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EntreTomKelley,lequarterbackdesGiants,etMayaLeblanc,lajeunephotographe,rienn’auraitdûarriver!Tomvitdansunmondefaitdevictoiresetdepaillettes,dedollarsetdebimbos.Maya,elle,essaietantbienquemaldebouclersesfinsdemois.AlorsquandTomessaiedelaséduire,l’instinctdeMayaluiditdefuir…Nerisque-t-ellepasdesebrûlerlesailesàcôtoyercemondesidifférentdusien?D’autantquecetuniversauxapparencessuperficiellesdanslequelvitTomestmoinsinnocentqu’iln’yparaît…

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EmilyGreen,jeunecréativedanslapublicité,découvreparhasarduneportequ’ellen’avaitjamaisvueauparavantdanslebuildingdesasociété.Pousséeparunecuriositédévorante,elleouvrecetteporteetseretrouvealorsdansuneétrangeentrepriseoùlesemployéstapentsurdesmachinesàécrireetfumentdanslesbureaux!Maisplusétrangeencore,lajeunefemmerencontreunhommeintriguantetpleindecharmequiluifaitunepropositioninattendue.Emilysaitbienqu’elledevraitrefusermaispousséeparunétrangedésir,ellesignelecontratlesliantdésormaisl’unàl’autre…au-delàdutemps.Choixducœuroupireerreurdesavie?

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Toutça,c'estlafauteduchat!JedevaisresteràSanFranciscoquelquessemainesseulement,letempsd'uneexpositiondephotos.MaisPrince,cemauditfélin,atoutfichuparterre!Prince,etsurtoutsonpropriétaire:Jason,lebeau,séduisant,irrésistiblechanteurdeGolden.Unaimantàproblèmes!Legenred'hommequejefuissansmeretourner,d'ordinaire.Seulement,jen'aijamaissurésisteràundéfi…Surtoutquandcelui-ciestaussisexyqueJason.Alors,lesproblèmes,j’enfaismonaffaire.Quitteàjetermoncœurettoutesmesconvictionsdanslabalance!

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KimGrey

SEXYCOMÉDIERECHERCHE(FAUSSE)FIANCÉE

Volume1

ZIVY_001

1.Annonce345856

–Plutôtquedeprendreennoteslaconversationdelatable6,tupourraispeut-êtreservirlajeunefilledela8,glisseTed,légèrementagacé.

–Cesdeuxdamesparlentdetoilettagecanin!Jenepeuxpaslouperça!m’exclamé-jeennotantdiscrètementquelquesbribesdeleurconversationsurmonbloc-notesdecommandes.

– Je te paiepour faire le service, Ivy, pas pour préparer tonprochain stand-up, reprendTed enpréparantlui-mêmemacommandeavecimpatience.

–LecastingduNewYorkComedyalieudansdeuxsemaines,etjen’aitoujourspasdethème!

Ilyaunan,quandjesuissortiediplôméedel’écoledethéâtre,j’aicommencéàfairedustand-updansdesclubsnew-yorkais.Traquer lesabsurditésde laviequotidiennepour lesmettre ensuite enscène,c’estvraimentmontruc.Dansquinzejours,jeparticipeàunesoiréedesélection,auNewYorkComedy.Tous lesdirecteursde théâtre importantsenmatièredecomédie seront làpour faire leurmarché.Dequoiavoirlégèrementlapression…

Heureusement,pourtrouverl’inspiration,riennevautlebardeTed.Unevéritablemined’or!Ilsuffitdetendrel’oreillepourrécolterdesidées.

–Situn,etnedépêchespas,tupourrasécrireunsketchsurlespatronsdebarquiassassinentleursemployées,menaceTed,pointantunsiphondecrèmechantillydansmadirection.Etinutiledetenterdem’attendrirenmefaisantlecoupdelatêted’ange!Tesgrandsyeuxbleusettesbouclesblondesn’aurontpaslederniermot,cettefois!

Soussesairsronchons,Tedsaitàquelpoint lestand-upest importantpourmoi.Ilm’atoujourssoutenue… Sauf quand les clients, comme la jeune fille de la table 8 , patientent depuis troplongtemps.

Jesuisprêteàmeremettreautravaillorsquemasœur,Lauren,débouledanslebar.

–Onl’aaaaa!lance-t-elled’unevoixquifrôlel’hystérie.

Et,sousleregardintriguédesclients,elleexécuteunesortededansedelavictoire.

–LesRattleSnakeontenfinleurCD!confirmeVictor,radieux.

LebatteurdugroupedemasœursedirigeversTedetmoi,levisageradieux,brandissantunCDcommeuntrophée.

JefondssurLaurenpourlaserrerdansmesbras.JecolleensuiteunbaisersonoresurlajouedeVictor,lebatteur.Avecleurlooksingulier–mélangesubtildestylespunkethipster–,ilscontribuentlargementàfairedeleurgroupeunovnistylistiqueetmusical!

–Félicitations!dis-je.Lemondeentierl’attendait,ceCD!–Pourlemoment,lajeunefilledela8attendsurtoutsaboisson,grogneTedàmonattention.–Jesuissûrequ’ellecomprendra,dis-jeenemportantenfinlecappuccino.LesRattleSnake,c’est

lemeilleurgroupedemétaldelaplanète!

Oui,ilsetrouvequec’estaussilegroupedanslequelchantemasœur…

Maisenrestantobjective,jepensesincèrementqueleurgroupemériteraitd’êtredavantageconnu.

–Glennn’estpaslàpourfêterçaavecnous?demandé-jeenconstatantl’absencedubassiste.–Justement,commenceVictor.Onaunlégersouci.Glennadûquitter lavillebrutalementpour

rejoindresafamille.Ilnousfautunnouveaubassiste.– Vous aurez le temps de recruter quelqu’un d’ici la semaine prochaine, pour le concert ?

s’inquièteTed.

Tedestunfandelapremièreheure.SonbarestleQGdugroupe,etillesaccueillerégulièrementsurlapetitescènedesoncafé.

–Glennnousadonnélenomdequelquesremplaçantsdetalent,expliqueVictor.Iln’yaplusqu’àfairedesessais.

–Etcommej’aipleindetempsmaintenant,çatombebien,rajouteLauren.

Ma sœur vient juste de finir brillamment ses études de droit. Tout lemonde lui a prédit un belavenirdansledomaine.Mais,aprèssondiplôme,elleadécidédes’accorderdutemps.Ellerêvedemusiqueplutôtquedeplaidoiries,etellen’apasencoreosél’avouerànotrepère,qui lapressedetrouveruntravailsérieux«pascommeceluidetasœur»…

Teddisparaîtquelquesinstantsdanslaréserveetrevientavecunebouteilledechampagne.

–Sionfêtaitça!

Ilproposemêmeunecoupeauxtroisclientsdubar,quiacceptent,ravis.

Aumomentdetrinquer,Laurenenlèvesavesteetsonfoulard:TedetmoipoussonsalorsuncridesurpriseendécouvrantDevil,lepythonjauneetblancdemasœur.

–Quoi?!Tul’asapporté?!–Devilestunmembredugroupe,ilestnormalqu’ilfêtelasortiedudisqueavecnous!

Le serpent glisse doucement autour des épaules de ma sœur, comme pour montrer sonapprobation. Lauren l’a récupéré dans un cirque qui voulait s’en débarrasser, et depuis c’est lamascottedugroupe.Enplusd’êtreparfaitement inoffensif, il appréciebeaucoup lesvibrations desbasses,etilondulemêmetoutparticulièrementsurcertainsmorceaux,unpeucommes’ildansait.

Je profite d’unmoment oùVictor et Ted sont absorbés dans une discussion sur les restaurantsbranchésdelavillepourparleràLaurenenaparté.Cematin,danslejournalduquartier,j’airepéréuneannoncedecasting,etjetiensabsolumentàlaluimontrer.

– Écoute ça ! dis-je en lui collant le journal sous le nez. « Cherche comédienne pour un rôled’amoureusedanslavieréelle.Castingsélectif.Contratàl’appui.»

Laurenfroncelessourcils.

–«Amoureusedanslavieréelle»?C’estquoicecasting?Unepetiteannoncedéguisée?–Tunetrouvespasçahyperexcitant?!– Non, je trouve ça hyper flippant. Il y a encore des gens qui passent des annonces dans des

journaux?!Moi,jenerépondraispas,c’estprobablementunmalade!

Laurenchantedansungroupedemétalavecunserpentenrouléautourducou,maisdèsqu’ellesortdescèneetqu’iln’estplusquestiondemusique,ellefaitpreuved’uneprudenceetd’unesagessetrèsexagérées,àmonsens.

–Jemedoutequetunerépondraispas,toi,maismoi…–Jesuissérieuse,Ivy.Àtouslescoups,c’estunpsychopathe!–Sic’estlecas,c’esttroptard,j’airéponducematin,lâché-jenégligemment.

Laurenétouffeuncri.

–T’escomplètementfolle!–J’aibesoindemelancerdesdéfissijeveuxprogresser!

Àl’heuredefermeture,VictoraideTedàrangerlestablesetleschaisesdelaterrasse.Avantdenettoyerlecomptoir,jejetteunœilàmesmails,surmontéléphone.

–Hé!J’aiuneréponse!Ilvientdemerépondre!chuchoté-jeàLauren.

Laurenm’arrachepresqueletéléphonedesmains.

De:Annonce345856À:IvyClemensObjet:AuditionMademoiselleClemens,Sivoussouhaitezpasserl’auditionpourlerôle,rendez-vousà15heuresauBlueSmoke,surlaCinquièmeAvenue.Touteslesinformationsutilesvousserontdonnéessurplace.Cordialement,S.

–Lemailestsobre,professionnel.C’esttrèsrassurant,constaté-je.–Sobre?!Tuveuxdirelapidaire!«S.»,c’estpourquoi,pour«sociopathe»,«sadique»ou«

serialkiller»?–ArrêteLauren!Ilnepeutrienm’arriver,ilmedonnerendez-vousdansunlieupublic!–Fairesemblantd’êtreamoureuse,çaterassure,n’est-cepas?murmuresoudainLauren.Toiqui

n’asjamaisétécapablederesterencoupleavecquelqu’unplusdequinzejours…

Ouch.Enpleindanslemille.

Masœuraraison,jenesuispastrèsfortepourlesrelationslonguedurée.Jesuisplusdouéepourjouerlesamoureusessurlesplanchesquepourtenirlerôledanslavraievie…

– J’ai le droit de vouloir conserver ma liberté et mon indépendance d’esprit, tout de même !protesté-je.Etpuislecerveaumoucommedelagui…

–…mauveetlescœursdanslesyeuxquidonnentunairniais,mercibien!mecoupeLaurensurle ton de la récitation. Tu es trop attachée à ta liberté pour t’engager avec quelqu’un. Rendre descomptes,etpuisquoi?!Tupréfèreslesrelationssanslendemain,aumoins,turestesmaîtreàbord.Etpuis leshommes,on les connaît !Entre les lâches, les traîtres et les escrocsdes sentiments,mercibien!

Ouch.Deuxièmefoisdanslemille.Masœuresttrèsforte!

–Jeconnaislamusiqueparcœur,Ivy,conclutLaurenavecmalice.–Venantdelapartdequelqu’unquiattendleprincecharmantdepuisses6ans,taréactionneme

surprendpastrop,dis-jepourlataquiner.

Nosconceptionsdel’amoursontradicalementdifférentes.Laurenestpersuadéeque,quelquepart,ilexisteunhommejustefaitpourelle.Selonsathéorie,ilssereconnaîtrontaupremiercoupd’œiletleuramourdureratoujours…Sicethommesurmesureexiste,ilestbiencaché.Parcequ’ellel’attendtoujours…

–Eh!J’oubliais!Puisquenousparlonscréation,moiaussij’aiquelquechoseàvousmontrer.Ouplutôtàvousfairegoûter,interromptsoudainTed.

Victor,Laurenetmoiéchangeonsunregardinquiet.Depuisquelquessemaines,Tedadécidédesemettre à la cuisine, en autodidacte. Il veut faire de son bar un restaurant alternatif, et il ne cessed’inventerdesrecettes,toutesplusaudacieuseslesunesquelesautres.Iloubliesouventqu’encuisinel’audacenefaitpastout…ilfautaussiquecesoitbon.Aussiquandnousvoyonsarriverunplateausurlequeltrônentdesespècesdepetitstasvertfoncé,nouscommençonsréellementàpaniquer.

–Voicimadernièrecréationculinaire!lance-t-ilavecenthousiasme.

Créationoudémolition?

–Jenevousdisrien!Goûtezd’abord!dit-ilennoustendantleplateau.

Des tartelettes, une espèce demousse verte. Je suis la première à porter la chose àma bouche.LaurenetVictor,cesdeuxespècesdelâches,nemequittentpasdesyeux.Avantdegoûter,ilsveulents’assurerquejenemeurepassurlecoup.

–Tarteletteàlamoussedechoukale,annoncefièrementTedunefoisquetoutlemondeagoûtésonpetittasvert.Vousaviezreconnu?

–Jerêveoùilyaunecouchedefromageentrelapâtesabléeetlamoussedesalade…?dis-je.– Exact !Quel palais, Ivy ! C’est en hommage au cheese-cake, je pense baptiser cette recette «

cheese-kale».Cequiestmalin,c’estquelarecettepeutêtreservieenentréeouendessert.Etenplus,cettesaladeaugmentel’espérancedevie,paraît-il!

Resteàsavoirsilecheese-kalenel’abrègepas.

Notre apprenti cuisinier est si enthousiaste que nous n’avons pas le cœur de lui dire que c’estbizarre…pasdanslebonsensdumotbizarre.

Les clients sont rares, ce soir, cequi nous laisse le tempsdediscuter. J’adore lesmoments quenouspassonsici,masœur,TedetVictor,àparlerdetoutetderien,àbâtonsrompus.Depuisdeuxansquej’ytravaille,cebarestunpeuunedeuxièmemaison.

Tard dans la soirée, nous aidons Ted à terminer le rangement puis nous nous séparons, aprèsd’ultimesfélicitationspourlasortieduCD.TedetVictorn’habitentpaslemêmequartierquenous,maisLaurenetmoisommesvoisinesdepalier.

Jenepourraispasvivre loindemasœur.Quandnousétionsenfants,mamèreaquitté le foyerpourallervivredesaventures«plusexcitantesquecelled’unemèreaufoyer»,nouslaissantavecnotre père. Il nous a courageusement élevées seul, du mieux qu’il a pu, et nous n’avons jamaismanqué d’affection. Mais ma sœur et moi avons compris ce jour-là à quel point nous étionsprécieusesl’unepourl’autre.

–Soisprudente,toutdemême,Ivy,conseilleLaurenalorsquenousnousséparonssurlepasdelaporte.

2.Sochic

Cematin,jegriffonnequelquesidéespourlasoiréedestand-upauNewYorkComedy.Seulement,jesuistropimpatientededécouvrirquisecachederrière«Annonce345856»pourêtreréellementconcentrée.Est-cequ’onvamedemanderde jouerunpassagedeRoméo et Juliette ?Et « dans lavraievie»,çaveutdirequoiexactement?

En vérifiant l’adresse sur Internet, j’ai vu que le Blue Smoke est un bar lounge un peu select.L’annonceparledejouerlesfiancées«danslavraievie».Jechoisisdoncdem’yprésentercommejesuisréellement:minijupe,bootsmotarde,chemisierléger,vesteencuirfineetcintrée–dontlesvertusporte-bonheurontplusieursfoisétéprouvées.

Sil’étapedressingestassezrapide,domptermalourdechevelureblondemeprendunpeuplusdetemps.Mesbouclesont tendanceàmener leurvieautonomedecrinière,maiscetaprès-midi,ellessemblentdisposéesàcollaborerets’enroulentsagementlelongdemondos,cequi,avecmonteintdeporcelaine,medonne,paraît-il,unairdeVénusdeBotticelli,versionglamour.Commejenesuispasenavance,jedécideque,pourcequiestdumaquillage,mesyeuxbleussuffiront.

Àl’approchedurendez-vous,unmélanged’impatience,detracetd’excitationmenouel’estomac.C’esttoujourscommeça,avantuneaudition.

Le Blue Smoke n’étant qu’à quelques blocs de chez moi, j’y vais à pied, pour me détendre.Seulement,cette fois,enplusducocktaild’émotionshabituelles, lesparolesdemasœur résonnentdansmatête:attention,prudence,dangerpotentiel,psychopathes…Etsielleavaitraison?C’estvraique j’aisouvent tendanceàfonceretàmeposer lesbonnesquestionsaprès,unefoisqu’ilest troptard.

Si«Annonce345856»estunmalademental,est-cequ’ilyauraunaprès?

Uneviolenteaversesechargedemechangerlesidées.Jetentedem’abritercommejepeux,maisc’estraté.

Pluiebattante+cheveuxbouclés=désastreassuré.

Quandj’arrivedevantleBlueSmoke,jesensquemacoiffuren’aplusriendecelledelaVénusglamour,maistireprobablementplutôtducôtédel’épouvantail.Àcroirequelesgibouléesdemarsn’ontété inventéesquepourruiner lescoiffuresavantuncasting!PremièrechoseàfaireunefoisdansleBlueSmoke:trouverunmiroir.

Je gravis les marches du perron quatre à quatre lorsque, soudain, j’ai un doute : escalier enmarbre, porte finement ciselée, lumière tamisée, mobilier intérieur haut de gamme, portier encostume élégant, voitures de luxe garées devant la porte.Aurais-je sous-estimé le coefficient de «

chiquitude»decetendroit?

Àl’évidence,oui.

Arrivéeenhautdel’escalier,j’aperçoismêmeunpetitmacarondiscrètementapposésurlaporte:leBlueSmokeareçuleprix«SoChic»,l’andernier.Rienqueça.Ehbien,tantpis!Jeseraileuraccident stylistique de l’année. Secouer un peu tout ce conformisme promet même d’être assezamusant.

Leregardperplexequeleportierposesurmoiaumomentoùjem’approchedelaporte,l’airdesedemandersiHalloweenaétédéplacéàaujourd’hui,me laisseentendreque l’accidentstylistiquen’estpasdugoûtdetoutlemonde.Ilenfautplusquecelapourmedécourageretjepassedevantluilatêtehaute…C’estsanscomptersurl’hôtesse,hautstalonsettailleur,qui,àpeineai-jeposéleboutdemonpieddansl’entrée,sejetteentraversdelaporte.

–Jesuisnavrée,mademoiselle,jenepeuxpasvouslaisserentrerdanscetétablissement.–Mais,j’airendez-vousàl’intérieur!protesté-je.–Jesuisdésolée,mademoiselle.L’accèsauBlueSmokeeststrictementréglementé.

Unedame,tailleurnoir,coiffureimpeccable,bijouxscintillants,mepassesouslenezetsefaufileàl’intérieur.Ellemejetteunregardhautainavantd’offriruneminepleinedecompassionàl’hôtesseetauportier.

–Excusez-moi,maisquelestleproblème?Jedoismedéguisercommecettefemmepourentrerici?dis-jeendésignantdesyeuxladameélégante.

–Commencezparvouscoiffer,lance-t-elleàvoixbasseenmefusillantduregard.– J’étais coiffée ! m’écrié-je, désespérée. Ça ne vous est jamais arrivé, à vous, de prendre la

pluie?!–Jevaisvousdemanderdefairedemi-tour,mademoiselle,m'ordonnel'hôtesse.–S’ilvousplaît!Vousnepouvezpasêtresérieuse…Si?Jenepeuxpasentrer…pourdevrai?–Çasuffit,mademoiselle,insiste-t-elle.–Etvousallezfairequoi?Vousallezappelerlabrigadedubongoûtpourmefairedécamper?

dis-jed’unairdebravade,décidéeàtenterletoutpourletout.–Non,jevaiscommencerparlapolice,répond-elletrèscalmement.–C’estbon,c’estbon,grommelé-jeenfaisantdemi-tour.

Jemeretrouveenbasdesmarches,légèrementvexée.

Hypervexée.

Pourtant,ilfautabsolumentquej’entrelà-dedans.MmeSoChicafaitallusionàmacoiffure.Pourcommencer,ilmefaudraitunmiroir,histoiredevoirexactementl’étenduedesdégâtscausésparlapluie.Heureusement,aumilieudelafiledevoituresgaréeslelongdutrottoir,j’aperçoisunvéhiculeprovidentiel:unegrosseberlinenoire,silustréequesesvitresfuméessemblentplusréfléchissantesquen’importequellepsyché.

Jefonceverslemiroirimproviséetmebaissepourmeregarderdanslavitre.Ouah!C’estvrai

quelapluienem’apasratée.Ondiraitunesauvageonne.Jenefaispaspartiedesfillesdontlesacàmainestunsalondebeautéportatif,maisjedoisbienavoirquelquesbarrettes.Resteàlestrouver…J’étalelecontenudemonsacàmainsurlecapotdelavoiture.Ah!Voilàtroisbarrettes.Aupassage,jetrouvemêmeuneye-lineretunrougeàlèvres!

Face à la vitre, tout en élaborant un sage chignon, j’exécute mille grimaces visant à singerl’hôtessequim’ainterditl’accèsautempleduchic.J’agrémentemesmimiquesdepetitesrépliquesetgrommellements.Çamedéfoule,etçamedétend.

Unefoislechignonterminé,j’évaluelerésultatenessayantquelquesposesdestar.

AdieuCendrillon.BonjourmissHype.

Restequelavesteencuirestdetrop.Jelarouleenbouledansmonsac,etj’ajusteledécolletédemonchemisier,enmode«plongeant».

Silesvitresfuméesfontd’excellentsmiroirs,ellestrouventcependantleurslimiteslorsqu’onenarrive à la phase « eye-liner ». Pour avoir une chance de tracer un trait à peu près droit, il fautlittéralementsecolleràlafenêtre.

Je suis en plein exercice de haute précision lorsqu’un léger ronronnement électrique me faitsursauter.Jemanquedemeplanterlepinceaudansl’œil.Çavientdelavoiture!Lavitresebaisse!

–Lespectacleestvraimentdivertissant,maisceserapluspratiqueavecunmiroir,non?faitunevoixgravetandisqu’unemainmetendunpetitmiroir.

Ilyavaitquelqu’undanslavoiture?!

Oui,c’estleprincipedelavitrefumée.Onnevoitpass’ilyaquelqu’underrière.

Passélepremierinstantdestupeur,j’éclatederire.

–Vousavezdelachance!C’estunspectaclequejeréserveauxseulsinitiés.

Etjemepencheaussitôtverslemiroirpourfinirmasessiondemaquillage.

–Jesuisdésolée,maisilfautabsolumentquejerentrelà-dedans!expliqué-jeentraçantmontrait,je passe un casting ultra-important et onm’a refusé l’entrée. Franchement, quelle idée de donnerrendez-vousdansunendroitaussisnobetcoincé!Jesuissûrequec’estlerepairedetouslesvieuxgarçonsmaniaquesetlaidsdelaville…

Soudain, je m’interromps, malgré moi. En levant les yeux machinalement, je tombe sur deuxocéans verts dans lesquels je sombre immédiatement. J’en reste prisonnière quelques instants, quisemblentdurerdesheures.Puis,autourdesyeux,jedécouvreunvisageàlabeautémagnétique,dontlestraitsvirilsetdouxsefondentenuneharmonieparfaite.Unepeaulégèrementmate,unnezd’unefinesse sans pareil, une bouche charnue et sensuelle. Des cheveux d’un noir d’encre, légèrementbouclés,quidonnentauxyeuxvertsunéclatpresquesurréel.

Mincealors!C’estunebombe,cetype.

J’enrestebouchebée,l’eye-linerbêtementtenduau-dessusdemapaupière.

–Jevoisquevousenavezpourunmoment, jevous le laisse,dit l’apparition,enme tendant lemiroir.

Savoix,légèrementrauque,faitnaîtrededouxfrissonsdansmonéchine.

Sansunmot,jesaisisl’objetquemetendledemi-dieu.Pourlapremièrefoisdemavie,j’aiarrêtédeparlerpendantplusdetrentesecondes.Derespirer,aussi.

Pourvu que le choc provoqué par la mâle apparition n’ait pas entraîné de graves lésionscérébrales.

La main agile et délicate disparaît dans la voiture. La vitre remonte. Reste une odeur fine etmusquéequim’enivre.

L’apollonauxcheveuxsombresadisparu.Jemeretrouvenezànezavecmonreflet,danslavitrefumée.Toutjustesijen’aipaslamâchoireinférieurequipend.

L’hommesplendideetleclowngrotesque,ceseraitunebonnecomédie!

Laportièrede l’autre côtéde la luxueusevoiture claque, cequi semble réactivermes fonctionscérébrales.

LebeauspécimendemâlesortdelavoitureetsedirigeversleBlueSmoke.Élégance,démarchesoupleetpuissante.Cequejevoisdedosesttoutsimplementprodigieux.Jemeprendsmêmeàrêverà la paire de fessesmusclées qui doit se trouver sous le pantalon divinement taillé. Je le siffle…mentalement.

Onpeuttoucher,s’ilvousplaît?

L’hommefaitsoudainvolte-face,mesurprenantenflagrantdélitdecontemplationattentive.

–Surtout,nemeremerciezpas,pourlemiroir!C’esttoutnaturel!lance-t-il.

Jebredouilleunmerci.

Lemercilepluspathétiquedel’histoiredumerci.

L’hommepoursuitsoncheminetdisparaîtdans le loungeaprèsavoirmurmuréquelquesmotsàl’hôtesse.Jedonneraisn’importequoipourquecethommemurmurequelquesmotsàmonoreille.Rienqued’ypenser,j’enfrémis.

Laporteduloungeseferme.

Unmotmevientàl’esprit,defaçoncuisante:ridicule.Jen’aijamaisvraimenteupeurduridicule,

maislà,jemesenscruchecommejamais.Unpeucommesi,faceàcegenred’hommesiséduisant,lecoefficientde«cruchitude»étaitmultipliépartrois.

Non,pardix.

Envoilàunquinedoitpasavoirbesoind’annoncedanslejournalpourtrouverdesfiancées.Etàproposd’annonce,jesuisenretard!

Lespectacleestterminé.Retouràlaréalité:ilfautquej’entrelà-dedans,moiaussi.Jereprendsletraitd’eye-linerlàoùjel’ailaissé,aumilieudelapaupière.Jeremetstoutesmesaffairesdansmonsac. Et lemiroir, j’en fais quoi ? En le tournant dans tous les sens pour l’examiner, jeme rendscomptequ’ilestmagnifiquementtravaillé.Toutàfaitlegenredebabiolequicoûteaussicherqu’unevoiture.Jenevaisquandmêmepaslelaissersurlecapot!Aumoins,cemiroirestlapreuvequejen’aipasrêvé:l’hommeleplusbeaudumondeabiencroisémonchemin.

Montéedesmarches:deuxième!Cettefois-ci,l’hôtesseetleportiers’effacent.Jem’attendsàunpetitcomplimentrécompensantmeseffortsvestimentairesetcapillaires.Rien.Ilssecontententdemelaisserpasser, sansunmot,enme jetantdescoupsd’œildiscrets, et impressionnésmesemble-t-il.C’estmamétamorphosequileslaissesansvoix?!

Ehoui,pasbesoindebijouxetdecoiffuresàmilledollars!Lechic,jeleporteaunaturel,moi!

Bon,jerêvesansdouteunpeu.Jenesuispeut-êtrepassinaturelle,làtoutdesuite,maisj’airéussiàrentrer!

Unefoisàl’intérieurduBlueSmoke,jesuistrèsimpressionnée.Lustresgigantesques,fauteuilencuir, ambiance feutrée. Pas du tout le genre d’endroit que je fréquente. Çamanque de vie, àmongoût…maisjereconnaisquec’estclasse.

Jem’approcheducomptoirdesréservations.

–MademoiselleClemens,j’airendez-vous,murmuré-je.

L’hôtessehochelatête,mefaitsignedelasuivrepuiss’élanceparmilesallées.Àcroirequ’ilestinterditdecommuniquerautrementquepargestesdanscetendroitfeutréoùtoutlemondechuchote.

Auboutd’uncouloir,ellemedésigneunealcôve,s’inclineenguised’aurevoir,etdisparaît.

Jem’approche,scrutantlapénombre,medemandantàquoiressemblemonvieuxgarçonacariâtre,lorsquejel’aperçois,lui!L’hommedelavoiture!C’estluiquiapassél’annonce!

Àmonarrivée,ilselèveetmetendlamain,arborantunfinsourirequifrôlel’insolence.

– Simon Stone, dit-il. Vieux garçon maniaque et hyper laid qui raffole des endroits snobs etcoincés,souffle-t-il,l’airdejubiler.VousêtesIvy,jesuppose.

Impossible, ildoitbosserpourquelqu’und’autre ! Je restemuettequelques secondes, désarmée

partantdebeauté,troubléeparlecontactdesamainserrantlamienne.

Deuxièmefoisendixminutesquecetypemeclouelebec!

Lasituationesttellementabsurdequejenepeuxpasm’empêcherd’éclaterderire.Seulement,jemereprendsaussitôt.Danscelieuplussilencieuxqu’uneéglise,monrirearetentiaussifortqu’unebombeatomique.

Mesyeuxseposentsurlecorpsdivinementtailléquisetientfaceàmoietj’aidumalàcroirecequejevois.

