2ième colloqueUtilisation des logiciels de calcul symbolique dans l’enseignement
Utiliser le Computer Algebra pour enseigner ... et pour étudier
Michel BeaudinÉcole de technologie supérieure
1100, rue Notre-Dame OuestMontréal (Québec) Canada, H3C 1K3
Samedi 7 novembre 1998
Introduction
Nous utilisons DERIVE (en version DOS au début en 1994 et en version Windows depuis1996) dans nos cours de calcul et d’équations différentielles. Les étudiants s’en servent dans leslaboratoires et pour s’assister dans les devoirs. Depuis près de deux ans maintenant, la présencede calculatrices symboliques a eu pour effet de permettre aux étudiants de faire usage duComputer Algebra en classe et un peu partout. Nous avons décidé de sauter dans le train plutôtque de dénigrer cette forme compacte du calcul symbolique (nous dirons par la suite le« Computer Algebra »). La plupart des problèmesmais pas tous et tout dépend de ce qu’onveut fairese résolvent très bien avec une calculatrice symbolique de type TI-92/92Plus/89. Sil’on s’en sert intelligemmentil n’est pas assuré que ce soit toujours le cas, on peut passerd’agréables moments à faire des mathématiques.
Dans ce qui suit, nous donnons quelques exemples d’utilisation des logiciels de calculsymbolique suivants (nous dirons par la suite « CAS ») : DERIVE (DFW) et la TI-92Plus. Nosexemples portent sur le calcul à une variable et les équations différentielles avec des excursions entraitement de signal et séries de Fourier. Nous tentons d’insister sur les qualités pédagogiques dechacun des ces systèmes symboliques : une facilité d’utilisation inégalée par aucun autre systèmesymbolique et, point non négligeable, des systèmes symboliques développés avant tout pour fairede l’enseignement des mathématiques. Nous sommes conscients que, en ce qui concerne larecherche plus avancée, d’autres systèmes constituent probablement de meilleurs choix.
Exemple 1 : fractions partielles et calcul d’intégrales ou comment tirer profitdes réponses données par les CAS
Un calculateur symbolique constitue un excellent outil pour effectuer une révisiond’algèbre : par exemple, mettre en facteurs (dans différents corps) et faire de l’expansion enfractions partielles. Considérons le calcul des intégrales indéfinies suivantes, la première fonctionrationnelle ne possédant que des racines complexes au dénominateur et la seconde ayant troisracines réelles distinctes au dénominateur :
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2
dx
xn
n2 1+∈z N*c h et
x dx
x x x
2
3 2
2
2 9 11 30
+
− − +z c h
Un CAS comme DFW ou la TI-92 permettent de calculer par « étape » ces intégrales en utilisantles menus. En appuyant sur le bouton « Simplify » de DFW, un sous-menu s’ouvre à nous,notamment « Factor » et les différentes boîtes de dialogue nous évitent de connaître la syntaxecomplète pour effectuer ces opérations ! Pour la première intégrale, fixons n à 2 ; c’est tout uncasse-tête d’appliquer les fractions partielles puisqu’il faut obtenir des facteurs quadratiquesirréductibles ... auxquels on appliquera ensuite les fractions partielles et une complétion de carré !Pour DERIVE, cela est un jeu d’enfant :
La seconde intégrale est calculée ici (Figure 1) avec la TI.
FIGURE 1
Combien d’étudiants auraient été capables de trouver les racines du dénominateur ? Puisque lesracines sont rationnelles, le théorème qui nous dit où les chercher peut être utilisé ; nous préféronstoutefois l’idée de tracer le graphe du dénominateur afin de localiser ces racines. Une commandede type « factor » devrait confirmer le tout (figures 2 et 3).
FIGURE 2 FIGURE 3
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3
Il est foudroyant de voir comment l’intégrale définie dx
xn
n20
1
1+∈z N*c h est « simplifiée » en
aritthmétique exacte par DERIVE ! Par exemple, quelques secondes suffisent pour obtenir lesréponses à chacune des 6 intégrales suivantes :
Si de tels systèmes symboliques sont impressionnants, le rôle de guide de l’enseignant est trèsimportant. En effet, il y a beaucoup de mathématiques dans ces systèmes et, quelquefois, dessurprises nous attendent ! Par exemple, ces systèmes symboliques sont « orientés » de façoncomplexe pour la plupart (donc dépendant de la « branche » choisie, la racine cubique de −8 sesimplifiera en un nombre complexe plutôt qu’en −2 ... !). Nous trouvons important toutefoisqu’une variable non définie soit considérée réelle au départ (on peut constater cela en simplifiant laracine carrée d’un carré et observer la présence de valeurs absolues).
