Symptomatologie et liens avec la criminologie
Michelle de Sagazan Nègre
TROUBLES DE L’HUMEUR
L’HUMEUR
Généralités
L’humeur
« L’humeur est cette disposition affective fondamentale, riche de toutes les instances émotionnelles et instinctives, qui donne à chacun de nos états d’âme une tonalité agréable ou désagréable, oscillant entre les deux pôles extrêmes du plaisir et de la douleur. »
Jean Delay (1907-1987)
L’humeur
État dynamique, dont les variations sont physiologiques
Synonymes : moral, thymie, affects
Domaines liés à l’humeur
Sthénie (Energie, tonus, vitalité…) Contenu des pensées (aspect
cognitif) Psychomotricité (le comportement
moteur) Conduites instinctuelles (sommeil,
appétit, libido) Anxiété Dynamique émotionnelle
Troubles de l’humeur
Fixation de l’humeur dans un état extrême : Tristesse et douleur morale : dépression Euphorie : manie
Aigu ou chronique Dysthymies et troubles bipolaires
LA DEPRESSION
Généralités
Quelques chiffres
1ère pathologie psychiatrique 121 M de personnes dans le monde 3 M en France
1ère cause de handicap dans le monde Rapport OMS 2004
2 femmes pour 1 homme 5 à 25% de prévalence vie entière Pathologie universelle
Définition
Trouble de l’humeur dominé par la tristesse et un ralentissement global de la psychomotricité.
Met en jeu le pronostic vital, principalement en raison du risque suicidaire.
Dépressions « primaires »
Multiples hypothèses
« Psychologiques »-Approche analytique-Approche cognitive
« Biologiques »-Neurobiologie-Endocrinologie-Génétique
« Sociologiques »Facteurs favorisants et facteurs précipitants
Mutifactoriel
Dépressions « secondaires »
À un trouble psychiatrique +++
À une pathologie organique Maladies dépressogènes Maladies déprimantes
À une prise de médicament ou de toxiqueAnti hypertenseurs, corticoïdes, L Dopa
Dépressions associées à un autre trouble psychiatrique
Troubles anxieux (TAG, phobies…) Psychoses (Schizophrénie…) Troubles du sommeil Troubles des conduites alimentaires
(anorexie, boulimie…)
LE SYNDROME DEPRESSIF
La symptomatologie dépressive
Humeur dépressive Asthénie Modification du contenu des pensées
sur un versant négatif Ralentissement psychomoteur Troubles des conduites instinctuelles Symptômes anxieux ± Délire
Humeur dépressive
Tristesse intense, qualitativement singulière
envahit tous les champs de la vie mentale peu accessible au raisonnement, au réconfort entraîne une importante impotence fonctionnelle
Anhédonie : perte de la sensation de plaisir
Aboulie : perte d’initiative, absence d’envie
Au maximum, perte de l’élan vital (athymhormie)
ou irritabilité, labilité émotionnelle, hyperthymie douloureuse (douleur morale) avec crises de larmes parfois inexplicables par le patient, et anxiogènes.
Asthénie
Fatigue et fatigabilité Symptôme quasi-constant ++ Caractéristiques dans la dépression :
Prédominance matinale Amélioration vespérale
Modification du contenu de la pensée
Le passé : reconstruction négative du passé
Le présent : culpabilité exagérée, avec vécu
d’indignité autodépréciation
L’avenir : pessimisme, sensation d’avenir bouché incurabilité : sentiment de ne pouvoir être
guéri
Idées suicidaires
Facteur de gravité pas forcément synonymes de risque suicidaire
Intensité Intentionnalité Moyens Scénario
A modérer avec les facteurs de protection
Ralentissement psychomoteur
Ralentissement psychique (Bradypsychie) Troubles de l'attention et de la concentration,
troubles mnésiques, menant à une indécision et une perplexité
Ruminations (piétinement de la pensée) Bradyphémie : lenteur du discours Prosodie monocorde : perte des intonations
Ralentissement moteur Pauvreté gestuelle et mimique (hypomimie voire
amimie) Apragmatisme : perte d’initiative Au final, diminutions des conduites élémentaires
d’hygiène et d’alimentation (incurie), avec confinement au lit (clinophilie)
À l'extrême: Mutisme et Stupeur
Troubles des conduites instinctuelles
Appétit : anorexie (90%) ou hyperphagie (10%)
Sommeil : insomnie, typiquement à réveil précoce (90%) ou hypersomnie (10%)
Libido : baisse du désir sexuel
Symptômes anxieux
Très fréquents
Problèmes diagnostiques entre : Trouble anxieux déprimé Dépression anxieuse
Idées délirantes
Pensée en contradiction avec le réel
Congruence à l’humeur Ruine Indignité Culpabilité
Rappel
Humeur dépressive Asthénie Modification du contenu des pensées Ralentissement psychomoteur Troubles des conduites instinctuelles Symptômes anxieux ± Délire
Aucun symptôme spécifique +++
Différents degrés d’intensité de la dépression
Léger Moyen Sévère Mélancolie qui peut être Stuporeuse, anxieuse ou délirante
Urgence thérapeutique
Pourquoi traiter?
