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1 Congrès international de l’IISA , 2012, Mérida, Yacatan-Mexique - 18 – 22 juin 2012 Les priorités socioéconomiques et administration publique Sous thème : la gouvernance démocratique en vue du développement socioéconomique Titre de la communication : « Quelle évaluation des politiques publiques (EPP) et des systèmes de gouvernance au Maghreb à l’horizon du XXIe siècle à la lumière du Printemps Arabe ? » - Prof.Mohamed Harakat - Professeur de gouvernance et de finances publiques – Université Mohammed v – souissi – Rabat – Maroc Directeur fondateur de la Revue marocaine d’audit et de développement Président du Centre international des études stratégiques et de gouvernance globale 00212661202500 BP 288 – Rabat – Ville CP 10000 – Rabat (Maroc) [email protected] [email protected] - Madame Dasser Amina - Membre de l’ONG l’Association Marocaine de prévention de la Cécité – Rabat – Maroc 0021266074869

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Congrès international de l’IISA , 2012, Mérida, Yacatan-Mexique - 18 – 22 juin 2012

Les priorités socioéconomiques et administration publique

Sous thème : la gouvernance démocratique en vue du développement socioéconomique

Titre de la communication :

« Quelle évaluation des politiques publiques (EPP) et des systèmes de gouvernance au Maghreb à l’horizon du XXIe siècle à la lumière du Printemps Arabe ? »

- Prof.Mohamed Harakat -

Professeur de gouvernance et de finances publiques – Université Mohammed v – souissi – Rabat – Maroc

Directeur fondateur de la Revue marocaine d’audit et de développement

Président du Centre international des études stratégiques et de gouvernance globale

00212661202500

BP 288 – Rabat – Ville CP 10000 – Rabat (Maroc)

[email protected]

[email protected]

- Madame Dasser Amina - Membre de l’ONG l’Association Marocaine de prévention de la Cécité – Rabat – Maroc

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Plan de la communication

Introduction

1 – Intérêt de la communication

2 – Problématique

3 – Méthodologie

4 - Objectifs de la communication

I – Définition, richesse sémantique et enjeux de l’évaluation

II – Fondements et indicateurs universels de mesure des politiques publiques et des systèmes de gouvernance

1 – Pertinence de l’analyse des fondements et des indicateurs de mesure des politiques publiques et des systèmes de gouvernance

2 - Importance du débat sur les rapports entre transparence et gouvernance gouvernementale

3 – limites des techniques traditionnelles de mesure adoptées dans l’EPP dans la dynamique de l’émergence des indicateurs du bien être durable

III – Etat des lieux de l’évaluation dans les pays maghrébins

IV – Contraintes et perspectives de l’EPP et des systèmes de gouvernance dans les pays maghrébins

1 – Contraintes afférentes au manque de vision stratégique de la gouvernance cognitive

2 - Crise de réflexion stratégique et des Think Tanks dans la formulation des politiques publiques et l’animation du débat dans les pays arabes

3 – Faiblesse de la gouvernance parlementaire et des instances de contrôle supérieur des finances publiques

V - Dix commandements susceptibles de contribuer à la consolidation de la culture de gouvernance ouverte démocratique et humaniste dans les pays arabes à l’horizon du XXIe siècle.

Conclusion

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“Mesurer le progrés des societiés (…) est devenu fondamental pour le développement et la prise de decision publique en géneral.Améliorer la qualité de nos vies doit etre l’objectif ultime des politiques publiques .Cependant, ces derniéres ne peuvent porter véritablement leurs fruits que si ells s’appuient sur des outils fiables permettant de mesurer l’amélioration qu’elles visent à apporter à nos conditions de vie”

Angel Gurria, Sécrétaire général de l’OCDE1

"Plus on connaît, plus on aime."

Léonard de Vinci

Introduction

A l’heure de la crise l’évaluation des politiques publiques (EPP) et des systèmes de gouvernance constituent une condition fondamentale des réformes stratégiques susceptible de contribuer à l’accomplissement des Objectifs Millénaires du Développement dans tous les pays du monde.

Dans les pays arabes plus particulièrement le principal défi consiste à améliorer la gouvernance ouverte2 et stratégique en vue du développement socioéconomique et de l’éradication de la pauvreté, au regard de la forte corrélation entre gouvernance démocratique et gouvernance économique et cognitive3. L’apport de l’EPP et des programmes de développement est appréciable à ce processus si elle est basée pratiquement sur des mesures fiables et pertinentes d’évaluation.

A titre d’exemple les classements et les indicateurs économiques et sociaux, utilisés dans le discours de la communauté internationale (Banque Mondiale Fonds Monétaire International, l’Union européenne), et les autorités tunisiennes, jusque en 2010 montrent la Tunisie comme un modèle économique et social voire un « miracle économique » à suivre dans toute la région de la rive sud de la méditerranée.

De même le rapport du Forum Economique Mondial de Davos (2009-2010) a fait de la Tunisie « dragon de la région» le « premier pays en matière de compétitivité globale, de disponibilité des scientifiques, des ingénieurs et des technologies les plus récentes, de qualité de ses institutions de

1 Communication au forum de l’OCDE ,24 mai 2011, Paris 2 Consulter A.Meijer, D.Curtin et M.Hillbrand « la gouvernance ouverte : relier visibilité et

moyen d’expression » in n° spécial « la transparence gouvernementale" RISA n°1, Mars 2012,13 et s

3 UNESCO Science Report 2010 : The current status of Science around the world – UNESCO Publishing p.250 -278

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recherche scientifique, des infrastructures et des lois encourageant les investissements directs étrangers » 4.

La révolution sociale qui a secoué le régime a remis en cause ce discours. Et a montré que ce dernier « est purement politique, et par conséquent, la mesure du développement économique et social en Tunisie est fortement biaisée, car elle est basée sur une évaluation « sur mesure » des politiques publiques qui manque d’objectivité5 ».

I – Intérêt de la communication :

À l'ère de la mondialisation, des soulèvements populaires dans le cadre du « Printemps arabe » et des crises où le capitalisme d’Etat revient en force l'évaluation stratégique et démocratique de l’action publique revêt aujourd’hui une importance cruciale tant dans le processus de son élaboration, que sa conduite et son évaluation.

L’évaluation émancipée, objective, pragmatique, indépendante et participative des systèmes de gouvernance n’est pas du tout inconnue à l’échelon des organisations internationales (Nations unies, Banque mondiale, FMI, Union européenne, OCDE), des Etats, des collectivités locales, des ONG, des citoyens et des universités.

Or les pays arabes n’ont pas une culture ou une tradition bien établie de l’EPP et des systèmes de gouvernance d’une manière plus large. L’inculcation de nouvelles valeurs partagée de l’évaluation dans la société est un projet de longue haleine.

A l’horizon du XXIe siècle ces pays devront élaborer une vision stratégique et cohérente de leurs priorités socio économiques ainsi que leur processus de son évaluation continue.

L’EPP s’inscrivant dans l’espace de la « bonne gouvernance située » et « ouverte » ne peuvent être menées à terme sans l’adoption d’une nouvelle stratégie participative d’évaluation (des projets, des programmes, des actions, des politiques , des compétences et des risques) en termes de coût , d’ avantage , de performance , de convergence et de transparence6 .

4 Mohamed Tlili HAMDI « La remise en cause du discours du « miracle économique » et la

révolution sociale en Tunisie: s’agit-il d’un problème d’évaluation des politiques publiques ? in 12e colloque international « évaluation des politiques publiques et du système de gouvernance au Maghreb » Rabat ,25 – 26 Janvier 2012, REMA 33

5 Ibidem 6 Abdelkader Berrada « politique que fiscale et déficit persistant de transparence et de performance: le cas du Maroc (I) communication au 12e colloque international « évaluation des politiques publiques et du système de gouvernance au Maghreb » Rabat ,25 – 26 Janvier 2012, REMA 33/2012

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L’efficacité, l’efficience et la performance des institutions publiques constituent la base solide de la mise en œuvre des priorités socioéconomiques d’où l’intérêt de ce projet.

