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Fiche de lectureDocument rédigé par Ivan Sculier
Robinson Crusoé
Daniel Defoe
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Robinson Crusoé
Daniel Defoe
(Université libre de Bruxelles)maitre en langues et littératures françaises et romanes
Document rédigé par Ivan Sculier
RÉSUMÉ 6
ÉTUDE DES PERSONNAGES 11Robinson Crusoé
Vendredi
CLÉS DE LECTURE 14Genèse et authenticité
Robinson Crusoé, un roman autobiographique ?
Le premier roman
La dimension mystique de l’œuvre
PISTES DE RÉFLEXION 20
POUR ALLER PLUS LOIN 21
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Daniel DefoeAventurier, commerçant, politicien,
journaliste et écrivain anglais
• Né en 1660 à Londres• Décédé en 1731 à Londres• Quelques- unes de ses œuvres :
ʟ Robinson Crusoé (1719), roman ʟ Moll Flanders (1722), roman ʟ Histoire générale des plus fameux pirates
(1724-1728), ouvrage historique
Né en 1660 à Londres, Daniel Defoe ne fut pas, à pro-prement parler, un écrivain professionnel. Issu d’une famille de commerçants protestants aux origines belges, il était destiné à une carrière de pasteur. Or, il n’en fut pas ainsi. Defoe a exercé diverses activités : il fut aussi bien commerçant qu’aventurier, politicien ou journaliste. Il ne s’est consacré à la littérature qu’en fin de carrière, par besoin financier.
Daniel Defoe a rédigé divers écrits en tous genres : pam-phlets, essais, discours, journaux et, finalement, romans. On se souviendra surtout de lui comme l’auteur de Moll Flanders (1722) et, bien entendu, de Robinson Crusoé (1719).
Il décéda dans des circonstances inconnues en avril 1731, à Londres. Ses œuvres furent traduites en de nom-breuses langues.
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Robinson CrusoéLes aventures mythiques
de Robinson Crusoé
• Genre : roman• Édition de référence : Robinson Crusoé, traduit de
l’anglais par Pétrus Borel, Paris, Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 2003, 414 p.
• 1re édition : 1719• Thématiques : aventures, voyage, ile déserte, solitude,
survie, religion
Robinson Crusoé, publié en 1719, portait à l’origine un titre constituant déjà un résumé en soi : La vie et les aventures étranges et surprenantes de Robinson Crusoé de York, marin, qui vécut 28 ans sur une île déserte sur la côte de l’Amérique, près de l’embouchure du grand fleuve Orénoque, suite à un naufrage où tous périrent à l’exception de lui- même, et comment il fut délivré d’une manière tout aussi étrange par des pirates. Écrite par lui- même.
Le succès de l’œuvre fut énorme et son influence sur la littérature décisive. Il s’agit du second livre le plus édité après la Bible pendant deux siècles après sa parution. De plus, l’œuvre est considérée comme un des premiers romans, au sens moderne du terme. Ce roman a donné son nom à un genre littéraire : la robinsonnade.
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RÉSUMÉ
Né en 1632 à York, Robinson Crusoé est le fils cadet d’une famille de la bonne société anglaise. Ne sachant résister à sa nature d’aventurier, il quitte les siens contre leur gré et prend la mer. En cours de route, le navire subit une énorme tempête. Robinson, traumatisé, se jure de ne jamais plus prendre la mer. Mais il revient vite sur sa parole.
En effet, peu de temps après, il entreprend un second voyage, durant lequel son bateau est abordé par des pirates marocains : Robinson est fait esclave. Ce n’est que deux années plus tard qu’il parvient à s’échapper, emmenant un jeune maure, Xury. Tous deux longent longtemps les côtes africaines. Ils doivent se défendre contre des bêtes sauvages, après quoi ils sont ravitaillés par des tribus locales pacifiques.
Un navire portugais les recueille et les emmène jusqu’au Brésil. Robinson est traité avec tous les égards possibles. Malgré la fidélité du garçon à son égard, Robinson revend Xury aux marchands d’esclaves portugais.