Pronostic
EDM = 4 à 8 mois Évolue le + svt vers la
résolution spontanée.
Risques en l’absence de traitement Conduites suicidaires ++
+ Addictions (stupéfiants,
mais surtout médicaments anxiolytiques)
Retentissement socioprofessionnel
Récidive Évolution vers un trouble
chronique de l’humeur
Traitement pour:
Réduire la souffrance et l’incapacité Diminuer le risque suicidaire Réduire la durée de l’épisode Objectif thérapeutique = GUÉRISON
MANIE et HYPOMANIE
Aux antipodes de la dépression?
Généralités
Troubles de l’humeur dominés par: L’exaltation L’accélération psychomotrice
Pic de fréquence entre 15 et 30 ans
S’inscrivant dans la majorité des cas dans le cadre d’un trouble bipolaire de l’humeur.
Les causes
Manies « primitives » (Trouble bipolaire)
Manies « secondaires » ou « pseudo-manies » Pathologies organiques: épilepsies,
syndrome frontal, hypoglycémies, hyperthyroïdies…
Toxiques +++ Stupéfiants stimulants (psychoanaleptiques):
cocaïne, amphétamines, ecstasy Médicaments: Antidépresseurs,
corticostéroïdes…
Le syndrome maniaque
Généralités S’oppose presque point par point au
syndrome dépressif Exaltation de l’humeur Hypersthénie Idéation « hyper-positive » Accélération psychomotrice Troubles des conduites instinctuelles Délire
RUPTURE AVEC L’ÉTAT ANTÉRIEUR Caractérisé par une ANOSOGNOSIE (absence
de conscience du trouble).
Exaltation de l’humeur
Euphorie : joie intense, exaltation Expansivité de l’humeur, sans
pudeur ni réserve. Hypersyntonie: hyperadaptabilité,
familiarité Ludisme Hyperhédonie (plaisir accru dans
toute activité) Labilité émotionnelleirritabilité
Hypersthénie
Absence de fatigue
Moindre fatigabilité
Malgré un appétit et un sommeil souvent réduits ++
Modification du contenu des pensées
Surestimation de soi Sentiment de toute-puissance
généralement sous-tendu par un pseudo-délire
mégalomaniaque ou mystique. Optimisme débordant, insouciance Anosognosie (pas de conscience de
sa maladie) et déni du trouble
Accélération psychomotrice (1)
Hypervigilance et distractibilité Tachypsychie Diffluence (fuite des idées) Troubles de la concentration et de
l’attention (manifestes, mais dont le patient ne se plaint que rarement).
Accélération psychomotrice (2)
Langage : logorrhée (langage accéléré), et/ou tachyphémie (langage désordonné).
Autres (graphorrhée (impulsion irrésistible d’écrire…)
Hyperactivité motrice avec hypermimie, agitation
Accélération psychomotrice (3)
Désinhibition comportementale et pulsionnelle +
Absence totale d’autocensure. Présentation débraillée, originale Manifestations de joie : chant, danses,
applaudissements, exhibitionnisme Multiplication des initiatives : « commence
tout, mais ne finit rien » : domestiques (rangements, déménagements), professionnelles (brusque changement d’orientation), ludiques (désirs soudains de s’amuser dans des lieux ou
des heures impropres) voyages pathologiques
Absentéisme ou relâchement professionnel Désinhibition financière (achats
pathologiques) Comportements agressifs
Troubles des conduites instinctuelles
Insomnie constante, sans fatigue
Hyperphagie ou anorexie
Libido exacerbée, hypersexualité
Délire ou pseudo-délire?
Pseudo-délire quasi constant.