II – Problématique :

L’évaluation n’est pas seulement un acte méthodologique ; c’est une posture à la fois technique, politique et culturelle. Car elle envoie aux valeurs culturelles et partagées par nos sociétés7.

L’émergence de l’évaluation globale des systèmes de gouvernance ouverte à l’horizon du XXIe siècle dans les pays arabes s’accompagne d’un défi de taille. Elle a un rapport étroit avec les apprentissages acquis et la nature des projets et politiques de développement envisagés dans ces régions( attentes des citoyens et exigences de la génération face book et twitter , partenariat économique, paix sociale, processus démocratiques, violence ) qui se heurte notamment à un déficit institutionnel et stratégique de taille.

Quels sont les fondements et les indicateurs universels de l’EPP et des systèmes de gouvernance ?

Quel est l’apport de la bonne gouvernance et ouverte à la croissance économique ? Peut-on assurer la croissance économique en l’absence de bonne gouvernance ?

Quelles sont les contraintes et les perspectives de l’évaluation dans les pays arabes à l’horizon du XXIe siècle ?

III – Méthodologie

Les taches assignées actuellement à l’EPP sont de plus en plus nombreuses et complexes. Il s’agit d’une démarche transdisciplinaire cognitive (fondée sur la connaissance et le savoir), pédagogique, créative, constructive, interactive.

C’est une logique constante d’intelligence collective. Il ne s’agit pas d’une entreprise de « spectacle public » mais d’intelligence émancipée et partagée. Elle est au cœur de la nouvelle citoyenneté. « Evaluer c’est évoluer ».

Notre projet adopte une démarche déductive inductive à la fois analytique et pragmatique fondée sur l’étude de cas à la lumière du Printemps arabe et ses révélations en matière de la réforme des institutions de l’Etat notamment dans le domaine de l’instauration des instances de gouvernance et d’EPP à l’horizon du XXIe siècle.

IV - Objectifs de la communication :

Produit d’une exigence démocratique, l’évaluation tente à promouvoir, sur une base plus large, le débat et le dialogue social, au tour des systèmes de gouvernance et des politiques publiques ; d’où

7 A.Fouquet ,L.Méasson –« Policy and program evaluation in Europe :culturees and prospects » l’Harmattan ,Paris,

2009,p.16

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la clarté de son projet de changement sociétal. Cette approche se démarque nettement par l’originalité de sa méthodologie basée sur une vision systémique découlant des principes de la recherche scientifique transdisciplinaire8.

L’EPP consiste à apprécier ex post les effets réels d’une politique publique (moyens mis en œuvre, réalisations, effets prévus et non prévus produits dans le public...) en termes de modifications de comportements et de représentations.

Cette communication consiste à :

- A définir et à démontrer la richesse sémantique et enjeux de l’évaluation ;

- Examiner selon une approche analytique et comparative les fondements et les indicateurs universels de mesure des politiques publiques et la dynamique d’institutionnalisation d’indicateur alternatifs ;

- Faire l’état des lieux de l’EPP, à la lumière de l’expérience marocaine et tunisienne de réforme institutionnelle connue par ces deux pays ;

- Préciser les contraintes et les perspectives de développement d’une culture d’EPP dans le processus de l’EPP , dans les pays arabes à la lumière du printemps arabe, en tant que levier démocratique du XXIe siècle ;

- Présenter dix propositions dites « dix commandements » susceptibles de contribuer à la consolidation de la culture de gouvernance ouverte démocratique et humaniste9 dans les pays arabes à l’horizon du XXIe siècle

I – Définition, richesse sémantique et enjeux de l’évaluation

La richesse sémantique de l’EPP suscite de nombreuses interrogations et paradoxes : s’agit- il d’une nouvelle méthode de dépassement de la théorie classique de contrôle des finances publiques ou plutôt d’une simple transposition de cette théorie à l’espace de l’Etat? Ou enfin une exigence démocratique permettant, d’inculquer et diffuser de nouvelles valeurs et cultures universelles des droits de l’homme telles qu’elles sont reconnues et définies à l’échelon universel ?

Quel est son apport à l’évaluation de la gouvernance ouverte et aux projets de développement ?

Aujourd’hui l’EPP est en plein développement dans les démocraties modernes dans le monde entier. A cet égard, les organisations

8 Notre ouvrage « Les finances publiques et les impératifs de la performance : le cas du Maroc », l’ Harmattan,

Paris, 2011, p.303 9 M.Harakat « quelle université pour le XXIe siècle :la gouvernance cognitive et démocratique, une chance pour le

Maroc » Préface de A.Berrada,Almaarif, Rabat, 2011

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internationales (Banque mondiale, Commission européenne) lui accordent un intérêt particulier dans leurs recommandations et études.

Les modèles d’EPP sont multiples. Le GAO (government accountabily office) aux USA « est un outil au service du Congress”. Le GAO en tant que Institution supérieure de controle (ISC) consiste à aider « the Congress in meeting its constitutional responsibilities and helps improve the performance and ensure the accountability of the federal government for the benefit of the American people. GAO‘s work includes oversight of federal programs; insight into ways to make government more efficient, effective, ethical and equitable; and foresight of long- term trends and challenges. GAO’s reports, testimonies, legal decisions and opinion make a difference for Congress and the Nation”10.

Au Royaume –Uni Le cabinet Office fait des évaluations et le « National Audit Office » est un superviseur des comptes. En Suisse c’est la commission d’évaluation des politiques publiques qui propose des solutions visant à rendre l’action de l’Etat plus efficace aux fonctionnaires.

L’EPP est une démarche cognitive et pédagogique. Elle utilise le maximum de connaissances appropriées en vue de les mettre en débat pour améliorer la gouvernance ouverte dans les démocraties11.

Fondée sur des principes de transparence, pluralisme, rigueur scientifique et indépendance, l’EPP consiste à « explorer et à utiliser les méthodes rationnelles de recherches systémiques pour constater et apprécier les effets directs et indirects d’un programme, d’une politique ou d’une action publique sur la population, par rapport aux objectifs fixés ou implicites et aux moyens mis en œuvre »12. Dans cette perspective, « il ne s’agit pas seulement de regarder ce qui se passe à l’intérieur des organisations publiques, il s’agit de regarder dans quelle mesure ces organisations modifient et préservent leur environnement, modifient ou préservent la société comme on l’attend d’elles ?»13.

Les pays arabes ne dispose pas encore d’une tradition ou d’une culture de l’évaluation14 L’évaluation doit dans nos jours confronter les réalités nouvelles des sociétés démocratiques complexes et en pleine mutation. Ainsi, s’il doit y avoir transparence dans l’action de l’Etat l’évaluation doit constituer, à ce titre, un outil incontournable ou même la clef de la gouvernance ouverte. Le mouvement qui se dessine en faveur de l’EPP est menacé par certains risques d’imprécision:

10 http://www.gao.gov 11 Finances publiques et les impératifs op.cit. p.231 12 J-P.Nioche et R.Poinsard « l’Evaluation des politiques publiques »Economica,1984 13 J-P.Nioche « De l’évaluation à l’analyse des politiques publiques »RFSP V.32n°1 ,février 1982 14 « L’évaluation de l’action publique : piste pour un débat– Fondation Abderrahim Bouabid Freideric Ebet –

2004-

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D’abord les textes officiels français relatifs à l’évaluation parlent toujours de l’EPP .Les textes anglo-saxons en revanche, énoncent le plus souvent l’évaluation de programmes. Ensuite le concept évaluation est utilisé généralement dans des acceptions très diverses. A cet égard plusieurs instances se réclament du concept, mais plus au sens de l’analyse d’appréciation ou de contrôle que de celui d’une véritable mesure ex post et d’identification de causalité. Le troisième risque tient à la diversité de l’objet évalué et des méthodes élaborées. Le quatrième risque tient aux ambitions de l’évaluation qui veut être à la fois un instrument d’information et un instrument de consensus social propre à favoriser le développement participatif et la résolution des conflits dans ce sens elle s’approche de la gouvernance.