Sa fuite l’emporte donc jusqu’au Brésil. Là, il s’établit quelque temps, commence à exploiter une plantation de tabac et à s’enrichir. Mais son appétit d’aventures n’étant pas encore rassasié, il décide de prendre part à une nouvelle expédition maritime pour ramener des esclaves d’Afrique, afin d’accroitre sa main- d’œuvre à bas prix. Il lève l’ancre en 1659.
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Lors de ce voyage, le navire fait naufrage. Robinson parvient à rejoindre les côtes d’une ile déserte à la nage. Lui seul survit à la catastrophe.
À l’aide d’un radeau de fortune, il s’évertue plusieurs jours durant à aller récupérer sur l’épave différents objets qui lui seront par la suite vitaux, notamment des armes, des outils et une Bible.
Après avoir passé ses premières nuits en haut d’un arbre, craignant les bêtes féroces, ou barricadé sur la plage, il décide d’explorer l’ile et de se sédentariser dans un endroit plus confortable. Il finit par découvrir une grotte habitable et s’y installe, moyennant quelques aménage-ments et fortifications.
Le lecteur assiste aux différents travaux de Robinson. Le naufragé se fait tour à tour maçon, chasseur, éle-veur, agriculteur, vannier, menuisier, potier, etc., selon ses besoins.
Un an après avoir échoué sur l’ile, Robinson Crusoé a déjà atteint ses trois objectifs principaux, à savoir manger à sa faim, boire à sa soif et dormir en toute sécurité.
Robinson n’est pas entièrement seul sur son ile. En effet, ses compagnons sont au nombre de quatre. Il vit avec un chien, deux chats et un perroquet, Poll. Il enseigne quelques mots au perroquet, qui seront les seuls qu’il entendra venant d’une autre bouche que la sienne durant de nombreuses années.
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Après avoir vécu un quotidien routinier pendant quelque temps, sa vie est bouleversée par deux évènements : un tremblement de terre et une forte fièvre. Dans les deux situations, sa vie est mise en péril. Il met plusieurs semaines à se remettre entièrement de sa maladie. Et, durant sa convalescence, l’inactivité le fait souffrir de sa solitude.
C’est ainsi qu’il est amené à se tourner vers la Bible, seul réconfort à sa portée. À partir de ce moment, l’œuvre de Defoe se fait davantage moralisatrice. Il tire beaucoup d’enseignements du livre sacré.
Une fois rétabli, Robinson Crusoé entreprend d’explorer son ile. Il décide d’en faire le tour en canoë. Il échoue et manque d’être emporté par le courant vers le grand large. De retour sur la terre ferme, il renonce à son projet et se résout à se contenter de son existence routinière dans ce qu’il nomme son château.
Ainsi les années se succèdent, monotones.
Un jour, cependant, Robinson trouve dans le sable une empreinte de pas qui ne peut être la sienne. En une seconde, son existence s’écroule tant son bouleversement est grand. Il attend pourtant encore dix ans avant de ren-contrer un être humain.
Crusoé devine qu’il s’agit d’une empreinte de sauvage et prend peur. Cette peur se change en haine lorsqu’il découvre les restes d’un repas cannibale. Il décide alors
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d’améliorer son dispositif de défense en vue d’un éventuel débarquement. Il ne quitte plus son château sans s’armer et il ne fait plus un pas sans être sur ses gardes.
Robinson découvre ensuite une nouvelle épave échouée sur les récifs de l’ile. Il l’atteint et monte à bord. Hélas, il ne découvre aucun survivant, excepté un nouveau chien – le précédent étant déjà mort. Il pille le navire comme il l’avait fait déjà pour le sien.
Une nuit, Robinson rêve qu’il sauve un indigène des griffes de ses semblables cannibales. Le lendemain, le rêve se réalise. Robinson adopte alors Vendredi.
À partir de ce jour, il jouit en permanence d’une nouvelle occupation : éduquer son sauvage. Il lui interdit le canniba-lisme, lui enseigne l’anglais et l’initie à la religion catholique.
Vendredi confie à Robinson que, parmi son peuple natal, vivent des hommes blancs. Ceux- ci sont arrivés là à la suite d’un naufrage. Robinson décide de construire une embarcation pour rejoindre le continent.
