennet romaine depuis le proconsulat de Calvisius Ruso, la fi n du Ier sicle, mme si linscription qui nous intresse nest probablement pas antrieure aux annes 150-250. Le premier personnage mentionn tait, en mme temps que citoyen romain, membre de la boul de sa cit dorigine. Sagit-il dHypaipa ? ce nest pas certain car, entre le titre de bouleute et

    35. Outre PIR2 C 350, voir notamment W. ECK, Senatoren von Vespasian bis Ha-drian, Mnchen, 1970, p. 84 et 143 ; R. SYME, ZPE 56, 1984, p. 173-192. Le proconsul Calvisius Ruso, jusque l confondu avec Calvisius Ruso Iulius Frontinus (gouverneur de Cappadoce-Galatie en 104-107, cf. P. R. FRANKE, Chiron 9, 1979, p. 379-380), doit en tre distingu comme la montr G. DI VITA-VRARD, dans Epigrafi a juridica romana, Pampelune, 1989, p. 169-174. Je remercie F. Brard et F. Chausson davoir, chacun, attir mon attention sur ce point.

    36. Voir en ce sens E. GROAG, PIR2, C 350 : Per eum videntur civitatem nacti esse Publii Calvisii, qui nominantur in t(itulis) Asiae et Galatiae. On relve en Asie, aux environs de Magnsie du Sipyle, un . , prophte dApollon Pandnos (TAM V 2, 1411) ; un , auteur dune ddicace la Mre des Dieux Plastn (ibid., 1353). Pergame, dans la liste I. Pergamon II, 571, un et un . Un fut ambassadeur de Per-game auprs dHadrien : W. DITTENBERGER, OGI 484, 5 ; J. OLIVER, Greek Consti-tutions of Early Roman Emperors, Philadelphia, 1989, no 84, 5.

    37. Un recueil provisoire des inscriptions dHypaipa est donn par R. MERI et alii, Die Inschriften von Ephesos VII 2 (1981), p. 340-400. Ltude de L. ROBERT, Revue nu-mismatique 18, 1976, p. 25-48 ( Types montaires Hypaipa de Lydie ) porte principa-lement sur le culte dAnatis, lArtmis Persique, son iconographie de tradition iranienne et le concours local des Artemisia.

    Fig. 4. Sarcophage de PubliusCalvisius (estampage 2000)

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    lethnique de cette cit, la lacune de la ligne 3 reste problmatique. Il se pourrait que le personnage ait t citoyen de deux cits, dont Hypaipa serait la seconde, et bouleute seulement dans la premire. Le mme Cal-visius, semble-t-il, exerait la fonction de mdecin-chef, 38. On sait que ce titre, surtout frquent dans les inscriptions dAsie Mineure au IIe et au IIIe sicle, dsigne dordinaire un mdecin municipal nomm par la boul39. Dautres inscriptions confi rment que cette fonction ntait pas incompatible avec le statut de bouleute40.

    SAETAK - SUMMARIUM

    GRCI IZ MALE AZIJE U RIMSKOJ SALONIGrki natpisi Salone svjedoe o vezama istonih provincija s Dalmacijom u

    doba ranoga Rimskog carstva. Od tih natpisa, koji su dosad nepotpuno objavljeni, ovdje se objavljuju tri nova ili proitana na novi nain. Br. 1, iz vrste komemo-rativnih, dala je uklesati skupina pomoraca iz grada Mire, u Liciji. Epitaf br. 2 precizira podrijetlo osobe iz Licije, iz grada Rodiapolisa. Sarkofag br. 3 je od obitelji, podrijetlom iz Hipaipe, Publii Calvisii, koja je dobila rimsko graanstvo od prokonzula Azije u vrijeme Domicijana, koji se zvao Calvisius Ruso.

    38. Variante correcte, ct de la forme courante . 39. Voir V. NUTTON, Papers of the British School at Rome 45, 1977, p. 191-221 ; .

    SAMAMA, Les mdecins dans le monde grec, Genve, 2003, p. 42-45, dnombre parmi les 525 mdecins de son recueil pigraphique 85 archiatroi, dont 66 pour le IIe et le IIIe s.

    40. Voir SAMAMA, op. cit., nos 250 (Hracle de Carie) ; 298 (Sbast de Phrygie) ; 334 (Antioche de Pisidie).