Selon le Bureau du Vérificateur Général du Canada l’évaluation permet d’examiner la raison d’être du programme évalué, les effets qu’il produit sur le public et sa rentabilité par comparaison avec d’autres moyens d’exécution. Concernant Nicole et Poinsard « évaluer une politique s’est efforcé d’apprécier de façon valide ses effets réels. Une politique publique est une séquence d’action comportant la production d’une réponse plus ou moins institutionnalisée à une situation jugée problématique. Les effets de cette politique peuvent être repérés à différents niveaux : les moyens mis en œuvre, les réalisations obtenues, les effets prévus et non prévus produits dans le public, notamment en termes de modification des comportements et des représentations ».

En l’occurrence, l’EPP peut être définie d’une manière très large comme une approche d’aide au pilotage et à la prise de décision stratégique fondée sur la connaissance et le savoir. L’EPP sera meilleure si elle s’appuie sur le citoyen dans la production de cette connaissance ou indirectement sur un parlement évaluateur.

L’évaluation est au cœur de la nouvelle citoyenneté et des besoins du dialogue politique. A cet effet, les politiques publiques ne devraient pas tomber « d’en haut » sur des bénéficiaires « consommateurs usagers simples ou passifs ». Dans ce sens, elle peut être approchée comme une composante d’un mouvement social de développement du pragmatisme et pas seulement comme « un pur substitut aux études ou rapports d’inspection ou de contrôle ». Dans cette acception, l’EPP constitue une activité de nature institutionnelle qui a vocation à s’intégrer à la gestion publique et au fonctionnement du système politique dans sa globalité. C’est une voie d’émancipation de l’EPP. Certes, la société fondée sur la connaissance fera en plus de la connaissance un facteur de performance, de compétitivité et de qualité de vie pour les citoyens. La responsabilité des élus et des assemblées locales assument une grande responsabilité dans l’institutionnalisation de l’EPP et le développement de la culture de performance dans une période de crise.

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II – Fondements et indicateurs universels de mesure des politiques publiques et des systèmes de gouvernance

L’évaluation dans tous les pays permet sommairement de répondre à des impératifs et des missions diverses : techniques, scientifiques, politiques et humaines d’où l’importance de s’assurer de la fiabilité de ses fondements de mesure.

Les objectifs de l’analyse des fondements de mesure et d’EPP sont multiples et se chevauchent avec les principes et les bonnes pratiques de transparence et des systèmes de gouvernance gouvernementaux.

1 – Pertinence de l’analyse des fondements et des indicateurs de mesure des politiques publiques et des systèmes de gouvernance

L’EPP et des systèmes de gouvernance constituent deux outils fondamentaux de la transparence gouvernementale. La transparence est encore passée à la vitesse supérieure depuis que Wikileaks a gagné l’attention des médias du monde entier en soumettant le gouvernement à un contrôle externe15.

La transparence peut être définie par le fait de « mettre à la disposition du public sans réserve l’information sur la structure et les fonctions des administrations publiques, les visés de la politique des finances publiques, les comptes du secteur public et les projections budgétaires »16.

En fait il existe une corrélation étroite entre la transparence (système de reddition des comptes) et la qualité de la gouvernance. Les études opérées par Kaufmann (2005) suggèrent que la transparence est associée à de faibles niveaux de corruption, à de meilleurs niveaux socio économiques et de développement humain.

Selon le code du FMI sur les bonnes pratiques en matière de transparence des finances publiques quatre principes régissent cette transparence qui sont d’abord la définition claire des attributions et des responsabilités. Ensuite l’accès du public à l’information. Enfin la qualité d’information et en définitive la garantie d’intégrité17 .

2 - Importance du débat sur les rapports entre transparence et

gouvernance gouvernementale

Dans les pays arabes, le débat sur la transparence gouvernementale demeure fragmenté et les conceptualisations solides y font défaut. Les travaux théoriques réalisés sur la transparence depuis peu sont le produit des organisations

15 A. Meijer « Introduction au numéro spécial sur la transparence gouvernementale » - Revue internationale des

sciences administratives n° 1,Mars 2012 , P.5 16 M. Harakat « Les finances publiques et les impératifs de la performance : cas du Maroc »,l’ Harmattan, Paris ,

2011,p.53 17 Ibidem

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internationales, la société civile18 la presse ou des chercheurs ayant apporté leur pierre de manière individuelle19. Or en dépit de leur pertinence ces travaux n’ont pas encore débauché sur la vulgarisation de connaissance commune et certains parmi eux ne sont pas connu du public ou cité parmi les groupes internationaux importants de recherche20 . Ce manque de conceptualisation suffisante est à l’origine de la grande confusion dans les débats théoriques sur la transparence et des malaises de l’EPP et des systèmes de gouvernance. Ce qui ne favorise pas à ce jour l’émergence d’un domaine de recherche indépendant en matière de gouvernance ouverte21.

La gouvernance ouverte telle qu’elle est définie par A.Meijer, D.Curtin et M.Hillbrand est une nouvelle approche de transparence tenant compte22 :

- des relations synergétiques ou complémentaires entre transparence et participation par le biais de la publication sur internet des informations sur l’action de l’Etat ;

- des effets directs et indirects ;

- des différents effets souhaités ;

- de l’apprentissage des effets secondaires d’une action publique ;

- de sa contribue à l’instauration d’une démocratie plus solide et à une citoyenneté plus active ;

- de la pertinence de son analyse multidisciplinaire.

3 – Limites des techniques traditionnelles de mesure adoptées dans l’EPP dans la dynamique de l’émergence des indicateurs du bien être durable

L’indicateur central sur la base duquel les sociétés développées formulent leurs jugements globaux de progrès ou leurs inquiétudes face à l’avenir est toujours l’indicateur de croissance économique, c’est

18 Consulter à cet effet notamment : - « Reddition des comptes et comptabilité dans les pays arabes : fondements législatifs et mécanismes ».The

Arab Anti corruption Organization (en arabe ), Liban, 2007 - « Le contrôle des finances dans les pays arabes » The Arab Anti corruption Organization (en arabe ), Liban,

2009 - « Le régime de l’intégrité arabe et la lutte contre la corruption » Transparency International, (En arabe) Liban

,2007 - 19 consulter certains de nos ouvrages :

« le droit du contrôle supérieur des finances publiques au Maroc » , Babel ,Rabat 1992 « L’audit dans le secteur public au Maroc : cas de la cour des comptes »,Babel , Rabat 1994 « le contrôle supérieur des finances publiques au Maghreb » publication de la REMA , 2000 et les diverses « Publications de la REMA – 1993 – 2012

« Les finances publiques et les impératifs de la performance : le cas du Maroc,l’ Harmattan, Paris 20 Tels qu’ils sont mentionnés par Albert Meijer dans l’introduction de la RISA , Mars 2012 p.6 et7 21 Ibidem 22 Voir l’étude des auteurs « La gouvernance ouverte : relier visibilité et moyen d’expression » in RISA , Mars

2012,pp.13 - 32

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à dire celui qui mesure les variations du PIB (Produit intérieur brut), pivot central de la comptabilité nationale23.