– D’accord, pour « hyper laid », je me suis trompée. Pour le reste, je demande à vérifier,l’emballagederêveestpeut-êtretrompeur.

Ça,cen’étaitpeut-êtrepasindispensable.

Lesdeuxyeuxvertssontbraquéssurmoi,l’airdesedemanderquelgenred’animalstupidesortdesénormitéspareilles.

–Heu…et,oui,jesuisIvyClemens,enchantée,dis-jeespérantdétournerl’attention.

J’essaiedediremonnomavecautantdeprestancequelui,maisaprèsunetelleentréeenmatière,monairsérieuxnetrompepersonne.Ilmesemblemêmevoirunsourires’esquissersurleslèvresdubelhomme.

Depireenpire.

–Pourvotreinformation,noussommesicidansunendroitraffiné,etnondansunendroitsnob.Vousferiezpeut-êtrebiend’apprendrelanuance,jette-t-ilnégligemment.

–J’aitoutàfaitsaisilesensdumot«raffiné».Lapreuve,onm’alaisséentrer!Jepensequ’ilsontcomprisquej’étaisquelqu’und’extrêmementraffiné,àl’intérieur.

–Àmoinsquecenesoitparcequej’aidonnél’instructiondevouslaisserentrer,souffleSimon.Jepenche d’ailleurs pour cette option. Je pense même que, sinon, toute raffinée que vous soyez àl’intérieur,vousseriez toujoursà l’extérieur,à l’heurequ’ilest.Et ilsauraientpeut-êtremêmefiniparappelerlabrigadedubongoûtpourvouschasser.

–Venons-enauxraisonsdecerendez-vous,reprendSimonenm’invitantàm’asseoir.

Ildésigneuncontratépaiscommeunannuaire,posésurlatable,puisplantesesyeuxvertsdanslesmiens.

Attention, Ivy, ressaisis-toi, le coup des yeux verts, c’est peut-être une technique pour te fairesignern’importequoi!

–Jechercheunecomédiennequiaccepteraitdejouermafiancée,carilmefautabsolumentmettrefinàunesituationpersonnelledesplusencombrantes,etquicommenceàempiétersurmon travaild’une façon qui me déplaît fortement, commence-t-il. Vous connaissez Meet Love, le site derencontre?

–Biensûr,onvoitdelapublicitépartout,dis-je.–Mesparentsensontlesfondateurs,etmasœurestleurassociée.Lecoupleestleurobsessionet

ilsnecomprennentpasquejepuisseêtrecélibataire.

Célibataire?Moinonplus,jenecomprendspas.

Àcemoment-là,untéléphonebipedanssonsac.Illesortetl’éteintavecexaspération.

– Ma sœur m’a créé un compte Meet Love, qu’elle gère pour moi, et malgré moi ! Elle medécrochedesrendez-vous,exigedescomptes-rendus,etcetéléphone,qu’ellem’aoffertexprèspourlecompte,n’arrêtepasdesonner.

Benoui,tum’étonnes…

–Toutcelameprenduntempsfou.J’aibeaucoupdetravail,etçacommenceàbienfaire.–C’estbeau,unesœurquichercheàfairelebonheurdesonfrère,dis-je.

Etj’aiaussitôtenviedemefileruneclaque.

– C’est pour cela que je les ai laissés faire jusque-là, répond Simon très sérieusement.Mais àprésent,c’est trop. J’aiautrechoseà fairequepassermon tempsàgérerdesappelsetdes rendez-vousdecegenre.Ilfautabsolumentqueçacesse!Voilàpourquoi,jeveuxleurfairecroirequej’airencontréquelqu’un.

Ilpousselecontratversmoi,planteunenouvellefoissesyeuxvertsdanslesmiens,commepours’assurerquejel’écoutebien.

–Jecherchedoncunecomédiennecapabledetenirlerôledemafiancéelorsdel’anniversairedemariagedemesparents.IlauralieuàLosAngeleslasemaineprochaine.Pasderapportsphysiques,biensûr.Etjeveuxsurtoutêtreabsolumentcertainquelessentimentsn’aurontaucuneplacedanscetteaffaire.

«Lessentimentsn’aurontaucuneplacedanscetteaffaire.»Ilfaudraquejemerépètecettephrasechaquefoisquemoncœursemettraàbattreaussifortqu’encemomentlorsquejecroiseleregarddefeudecedémon.

– Tout est fait en parfaite légalité. Vous serez déclarée en tant que comédienne, et payée, bienentendu.

Jefeuillettelecontratmachinalementettombesurunnombre.Commeilestàcinqchiffresetqu’ilestdanslacase«rémunération»,moncerveauembruméseréveilleensursaut.

–C’estuncontratdecombiendemois?–Neufjours.Unesemainedansmafamille,deuxjournéesderépétition.Ils’agitdejouer24h/24.

Etceseradur.Mafamilleestredoutable,vousn’aurezpasuneminutederépit.

Unesemaineaveccethommesuperbe?!

– Le personnage de la fiancée est décrit dans le contrat. Je vous laisse le lire. Il me faut une

réponserapidement,dèscesoir.Vousavezdéjàdesquestions?

Desquestions?Oui,j’enaibeaucoup.Vospectorauxsont-ilsàlahauteurdecequelaissedevinervotrechemiseprèsducorps?Est-cequejepeuxtoucher,pourêtresûredenepasrêver?Commentsefait-ilquevousn’ayezpasdefiancée?Commentpeut-onêtreaussibeau?

–Qu’est-cequeçavousfaitdedevoirmentiràvosparentsalorsquevousavezpresque30ans?

Simonsursaute,sesyeuxs’enflamment.

J’aiditçaàhautevoix,moi?

– Parce que vous ne passez pas votre temps à jouer un rôle, vous, peut-être ? réplique-t-ilcalmementsansmequitterdesyeux.

–Heu…si,maisjesuiscomédienne.Attendez,qu’est-cequevousvoulezdireparlà?

Lacolèrequiaembrasésonregarduninstantdisparaîtpour laisserplaceàunvisagedesphinxmagnifiquequisembledire:voussaveztrèsbiendequoijeparle.

Puissonairsérieuxreprendledessus.

–Jemedoiscependantd’insistersurunepremièreclauseessentiellequiprendeffetdèsàprésent.La clause de confidentialité.Quelle que soit votre réponse, cet échange est placé sous le sceau dusecret.Toutefuited’information,àquiconque,vousexposeraitàunprocès.

Savoixestdure,sonton,sévère.Jemesenstrèsintimidée,toutàcoup.

–Mais,masœursaitdéjàquej’airendez-vousavecvous!–Débrouillez-vousavecvotresœur,vousêtescomédienne,non?ordonne-t-ild’untonsansappel.–Ilfautbienquequelqu’unsacheoùjesuis!Qu’est-cequimegarantitquevousn’allezpasme

découperenmorceaux?!

Simonattrapelecontrat,l’ouvreàladernièrepageetsemetàécrire,enungestecalmeetsouple.

Oui,ilestsexy,mêmequandilécrit.

Pauvredemoi.

– La clause de confidentialité n’est pas négociable, dit-il tout en continuant d’écrire. Mais, jerajouteuneclause,latrente-huitième:jem’engageànepasvousdécouperenmorceaux.Saufsivoustrahissezlaclausedeconfidentialité,bienentendu,ajoute-t-ilavecunsérieuxdéconcertant.

Un second téléphone bipe dans son sac. Il le consulte aussitôt, ferme le contrat et se lèveprécipitamment,mesignalantparlàquel’entretienestterminé.

–J’attendsvotreréponsedèscesoir,mademoiselle.–Mais,etlecasting?– J’en ai vu assez, souffle Simon, tandis qu’un imperceptible sourire se dessine au coin de ses

lèvres.–Trèsbien.Jevaisdonclirececontratetréfléchiràmaréponse,dis-jeensaisissantl’annuaire.–Oui, bien sûr, réfléchissez, dit-il l’air songeur,mais n’oubliez pas qu’ilme faut une réponse

rapidement.

J’aidûmobilisertoutcequej’avaisdetechniquedecomédiennepourmimerl’hésitation,maisondiraitbienqu’iln’ycroitpasuneseconde.Quirésisteraitàuntelsalaire?Etquirésisteraitàuntelhomme?

Passersouslesyeuxincrédulesduvideuretdel’hôtesseencompagniedeSimonestunmomentdebonheurabsolu.J’aitrèsenviedeleurfaireunpieddenez,maisjenecroispasquecegestesoitdemisedansunétablissementSoChic.Jemecontentedoncdeleuradresserunpieddenezmental.

Aubasdesmarchesdulounge,Simonmeserrelamainenguised’adieu.

–Vousavezhuitheurespourvousdécider,mademoiselle.

Etilregagnesavoiture,desonpassoupleetélégant,tandisquejemeliquéfiesurplace.

***

Aussitôt rentrée, je me jette dans le canapé et ouvre le contrat avec la même fébrilité que s’ils’agissaitdudernierscriptd’unréalisateuroscariséquimeproposaitunrôle-titreécritsurmesurepourmoi.

Aufildespages,jedécouvremonpersonnage.Lafiancéequejedoisjouerestunerichehéritièredontlesparentsontfaitfortunedanslecommercedepierresprécieuses.IlshabitentunesomptueusedemeuredanslesAlpesitaliennes.C’estmêmelàquelestourtereauxsesontrencontrés,surunepistedeski:safuturefiancéeafailliluirentrerdedans.

Et,pourquoiceseraitmoi,lamauvaiseskieuse,etpaslui?

L’héritièrenes’estjamaisfaiteàl’Europe.EllepréfèreNewYork,sesboutiques,sontraindevie,sessorties.

Zut,moiquirêved’allerdanslesAlpesitaliennes.

Plusbas,unpetitarticle«àlireavecattentionetjusqu’aubout,s’ilvousplaît»récapitulelafaçondontsepasse lecommercedepierresprécieuses.UnguidedesAlpes italienneset lesphotosd’unemaisonmagnifique,celledelafamilledelafiancée,sontégalementjointsaucontrat.

Plusloin,laclause«tenuevestimentaire»mefaitbondir:Simonsechargedelagarde-robeetdetoutcequiconcerne«lescostumes»!«Etsurcepointlasobriétéserademise.»

Toutunprogramme!

Mais c’est la section « attitude générale » qui me fait hurler. Je découvre avec horreur que la

fiancéedemonsieursetientcorrectementàtable,secomporteentoutavecsobriété,etévitelessujetsdeconversationquifâchent.

Lessujetsquifâchentsontjustementmessujetspréférés!Sionnepeutparlerquedelapluie,dubeau temps et des platitudes qui mettent tout le monde d’accord, quel intérêt ?! Autant se taire !D’ailleurs,plus je lis,plus jecomprendsquec’estexactementcequeSimonattenddesa fiancée…L’espritdemonpersonnageestassezsimpleàsaisir,iln’enapas.Monrôledefiancéeserésumeàpeuprèsàceluid’unerichehéritièrequinefaitpasgrand-chosedesesjournées.

Jen’ailunullepartqu’ilétaitinterditdecommentercequejelisaissouspeinedeprocès.EtSimona justementprissoindenotersonadressemailaucasoù j’auraisdesquestions!J’ouvredoncmaboîtemail,biendécidéeàluidirecequejepensedesonscript.

De:IvyClemensÀ:SimonStoneObjet:Soisbelleettais-toiChermonsieurStone,Jecommenceàsaisirlapsychologiedemonpersonnage:unerichehéritièrepotichequivitdansvotreombre.C’estça,pourvous,lafemmeidéale?Ivy

Commesouventcen’estqu’unefoisquej’aicliquésur«envoyer»etquelemailestpartidanslesméandresduWebquejemedemandesij’aivraimentbienfaitdel’écrire.Jen’aipasletempsdemetorturerlongtemps:quelquessecondesaprèsmonenvoi,unmailatterritdansmamessagerie.

Etmoncœursemetàbattred’unefaçonridiculementrapide.

De:SimonStoneÀ:IvyClemensObjet:Re:Soisbelleettais-toiVousacceptezlerôleoupas?

De:IvyClemensÀ:SimonStoneObjet:Re:Re:Soisbelleettais-toiOui,évidemment.

Jeregretteimmédiatementdeuxchoses.Le«évidemment».Etledixièmedesecondedetempsderéponse.J’auraisdûlelaissermarinerunpeu!

Quelquesminutesplustard,unnouveaumailnonlus’affichedansmaboîtemail.

De:SimonStoneÀ:IvyClemensObjet:Re:Re:Re:Soisbelleettais-toiPourvotreinformation,j’aiécritlerôledecequevousappelez«unepotiche»pouréviterquema famillenevousprennepourunesangsuequienaurait aprèsmonargent. Jevousépargneainsiuneprobable tentatived’empoisonnement.Jevouséviteégalementdevousdémasquerendisantn’importequoisurunmétierquin’estpaslevôtre(cequi,vousl’avezsansdoutelupage27,vousferaitperdrelestroisquartsdevotrecachet…).Mais à la réflexion, vous avez raison : tout cela est beaucoup trop superficiel. D’ailleurs, laprofession de vos parents vous agace un peu. Comment peut-on être attiré ainsi par ce quibrille?!C’estpourquoi,pourquevousnefassiezpastoutàfaitpotiche,jerajouteuneclause:enréactionà toutesces futilités familiales,vousvous levezà7heures tous lesmatinspourvousadonner à votre passion, le chinois classique, langue à laquelle vous consacrez une thèse quiprometd’êtrebrillante.(Àmoinsquecenesoittroplégerpourvous?)Jecroismêmequec’estcequim’aséduit,chezvous.(Vouspouvezdoncrayerlanote3,page7 ,quiprécisequenotrecoupdefoudreaeu lieuausommetd’unemontagneitalienne,quandvousavezfaillimerentrerdedansenski,et laremplacerparunerencontre faceàunepoteriechinoiseduNéolithique.)SimonStonePS:Jevousremerciedebienvouloircorrigerégalementlecontrat,page13,section«planningdelafiancée»,afind’yintégrercesnouveauxhoraires.

Jesourisbêtementàmonécran.Lecoupduchinoisclassique,jedoisavouerqueçamefaitrire.

Maisrapidement,jemereprends.Serait-ilréellementséduitparlegenredefillequ’ildécritdanslemail?Detoutefaçon,jenesaisriendelui.Lecontratprécisequ’ilmeprésenterasontravailaucoursdesrépétitions.SimonStone.Sonnommeditquelquechose,pourtant.Oui!J’aivucenomencouverture d’un magazine artistique. Oh, mais alors… Serait-ce LE Simon Stone ? Le designerprodigequelemondeentiers’arrache?

Pour en avoir le cœur net, je bondis sur Internet et tape fébrilement son nom. C’est bien lui !SimonStonedirige leStoneStudioavecsonmeilleuramietassociéFranckRidge.Sesobjets fontsouvent launedesmagazinesdedesign,maisdepuisquelquessemaines, ilestpartoutcar lestudioStonecollaboreaveclaréalisatriceCarolineKatz.Danssonprochainfilmdescience-fiction,OutofSpace, tout sepasseàbordd’unvaisseau spatial, en2180 .Et c’est le studioStonequi conçoit lesdécors, les costumes, les accessoires et tout le reste. Ce projet colossal a été trèsmédiatisé, il estmêmedéjàquestiondedéclinerlesdécorsdanslemondeentier,pourlesparticuliersquivoudraientsefaireunintérieurOutofSpace.

À chaque photo de Simon, je me pâme. Non seulement il est beau, mais il est brillant. Hypertalentueux.Etmoi,jevaisjouerlesfiancéespourcethommeincroyable?!Jemesenstrèsintimidée

toutàcoup.

Lessentimentsn’aurontaucuneplacedanscetteaffaire.

Jecomprendsmieuxàprésent.Ilmeprévenait:aucunechancepourquequoiquecesoitsepasseentrenous.Nousn’appartenonspasaumêmemonde.Enplus,ildoitêtrecourtisédepartout.

Parquelprodigecethommen’a-t-ilpasdéjàunefiancée,unefemmeetplusieursmaîtresses?Cen’estpasInternetquim’apporteralaréponseàcettequestion:touslesarticlesquis’ytrouventportentsurletravail.Riensurlavieprivée.Paslemoindrearticle,paslamoindrephoto.

Soudain, on sonne. Je sursaute jusqu’au plafond et je rabats l’écran de mon ordinateur aussibrusquementquesij’étaisentraindemelivreràdesactivitésillicites.Lauren?Vul’heure,çanepeutêtrequeLauren!

–J’arrive!crié-jeenplanquantlecontratsouslecanapéaveclamêmefébrilitéquesijeplanquaisunkilodedrogue.

Cen’estpasLauren,maisunlivreur.Ouplutôt,uncoursier.

–DelapartdeM.Stone,explique-t-ilenmetendantunpaquet.

DelapartdeSimonStone?Moncœurbatà toutrompre.Mes jambesflageolent.Jebalbutieunmercietfermelaporte.

Lecontenudupaquetcalmeimmédiatementmesardeurs.Uneméthoded’apprentissageduchinoisclassique,accompagnéedesonlecteurMP3,pourl’accent.Lecoupduchinois,c’étaitsérieux?Jeme sens très bête, tout à coup.Envoyant que le colis venait deSimonStone, jeme suis emballéecommeunegamine.

Unmotaccompagnelecolis,desonécriturefineetdélicate.

«Vousferiezmieuxdevousymettredèsàprésent,ilsemblequecesoitunelanguehorriblementcompliquée.Jemeréjouisàl’idéedepasserunesemaineencompagniedequelqu’und’aussibrillant.»

Finalement, cepaquetarriveàpoint. J’aipasséuneheureà rêvasserdevantmonécran faceauxphotosdubeauSimon.Laréalitémerevientauvisagecommeunboomerang.Noussommesliésparcontrat.Etilfaitdel’ironie,enplus!

Àcemoment-là,montéléphoneannonceunSMS.C’estLauren.

[Alors?][Losermalsain,j’ailaissétomber.]

Enmentantainsi, j’ai l’impressiondecréerquelquechoseentreSimonetmoi,unebullesecrètequenousneserionslesseulsàpartager.Lavoixdelaraisonmerattrapeaussitôt:s’ilyaunsecret

entrenousdeux,ilestpurementprofessionnel.

[Jetel’avaisbiendit!TuviensauconcertdesGrizzly,cesoir?][Tropfatiguée…]

Jepréfèreresterdansmonlit,avecmapremièreleçondechinoisclassique.

Tiens,aufait,commentdit-on«supersexy»,enchinoisclassique?

3.Pygmalionetmoi

Lelendemain,à7heuresdumatin,jesuisréveilléeparlasonnette.Lepiredesréveilspossibles,selonmoi.Toutcequejedéteste!Jen’attendspersonne.Horsdequestiondequittermonlit,horsdequestiondesortirdesousmacouette.LesrêvespleinsdeSimonStone,quiontpeuplémanuit,étaienttropdouxpourquej’ymettefin!

Deuxièmesonnerie.Jemaudisl’importunjusqu’àladixièmegénération.

–Allezaudiable!crié-je,avantdecachermatêtesousl’oreiller.

Troisième appel, insistant. Le sonneur vient de signer son arrêt demort. Jeme lève et, prête àsauteràlagorgedeceluiquimetireainsidulit,j’ouvrelaporteàlavolée.

–Vousavezvul’heu…?!

Untorsemagistral,unvisagededemi-dieu,deuxyeuxverts.Lessonsmeurentdansmagorge.

Etmaboucherestestupidementouvertependantquelquessecondes.

Simon est là, devant moi ! Costume élégant, légère odeur musquée, chevelure parfaitementordonnée,traitsreposés.

Raffiné.Jecroisquejecommenceàcomprendrelesensdecemot.

Àproposderaffinement…jeporte…uneculotte,paslaplussexy,etunT-shirttoutdétendusurlequel il est écrit quelque chose comme Juicy . J’ai trouvé ça drôle, sur le coup. Personne n’étaitsupposévoirceT-shirt.Jamais.Surtoutpasunhomme.EtencoremoinsunhommecommeSimon.

Raffinementprochedunéant.

Unmouvementdegênememonteaux joues.Mais jeme reprendsvite,Simonn’apasvraimentl’airdemeregarder,ilalenezdanslecontrat.

–Mafiancéeselèveà7heures.C’étaitpresquevotreidée.Nemeditespasquevousn’avezpasfaitlacorrection!

Jem’étouffe.

–Monidée?!

Ilsortunsecondexemplaired’annuaire.

– Ça ne fait rien, dit-il, j’ai réimprimé l’ensemble en deux exemplaires. Si vous vouliez biensignercescontrats,nouspourrionscommenceràtravailler.

Ilmetendlescontrats,quejesigned’ungribouillisrageur.Aussitôtmasignatureapposéeenbasdeladernièrepage,Simon,unimperceptiblesourireauxlèvres,faitungeste,etunlivreurentre.

Moi,jefonceàlasalledebains.Jecomptebientraînersousladouchelepluslongtempspossible,histoire deme venger de son arrivée en fanfare. J’entends alors des glissements de cartons qu’onporteetqu’ondéplace,desalléesetvenues,desbruitsdechosesqu’onbouge.Des«Oui,mettezçaici.»

Qu’est-cequ’ilfait,là?Ilfouinechezmoi?

Changementdeprogramme:doucheenquatrièmevitesse.Jesorsenmoinsdecinqminutes,pourdécouvrirmonappartementenvahidecartons.

–Eh!Maisc’estchezmoi,là!–C’était.Àprésent,c’estvotreloge!Mafiancéevitchezmoi,dansmonloft.

J’ouvreunpremiercartonetmanquedem’étrangler.Dessous-vêtements!«Sobriété»,lemotducontratmerevientà l’espritenexaminantcesculottesetsoutiens-gorgeendentellenoiresagementsexy.J’yajouterainéanmoins«élégance».Lamailleestfineetlesmotifs,trèsélégants.Unseuldeces ensembles vaut probablement le prix de lamoitié dema garde-robe.Quant à la taille, c’est lamienne.Commenta-t-ilfait?

C’estsonœildedesigneroul’habituded’évaluerlesmensurationsféminines?!

–Vouschoisissez jusqu’auxculottesdevotrefiancée!Vousêtesungrandmalade!Personneneverramapetiteculotte,pasmêmevous!

– Jeviensde la voir.Et le livreur aussi, je pense, répliqueSimon, hyper sérieux enouvrant undeuxièmecarton.Sionpassaitauxessais?

Ilmetendunejupedroitenoire,unchemisierparmeornédefinsetdiscretsmotifsflorauxainsiquedesescarpinsnoirsàtalonshauts.

–Trophauts,beaucoup trophauts.Tropvernis.Troppointus,dis-je en repoussant les escarpinsd’ungeste.

Simons’apprêtedéjààdégainer lecontrat. Jesoupire,prends tous leshabitset retournedans lasalledebains.

Quelquesminutesplustard, j’enressors,déguiséeenfemme,plutôt fatale.Simonm’observe,del’airsongeurdumetteurenscènejaugeantsonpersonnage.Jemedirigeverslemiroirdusalon,entanguantlégèrementsurmestalonshauts.

Lafemmequejedécouvredanslerefletestd’uneclasseetd’uneéléganceincontestables,maisàdesannées-lumièredemonstyle.Simonmerejointetseplaceàcôtédemoi.Faceànosdeuxreflets

côte à côte,mon cœur s’accélère. Tout son être dégage une impression de force et une sensualitéredoutable.Siprèsdesoncorps,chaqueparcelledumiens’éveilleetvibreavecuneviolenceinouïe.Nosregardssecroisent,danslemiroir,etc’estcommesij’étaistranspercéeparundésirsifortqu’ilen est douloureux. Sesmâchoires se crispent imperceptiblement puis un sourire s’esquisse sur seslèvres.

–Lecostumevousvabien,vousdevriez l’essayerdans lavraievie, finit-il pardirede savoixgrave.

Est-ceuncompliment,ouunefaçondemedirequejenesuispasdutoutsongenre?

C’estcettevoix,ellem’empêchederéfléchir,ellem’ensorcelle!

–Jemesensvraimentdéguisée,grommelé-je.–Commeça,vousneconfondrezpaslaréalitéetletravail,souffle-t-ilavecl’airinsolentqueje

luiaidéjàvu.

Saremarquemefaitl’effetd’uneclaque.Jesuisdonclaseuleàsentircetteétrangeattraction.S’ilmeregarde,c’estenpygmalioncherchantlesdétailsquisonnentfaux.Riendeplus.Jemeressaisis.

–Çanerisquepasd’arriver!lâché-je,aimablecommeunetigresseblessée.

Monregardfoudroyantneluifaitaucuneffet.

Simonouvreunepetiteboîtequ’ilvientdesortird’unécrinetmetendunebague.

–Latouchefinale,annonce-t-il.

Ilmetendunebague,surlaquelletrôneunfindiamant.

–EllevientdechezTiffany.–Et,jedoism’évanouir?dis-jeenl’enfilant.–Non,essayezjustedenepaslaperdre,lâche-t-ild’untondésinvolte.

Aprèsavoircontemplélerésultatpendantquelquessecondes,ilhochelatêted’unairsatisfait.

–Pour commencer, je vais vous faire visiter « notre » loft, annonce-t-il en se dirigeant vers laporte.

LavoituredeSimonestgaréederrièrelebloc.J’aiprisquelquesaffairesderechangequejejetteàl’arrière.

–Cen’estpasJamesBondquiaunevoiturecommelavôtre?dis-jeenm’installant.–UneLotus,j’aimesondesignsimple,clairetaudacieux.Enrevanche,vousnepourrezpasvous

recoifferenfaisanttoutessortesdegrimacesaujourd’hui.Dommage,lâche-t-ill’airespiègle.

Àpeineai-jebouclémaceinturequ’ilmerappellelesgrandeslignesdemonpersonnage.Ilpeuttoujours parler, je ne peux pasme concentrer sur ce qu’il dit. Sa voix est un ensorcellement, une

mélodie dont les intonations sensuelles m’enveloppent et me caressent, faisant naître desfrémissementsinconnusaucreuxdemesreins.Jetournelatêtedanssadirection.Soncorpssouple,sesbrasmusclésetsesmainspuissantess’animentcommeautantd’appelsàlacaresse.

Cethommeestsexy,mêmequandilconduit.

–Tum’écoutes,Ivy?martèle-t-ilengarantlavoiture.

Il vient de me tutoyer ? Retour en arrière, s’il vous plaît. On dirait que j’ai loupé un épisodeimportant!

–Vous…me…–Pourlerôle,ilvafalloirs’habituerànoustutoyer…autantcommencermaintenant.

Ehoui,pourlerôle.

Le«tu»sonnecruellementàmesoreilles.Ilmelaisseentrevoirtouteladouceurqu’ilyauraitàl’entendremetutoyer.Maisiln’apasdesens,c’estun«tu»decomédie,régitparcontrat.

–Oui,bienentendu.Je…Vous…Tuasraison.

Devantnoussedresseunmagnifiqueimmeubleenbriquesrouges.Pasundecesgratte-cieltape-à-l'œildemilliardairesquis’enfermentdanslesplushautestoursdeverre.Non,unécrinbiencaché,dontlamagnifiquearchitectureforcel’admiration.

EnpénétrantdansleloftdeSimon,untroublem’envahit.Jamaisjenesuisentréedansl’intimitéd’un homme de cette trempe. Jusqu’à présent, je n’ai fréquenté que des étudiants dont les studios,arrangéssansgoûtréel,sentaientencoreunpeul’adolescence.Ici, toutestmasculinetélégant.Desmeublesauxtableauxenpassantparleslampes,toutaétéchoisiavecungoûtsûretaudacieux.

Je me laisse attirer par l’immense verrière qui inonde l’appartement de lumière. L’immeubledonne sur un parc discret, magnifiquement entretenu, qui brouille tous les repères. Difficiled’imaginerqu’onsetrouveàNewYork,ici,onsecroiraitplutôtdanslacampagneanglaise!

–Àcetétage,c’estmonatelier,expliqueSimon.

Jesursaute,Simons’estglisséderrièremoi,toutprès.Soncorpsdecolossefrôlemondos,etmapeautoutentièrevibre.

Trèsmauvaispourcequej’ai,ça!

–Magnifique,dis-je,pourmasquermontrouble.

Jefaisquelquespaspourvisiterleloft,etaussipourm’éloignerdeSimon.Ilseraitbeaucouptropdangereuxdelaissercroireàmoncorpsquequelquechoseestpossible!

Sur une grande table à dessin, croquis, bloc-notes, carnets et crayons attendent sagement leurpropriétaire.Toutestunpeutropbienrangéàmongoût,mais,faceàlafinessedesdessinsépinglés

au-dessusdubureau,jenepeuxreteniruncrid’admiration.

–Çateplaît?demandeSimon.–Çadépend…Àquiledemandes-tu?ÀlafiancéeouàIvy?–Auxdeux!souffleSimon,lesyeuxrieurs.–Lafiancéeadore…etelleapprécieaussitonsensdel’ordreetdurangement…QuantàIvy,elle

adore,elleaussi.Maiselletrouvequetoutesttropsage,beaucouptropsage!

Etendisantcesmots,jefaisexprèsdedéplacerlebloc-notesettouslescrayons.

–J’aicompris,grommelleSimonenremettanttoutenplace,c’estladernièrefoisquejedemandesonavisàlavraieIvy!

