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UN APERCU SUR LA DECENTRALISATION FISCALE ET LES FINANCES LOCALES EN AFRIQUE FRANCOPHONE
Par
Dr. Sylvain H. Boko Professeur Agrégé des Sciences économiques
Wake Forest University Winston-Salem, NC
USA
Présenté à la session II du Forum d’Action pour la Gouvernance Locale en Afrique Francophone
Jeudi 24 Avril 2008
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I. LE CADRE CONCEPTUEL La décentralisation fiscale se définit par le transfert vers les Administrations locales,
des pouvoirs de décisions relatives à la mobilisation des ressources au niveau local en
vue de l’exécution des responsabilités dévolues par le gouvernement central. En
principe, toute responsabilité dévolue au niveau local devrait être accompagnée d’un
niveau adéquat de ressources.
Une politique de décentralisation fiscale cherche à promouvoir l’efficacité dans la
provision des services au niveau local, le développement durable, la croissance
économique et la réduction de la pauvreté. En effet, le développement durable
implique une gestion efficace des resources locales (et nationales), une croissance
dynamique de l’économie, le tout basé sur un partenariat entre le secteur public, le
secteur privé et la société civile. La décentralisation fiscale et financière peut donc
promouvoir l’efficacité, l’innovation, le développement des ressources humaines,
l’entreprenariat et le dynamisme local. Ce sont là les éléments clés d’une politique de
réduction de la pauvreté.
Une politique de décentralisation fiscale se conçoit dans un cadre juridique qui définit
clairement les responsabilités dévolues au niveau local ainsi que les sources de revenu
décentralisées. La décentralisation fiscale doit être accompagnée par des réformes
institutionnelles et la mise à jour des lois.
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Parmi les principes de base de la décentralisation fiscale se trouvent : l’adéquation
des ressources et responsabilités, l’équité, la transparence, l’imputabilité, la
motivation et la sanction. L’application d’une telle politique se renforce à travers une
approche participative, impliquant toutes les couches socio-économiques locales dans
le processus de prise de décision. Une politique de décentralisation fiscale se conçoit
et s’applique aux fins de promouvoir l’équilibre dans le processus de développement
des communautés locales. Dans ce cadre, il revient au gouvernement de mettre a la
disposition des Administrations locales des ressources adéquates pour l’exécution des
responsabilités accrues qui leur sont attribuées, mais aussi la distribution équitable
des ressources centralisées allouées aux communautés locales.
La pérennité du processus exige l’appropriation et la participation effective des
populations. Pour ce faire le comportement et l’attitude des autorités et agents
impliqués dans la décentralisation sont déterminants. Ainsi, la gestion des finances et
de la fiscalité locale doit se faire dans la transparence totale. De plus, les décideurs
ainsi que les agents d’exécution de la politique doivent être imputables devant les
populations qu’ils servent. Des dispositions doivent être mises en place pour inciter
l’excellence au travail chez les agents d’exécution, mais en cas de nécessité
(corruption, détournement des deniers publics, négligence, incompétence, etc.) les
autorités appropriées doivent être prêtes à appliquer les sanctions prévues par la loi
avec rigueur pour maintenir la crédibilité du processus de la décentralisation.
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La décentralisation fiscale n’implique pas l’abandon des communautés locales par le
gouvernement central. L’application d’une politique de décentralisation fiscale
demande, dans le court terme, des mesures d’accompagnement dans les domaines de
formation et de renforcement de capacités, et de subventions. Ceci dit, l’objectif dans
le long terme est de promouvoir l’autonomie fiscale et financière des communautés
locales.
Sur le plan macroéconomique, les avantages de la décentralisation fiscale et
financière implique la réduction des charges financières et partant, du déficit
budgétaire du gouvernement central à long terme. En effet lorsque les communautés
locales acquièrent l’autonomie fiscale et financière, leur dépendance sur les finances
du Gouvernement central est réduite éliminant le déséquilibre fiscal vertical qui
pourrait se manifester au début de la décentralisation fiscale.
La décentralisation fiscale pourrait également comporter des inconvénients
macroéconomiques si elle n’est pas bien conçue et appliquée. Par exemple, si le
Gouvernement central délègue aux Administrations locales le pouvoir de s’endetter
sans limitations ni conditions, ceci pourrait avoir des conséquences sur le budget du
gouvernement central, qui pourrait se trouver dans l’obligation de payer les dettes des
communautés locales en cas de crise économique. Dans ces conditions la stabilité
macroéconomique pourrait être menacée.
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Cependant, les études empiriques portant sur la relation entre la décentralisation fiscale et
le cadre macroéconomique démontrent que la décentralisation fiscale pourrait aussi
produire un effet positif et significatif sur le solde budgétaire du gouvernement central.