FIGURE 4
Exemple 2 : convolution de signaux et équations différentielles ou comments’approprier le CAS en définissant ses propres fonctions
La convolution des signaux x(t) et h(t) est définie par l’intégrale impropre
y t x t h t x h t d( ) ( )* ( ) ( ) ( )= = -- •
•z t t t .
Il s’agit d’un concept important en traitement de signal. Si x(t) représente l’entrée (l’input) dansun système linéaire temps-invariant avec réponse impulsionnelle h(t), alors y(t) est la sortie(l’output). Dans un tel système, la sortie est donc entièrement caractérisée par la connaissance dela réponse impulsionnelle et s’obtient par la convolution. Les fonctions propres sont desexponentielles et les valeurs propres associées sont des transformées de Laplace ou Fourier ; cela
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justifie ensuite leur introduction. La fameuse « fonction » de Dirac est l’élément neutre de la
convolution et, à cause de la propriété de translation, on a y t t a y t a( )* ( ) ( )δ − = − . Définissonsdans DERIVE la convolution, utilisant le mot CONVOL. Nous préférons ne pas avoir à définir audépart les 2 fonctions, c’est pour cela que nous utilisons des limites. De cette façon, laconvolution est une fonction qui dépend des expressions x et h, ces deux dernières dépendant de lamême variable (en général, on emploie t).
Il est assez long de calculer la convolution de 2 signaux à la main puisqu’on doit traiter lesdifférents cas de t (dans quel intervalle se trouve-t-il ?) Soit par exemple x(t) un signalrectangulaire et h(t) une rampe définis par
x tt
( ) =− < <RST
2 2 1
0
si
autrement et h t
t t( ) =
− − < <RST3 2 1 1
0
si
autrement
Dans DERIVE, on retrouve la fonction indicatrice d’un intervalle, dénotée CHI : CHI(a, t, b) vaut1 entre a et b et vaut 0 en dehors de l’intervalle (non définie aux extrémités). Ainsi, les 2 signauxprécédents sont
Les habitués de la convolution s’attendent à un résultat qui dure entre les instants −3 et 2. Ensimplifiant et traçant les 2 signaux et leur convolution, nous obtenons ceci :
FIGURE 5
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5
Finalement, il est intéressant de vérifier que y t t a y t a( )* ( ) ( )δ − = − pour a = −1 disons. Cela estd’autant plus remarquable que DERIVE ne possède pas la fonction de Dirac déjà prédéfinie !Nous la réaliserons à l’aide de limite de fonctions indicatrices puisque
δε
εε
( ) lim ( , , )t a a t a− = +→ +0
1CHI . Le graphe du résultat de la convolution précédente est déplacé de
1 unité vers la gauche :
FIGURE 6
Bien que la convolution demeure un concept important, les cours classiques d’équationsdifférentielles n’en font pas usage pour résoudre des É.D.O linéaires à coefficients constants. Lesméthodes de coefficients indéterminés et de variation des paramètres sont utilisées. Nous donnonsici un exemple d’utilisation de la TI d’un problème facile et nous l’abordons sous plusieursaspects. Le problème de résoudre l’É.D.O.
d y
dty t y y
2
2 02 0 0 0 0+ = = ′ =ω ωsin ( ) ( ) , , a f
nous amène à la notion de résonance. Il ne faudra plus se surprendre de voir les étudiants utiliserde plus en plus leur « desolve » ! Mais comme la machine a utilisé la méthode de variation desparamètres, la réponse se compactera via certaines identités trigonométriques dont nous devrions
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profiter pour effectuer une révision ! Le calcul symbolique étant à notre disposition, rien ne nousempêchera d’effectuer une limite pour ω0 tendant vers ω ... Rien ne nous empêchera non plus de« réaliser » la méthode des coefficients indéterminés en se définissant un opérateur linéaire et en luipassant notre candidat : à ce moment, la décision de savoir si ω0 = ω devient cruciale. Lesfenêtres qui suivent illustrent ces différentes options.
FIGURE 7
Le calculateur peut nous assister dans la méthode des transformées de Laplace. Par exemple,l’étudiant qui connaît les propriétés des transformées de Laplace peut « résoudre » l’É..D. suivanteavec son calculateur :
d y
dt
dy
dty e t y yt
2
2 5 6 0 1 0 2+ + = − = ′ =sin ( ) ( ), ,
La TI n’est pas sensitive, nous avons employé f pour désigner la transformée de y dans les écransde la figure 8. Le travail de fractions partielles étant accompli, la réponse est obtenue.