Jem’affaledanslecanapé,contemplantlemagnifiqueécrindanslequelévoluecettemâlecréature.

–Noussommespressés,Ivy.Onn’estpaslàpourprendrelethé!lanceSimonenm’invitantàlesuivre.

Autantbienleregarder,cetendroitmagnifique,parcequejenesuispasprèsdelerevoir.

Au même étage que l’atelier, Simon me montre sa chambre. En voyant son lit, je ne peuxm’empêcher de me demander combien de conquêtes il a bien pu emmener ici. Des dizaines,probablement. Des images sensuelles s’imposent à moi.Mais je reprends rapidement mes esprits.Danslecontrat,laquestiondulitesttrèsclaire:unefoisdanslafamilledeSimon,jedormiraidanslelit,luisurlecanapéd’uneespèced’antichambre(clause15,section«hébergement»).

L’étagedudessousestconstituéd’unsalonimmensequipourraitcontenirquatreautobusetd’unecuisine qui pourrait en contenir deux. Comme à l’étage, l’ambiance est au minimalisme, chaquefauteuil,chaquelampe,chaqueustensiledecuisine,arboredes traitssimplesetsortà l’évidencedel’atelierd’ungranddesigner.

– Il y a aussi une suite, à l’étagedudessous, pour les amisdepassageouma famille, expliqueSimon.

–Tuaslestroisderniersétagesrienqu’àtoi?!–Oui,sionrésume.C’estbon,tuastoutçadansl’œil?Onpeutpasseràlaville?

Nousremontonsdanslavoiture.Simonmemontretouslesendroitsqu’ilfréquente,qu’ilaimeetdontsafiancéenepeutignorerl’existence.Boutiquesetrestaurantschics,salledeconcertclassique,théâtre,galeriededesign,ilmefaittraverserchaquelieuaupasdecourse,agrémentantlavisitedequelquescommentairesquipourraientm’êtreutiles.

Àlafindelajournée,jepourraisécrireunguidequis’intituleraitLeNewYorkdeSimonStone .Pourtant, jeme sens étrangement loin de cet homme. J’attribue d’abord cette distance au fait qu’ilévoluedansunmondedeluxe,trèséloignédumien.Puisjemerendscomptequecettebarrièren’estpasliéeàl’argent,carSimonabeauvivredanscetuniversluxueux,ilestincroyablementhumbleetsimple.Non,jemerendscomptequ’ilm’afaitvisiterlesdécorsdesonexistence,maisqu’ilnem’apasparléduprincipalacteur:lui.

Commenousnousdirigeonsverslavoiture,jeluidemande:

–Etilyadeschosesquejedoissavoir?Surtoi,jeveuxdire.–Tusaistoutcequ’ilyaàsavoir,lâche-t-il.Commentçaavance,lechinoisclassique?demande-

t-ilsoudainavecunsérieuxredoutable.

Ildétournelaconversation,là,non?

Jebaragouineunmotinventé.

–Etçaveutdire?m’interroge-t-ilsuspicieux.–J’aisupermalauxpieds.

Simonsourit.

Jemeursquandilsourit.

– Je ne sais pas qui a inventé ce genre de chaussures, dis-je enm’écroulant sur le siège de lavoituredeJamesBond,maisdetouteévidence,elleavaitunchauffeur!Jenepeuxplusfaireunpas.

– Tu seras bientôt chez toi, tu pourras remettre tes… comment appelle-t-on ce genre dechaussures?Desboots…oumêmedescharentaises,situenasenvie.Quisaitcequefaitmafiancéequandelleesttouteseulechezelle…

Jel’arrêted’ungesteetjeprendslesacquej’aiglissédanslavoiture.

–Jenevaispaschezmoi.MonservicecommencedanstrenteminuteschezTed,unbardela121erue,c’estdansl’autresens.

Simonparaîtsurpris.

–Lerôledefiancéeestgrassementrémunéré,non?– Je ne vais pas commencer à jouer les potiches entretenues, c’est ce que je déteste le plus au

monde!Etpuis,dansquinzejoursjepasseuncastingdestand-up.Jen’aipasécrituneligne,etcebarestmameilleure source d’inspiration. De toute façon, je n’ai pas encore trouvé de prétexte àmaprochainedisparition…

Jecommenceàmecontorsionner,surlabanquette,pourôtermatenuedefiancée,enprenantsoindenepasl’abîmer.

Simonmejettedesregardsinquiets.

–Tuvasvraimenttechangerici?–SijedébarquecommeçachezTed,ilvapenserquej’aiétédroguée.– C’est la deuxième fois en une journée que je te vois en petite culotte…Tu as des tendances

exhibitionnistes,non?–Jeterappellequ’onestfiancés.Tunevastoutdemêmepast’offenserpoursipeu?!Avantde

fairedustand-up,j’aijouédansunepièceexpérimentale,entièrementnue,dansCentralPark…

Simonmedévisage.J’ailanetteimpressionquesesyeuxvertsvontluisortirdelatête.

–C’estrouge!suis-jeobligéedehurler.

Lavoiture freineunpeubrusquement.Simonme jettequelques regardsà ladérobée, tandisquej’enfilemaminijupepuismesboots.

–Nue?DansCentralPark?reprend-il.–Exactement.Ah,cesboots,quelbonheur…Jerevis!–J’imaginequ’ilyaeubeaucoupdespectateurs.Peut-êtremêmeuneémeute…

Sesyeuxparcourentmoncorps.

Etj’adoreça.

Derrièrenousuncoupdeklaxonretentit.

–J’aieuquelquesadmirateurs,effectivement,lâché-jenégligemment.Eh!C’estvert!

Lavoiturerepart.Simonmejetteànouveauquelquesregardsencoin.Est-cequ’ilestentraindes’imaginerlascène?

–J’aimeautantquetumedéposeslà,dis-jeendésignantl’entréedelarue.Simesamismevoientsortirdecettevoiture,tupeuxdireadieuàlaclausedeconfidentialité.Ilsnemelâcherontpastantquejeneleurauraispasditquitues.

J’ôtelaprécieusebaguedechezTiffany.

–Jelametsoù?

Simontendlamain,etj’ydéposelabaguequ’ilglissedanssapoche,l’airabsent.

–Nelaperdspas,ilparaîtqu’ellevientdechezTiffany,dis-je.

Au moment de sortir de la voiture, je me heurte à ses grands yeux verts et profonds. Ils meregardent,l’airdevouloirsondermonâme.Jem’yaccrochequelquesinstants, ilmesemblequ’ilsmeretiennent,commesiuneforcemagiquelesempêchaitdeseséparer.

–ÀdemainIvy,dit-ilsimplementdesabellevoixgrave.

Personnen’ajamaisprononcémonprénomd’unefaçonaussisensuelle!

Justeavantdeclaquerlaportière,jemepencheàl’intérieurdelavoiture:

–Ah,aufait,jeplaisantais:jen’aijamaisjouénuedansCentralPark.Ninullepart,d’ailleurs!Laseulefoisoùj’aijouédansunepièceexpérimentale,j’étaisdéguiséeenchampignon.Maisilfallaittoutdemêmebienquejemechangeavantd’allerchezTed!

Simonmeregardemi-vexé,mi-amusé.Sesyeuxlancentdeséclatsfurieux,saboucheseplisseenuninfimesourire.

Mêmevexé,ilresteincroyablementsexy.

–Àdemain,monsieurStone,dis-jeenclaquantlaporte.

***

Cesoir-là,lebarestloind’êtreplein.Ilyadessemainescommeça,oùlesgensn’ontpasenviedesortirlesoir,mêmeàNewYork…

LaurenetVictorsirotentuncocktail toutendiscutantavecTed,quiessuievaguementdesverresderrièrelecomptoir.

–T’étaispasséoù?demandeLauren,jet’aicherchéetoutelajournée!–Nem’enparle pas, dis-je enmimant l’extrême fatigue.Une place s’est libérée, pour un stage

d’improvisationdeLosAngeles.J’aipassémonaprès-midiàcourirdel’écoleauthéâtre,pourmeprocurer toutes sortes d’attestations que j’ai ensuite dû porter en main propre à la secrétaire duformateur.

Presquelavérité.

–C’estgénial!s’écriemasœur.–Oui,finalement,j’aieudelachance,dis-je.–Dois-jecomprendrequetumeplantespourunesemaine,demandeTed.–Jevoulaistellementfairecestage,Ted!

Ça,c’estlavérité.MaislestageStoneprometd’êtrebeaucoupplusamusant.

–Jetefaismarcher,Ivy,jesaisquec’esthyperimportant.Jenevaispasbridertontalent!–Merci,Ted,dis-jeenposantunbaisersursajoue,t’esunvraipote!–Jecomprendsmieuxpourquoit’ascommandépleindefringues!lanceLauren.–Commenttusaisquejemesuisfaitlivrerdesfringues?demandé-jeenessayantdenepaslaisser

transparaîtreunelégèreinquiétude.

Espéronsqu’ellen’aitvunilelivreurnilepygmaliontopmodel…

–C’estAngie, tu sais, la nouvelle voisine, qui vient de s’installer au rez-de-chaussée. Ellem’ademandéquivenaittevoirsitôtlematin,avecdescartons.

–Dequoisemêle-t-elle?Elleespionnepoursavoirquifaitquoidansl’immeuble?–Ne leprendspascommeça!Elleesthypersympa!Aumoins,ellen’estpascommetousces

voisinsquitecroisentsansjamaisdirebonjour!–Elleestarrivéequand?–Ilyaquelquesjours…–EtelletravailleàlaCIA?

–Non,jecroisqu’elleestprofd’artancien,ouquelquechosedanslegenre.

Teddéboulede lacuisine,brandissantunpetitplateauaveccérémonie.Enapercevant lespetitesformesratatinéesquis’ytrouvent,j’ail’impressiond’êtrepriseaupiège.

–Maintenantqu’Ivyest là,vousallezpouvoirgoûtermanouvelle expérience ! J’ai amélioré larecette.

Jemelèved’unbond.

–Jecroisquelemonsieurdufondm’afaitsignepourunecommande.

Tedmefaitsignedemerasseoir.

–Maisnon!Personnen’abesoinderien, j’aifait le touravanttonarrivée.Assieds-toidonc,cen’estpastouslesjoursquejeteledemande!

–Biententé,espècedelâcheuse,meglisseVictor.–J’aibien réfléchi,commenceTed, lecheese-kale,çanemarchaitpas. J’aigardé lechou,mais

j’airemplacélefromageparunefinecouchedegeléedefraise.Onbasculefranchementducôtédudessert,maisçavautlecoup.

Ilposeleplateaudevantnous.Victorselève.

–Eh,maisenparlantdefraise,j’ypense!J’airendez-vousavecmagrand-mère!Jeluiaipromisdel’aideràmontersanouvellebibliothèque!

Ilsaisitsontéléphoneetpoussedegrandscris.

–Sixappelsenabsence !Lapauvre, elledoit sedemanderoù je suispassé !Commentai-jepuoublier!Entoutcas,merci,Ted,situn’avaispasparlédefraise,jamaisjenem’enseraissouvenu!Etdirequemapauvregrand-mèrem’attend!

Ted n’y voit que du feu, mais, à moi, on ne la fait pas. Tandis que Victor enfile sa veste enquatrièmevitesse,j’ailetempsdeluiglisser:

–Ettumetraitesdelâcheuse?Tunejouespassibienqueçalacomédie,tusais!–Danscescirconstances,c’estchacunpoursoi,Ivy.Bonnechance.

Victorseprécipiteverslasortiecommes’ilyavaitlefeu.

Ted approche le plateau de petits tas verts. Lauren me lance un regard désespéré lorsque sontéléphonesemetàsonner.Ellesejettesurl’appareilcommeunvoleursurunlingotd’or.

–Quoi?!Encore?!Non,n’appelezpaslezoo,jevousensupplie,j’arrivetoutdesuite!crie-t-elle.

Ellesetourneversnous.

–LaconciergevientdetrouverDevildansl’escalier!J’aiencoreoubliédefermerlevivarium!

Ellemenaced’appelerlezoosijenesuispaslàdanslaminute!Ilsembleraitqu’ilaitcrééunebelleagitationdansl’immeuble.

Laurenpartencourant,avantquej’aieeuletempsdelatraiterdelâcheuse.Leserpentenfuite,tuparles!J’aibienvuqueleprénom«Victor»s’étaitinscritsursontéléphone.

–Ilyenaurapluspournous!Tantpispoureux,conclutTed.

4.Répétitiongénérale

Lelendemainmatin,à7heures,jereçoisunSMSdeSimon.

[Çaavance,lechinois?Unevoituret’attendraà9heures,tulareconnaîtras…]

Jeprofitedecesdeuxheurespourlézarderdansmonstudio,manouvellefaçondefaireduchinoisclassique.J’ouvrelescartonsdevêtementslivrésparSimonetjechoisisunerobenoiredechezDior.Jedoisreconnaîtreque,mêmesicen’estpasmonstyle,masilhouetteestcommetransfigurée…enbien.

À 9 heures, en grande tenue de fiancéemodèle, je sors pour rejoindre la voiture envoyée parSimon.Aumomentdepasserdevantlaportedelanouvellevoisinedurez-de-chaussée,jemebaisse.Àtouslescoups,lanouvellevoisineestdugenreconcierge,àobserverparlejudastouteslesalléesetvenuesdeshabitants!

Dehors,jereconnaislaberlinenoiregaréeàquelquespasdel’immeuble,effectivement.C’estlavoituredevantlaquellejemesuisrecoiffée.

Àmonapproche,unchauffeurseprécipitepourm’ouvrirlaportière.

–M.Stonevousattendaustudio,explique-t-il.

SeuledanslavoituredeSimon,jemeprendsàhumersonodeurmusquéequiimprègnelescuirs.J’ail’étrangesensationd’êtreprojetéeaucœurdelavied’unhommequim’esttotalementétranger.

L’immeuble qui abrite le Studio Stone est une ancienne usine reconvertie en bureaux de luxe.J’entredanslehall,intimidéeparlabeautédel’endroit,malàl’aisedansmatenuedefemmefatalequinereflètepasvraimentmapersonnalité.

Jemedirigeversl’accueil.

–Bonjourmadame,jedoisvoirM.Stone,dis-jeenm’efforçantdeprendreuntonassuré.–Vousaviezrendez-vous,jesuppose?demande-t-elleaimablement.

Cettetenueaaumoinsunavantage,onmeprendausérieux!

–Oui,nousavionsrendez-vous,faitunevoixgraveetprofondequimefaitfrémir.

Simonestderrièremoi.

Ilestsortid’où?Ilm’attendait?Ilaguettélavoiture?

Simonm’inviteàlesuivreversl’ascenseur,puiss’effacepourmelaissermonterlapremière.

Une fois que la porte de l’ascenseur s’est refermée sur nous, il me sourit, l’air soudain trèsdétendu.

–Excellentchoix,murmure-t-ilenregardantlarobe.Jevoisquetumaîtrisesàlaperfectionlapartvestimentairedetonrôle.

Sonregardglissesurlarobe,puiscroiselemien,etjesensmesjambesflageoler.

–Personnenesaitquituesici,reprend-ild’unevoixlégèrementaltérée.Unvisiteurdemarque,àn’enpasdouter,vutonélégance.Personneneteposeradequestion,detoutefaçon,puisquetuesavecmoi.

À la sortie de l’ascenseur, j’ai l’impression de débarquer sur Mars. Des dessins de décors etd’objetssontaccrochéspartoutsurlesmurs,desmaquettessontexposéesdansdesvitrines.

–DepuisquelestudioaétéchargédesdécorsdufilmOutofSpace,nousvivonstousàl’heuredel’espace…expliqueSimon.

L’ambiance est des plus studieuses. La plupart des gens sont penchés sur leur table de travail,d’autres traversent lescouloirsaupasdecourse.Quelques-unsseprécipitentsurSimon, invoquantl’extrême urgence d’une requête pour l’interrompre. Simon répond chaque fois avec calme etassurance.Detouteévidence,ilmaîtrisesondomaineàlaperfection.

Jecontempleunextraordinairedécorlunairedessinéparsessoinslorsqu’unhommes’approchedeSimon,untéléphoneàlamain.

–MonsieurStone,désolédevousinterrompre.CarolineKatzautéléphone.–JevouslaissesurlaLune,souffleSimon,nebougezpasdelà,jereviens.

J’admire les prototypes des décors lorsqu’un homme s’approche. Je reconnais Franck Ridge,l’amietassociédeSimon.Jel’aivusurdesphotos,lorsdemarecherchesurInternet.

–Jepeuxvousaider,mademoiselle,vouscherchezquelquechose?demande-t-il.

Mincealors,Simonm’avaitditquepersonnenemeparlerait…Deuxsecondesde flottement, letempsderepasserlecontratàtoutealluredansmoncerveau.Rienàproposdelacase«collègues».Ilsnesontaucourantderienetjen’étaispassupposéeparleràl’und’entreeux.

L’espace d’un instant, jeme sens commeun funambule qui s’élance entre deux gratte-ciel, sansfilet.

–Jesuisétudiante,j’attendsM.Stone,ilm’adonnérendez-vouspourunstage.–M.Stone,carrément?Etquelleestvotrespécialité?–…Chinoisclassique.M.Stonem’aditqu’ilyauraitsûrementuneplacepourmoi.

Franckfroncelessourcils.

– Une étudiante en chinois classique dans un studio de design ? C’est lui, le boss, après tout,conclut-il.Etçaressembleàquoilechinoisclassique?

Aumêmemoment,Simonressortdubureau.

Ouf.Lefunambulecommençaitàtanguerdangereusement.

JelanceàSimonunregardquiveutdire:«Sors-moidecemauvaispas!»LesyeuxdeSimonseplissentimperceptiblement,unlégersouriresedessinesurseslèvres.

–C’estunelanguemagnifique!EtIvyleparleàmerveille,ellevatefaireunedémonstration,dit-ild’unairnarquoisquilerendàlafoistrèssexy,ettrèsénervant.

AprèsavoirfusilléSimonduregard,jememetsàbaragouinerdessonsgrossièrementcalquéssurcequej’aiécoutél’avant-veillegrâceauMP3.

Non seulement Simon ne fait rien pour abréger mon imitation grotesque, mais il prendmanifestementunmalinplaisiràm’écoutermedébattreaveclesoi-disantchinoisclassique.

–Etvousécrivezégalement,j’imagine?demandeFranck.–Biensûr!s’empressederépondreSimon.C’estuneécrituremagnifique.

Je vois déjà le moment où Simon va me tendre un papier et un pinceau, lorsqu’une vagued’agitationluifaittournerlatête.

–CarolineKatz!annonceunefemmeàmi-voix.

Cesquelquesmotsdéclenchentunmouvementdepaniquequimesauveàpointd’unenoyadedansl’encredechine.

–Ellearrivedéjà?s’étonneFranck.–Oui,ellevientd’appeler,elleadesquestionsurgentes.Ellepréfèrelestraitermaintenant,devive

voix,expliqueSimon.

Franck fonce dans son bureau, oubliant son intérêt soudain pour le chinois classique. Simon sedirigetranquillementversl’ascenseur.

– Dommage, c’était assez intéressant… me glisse-t-il. Vous me direz plus tard de quel nomd’oiseauvousm’aveztraité.

Unegrandefemmesortdel’ascenseur.CarolineKatz.Elleabeaufairedelascience-fiction,ellen’ariend’uneextraterrestre.Oualorsuneextraterrestresexyendiable.Grande,fine,longscheveuxsages,maquillageparfait.Elleesttrèsbelle.

–Attendez-moienbas,jevousrejoinsdansuninstant,meglisseSimon.

Jemontedans l’ascenseur.Avantque lesportesnese ferment, ladernière imageque jevoisestcelledeSimon,souriantàlacréaturebottée.

Jel’enverraisbienenallersimplesurSaturne,celle-là.

À l’accueil, au rez-de-chaussée, je patiente en regardant quelques réalisations du Stone Studioexposéesdansdesvitrines.Soudain,unedamepousseviolemmentlaportedubâtimentpuistraverselehallaupasdecharge.Aprèsavoirjetéunregardàlaronde,l’airpleindeméfiance,commesiellefuyaitquelquechose,ellefoncesurl’accueil.

–SimoneStone,est-cequ’iltravailleici?demande-t-ellesansunbonjour.

Laquestionesthachée.Commesisavieétaitenjeu.

–Vousavezrendez-vous?demandecalmementl’hôtessed’accueil.

Lafemmetournelestalonssansrépondre,l’airhagard.

–Vousavezbesoind’aide,madame?dis-je.M.Stonedevraitdescendred’unesecondeàl’autre.–Jenevousairiendemandé,àvous,réplique-t-elled’unairglaçant.

Etellemebousculepouratteindrelaporte.

C’estquoi,ça,unegroupiehystérique?Elleesttrèsmalpolie,maistrèsjolie.Décidément,Simonestentourédebellesfemmes.

J’interroge l’hôtesse du regard.Elle lève les yeux au ciel, apparemment habituée à ce genre desurgissement.

QuandSimonsortdel’ascenseurpourmerejoindredanslehall,lesyeuxrieursontlaisséplaceaumasquesérieux.

–Ça va durer plus longtemps que prévu, Ivy.Ma voiture va te déposer où tu veux. Je passe techercherdemainà14heures.

Et il repart, me laissant en plan. Je me fais l’effet d’un fou du roi. J’ai diverti ces messieurs,maintenant,onmeremetdansmaboîteetonparlesérieusementaveclesgrandespersonnes.

UnSMSdeLaureninterromptmespenséesetmeramènedanslemondequiestlemien.

[Déjeunerchezpapa,tun’aspasoublié?J’ysuisdéjà.]

Biensûrquesi,j’aicomplètementoublié.

[Biensûrquenon,jesuispresqueenroute.]

Super, siLaurenestdéjàdans leQueenscheznotrepère,ellenemeverrapasentrerengrandetenue.Jerentretoutdemêmeenrasantlesmurs,histoirequelanouvellevoisineduFBInemevoie

pas.Puis,aussitôtmeshabitsd’Ivyretrouvés,jesautedanslemétro.

LeQueens,oùvitmonpère,n’estpastrèsloindeManhattan.Maislorsqu’onestobsédéeparuneseule question –CarolineKatz est-elle le genre de femmequ’apprécieSimonStone ? – et qu’elletourneenboucledanssoncerveau,letrajetsembleinterminable.

***

En franchissant laportede l’appartementdemonpère, j’endosseunnouveau rôle…celuide laguerrièreenarmes.Pourmonpère,lestand-upestunpasse-tempsfrivole.J’aibatailléfermepourleconvaincredemelaisserfaireuneécoledethéâtre.Etj’aiperdu.J’aifaitcetteécole,certes,maisilnel’ajamaisaccepté…

–TusorsdechezTed?commencemonpèresanspréambule.

IlvoueuneadmirationsansbornesàTed:ilaouvertunbardontilveutfaireunrestaurant.Voilàduconcret,dusolide!

–Non,je…–Pourquoiarrives-tusitardalors?coupe-t-il.Tuaspassétajournéeànerienfaire?–JetravaillaispourlecastingduNewYorkComedy.–Elleadécrochéunstagehyperprestigieux,commenceLaurenquijouetoujourslesmédiatrices.

Monpèrefaitlamoue,pastrèsconvaincu.

–Situvenaismevoir,unjour,peut-êtrequetuchangeraisd’avis,lancé-je.

Pointdouloureuxdemonexistence:monpèren’estjamaisvenumevoiraustand-up.

–Tevoirtelivreràtoutessortesdepitreries,mercibien.–Tudisn’importequoi,papa,s’écrieLauren.

D’habitude, mon père écoute davantage ma sœur. Ses brillantes études de droit lui donnent dupoids.Maiscesoir-là,illaconsidèreavecméfiance.

–Tuascommencéàchercherdutravail,Lauren,aufait?–Jem’ymettraisérieusementaprèsleconcert.Ondoitrépétersionveutêtreautop,etj’aibesoin

d’unpeudetempspourmoi.

Monpèrelèvelesyeuxauciel.

–Tuappellesceladelamusique?Delamusiquedesauvage,oui…Mais,bon,jesuisd’accord,tuasbienméritédetedéfoulerunpeu.Tumeprometsquetuchercherasdutravailtoutdesuiteaprès?C’estquand,d’ailleurs,ceconcert?

–Ettoi,papa,quoideneuf?dis-jepourchangerdesujetàmontour.

Monpèrehausse lesépaules, l’airsoudain très triste. Ilnes’est jamais remisdudépartdenotre

mère.Ilenaconçuunetristesseimmense,quis’estmuéeenaigreuravecletemps.Quandnousétionsenfants,ils’estcomportéenpèremodèle!Maisàprésent,ilestsiinquietàl’idéequenousn’ayonspasdetravailqu’ilendevientacariâtre.

***

Surlecheminduretour,Laurenestsilencieuse,commesiellemecachaitquelquechose.

–Tuvasvraimentchercherdutravailaprèsleconcert?demandé-je,sérieuse.–Tunevaspast’ymettreaussi!s’écrie-t-elle.–Maisnon!Jemedisjustequ’entremespitreriesfrivolesetteséructationssauvagesnousvoilà

bien,niveaumétiers.

Nousnousregardonsetéclatonsderiretouteslesdeux.

Ilest tardquandnoussommesderetourdansnotre immeublenew-yorkais.Aumomentdenousséparer,nousnousserronsdansnosbras.

–Àdansunesemaine,sœurette,bonnenuitetbonstage!

C’estlapremièrefoisquejeluicachequelquechoseetjemesensunpeucoupable.

Enmeglissantdansmonlit,jedécouvreunSMSdeSimon.

[Dorsbien,Ivy.Demain,nousentronsenscène!]

Jesaisqu’ilavaitdutravail,maisjeluienveuxunpeudem’avoirplantéesibrusquement,toutàl’heure.Jedécidedoncdeluifaireuneréponse«coupdegriffe».

[JenerépondsplusauSMSdetravailaprès21heures.][C’estl’homme,paslemetteurenscène,quitesouhaitebonnenuit!]

Unefoisencore,SimonStonemeclouelebec.

5.Fausseprésentation,vraisfrissons

Lelendemain,à10heures,jeretrouveSimondanssavoitureavecchauffeur.Pourcettenouvellejournée, j’ai choisi de porter de nouveau la robe noire deDior. Je crois qu’elle commence àmeplaire.Simon,lui,porteunjeanmoulantetunefinechemiseblanche.Jenel’aijamaisvudanscettetenue.

Ilattrapelui-mêmemavalise,et,sanseffort,lasoulèvepourlarangerdanslecoffreenungestequimelaisseentrevoirunemusculaturederêve.

Ilestdémoniaque.

Etjesuisd’autantplustroubléequejenesaispascommentluidirebonjour.Jechoisisd’éluderladifficultéenmecontentantd’unpetitgestedelamain.Ilmerépondparunbaisersurlajoue.

Les chastes baisers de ce genre sont inscrits dans le contrat en tant que « manifestations detendresseutilesàlacrédibilitédurôle»(section«attitudedesfiancés»).Restequececontactsurmajoueélectrisetoutmoncorps.

Jenesuisjamaismontéedansunjetprivé.Enfait,c’estassezsimple.Unepartiedel’aéroportestréservéeàcegenredevol.Unehôtessenousaccueille,puisdisparaîtunefoisquenoussommesdansl’avion.

Confortablementinstalléedansunlargefauteuilencuir,jeregardeparlehublot,sansperdreunemietteduspectacledelavillequis’éloigne.Unefoisau-dessusdesnuages,jelèvelatête.Simonmeregarde,unlégersourireauxlèvres.

Zut,jedevaisavoirlatêteémerveilléedel’enfantquimontesurunmanègepourlapremièrefois.

–Situpouvaisarrêterdetriturertabague,çafaitlouche,conseilleSimon.

Ahoui,c’étaitlemaîtrequiregardaitsacréature,riendeplus.

– C’est parce que je ne porte jamais de bijou aussi luxueux, dépenser autant d’argent pour uncaillou,c’estcomplètementfutile!

–Félicitation,cetterepartieestparfaitementdanstonrôle!–Non,c’estlavérité.EtjenesuispasprèsdeporterCEgenredebijou…Pourquoipasunboulet

accrochéàlachevilletantqu’onyest?–Dommage,secontentededireSimonenselevantpournousserviràboire.

***

Quelquesheuresplustard,l’avionsepose.JecroisqueSimonatravaillépendanttoutlevol.Lebruitducrayonsurlepapierm’abercée,etjemesuisrapidementassoupie.

LamaisondesStonetientplusdumanoirquedelamaison.Quantauparcquil’entoure,ilestsigrandqu’onn’envoitpaslebout.Jepousseuncridejoie.

–J’ail’impressiond’avoirgagnéunesemaineenpensioncomplètedansunhôtel18étoiles.Ilyaunepiscineàvagues?

–Ivy,tun’asriengagnédutout,tuesmafiancée,jeteremerciedetemontrerunpeuintimidée.Clausenuméro10.Leschosessérieusescommencent,là!jette-t-ilsuruntonglacial.

Jenepeuxpasm’empêcherdepouffer.

– Ah oui, c’est vrai j’oubliais. Je dois être terrorisée à l’idée de rencontrer ma belle-famille.Bonjour madame, bonjour monsieur, dis-je en regardant mes chaussures et en parodiant la fillecomplètementtimide.

Simonneritpasdutout.Sesyeuxvertsétincellentdecolère.