Selon l’hypothèse de la décentralisation, la taille financière du gouvernement (mesurée
par les dépenses totales du gouvernement) devrait se réduire au fur et à mesure que les
taxes et les dépenses sont décentralisées. Lorsque ce modèle est appliqué aux pays
industriels par exemple, les résultats obtenus indiquent qu’au fur et à mesure que la
décentralisation fiscale s’étend, les besoins de dépenses au niveau central s’amoindrissent,
et par conséquent la taille du gouvernement central se réduit.
Une étude menée par Sylvain Boko1 sur un échantillon des pays Africains, examine la
relation qui existe entre l’autonomie fiscale des Administrations locales et le solde
budgétaire ainsi que la taille financière du gouvernement central.
Les résultats sont présentés dans le tableau No. 1. Les variables de contrôle sont la
croissance de la valeur réelle du PIB, et le ratio de l’investissement par rapport au PIB.
Tableau No. 1. L’Impact macroéconomique de la décentralisation Variable Solde budg. du Gouv. Taille du Gouv. central Constante Croissance PIB Investissement/PIB
-3.77 (-1.4) 0.47 (2.3) -0.23 (-2.0)
18.01 (12.08 -0.91 (12.01) 0.61 (6.53)
1 Sylvain Boko, Decentralization and Reform in Africa,(Kluwer, 2002)
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AUT R-carre ajuste
0.05 (4.10) 0.50
-0.07 (5.82) 0.40
Source: Sylvain Boko (2002); statistiques-t entre parenthèses
Le Tableau No.1 indique que l’accord de l’autonomie fiscale aux Administrations locales
a pour résultat une amélioration significative du solde budgétaire du Gouvernement
central et la réduction de sa taille financière. Ces résultats rejoignent l’hypothèse de la
décentralisation énoncée plus haut.
Sur la base des études empiriques, l’on peut déduire que la décentralisation fiscale qui
accorde une plus grande autonomie fiscale aux Administrations locales, impliquera une
amélioration dans la position budgétaire du Gouvernement central et la réduction de sa
taille financière. Cette stabilité macroéconomique se vérifie aussi bien au niveau des pays
industrialisés qu’au niveau des pays en voie de développement.
II. LA PROBLEMATIQUE DE L’APPLICATION DE LA DECENTRALISATION
FISCALE
Dans l’application de la décentralisation fiscale plusieurs constats sont faits au niveau
local dans les pays Africains :
1. Le niveau général des ressources des Administrations locales est faible et il existe de
grandes disparités au niveau de la mobilisation des recettes entre les communautés
locales.
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2. La base des recettes des Administrations locales est très étroite ; dans beaucoup de
cas, tel que le Rwanda par exemple, les recettes sont recouvrées essentiellement à
partir de taux fixes ou redevances forfaitaires imposées sur des petites activités. Par
conséquent, les recettes sont statiques, n’évoluant pas en fonction du niveau
d’activités des contribuables. De plus, les grandes activités économiques établies dans
la juridiction locale ne sont pas souvent soumises à l’imposition locale et, par
conséquent, elles ne contribuent pas directement aux flux financiers locaux.
3. Les investissements que les communautés locales inscrivent dans leurs budgets de
développement sont généralement d’ordre social et comprennent des éléments tels
que les achats de véhicule, la construction ou la rénovation des bureaux, des écoles,
des centres de santé, des marchés, etc. Sans sous-estimer l’importance de ces
investissements sociaux, force est de constater que les budgets de développement des
Communautés locales ne sont pas souvent élaborées sur la base des stratégies locales
de développement économique qui soutiendraient la création de l’emploi dans le
secteur privé et l’élargissement de l’assiette de l’impôt au niveau local.
4. Les systèmes de gestion financière au niveau local ne remplissent pas encore les
normes internationales et demeurent inadéquats vis à vis des responsabilités accrues
qui accompagnent la décentralisation. De plus, les systèmes de contrôle (audit interne
et externe) sont-ils encore très faibles.
5. L’accès du public à l’information en tant qu’outil de contrôle est encore faible.
6. Le manque de coordination effective entre les Ministères sectoriels et les
Administrations locales limite l’efficacité des services rendus aux populations.
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7. Les Districts n’ayant pas encore atteint l’autonomie financière ont tendance à
accroître leur niveau d’endettement pour des besoins de fonctionnement.
8. Les ressources du gouvernement central affectées en appui aux entités décentralisées
n’atteignent pas les structures proches des populations.
9. Les capacités des ressources humaines à tous les niveaux sont faibles
10. Les ressources destinées au développement local n’arrivent pas à être entièrement
absorbées.
