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Revue Marocaine de Rhumatologie
CAS CLINIQUE
Syndrome de Klippel-Feil avec un os odontoideum.Klippel-Feil syndrom with odontoid bone.
Hafid Arabi¹, Miriam Ghazi2, Redouane Roukhsi3, Abdelghani El Fikri3, Ali Akhaddar4, Radouane Niamane2.1 Service de Médecine Physique et Réadaptation Fonctionnelle (MPR), Hôpital Militaire Avicenne Marrakech, CHU Mohamed VI, Marrakech - Maroc.
2 Service de Rhumatologie, Hôpital Militaire Avicenne Marrakech. CHU Mohamed VI, Marrakech - Maroc.
3 Service d’Imagerie, Hôpital Militaire Avicenne Marrakech. CHU Mohamed VI, Marrakech - Maroc.
4 Service de Neurochirurgie, Hôpital Militaire Avicenne Marrakech. CHU Mohamed VI, Marrakech - Maroc.
RésuméLe syndrome de Klippel-Feil (SKF) est un trouble congénital rare. Nous rapportons le cas d’une
jeune patiente de 12 ans présentant une raideur
de la nuque, sans aucun signe associé. La clinique est en faveur de ce syndrome. L’imagerie
a confirmé le diagnostic en montrant un bloc
osseux cervical avec un os surnuméraire de
l’apophyse odentoide, appelé os odontoideum.
Ces deux os présentent un risque pour le système nerveux central. Le traitement est
purement préventif.
Mots clés : Syndrome de Klippel-Feil; Os odontoideum.
AbstractThe Klippel-Feil syndrome (SKF) is a rare
congenital disorder. We report the case of a
young 12-year-old patient with a stiff neck,
and no associated signs. The clinic is in favor
of this syndrome. Imaging confirmed the
diagnosis by showing cervical bone block with a
supernumerary bone of the odontoid apophysis,
called odontoideum bone. These two bones
present a risk to the central nervous system.
Treatment is purely preventive.
Key words : Klippel-Feil syndrome; Odontoideum bone.
Correspondance à adresser à : Dr. H. Arabi Email : drhafid1111@yahoo.fr
Disponible en ligne sur
www.smr.ma
Rev Mar Rhum 2015; 34: 56-9
Le syndrome de Klippel-Feil (SKF) est une affection congénitale rare caractérisée par une triade clinique classique associant une implantation postérieure basse des cheveux, un cou court et une limitation des mouvements du cou [1,2].
OBSERVATION
Il s’agit d’une patiente de 12 ans qui a été adressée pour limitation des mouvements du rachis cervical. La patiente ne se plaignait d’aucun symptôme avant consultation, en effet, il n’y avait pas de douleur ni signe d’appel neurologique. A l’anamnèse, on notait une communication inter ventriculaire opérée à l’âge de 10 ans, elle avait des épisodes de subluxation des articulations temporo –mandibulaires, réduites par la patiente elle-même, par
ailleurs, on ne notait pas d’antécédent de traumatisme cervical. A l’examen, on notait une morphologie atypique (figure 1a et b), elle avait un cou court, une ligne d’implantation basse postérieure des cheveux, des muscles trapèzes bien développés (palmés), une déviation antalgique du tronc, les amplitudes articulaires du rachis cervical étaient limitées dans toutes les directions. L’examen neurologique ne montrait pas de signe en faveur d’une complication à type d’un syndrome pyramidal. Le bilan radiologique a montré un bloc C3-C4-C5 et une discopathie dégénérative C2-C3 (figure 2 et 3a). La TDM a objectivé un os surnuméraire de l’apophyse odontoïde (figure 3b) et une occipitalisation de l’atlas (figure 3c). L’IRM a révélé une cavité syringomyélique, malformation cervico-occipitale (Bud Chiari type I) et un léger diastasis
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Syndrome de Klippel-Feil avec un os odontoideum.
entre l’apophyse odontoïde et l’arc antérieur de C1 (> à 4 mm) avec impression basilaire (figure 4).