Il ne reste pas moins que cet indicateur fait toujours l’objet de critiques d’acteurs « contestataires » multiples. Mais ces critiques ont eu assez peu d’impact, au moins sur l’institutionnalisation d’indicateurs alternatifs.

Il existe d’autres raisons permettant de rendre cette relative impuissance de la critique résidant dans la faiblesse scientifique ou méthodologique des nouveaux indicateurs proposés ces dernières années. Or, en dépit des limites des propositions on assiste depuis quelques années à d’authentiques avancées24.

Il s’agit de savoir si les nouvelles innovations de mesures vont s’imposer et si elles accéderont à un statut social et scientifique d’une grandeur comparable25 à celle de l’indicateur de croissance économique ?

l’EPP est conçue comme une démarche méthodique visant à mesurer les résultats et évaluer les impacts sur le vécu de la population. Le PIB en tant que l’indicateur le plus utilisé par les organisations internationales a fait l’objet de critiques acerbes tant de la part des experts que des hommes d’Etat.

En fait l’approche de mesure par le PIB, dont l’utilisation fut universelle n’arrive pas à enregistrer l’ensemble des biens et services produits ; d’où les critiques sur la fiabilité de ses chiffres dans le processus de l’EPP et des systèmes de gouvernance26.

Le PNUD pour manifester que la mesure du développement ne peut être réduite au PIB , avance depuis 1990 l’indice de développement Humain (IDH) grâce au travail de l’économiste pakistanais Mahbub Ul haq (1934 – 1998) .Il s’agit d’un indicateur composite qu’est la moyenne de trois indicateurs pondérés de façon égale :

- la longévité, mesurée par l’espérance de vie à la naissance ;

- Le niveau d’éducation, mesuré à partir du taux d’alphabétisation des adultes (2/3) de l’IDH et du taux haut de scolarisation (tous niveaux d’étude confondus (1/3 de l’IDH) ;

- Le niveau de vie (richesse), mesuré par le PIB réel corrigé par habitant.

Le rapport du PNUD , au titre de l’année 2009, sur l'Indice de développement humain (IDH)27montre que sur 182 pays membres de l’ONU classées, le Maroc arrive en 130e position et perd quatre places par rapport à 2008, où il était 126e.

23 .Gadrey F.J – Catrice « les nouveaux indicateurs de richesse » la Découverte, Paris, 2007,p.3 24 Ibdem p.4 25 Ibidem 26 Notre ouvrage « Finances publiques et les impératifs de la performance » opcit.p.41 27 « Lever les barrières : mobilité et développement humains»

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Le PNUD a par ailleurs prévenu que la crise « devrait avoir des répercussions massives sur les résultats en matière de développement humain dans de nombreux pays ». Il faudra donc s'attendre certainement à de plus mauvais résultats dans les années à venir. L'IDH pour le Maroc, en 2009, est 0,654, ce qui donne au pays la 130e position sur 182 pays. Dans la région MENA, le Maroc vient après le Koweït (31e), le Qatar (33e), les Emirats arabes Unis (35e), le Bahreïn (39e), la Libye (55e), Oman (56e), l’Arabie Saoudite (59e), le Liban (83e), la Jordanie (96e), la Tunisie (98e), l’Algérie (104e), la Syrie (107e), les territoires palestiniens (110e) et l’Egypte (123e). Au niveau du Maghreb, le Royaume précède seulement la Mauritanie (154e). Enfin sur le plan continental, l’île Maurice (81e), le Gabon (103e), la Guinée équatoriale (118e), le Cap-Vert (121e), le Botswana (125e), la Namibie (128e) et l’Afrique du Sud (129e), devancent tous le Maroc. Ce classement a fait couler beaucoup d’encres dans la presse nationale. Le Maroc a officiellement rejeté la position qui lui avait été attribuée. Le Haut commissariat au plan (HCP) conteste les méthodes de calcul du PNUD, appelant l’institution onusienne à actualiser ses données. le Ministère des affaires étrangères et de la coopération affirmait qu’« à l’heure où l’Union Européenne décide de faire confiance au Maroc à travers un Statut Avancé, et à l’heure où la Banque Mondiale et le FMI se félicitent de la politique macro-économique suivie par le Maroc, nous constatons avec regret que le PNUD continue dans sa tentative d’établir un classement mondial en adoptant un indice incomplet et statistiquement non fiable, qui se base seulement sur trois critères : le PIB par tête d’habitant, la santé à travers un seul agrégat et l’éducation en donnant davantage d’importance à la question de l’analphabétisme ». Faut - il remarquer sur ce plan que le Maroc n’est pas le seul payer à contester son classement. Beaucoup de pays dits à « faible développement humain » protestent contre leur rang28 Ainsi sans surprise, l’IDH est corrélé au revenu par habitant. Il est aujourd’hui question de compléter le PIB et l’IDH par une batterie d’indicateurs prenant en compte l’environnement (biodiversité, rejet de gaz à effet de serre, utilisation de l’eau potable). A cet effet, on a assisté depuis 1994 à une floraison d’initiatives en la matière dans de nombreux pays : le canada, l’Allemagne, le Royaume – uni, l’Autriche, les Pays Bas et la Suède. Les organisations internationales fournissent également une source appréciable sur le développement des indicateurs environnementaux A titre d’exemple parmi, les innovations apportées par l’Indice de bien économique durable (IBED) on trouve trois révisions, qui concernent respectivement le traitement des inégalités de revenus, l’évaluation des dommages liés au réchauffement climatique, et le coût de destruction de la couche d’ozone . Ces travaux sur l’empreinte écologique ont inspiré la création d’un nouvel indicateur, dernier né de la famille des indicateurs du bien

28 28 Notre ouvrage « Finances publiques et les impératifs op.cit. p.61

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être durable le plus provocateur29 d’entre eux, mis au point par la New Economics Foundation en relation avec l’ONG Friends on the Earth (Les amis de la terre) le Happy Planet Index (HPI) qui peut être traduit par « le bien être subjectif durable » Nous citons également les initiatives suivantes : - La Commission sur la mesure de la performance économique et

du progrès social constitué en France, en 2009 sous la présidence du Prix Nobel J.Stiglitz pour engager une réflexion sur « les moyens d’échapper à une approche jugée trop quantitative, trop comptable de la mesure de la performance collective »

- Communication de l’Union Européenne sur « Au delà du PIB » et l’Agenda de l’Union Européenne 2020 (2009 ,2010)

- Groupe 20 états des leaderships (Leaders statements) en 2010 et 2011 ;

- Conclusions du Conseil des ministres de l’OCDE (2010) - Bhutan – Résolution des Nations Unies sur la nouvelle

approche holistique pour le développement et le bien être au cœur des nouveaux objectifs du développement économique et social.