–Paslapeined’enfairedestonnes,nonplus.Unjustemilieu,c’estpossible?–Jedétestelesjustesmilieux.

Cettefois,sesyeuxmefoudroient.

–Onnerigolepluslà,Ivy.Pasdefauxpas.–Oui,jesais,article5ducontrat.Sitafamillemegrilleparmafaute,jeperdslestroisquartsde

marémunération…Enrevanche,detoncôtétuferaisbiendesourireunpeu.Çan’apasl’airdetefaire hyper plaisir de présenter ta fiancée. Et je te rappelle que si on est grillés par ta faute, j’ail’intégralitédemarémunération!

Jecroisqu’ilaenviedem’étrangler.Etçameplaît.

Dèsquenousgravissonslesmarchesduperron,laportes’ouvreengrand.Unefemmeseprécipiteversnous.LamèredeSimon,probablement.

–Jen’ycroyaisplus!s’écrie-t-elle,enmeserrantdanssesbrasàm’étouffer.

Une tendresse infinie émane de cette femme, j’en suis la première surprise. Après m’avoirordonnédel’appelerparsonprénom–Madeline–,ellemeprendparlebrasetm’entraînedanslesalon.Unhomme,quimepriedel’appelerCharles,lepèredeSimon,meserrelamainavecchaleur.Leursourireestsifrancquej’ensuistouchée,pourdevrai.

–Jesuissicontentdevousvoir,souffleCharlesenserrantsonfilsdanssesbras.

Vu le cahier des charges, je m’attendais à rencontrer des gens un peu coincés et avares desentiments.C’esttoutlecontraire!

Laportedusalons’ouvrealorsàlavolée,etunejeunefemme,àpeineplusjeunequemoi,bonditversnouscommeunediablesse.EllesejettelittéralementdanslesbrasdeSimon,quiébouriffesescheveuxcourtsavectendresse.

Ellesedégagedel’étreintedesonfrèrepourseplanterdevantmoi.

–Moic’estArianna.Pluspersonnen’ycroyait,tusais,medit-elleenmetutoyantd’emblée.Vousvousêtesrencontréscomment?demande-t-ellesansdétour,d’unairmalicieux.

–Enfin,Arianna!protesteMadeline,tuesbiencurieuse!

Madelineestsiamuséequ’ilestfacilededevinerqu’ellemeurtd’enviedeposerlamêmequestion.

–Oui, je suis curieuse !Mais c’est de la faute de Simon ! Il a été si discret à propos de cetterencontre,rétorqueArianna.

L’espaced’uninstant,j’ail’impressionqu’Ariannaconnaîttropsonfrèrepourêtredupedecettemascarade,etqu’elleatoutdeviné,dèslapremièreseconde.

– Bien sûr que je suis resté discret ! s’écrie Simon, faussement fâché. Regardez-vous, tous lestrois,ondiraitdes loupsaffamés faceàunebiche ! Jen’avaispasenviequevousdébarquiezchezmoietquevousladisséquiezvivepourlirelecontenudesoncerveau!

–JeveuxjustesavoirsivousvousêtesrencontrésparMeetLove,insistelasœur.–Biensûrquenon!Laissez-nousrespirer.–Simonaraison,machérie,necommencepasavectesquestions,reprendMadeline.–Attendsaumoinsquenoussoyonsàtable,ironiseCharlesenregardantsamontre.Nousdînons

danscinqminutes.

Lorsquenouspassonsdanslasalleàmanger,jenepeuxm’empêcherd’êtreimpressionnée.Sijene jouaispasunrôle, jecroisque jeserais réellement intimidée : lavaisselleet ladécorationsontdignesd’unetableroyale!

Toutçaenmonhonneur!

Soudain, jeme rends compte que cette famille est en train de vivre un instant de bonheur sanspareil.Ilsontattenducemomentdepuisdesmois,voiredesannées.Leurjoieestprofondeetsincère,etmoi,lacausedecettejoiedébordante,jejouelacomédie!J’enaipresquemauvaiseconscience.

Unhold-upfamilial,çaexiste?C’estcequejesuisentraindefaire.

Aucoursdurepas,toutlemondeestauxpetitssoinspourmoi.Lesplatssucculentssesuccèdentetchacuns’inquiètedesavoirsij’apprécie.

Audépart,Simonfaitexprèsdemonopoliserlaparole,ilparledesesprojetsdansledétail,etposebeaucoupdequestionsàsafamille.Seulement,Ariannan’estpasdupe.

–Etsitulalaissaisparlerunpeu,frérot?– Est-ce que vous avez toujours vécu à New York ? demande alors Madeline, sautant sur

l’occasion.

Jedébite sagementma tirade sur l’Italie, un si joli pays ! JepréfèreNewYork, certes,mais lesmontagnes,toutdemême,sontmagnifiques,sansparlerdelagastronomie.

LaquestiondeMadelineaouvertlebal.De«Est-cequevousaimezlecaviar?»à«Vousavezfaitdeladanse,étantpetitefille?»enpassantpar«Votregrand-mèreaeuvosparentsàquelâge?»et«Vousjouezauxdominos?»,lesquestionsfusent.Simonm’avaitprévenuequeceseraitdifficile,jenem’attendaispasàpasserunoral!

–Est-cequevousavezrencontréCarolineKatz?demandesoudainCharles.Toutlemondeparled’elleencemoment.

– Je la trouvemagnifique, cette femme, quelle classe ! s’écrieArianna.Tu la connais bien, toi,Simon?Vousêtestoujoursaussiproches?

–Elleestbeaucoupmoinsimpressionnanteenvraie.

J’ai coupé la parole à Simon, qui s’apprêtait à répondre. Et j’ai lâché cette repartie un peubrusquement.Oui,CarolineKatzestbelle,etpleinedecharisme.Maisbon,çava,c’estmoilafiancée,ouiounon!

Ariannam’observeavecsonpetitairmalicieux.Jemedemandesoudainsiellen’apasfaitexprèsdeposercettequestion,pourvoirmaréaction.Etellesemblesatisfaite.

Jejetteuncoupd’œilàSimon.Ilaunpetitsourireencoinquejeluiaidéjàvu.Monmouvementd’humeurneluiapaséchappé,àluinonplus,etj’ail’impressionqu’ilestflatté.

Àmoinsqu’ilnefassesemblant,luiaussi.

Stop.Jesuisperdue!

Madeline,délicate,changehabilementdesujet.

–Vosparentssontdiamantaires,n’est-cepas?J’aijustementunepierredontjevoudraisconnaîtrelavaleur.Est-cequevouspourriezleurtransmettreunephoto?

–Biensûr,dis-jeenreprenantcontenance.

Àcemoment-là,lepèredeSimonapporteunebouteilledevin.

–Excellentvinitalien,envotrehonneur!lance-t-il.–Ah!Merci,c’estvraiquej’adoreraisvisiterl’Italie,lâché-jenégligemment.

Unsilence.J’adoreraisvisiterl’Italie.Mesparentssontsupposésyvivre!J’aifaittouteunetiradeàcepropos.Jeviensdemeprendrelespiedsdansletapis,touteseulecommeunegrande!Etavantlafindelapremièremi-temps!

–Jecroyaisquetesparentsyvivaient?faitAriannaaveclesyeuxduchatquicommencetoutjusteàs’amuseravecunesouris.

–Ilsyviventdepuismoinsd’unan,intervientSimon,etIvyneleurapasencorerenduvisite.Ilestd’ailleursprévuquenousyallionslemoisprochain,n’est-cepasmonamour?

Disantcesmots,ilprendmamainetmeregardeavecunetelleintensitéquej’enchavire.Personnenem’a jamais regardée comme ça, que ce soit pour de vrai ou pour de faux, d’ailleurs. Il passeensuitesamaindansmondos,etposeunbaiseraucoindemeslèvres.

Liquéfactionpresquetotale.

Cecontactmeplongedansunétat secondprochede l’hébétude,mais jecomprends trèsbien samanœuvre: ilfaitdiversionenleurdonnantdel’amoureuxtransi,espérantainsifaireoubliermonimpairàsasœuretàsesparents.

Ilestassezboncomédien,àsafaçon.Onycroirait,àcetélandetendresse!Demoncôté,jen’aipasvraimentbesoindemeforcer:monsourireestleplusniaisquej’aiejamaisarboré.

OndiraitbienqueSimonaréussiàrattrapermagaffe,maisAriannanelâchepassifacilement.

–Ellevientdequellebijouterie,cettebague?Quandonadesparentsdanslecommercedepierresprécieuses,ondoitêtretrèsexigeante,non?

Simonselèveetposesesdeuxmainssurmesépaules.Jesenssoncorpsderrièremoi,commeuneprésenceenvoûtante.

–Cequejevouspropose,dit-il,c’estdenotertoutesvosquestionsparécritetdelesremettreàIvydemainmatin.Elletâcherad’yrépondred’icilafinduséjour.Enattendant,Ivyn’oserajamaisvousledire,maiselleesttrèsfatiguée.Etmoiaussi,d’ailleurs.

Il enserremes épaules dans ses grandesmains d’une façon qui déclenche un séisme dans moncorps.

–Qu’enpenses-tu,Ivy?demande-t-ilensepenchantversmoi.

Jen’enpenserien.Ceslèvresprèsdemonoreille,c’esttroppourmoi.

–Oui,heu,je…

Jemelèveenremerciantmeshôtespourl’excellentdîner.Etlecomplimentestplusquesincère.

Simonmeprendparlamainetm’emmènedanslasuitequinousestréservée.Nousrestonsfaceàfacequelquessecondes,puisSimonlâchemamain,etc’estcommeunarrachement.

Jem’effondredansunfauteuil.

–Jesuisépuisée!C’estcommesij’avaisétéinterrogéeparlapolicetoutelajournée.Tuauraisdûleurfairesigneruncontratàeuxaussi.

–J’ypenseraipourlaprochainefiancée,dit-ilavecsérieux.

Douche froide : si je suis une fausse fiancée, cela laisse la place libre à une éventuelle vraiefiancée.C’est ce qu’il est en train deme rappeler, là.Tout ceci n’est qu’unemascarade !Tous lesgestes de tendresse ne sont que comédie. Pourtant, chaque fois que nous nous sommes frôlés, aucoursde lasoirée, j’aisentimoncœurs’accélérer,mes jambessedérober.Suis-je laseuleàavoirressenticetteattractionquasimagnétique?

Simons’estallongésurlecanapé,conformémentaucontrat.Lesmainsderrièrelatête,lespiedsnussurlesaccoudoirs,iloffrelespectacledesoncorpsdéployénonchalamment.Soussachemise,jedevineson torse impeccable, lesmusclesparfaitementdessinés. Ila fermé lesyeux,et je resteà lecontempler,àladérobée.Jen’aiqu’uneenvie,mejetersurlui.

–Tuasquelquechoseàmedemander?Quelquechoseàproposducontrat, j’entends,demandeSimon,sansmêmeouvrirlesyeux.

Uncontrat,voilàtoutcequinouslie.

–Non,bafouillé-jed’unetoutepetitevoix.–Alorsbonnenuit,Ivy,souffle-t-ildesabellevoixgrave.

Findelasoirée.Rideau.

Le litest immenseetconfortable.Commentest-ilpossiblede fermer l’œil lorsqu’un telhommedort à quelques mètres et qu’une simple porte nous sépare. Et puis, c’est quoi son problème ?Commentpeut-onêtreaussidésirableetprésenterunefaussefiancéeàsafamille?

6."Jeterejoins"

Quand je me réveille, le lendemain, l’antichambre est vide. Simon n’est plus sur le canapé. Jem’aventure dans la salle àmanger familiale. Simon est là, qui prend son café avec sa sœur. Leurévidentecomplicitémetouche.Ilporteunechemiseetunjeansombresquifontressortirencoresesyeux verts. Il n’a pas pris le temps de se raser et sa barbe naissante lui donne un air des pluscharmants.

– Eh non, tu vois qu’elle ne s’est pas enfuie pendant la nuit, jette Simon à sa sœur dès qu’ilm’aperçoit.

Ilselèvepourmeprendredanssesbraset,aprèsavoirposéunbaisersurlecoindemeslèvres,s’occupedemonpetitdéjeuner,enfiancéattentionnéparfait.

–Jen’aipasoséteréveiller,souffle-t-ilsansmequitterdesyeux,tudormaissibien.

Unréveilcommecelui-ci,j’enveuxbientouslesjoursdemavie.

C’estbienmoiquiviensdepenserça?Lauren,sorsdececorps!

Jeremarquealorsqu’ilalestraitstirés,luiaussi,cequilerendsexyendiable.Aurait-ileudumalàdormir,sursoncanapé?J’espèrebien,nonmais!

CharlesetMadelinenetardentpasànousrejoindreetmedemandentavecsollicitudesij’aibiendormi.

–Commeunbébé,dis-je.

Mavoixasonnéunpeufaux.Enmêmetemps,jeviensdedireungrosmensonge.Jenemesuisendormiequ’àl’aube,etj’aimaldormi.Jenepouvaispasfermerl’œil,sachantSimonétendulà,toutprèsdemoi.Simonmeregardecommes’iltentaitdedevinerlavérité.

–Ivy,quedirais-tudem’accompagnerchoisirlesfleurs,pourlaréceptiondecesoir?SiSimonveutbientelâcherdeuxminutes,biensûr.

J’acceptedeboncœur, çavame fairedubiendeprendre l’air, et j’en ai grandbesoin.Mais jeregretteaussitôt.Ariannavamebombarderdequestions!

AvantdemonterenvoitureavecArianna,Simonmeserredanssesbras.

–Génial,deuxheuresd’interrogatoireaveclehaut-commissaireauxaffairesprivées,glissé-jeàsonoreille.

Ilsemetàrire.

–J’aimeraisbienentendrecequetuvasluiraconteràmonsujet.

Son rire, c’est la première fois que je l’entends. Un rire clair et timbré qui fait vibrer chaqueparcelledemonêtre.Toutàfaitlegenrederirequ’onneselassejamaisd’entendre.

Pendantnotreescapade,Ariannanem’écrasepasdequestions,ellesecontentedemefairevisiterlaville.Aurait-ellemorduàl’hameçon?

Chez le fleuriste, elle a du mal à se décider et je lui suggère les pivoines, qu’elle fait livrerdirectementàlamaison.

Lorsquenoussommesderetour,lespivoinesontdéjàétélivréesettoutelafamilleapprouvemonchoix.

–«Mon»Ivyn’aimequelesroses,meglisseSimonfaussementsérieux.–TonIvyestdécidémentbeaucouptropclassique.

***

Lesoir,lesinvitésarriventetemplissentpeuàpeuleparcetlesalon.Desoncles,tantesetcousins,desamisde la famille,Simonmeprésenteà tantdemondeque j’ai l’impressiondevoirautantdenouvellestêtesenunesoiréequ’enunan.Jesuisl’objetdetouteslescuriositésattentionnées.Simonnemequittepasd’unesemelle,ilapassésonbrasautourdematailleetmeserreparfoiscontre lui.C’estpeut-êtrepourde faux,mais je frémispourdevrai. J’aimeraisprofiterdececontactgrisant,maislesquestionsdesinvitésrequièrenttoutemaconcentration.

Àmesurequelasoiréeprogresse,mavigilancebaisse.Jenepeuxplusm’empêcherdeprofiterdececorpsviriletdouxcontrelequeljemeloveavecdemoinsenmoinsderetenue.Desoncôté,ilmesemblequeSimonaussis’abandonneàdesgestesmoinscontrôlés.

Est-cequ’ilsepassequelquechose,là?

Au détour d’une conversation, un ami de la famille parle d’un groupe demétal dont il a vu leconcert.Jeleconnais,cegroupe,lebatteurestunamideVictor!

–Ahoui,leurbatteuresttrèsbon,etsympaaussi!Jel’aicroiséunefoisaprèsunconcert.

Aumomentoùjeprononcecesmots,jemesouviensavoirparléplusieursfois,àcesmêmesgens,d’une salle de concert dans laquelle nous sommes supposés avoir écouté de lamusique classique,Simonetmoi,parceque,combledubonheur,nouspartageonslesmêmesgoûtsmusicauxetdétestonstouslesdeux«lamusiquedesauvage»(clause31,section«goûtsdelafiancée»).Entoutcas,c’estcequej’aidébité,pasplustardqu’ilyaunedemi-heure,àcesmêmesgens.

Unsilenceperplexesefaitautourdemoi.

–Ah!Maisvousaimez,lemétal?demandel’amienquestion,trèsétonné.–Enfin,jedisça…Non,pasdutout!Moijenem’yconnaispas!C’estcequ’aprétendumasœur,

c’estellequifréquentecegenred’endroit…–Tasœur?Tun’espasfilleunique?

Jenesaispasd’oùestsortieArianna,maiselleestsortie.Unpeucommesielleétaitrestéecachéetoute la soiréeenattendantcemomentoù j’allaismecontredire.Etellevientdebondirhorsdesaboîte comme un démon. Le sourire gigantesque, l’air de dire « Je le savais, je l’ai deviné à lapremièreseconde.»

–Masœurspirituelle,j’entends,précisé-jeimmédiatement.

Jetentedemerattraperauxbranches…Jem’enfoncedanslessablesmouvants.

– Ta sœur spirituelle ?Mais c’est passionnant ça, glisseArianna, pas du tout convaincue.Vousvousêtesrencontréesdansungenredesecte,c’estça?

–Oui,exactement!Unesectesatanique.Moijem’ensuissortie,lessacrificesd’animaux,c’étaitpasmontruc,maiselle,lapauvre…

Plusc’estgrosplusçapasse,non?Enfin,j’espère,sinonjecrainslepire!

–Excusez-nousuninstant,murmureSimonenm’entraînantàl’écart.

Nousnouséloignonsdelafête,lelongdesalléesduparcdelapropriété.

J’aibeauavoirprogresséendéplacementàtalons,jenesuispasencoretout-terrain,etcen’estpasfaciledemarchersurlesgraviersavecdesescarpins.LebrasdeSimonseserreautourdemataille,pourmesoutenir,maisilneditrien.Ilestprobablementfâché.Ilvamedemanderdefaireattention,c’estpourcelaqu’ilm’entraîneàl’écart.

L’air est agréablement doux, la rumeur de la fête nous parvient encore, mais nous sommessuffisamment éloignés pour entendre les bruissements des arbres et des plantes. Soudain, Simons’arrête,audétourd’unbosquet.Nousnousfaisonsfaceàprésent,etilalaissésamainsurmataille.

–Pardon,c’estsortitoutseul,dis-je.Lecoupdelasectesatanique,jenesaispascequim’apris,jesuisvraimentdésolée.

Simonposeundoigtsurmeslèvres.

–Jecroisquenousavonstouslesdeuxbesoind’unentracte,souffle-t-il.

Samainglissealorslelongdemajoueetilattiredoucementmonvisageverslui.Seslèvresseposent sur les miennes. Et il m’embrasse. Un baiser doux d’abord, et de plus en plus fougueux,trahissantuneimpatiencetroplongtempscontenue.Noslanguessecherchent,sagementd’abordpuisselivrentàunballettumultueux.Desmilliardsdefrissonstraversentmoncorpsquis’amollitentreles bras puissants de Simon. Je m’abandonne à ce baiser sans retenue et lorsque Simon s’écartelégèrementpourreprendresonsouffle,ilmesemblequ’onm’arracheunepartiedemoi-même.

–Masœurestlà,souffleSimon,contrarié.

L’ombred’Ariannasedessinesurlechemin.

–Toutlemondevouscherche,c’estledessert!

Ariannarepartdansl’autresenscommeunelfe.Simonetmoireprenonslechemindelaterrasseensilence.Nosdeuxcorpsrestentenlacés.Dansl’obscurité,sesyeuxbrillentd’unéclatsingulier.

Est-cequec’étaitpourfaire illusionunebonnefoispour toutesqueSimonm’aembrasséede lasorte?Pourtant,non,j’ensuiscertaine,Simonm’aembrasséeavantl’arrivéedesasœur.

Avant?Pourdevrai,donc?J’aienviedehurlerdejoie.

Pendantlafindelasoirée,jemesensflottersurunnuage.Jetentedemereprendre,histoiredenepasmetrahirbêtementàlapremièrequestion,maisjenepeuxpluspenserqu’àcebaiser.Ceslèvressur lesmiennes… ilme semble avoir entrevu le paradis.Heureusement, à partir de cet instant, lesstarsdelasoiréesontlesparentsdeSimon,etleurstrente-cinqansdemariage,jepeuxdoncrêvasserentouteimpunité.

Lovéecontre lecorpsdeSimon, lasoiréepassecommeunsonge.J’aibienconsciencedejoueraveclefeu,maisjem’abandonneàcedouxcontactenessayantdefaire taire lapartdemoiquinecessedemerappelerquenousjouonslacomédie.Demain,lafêteseraterminée,lebaiser,oublié.

Enattendant,j’aibienledroitd’enprofiterunpeu!

Ilesttarddéjà,quandleslèvresdeSimonfrôlentmonoreille.

–Tupeuxallertecoucher,Ivy,situveux.Jeterejoins.

Sesmots,jetéssanstémoin,commeunepromesseplutôtquecommeuneréplique,metroublentauplusprofonddemoi-même.

J’entre dans la chambre un peu avantSimon, etm’allonge sur le canapé de l’antichambre, biendécidéeàréclamerlasuitedubaiser.C’estfoucequec’estépuisant,dejouercegenredecomédie.Jemesensvidée,nerveusementetphysiquement.

***

Lelendemaindelafête,jemeréveille,dansmonlit.Qu’est-cequejefaislà?J’aiquittéSimonquim’asusurré«Jeterejoins»etjemeretrouveseuledanscegrandlit?!

Les imagesde laveilleme reviennent.De retourdans l’antichambre, j’aidûm’endormir sur lecanapécommeunevieillechose.EtSimon,gentleman,m’aportéeici.

J’ai l’impressiondemeréveillerd’unrêvequise termine trop tôt.Àprésent l’enchantementestbrisé, lamagiede la veille est rompue, et je ne saurais jamais ce queSimon entendait par « Je te

rejoins.»

Ilestdéjà7heuresdumatin.Jemesouviensquelafiancéeselèvetôtetjen’aipasenviedemeretrouver seule ici, comme hier. Après une douche rapide dans la salle de bains attenante à machambre,j’enfileunejupesombreetunchemisierdesoie.

Lorsque j’entre dans l’antichambre, Simon est là, sur le canapé. Il dort, tout habillé. Lesmouvementscalmesdesarespirationsoulèventdoucementsontorsemagnifique.

Lespectaclevautledétour.

Après avoir contemplé quelques instants le bel endormi,mon regard est attiré par un carnet decroquisouvert,posésurlebureau.Iladessiné,hier,etj’aienviedevoir.Jem’approchedubureau:cesontsesdernièresidéespourlesdécors.Ilamêmedessinéunmeublefuturisteincroyable!Onsecroiraitsuruneautreplanète,etdanslemêmetempsonvoudraitl’avoirdanssonsalon.

Àcôté,ducarnetdecroquis,unbloc-notesgribouillédanstouslessensattiremonattention.Jememetsàlefeuilletersansvergogne.Aprèstoutjesuissafiancée.

D’accord,celanemedonneaucunementledroitdefouillerdanssespapiers…

–Çava,jenetegênepastrop?

Jemeretourned’unbond.Simonsetientsuruncoude,ilmeregarde,mi-fâché,mi-amusédemeprendreenflagrantdélit.Sesyeuxvertsbraquéssurmoimefontfrémir.Ilalescheveuxenbatailleetses traits,pleinsdesommeil, le rendentencoreplusbeau. Ilpassemachinalement lamaindanssescheveuxenungestequiachèvedemefairefondre.

Pourreprendrecontenance,jemontrel’horloge.

–Lafiancéeselèveà7heures,tutesouviens?–Lafiancéeapeut-êtreduchinoisàréviser.Maislecontratneditrienàmonsujet,réplique-t-il,

rieur,enarrangeantsonoreiller.Detoutefaçon,pasledimanche,faitremarquerSimon.Maintenantsitupouvaisarrêterdefouinerdansmespapiers.

–Aurais-tuoubliélaclause17,page41?dis-jeenparodiantsontonàlui.Tafiancéealedroitdefouillerdanstespapiers.Etlegrosmarshmallowquiauraitavaléuntabouret,là,c’estunfauteuildufuturoutonfeutrequiabavé?

Unoreillerm’arriveenpleinetête.

–Hé!

Jeramassel’oreilleretluijetteaussitôtenretour.

–Raté,s’exclame-t-ileninterceptantmagistralementlecoussinauvol.

Ilmelerelanceimmédiatement,accompagnédedeuxautres,quej’évitedejustesse.J’enramasse

unetjefoncesurSimon,biendécidéeàluiassénerquelquescoupsd’oreillerdirectementsurlatête,histoire d’être sûre de ne pas manquer ma cible. Son bras se détend brusquement et saisit monpoignet,doucementmaisfermement,suspendantmongeste.Avantquej’aieeuletempsdepenseràm’enservir,monautremainseretrouveprisonnièredelasienne.Jerésiste,ettentedemedégager.

Ilmelanceunsourireinsolent.

–Sérieusement,Ivy,tupensespouvoirmebattreaubrasdefer?–Jenem’avouejamaisvaincue,SimonStone,dis-jeenescaladantsoncorpspouravoirplusde

prise.–Jen’endoutepas,murmure-t-il.

Nousluttonsquelquesinstants.Jetentedemelibérerdesonétreintetoutenenattrapantl’oreiller.Chaquefois,ilm’enempêcheavecuneagilitéincroyable.Soudain,entredeuxmouvementspourmedégagerdesesmainspuissantes,jetombesursesgrandsyeuxverts.Nosregardssemêlent,sesyeuxsontimmenses.Leuréclatsinguliermesaisit,etjem’arrêteaussitôtdegesticuler.

Jenesaispascommentj’ensuisarrivéelà,àcalifourchonsurlui,maisj’ysuis.Lelégerembarrasquim’envahitlaisserapidementplaceàuntroublesensueldesplusagréables.Jenebougeplus,etluinonplus.Ilnefaitaucunmouvementpourmechasser.Dèsquej’aiarrêtédemedébattre,ilarelâchésonétreinteautourdemespoignets,maisunedemesmainsesttoujoursprisonnièredelasienne.Ilglissesesdoigtsdanslesmiensetnosdeuxmainsrestentainsi,enlacéesl’unedansl’autre.Entremesjambes, jesens tressaillirmonintimité,et ilmesemblequ’un légersoubresautvientde troubler lesoufflecalmedeSimon.

Sans me quitter des yeux, il remet lentement en place une mèche de mes cheveux, qui se sontdéfaits pendant la bataille. Ce frôlement libère desmilliers de frissons qui courent dans toutmoncorps.Unlégersoupirm’échappe.Sesmainsdecolossesaisissentalorsmeshanches,et,metenantfermement afin de me garder sur lui, Simon se redresse. Nos deux visages sont très proches, àprésent,etnoslèvressefrôlent.

–Toutdépenddutypedebrasdefer,Simon,murmuré-je,jepensepouvoirgagnercelui-ci.

Ilposealorsses lèvressur lesmiennes.Leseffleured’abordpuis lesgoûteavecpassion,enunbaisersauvage.Noslanguessecherchentavecurgence,etledésirquicouvaitdepuistroplongtempsaucreuxdemesreinséclatedefaçonimpérieuse.Ilmordillemalèvreinférieureavecdouceur,mescuissesseserrentautourdeseshanches,commemalgrémoi.

–Pourcegenredebrasdefer,jen’aiaucunechance,Ivy,tuessibelle,souffleSimon.

Ses baisers glissent à présent dansmon cou.Mesmains se perdent dans ses cheveux défaits. Ilfaudrait s’arrêter,maintenant, avantque toutnedevienne tropcompliqué.Mais jenepeuxpasm’yrésoudre.Luinonplus.Latensionesttropforte.Noscorpssefrôlentdepuistroplongtemps,etriennepeutarrêterlecorps-à-corpsfougueuxauquelilss’apprêtentàselivrer.

Mesmainsglissent sous la chemisedemonapollonet ladouceur de sa peaume fait tressaillir.Mue par un désir sauvage, j’ouvre brusquement la chemise de Simon, arrachant même quelques

boutonsaupassage.Ilyatroplongtempsquejeveuxvoircequecachentsesvêtements.

Je ne suis pas déçue par ce que j’y trouve, c’est lemoins qu’on puisse dire. Ravie par tant debeauté, jemefigemêmequelques instants, lesoufflecoupé,pourcontempler le torse parfaitementdessiné de mon demi-dieu. Jamais je n’ai vu de peau si belle, de muscles si bien ciselés, deproportionssiharmonieuses.

Cetypevientd’uneautredimensionouquoi?

Au-dessus de la hanche, une légère cicatrice donne à l’ensemble un charme des plus virils.J’effleured’abordcetorseàlapeaumateetdouce,commepourvérifierquemesyeuxnem’ontpastrompée.Mes doigts suivent les lignes de cette musculature avec avidité. Rapidement, ma boucheexigedegoûter,elleaussi,lapeaudivinementfinedecethommesibeau.Maboucheexplorealorschaqueparcelledecetorsedemarbre,quej’effleure,goûteetmordilletouràtour,encouragéeparlestressaillementsquinaissentsousmesdoigtsetsousmeslèvres.