Au total, cette raideur cervicale avec les autres signes cliniques et paracliniques rentre dans le cadre du syndrome de Klippel-Feil. Sur le plan prise en charge, il n’y avait pas d’indication rééducative ni chirurgicale, mais une surveillance médicale régulière est préconisée pour guetter toute complication neurologique secondaire à la subluxation en arrière de l’apophyse odontoïde ou de la partie inferieure de cet os. Le traitement a été purement préventif par l’interdiction des activités augmentant le risque de traumatisme du rachis cervical (les sports collectifs, les manipulations thérapeutiques du rachis cervical). On a recommandé une orthèse de contention du rachis cervical. Une enquête auprès des membres de la famille à la recherche de cas similaire était négative.
DISCUSSION
Le KFS est défini comme un bloc congénital d’au moins deux vertèbres [1,2]. Il peut se manifester à tout âge, le pic de début se situe dans la 2ème ou 3ème décennie de vie. Il survient dans 1 sur 42000 naissances, avec une légère prédominance masculine. Le SKF peut être diagnostiqué à la naissance, basé sur l’identification des caractéristiques physiques.
La triade clinique classique comprend un cou court, une ligne d’implantation basse des cheveux sur la nuque et une diminution d’amplitude de la mobilité du rachis cervical. Il peut être associé à de multiples autres malformations, à la fois rachidiennes (scoliose, cyphose, hémivertèbre,etc.) et d’ordre plus général (malformation cardiovasculaire, génito-urinaire,etc.), expliquant l’importante diversité des SKF [3].
Figure 1 : Morphotype de la patiente.
Figure 2 : Radiographie de profil montrant une discopathie dégénérative C2-C3 (1), bloc C3-C4-C5(2).
Figure 3 : Radiographie de profil montrant une discopathie dégénérative C2-C3 (1), bloc C3-C4-C5(2).
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Plusieurs auteurs ont essayé de classer les différents SKF. En 1919, A Feil a proposé un système de classification à trois niveaux de SKF sur la base de différents motifs de fusion et des anomalies de la colonne vertébrale [2]. De nombreux rapports ont noté l’hétérogénéité des manifestations vertébrales et extra-rachidiennes associées au SKF ainsi que des variations dans les schémas de classification.
Le report des contraintes mécaniques sur les disques mobiles adjacents au niveau fusionné prédispose à des lésions ligamentaires, discales et neurologiques, le plus souvent d’origine dégénérative chez ces patients [4, 5]. La mobilité excessive des disques adjacents non fusionnés, expliquant la présence fréquente de lésions discales dégénératives à type de discopathie ou de hernie
discale cervicale [6]. Chez notre patiente, la discopathie dégénérative du segment vertébral C2-C3 est secondaire aux blocs C3-C5-C6. De même, l’augmentation des contraintes mécaniques en hyperflexion ou en hyperextension, exercées au niveau de l’apophyse odontoïde et de son système ligamentaire atlanto-axoïdien du fait d’un bloc vertébral typiquement haut (C2–C3 ou C3–C4), peut également être responsable d’une fracture de l’apophyse odontoïde, le plus souvent oblique en bas en arrière, lors d’un mouvement d’hyperextension forcée [5]. La fracture de cet os peut occasionner des troubles neurologiques [7]. Au niveau atloido-odentoidien, il y a de nombreux ligaments stabilisant cette articulation. La synchondrose entre le corps vertébral de C2 et l’odontoïde ainsi que les arcs neuraux se ferment entre 3 et 6 ans et l’ossification de l’odontoïde est totale à l’âge de 12 ans ; les manipulations du rachis sous occipital sont interdites jusqu’à l’adolescence, donc plusieurs anomalies surgir : occipitalisation de C1, impression basilaire, fusion de la dent de d’axis avec C1, aplasie de l’arc postérieur de C1 ou C2 et odontoïde mobile [8].
L’os surnuméraire de l’apophyse odontoïde de notre patiente peut prêter confusion avec une fracture. Il se positionne en regard de la pointe de l’apophyse, appelé os odontoideum [9]. La corticalisation de cet os est le critère de différenciation entre une fracture et une forme morphologique banale. Un traumatisme cervical de faible cinétique pourrait avoir des conséquences graves chez un patient porteur d’un SKF. Ainsi, on recommande de réaliser un examen clinique soigneux chez ces patients et faire systématiquement des clichés radiographiques du rachis cervical en cas de traumatisme cervical associé à des cervicalgies. En cas d’atteinte neurologique, la réalisation d’une IRM médullaire est indiquée.