Sur un autre registre, on peut citer d’autres indicateurs et bonnes pratiques sur l’évaluation des systèmes de la gouvernance et de l’entreprise avancés par les nations Unies30, la Banque mondiale (rapport doing Busines ), le CNUCED, l’Union européenne ou Transparency International31

Plus récemment la conférence africaine sur la « Mesure du bien être et du progrès des sociétés » organisé par le Centre de Développement de l’OCDE et le HCP32 et tenue à Rabat le 19 – 21 Avril 2012 s’est fixé pour objectif de « réfléchir aux manières de mesurer le bien être et le progrès des sociétés , d’améliorer la pertinence des mesures et des analyses de politiques publiques et d’établir des cadres directeurs pour la préparation du 4e Forum Mondial de l’OCDE « Statistiques, connaissances et Politiques » qui se tiendra à New Delhi du 16 au 19 octobre 2012. Ce forum portera sur « le bien être pour promouvoir le développement et la mise en place de politiques efficaces » et s’appuiera sur un ensemble d’initiatives régionales dans les pays développés, émergents et en développement. III – Etat des lieux de l’évaluation dans les pays du Maghreb

29 J.Gadrey F.J – Catrice « les nouveaux indicateurs de richesse » la Découverte, Paris, 2007,p76 30 « Evaluation du systèmes de gouvernance au Maroc , suivi des progrès en matière de bonne gouvernance »

,Rapport National, Commission économique pour l’Afrique (CEA),2006 31 T.Bakari « Découvrir et comprendre la gouvernance :gouvernance publique et gouvernance

d’entreprise »L’Harmattan,2011 32 Avec la participation du partenariat statistique au service du développement à l’aube du 21e siècle (Paris 21) , la

Banque africaine de développement (BAD) et la CEA

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L’état de transparence des finances publiques dans le monde est déplorable33. Les dysfonctionnements de la gestion publique tels que le gaspillage et la corruption frappent plus ou moins lourdement, pratiquement tous les pays et très peu d’entre eux échappent à la dilapidation des fonds publics et à la corruption. En fait la corruption freine le développement économique et la lutte contre la pauvreté. La majorité des pays les plus opaques ont des caractéristiques communes. Ils sont situés pour la plupart en Afrique subsaharienne ou en Moyen –Orient, en Afrique du Nord, en Amérique du Sud, en Asie et en Europe de l’Est. Ils sont généralement dépendants de l’aide extérieure ou disposant de revenus provenant de l’exportation ressources naturelles tels que le pétrole et le gaz et souvent soumis à des régimes politique marqués par la mauvaise gouvernance. Selon l’enquête réalisée par l’International Budget Partnership (IBP), en 2008, le public n’a pas encore accès aux informations détaillées et opportunes nécessaires pour participer de façon significative au processus budgétaire et pour exiger du gouvernement qu’il rende des comptes. Ce « manque de transparence, souligne le rapport encourage les dépenses inappropriées, inutiles et liées à la corruption et -comme il exclut le public de la prise de décision- réduit la légitimité et l’impact des initiatives de lutte contre la pauvreté » Les pays arabes se référent à deux modèles essentiels de contrôle et d’EPP et des programmes de développement : le modèle francophone et le modèle anglophone. Les pays colonisés ou sous protectorat français tels que le Liban, l’Algérie, la Tunisie, le Sénégal et le Maroc, empruntent leurs structures d’évaluation du modèle français. Les pays de tradition protectorat britannique adoptent le modèle anglophone : c’est le cas des pays du Golf

Les taches et les enjeux actuels de l’EPP sont nombreux. Mais le métier demeure encore méconnu ou fragile dans les pays arabes , au Maroc en dépit des mécanismes de contrôle interne et d’évaluation de performance mises en place, dans le sens d’une plus grande responsabilisation de l’Administration on remarque la faible présence dans le débat public des « Think Tanks » producteurs de concepts, d’idées et de modèles qui alimenteraient ce débat et éclaireraient la conception et l’évaluation des politiques et des décisions publiques.

Le défi central auquel doit faire face les pays arabes à l’horizon du XXIe siècle est celui de l’appropriation sociale de l’EPP (de sa philosophie politique, sa démarche, ses enjeux démocratiques) on constatera certainement des avancements, ainsi que des situations de blocage.

33 Consulter Notre ouvrage « Finances publiques » op.cit. IBP « Ouvrir les budgets .changer la vie » Enquête sur

le budget ouvert, 2008, p.4 et P. Loïc, Panorama du contrôle des finances publiques dans le monde » In RFFP, n°101, 2008

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Les acquis sont liés notamment à l’implication effective des institutions de l’Etat tels que le Parlement, les collectivités locales, les ONG, les partis politiques, l’Université, les Think tanks , l’ entreprise en le citoyen. Les acteurs peuvent tirer un bénéfice mesurable.

L’Etat au Maroc à l’instar d’autres pays en voie de développement hésitent encore sur le choix de la procédure ou de l’organisation de l’EPP. Néanmoins la prise en compte de l’évolution de l’actualité institutionnelle et politique initiée par le mouvement du 20 février dans le sillage du Printemps arabe est importante. L’année 2011, marquée par la réforme constitutionnelle et les élections législatives, a fortement influencé l’institutionnalisation de l’EPP et des systèmes de gouvernance.

En effet la constitution du 1er juillet 2011 a consacré un ensemble de principes à l’EPP et à la bonne gouvernance (Titre XII) et notamment à la corrélation entre responsabilité et reddition des comptes tout en précisant les missions du parlement dans le contrôle et l’EPP ainsi que l’apport de la cour des comptes dans la promotion des principes de gouvernance. L’article 147 de la constitution énonce à cet effet « la cour des comptes a pour mission la consolidation et la protection des principes et valeurs de bonne gouvernance, de transparence et de reddition des comptes de l’Etat et des organismes publics »

En Tunisie la Cour des comptes semble t- il n’est pas neutre. Elle s’est efforcée avant la révolution à cautionner l’idée du « Miracle tunisien » telle qu’ elle est souligné dans le rapport annuel ,au titre de l’année 2009 qui énonce que celle-ci « s'est employée à conférer à ses travaux de contrôle l'exhaustivité requise et l'aptitude à repérer et suivre certains indicateurs du développement à l'instar du taux d'endettement extérieur et du taux du déficit budgétaire dont la maîtrise est devenue une préoccupation partagée par divers pays et notamment ceux qui sont liés à la Tunisie par des relations privilégiées d'échanges dans le cadre de l'accord de partenariat avec l'Union Européenne »34. De surcroit, la consultation des trois derniers rapports annuels nous montre qu’elle a avancé plusieurs observations sur la gestion publique des programmes publics, « tels que le problème des banques publiques qui ont accordé des crédits bancaires sans garanties aux proches de l’ancien Président, des trafics douaniers et une mauvaise gestion des institutions universitaires et de certaines collectivités locales. Toutefois, on ne trouve pas des traces, même des simples observations dans

34 25e Rapport annuel, au titre de l’année 2009 République tunisienne, Conseil d’Etat, cour des comptes, p .3

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ces rapports. Bien au contraire, on ne rencontre que des expressions qui justifient la bonne gouvernance en Tunisie »35.

En fait la révolution dite du Jasmin fait remarquer une étude publiée au site de la cour des comptes tunisienne 36 « a créé une occasion historique pour renforcer l'efficacité des institutions de l'Etat et les aider à occuper la place qui leur échoit dans le cadre d'un régime démocratique basé sur les valeurs de l'imputabilité et de la reddition des comptes, de la transparence et de la bonne gouvernance des deniers publics ». En précisant néanmoins, que « l'efficacité du rôle dévolu à la Cour des Comptes reste tributaire de la réunion de certaines conditions relatives notamment à la place de la juridiction dans le tissu institutionnel de l'Etat, à son indépendance et à l'indépendance de ses membres »37. Certes, la révolution tunisienne a permis d’évoquer d’introduire, selon ce document, une série d’ innovations dans les dispositifs institutionnels de la cour des comptes résidant notamment dans les éléments suivants38 :

- La consolidation de la nature juridictionnelle de la Cour des Comptes : l'article 69 de la Constitution de 1959 ne reconnait qu'implicitement le statut de juridiction à la Cour des Comptes. Aussi, convient-il de proclamer ce statut de manière explicite en raison de son impact direct sur l'autonomie de l'institution vis-à-vis des pouvoirs publics et sur l'indépendance de ses membres. Il est temps de reconnaitre le statut d'Institution Supérieure de Contrôle des Finances Publiques à l'instar de ce qui est prévu dans les constitutions de certains autres pays comme la France, la Belgique, la Hongrie, le Maroc, l'Algérie et le Liban.