Délire possible: Congruent à l’humeur exaltée Mégalomaniaque ou mystique Mécanismes intuitifs et imaginatifs
Les différents degrés
Syndrome maniaque caractérisé Rompant avec l’état antérieur
Altérant profondément le fonctionnement socioprofessionnel.
Pouvant aller jusqu’à la furie maniaque. Improductif En l’absence de cause organique ou toxique
Épisode hypomaniaque N’altérant pas ou peu, voire exacerbant le
fonctionnement socioprofessionnel. Productif.
Trouble bipolaire de l’humeur
Définition
Alternance d’épisodes dépressifs et d’épisodes maniaques ou hypomaniaques.
Anciennement appelé « Psychose maniaco-dépressive » (PMD). Terme aujourd’hui impropre ++
Caractéristiques
Episodes dépressifs: Souvent sévères Caractéristiques mélancoliques
Episodes d’agitation: Maniaques (type 1) Hypomaniaques (type 2) Suite à un traitement antidépresseur (type
3)
TBP type 1: 1% TBP type 2 et cyclothymie : 4-6 Début à l’âge jeune (15-30 ans) Délai moyen de diagnostic: 10 ans.
Le cycle bipolaire
Durée séparant le début d’un épisode (dépressif ou maniaque) du début du suivant.
La durée des cycles est un facteur pronostique majeur +++
« Rapid cyclers » = formes les + sévères
Une forme mineure: la cyclothymie
Alternance d’épisodes dépressifs mineurs, ou majeur légers
Et d’épisodes strictement hypomaniaques
Forme bénigne, ne nécessitant le plus souvent aucune intervention thérapeutique
Pronostic
Maladie chronique et incurable à ce jour
Complications cumulées des phases dépressives et maniaques
Pronostic « révolutionné » par les traitements thymorégulateurs Sels de Lithium Anticonvulsivants
En cas de bonne observance, et de bonne réponse au traitement, le pronostic est BON.
Troubles de l’humeur et
criminologie
Risques liés à la dépression
Conduites suicidaires Addictions
Stupéfiants Anxiolytiques ++
Retentissement social et professionnel
Le risque suicidaire
D’après l’OMS : 850 000 morts par an
En France un décès sur 5 est un suicide
Dépression fréquente dans:
16 à 28% des cas avant les faits chez les auteurs d’homicides ou d’actes de violence graves
2% aux USA et jusqu’à 42% au Danemark: chez les meurtriers criminels passionnels, mères dépressives auteurs d’infanticides, pères de famille.
Les pactes suicidaires
Risque accru si dépression survient sur une pathologie psychotique
Les mouvements dépressifs et suicidaires semblent s’inscrire parmi les meilleurs prédicteurs de dangerosité à court terme, en particulier en cas d’association à une situation de crise existentielle, à une pathologie psychotique, à un trouble grave de la personnalité, à un abus d’alcool ou de substances
Risque d’homicide altruiste
Estime de soi fortement dépréciée + souffrance morale intense + sentiment de culpabilité intense
envers les proches ± délire (facteur aggravant) = Risque d’homicide altruiste
Homicide altruiste
Suicide élargi étendu aux proches (filicide ou meurtre du conjoint)
Préméditation habituelle mais dissimulée, comme pour le suicide.
Thématique délirante: ruine, culpabilité, persécution, mystiques, hypocondriaques
Le cas de Louis Althusser (1918-1990) Philosophe français, membre du PC, à
l’origine d’un renouvellement important de la pensée marxiste.
Le 16 novembre 1980 il étrangle sa femme dans leur appartement
Risques liés à la manie: délits mineurs
Désinsertion socio-professionnelle Conduites à risque:
Rapports sexuels non protégés Errances, vagabondage Dilapidation du capital financier Comportement hétéro-agressif, rixes Développement d’addictions
Délits majeurs Délits sexuels dus à la libération
instinctuelle Actes de violence physique si se sent
victime d’une humiliation ou de moqueries
Affrontements avec les personnes représentant l’autorité dus au sentiment de toute puissance
Risque de dangerosité augmenté si présence d’idées délirantes de persécution et/ou alccolisation
Manie furieuse: violence extrême: rare Actes non prémédités
Les risques liés au trouble bipolaire
Risques liés à la dépression
Risques liés à la manie
Risques majorés par l’abus de substances psycho actives (alcool,
cannabis, benzodiazépines)
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