Le diagnostic différentiel se pose avec les pathologies suivantes: arthrite rhumatoïde juvénile, spondylarthrite ankylosante, fusion post chirurgicale, discite et fibrodysplasie ossifiante.
Le traitement peut inclure la chirurgie neurologique, la chirurgie auditive, oculaire, cardiaque et rénale, de d’autres anomalies potentiellement associées au désordre. Il faut éviter les activités qui augmentent le risque de traumatisme du rachis cervical, comme les sports collectifs, les positions extrêmes du rachis cervical lors de l’anesthésie et les manipulations thérapeutiques du rachis cervical. L’hyper sollicitation du rachis cervical devrait être évitée. Les orthèses de contention du rachis cervical sont recommandées. De tels conseils étaient vivement conseillés chez notre patiente. Le traitement chirurgical est
CAS CLINIQUEH. Arabi et al.
Tableau 1 : Classification du SKF selon certains auteurs.
En 2006, Samartzis [4] Nagib [5]
Type I Bloc de deux vertèbresFusion instable ou
potentiellement instable
Type IIPlusieurs blocs de deux
vertèbres
Malformation de la
charnière cervico-occipitale
Type IIIAu moins un bloc de plus de
deux vertèbres
Association avec une
sténose canalaire
rachidienne
Figure 4 : IRM de profil montrant la cavité syringomyélique
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indiqué en cas de troubles neurologiques. Les SKF doivent être régulièrement contrôlés médicalement pour éviter les complications.
CONCLUSION
Le syndrome Klippel-Feil est une affection congénitale rare souvent sporadique. Il peut être diagnostiqué à la naissance. Il nécessite une évaluation clinique approfondie et des examens spécialisés. Le traitement de ce syndrome est purement préventif, il est basé sur l’interdiction de toute mobilisation du rachis cervical et certaines activités physiques. La surveillance médicale régulière est impérative.
DéCLARATION D’INTéRêT
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt.
RéféRENCES
1. Klippel M, Feil A. Un cas d’absence des vertèbres cervicales
avec cage thoracique remontant jusqu’a la base du crane (cage
thoracique cervicale). Nouv Iconog Salpetrière 1912;25:223–50.
2. Feil A. L’absence et la diminution des vertèbres cervicales (étude
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cervicales. Thèses de Paris; 1919.
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syndrome: a constellation of associated anomalies. J Bone Joint
Surg Am 1974 ; 56 : 1246–1253.
4. Samartzis D, Lubicky JP, Herman J, Kalluri P, Shen H. Symptomatic
cervical disc herniation in a pediatric Klippel-Feil patient: the
risk of neural injury associated with extensive congenitally fused
vertebrae and a hypermobile segment. Spine 2006; 31: 335-8.
5. Nagib MG, Maxwell RE, Chou SN. Identification and
management of high-risk patients with Klippel-Feil syndrome. J
Neurosurg 1984; 61:523–530.
6. Agrawal A, Badve AM, Swarnkar N, Sarda K, 2009. Disc
prolapse and cord contusion in a case of Klippel-Feil syndrome
following minor trauma. Indian J Orthop 43 : 210–212.
7. Graillon T, Pech-Gourg G, Adetchessi T, Metellus P, Dufour H,
Fuentes S. Double lésion traumatique du rachis cervical (fracture
de l’odontoïde et contusion médullaire C5–C6) et syndrome de
Klippel-Feil. Neurochirurgie 2012 ; 58 : 372–375.
8. Lavignolle BG, Messina M, Sénégas L. Rééducation des
traumatismes du rachis cervical sans lésion neurologique. EMC,
Kinésithérapie-Médecine physique et réadaptation, 26-285-A-10.
9. Kristie A, Robson. Os odontoideum: Rare cervical lesion. West J
Emerg Med 2001; 12, 520-522.
Syndrome de Klippel-Feil avec un os odontoideum.