Avant leur départ, les Indiens reviennent avec deux pri-sonniers. Robinson et Vendredi leur viennent en aide. Il s’avère que l’un des deux prisonniers est un Espagnol et que l’autre est le père de Vendredi.
Après un bref séjour sur l’ile, Robinson les envoie comme ambassadeurs sur le continent afin d’entamer des négo-ciations avec les autres Espagnols en vue du départ pour l’Europe.
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Avant leur retour, un troisième navire accoste, chargé de mutins. Ils mettent pied à terre afin d’abandonner leur ancien capitaine. Robinson aide le capitaine à reprendre le contrôle de son équipage. Vendredi et lui s’apprêtent à repartir avec le capitaine. Les instigateurs de la mutinerie, toujours vivants, sont abandonnés sur place.
Robinson quitte donc l’ile vingt- huit ans, deux mois et dix- neuf jours après y être arrivé.
De retour à Londres, il ne trouve aucun contact. Il part alors pour Lisbonne où le capitaine portugais qui l’avait emmené au Brésil le reconnait et lui parle de sa plantation florissante. Robinson en reprend possession.
Il rentre ensuite en Angleterre par voie terrestre, hésitant à l’idée de prendre la mer une fois de plus. Le voyage se fait périlleux à cause de loups, mais, en arrivant, il apprend qu’il est arrivé malheur aux deux vaisseaux transportant ses affaires.
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ÉTUDE DES PERSONNAGES
ROBINSON CRUSOÉ
Robinson Crusoé est devenu le prototype du parfait aven-turier, du naufragé qui a su apprendre à se débrouiller seul sur son ile déserte. Au- delà de ça, certains aspects du personnage sont à mettre en avant :
• le mauvais fils de famille. Le texte procède à l’auto-dénigrement d’un fils de famille qui a abandonné les siens pour partir à l’aventure. Robinson ne parvient pas à assumer sa décision. Il commence par se blâmer comme l’aurait fait l’enfant prodigue :
Ʒ Je commençai alors à réfléchir sérieusement sur ce que
j’avais fait et sur la justice divine qui frappait en moi un fils
coupable. Tous les bons conseils de mes parents, les larmes
de mon père, les paroles de ma mère, se présentèrent alors
vivement en mon esprit ; et ma conscience […] me repro-
cha mon mépris de la sagesse et la violation des devoirs
envers Dieu et mon père.
Ensuite, au fur et à mesure de l’évolution de sa pensée et de sa révélation pieuse, Robinson s’en remet de plus en plus à la Providence pour se déculpabiliser. Ce n’est pas sa faute, c’était son destin ;
• le parfait colonisateur. Robinson, bien que livré tota-lement à lui- même dans l’une des contrées les plus reculées du monde, s’évertue à recréer le système social
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anglais sur son ile. Il s’y applique d’abord de manière à se leurrer lui- même : il nomme sa grotte « château », sa tente « maison de campagne », ses animaux domes-tiques « sujets » et ainsi de suite. Il cherche, autant que ses moyens le lui permettent, à répéter les habitudes de la société anglaise : boire un verre de rhum, fumer la pipe, etc., et à en conserver les valeurs, telles que le dimanche ou la chrétienté.D’autre part, un autre aspect, plus révélateur encore de cette figure de Robinson colonisateur, est à mettre en avant. Il s’agit de celui de l’homme blanc qui s’accapare tout ce qu’il trouve comme son bien propre, qu’il s’agisse de la faune, de la flore et même des autochtones. Ainsi, lorsque la population de l’ile atteint le nombre de quatre résidents : « Mon île était alors peuplée, je me croyais très riche en sujets ; et il me vint et je fis souvent l’agréable réflexion, que je ressemblais à un roi. Premièrement, tout le pays était ma propriété absolue, de sorte que j’avais un droit indubitable de domination ; secondement, mon peuple était complètement soumis. » (Defoe d., Robinson Crusoé, Lausanne, Éditions Rencontre, 1967, p. 28) Notons qu’il avait déjà montré son penchant esclavagiste en revendant Xury à un marchand portugais.