- L'indépendance du Premier président de la Cour des Comptes et de ses membres : En vertu des textes régissant actuellement la Cour, le Premier président est désigné par le Président de la République parmi les hauts fonctionnaires de l'Etat sans que la durée du mandat soit définie. Il s'ensuit que, le Président de la République peut à tout moment et pour n'importe quel motif mettre fin aux fonctions du Premier président, ce qui revient à le dépouiller de l'indépendance nécessaire à l'exercice de ses fonctions. Il y a lieu, alors, de prévoir au niveau du dispositif juridique qui sera adopté, que le Premier président de la Cour des Comptes doit être nommé pour un mandat bien déterminé et suivant des modalités qui garantissent la participation des deux pouvoirs législatif et exécutif au processus de sa désignation. Les conditions suivant lesquelles il peut être mis fin aux fonctions du Premier

35 Mohamed Tlili HAMDI « La remise en cause du discours du « miracle économique » et la révolution sociale en Tunisie » op.cit. 36 « Perspectives de la Cour des Comptes dans le tissu institutionnel de la Tunisie post

révolutionnaire in www.courdescomptes.nat.tn/ 37 Ibidem 38 Ibidem

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président doivent également être déterminées de manière à assurer son indépendance et les membres de la cour des comptes.

- La transparence des résultats des travaux de la Cour : la loi n°68-8 du 8 mars 1968 portant organisation de la Cour des Comptes a mis des écueils en la matière en fixant l'objet des rapports élaborés par la Cour et en déterminant leur périodicité. L’article 54 de cette loi dispose que le « Président de la République peut ordonner la publication du rapport général ». Ainsi, l'initiative de la publication revient exclusivement au Président de la République qui peut, de surcroît, déterminer le contenu à publier. Les extraits publiés au Journal Officiel de la République Tunisienne et sur le site web de la Cour ne donnaient pas, alors, une image complète de la réalité révélée par les investigations de l'Institution. Aussi, importe-t-il de lever la confidentialité qui hypothèque les rapports de la Cour des Comptes et de les rendre accessibles au public sans l'intervention de n'importe quelle partie externe.

De même, il n'existe pas de règles spécifiques ou de traditions permettant à la Cour de présenter les résultats de ses travaux devant le Parlement, en plénière ou bien devant l'une de ses commissions. Au Maroc, le législateur a été prudent. La loi n° 12/79 promulguée en vertu du Dahir du 14 septembre 1979 n’a pas prévu de rapport public. La cour des comptes n’a pas été mentionnée dans la constitution. Il fallait attendre la constitution de 1996 qui a insérée la cour dans la constitution en vertu des articles 96 à 99. Mais c’est surtout la constitution du 1er juillet 2011 (article 148) qui a élargi ses missions d’assistance de la cour. Dorénavant celle-ci apporte son soutien au Parlement, aux instances judiciaires et au gouvernement dans le domaine du contrôle des finances publiques. Elle publie l’ensemble de ses travaux y compris les rapports particuliers et les décisions juridictionnelles. La constitution a mentionné les modalités de diffusion du rapport annuel. En vertu de l’article 147 la cour « soumet un rapport annuel sur l’ensemble de ses activités, qu’elle transmet également au Chef du gouvernement et aux Président des deux chambres du Parlement. Ce rapport est publié au « Bulletin officiel » du Royaume. Un exposé des activités de la cour est présenté par son Premier président devant le Parlement. Il est suivi d’un débat » . Cependant à la lumière des réformes constitutionnelles les textes actuels de la cour des comptes au Maroc ou en Tunisie devront être adaptés aux nouvelles réalités sociopolitique dans le but de garantir les principes de la gouvernance ouverte et la transparence tels qu’ils sont recommandés par les organisations internationales et pratiqués par les démocraties développées.

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Or, faut- il remarquer que le succès de l’EPP est tributaire de la réunion d’une série de conditions : d’abord l’émancipation de l’EPP du simple regard expert d’un ancien métier (comptable, juge, inspecteur, chercheur pur) à travers l’adoption d’une approche pluridisciplinaire ou systémique. Les politiques publiques sont des choses sérieuses nécessitant plus de rigueur et d’objectivité. Elles doivent par conséquent échapper à toute une lecture « mono-disciplinaire » purement juridique ou technique. Ensuite la reconnaissance des évaluateurs chercheurs « compétences et capacités évaluatrices) la mobilisation de l’esprit scientifique chez les gestionnaires et les hauts fonctionnaires.

IV – Contraintes et perspectives de l’EPP et des systèmes de gouvernance dans les pays arabes

Les pays arabes n’ont pas de culture d’évaluation. De tout temps les politiques publiques ont été évaluées ne serait que de façon intuitive avant la prise de décision ou, a posteriori, par de simple appréciation (ou de comparaison avant – après)39La fragilité des systèmes d’EPP est manifeste de points de vue divers : stratégique, politique, organique, matériel, technique40 et social.

1 – Contraintes afférentes au manque de vision stratégique de la gouvernance cognitive

D’un point de vue politique et stratégique : Bien qu’il s’agit d’une démarche pragmatique de prise de décision stratégique la pratique de l’EPP dans les pays arabes semble manquer de visibilité. En effet il existe une incertitude quant à la place que l’EPP devra occuper parmi les fonctions de l’Etat. Les parlementaires et les instances supérieures de contrôle n’ont jamais su trouver les instruments adéquats pour effectuer une évaluation pertinente et efficace.

Bref , l’EPP et des systèmes de gouvernance devront développer des nouveaux métiers de débat public favorisant le pilotage des politiques publiques sur la base du savoir , du professionnalisme et de la transparence démocratique comme l’illustre le graphique ci-dessous :

39 9th conférence AFD/EUDN « Malaises dans l’évaluation » : quelles leçons tirer de l’expérience du

développement ? Paris,26 mars 2012 40 A.Baudu « l’évaluation parlementaire, problème ou solution » RFFP N°113, février 2011p.140 et 141

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Un premier enseignement à dégager concerne le choix de la stratégie pour renforcer les systèmes de contrôle et de transparence. On peut distinguer deux approches: une approche intégrée et une approche pluridisciplinaire de contrôle social. L’approche intégrée (ou ciblée) est celle que privilégie la Banque mondiale en combinant le soutien aux cours des comptes et le renforcement du parlement. Cette stratégie a des avantages et des inconvénients. Parmi ses avantages on peut avancer le fait qu’elle ne prend pas en considération directement le citoyen, la société civile, le système de contrôle interne et l’environnement politique et culturel du contrôle ;d’où l’importance d’une approche pluridisciplinaire de contrôle fondé sur le savoir et le conseil, budget ouvert et l’implication des divers acteurs institutionnels dans le processus de contrôle et l’EPP . En fait la gouvernance ouverte est globale .Elle ne peut être réduite dans une dimension particulière sans mettre en cause sa cohérence et sa pertinence.

Bref, l’efficacité de ce contrôle ne peut être réalisée que lorsque certaines conditions sont réunies à savoir notamment.

a. L’animation du débat public, l’implication du Parlement, des ONG de l’entreprise, de l’université et des citoyens dans les processus de prise de décision et la circulation permanente et pertinente de l’information.

b. La consolidation de la place accordée à la recherche scientifique et à l’université dans la dynamique de la reddition des comptes et la production de nouvelles valeurs d’innovation, de création, de transparence et d’imagination sociologique ; d’où l’importance d’un contrôle social cognitif et ouvert ;

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c. La rationalisation et le renforcement des capacités institutionnelles et stratégiques des piliers du SNI à l’échelon local et national ;

d. la prise en considération la dimension maghrébine et arabe de l’économie politique de contrôle des finances publiques .A titre d’illustration les études savantes ont montré que le « non Maghreb coûte cher au Maghreb »41, d’où la nécessité de l’édification des structures démocratiques de contrôle des finances publiques (Cour des comptes maghrébine, Parlement maghrébin)

e. La démocratisation de la société : c’est une condition sine qua non de tout contrôle parce que celle-ci est la base de toute la dynamique du contrôle populaire (élections libres et transparentes, diffusion des normes et des valeurs de mérite…).