FIGURE 8
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7
Exemple 3 : les CAS ne sont pas infaillibles ... mais peuvent quelquefoisprouver des résultats
Si la primitive d’une fonction continue est ... discontinue, il y a raison de douter ! Supposonsqu’on cherche l’aire totale de toutes les régions englobées par les graphes des courbes y = sin 6x et
y = 1 − x2. Cela revient à calculer sin 6 1 2x x dxa
b
− −z c h où les limites d’intégration doivent être
trouvées numériquement (en général, les étudiants font tracer le graphe de chacune des courbes etpensent rarement à la valeur absolue de la différence. Cela est correct à la condition de ne pasoublier de scinder l’intervalle d’intégration en autant de morceaux que nécessaire). Nous neprésentons ici que la solution obtenue via la valeur absolue. Il n’est pas facile pour les CASd’intégrer symboliquement de telles fonctions (les TI n’en font presque pas) et DERIVE sedébrouille assez bien quand vient le temps d’intégrer les fonctions continues par morceaux. Il fauttoutefois regarder de près la primitive obtenue.
Le graphe de la fonction sin 6 1 2x x− −c h est donné ici :
FIGURE 8
Les valeurs de a et b sont
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8
Mais alors, l’aire cherché sera obtenue en simplifiant sin 6 1 2x x dxa
b
− −z c h . Ici, le logiciel calcule
une primitive et l’évalue entre les bornes (théorème fondamental du calcul). Cette réponse, unefois approximée, donne environ 1.40. Mais si l’on calcule l’intégrale numériquement, on obtientenviron 1.78 (avec l’intégrateur numérique du logiciel ou en choisissant une des méthodesnumériques d’intégration habituelles avec un nombre n de subdivisions suffisamment élevé).Pourquoi cette différence ? Parce que la première réponse est fausse ! En effet, DERIVE a utiliséune primitive erronée puisque discontinue ! D’ailleurs, voici (figure 9) le graphe de
sin 6 1 2x x dx− −z c h que l’on a tracé à partir du résultat donné par DERIVE :
FIGURE 9
DERIVE a donc donné un résultat faux, n’ajustant pas les différentes branches de la fonctioncontinue par morceaux de la figure 9.
Permettons à DERIVE de se reprendre en illustrant le fameux phénomène de Gibbs en ce quiconcerne les « overshoot » près d’un point de discontinuité. Nous illustrons avec l’onde carrée,l’exemple classique, mais nous allons « enrichir » le problème.
f xx
xf x f x( ) ( ) ( )=
− − < <
< <
RS|T|
+ =
ππ
ππ
π20
20
2 si
si
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9
Cette fonction satisfait les conditions de Dirichlet et, par conséquent,
lim ( )n
ns x x→∞
= < <π
π2
0 pour
où s xk x
knk
n
( )sin(( ) )
=−
−=∑2
2 1
2 11
désigne la nième somme partielle. Ce que dit le phénomème de Gibbs
est ceci : il existe un nombre σ ≈ 1.85 tel que
limsin
.n
nsn
y
ydy
→∞
FH
IK = ≈zπ π
2185
0
.
La séance suivante de DERIVE va « prouver » cela. Évidemment l’onde carrée est une fonction
impaire et sa série de Fourier est facilement trouvée : 22 1
2 11
sin( )n x
nn
-
-=
•
Âp
ce que DERIVE peut
confirmer :
Voici un graphe de f, s3, s10 and s50 :
FIGURE 10
En regardant de plus près, on s’aperçoit que le premier maximum situé immédiatement après 0semble être à la hauteur 1.85 plutôt que 1.57 (donc les « overshoot » ne disparaissent pas !)
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Même s’il est clair que le premier point critique à droite de 0 est un maximum, nous le confirmonsà l’aide du test de la dérivée seconde et obtenons son abscisse : π/(2n).