Àmesurequemescaressesse fontplusavides, lesmainsdeSimonse fontplusnerveuses,plusinsistantes. À présent, il froisse mes boucles blondes d’une façon qui m’électrise délicieusement,lançantdesmilliardsdefourmisvoluptueusesàl’assautdansmoncrâne.Glissantsesmainslelongdemesjoues,ilrelèvemonvisageverslesien.Puis,aprèsl’avoircontempléquelquessecondes,ilm’attireàluipourunnouveaubaiser,presquesauvagecettefois,quiachèvedem’enflammer.

Nosbouchessedévorent,nosmainssecherchent,toutmoncorpsn’estqu’uncridedésir.Jemecambrepour inviterSimonàpoursuivresonexploration, impatientedesentirsesmainscourirsurmoncorps frémissant.Commes’ilavaitdevinémondésir, sescaressesse fontplus fermesetplusaudacieuses,messoupirssefontpluslascifs.

Soussonbaiserfougueux,mescuissessesontserréesplusencoreautourdesesjambes.Sousmajupe,ma culotte, léger rempart entremon intimité et son corps, frotte contre son pantalon. Jemecambreplusencore,etoscillantdoucementsurSimon,jesenssonsexepalpiter.Ledevinantgonflédedésir,monintimitédevientdangereusementhumide.Unlégergémissementm’échappe,auquelilrépondparunsoupir.

–J’aienviedetoi,Simon,soufflé-jed’unevoixaltéréeparledésir.

Joignantlegesteàlaparole,j’esquisseungesteverslaceinturedemonapollon,pourpoursuivreledéshabillage.Lebelhommem’interromptavecdouceur.

–Attends,souffle-t-ild’unevoixdevenuerauque.

Danssesyeux,plongésdanslemien,uneinfinietendresseledisputeàundésirpuissantetanimal.Aprèsavoirécartémesmainsavecdélicatesse,ilarrachelesagechemisierparmequ’ilachoisipoursa fiancée et le jette dans la pièce sans ménagement. Rapidement, en un mouvement dont lesenchaînements m’échappent, la jupe droite et élégante suit le même chemin. On peut dire quel’effeuillageaétérapide!

–Cen’estpasavecellequej’aienviedefairel’amour,souffle-t-ild’unevoixrauque,c’estavec

toi,Ivy.

Cesmots sonnentàmesoreillesavecunedouceur infinieet jemecambre faceà luipourqu’ilpuisseachevercequ’ilacommencé.Moncorpsbrûlededésiretjen’attendsplusqu’unechose,meretrouvernuecontrelui.

Ils’apprêteàmedéfairedemessous-vêtements,maisàlavuedemaculotterougeendentelle,ils’arrêtebrusquement.

Oui,elleestàmoi,cetteculotte.J’aiestiméquej’avaisledroitdegarderlecontrôlesurcetaspectducostume…

UnsourireespièglesedessinesurlevisagedeSimon.Sesdoigtsglissentlelongdel’élastiquedemaculotte, explorent ladentelle, remontent le longdemes fesses,enunedansequim’arrachedessoupirs. Ildessineensuite le tourdemonsoutien-gorge, frôlantmesseinsgonflés, tendusvers lui,frémissants.

–Riendetoutçan’appartientàmafiancée,glisse-t-il,l’airmutin.

Lescaressesdiaboliquesdecethommem’ontjetéedansunétatd’hébétudeetdedésirquim’ôtetouteformederéflexion.

–Alorsqu’est-cequetuattendspourlesenlever!glissé-je,consuméededésir.

Sesyeuxs’étirent.

–Ceseraavecgrandplaisir,Ivy,souffle-t-il.

Savoixs’estperdue,àluiaussi,étrangléeparledésir.

Sansunmot,ilmesaisitparleshanchesetm’allongesurledos.Allongéprèsdemoi,soncorpsmedomine,etsesmainsonttoutleloisirdecourirsurmoncorpsoffert.

Simontiredoucementmaculotteet lafaitglisserlelongdemesjambes.Sesmouvementslents,entrecoupésdecaresseslangoureuses,memettentàlatorture.Jevoudraisluihurlerd’arrachercetteculottesansplusdeménagement,maislessonsrefusentdesortirdemabouche.Mavoixestétrangléepartouteslessensationsvoluptueusesquim’assaillent,etseulsquelquesgémissements,quisemblentnaîtreauplusprofonddemoi,résonnentdanslachambre.ÀenjugerparleregarddeSimon,ilsaitqu’ilmemetausupplice.Ilfaitexprèsdemel’infligeretdeleprolonger.

Unefoisdébarrasséedemaculotte,jemetortillepourluifairecomprendrequ’ilesttempsdemelibérer demon soutien-gorge.Simon a décidé d’abrégerma langoureuse torture etmedébarrasserapidementdel’étoffequiemprisonnaitmapoitrine.

Face àmon corps nu, Simon interrompt quelques instants ses gestes etmurmure plusieurs foismonprénom,presquedouloureusement.Sesyeuxverts parcourentmapeau laiteuse, et son regards’embued’émotion,mesemble-t-il.Ils’apprêteàdirequelquechosemaissavoixmeurt,seslèvres

embrassentgoulûmentmesseins,puistitillentmestétonstendusdedésir.

Ces caresses sont rapidement suivies par d’autres, plus charnelles, plus aiguisées. Sa langue,accompagnantleballetdesesmains,goûtelapeaudemonventre,puis,extasedélicieuse,joueavecmonnombril,faisantnaîtremilledéchargesélectriquesquiirradient.

Quand Simon relève la tête, plongeant une nouvelle fois ses yeux dans les miens, c’est pourinterrogermondésir.Touchéeparcetteattention,jel’encouraged’ungémissementd’impatience.Samainglissealorslelongdemonventreets’approchedoucementdemonsexe.Mesjambess’écartentinstinctivementpourl’accueillir;jesuistouthumide.

Après quelques caresses précises qui me transportent dans d’autres dimensions, ses doigtspénètrentmonintimité.Simonnem’apasquittéedesyeuxetsonregardditassezsonétonnementdetrouver mon sexe si humide.Ma respiration s’accélère d’une dangereuse façon, mais loin de melaisser un instant de répit, l’apollon poursuit son exploration. Ses doigts s’enfoncent plusprofondément,etjesuisauborddugouffre.Mavuesetroublesousl’effetduplaisir.

Sans interrompre la douce progression de ses doigts à l’intérieur de mon intimité, ses lèvresprennentlesmiennes,etlesmordillentd’uneinsoutenablefaçon,quimenacedemefairechavirer.

Puissabouchedescend le longdemoncorpsets’approchedemonsexe.Bientôt,sa languefaitconnaissanceavecmonintimitéetjoueavecmonclitoris.Ilestsiprécisetsiincisifquejemesensperdrepied.Bientôt,leplaisiraccumuléexploseenunorgasmefoudroyant.Jesaisquenoussommessuffisammentéloignésdelamaison,etquepersonnenepeutnousentendre,aussi,jenecherchepasàétoufferlesgémissementsquem’arrachentlesassautsdeSimon.

Une foisque j’ai reprismon souffle, jeme rends compte queSimonporte encore son jean.Labosse que je sens contre ma jambe me dit assez qu’il est plus que temps de l’en délivrer. Je meredresse, défais les boutons, qui cèdent tout seuls sous la poussée de sonmembre viril, puis faisglisserlejeanausol.

Mesmainsselivrentàunepremièreexplorationdufessiermusclédemonapollonautraversdesonboxernoir.Un soupirm’encourage àpoursuivre et je libère enfin le sexedemonamant.Sonmembreviril, trop longtempscontenu, sedresseavec force, imposant,gorgédedésir, il estd’unetailleimpressionnante.Àsavue,jefrissonnededésir,etjen’aiplusqu’uneenvie,lesentirenmoi.Jele prends dans ma main et le caresse doucement, puis plus fermement, encouragée par lesgémissementsdeSimon.

–J’aienviedetoi,Simon,dis-je,lavoixétrangléeparledésir,maintenant!

Simon s’écarte alors demoi d’un bond. L’arrachement est terrible. Il quitte l’antichambre pourdisparaîtredansuneautrepièce.

Heu,j’aiditquelquechosequ’ilnefallaitpas?

Simonrevient,etendeuxbonds,seretrouvetoutcontremoi.

–Nemedispasquetuaspenséquejepartais,souffle-t-ilamusé.

Jenedisrien,tropd’émotionsm’assaillentencetinstant.Simonledevine.

–Moiaussij’aienviedetoi,Ivy,àenmourir,souffle-t-ilavantdem’embrasseravecuneintensiténouvelle.

J’aperçoisuncarrébrillantetjecomprendsalorsqu’ilestalléchercherunpréservatif.Illedéplieen unmouvement leste et l’enfile. Jem’offre à lui, palpitante, et ilme pénètre, doucement, en unmouvementparfaitementcontrôléquimeplongedansuneextaseinfinie.

Nousoscillonsàl’unisson,etàchaqueva-et-vient, ilentreplusprofondémentenmoi.Leplaisirmontesi rapidementque je le suppliede ralentir sesassauts.Attentifàmondésir, sesmouvementsralentissent.C’estpresquepire.Jetentedemecontrôler,maismonintimitéexulte.Alorsjerenonce,jenechercheplusàrésisteretjemelaisseemporterparlavertigineusevaguevoluptueuse.

Sentantquejemelaisseallerentresesbras,monamantreprendsesassauts,plusrapidesetplusforts. Je ne peux plus rien faire d’autre que dem’abandonner à l’orgasme prodigieux auquelm’amenéemonamant.Rapidement,Simonmerejointdanslavoluptéets’abandonneàsontour,dansungrognement de plaisir. Il a attendu que j’atteigne l’orgasme avant de goûter à son tour au plaisirsuprême.J’ensuisprofondémenttouchée.

Plusdefaussefiancée,plusdecontrat,plusdecomédie.Justedeuxcorpsquinesaventplus trèsbienoùsontleurslimitestantleplaisirabrouilléleursrepères.

L’orgasmem’alaisséemuette,maisquandj’ouvrelesyeux,jecroiseceuxdeSimon.Ilmesouritencaressantdoucementmonventre,etnousreprenonsnotresoufflelovél’uncontrel’autre.

7.Chefdegang

Jamaisunhommenem’adonnéautantdeplaisir.Àcroirequemoncorpsn’attendaitqueceluideSimon pour connaître ces états de voluptés dont je ne soupçonnais pas l’existence.Comme si nosdeuxcorpsétaientfaitsl’unpourl’autreetqu’ilss’étaientenfintrouvés.

Ausecours,jeparlecommeLauren!

Etpourtant,c’estdecelaqu’ils’agit.Sinon,commentexpliquercettealchimieentrenous?

Soudain,Simonselèved’unbond,ramasseseshabitsetsedirigeverslasalledebains.

Ilmeplante,là?

Est-cequec’étaitmerveilleuxpourmoiseulement?

Toutenreprenantleshabitsdelafiancée,jeréfléchis.Cequejeprendspourdel'alchimieestpeut-êtretoutsimplementdusavoir-faire.Simonadûmultiplierlesconquêtes.Ilal’habitudedesfemmes,ilsaitlesséduireetleurdonnerduplaisir.

–Puisquenoussommesréveillés.Jevaistemontrerquelquechose,lanceSimonensortantdelasalledebains.

Toutlemondedortencoreencelendemaindefête.Noussortonsdelavillaàbordd’unevoituredesport.Alorsqu’ilmesuffitde le regarderpourquemapeaus’électrise, j’ai lanette impressionqueSimongardesesdistances,commesiriennes’étaitpasséentrenous.

Aprèsquelqueskilomètreseffectuésen silence,nousmarchons jusqu’àunecrique,paradisiaquedanslalumièredumatin.

–C’estmerveilleux,soufflé-je.

Simonsourit.

–Jel’aiachetéeavecmonpremiergroscontrat.Jel’aigardéepourmoitoutseuljusqu’àprésent.

Dois-jecomprendrequejesuislapremièrefemmeàfoulerlesabledecetteplage?Jevoudraisposerlaquestionmaisjen’osepas.Etpuis,soudain,j’aicommeunsursaut:qu’est-cequimeprend,demeposerautantdequestions!Çanemeressemblepasdedemanderdesgarantiesauxhommes!Jen’aijamaisétécegenredefille!

Jemetrouvesuruneplagederêve,encompagnied’unhommesuperbe.J’aiprislepiedleplusétourdissantdetoutemavie.Quedemanderdeplus?Rien!

J’enlèvemeschaussuresetcoursverslamer.J’aidel’eaujusqu’aumollet.Elleestglaciale.Unevagueplushautequelesautresm’aspergejusqu’àla taille.Jechancelleet tombeà l’eauenhurlanttoutessortesd’insultes.

Passûrequelafiancéemodèlepoussecegenredecri…

Dansmondos, j’entends le rire deSimon, et celame fait du bien. Il s’est allongé sur le sable,magnifique,etsonregardestpensif.Jem’assoisàsescôtés,engardantmesdistances,moiaussi.

N’empêche,jedonneraischerpoursavoirquelgenredepenséesoccupesonespritàcetinstant…

–Tun’espèrespasmonterdansmavoitureainsi trempée, Ivy, lanceSimon, lesourireespiègle,lorsquenousregagnonslavoiture.

–Trèsbien,dis-jeenm’éloignant,tuexpliquerasàtafamillequetum’aslaisséeici…

Simoncapituleenriantetm’ouvrelaportière.

Sur la route, à côté de Simon, j’ai du mal à chasser les images de son corps nu. La cicatriceentrevue sur sa hanche me revient à l’esprit. J’ai décidé de prendre le bon côté des choses, celaimpliquedenepasfairecommesiriennes’étaitpassé.

–C’estquoi,aufait,lacicatricesurtahanche?demandé-jeavecdétachement.

LesmâchoiresdeSimonsecrispentimperceptiblement.Sonregardchange,poursefairefroidetdistant.

–Jerajouteuneclauseaucontrat.Pasdequestionsurlavieprivée.

Lemot«contrat»m’arriveenpleinefigure,letonpolairedeSimonmefrappecommeuncoupde poing dans le ventre. Je pensais pouvoir me contenter de profiter de l’instant présent, sansdemanderdavantage.Jemerendscomptequejemesuistrompée,maisjeravalemeslarmes.

–C’estunpeufaciled’ajouterdesclausesencoursderoute,dis-jeenm’efforçantdeprendreuntonléger.

J’aidéjàjouélatristesse,maisilestassezdurdefeindrelalégèretéquandonaenviedepleurer.

–Peut-être,maisc’estcommeça,tranche-t-il.

Ilaparlésuruntondouloureux,enmeregardantintensément.

–Çan’arienàvoiraveccequis’estpassé,souffle-t-ilenesquissantunmouvementpoureffleurermajoue,qu’ilréprimeaussitôt.

DeretourchezlesStone,Ariannanousaccueilleavecdeséclatsderire.

–T’estombéedansl’eauouSimonaessayédetenoyer?–Jecroisqu’ilauraitmieuxfait.

J’ai prononcé cela avec un sérieux qui n’échappe pas à Simon. Et le regard qu’il me lance enréponsem’émeutjusqu’auxlarmes.Sentantl’émotionmegagner,jeprétextelebesoindemedoucherpourm’éclipser.

Lorsque je reparais au salon, seuleArianna s’y trouve. Le journal local est arrivé. Je le saisismachinalement, espérantme changer les idées. En première page, une grande photo d’un hommebalafrémefaitfrémir.

–«LibérationprochainedeTylerWalker », déclamé-je sur un ton comique.Planquez-vous ! Ilfoutvraimentlatrouille,cemec.

Ariannasedécomposeetm’arrachelejournaldesmains.

–Heu,j’aiditquelquechosedepasdrôle?demandé-jefaceàsesmainstremblantes.–Simonnet’enapasparlé?–Heu…non,enfinsibiensûr.

Ilyaquelquechosequej’auraisdûsavoir.Or,plutôtquedemecuisiner,Ariannasortdelapièce,tentantdemasquersontrouble.Jel’entendsappelersamèresuruntonquimefendlecœur.

–Simonavuça?demandeMadeline,paniquée.

EnconsultantGooglesurmontéléphone, j’apprendsqueTylerWalkerestunesombrecélébrité.Unchefdegangdontletableaudechassecomprendmêmedesfemmesetdesenfants…

Lagrandeclasse.

Est-cequelafamilleStoneaquelquechoseàvoiraveccemonstre?

Pendantledéjeuner,jeconstatequ’Ariannaaperdusabellehumeur,etqu’elleafaitdisparaîtrelejournal.Simonnedesserrepaslamâchoire.QuantàCharlesetMadeline,ilspeinentàmasquerleurinquiétude.

Ambiance.

Justeaprèsledéjeuner,Simonportemesbagagesjusqu’àlavoiture.

–Nouspartons,déclare-t-ild’untonneutre.

Je l’ai entendu expliquer à sa famille qu’il devait rentrer enurgence, pour régler des questionsrelativesaudécordeOutofSpace .Sesparentsnes’enétonnentpas,etnousremercientmille foisd’êtrepasséslesvoir.

Je ne pose pas de question devant la famille, de peur de faire une gaffe, mais j’ai hâte demeretrouverentêteàtêteavecSimon.

Danslejetprivé,Simonsedétend.

–Lebilandelasupercherieesttrèsconcluant,mafamillen’yavuquedufeu.–JemedemandetoutdemêmesiAriannan’apasflairéquelquechose.–Ellem’a révélé lemot depassedemonprofilMeetLovepour que je puisse supprimermon

compte,c’estdoncqu’ellen’yavuquedufeu!

Simonouvreunebouteilledechampagneets’assoitfaceàmoi.

–Tuasétéunesupercomédienne.

Ilparledequelmoment,là?Est-cequ’ilapenséquejejouaislacomédiequandnousavonsfaitl’amour?

–Tafamilleestvraimentsympa.Ilstecouventunpeucommeunpoussin,non?

Simonfroncelessourcils,sonvisageseferme.

–Non,maisjememoquepas!m’écrié-jeaussitôt.Jet’envie.Parcequemoi,cegenredefamillejoyeuseetunie,c’estpasexactementcequej’aiconnu.

C’est bien la première fois que je fais ce genre de confidence à quelqu’un. Jeme tais aussitôt.PourquoiseconfieràSimon,mamissionest terminée.C’estbiencequenoussommesen traindefêter.Va-t-onserevoir?Quelleestlasuite?

–Lecontratneprévoyait-ilpasunesemaineenfamille?demandé-je,m’efforçantdeprendreunairdétaché.

–J’avaiscomptélarge,aucasoù,maispuisquel’illusionestparfaite,pasbesoinderester.Etpuis,j’aibeaucoupdetravail,lesfauteuilsmarshmallowàreprendre,parexemple.Maissoissanscrainte,tuseraspayéeintégralement.

Jesuisdonclaseuleàavoirvécuquelquechose.Jenepeuxpasluienvouloir,maisçamefaitmal.

Simonreçoitalorsune-mail,sursontéléphone,etsedécompose.

–Tunedevraispasm’enviertantqueça…souffle-t-ilbouleversé.–Qu’est-cequisepasseSimon?Jepeuxfairequelquechose?–Rien,Ivy,tranche-t-il.

Autantyallerfranchement,etdirecequej’aisurlecœur.

–Est-cequeçaaunrapportavecTylerWalker?Tasœurafaitunedrôledetêtequandellel’avusurlejournal.

Simonmeregardecommesijevenaisdeluiplanteruncouteaudansledos.

–Ilyaquelquechosequetunediraispas,mêmeàtafiancée?

J’ai prononcé cesmots avec tendresse, et jeme suis approchée de lui, au point de toucher soncorps.Maisils’écartebrusquement.

–Jen’aipasdefiancé,justement,jeterappelle.Letutoiement,c’estdanslecontrat,c’estpourlafausseIvy.Jevousrappellequ’onfaitsemblantaucasoùvousl’auriezoublié.

J’encaisselecoup.

– Très bien, puisqu’on parle business, parlons contrat, vous ne pouvez pas le rompre de façonunilatéralec’estunenouvelleclausequej’ajoute!Libreàvousdemevouvoyer,maisnoussommesencoreliésl’unàl’autrepourquatrejours,quevouslevouliezounon!m’exclamé-jesanspouvoirretenirmacolèreetdéterminéeàavoirlederniermot.

On ne se débarrasse pas de moi comme ça, monsieur Je-te-propose-un-contrat-puis-je-couche-avec-toi.

Àsuivre,nemanquezpasleprochainépisode.

Egalementdisponible:

Sexycomédie-Recherchefaussefiancée2

QuandIvyClemens,jeunecomédiennedestand-up,indépendanteetsûred’elle,répondàl’annoncen°345856,ellen’imaginepasqu’elles’apprêteàjouerlerôledesavie…Etquelrôle!EngagéeparSimonStonepourincarnersafiancéelorsd’unefêtedefamille,Ivydoitrenonceràcequ’elleest.D’artistefauchée,elledevientlarichehéritièred’unefamilledediamantaires.Lajeunefemmeselanceaveccuriositédanscedéfipourlemoinssurprenantetterriblementattractif.Maisperdueentrefictionetréalité,elleserabienvitedéstabiliséeparunpartenaireaussitroublantqu’énigmatique.

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DécouvrezInsupportable...maisàtomber!,MeganHarold

EXTRAITDEINSUPPORTABLE...MAISÀTOMBER!

Vol.1

1.Prologue:DernierNoëlàParis

ParisetsesParisiens…Est-cequetoutçavamemanquer?

Il est dix-sept heures, les Parisiens courent sur les trottoirs, s’engouffrent dans les bouches demétro.Toutlemondesepresse,lesbraschargésdesdernièrescoursesdeNoël.Derrièrelavitredemontaxi,j’observecettevie.

Unevraiefourmilière…

Malgré lesklaxonsenvironnants, jepeuxentendrequelques« JoyeuxNoël» lancés rapidement,pourexcuserlesbousculades,lescoupsd’épaules,lespiedsécrabouillés.LesourireestplusfacilelesoirdeNoël!

J’aimeParispendantcettepériodedel’année.Lacapitalesembleseglisserdansuncoconhorsdutemps.Lesilluminationsysontpourbeaucoup.Toutestdélicat,raffiné,subtil…Ettouslesans,c’estunejoiededécouvrirlesnouvellesinstallationslumineuses…Lesarbres,leslampadaires,lesgrandsmagasins,toutestjustemagnifique…

Plongéedansmespensées, jen’entendspas toutdesuite lechauffeur.Quandsavoixsefaitplusforte,jesursautepresque.

–Pardon?–JevousdemandaissivousfêtiezNoëlenfamillecesoir,répète-t-ilenseretournantlégèrement.–Non,pascesoir…

Tropévasivesansdoute,l’hommeestsurprisetseretournedeplusbelle.

–Maisjerejoinsmafamilleaprès-demain,elleestàNewYork!ajouté-jerapidement,mesentantobligéedelerassurer.

Etpourévitertoutenouvellequestiontroppersonnelle:

–Etvous?Vousfaitesquoicesoir?

L’homme n’attendait que ça, parler de lui. Je l’entends m’expliquer de sa voix chaleureuse leprogramme de la soirée. Je ne l’écoute pas vraiment,mais la politesseme pousse aumoins à luisourireetàacquiescerdetempsentemps,quandilmeregardeparlerétroviseuravant.

Maispourquoiest-cequ’ilfautêtreobligatoirementheureuxàNoël?

Cette penséeme traverse l’esprit etmon sourire s’efface.Mon regard se porte ailleurs, sur leslumières.Iln’yaqueça,cesoir,quim’apporteunpeuderéconfort…

Stop!Dansdeuxjours,unenouvelleviecommencepourmoi.NoëlestjusteNoël.Pasquestiondesombrerdanslamélancolie!

Dansdeuxjours,jerentrechezmoi,àNewYork…

L’idée de retrouvermes grands-parentsme redonne le sourire. Ilsmemanquent tellement ! Enrevanche,celledereleverledéfiqu’ilsmelancentmeprovoquedesnœudsàl’estomac…

Maisçaaussi,onypenseraplustard!

Montaxiarriveàsedégagerdelacirculation.Danslespetitesruesdelacapitale,l’ambianceestpluscalme.Lesappartementssontallumés,leréveillondoitsepréparer.

Lechauffeurs’arrête.Jedevineàsatêtequ’ilestsurprisdemedéposerlà.

–Vousêtessûredel’adresse?medemande-t-ilenregardantautourdelui.–Ouioui,merci!

J’ouvrelaporte,poseuntalonsurlesoletalorsquejem’apprêteàluilancerun«JoyeuxNoël»poli,jel’entendsmurmurer:

–Drôled’endroitpourunréveillondeNoël…

Jenerelèvepas.Jen’aipasletemps.

–Attendez!crié-jepresqueàl’hommedevantlagrille.–Excusez-moimademoiselle,maisc’est lesoirdeNoël,onfermeplus tôt,m’apprend-ilenme

dévisageantdelatêteauxpieds,surprisluiaussidemevoirdébarquerdanscettetenue.–Laissez-moijustecinqpetitesminutes…S’ilvousplaît…Pasplus…l’imploré-je.

Aprèsuntempsd’hésitation,l’hommemelaissepasser.

–Cinqminutes!dit-ildansmondos.

Jemeprécipiteetremontel’alléeaussivitequemestalonslepermettentsurlesolpavé.Jeconnaislelieuparcœur,jepourraislaretrouverlesyeuxfermés.

«SuzannePreston-Legrand»–Maman…

Jem’agenouilledevantlatombedemamère.Lesdernièresfleursquej’aiapportéessonttoujourslà.Moncœurseserreàl’idéedeneplusvenirlavoir.

–EncoreunNoëlsanstoi,Maman…Tumemanquestellement…

Une larme roule le long dema joue. Tous les ans àNoël, je pleure l’anniversaire de samort.Commesic’étaithier…

–Jeparsdansdeuxjours,çayest…J’auraisaiméquetusois làpourm’accompagnerdanstoutça…J’espèreque jeseraià lahauteur.Tum’asapprisàêtreforte, tuserasfièredemoi.ÀbientôtMaman,jereviendraitevoir…maisjet’emporteavecmoi.

Instinctivement,jecaressemontatouage,àmonpoignet.

TuestoujoursavecmoiMaman…Partout,toutletemps.

Jeprendsuneminuteavantdemerelever.L’hommem’attend.SijenefêtepasNoël,cen’estpasuneraisonpourgâcherceluidesautres.

Jerepars,d’unpaspressé,lecœurserré.

–Merci,luidis-jeunefoisàsahauteur,mercibeaucoup.–Derien,joliedemoiselle,c’estNoëlaprèstout…

C’estNoëloui…Etjesuisseule…

Sijepouvaishibernerpendantcettepériodedel’année!

***

Siàl'époque,quelqu'unm'avaitditquejechangeraisunjourd'avis,quejepourraisprendregoûtàtouscespréparatifs,êtremoi-mêmeexcitéeàl'idéedecélébrerNoël,jeluiauraissansdoutedonné,àcetinstantprécis,uneclaquemagistraletantjesouffraisdecettedouloureuseabsence.Etpourtant...

2.Mauditecuriosité

–Est-cequetupeuxarrêterdebougerjustecinqminutes,quejepuissefinirdetecoiffer!s’agaceBettinami-exaspérée,mi-amuséeenplaquantsesdeuxmainssurmesépaules.

–J’essaiejustedem’habitueràcestalons!protesté-jeenrevenantm’asseoir.–Pourquoi?Tuasprévudedanserunrockendiablécesoir?–Non…–Ok,alorst’asjustebesoindesavoirmettreunpieddevantl’autre!Çavaallerouilfautquejete

montre?medemande-t-elle,moqueuse.Imaginetousleshommessympasqu’ilyauraàcegala!Çate ferait du bien de rencontrer quelqu’un, de sortir de ta vie deworking girl qui ne s’offre aucunmomentdedétente!Tuvasfinirvieillefillesituneteméfiespas!mecharriemonassistante.

–Jepourraisprendredeschats…–Tun’auraismêmepasletempsdet’enoccuperetc’estmoiquifiniraisparlesrecueillir!Non

mais,sérieusementNora,jenet’aijamaisvueavecunhommedepuisquejeteconnais!–Ce n’est pas si grave, ça ne fait qu’un an que je suis àNewYork, ce n’est pas non plus une

éternité,grimacé-je.–Tiens!Jevaistelancerundéfi!Situneramènespasunnumérodetéléphonecesoir,jet’inscris

surTinder,ok?!

Avecsesdeuxmainssur leshanchesetsonregarddéterminé,Bettinanemanquepasdesérieux.Maisçanem’empêchepasd’éclaterderire!Unfourirecommunicatif.

–Ehbien,c’estmalbarré!C’estungalapourlapromotiondesédificeshistoriquesdeNewYork.J’yvaisjusteentantquebénéficiairedeleursubvention!Iln’yauraquedesgensfortunésetinfluentsmaiscertainementbienvieuxetbedonnants.Jecompterécupérerdescontactspourrelancerl’hôtel,paspourlesramenerchezmoi!

–Biensûr…Boulotboulot,quoi!Maiscesgens-làpeuventaussiêtrejeunes,beaux,célibataires,etserviràautrechose!

–Bettina!–Jesensquejevaism’éclateràcréertonprofilcesoir!