L'analyse stratégique revêt une importance cruciale dans le processus de l'élaboration et l’EPP à l'ère de la mondialisation et des crises.

Le dictionnaire de stratégie définit la stratégie comme la « science (si l’on choisit de mettre l’accent sur le savoir et sur la méthode) ou l’art (si l’on privilégie l’expérience) de l’action humaine finalisée, volontaire et difficile. Elle vise à conférer un caractère conscient et calculé aux décisions par lesquelles on veut faire prévaloir une politique »42

En fait, le projet de réforme en cours des systèmes de gouvernance des finances publiques au Maroc fournit un exemple édifiant des contraintes auxquelles s’oppose ce processus et les conditions de ce qui devrait être une véritable gouvernance financière fondée sur le savoir et l’implication des acteurs. Cette réforme se concrétise notamment par la mise en place d’une série de principes de transparence et l’instauration de structures d’audit et de contrôle de gestion. Elle se veut un acte novateur fondateur d’une nouvelle dynamique d’action.

Dans cette perspective, le renforcement des capacités institutionnelles et stratégiques des acteurs est fondamental. Il devra s’inspirer des méthodes et approches savantes de la stratégie en termes de vision, d’organisation et de risque ; la prise en compte et l’étude appropriée des risques liés à l’environnement. Celui-ci constitue aujourd’hui pour l’Homme une source d’angoissei; qu’il s’agisse des phénomènes de catastrophes naturelles, météorologiques, des animaux sauvages ou des résistances mentales et culturelles.

Or, l’homme se trouve conforté par l’héritage partiellement subverti de la pensée cartésienne qui a fait de l’Homme le maître et le dénominateur de la natureii. En fait, le concept de risque en tant que

41 Mohamed Harakat « Les finances publiques et les impératifs » op.cit., p.33 42 Dictionnaire de stratégie, S/D de T.de Montbrial, PUF ,2000,p527

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concept sociologique ne peut être traité comme une pure réalité objectiveiii. Il se propose comme acte, engagement performatif plutôt que comme fait brut. Un risque se prend, se court, se refuse, après avoir été envisagé, estimé, évalué, calculé, couvert. Le risque c’est un style d’être au monde. C’est le caractère d’engagement moral, idéologique et pratique. Ainsi, à la lumière de ces principes et hypothèses de stratégie et risque nous considérons que le succès d’un projet de gouvernance financière cognitive dans les PED est tributaire de l’adoption d’une stratégie globale d’évaluation des systèmes de gouvernance qui sera mise en œuvre dans cinq domaines essentiels43:

– système de planification stratégique participative (décision financière) ; – système d’organisation et d’information (organisation budgétaire) ; – système de gestion courante (le fonctionnement normal des organisations) ; – système d’évaluation continue des risques (système permanent de contrôle) ; - système de valeur (éthique et déontologie de contrôle et d’évaluation).

2 - Crise de réflexion stratégique et des Think Tanks dans la formulation des politiques publiques et l’animation du débat dans les pays arabes

Au regard des multiples et complexes mutations socioéconomiques et nouveaux défis propres au XXIe siècle, les préoccupations stratégiques sont devenus aujourd’hui un enjeu public de taille. D’abord l’actuelle crise financière et économique suscite le débat sur l’Etat providence. Ensuite l’irrésistible ascension des pays autrefois sous ou mal développés (cas des BRICS) qui ce sont imposés en quelques décennies comme des acteurs majeurs de l’échiquier économique mondial. Les pays arabes n’ont pas encore a eu une place au dessus du soleil à raison du contexte et de la nature de leur gouvernance44.

En effet Les pays arabes n’ont pas une stratégie économique et financière claire, cohérente et concertée. Si dans les démocraties développées le débat opéré par les Think tanks se multiplie le monde arabe un accuse encore un retard en dépit du déclenchement des mouvements initiés par « le Printemps arabe »

La crise de la réflexion stratégique45 se manifeste par la faiblesse de l’économie du savoir, la recherche développement l’innovation, le chômage des diplômés, la corruption, le dysfonctionnement de la gestion publique.

43 M.Harakat « les finances publiques et les impératifs » op.cit p.384 44 M.Harakat « le monde arabe en panne d’idées : réflexion stratégique et défi du développement durable » in

« Réflexion stratégique et Think tanks dans les pays arabes » REMA n° 30/2010,p9 45 « Réflexion stratégique et Think tanks dans les pays arabes » In REMA ,N° 30/2010

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En fait la corruption freine le développement économique et biaise la lutte contre la corruption.

De surcroît la désinformation des citoyens entraine le dysfonctionnement du marché et l’irrespect des droits de propriété, ce qui favorise par conséquent l’économie rentière et de la corruption. Il s’agit d’un cercle vicieux comme l’illustre la figure ci - dessous :

Ce cercle vicieux ne peu être renversé que par Etat inventif dans le but d’instaurer un cercle vertueux alternatif fondé sur une économie forte et une gouvernance démocratique cognitive dont l’EPP et des risques constitue sa pierre angulaire. Remettons – nous donc tous au travail comme l’alerte le Président américain Bill Clinton46.

3 – Faiblesse de la gouvernance parlementaire et des instances de contrôle supérieur des finances publiques

Le parlement joue un rôle déterminant dans l’EPP et de la bonne gouvernance. Il doit être conçu comme un haut lieu de démocratie en même temps qu’une institution efficace et moderne.

Il est question aujourd’hui de passer du gouvernement parlementaire à une gouvernance parlementaire. Ce qui suppose un parlement formés et des parlementaires informés disposant d’un plan d’action d’une vision, de structures de moyens

Si de nombreux institutions parlementaires ont peu à peu modifié la teneur de leur contrôle et se sont orienté davantage vers des projets d’EPP47 dans les pays arabes la situation demeure singulière. Les parlements dans les pays arabes souffrent de plusieurs contraintes stratégiques, organisationnelles et humaines.

La crise de la légitimité de l’institution parlementaire se manifeste par la prédominance de l’exécutif sur l’agenda parlementaire et par

46 Bill Clinton « Remettons nous au travail : un Etat inventif pour une économie forte » Odile Jacob,2012 47 A.Baudu « l’évaluation parlementaire, problème ou solution ?» in RFFP N° 113 , février 2011,pp131-157

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l’inertie, le déficit d’image, le manque d’innovation et de transparence dans le travail parlementaire48.

Les citoyens et l’opinion publique arabes se demandent si les processus politiques sont réellement en mesure de produire des parlements représentatifs de leurs intérêts et en mesure de répondre aux impératifs de la gouvernance cognitive et démocratique dans la société, compte tenu de la complexité de la gouvernance parlementaire (législation de qualité, suivi et évaluation de l’action gouvernementale, transparence, lutte contre la corruption, gouvernance diplomatique) ?

Elles résident notamment dans le manque de capacités stratégiques et institutionnelles

D’un point de vue organique et matériel : à l’origine, les constitutions arabes n’ont pas consacré à l’EPP une fonction parlementaire à part. Par conséquent les parlementaires ont des difficultés à mettre en place des structures fiables d’EPP.

Les pays arabes puisent leurs principes d’EPP de deux modèles essentiels : le modèle francophone (pays maghrébins et le liban) dont les réalisations en la matière sont modestes ou encore de gestion et le modèle anglophone (pays du golfe).