11. Le manque de clarté dans la politique de la décentralisation fiscale de la part du
gouvernement
III. LA RESPONSABILIE DU GOOUVERNEMENT : L’ADOPTION ET
L’APPLICATION D’UNE POLITIQUE DE DECENTRALISATION FISCALE :
L’EXEMPLE DU RWANDA
Les objectifs de la politique de décentralisation fiscale au Rwanda se résument
comme suit :
Objectif général
Pourvoir aux Administrations locales les ressources nécessaires et leur doter des
pouvoirs de mobilisation des ressources propres en vue de l’exécution adéquate
des responsabilités décentralisées.
Cet objectif général est étoffé par des objectifs spécifiques qui sont :
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Objectif n°1 : Développer une base efficace et durable de ressources pour les
communautés locales.
Stratégies de mise en œuvre :
• Elargir la base des ressources propres aux collectivités locales par la
génération progressive des revenues fondée sur la croissance économique
locale.
• Diversifier les sources de revenue des Administrations locales.
• Améliorer le système de perception des impôts et taxes décentralisés à
travers une approche participative.
Objectif n°2 : Assurer les ressources pour un développement équitable des communautés
locales.
Stratégies de mise en œuvre :
• Permettre une distribution équitable et équilibrée des ressources allouées aux
Administrations locales
• Etablir un système efficace de transfert des ressources du Gouvernement
Central vers les niveaux d’exécution des responsabilités décentralisées.
• Stimuler la capacité d’absorption des ressources allouées aux Administrations
locales
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Objectif n°3 : Renforcer les capacités de gestion participative à tous les niveaux
Stratégies de mise en œuvre :
• Renforcer les systèmes de planification, d’engagement des dépenses,
d’évaluation et de contrôle financier dans les administrations locales
• Intégrer les dispositions définies dans la politique de décentralisation
sectorielle dans les pratiques de gestion des Administrations locales
• Mettre en place des mécanismes d’information, d’éducation et de
communication pour une meilleure participation de tous les acteurs concernés
par le développement local
IV. LA RESPONSABILITE DES COMMUNAUTES LOCALES
I. La Planification Stratégique
La planification stratégique consiste en une série de techniques qui permettent aux
autorités locales, en concertation avec la population, de : définir une vision ; identifier les
objectifs stratégiques á atteindre ; développer un plan d’action ; allouer les ressources
nécessaires á la réalisation des objectifs ; identifier les rôles et contributions de chaque
partie prenante. Ceci implique de la part des autorités locales, une bonne compréhension
des rôles respectifs des acteurs locaux de la planification stratégique ; une maîtrise des
voies et moyens d’accroître l’initiative économique de base ; une maîtrise des voies et
moyens d’assurer la participation effective du secteur privé dans le processus du
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développement local ; une maîtrise de la planification sectorielle (éducation, santé,
agriculture) et de l’intégration des différents secteurs dans la planification du
développement local
2. Planification opérationnelle
La planification opérationnelle est un plan de mobilisations des ressources locales qui
permet d’orienter les communautés locales vers une meilleure exploitation des techniques
d’émission et de recouvrement mises à leur disposition par la loi relative aux finances
locales. Aussi les compétences de l’administration fiscale et les capacités de gestions des
communes doivent-elles être renforcées pour mieux exécuter les objectifs d’une
planification opérationnelle.
Les étapes suivantes d’exécution d’un plan de mobilisation des ressources locales
peuvent être adoptées :
• Identifier la matière taxable au niveau local
Identifier les sources et provenance des recettes communales et municipales
Sources insuffisamment exploitées Sources non-encore exploitées Sources à créer
• Recenser les opérateurs économiques dont l’activité constitue une source de
revenu
• Apprendre à mobiliser le potentiel financier propre à la commune et la
municipalité
• Maîtriser les techniques d’appel de fonds au double plan local et externe
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• Identifier les causes possibles de refus de payer les impôts et taxes :
Le refus de payer les impôts et taxes peut être dû aux situations suivantes:
Manque de confiance envers l’utilisation des fonds
Sentiment d’exclusion d’une partie de la population qui estime ne
pas bénéficier des investissements du District
Manque d’information ou de prise de conscience de la nécessité
de payer l’impôt
Inefficacité des services rendus par le District
Promesses non-tenues par le District
Incivisme caractérisé
sensibiliser les contribuables et la société civile par la méthode EIC
maîtriser les textes relatifs aux relations financières entres le gouvernement et
les Districts
V. CONCLUSION Il existe toujours un manque a gagner dans le domaine des finances locales dans les pays
Africains francophones. La responsabilité de cette situation est imputée au gouvernement
central aussi bien qu’aux communautés locales. Si chaque acteur jouait son role selon le
cadre institutionnel du pays, les pays Africains francophones, pourraient encore tirer les
bénéfices d’une politiques de décentralisation fiscale a travers l’accroissement de
l’activité économique au niveau local, ce qui servirait comme tremplin pour un
développement durable.
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