Je lance un regard que je veux meurtrier à mon assistante-amie-confidente. Rien de crédible.Bettina milite depuis plusieurs semaines pour me faire rencontrer quelqu’un et je sais qu’elle nelâcherapas.

–Bon,montaxidoitêtrearrivé!Çairatucrois?demandé-jeàBettinaenmerelevant.

Jem’observedanslaglace.Marobeestsobre,noire,etmemetenvaleurjustecequ’ilfautpourcegenredegala.Mondécolletépeutattirerl’œil,maispasassezpourcréerdescrisesdecouple.EtBettinaasudonnervieàmescheveux.«Blondvénitien»commedisentlescoiffeursfrançais.

–TuessublimeNora!Commed’habitudedetoutefaçon.Etcesyeuxquipétillent!Avoue,tuas

hâted’yaller!Etnemedispasquec’estpourleHellington!remarque-t-elleenposantsesmainssurseshanchespulpeuses.

–Tu commences à tropme connaître, grimacé-je, démasquée. Imagine, je vais vivre un de cesgalas américains qu’on n’a pas en France, un truc que je ne voyais que dans les magazines !m’exclamé-je,laissantexplosermonexcitation.

–Profite!Tul’asbienméritéaprèstoutlemalquetut’esdonnécesderniersmoispourremettreàflotl’hôtel.

–Lemalqu’ONsedonne,tuveuxdire,lacorrigé-je.–Jenefaisqu’exécuterlesordresdelapatronne!metaquineBettinaenimitantlesalutmilitaire.–Allez,jefile!Claquelaporteenpartant!crié-jepresqueensortantdel’appart.–N’oubliepaslenuméro!merappelleBettinadansmondos.

Couvertepouraffronterlefroiddecettefindemoisd'octobrenew-yorkais,jem’engouffredansle taxi. Je suis excitée et nerveuse. C’estmon premier gala, je vais recevoir une subvention pourl’hôteletjevaiscertainementrencontrerdesgenstrèsimportants.

Etsijepeuxm’amusertoutenœuvrantpourl’hôtel…

***

C’est comme je l’avais imaginé ! Le tapis rouge devant le prestigieux Park Lane Hotel, lepersonnelimpeccable,desserveursetleursplateauxchargésdecoupespleines,desrobesdesoirée,dessmokingset…desvieux.Quedesvieux.Lamoyenned’âgedoitapprocherlessoixanteans…

Super!Cen’estpascesoirquejechangeraimonstatutdecélibatairesurFacebook!

EtjeviensdegagnerunprofilTinder!

JerisintérieurementenimaginantBettinaremplirlesinformationssurmoi.Jesuissûrequ’ellevaenrajouter!Impossibledeluienvouloir,monassistanteestunrayondesoleildansmavie.

Maisjenem’empêcheraipasderâlersiellememetdansdessituationsimprobables!

J’attrape au vol une coupe de champagne et me fonds dans la masse, même si ma vingtained’annéesmedistinguedecetteassemblée.Jenouequelquescontacts,faisunpeuderelationnel,onmedemandedesnouvellesdemesgrands-parents,lesLegrand,propriétairesduHellingtonavantqu’ilsnem’enlaissent lescommandes.Jefais le job,unpeudéçuedel’ambiancequi règne ici. Je risquenonseulementdemourird’ennui,maisdeperdreaussiquelquesorteilstantmespiedscommencentàmefairesouffrir.

« Ne pense pas à tes pieds » me disait Bettina. Ce n’est pas moi qui y pense, ce sont eux quis’imposent!

Alorsquecommencentlesdiscourssurl’importancedeconserverlepatrimoinearchitecturaldeNewYork,j’optepourlebar.Quitteàrisquerdem’endormir,autantlefairebieninstallée!

Jecommandeuneautrecoupedechampagneaubarman–pasdemélange,unprincipe–etregardeautourdemoi.OnestloindelafollesoiréequeBettinas’imaginait!

Lesvieillespierresdelavillen’intéressentpasmagénération!Iln’yaquemoipourlesaimer!

Oupresque.Deuxtabouretsplusloin,unhommeattiremonattention.Unpeuplusvieuxquemoi,maisnettementplusjeunequetoutlemondeici.Jenepeuxvoirquesonprofiletcettemoitiédeluiestunebellepromessedureste!Puisqu’iln’apasremarquéquejeledévisage,jemelaissealleràlacontemplation.

Contemplation?Jemattecarrément,oui!

Sestraitssontfins,maisvirils.Mâchoirecarrée,desmèchesdecheveuxbrunsquiretombentsurses yeux, un nez parfaitement droit, des lèvres charnues, un dos puissant, une silhouette plutôtsportive…Sonairconcentréestterriblementcraquant.

Jeme pétrifie surmon siège quand il relève la tête pour repousser sesmèches rebelles. J’ai letempsd’apercevoirunecicatriceau sourcil avantdeme tournervers la scèneetdeprendreunairabsorbépar cequ’il s'ypasse.Mais impossibledenepas succomber à la curiosité etmesyeux seportentànouveaudanssadirection.

Qu’est-cequipeutl’occuperàcepoint?

Jem’inclineunpeuenavantpourvoircequ’ilfait.

Ildessine?!

Jevoisquejenesuispaslaseuleàm’ennuyer…

L’artisteestcaptivé.Etiln’apasprisn’importequelsupportpourexercersoncoupdecrayon!Jereconnaislelivred’ordelasoirée,unrecueildanslequelnousdevonstousécrireunmotetquiseradonnéauplusgénéreuxdonateurdugala.Joliefaçondes’exprimer.

Sontraitdecrayonesttrèsassuré.Aucentredudessin,desgrospersonnagesportantdescasquesdechantiertiennentdesliassesdebilletsetarborentunlargesourirecarnassier.Jecroisreconnaîtreparmieuxdescaricaturesdesinvitésdugala.Etsurlescôtés,s’entassentdespetitspersonnagesavecdesvalises,visiblementexpulsés.Aufond,desarbresabattus…Bref,unvrairéquisitoirecontrelespromoteursimmobiliersquiexproprientetdétruisentsansscrupule.

Passûrequeçaplaiseàtoutlemondecegenrededessin!Iln’apasfroidauxyeux,lui!

L’Artiste n’est pas seulement beau, il a un talent fou pour le dessin. Et il semble même avoirbeaucoupd’humour…

Beauavecdel’humouretvibrantpourunepassion…Voilàcequejepourraismettresurunsitederencontrecommecritèresderecherche!

Intriguée par le dessin qu’il est en train de finir, jeme penche un peu plus. Je sensmon siègechanceler.Tout sepasse trèsvite. Jebascule sur lecôtéet tentedeme rattraperaubar. Jemesenspartir,déjàjem’imagineausol,m’attendantàunechutedouloureuse.Maisl’Artisteabondietvientdem’éviterlepire.Jemeretrouvesoudainementcontrelui,danssesbras,àlafoismortifiéeparlahonte, confuse, et troublée par ce contact.Et c’est encore pire quand il plonge ses yeux d’un bleuintensedanslesmiens.

L’Artistemedécrocheun sourireamuséet ravageur.Avantdem’écarterde lui, j’ai le tempsdesentirsonparfumenivrantetderemarqueràquelpointiln’estpasseulementbeau,ilestjusteparfait.

–Est-cequeçava?medemande-t-ilmi-moqueur,mi-inquiet,d’unevoixàlafoisgraveetdouce.–Merci,beauréflexe!lancé-jeenriantpourmasquermahonte.

L’Artiste ne se défait pas de son sourire, laissant entrevoir des dents parfaites. D’un geste, ilrétablit sur ses quatre pieds le tabouret qui vient de me faire défaut. Dans son mouvement trèsathlétique,presquefélin,unsecondeffluvedesonparfummeparvient.

Est-cequecemecaquelquechosequin’estpasparfait?!

–Macuriositém’apunie,grimacé-jeenregardantducôtédesesdessins,laisséssurlebar.– Je suis démasqué, dit-il avec humour en rapprochant le livre d’or.Neme dénoncez pas, j’en

appelleàlasolidaritédesmoinsdesoixante-dixansdecettesoirée!–Seulementsij’ailedroitderegarderdeplusprèscequevousvenezdedessiner.–Ilestàvous!Jecroisquejel’aiassezmonopolisécommeça!déclarel’Artisteenmetendantle

livre.

Alorsquejedécouvrepourdebonlescaricaturestrèsréussies,jem’aperçoisducoindel’œilquelebelinconnus’assoitsurletabouretàcôtédumienetqu’ilenprofitepournouscommanderdeuxnouveauxverres.

–Vousêtesdoué,commenté-je,presqueintimidéedevanttantdetalent.Monmessageseraplus…classique!

Etterriblementbanal!Ilaosédessinercequetoutlemondepensetoutbas,dénoncerlepouvoirdel’argentetdesegoaudétrimentdesplusfaiblesetdelaplanète.C’esttrèsgonflémaisiln’apastort.Passûrquelescaricaturéssoientravisdevoirça!

EtlepetitdémonBettinasurmonépaulemesouffledefonceretdedraguercethomme!

Saufquemamaladresseetmacuriositéaffichéesviennentdegrillertoutesmeschances!Sousleregard appuyé de l’Artiste que je sens posé sur moi, j’écris rapidement quelques lignes deremerciementspourledonapportéauHellington.Jesigneetrefermelelivredansunclaquementsec.

–Vous travaillez pour leHellington ?medemande l’inconnu avant deposer ses lèvres sur sonverre.

–Oui,réponds-jerapidementenessayantdedétachermesyeuxdecespectacletrèssensuel.Nousavonsreçuunesubvention,c’estundesplusvieuxbâtimentsdelaville.

–Intéressant…Etdequanddate-t-il?medemande-t-il,curieux.–Dudébutdesannées1900,ilesttrèsArtDéco,vousvoyez?précisé-jeendéposantlelivred’or

surleplateauduserveurvenulerécupérer.–C’estunstyletrèscheràNewYork…Ettoutestrestéenl’état?– Oui, l’hôtel a conservé tous ses vestiges de l’époque : sa porte en bois, sa cheminée, ses

moulures…Etçan’apasquedesavantages,ajouté-jeenriant.–Onfaitdesmerveillesaujourd’huiendesignenmélangeantlemoderneetcecôtéArtDéco.Vous

devriezessayer.–Ladécorationn’est pasvraimentmapriorité en cemoment, souligné-je, limite agacéepar ce

côté«donneurdeleçon».J’essaiedefairevivrel’hôteletderelancerl’activité.Quandceserafait,jepourraifinancerlarénovation.

–Et si vous preniez le problème à l’envers ? insiste-t-il, pris d’une soudaine passion pour sonsujet.Enredécorantvotrehôtel,vouspourrezrelancerl’activitéenattirantuneautreclientèle.Vousavez l’airbeaucoup trop raisonnable.Tenez, rêvonsunpeu ! ajoute-t-il en se redressant, le regardpétillant. Je suisNeilCaine et jevousproposedem’occuperduHellington.Oncommencerait parchangerquoi?

–NeilCaine,carrément?!m’exclamé-jeenriant.Legranddesigner!Vousnefaitespassemblantquandvousvousmettezàrêver!

–Etpourquoipas?Lesrêvesn’ontpasdelimites!

L’intensitéduregardqu’ilm’offreendisantçameconsumesurplace.Jesuistellementtroubléequej’enoubliesoncôtétrèssûrdelui.Jecommencemêmeàtrouverçacharmant.

–Mongrand-père est complètement fan de lui, déclaré-je subitement.VoirNeilCaine dans sonhôtel,c’estsonrêveàlui!

–Votregrand-père?répètel’Artiste,enaffichantunpetitsourirenarquois.

Jemeposelamêmequestion.Mongrand-père?Jesuisvraimententraindeparlerdelui?S’ilmerestaitencoredeschancesaveccetinconnu…Envolées!

–LeHellingtonappartientàmesgrands-parents,réponds-jeencontinuantdecreusermatombe.Ilsm’enontconfiélagérance.

–Beaudéfi!sifflel’inconnu,visiblementimpressionné.

Et j’en suis flattée ! Le barman nous interrompt et prévient l’Artiste que quelqu’un semblel’appeler.Nousnousretournonsd’unmêmemouvementet,effectivement,unhommes’approchedenous,lelivred’oràlamain.Ilsembleavoirétéoffertpendantnotrediscussion,etl’heureuxgagnantnesemblepassatisfaitdesoncontenu.

–J’aifaitcequej’avaisàfaire,jenevaispasm’attarderpluslongtemps,mesoufflel’inconnuaucreuxdel’oreille,unsourireespiègleauxcoinsdeslèvres.

–Jecomprendsoui,réponds-jeamuséeparlasituation.–Jevouslaisse,maisjeviendraim’occuperdevotrehôtelcommejel’aidit!–Rêverd’êtreNeilCaineetd’avoirsontalent,c’est…

L’inconnudéposesurmajoueunbaiseraussidélicatqu’inattendu.J’enfrissonne.Chaquecontact

avecluimefaitdel’effet.

Etqueleffet!

Jenefinismêmepasmaphrase,ilestdéjàloin.QuandjeraconteraiàBettinaquel’hommeleplusparfait, le plus séduisant, le plus sexy de la soiréem’a quittée enm’embrassant, elle sera fière demoi!

Saufquejenesaispasquiilest!

Maisquelleidiote,jen’aimêmepaspenséàluidemander!

Super!Donc,sicemecveutmerevoir,iln’aqu’àvenirauHellington.Maisentombantsurluietenluiparlantdemongrand-pèredansunesoiréedevieux,jenesuispassûrequeçaluidonneenvie.Ilvacroirequej’adorecegenredesoiréeennuyeuse!

Zéropointéendrague!Bettinaaduboulot!

Leseulattraitdecettesoiréeétantparti,jen’aiplusrienàfaireici.Jevaisrentreretdormir.Enfindormir,jen’ycroispas.L’Artistem’alaisséunetropforteimpression.Çafaitdesannéesquejen’aipaséprouvédetellessensations.Quelcharisme!Etceregard!Sijen’aipassonnuméro,j’aiencorelesouvenirdesonparfum.

Jevaismelaisseralleràrêvermoiaussi,àrêverdesesbras,deseslèvres…

Je rentre chez moi le sourire aux lèvres. Tant pis pour la frustration, j’ai passé un trop bonmomentpourlegâcher!

3.Del’espoirmalgrétout

–CommentçaNeilCaine…Tuveuxdirequec’étaitNeilCaine?!–Benoui,tunesaispasmêmepasdanslesbrasdequitut’esjetée?medemandeFloresurSkype.–Jenemesuispasjetéedanssesbras,jesuistombéedemontabouret,nuance!–Et tu ne savais vraiment pas que tu étais tombéedans les bras deNeilCaine ?Tune l’as pas

reconnu?Ilnet’apasditquiilétait?

Mameilleureamieenchaînelesquestions,amuséeetperplexe.Auréveilcematin,ellem’aenvoyéunephotodelasoiréequ’elleatrouvéesurunsitepeople,prisepileaumomentdemachute.Jenelaquittepasdesyeuxdepuis,essayantdecomprendre,l’espritencoreembruméparlesommeil.

–Non,ilnel’apasdit…Enfinsi…Mais…Ilm’aditqu’ilétaitNeilCaine,maispascommes’ilétaitvraimentNeilCaine. Il l’adit commes’iln’étaitpasNeilCaine justement !Tuvoisceque jeveuxdire?

Floreéclatederirederrièresonécran.

–Non,jenevoispasdutout.Iladitqu’ilétaitNeilCaineoupas?!–Oui,ill’adit,maisc’étaitunjeuentrenous!–Unjeu???Maistuavaisdéjàbuavantdelerencontrerouquoi?!Remarque,çaadûl’amuserde

voirquetunesavaispasqu’ilétaitvraimentNeilCaine.Çaadûlesurprendre!Tun’esfinalementpassinulleendrague!C’esttrèsbonaussil’humourcommetechniqued’approche!Bienjoué!

Monamiesemoqueouvertementdemoi.Maiscommentjepouvaissavoirquec’étaitNeilCaine?Jeconnaissontravail,jesaiscequ’ilfait,maisjenel’aijamaisvu!

Je lis encore une fois le commentaire qui ponctue la légende : «La présence deNora Preston,propriétaireduHellington, aux côtésdeNeilCaine semble avoir tempéré le designer, qui ne s’estdistinguécettefoisquepardescaricatures.»

–C’estcomplètementdinguecettehistoire!continueFlore,toujoursmortederire.–Commentça«cettefois»?Ilal’habitudedefairecegenredetrucs?demandé-jetouthautsans

faireattentionàladernièreremarquedemonamie.–TuneconnaispaslesfrasquesdeNeilCaine?–Non!Jesaisjustequec'estLEdesignerquetoutlemondes'arrache,c’esttout!– Si ça peut te rassurer, je ne connaissais rien de sa vie privée avant cette photo ! tente deme

réconfortermonamie.Et jemesuisposé lamêmequestionalors j’ai faitunepetite recherchesurGoogle.

–Ett’astrouvéquoi?

NeilCainem’intriguemoiaussidésormais.Meschancesdelerevoirn’étaientpasgrandes,mais

là…

–Plusieurs trucs. Écoute ça.À l’inauguration d’un bâtiment dans le Texas, il débarque avec untroupeaudebuffles.Lesanimauxavaientétédélogésetunefoislechantierfini,ilestrevenuaveceuxpourlesréinstallerlejourdel’inauguration.Tuimagineslatêtedupromoteurimmobilier!meditFloreenéclatantderire.

Jerisaussienretrouvantbienlecôtéhumoristiqueetrebellequ'ilexprimaitdanssondessinhier.

–Uneautrefois,ilafaitdéverserdestonnesdedéchetsdevantlavillad’unpromoteurparcequ’ilavaitfaitconstruiredeshabitationsdevantunedécharge.Ilaappeléçaun«retourd’expérience».Etattends,j’aiautrechose!J’ai luaussiqu’ilavait réussiàfairedémonterunmonumentenFinlandeparcequ’ilavaitétéconstruitdansduboisnormalementprotégé!Cemecestdingue!

–Maisoùest-cequetuastrouvétoutça?–Surcettechosequ’onappelleInternet,tudevraisessayer!Çatepermettraitdereconnaîtreune

personnalitéquandtuencroisesune!metaquine-t-elleànouveau.–Commesij’avaisletemps…–D’aprèscequej’ailu,ilestcélibataire…meconfieFloreavecunclind’œil.– Il n’a pas cherché à prendremonnuméro quand il est parti hier soir, je ne dois pas être son

genre…–Tun’ensais rien,Cainene fait riencomme tout lemonde.Demanderunnuméro,çadoitêtre

tropbanalpourlui!–Mouais.Lasoiréeaétésympa,maisjenevaispasmefaired’illusions,ok?Allez,jedoisaller

bosser,pastoi?–Si,jevaisdécoller.Tiens-moiaucourantsijamaisilréapparaîtdanstavie!–C’estça,jet’enverraiunselfie,ironisé-je.Ciao!

Jefermemonordinateurportableetfilesousladouche.Dequoimeréveilleretrepenseràtoutça.J’aidûparaîtretellementidioteauxyeuxdeNeilCaine!Mais...Etsapromesse,ducoup?

Puisqu’ilestvraimentNeilCaine,ilvapeut-êtreveniràl’hôtel?

Ceuxquivontdébarquer,cesontsurtoutlescandidatsqu’auratrouvéBettinasurTinderoujenesaisoù…C’estsurtoutàçaquejedoism’attendrevuquejesuisrentréebredouilledelasoirée!

Maisçanemedéplairaitpasderevoirl’Artiste.

Nuesousl’eauchaude,jesensmoncorpsseréveiller.

Sentirsonparfum,imaginerseslèvressurmoi…

LederniertitredeU2àlaradiomesecoue.Unhôtelm’attend!

***

J’habiteàquelquesmètresduHellington,dansunquartiervivantoùsecôtoientlestouristesetles

vraisNew-Yorkais. J’y ai prismes habitudes depuis bientôt un an que je vis ici. J’adore son côtéhumain, ses petits commerces. C’est loin de ressembler à un quartier parisien, mais New York avraiment son charme aussi. Je m’arrête au Clark’s, le café du coin, pour prendre notre dose decaféinequotidienne.Bettinaleprendlongavecunsoupçondecrème.Je lepréfèrenoiretfrançais.J’aimebeaucouplesÉtats-Unis,maisilfautavouerqu’entermesdecafé,cen’estpasvraimentça!

–BonjourStan, toutvabiencematin? lancé-jegaiementaugroomde l’hôtelen remontant lesmarchesrapidement.

–BonjourMademoisellePreston,toutvabienmerci!Bonnejournée!

Touslesjours, j’entredanslehallduHellingtoncommesic’était lapremièrefois.Cethôtelestdansmafamilledepuislesannées50.Mongrand-pèrel’arachetéet,aidédemagrand-mère,ilsl’onttenu à la perfection. L’hôtel a connu une période faste.Mais les remises aux normes, les travauxréguliersontpetitàpetitvidélescaisses.Etaveclaconcurrencegrandissantedel’hôtellerieàNewYork,leHellingtonaperdusesclientsaufildutemps.Notrehôtelsouffreaujourd’huidesonimage.Lesmoquettes,lesmenuiseriesdontlevernisestpassé,lelustregigantesqueencristaletcettevieillecheminée imposanteque l’onn’allumepresqueplus, luidonnentuncôté tropdépassé.Toutestusépar les années, nos équipements sontobsolètes.Onest loindeproposer le confortmoderne ànosclients!

Lamodernitédansuncadreancien!

Neil Caine avait raison hier. On pourrait faire desmerveilles ici ! Un côté «Art Déco - XXIesiècle»!Etonseraitlesseulsàlefaire,ceseraittop!

Maiscen’étaitqu’unjeuentrenousquandiladitça…

Jesaluetoujourslesclients, jereconnaisleshabitués,questionnetout lemondesur laqualitédeleur séjour. Je mets un point d’honneur sur l’accueil et leur bien-être. C’est comme ça quel’envisageaient Papy et Mima, je ne veux rien perdre de cette ambiance chaleureuse qui habitetoujourscesmurs.UnpetittouràlaréceptionpoursaluerBree,unenouvellerecrue,quis’occupedel’accueil et des réservations. Elle est encore un peu fébrile quand elle m’aperçoit le matin, maisBettinam’avantésesmérites.Etcommejefais totalementconfianceàmonassistante, jen’aipasàm’inquiéter.

Jepassedevantlagrandesallederéception,quinoussertaussipourlerestaurant.Lecoinsalon,avecsonbarennoyer,auraitpuservircommelieudetournagepourlesfilmssurlamafia.J’imaginetoujourslesclientsfumerdescigaresdanslesfauteuilsencuir,ensirotantunwhisky.

Unwhisky…CommeNeilCainehiersoir…

Pourm’occuper l’esprit–pourchasser l’imagedeCaine surtout– j’inspecte les fauteuils et lesgrandesbanquettes.Rienn’achangédepuis ladernièrefois. Ilsaffichent toujoursundegréd’usuretrès avancé.Nous avons pu jusqu’à présent lemasquer, installer les plus usés dans des coins plussombres,maisnousneferonsplusillusionbienlongtemps.Sitantestquenouslefassionstoujours!Toutlemobilierestbonàchanger.

Jesoupire.Enacceptantdereprendre l’hôteldemesgrands-parents, jesavaisque la tâcheseraitcompliquée.

Maispasimpossible!

Redresser la barre, retrouver un niveau de réservation pour payer tous les frais, offrir unemeilleure retraite àmes grands-parents, unmeilleur salaire pourmoi. J’ai promis d’y arriver, j’yarriverai!Jenesuispasdugenreàbaisserlesbrastropfacilement,j’adorelesdéfis.

EtleHellingtonestundéfidetaille!

Aprèsunlongcouloir,j’accèdeenfinàlapartieprivéedel’hôteloùsetrouventnosbureaux.CeluideBettinaestenfacedumien.Autantdirequenouspassonsnosjournéesensembleànousinterpellerchacunedenotrecôtéducouloir!

–SalutBettina, j’apporte lecafé ! lancé-jeenentrantdansmonbureau, croisant lesdoigtspourqu’elleneparlepastoutdesuitedelasoiréenidesonprojetTinder.

Aussitôt,Bettinapointeleboutdesonnez.

–AhmerciNora!Alors,raconte,comments’estpasséecettesoirée?

Raté!

Est-cequ’elleavulaphotoelleaussi?Cegenredepressen’estpassonstyle…

Elles’installe faceàmoiet jevois sesyeuxpétiller. Je lui raconte legala, ladéco, l’ambiance,j’insistesurlamoyenned’âgedesinvités,jem’enplains,maisj’évitedeparlerdemarencontreavecNeilCaine.

J’aieumadoseavecFlore!

C’estmalconnaîtreBettinaquedecroirequej’échapperaiàsacuriosité.Maisletéléphonedesonbureausemetàsonner,coupantcourtàsoninterrogatoire.

Bettinaseprécipiteet,rapidement,faitsonnermaligne.

–Unappelpourtoi,unejournaliste,jetetransfère?

Unejournaliste?

–Oui,vas-y.

J’airarementdiscutéavecdesjournalistes,leHellingtonn’étantplusvraimentpopulaire…

–NoraPreston,annoncé-jed’unevoixclaireetassurée.– Bonjour Mademoiselle Preston, ici Maddie Lewis, du Hello People. J’aimerais vous poser

quelquesquestions,vousauriezunpeudetempsàm’accorder?

–Ehbien…Monrendez-vousn’estpasencorearrivé,j’aiunpeudetemps,oui.

Unrendez-vous,c’estplusglamourque«j’aidesfacturesàpayerenattente»!

MaisleHelloPeople,jeneconnaispasdutout...

–Super!OnvousaaperçuehiersoirdansunepositiontrèséloquenteavecNeilCaine,vousêtessanouvellepetiteamie?

–Pardon?manqué-jedem’étouffer.–Est-cequevousetMonsieurCaine…?–Ahnon,pasdutout!m’exclamé-je.–Ok,maispourtant,vousétiezdans sesbrashier soir ?C’estunnouveau tourdeCaine?Une

autremiseenscènepourfaireparlerdelui?

Le flot dequestions, très intrusives,medésarçonneun temps. Jusqu’à ceque je comprennequecettejournalistenem’appellequepourcettephoto.

Non,ellenel’aurapassonscoop!

–Vousm’appelezjustepourmeparlerdeNeilCaine?–Biensûr,pourquoid’autre?Vousavezvulecliché,ilestentraindefaireletourdelaToile.

AllezMademoisellePreston,vousn’avezrienànousdonner?–Non,jen’ai…–Undétail?Uneanecdote?Cequ’auraitpuvousdireNeilCainehiersoir?– Non, écoutez, je n’ai absolument rien à dire. Cette photo est un malentendu, rien de plus !

Maintenant,excusez-moi,j’aiunrendez-vous.–Iln’yajamaisdemalentenduavecNeilCaine,toutesttoujoursorchestré!Vousneferezcroire

çaàpersonne.

Je suis à deux doigts de perdre mon sang-froid devant l’insistance de cette journaliste. J’ail’impressiond’êtreuneproieetj’aihorreurqu’onmepressedecettefaçon.

–Jen’airienàajouter,réponds-jefroidementmaispoliment.Vousmefaitesperdremontempsetvousperdezlevôtreparlamêmeoccasion.Iln’yarienàsavoiràproposdecettephoto.AurevoirMademoiselleLewis.

Etjeraccroche,sansattendresaréponse.Jen’enrevienspas.Onvameharceleraveccettephoto?Entirerdesconclusionsstupides?!C’estlegenredetrucàporterpréjudice,ça!

–Çava?medemandeBettina,sourcillevéenpassantsatêtedansl’embrasuredelaporte.Tuasl’aircontrariée…

–Ouioui,çava,soufflé-jeententantdesourirepourlarassurer.–Bon.Cequej’aiàtedirenevapasteplaire.Ilsembleraitquenousayonsdesfuitesd’eaudans

lessallesdebainsdu7eétage…–Manquaitplusqueça…Appellel’entreprisedeplomberie!Onpeutdéménagerlesclientsdecet

étage?Onad’autreschambresdisponiblespoureux?demandé-je,prompteàréglerleproblèmeau

plusvitepourévitertoutdésagrément.–C’estdéjàfait!m’annonce-t-ellejoyeusement.–Ahmerci,t’esautop!

Bettinamegratified’unlargesourireetmelanceun«Jesais!»malicieuxtoutenfermantlaportedemonbureau.

La vie ici serait nettementmoins facile sans la joie de vivre demon assistante et son éternellebonnehumeur…Elleestdrôle,gaie,etavecseshabitstoujourstrèscolorésellepropagelajoiedevivrepartoutoùellepasse.Ellenesemblepasvraimentcorrespondreaucadrede lamaison,maiselle s’en amuse toujours. C’est une bonne vivante, en paix avec ses rondeurs. Bettina connaît lasituationcritiquedel’hôtel,maisjenel’aijamaisvueabattue.Onalamêmeénergie,lamêmeenvie.Jenepourraispastravailleravecquelqu’und’autrequ’elle.

Cinq minutes viennent à peine de s’écouler que Bettina me prévient d’un nouvel appel dejournaliste.Jerefusecatégoriquementdeleprendre.Jevaisfairebarrageàcesappels,surtoutsiçatourneauharcèlement.Ondiraitdesvautoursprêtsàfondresuruneproie!Toutçapourunscoop!Jen’aipasdetempsàperdre!