VENDREDI
Vendredi, capturé par une peuplade ennemie à la sienne, était voué à être sacrifié et dévoré. Robinson lui vient en aide et le sauve de son sort funeste. À partir de là, il considère que « cette créature » lui appartient corps et âme. Robinson en fait à la fois son esclave, son confident et son élève. Il l’initie à sa propre culture et à ses propres
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croyances de la même manière que les colons en Amérique ou en Afrique. L’arrivée de Vendredi accentue donc forte-ment la dimension colonialiste de l’œuvre.
Lorsque Robinson et Vendredi quitteront l’ile, ils y lais-seront des mutins, des naufragés espagnols et le père de Vendredi, afin que ceux- ci perpétuent la colonie. Robinson retournera sur son ile des années plus tard et découvrira que la population s’y est accrue en son absence.
C’est le philosophe et écrivain suisse Jean- Jacques Rousseau (1712-1778) qui, sans doute, s’empara le premier de la figure de Vendredi et s’en servit comme point de départ de sa réflexion dans l’Émile ou De l’Éducation (1762). Vendredi devient alors le prototype du bon sauvage.
Le mythe du bon sauvage est un concept antérieur à l’apparition de Vendredi, qui est à mettre en relation avec celui de l’âge d’or : un âge idéal et révolu où l’homme vivait en parfaite harmonie avec la nature. Il n’était pas encore corrompu par tout ce que la société lui a apporté de mal, tel que le droit de propriété. On présente le bon sauvage comme plus ignorant, plus innocent et plus heureux. La parution et le succès de Robinson Crusoé ont fortement participé à la popularisation du mythe du bon sauvage.
Rousseau érige donc la figure de Vendredi en bon sauvage exemplaire. Il s’appuie sur lui pour dénoncer les méfaits de la civilisation sur l’homme. De là s’ensuit un discours sur l’édu-cation : Vendredi devient l’exemple à suivre pour un enfant de douze ans. Son innocence et son ignorance sont comme une terre vierge sur laquelle tout peut encore être construit.
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CLÉS DE LECTURE
GENÈSE ET AUTHENTICITÉ
Lorsque Daniel Defoe se lance dans l’écriture de Robinson Crusoé, le roman de voyage, d’aventures et les histoires de pirates étaient particulièrement à la mode. Il espérait donc exploiter le filon littéraire le plus lucratif. L’œuvre de Defoe n’est donc pas réellement originale et encore moins innovatrice.
Il faut citer, comme principale influence, l’histoire d’Alexander Selkirk (marin écossais 1676-1721), The Cruising Voyage Round the World (1712), écrite par Woodes Rogers (capitaine du navire qui a recueilli Alexander Selkirk). Les similitudes entre les deux œuvres sont très nom-breuses, à tel point que Defoe a jugé prudent, pour ne pas être accusé de plagiat, de placer les aventures de Robinson un demi- siècle avant celles de Selkirk et dans une autre partie du monde.
Jadis, le roman n’avait pas encore le statut privilégié dont il jouit aujourd’hui ; il était beaucoup moins légitime. On ne jugeait pas une œuvre sérieuse pour sa beauté, mais bien pour son authenticité.
Robinson Crusoé est une fiction, mais, comme Daniel Defoe écrivait pour gagner un maximum d’argent, il s’est retrouvé face à un dilemme :
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• soit il avouait que son héros était sorti tout droit de son imagination et renonçait au succès ;
• soit il prétendait s’être inspiré d’un fait réel, mais s’ex-posait au danger que l’imposture soit démasquée et à la honte qui s’ensuivrait. C’est ce qu’il fit. Ainsi, lorsqu’on se penche sur le titre complet, le texte est présenté comme ayant été rédigé par Robinson lui- même, tel un journal ou une autobiographie.
Plus tard, beaucoup de lecteurs perçurent au travers des aventures de Robinson Crusoé une autobiographie masquée de la vie de son véritable auteur, Daniel Defoe. Cette théorie plut à ce dernier, car, de dette manière, si sa supercherie venait à être démasquée, elle lui laissait une échappatoire : Robinson Crusoé est un livre authentique, car il retrace la vie de l’écrivain ; il s’agit d’une autobio-graphie masquée.
Mais cette théorie est- elle crédible ?