Dans ces pays, il est question de réfléchir et concrétiser une nouvelle gouvernance parlementaire démocratique et cognitive à l’horizon du XXIe siècle49 : un parlement représentatif, ouvert et transparent, accessible, un parlement évaluateur et efficace.

V - Dix commandements susceptibles de contribuer à la consolidation de la culture de gouvernance ouverte démocratique et humaniste dans les pays arabes à l’horizon du XXIe siècle

L’accomplissement de La gouvernance gouvernementale ouverte démocratique et humaniste dans les pays arabes à l’horizon du XXIe siècle suppose la réunion de multiples conditions stratégiques, institutionnelles, techniques pédagogiques et humaines résidant dans dix propositions de progrès :

1 – Nécessité d’élaborer une stratégie claire et cohérente de mise en place ou d’EPP des systèmes de gouvernance en termes de vision, d’organisation, de compétence, de mérite et de savoir. La stratégie est un concept de guerre .Elle se décline en terme de communication, de transparence et surtout d’imagination dont les pays arabes souffrent d’un déficit de taille. Les politiques publiques bien élaborées et effectivement exécutées et évaluées constituent une

48 « Gouvernance parlementaire au Maroc »S/D de Mohamed Harakat in REMA N°23/24 ,2007 p.7 et s 49 Consulter « Parlement et démocratie au XXIe siècle » – Union parlementaire ,2006

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condition fondamentale de développement humain et durable dans tous les pays du monde. Ces politiques s’inscrivant dans l’espace de la « bonne gouvernance située » ne peuvent être menées à terme sans l’adoption d’une stratégie participative d’évaluation (des projets, des programmes, des politiques , des structures organisationnelles, des compétences et d’évaluation continue des risques) en termes de risque, de coût ,d’ avantage , de performance et de transparence ;

2 – Moderniser l’Etat et l’action publique dans les pays arabes par les valeurs de la nouvelle gestion publique axée sur la performance et le résultat et l’investissement dans l’instauration des valeurs démocratiques d’où l’importance de la réforme de la constitution financière50 (loi organique relative aux lois de finances) et la mise en place d’un budget ouvert de mission et d’(objectifs axé sur le résultat et non sur les moyens tels qu’ il prévaut actuellement ;

3- Mettre les intérêts du citoyen au centre du système de gouvernance cognitive51 et renforcer ses capacités citoyennes par l’éducation, le savoir, l’innovation, la participation et la démocratie. La bonne pratique de gouvernance ne peut être réalisée strictement par l’Etat. Il s’agit d’engager un ensemble d’acteurs institutionnels dans ce processus tels que les collectivités locales, l’entreprise et les ONG ;

4 - Combler les lacunes juridiques et institutionnelles inhérentes à l’appropriation de l’EPP et des systèmes de gouvernance. Le lobbying peut contribuer à la qualité de l’élaboration des politiques publiques en livrant des enseignements et des données utiles. Les enjeux du lobbying sont nombreux. Il s’agit de faire le point sur les expériences, les modèles et les réalisations d’autres pays en favorisant l’intégrité dans la gouvernance gouvernementale et de définir les domaines exposés au risque de corruption52;

5 - veiller au développement des capacités stratégiques et institutionnelles des instances représentatives (parlement, collectivités territoriales) doublement à l’échelon central et local et des divers acteurs de la société civile dans notamment les domaines de gouvernance démocratique, la planification stratégique participative, la transparence, la communication stratégique et l’évaluation des risques ;

6- Mettre en place un système efficace de contrôle interne et d’évaluation continue des risques basé sur la répartition des taches, la responsabilisation et l’éthique ;

7 –Instaurer des structures permanentes d’analyse stratégique et d’intelligence économique ;

50 « La réforme de la loi organique relative aux lois de finances au Maghreb» s/d A.Berrada et M.Harakat , In

REMA N° 28/2009 51 « Focus on Citizens : public engagement for Better policy ans services »OECD ,2008 52 « Lobbying, pouvoirs publics et confiance » Volume 1 quel cadre législatif pour plus de transparence ? OCDE,

2011

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8- Repenser l’enseignement des finances publiques et de l’EPP, de la stratégie et de la gouvernance. L’EPP et des systèmes de gouvernance constitue un défi pour la conception et l’application d’une nouvelle discipline53 indépendante des Sciences humaines et sociales à dispenser dans les universités les écoles et les instituts d’administration ;

9 – Veiller au partage de l’expertise et du savoir cumulés par les multiples instances d’évaluation, d’audit et de contrôle par le développement de l’échange des expériences , la coordination et le recours aux TIC ;

10- Cogiter sur la création des structures d’EPP et de gouvernance à l’échelon des grands espaces (Parlement et cour des comptes arabes, juridictions défendant les droits de l’ Homme, la transparence, le progrès et le système d’intégrité etc.).

Conclusion

Le devenir du Printemps arabe dépend en grande partie de la capacité du gouvernement de transition mis en place et des forces politiques et sociales à relever les défis de la conjoncture socioéconomique régnante dans les pays arabes par une relance rapide des processus de réforme pour faire face aux problèmes qui ont été à l’origine des soulèvements populaires (chômage, répartition inégale des richesses, démocratie ,dignité, corruption, etc.). La dynamique de la révolution pourrait elle continuer54 dans un contexte où ces problèmes qui ont été à l’origine restent sans solution ?

Les problèmes politiques inhérents à cette situation doivent inciter à la prudence aussi bien au niveau de l’analyse prospective que dans la conduite des acteurs du changement.

Or, si la conduite de l’EPP constitue une préoccupation partagée par de nombreuses démocraties occidentales, notamment anglo- saxonnes il reste encore un long chemin à parcourir pour les pays arabes pour instituer un dispositif cohérent et pertinent d’EPP à l’épreuve du Printemps Arabe.

Au regard du « Printemps arabe » de démocratisation et des risques auxquels se heurtent ces pays ceux-ci sont appelés à consolider leurs capacités stratégiques et institutionnelles d’EPP et des systèmes de gouvernance dans le cadre de leur processus de développement économique et social.

En l’occurrence ces pays devront s’inspirer des méthodes et approches savantes de stratégie, de gouvernance des humanités et notamment de valeurs d’éthique dans le processus de création de 53 M.Baslé « Suivi et évaluation des politiques publiques et des programmes » Economica, Paris, 2008 54 M.CH.Ferjani « inspiration et perspectives de la révolution tunisienne » in confluences méditerranée

« Révolutions arabes : premiers regards » n°77/2011

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richesse et d’équilibre de pouvoir. Dans une période de crise profonde et « silencieuse » de l’éducation, l’enseignement est devenu victime de l’économie. La démocratie a tout à y perdre.

La prise en compte des risques liés à l’environnement constitue aujourd’hui pour l’Homme une source d’angoisse ; qu’il s’agisse des phénomènes de catastrophes naturelles, météorologiques, de maladie ou des résistances politiques culturelles et mentales.

Le concept de risque entant que concept sociologique ne peut être traité comme une pure réalité objective. Il se propose comme acte, engagement performatif plutôt que comme fait brut. Un risque se prend, se court, se refuse, après avoir été envisagé, calculé, et couvert.

Le risque c’est un style d’être au monde. C’est le caractère d’engagement moral, idéologique et pratique qui nous intéresse dans le risque.

En l’occurrence les recherches en la matière ne font que concrétiser la pauvreté pour ne pas dire la misère de la réflexion stratégique dans les pays arabes. Mais faut t –il désespérer ici et maintenant. Le « Printemps arabe » est à ses débuts. Il est à la recherche du sens perdu55.

55 H.L.Younga « la révolution arabe de 2011 :A la recherche du sens perdu » in Révoltes arabes op.cit. p51

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