JedoiscontacterNeilCaineetluidemanderdefaireundémenti.C’estlaseulesolutionquejevois.Siçavientdemoi,çaneserviraàrien.Jen’aiaucunpoidsmédiatique,Caineoui.

J’avaisdéjà suffisammentdemal àmeconcentrer pourque ces journalistes en rajoutent !Et jedoisaussigérerlesproblèmesdel’hôtel.

Pas«aussi»,«surtout»!L’hôteldoitrestermapriorité!

Cainemehante.Jen’aijamaiséprouvéça.Êtreàcepointobsédéeparunhomme…Cen’estpasdutoutmongenreenplusdem’enflammerdèslepremierregard,jesuistoujourshyperraisonnable,jeprendsmontemps,maislà…Jesuisincapabled’effacermessouvenirsdelasoirée,pire,j’adorelesrevivre…

Surtoutlepassageoùjetombedanssesbras…Etquandj’ypense,ilnefinitpasdelamêmefaçonquedanslaréalité.

Etsijel’appelais?Jelecontacte,jeluidemandedefairecequ’ilfautaveclapresse.Ildoitêtrehabituéavectoutesseshistoires!

Etçamedonneunprétextepourluiparlerànouveau…

Enfin…Ildoitdéjàbiensemarrerdemonattituded’hier…Jeveuxvraimentenrajouteraveccettephoto?

J’attrapemonmug de café encore tiède et ouvre le courrier du jour. Je suis plongée dans unenouvellenormeàvenirquandletéléphonesonne.Jedécrochesansvraimentpenseràcequejefais.

–Allô?dis-je,lointaine.

–BonjourNora,c’estNeilCaine.

Je sursaute et renversemonmug sur les papiers.Maladroitement, j’attrape desmouchoirs pourépongerlacatastrophetoutenessayantdegardermoncalme.

– Un instant, j’ai… euh, quelqu’un sur l’autre ligne ! réponds-je rapidement pour essayer degagnerdutemps.

J’éponge,j’étale,jefaispirequemieux…

–C’estbon…BonjourMonsieurCaine!lancé-jeenessayantdemaîtrisermavoix.–Ah,aujourd’hui,vousnemeditespasquejerêve?–Non,jesaisquivousêtes,maintenant.Jesuisdésoléepourhier,vraiment,je…–Cen’estrienNora,m’excuse-t-ildesavoixdouceetchaude,amuséeaussi.Vousavezsauvéma

soiréed’unennuimortel!–Àquelmoment?Quandjesuistombéeouquandjenevousaipascru?luidemandé-je,cédantà

ladérision.–Quand jevousaivuesurtout !Bon, jevousaipromisdem’occuperdevotrehôtelet je tiens

toujoursparole.Malheureusement…–Oh,biensûr,jecomprends,nevousexcusezpas,vousn’avezpasà…Enfin, jecomprends,ne

vousinquiétezpas!l’interromps-jetrèsvite,tropnerveusementàmongoût.–VouscomprenezquoiNora?Jevousappellepourvousprévenirquejeneviendraipastoutde

suite,jesuisendéplacementcesprochainsjours.Maisquepensez-vousdu5,àdixheures?

Je…Quoi?!

–Nora,vousêteslà?Ouvousêtesencoretombéedevotretabouret?–Nonnonjesuisbienassise…Le5,oui…C’estparfait…Ilvousfautl’adresse…Vousavezde

quoinoter?demandé-jeenmenoyantdanslasurprise.

Cen’estplusluiquirêve,c’estmoi!

Neiléclatederireencoreunefois.

–HôtelHellington,875SeptièmeAvenue,Manhattan.Moi,jevousaicruequandvousm’avezditquevousétiezNoraPreston!

–Oh,c’estvrai,vousavezraison,jesuisvraimentdésolée,maisje…–Arrêtez de vous excuserNora.Vous êtes la première àme faire ça et je trouve ça excellent !

Doncle5?Okpourvous?–Oui,c’estparfait!–Super,àbientôtNora!

EtNeilraccroche.Jen’aiabsolumentpaspercutécequ’ilvientdesepasser,maisj’aiunrendez-vousavecNeilCaine, l’undesplusgrandsdesignersaumonde,pourqu’ils’occupede l’hôtel.Aumomentoùl’informationarriveenfinaucerveau,jepousseuncridejoieenmelevant.

Iln’apasl’airdem’envouloir,etenplus,ilveutbosserici?S’occuperdel’hôtel?!

Non!

Jedoisessayerdegarderlatêtefroide.Ilvavenir,ilvavoiretilvapeut-êtresedirequecen’estpaspourlui.

Ouimais,enattendant…JevaisrevoirNeilCaine!

***

–Qu’est-cequis’estpassé ici?medemandeBettinaenentrantdansmonbureau.C’est legrandménage?

–Unaccidentdecafé…Ilfaudraitquetumeressortesquelquesdocuments…Ilsontéténoyésparunraz-de-caféine,réponds-jeengrimaçant,luimontrantdudoigtlacorbeille.

Bettinamedécrocheunregardsoupçonneux.

–Oui,bon…J’aipeut-êtreétéunpeumaladroite…Qu’est-cequetum’apportes?– Le bilan des réservations du mois. On peut en discuter maintenant ou tu prévois aussi de

t’attaquerau sol ?Sinon,monbureauabesoind’uncoupde rangementaussi,me taquine-t-elleens’asseyantdevantmonbureau.

–Pffff…soufflé-jefaussementvexéeenm’installantàmontour.Jet’écoute.

Bettina s’attaqueaubilan,meparledeschambres,et certainementd’un tasd’autreschosesaussimaisjedécrochevite.Depuisl’appeldeCaine,impossibledepenseràautrechose.Jemesensexcitéeàl’idéederecroisersonregarddévastateur,desentirànouveausonparfum,derevoircettecicatricequilerendsimystérieux.Etenplus,d’imaginerquel’hôtelpourraitavoirunechanced’êtreredécoréparsessoins.

J’aidumalàycroire.Jesuissurunpetitnuage!

– Et on pourrait aussi demander au cirque de passer et installer des tigres à l’entrée et onproposeraitauxclientsdemarchersurdescendresbrûlantes…Qu’est-cequet’enpenses?

–Ahoui…C’estuneidée…–IlfaudraitparcontrequelaNasanousdonnelapossibilitédedécoller…–Oui…Quoi?Qu’est-cequeturacontes?!m’exclamé-jeencomprenantenfinlesparolesdemon

assistante.–Jenesaispas,onpourraittouspartirsurtaplanète,çaal’airsympavulesourireencoinquetu

affichesdepuistoutàl’heure!Tuasécoutécequejet’aiditoupas?!– Pas grand-chose… Je suis désolée Bettina, m’excusé-je en joignant mes deux mains pour

implorersonpardon.–Çaneteressemblepas!Jet’annoncequelemarathondeNewYorkn’aeuaucunimpactsurnos

réservationsetquelessemainesàvenirnesontpasgénialesettoiturêves?!–Jesais,c’estunesalepériode,etjetravaillepourça!Mais…–Tuétaisoùsicen’étaitpasavecmoi?m’interrompt-elleenplissantdesyeuxpourmesonder.Et

j’espèrequ’ilestbeau,sinon,jevaismevexer!

Bettinaacroisésesbrassursonopulentepoitrineetafficheuneminefaussementcontrariée.Lasituationdel’hôtelestdélicate,maismonassistantenemefaitaucunreproche.Jenesuisjamaisaussitêteenl’air,elledoitcomprendrequ’ilyaquelquechosed’inhabituel.

Ilfautquejeluidise!

–Bettina,j’aiunegrandenouvelle,quivapeut-êtrenousaider!déclaré-jeenthousiaste.–Tum’intéresses!–Hiersoir,augala,j’aifaitlaconnaissancedeNeilCaine,tusais,ledesigner.–Oui,jesaisquiestNeilCaine,quandmême!–Nousavonsdiscutéunpeudel’hôteletilvientdem’appeler.Ilseralàle5pourvoirunpeules

lieux!–Attends!TurencontresNeilCaine,undescélibataireslesplusenvue,vousparlezdel’hôtelettu

nemedisrien?!–Jenet’airienditparceque…jen’étaispasvraimentsûre…Jenevoulaispastefairedefausse

joie,ajouté-jeenlouvoyantunpeu.–EttudisqueNeilCainevavenir?Ici?!

JesourisdevantlaréactionlentedeBettina.Elleabesoinelleaussideselerépéterpourycroire.

–Oui!

C’estl’explosiondejoie.Jelaisseéclaterlamienneetnoustombonsdanslesbrasl’unedel’autre.Bettinacommemoiconnaissonslesenjeuxquepourraitavoirunetellecollaboration.

–Bon,parcontre,onnes’emballepas.S’ilvientvoirl’hôtel,çaneveutpasforcémentdirequ’iltravailleraavecnous,reprends-jeenretrouvantmonsang-froid.

–Maisceseraitformidable,avanceBettina.–Oui,nouspourrionsredonnerunnouveausouffleauHellington.Oublier l’usure,retrouverun

peudemodernité…Jesuissûrequeçaséduiraitlesclients!–Tuasdéjàquelquesidéesdecequetuaimeraispourl’hôtel?–Pasencore.JesaisjustequejeneveuxpasperdrececôtéArtDéco,c’estlamarquedel’hôtel.

J’attendslavisitedeCainepourpouvoirentrerdanslesdétails,sijamais…–Etfinancièrement,onpeutsepermettrede travailleravecquelqu’uncommelui?medemande

monassistante,pragmatique.–Aveclasubventiondel’association,onpeutselepermettre,maisceseralimité,c’estvrai.Mais

pasinfaisable!Sionacettechance,ilfautlasaisir!Jetrouverailesmoyens!

Bettinamejetteunlongregard.Jecroisylirel’admiration.

–Tesgrands-parentsnepouvaientpastrouvermeilleuregérantequetoi!mesouffle-t-elle.Tuasuntalentpourça.Jesuissûrequ’onarriveraàreleverleHellington!

Nous nous rasseyons pour former un plan d’attaque. Il faut présenter l’hôtel sous sonmeilleurjour,brieferleséquipes.Ilfautdonnerlemeilleurdenous-mêmessansoublierd'assurerleconfortdesclients.Bettinaetmoi,nousnenouslaissonspasalleraurêve.Lasituationfinancièredel’hôtelne

nouslepermetpas.

Maistantpis!Nousrêveronsaprèslavictoire!

***

Depuisl’annoncedelavenuedeNeilCaine,jemultipliemesheures.Jesuispartout,avecl’équipedes femmesdeménage,dans la cuisineavec le chef, à la réception…Rien ne peutm’arrêter.Mesgrands-parentssontaussi sur lepieddeguerre. Je leuraiannoncé lanouvelle le jourmême,Papyétantungrandfandudesigner,ilaététrèsému,etheureux,desavoirqu’ilallaitvenirdanssonhôtel.Parcontre,j’aidûuserdebiendesargumentspourlesempêcherdevenirnousaider.Ilsenontbienassezfaittoutescesannées,c’estàmoidegérerlasituation.

NeilCaineseralàdansdeuxjours!

Mêmeenétantdébordée, jen’arrêtepasdepenserà lui.Etpenserà l’hommeleplussexyde laTerretoutenparcourantdeslignesdecompta,cen’estpassimple.Jedoismedétacherdecetroublequ’il me procure. Il faudrait que je me reconcentre un peu et que je ne laisse pas passer cetteopportunité.

Quandj’entredansmonbureauenfindejournée,unmotm’attend,écritparmagrand-mère.

«Viensdînercesoir,nousavonsbesoindeteparler.»

Meparler?Riendegravej’espère.Jen’aipasététrèsprésentepoureuxcesderniersjours…

Jen’attendspaspourlesrejoindre.Ilestdéjàtarddetoutefaçonetjenesuispascontrecettesoiréeimproviséepoursoufflerunpeu.Leurappartementprivésetrouvejusteau-dessusdescuisines.Pouryaccéderdel’hôtel,mongrand-pèreaaménagéunesortedepetitpatioetfaitconstruireuntrèsjoliescalierenferforgé.Dèsqu’onpasselaportedelaréserve,onentredansunautremonde,celuidePapy et Mima. Une sorte de cocon de bien-être et de douceur dans lequel j’aime me réfugierrégulièrement.Ilssontmaseulefamille.Lamortdemamère,leurfille,quandj’avais12ans,nousarapprochés encore plus.Lavie sans eux serait très dure et je ne veuxmêmepas y penser. Ils sontéternelsàmesyeux.

Jefrappeàleurporte.Mimaouvreenmegratifiantd’unadorablesourire.

–Nora,medit-elle,tuasfaitvite!Entre.–J’ailutonmot,toutvabien?demandé-jeaussitôtenentrantdanslesalon.

Papyestlàluiaussietm’embrassecommeàsonhabitude,surlefront.

–C’est surtout à toi que nous devons demander ça.Tu n’arrêtes pas une seconde !Tu ne viensmêmeplusvoirtesvieuxgrands-parents,metaquine-t-ilgentiment.

–Toutvabien,j’aijustebeaucoupdechosesàpréparerencemoment.– Tu devrais te ménager, me conseille Mima en m’apportant un verre de vin blanc. Tu ne

convaincraspasNeilCainesitutombesinaniméed’épuisementdevantlui!

–Mêmesionsaitqu’ilestcapabledeterattraper!ajoutemongrand-pèreenmelançantunclind’œil.

Ilssaventtoutdecettesoirée,laméprise,machute,laphoto…Cequiabienfaitriremongrand-pèred’ailleurs.Jeluilanceunregardfaussementfurieux.

–AvecAuguste,nousavonsdécidéquecesoir,tunetravailleraspas!ajoutemagrand-mère.Non,neprotestepas!Sinousnenousoccuponspasdetoi,cen’estpastoiquileferas.Etlessemainesquiarrivents’annoncenttrèschargéesavecThanksgiving…

Jeregardemongrand-pèreducoindel’œil,observeMima…

–Ohvous!Vousavezorganiséquelquechosedansmondos!–Tusaisbienquecen’estplusdenotreâge!Maistupourraisterafraîchirunpeudanslasallede

bains,m’ordonne-t-ellegentiment.–Jesupposequejen’aipasledroitderefuser…

Touslesdeuxsecouentlatêted’unmêmemouvement.

–Trèsbien…Vousavezbesoindecombiendetemps?Dix?Quinzeminutes?

Dansmondos,personnenemerépond.Jejouelejeu…Ilsetramequelquechose,maisjeneveuxpasgâcherleursurpriseavecmesquestions.

Etj’adore!

***

–Attention,j’aifini!Jepeuxvenirmaintenant?crié-jedel’autreboutdel’appartement.–Tufaiscommetuveux,meparvientlavoixdemongrand-père,étoufféeparlesportesfermées.

Portesfermées…Sicen’estpasunsigne…Ellesnesontjamaisfermées!

QuandMimam’accueilledevantlesalon,jenepeuxpasm’empêcherdeserrerdansmesbrascepetitboutdebonnefemme,frêle,fatiguéparl’âge.

–Tuesjolie,medit-elleenm’embrassant.–MerciMima,soufflé-je,attendrie.«Surprise!»

Dans la pièce, je découvre tousmes amis : Flore, que je pensais àWashington pour son stage,Louis,quidevaitêtrequelquepartauxÉtats-Unis,etEmilio,monmeilleurami.

–Maisqu’est-cequevousfaiteslà?Ettoi,jetecroyaisàWashington?demandé-jeenm’adressantàFlore.

–Disonsquejet’aiunpeumentisurlesdates.Tesgrands-parentsonteul’idéedet’organisercepetit dîner de Thanksgiving en avance et on s’est tous débrouillés pour te mentir et te faire la

surprise!–C’estréussi!Jen’airienvuvenirdutout!m’exclamé-je,folledejoie.Commentaurais-jepu

imaginerquePapyetMimapréparaientunThanksgivingavecpresqueunmoisd’avance!

Toutlemondeéclatederire.

–Cen’estpastrèscompliquéavectoivulepeudetempsquetunousaccordes,ajouteEmilioenvenantm’embrasser.

–Ah,vousaussi,iln’yapasquenousalors,surenchéritMima.–Jesais,jesais,jevousnégligetous,pardon…

J’embrasseFlore,Louis,mesgrands-parents.L’appartement estdécorépour l’occasion, la tableestdresséecommesinousfêtionsvraimentThanksgiving.

–Mais il n’y avait rien tout à l’heure !Vous avez réussi à faire tout ça en quelquesminutes ?remarqué-jeébahie.

–Ohoui!Tesamisétaientdéjàlà,cachésdanslebureau,m’apprendPapy.–Non!

Toutlemondeestfieretarboreunsouriredevainqueur.

–Mêmelechefasusemontrerdiscret,ajoutemagrand-mère.–Quoi?C’estlechefdel’hôtelquiapréparélerepasdecesoir?–Ilestquandmêmemeilleurcuisinierquemoi,jedoisbienl’admettre,rit-elle.–Allez,champagne!

Louisattrapeunebouteilleetfaitsauterlebouchon,souslesapplaudissementsdechacun.Pourunesurprise…Papyestlepremieràporteruntoast,posantsonbrasautourdesépaulesdemaMima.

–ÀNoraetàcettesurprise!Nousnoussommesamuséscommedespetitsfouspourl’organiserMaryetmoi.Onsaittousiciquetunecélèbrespluslesfêtesdepuisbienlongtempsetoncontinuedetrouverçadommage!Tuasdesamisexceptionnelsquiontrépondutoutdesuiteprésentquandnousleur avonsproposé.Machèrepetite fille…Nous t’aimons tous lesdeux,nous savonsquenousnet’avonspasforcémentfaituncadeauentelaissantlesrênesdel’hôtel.Maispersonned’autrequetoinepeut le sauver,nousensommespersuadés.Tues forte, tu l’as toujoursété,et je suis sûrque tamamanseraitfièredetoiet…

Mongrand-pères’interrompt,gagnéparl’émotion.Jenepeuxpasm’empêcherd’êtreémuemoiaussi.

–Restetoi-mêmeettusaurassurmontertouteslesépreuves.Etjenesaispaslaquelleest laplusdifficileentrel’hôteloucellequetupréparesavecEmilio.

Jemetourneversmonamiqui,lepoucelevé,mefaitcomprendrequetoutirabienaussi.

–Nora,cettesoiréeestpourtoi.Profited’êtreentourée,profitedecebonheur.Etnousespéronstouslesdeuxpouvoirt’accompagnerleplusloinpossible.

Jeserredansmesbras lesdeuxêtresquicomptent leplusaumondedansmavie.Euxseulsmeconnaissentvraimentetiln’yaqu’aveceuxquejepeuxmelaisseraller,ici,chezeux,auprèsd’eux.

Nousportonsnoscoupesànoslèvres.Jenepeuxpasm’empêcherderemarquerl’absencedemonpère.Magrand-mèrenoteaussitôtl’ombrequiapparaîtdansmesyeux.

–Leharas…Ilnepouvaitpaslequitter...,meglisse-t-ellepourl’excuser.–Commed’habitude…

Jesuislasséeparl’éternelleabsencedemonpère.

Lesabsentsonttoujourstort,dit-on.Monpèreazéro,surtoutelaligne…

La soirée est formidable, pleine de bonne humeur.Mongrand-père ne tarit pas d’anecdotes surmonenfanceetmesmaladresseslorsqueMimamontredesphotosdemoipetite.Legenredemomentquiamusetoutlemondesaufleprincipalintéressé!

–Tesgrands-parentssontgéniaux,mesouffleLouispendantlerepas.–Jesais,murmuré-je,lecœurgonfléd’amourpoureux.

Papy etMima ont toujours accueillimes amis les bras ouverts. Ils sontmême devenus, avec letemps,unpeuleurspetits-enfants.

Au moment de partir, Flore m’annonce qu’elle retourne tout de même à Washington, pourvraimentfinirsonstage.Louismeglisseàl’oreillequ’ilahâtedepasserunpeuplusdetempsàNewYork.Quant àEmilio, ilme donne rendez-vous pour notre prochain entraînement.Mes trois amism’embrassentetrepartentsouslaneige.Dutaxioùilss’engouffrent,ilsmefontunsignedelamain.

Jenemesuisjamaissentieaussibienentouréequecesoir.

Quand je rentreànouveaudans le salon, jenepeuxm’empêcherdeserrerencoreune foismesgrands-parentscontremoi.

–Cen’estpasfini,meglisseMimaenmepoussantàm’asseoirdanslecanapé.

Jelaregardesortird’untiroirunpetitpaquet,qu’ellemetend.

–JoyeuxThanksgivingmachérie!

Jedéballedélicatementcepetitpaquetetouvrel’écrin.Jedécouvreunmagnifiquecollier,trèsfin,incrustéd’unrubis.

Rouge,macouleurpréférée…

–C’esttrop…–Rienn’esttropbeaupourtoiNora.Quandnousavonsvucerubisscintillerdanslavitrine,ona

suqu’ilétaitpourtoi.Rouge,commelapassionquit’anime,m’expliquemongrand-pèreenposantsamainsurmongenou.

–Nousdevonsaussi teparlermapuce,continueMima,plussérieusementcettefois.NousavonsprisunegrandedécisionavecAuguste.

–Laquelle?demandé-jeinquiète.–Noustesommestrèsreconnaissantsd’avoirprislarelèvedel’hôtelettulesais,noustefaisons

totalementconfiance.Teschoixserontlesnôtres.Ilesttempspournousdenousretirer,detelaissertranquille.NousavonstrouvéunendroitdansleNewJerseypourvivrenotreretraiteet…

–Votreretraite?Vousallezpartir?!–Maisnousneseronsjamaisloindetoi,intervientmongrand-père.Etçatepousseraàprendredu

tempspourtoiquandtuviendrasnousvoir.–Maisvousnem’aviezriendit…–Nousn’étionspastrèssûrsdelevouloirnonplus,maisilest tempsmaintenantdetepasserla

maincomplètement,ajoutedoucementMima.

Jesuisprisedecourt…Jamaisjen’auraisimaginémesgrands-parentsquitterl’hôtel.

Oumelaisserseule…

Àcettepensée,moncœur se serre. Je réprimeaussitôt les sanglotsque je sensmonterdansmagorge.Cen’estpascequejedoisleurmontrer.Ilsontraison,ilsontméritédepartird’icietdevivreunevietranquille.

–Biensûrquejeviendraivousvoir!Vousavezdéjàtrouvéunemaison?demandé-jeenessayantdemontrermonenthousiasme.

–Unepetitebicoquepastropmal…–…ettrèsconfortable!ajoutePapy.–Etvouspartiriezquand?–Aprèslesfêtes.Noustenonsàresteràtescôtéspourcegrandmoment,merassureMima,sentant

mondésarroi.–Etsurtout,nousvoulonsvoirNeilCaineàl’œuvre!ajoutemongrand-pèrepourplaisanter.

Je lui souris. Notre discussion continue sur les préparatifs de leur départ. Je les sens heureux,apaisés.Mêmepresséssansdoutedeprendreleurretraite.Maispasdemequitter, jelesais.Jesuisheureusepoureux.Maisaumomentderentrerchezmoidanslasoirée,jenesaispassicesontlesfloconsdeneigeoudeslarmesquimemouillentlesjoues.

4.L’épreuvedufeu

C’estlejourJ.Jen’aipasvraimentfermél’œildelanuit.L’hôtelestprêt,jelesais,Bettinaetmoiavonstravaillédurpourça.Maisjen’aipaspum’empêcherdevérifiermentalementsinousavionspenséàtout.

Merci à ma BB crème, mon anti-cernes et à la caféine de me permettre de paraître fraîche cematin!

Ouibon…L’hôteln’apasbesoinquejesoisautop…MaisCaine…Doncquelquepart,pourqueNeilaimel’hôtel,jedoisêtreprésentable!C’estdoncpourl’hôtel.CQFD!

JepasserapidementauClark’s,attrapemescafésauvol.JesalueStan,commed’habitude.Jesuistendue, mon sourire est crispé. Tout le personnel de l’hôtel l’est un peu d’ailleurs. On a tous lapression. La visite de Neil Caine est un événement, mais surtout une source d’espoir pour nous.Autantdirequejedoisréussiràleconvaincre.

Maiscettehistoiredephoto…

S’iln’yavaitquelaphoto…Ilyasonimageindélogeabledematêteaussi!Jen’aipasarrêtéuneseule secondedepenserà lui cesderniers jours.Pire, jemesurprendsà soupirer !Àchaque fois,c’estplusfortquemoi.EtcommentexpliquerçaàBettina?

Je sirote mon café, plongée dans la contemplation des New-Yorkais. Il fait froid désormais,vraimentfroid.L’hiverestlà.Maismêmeça,j’aidumalàm’enrendrecompte.Jetraverselasaisonsans lavoirvraiment.Tropdechosesseconfrontentdansma tête ! Jeporte lamainàmoncollieroffertparmesgrands-parents.Ilsn’ontpassouhaitérencontrerCaineaujourd’hui,pournepasnousdéranger.Jerespireprofondément,unefois,deuxfois…Maisriennechassecettebouleauventre.

Zen!Toutvabiensepasser.

Bon,etcommentjel’aborde?

Jeluiparledelaphotoouj’attendsquecesoitlui?Jem’excusedenepasl’avoirreconnuouonoubliecemoment?

Etsij’yallaisaufeelingtoutsimplement?

Ethorsdequestioncettefoisdemelaisserprendreparsoncharme.Ilfautquemoncerveausoitréactif!

Danslehall, jene tienspasenplace, je fais lescentpas.J’essaiedemedonnerunecontenance,d’avoirl’airoccupé.JediscuteavecBreeàlaréception…Ducoindel’œil,j’aperçoisBettinafaire

elleaussidesallersetretours.Ellem’interrogeduregard,jesecouelatête.Ellerepart.

Etsoudain,moncœurs’arrête.

Ilestlà!

Ilestexactementcommelapremièrefoisoùjel’airencontré.Grand,brun,lescheveuxrebelles…Il avance lentement, d’une démarche féline. C’est un lion, tout le monde se pousse devant lui,naturellement.Cethommeestsolaire.Iln’estpasseulementbeau,ilest…

Est-cequ’ilexisteunmotd’ailleurspourça?

L’espaced’uninstant,j’oublietout.L’hôtelquim’entoure,laphoto,lesclients,lerestedumonde.Ils’approche.Sesyeuxviennentdeseposer surmoi, ilme faitunsignede lamain,m’adresseunsourireàtombertoutencontinuantsonappel.Àl’intérieur,c’estlatempête.Moncœurbatàmilleàl’heure, mon ventre s’est noué, mes jambes se sont transformées en coton. J’ai peur, quand ilreplongerasonbeauregardbleudanslemien,detomber,commeunchâteaudecartes.J’inspireungrandcoup.

Jevaiséviterlestabouretsetlestassesdecaféaveclui.

JejetteunœilducôtédeBettina.Jecomprendsàsatêtequ’ellel’avuelleaussi.Allez,ilfautquejemerappellepourquoiilestlàetjenedoispenserqu’àça!Jefaisquelquespasdanssadirection.Ils’estarrêtéaucentreduhall,toujoursaccrochéàsonportable.Seslèvres,soncorps,sacicatrice…Monventresetordunpeuplus…

« Je passe vous voir en Norvège dès que possible. Embrasse Solveig, à bientôt Marcus »,l’entends-je dire avant de raccrocher. Puis, Caine se tourne vers moi et ses yeux me sourient, sacicatriceàl’arcadesesoulèvelégèrementet…

NeflanchepasNora!

–Monsieur Caine, bienvenue au Hellington ! déclaré-je le plus chaleureusement et avec autantd'assurancequepossible.

Jevoisunéclaird’amusementpasserdanssesyeux.

–VousêtessûrequejesuisbienNeilCaine?medemande-t-il,l’œilpétillant.–Ilmesembleavoirvuunephotodevousrécemment…SilapresseditquevousêtesNeilCaine,

c’estquevous l’êtes.Mêmesi jenecroispasvraimentcegenred’actualités…Maiscommec’étaitmoietquec’étaitvous…Enfin,vousvoyez?

–Jevois,vousêtesvous,jesuismoi,etnoussavonstouslesdeuxquinoussommes.–Exactement!

Nousnousregardonsetéclatonsderireaumêmemoment.Lapressions’envole.

–Jesuisdésoléedenepasavoirsuquivousétiez,ajouté-jeenretrouvantmoncalme.

–Vousétiezsinaturelleavecmoi,j’auraispuinsistermaisjen’aipasvouluromprelecharme,meglisse-t-il,sourireauxlèvres.

Lecharme?!

Aïe,mesjambesramollissent!

–Quantàlaphotodontvousparlez,jel’aitrouvéeelleaussitrèsamusante.C’estbienlapremièrefoisqu’onassociemonnomaumot«tempéré».

–Vousavezagidansl’ombrecettefois,personnenesemblehabituéàça!commenté-jeàmontourunpeutroprapidement.

Oucommentsous-entendrequej’aifaitdesrecherchessurluipourensavoirplus…

–D’ailleurs,des journalistesont tentéd’avoirune interviewàvotre sujet. Ilyenaunequim’ademandésijen’étaispasvotrepetiteamie…,ajouté-jeensecouantlatête.Jen’aipasdonnésuite,jesuistrèsoccupéeici.