ROBINSON CRUSOÉ, UN ROMAN AUTOBIOGRAPHIQUE ?
Il existe différentes théories partant de cette hypothèse.
L’autobiographie allégorique
Cette théorie se fonde sur l’observation suivante : beau-coup d’éléments de la vie de Daniel Defoe concorderaient symboliquement avec des péripéties et des évènements du récit. Par exemple :
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• Daniel Defoe a fait un voyage de vingt- sept ans en Europe ;
• la maison de campagne de Robinson représenterait la prison de Newgate où Defoe s’est retrouvé incarcéré pour avoir écrit un pamphlet contre l’Église anglicane ;
• Vendredi serait un nègre – au sens littéraire du terme – exploité par Defoe.
Néanmoins cette théorie n’est pas sans faille, au contraire. Il est aisé de découvrir de nombreuses contradictions, surtout du point de vue chronologique.
Robinson Crusoé, porte- parole de Defoe
Defoe a attribué à son héros sa propre personnalité, son caractère, sa mentalité. Le personnage exprime les préoccupations et les idées de l’auteur, tant du point de vue moral que religieux ou politique. Ceci se ressent au travers de l’écriture, ainsi que par de nombreux éléments du récit :
• Defoe a envisagé une carrière de pasteur ; Crusoé prône l’importance de la Bible et insiste sur sa haine du paganisme ;
• Defoe a entamé une carrière de marchand ; Crusoé s’étend en énumérations et statistiques, il spécule énormément et procède à de nombreux échanges ;
• Defoe a fait de la politique ; Crusoé propage un appel à la tolérance, prône le patriotisme et son gout pour la liberté dans l’ordre, la hiérarchie et l’organisa-tion méthodique ;
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• Defoe était journaliste ; Crusoé met en avant l’impor-tance des détails, il prend des notes et tient un journal. Le style d’écriture est celui du reportage.
LE PREMIER ROMAN
Comme nous l’avons déjà mentionné plus haut, la concep-tion du roman au xviiie siècle n’était pas la même qu’aujourd’hui. Soit on écrivait une œuvre littéraire sérieuse et authentique, soit on écrivait un roman, c’est- à- dire une fiction volontairement éloignée de la réalité. C’est ainsi qu’au xviie siècle, le roman pastoral fit fureur, principalement sous la plume d’Honoré d’Urfé (écrivain français, 1567-1625), auteur de l’Astrée.
Daniel Defoe se met dans une situation complexe, car il rédige une fiction tout en tournant dos à la norme : il écrit sa fiction avec le plus de crédibilité possible. La vie de Robinson est présentée non pas pour ce qu’elle a d’ex-traordinaire, mais bien pour tout ce qu’elle a en commun avec les préoccupations quotidiennes de n’importe quel être humain. Ceci favorise la sympathie du lecteur pour le personnage.
Ainsi, Robinson Crusoé est aujourd’hui considéré comme le premier roman, au sens moderne du terme, pour trois raisons :
• le réalisme des descriptions ;• l’identification entre le personnage et l’auteur ;• l’identification entre le lecteur et le personnage.
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LA DIMENSION MYSTIQUE DE L’ŒUVRE
Beaucoup d’éléments de l’œuvre font référence, directe-ment ou indirectement, à la religion catholique. Ainsi lors de la première tempête essuyée par Robinson, celui- ci se compare à l’enfant prodigue. Plus tard, sur son ile, suite à sa fièvre et au tremblement de terre, Robinson, en plein désespoir, trouve refuge et courage dans la croyance. Il commence alors à se vouer à la Bible et à tenir beau-coup de discours à son propos. Il s’agit évidemment des idées de Defoe exprimées à travers la bouche de son héros. Plus tard, Robinson rêve qu’il sauve un indigène et le rêve se réalise le lendemain. Ceci peut être mis en parallèle avec les prophètes du Nouveau Testament.
D’autre part, Robinson interprète différents signes qui annonceraient la présence du Diable ou la protection de la Providence.