La ligne #6 indique que la dérivée seconde est négative puisque π/(2n) est situé entre 0 et π.Lorsque n tend vers l’infini, ce point s’approche de 0, mais sa coordonnée y reste aux alentours de1.85. Afin de prouver cela, remarquons que
Il faut maintenant calculer la limite du #7 lorsque n tend vers l’infini. DERIVE ne veut pas mais,utilisant une somme de Riemann (en choisissant les points milieux de chacun des sous-intervalles),on s’aperçoit que c’est la somme de Riemann suivante :
Voici un portrait de la situation pour n = 20 :
FIGURE 11
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Par conséquent, la limite est la valeur de sin y
ydy
0
πz et DERIVE conclut :
Exemple 4 : utiliser son calculateur symbolique de façon efficace
On cherche à minimiser la fonction f sous les contraintes g = 0 et h = 0 :
f x y z x y z g x y z h x y z( , , ) : := + + + − − = − + − =2 2 2 3 2 11 0 2 3 0, ,
Évidemment, cela revient à chercher le point le plus proche de l’origine sur la droite d’intersectiondes 2 plans précédents. L’algorithme de Gauss-Jordan nous permet de trouver sous formeparamétrique cette droite et il suffit de minimiser une fonction d’une variable. On peut aussiutiliser les multiplicateurs de Lagrange et l’implémentation des bases de Gröbner dans le « solve »de la TI-92Plus/89 permet rapidement de conclure. Cela n’est toutefois pas nécessaire pourrésoudre le système de 5 équations (linéaires ici) à 5 inconnues obtenues en posant
∇ = ∇ + ∇ = =f g h f gλ µ , , 0 0
FIGURE 12
Ne sachant pas à l’heure actuelle quels sont les « dangers » éventuels d’une sur-utilisation duComputer Algebra, nous pensons qu’il serait souhaitable de travailler plusieurs exercices de « petitformat » sans l’utilisation du calculateur (par exemple, faire encore à la main la réduction
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de la matrice a ci-haut). On pourrait utiliser 2 types d’examen (l’un sans technologie et l’autreavec technologie) par exemple. Nous apprécierons tout commentaire et toute suggestion allantdans ce sens. Puisque le Computer Algebra est là pour rester, apprenons à en tirer le meilleur. Et,équipé de puissants systèmes symboliques, devenons plus exigeant en résolvant des problèmes quienglobent plusieurs concepts.
Un tout dernier petit exemple : lorsque les concepts de dérivée et d’intégrale définie ont étéétudiés, il ne devrait pas être défendu de poser un problème où interviennent des calculsd’extremums et d’intégrale définie (somme de Riemann/théorème fondamental). Cela pourra êtrelong même dans le cas de fonction relativement simple si tous les calculs étaient effectués à lamain. Avec un CAS, on peut, en quelques secondes, faire tout cela ! Par exemple, on considère lafonction polynomiale f x x x x( ) ( )( )= − −1 2 1a f2 . En quelques secondes, avec une TI-92 parexemple, on peut faire ressortir clairement les 3 minimums locaux et les 2 maximums locaux tout
en confirmant le tout par le test de la dérivée seconde ; on peut calculer exactement f x dx( ) 0
1z et
vérifier que f x dxn
fi
nni
n
( ) lim = FH
IK→∞
=z ∑0
1
1
1 et résoudre l’équation f(x) = 2 par la méthode de Newton
tout à fait naturellement !
FIGURE 13
Conclusion
L’enseignement des mathématiques en utilisant les CAS peut devenir passionnant et captivant ! Ilne faut toutefois pas oublier de rester critique face aux résultats obtenus par le calculateur. S’enservir pour vérifier des réponses, pour explorer certaines avenues, pour voir des graphes, etc ...devrait être encouragé. En se rappelant qu’il reste primordial de comprendre ce que l’on fait etmanipule, nous pensons que le temps économisé en utilisant un CAS doit être compensé parplusieurs approches (graphique, géométrique, numérique, analytique). Passer plus de temps surcertains problèmes (optimisation par exemple) peut constituer une solution de rechange au plan decours classique. Et se souvenir qu’il est important de comparer ses réponses et d’utiliserdifférentes approches afin de « réviser » la matière enseignée.
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Références
Jackson, L.B. (1991). Signals, Systems, and Transforms. Addison Wesley, Reading,Massachusetts, USA.
Jeffrey, D.J., Labahn, G., Mohrenschilkt, M.V. et Rich, A.D. Integration of the Signum,Piecewise and Related Functions. Issac 97, Maui, Hawaii, USA.
Kostelich et Armbruster (1996). Introductory Differential Equations. Addison Wesley, Reading,Massachusetts, USA.
The International Journal of Computer Algebra in Mathematics Education, Volume 5, No. 1.Éditeur John Berry, The University of Plymouth, Plymouth, Devon, U.K.
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