La Providence fait office d’ange gardien pour notre aventurier. On peut en trouver différentes marques dans le récit :
• lors de son premier voyage, la tempête était un avertis-sement : Robinson devait renoncer à sa vie d’aventurier. Comme il est passé outre le message divin, il a été puni par son esclavage ;
• il échoue sur l’ile à la même date que celle à laquelle il a quitté son foyer, date fatidique.
• Le blé vient à pousser comme par miracle et c’est la Providence qui lui suggère de ne pas semer toute sa récolte, sans quoi il aurait tout perdu ;
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• à son retour, il ne prend pas le bateau du Portugal vers l’Angleterre.
Le Diable, quant à lui, semble manifester sa présence à trois reprises :
• lorsque Robinson trouve une grotte et qu’il aperçoit au fond de celle- ci deux yeux brillants. Il s’agissait en fait de ceux d’un bouc agonisant. Rappelons que le bouc est l’animal utilisé pour symboliser la Bête ;
• lorsqu’il trouve une empreinte de pied, il croit d’abord au Diable, mais il finit par décréter que le Démon est trop subtil pour laisser une marque aussi grossière ;
• il attribue le cannibalisme des indigènes au Diable.
Cette présence latente du Malin pousse Robinson à aug-menter sa confiance en Dieu. Il se fie de plus en plus à la Providence et, en cas de doute, il s’abstient de prendre une décision sans un signe du destin. Chaque fois qu’il perd confiance, il lui suffit d’ouvrir la Bible au hasard pour trouver un remède à ses maux.
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PISTES DE RÉFLEXION
QUELQUES QUESTIONS POUR APPROFONDIR SA RÉFLEXION…
• Expliquez ce qui fait de Robinson Crusoé un par-fait colonisateur.
• À votre avis, pourquoi Rousseau s’est- il servi de la figure de Vendredi comme point de départ de sa réflexion sur l’éducation dans son traité Émile ou De l’éducation ?
• Les personnages de Robinson et de Vendredi sont deve-nus deux figures mythiques. Expliquez le mythe que chacun d’eux incarne.
• Quels mécanismes l’auteur met- il en place afin de permettre au lecteur de s’identifier au personnage de Robinson ?
• Quel est le rôle de la religion dans la vie de Robinson ?• Les sentiments de Robinson évoluent- ils au cours de
sa vie sur l’ile ? Expliquez.• Pensez- vous que Robinson, quand il est rentré chez lui
après vingt- huit ans passés sur l’ile, a pu mener la même vie que celle qu’il avait avant son naufrage ? Argumentez.
• Comparez cette œuvre avec une de ses plus fameuses adaptations littéraires, Vendredi ou les Limbes du Pacifique de Michel Tournier (écrivain français, 1924). Quelles sont les similitudes et les différences entre les deux romans ?
• Selon vous, à quoi tient le succès phénoménal qu’ont connu les aventures de Robinson sur l’ile (que ce soit le roman de Defoe ou ses adaptations en tous genres)? Qu’est- ce qui a séduit le public ?
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POUR ALLER PLUS LOIN
ÉDITION DE RÉFÉRENCE
• Defoe D., Robinson Crusoé, trad. de Pétrus Borel, Paris, Le Livre de poche, coll. « Classiques de poche. », 2003.
ÉTUDE DE RÉFÉRENCE
• Dottin P., Daniel Defoe et ses romans, 3 volumes, Paris, Presses universitaires de France, 1924.
ADAPTATIONS
• Campe J.H., Le nouveau Robinson, trad. de J. B. Engelmang, Francfort sur le Mein, Frédéric Wilmans, 1814.
• Gaulthier Christophe (scénario et dessin), Robinson Crusoé, bande dessinée, 2 tomes, Paris, Delcourt, coll. « Ex- Libris », 2007.
• Robinson Crusoé, film de Luis Bunuel avec Dan O’Herlihy et Jaime Fernández, 1953.
• Robinson Crusoé, film de Thierry Chabert avec Pierre Richard et Nicolas Cazalé, 2004.
• Robinson Crusoé, opéra de Jacques Offenbach, livret d’Eugène Cormon et d’Hector Crémieux, 1867.
• Tournier M., Vendredi ou les Limbes du Pacifique, Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 1967.
• Wyss J.R., Le Robinson Suisse, Paris, Morizot, 1861.
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