Silence.NeilCainem’observe,mesonde.

–Jesuisheureuxdesavoirquevousn’yavezpasrépondu.Vousauriezpuvousservirdeçapourvousfaireuncoupdepub.D’autresl’ontfait,finit-ilpardirecommes’ilcherchaitàensavoirplus.

– Je préfèreme faire de la vraie et bonne publicité avecma propre réussite, pas avec du ventMonsieurCaine.

Nonmaispourquiilmeprend?

Nouveausouriredésarmantdesapart.Nousnousfaisonsfaceetdelàoùjesuis,jepeuxsentirsonparfum.Lemêmequeladernièrefois.Uneluttes’engageenmoi.Heureusementquej’aiunmentald’acierquimepermetdetairemesplusbasinstincts…

L’hôtel,l’hôteletrienquel’hôtel!

–Alors,voicilefameuxHellington,medit-ilenregardantautourdelui.Mais,jenevoispasvotregrand-père,j’aicrucomprendrequ’ilm’appréciait…Jepensaislevoir.

–Etmoi,jepensaisvousvoiravecunehorded’assistants,ajouté-je.–Non, je suis venu seul. Cette histoire-là, ajoute-t-il en faisant un large geste de lamain pour

balayerl’hôtel,nenousconcernequevousetmoi,Nora.

Jefrissonnequandilprononcece«vousetmoi».

–Jevaisvousfairevisiter,MonsieurCaine,enchaîné-jepourchassermontrouble.

Sansrienajouter,legranddesignermesuit.Jeluiracontetoutdel’hôtel.J’aidécidédejouercartesur table. J’explique l’implication d'Auguste et Mary Legrand, mes grands-parents, leur appel àl’aide,nosdifficultés,nosbesoins.Jeluifaistoutvoir,luifaisprendrenotreascenseurantique,unepiècedecollection,pourlequelnousavonsfaitlesremisesauxnormestoutenconservantsoncachet.

Lafactureaétésalée,maislerésultatenvalaitlapeine.

NeilCainem’écoutesansm’interrompre.Ilobserve.Sesyeuxbleusontprisuneteinteplusfoncée.Je le sens concentré. Moi, beaucoup moins. Être seule avec lui, cette proximité entre nous, cettediscussionàvoixbassepournegênerpersonne…Cetteintimitéesttroublante…

Son silencem’inquiète. Je n’ai pas du tout en face demoi le « chien fou » que tout lemondeprésente.Ilestmêmeplutôtposé.Jeleregardeaveccuriosité,cequineluiéchappepas.

–Jemesensobservécommeunanimalauzoo,Nora.Qu’est-cequivouschiffonne?medemande-t-ilsoudainement.

– Oh rien… Enfin… C’est que… vous êtes…, bafouillé-je, prise au dépourvu par sa questiondirecte.

–Jesuis…?insiste-t-illesyeuxpleindedéfi.–Voussavez…Vousêtescalme!

NeilCaineéclatederire.Jenepeuxm’empêcherdememordrelalèvre.«Calme»…C’estleseulmotquimesoitvenuàl’esprit...

–Vousvousattendiezàcequejesautepartout,quejeparlefort?Quejememetteàmarchersurlesmains?semoqueNeilouvertement,visiblementamusé.

–Non,pasdutout,je…–Jecomprendsmieuxpourquoivousnevoulezpasmeprésenteràvosgrands-parents!ajoute-t-il

encontinuantdememalmener.–Non!Mais…Jesuisdésoléedemonattitude,jen’aipaspourhabitudedeprêterattentionàce

qu’onraconte…m’excusé-jeavecsincérité.–JesaisNora,j’adorevoustaquiner.Maisjesuisflatté,vousneconnaissiezriendemoil’autre

soir,jevoisquevousvousêtesrenseignée…

Ilmarqueunpoint!

– J’ai regardé oui,me défends-je. Je devais bien comblermes lacunes. Et vous nem’avez pasapprisgrand-chosesurvouslesoirdugala!

Jesensquejemarqueunpointmoiaussi,àlafaçondontilhochelatête.

–Toutseraitdoncdemafaute?medemandeNeil,l’airfaussementcoupable.–Engrandepartieoui,réponds-jeencroisantlesbrassurmapoitrine.–Etletabouret,c’estmoiquil’aisaboté?–Non…Jeneparlepasdecetépisode.Ça,cen’estpasvous,admets-jeensouriant,luiconcédant

unpointdeplus.Jenepensaispasêtresilourde.– Je pense que vous n’avez pas à remettre en question votre ligne, souffle-t-il enme détaillant

ouvertement.

Cettechaleurdansmesreinssoudainement!

L’hôtel,l’hôtel,l’hôtel…

–Noussommespartisdumauvaispied,MonsieurCaine…Jenevoudraispasquetoutcecivienneperturbervotredécisionet…

–Perturber?MaisNora,j’aidéjàditquejem’occuperaidevotrehôtel.J’aiprismadécisionaugala.

–Augala…répété-jesansêtrevraimentsûredecomprendre.–JevousaimebienNora,vousavezl’aird’êtreunebattanteetvousmetteztoutvotrecœurdans

cet hôtel. Ça vous rend extrêmement sensible et maladroite, mais j’aime ça. Cette collaborationm’amusedéjà!

–Vousamuse…

Moncerveauadumalàsereconnecteràlaréalité.NeilCaineveuttravaillerpourl’hôteletjenesaisquerépétercequ’ilmedit!

–EtsinousallionsdiscuterdansvotrebureaudelasuitedenotrecollaborationNora?–Oui…Suivez-moi…

Jeprofitedececourtmomentpourremettredel’ordredansmonesprit.Doucement,lanouvellefaitsonchemin.NeilCainevas’occuperduHellington!Ilvavraimentlefaire!

Danslecanapédemonbureauoùnoussommesinstallés,jenepeuxm’empêcherdem’enassurer.

–MonsieurCaine,jevoussuistrèsreconnaissante,vraiment.Vousnesavezpascequeçasignifiepournous.Maisilfautquevoussachiez,nousn’avonspasbeaucoupd’argentet…

–L’argentn’estpasunproblème.C’estlapremièrefoisquejedoism’occuperd’unbâtimentArtDécoettrouvercommentyintégrerlamodernitésansriendénaturer.D’habitude,jeneparsderien,je dois créer l’histoire. Avec vous, elle est déjà là, c’est à moi de m’adapter. Ce challenge estterriblementmotivantpourmoi.C’estplusimportantquel’argent…

–C’esttrèsgénéreux,mais…–Votrehôtelavraimentbesoinqu’ons’occupedelui!Neperdonspasdetempsavecdesdiscours

inutiles,commençons.

Je suis surprisepar sonnouveaucôtédirectif. J’ai en facedemoi leprofessionnel, le designer.L’homme ultra-occupé pour qui le temps est compté. Sur la table basse, devant nous, je pose desfeuilles.Aussitôt,Neiltracedesplans,unplanning.J’admiresonefficacité.Etlà,justeàcôtédelui,nos jambes s’effleurant, je me sens à nouveau ensorcelée. Son odeur très masculinem’enivreraitpresque…

–L’hôtel,l’hôtel,l’hôtel!murmuré-je.–Pardon?–Euh…Nonrien…

Merde!Jeviensdeparlertouthaut!

Neils’aperçoit-ildemontrouble?Entend-ilmoncœurbattreàtoutrompredansmapoitrine?Ilnesedéfaitpasdesonpetitsourireencoin.Etilnebougepassajambenonplus!

Attention,tudérapesNora!

–AlorsNora,qu’est-cequevousvoulezexactementpourvotrehôtel?

LaquestiondeNeil,neutre,directeetlemot«hôtel»mefontatterriraussitôt.

–Vousl’avezvu,toutlebasdel’hôtelestàrefaire,lehall,lasallederéception,toutesttropvieux,uséetdémodé…MaisonnetientpasàtransformerleHellingtonradicalement.Ilauneâme,presquecommecelled'unepensiondefamilleetça,personneneveutlaperdre…L’idéalseraitdetrouverunjusteéquilibre,vousvoyez?Ilfaudraitaussilerendrepluslumineux,moinsconfiné…

–Jesuisassezd’accord,c’estcequej’avaisenvisagé.Etpourlesétages,leschambres,qu’as-tuentête?

Jesuissurpriseparcesoudaintutoiement.

–Monbudgetest assez limitéet ilyadéjàbeaucoupde travailpourvousauniveaudu rez-de-chaussée.Vousnevousenoccuperezpas.Justelehall.Etpuis,commeça,toutlemondeauraaccèsaurésultatdevotreœuvre.Commeunevitrine.Vousaurezunespaced’expositiongratuitetmoiunhallflambantneuf.

Neilesquisseunsouriredevantmoncôtébusinesswoman.

–PlusdevousentrenousNora,jetutoielesgensavecquijetravaille.Pasdedistance,unerelationdetravailestintimeàmesyeux.Jevaisentrerdanstespensées,danstesenvies,tesatisfaire…Maistuvasaussidevoirmedonnerlemeilleurdetoi-mêmeNora!

Jedéglutisdifficilement.L’hommeleplussexydelaTerrequimedit,droitdanslesyeux,qu’ilvasatisfairemesenvies…

L’hôtel,Nora!Tesenviespourl’hôtel!

– Vous… Tu peux compter sur moi, dis-je la voix un peu rauque, troublée. Et aussi sur meséquipes.

–Trèsbien.Est-cequetuveuxmedonnerunpointdedépartouest-cequetumefaistotalementconfiance?

–Totalement…confiance,articulé-je,mespenséesperduesailleurs.Puismereprenant:j’aimeraisdesmiroirs,desgrandsmiroirsdanslehall.J’aimecetteimpressiondevolumequ’ilsdonnentet…

–Desmiroirs!Absurde,tun’aspasbesoind’agrandirtonhall,cen’estpasunhalldegareNora!Jefaisdudesign,pasdeladécorationdesannées90!

C’estpresqueuncriducœurdelapartdeNeil,quimelaisseuninstantsansvoix.

Çayest,jetravaillebeletbienaveclegranddesignerNeilCaine.Cen’estplusunrêve,onyestvraiment!

–Absurde,pastellement,j’enaivudansdegrandsrestaurantsàNewYork,rétorqué-jeaussitôt.Etçarendtrèsbien!

–Situveuxfairecommetoutlemonde,tun’aspasbesoindemoi!

–Tumedemandesmes idées, je te lesdonne.Si tuneveuxpas les entendre, alors fais-moi tespropositions!

ÀlafaçondontNeilmeregarde,jecrainsqu’ilneprennelaporte.J’oubliequij’aienfacedemoi,jedevraispeut-êtremodérermespropos…C’estluileprofessionneldansledomaineetledesignerleplustalentueuxdesagénération.C’estluiquiadeschosesàm’apprendre,pasmoi.Alorsquejem’apprêteàm’excuser,Neilfinitparesquisserunsourire:

–Tu sais ceque tuveux, je fonctionne aussi commeça. Il va falloir que l’on trouveun terraind’entente.Maisjetepréviens,jenecèdepasetjen’aipasl’habitudeducompromis.

Cethommeestdéroutant.

–Notrecollaborations’annoncealorstrèsmouvementée…Jenesuispasnonplusdugenreàtoutaccepter,ajouté-jeàmontour,presquesurletondudéfi.

–J’aihâtedevoirça,souffle-t-ilplusdoucementcettefois.

Neil se tourne vers ses papiers, prend des notes, consulte son agenda sur son smartphone. Ilpianote, envoie desmails,m’explique brièvement qu’il contacte ses équipes. Il réfléchit un instantpuis:

–Et tuveuxaussi installerdesfersàchevalau-dessusdetouteslesportesdeteschambres?medemande-t-ilenmemontrantdudoigtmontatouage.

Parréflexe,commes’ilvenaitdedécouvrirunepartieintimedemoncorps,jeserremonpoignetcontremoi.

–Unesignificationparticulière?insiste-t-il,sanss’apercevoirdemaréaction.–Ettoi,tacicatrice?Uneexpérienceratéeavecunclient?

UneombrefugacetraverseleregarddeNeil.

–Cettecollaborations’annoncedécidémentpleinedechallenges,j’adoreça…

Naturellementcomplices,noushochonslatêteenmêmetemps.J’aimecerépondant,ceséchanges.Jecroisqu’effectivement,nousrisquonsencoredenousenvoyerquelquespiquesdanslefutur.

–Bon,jecroisquej’aitout.Monassistantereviendraverstoipourt’envoyertouslesdocumentsutiles.Nousferonsuneréunionavectoutlemondepournousorganiser,m’explique-t-il,trèspro,enselevant.

Je le raccompagne et, avant de franchir la porte demonbureau,Neil se tourneversmoi.Noussommesprès,vraimentprèsl’undel’autre.

Jevaisflancheravantqu’iln’aitquittél’hôtel!

–Tuasdesplanspourleweek-endprochain?J’organiseunesoiréechezmoi,situn’asriende

prévuetsitun’aspaspeurdevoirmoncôtéGremlins…Aprèsminuit,jenerépondsplusderien…Pourdonnermatièreàlapresse,ajoute-t-ildoucement,prèsdemonoreille.

Puiss’éloignantunpeudemoi,ilajoute:

–Tupourrasparleràd’autresdesignersetentendrequelquesbonnesidéespourtonhôtel.Etilsteferontentendreraisonquantàtonenviedemiroirs.

Nouvellepique.NeilCainem’invitechezluipourquejevienneparlerdemiroirs?Ouest-cequ’ilaenviedemerevoir?

–Ok. Et je penserai à partir avant les douze coups deminuit ! réponds-je, prête à trouver uneréponseàmoninterrogation.

Cethommeestétrange…Ilestdrôle,mais ilpeutêtre l’instantd’après très incisif,surtoutdanssontravail.

Jesuispresquedéçuequenotrerendez-vousprennefin.J’auraisadorécontinueràdiscuteraveclui,faireunpeuplusconnaissance,tenterdelecerner…

Alorsquenousatteignonslehall,Bettinam’interpelleetmedemandedevenir.Jem’excuseauprèsdeNeil,agacéeparmonassistante.Qu’est-cequinepeutpasattendre?

–Nora,onauneréclamationunpeu…étrange.Leclientdelachambre215râleparcequ’onneproposepasdelaitdechèvrefrais…Ilmenacedequitterl’hôteletdefaireunscandale.

–Duquoi?!–Ilveutcelait-là,etpasunautre…–Oùest-cequ’ontrouveçaàNewYork?Etilfautabsolumentqu’ilsoitfrais?–C’estunequestionquejenemesuisjamaisposée,mesouffleBettina,prêteàriredelasituation.

Etfrais,ilnesupportepasnonpluslepasteurisé.–Ehbien…Dis-luiqu’onvatrouver...Jem’enoccupeaprès.

JerejoinsNeil.Ilrangerapidementsonsmartphoneets’aperçoitquequelquechosenevapas.

–Toutvabien?medemande-t-ildesavoixchaude.–Ohcen’estrien,unclientavecunbesoin…particulier.

Neiln’estpasdupeetjetteunœilverslaréception.

–Cettefemme…Elleestplutôthauteencouleur,souligne-t-ilendésignantBettina.– Oh oui ! Bettina, c’est mon assistante, lui expliqué-je en souriant. Sa joie de vivre est

indispensableici,surtoutencemoment!

Nousmarchonsetdescendons lesquelquesmarchesde l’hôtel.Stanadéjàouvert laportièredeNeiletsetientpresqueaugarde-à-vous.Avantdemonterdanssavoiture,Neilsetourneversmoi.

–Unevoiturepasserateprendresamediprochain,à20heures.

Etilmequitte,enplongeantsonbeauregardbleuunedernièrefoisdanslemien.

Jesuisensorcelée,unefoisdeplus.

–Alors?medemandeStan,mesortantdemarêverie.–Alors…Alors…réponds-jeenfaisanttraînerlesuspens…Alorsc’estbon,Stan!

Mon groomme serre dans ses bras en poussant un cri de joie. C’est ça le plus important ! Jeremontelesmarchesaupasdecoursepourannoncerlabonnenouvelleàtoutlemonde.Etsurtoutàmesgrands-parents!

NeilCaine,leplusgranddesignerdumoment,valaissersamarqueici!

5.Duchaud,dufroid,dubrûlant

Cettecalculatricevavoleràtraverslapièce!

Toujourslesmêmeschiffres.LeMarathondeNewYorknousapermisderemplirunpeul’hôtel,mais pas suffisamment pour nous laisser souffler. Les couloirs sont déserts. Dans peu de tempsThanksgivingamèneradelavie,maispourlemoment…J’aibienessayédefairedespromotionssurles séjours, d’offrir des nuits, je n’ai pas atteint le quart de mes objectifs. Et les chiffres sontimpitoyables.

Jedoistrouverautrechose,nerienlâcher!

Il me faut des idées neuves, un nouveau souffle. Neil Caine, avec son intervention, nous serasalutaire.Avecquelqu’uncommeluidansl’équipe,nousnepouvonsqueréussir!

Jeposematêtedansmamain,joueavecunemècheblonde.Avecl’hiveretlepeudetempsquejeleurconsacre,jetrouvemescheveuxunpeuternes.

Commemonhumeurdujour!

Jen’aipasparlédeceschiffresàmesgrands-parents.C’estàmoiquereviennentlesinquiétudes,les insomnies, la crainte de ne pas pouvoir payer les factures, je ne veux pas les inquiéter. Ils ontméritéuneretraite tranquille loindesnœudsà l’estomac,et ilesthorsdequestionquejevienne lasaborder!Lapériodeestdélicate,maistemporaire.Dumoinsjel’espère.Jen’aiencorejamaisbaissélesbrasdevantcettesituation,maisjenesuispasaveuglenonplus.Ceneserapassimple,ilfauttoutdonnerpourn’avoiraucunregret.

Si je pouvais avoir quelqu’un pour s’occuper de la communication de l’hôtel, nous pourrionsmettre en place des événements, être sur les réseaux… Il faut que je recrute une responsablecommunicationdèsquejepeux!Enattendant,oncontinueraàfaireàl’ancienne!

***

–Cen’estpascesoir tasoiréechezNeilCaine?medemandemagrand-mèreenm’offrantdesbiscuitsencorechauds.

–Si,maisjepenseannuler…J’aiencoredespapiersàclasseret…

Mesgrands-parentséchangentunregard.Jelesconnaistropbienpoursavoircequ’ilvasepasser.

Jevaismeprendreunsavon…

–NoraPreston!Àquandremontetadernièresoirée?Etjeneparlepasdecellequenoust’avons

organisée,nidugala!medemandeMima,sévère.–Je…Jenemesouviensplus…–C’estparcequ’iln’yenpaseudepuislongtemps!merétorque-t-elleaussitôt,sourcilsfroncés.–Ta grand-mère a raisonNora. Tu n’as plus de vie sociale, ce n’est pas raisonnable pour une

jeunepersonnecommetoi!ajoutePapy,essayantluiaussideprendreuntonsévèresansyparvenir.–J’ai24ans,jenesuisplusétudiante…– Tu travailles trop pour une jeune femme de 24 ans, me glisseMima en me prenant par les

épaules.Tudoissortir,rencontrerdesgensdetonâge…–Mima…Jelefais…parfois…dis-jeenmecalantdanssesbraspourprofiterdececâlin.–Tunelefaisjamais!NousnousinquiétonsAugusteetmoi.Nousétionsdeuxpoursupporterla

chargede l’hôtel, tu es toute seule, ajoute-t-elle enmecaressant les cheveux, commequand j’étaispetite.

–Jesais,jesais…

Maisqu’est-cequ’ilsonttousàvouloirabsolumentmecaser?!

–C’estbiensimple,situnesorspascesoir,jeneparspasdansleNewJerseyetjeresteiciàerrerdanslescouloirsdel’hôtel!déclarePapyenprenantunairfaussementbutédanssonfauteuil,brascroisés.

–Ohnon,pitié,tuvasfairefuirlesclients!riposté-jeenimaginantcevieuxmonsieur,grandetmaigre,arpenterlehalldumatinausoir.

–Alorstusaiscequ’ilteresteàfaire,mesoufflemagrand-mère.–Oui…D’accord,d’accord,jevaisyaller…Maislaissez-moiencoreprofiterdecemomentavec

vous!

Mima me sert contre elle. Petite, fluette, elle a du mal à m’entourer entièrement de ses bras.J’essaiedemefairepluspetiteetderetrouvercetempsoùilss’occupaientdemoiaprèslescours.Tousmes chagrins,mes peines de cœur,mes déceptions, ce sont eux qui les ont effacés quand jevivais avec eux... Lorsqu'ils seront dans leNew Jersey, dans leur nouvelle vie, cesmoments-là seferontplusrares.

–Etcommentas-tuprévudet’habillercesoir?–Tutesouviensdemarobeblanche?Lapetiteavecunbustier?Jepensaislamettre,expliqué-je,

attendantl’avisdemagrand-mère.–Ahoui,jemesouviensdecelle-là…C’estpasmalsitugardestescheveuxlâchés,meconseille-

t-elle.–Oui!IlfautquetumontresàceNeilCainequetuesintelligenteetbelle!ajoutemongrand-père

avecunclind’œil.–Jen’airienàluimontrer,jenevaispaslà-baspourlui,maispourdiscuteravecdesdesigners

commeluietmefaireuneidéepourladécodel’hôtel…Jen’yvaispaspourluiplaire,mêmepasdutout!

Oupeut-êtreunpeu…Oubeaucoup…

Tout près demoi, j’entends presqueMima sourire et échanger avecmon grand-père un regardentendu.Jemeredresseaussitôt.

–Nonmaisvousnecroyezpasque…!–Écoutema chérie,m’interrompt-elle.NeilCaine est plutôt bel homme et il t’a invitée tout de

mêmetrèsvite,àvotredeuxièmerencontre…Alorspeut-être…

Jen’enrevienspasdesparolesdemagrand-mère.Est-cequ’ilsontparléentreeuxdeNeilCaineetmoi?Est-cequej’ailaissétransparaîtremonattirancepourluiquandjeleuraitoutracontédesavisite?Jemesensrougir.

–Jesensquecettediscussionestentraindedéraper,jevaisyaller,dis-jeaussitôtenmerelevant.

Etdevantl’airgoguenarddemesgrands-parents:

–Jeneveuxpasêtreenretardpourmonrendez-vousprofessionnel !Et j’aibienditPRO-FES-SION-NEL!

Aumomentoùjem’apprêteàlesquitter,jelesaperçoistouslesdeux,debout,l’uncontrel’autre.Papyapassésonbrasautourdesépaulesdemagrand-mère,dansungestepleindetendresse.Depuisquemongrand-pèreaquittélaFrancepourvivreavecMima,leuramourn’ajamaisfaibli.

Jesouffleunbaiserdansleurdirectionetfilemepréparerdansunechambredel’hôtel.Lavoiturenedevraitpastarderàpassermeprendre.

***

La voitureme dépose devant l’une des magnifiques demeures de Greenwich Village. Neil m’ainvitéechezluietjedoisavouerquejebrûledecuriositédesavoiroùilvit,comment…Lechauffeurme sert aussideguide etmeconduit directement à laported’entréede cettemaison.Emmitoufléedans mon manteau d’hiver, je n’attends pas très longtemps avant que l’on vienne m’ouvrir. Unhomme,unmajordomepeut-être,meprendmesaffairesetmeproposedemonteràl’étage.Jesuisseuledanscehall,occupéseulementparunlargeescalier.Jemontelesquelquesmarches.Jemesensun peu nerveuse. Je plonge dans la grande inconnue. Et Neil Caine est quelque part là-haut… Jefrissonne.Nonpasdefroid,maisàlasimpleidéedemeretrouverprèsdelui.

–Nora!

Cettevoix!Ilestlà,enhautdesescaliers,encostumenoirsanscravate,sachemiseentrouvertedequelquesboutons.Cettealluredécontractéesemarieparfaitementavecsescheveuxrebelles.Jesensdéjà toutesmes bonnes résolutions s’envoler !Malheureusement pourmoi,NeilCaine ce soir estd’unnatureldésarmant.

Ilmedésarçonneàchaquefoisquejelevoisdetoutefaçon…

Jelerejoinsenhautdesmarchesetremarquequ'iljetteunrapidecoupd’œilsurmasilhouette.Jenesauraisdiresicequ’ilvoitluiplaît.Maisjel’espère.Sonsourirecharmeursedessinedéjàsursonvisaged’Apollon.

–Onm’aprévenudetonarrivée,jen’attendaisplusquetoi,meglisse-t-ilenm’embrassantsurla

joue.

Maisc’estunehabitudechezlui!

Etcommelapremièrefois,cebaisertoujoursaussiinattendu,cecontact,éveilledessensationsaucreuxdemonventre.

–Neil,mercipourlavoiture,essayé-jededireleplussobrementdumonde.–Viens,jevaisteprésenterquelques-unsdemesinvités,dit-ilenmeprenantparlebras.

Encoreuncontactfrissonnant.Àcerythme,jevaism’incendiersurplaceetfinirentasdecendres.

Lagrandepiècedanslaquellenousentronstrancheradicalementaveclehalldelamaison.Icitoutestblanc,grand.Lesvolumessontimpressionnantsetj’aperçoisaufonddelapièceunebaievitréedonnantsurl’extérieurdelamaison.Aveclanuitetlesreflets,jenevoispaslavue.Detoutefaçon,ce n’est pas ce qui attiremon regard. Il y a ici une centaine d’invités. J’ai unmouvement d’arrêtdevanttoutcemonde,unmouvementqueperçoitNeilàmescôtés.

–Certainssontunpeuétranges,maisjerestelemaîtredanstoutcequiesthorsducommun,tulesaisbien,mesouffle-t-ilàl’oreille.

–Alors jen’ai rienàcraindre…Sauf si tudérapes…Mais je saisdésormaisoùest laportedesortie,ajouté-jeenregardantderrièremoi.

–J’espèrequetunelaprendraspastropvite…

Neilattrapeunverreetmeletend.Jeregardepartoutautourdemoi.Jesuistombéedansunnidd’artistes, de gens plus excentriques les uns que les autres… Dans un coin, j’aperçois le célèbreBalloonDogdeJeffKoons.Etvisiblement,lejeuestdeprendrelaphotolaplusridiculequisoitdecettesculpture…Jenem’attardepasplus,Neilm’entraînedéjà.J’entendsrire,j’entendscrier,jevoisdesfemmesriretrèsfort.L’alcoolestomniprésent…Certainsdansentmêmesurunemusiqueàpeineaudible.

Maisoùsuis-je?

JenequittepasNeilqui,d’unpasnaturel,sefrayeunchemin,presqueindifférentaumondequil’entoure.Onl’interpelle,onmesourit…

J’aibesoind’untempsd’adaptation,là!

–Jeteprometsqu’ici,aucunephotoneseraprisedetoietvendueàlapresse,medit-iltoutprèsdel’oreillepourdominerlebruitenvironnant.

–Mince,moiquivoulaissautersurleBalloonDogavectesamis…

Neilregardepar-dessusmonépaule.

–J’aifaitfaireuneréplique,levraiestenlieusûr.J’aitropderespectpourletravaildesautrespourlelaisserauxmainsdecettebandedesauvages.Etjepréfèretevoirsurl’authentique…

Attention,incendieintérieurdansmoinsdetrentesecondes…

JenesaispassiNeilCaineserendcompteduregardbrûlantqu’ilvientdemelancer,maismoncorpsluienredemande.

–Tuconsidèrestesinvitéscommedessauvages?demandé-jeenmeforçantàmerecentrersurlasoirée.

–Entrenous,nousledevenonstousunpeu…

Unhommevientversnousetm’embrassedelamêmefaçonqueNeill’afait.Cettefamiliariténem’étaitdoncpasdestinée?Jesuisdéçue…

Monimaginationm’ajouéuntour.Belleleçon!

Neil me présente quelques-unes de ses connaissances. Je ne retiens pas tous les noms. Peus’occupentdemoi,préférantavoirl’attentiondudesigner.Ilsembleapprécié,sesinvitésonttousuneanecdoteàluiraconter.MaisNeilagitcommeuneanguilleetm’entraîneàtraverslapièce,s’arrêtantdetempsentempspourdiscuterunpeu.

Je surprendsparfois son regardsurmoi, commes’il cherchait à connaîtremonétat d’esprit. Jeparlepeu,soussaprotection.Jelevoisrefuserdesuivrecertainsdesesinvités.Jesuistouchéeparcetraitement de faveur,mais je ne sais pas comment je dois l’interpréter. Je profite d’unmoment derépit,oùnoussommesseuls,pourluiparler:

–Tesinvitést’attendent,jepeuxmedébrouiller.Etjedoisallerchercherl’inspiration,tumel’astoi-mêmedit,luirappelé-je.C’estpourçaquejesuisici.

C’estpourmeconvaincremoi-mêmequejedisçatouthaut?

–C’estvrai,maisnevapastroploin,jerestelemeilleurdansmondomaine.

LesyeuxdeNeilontprisuneteinteintense,savoixestdescendueplusbasencoredanslesgraves.Cethommejoueavecmesnerfs.

–JetelaissealorsNora,apprendrepartoi-mêmequel’optiondesmiroirsestunetrèsmauvaiseidée,s’amuse-t-ilsoudainement.Etrassure-toi,j’aifaitvérifierleschaisesetlestabourets.

Alorsque jem’attendsàcequ’ilmequittesurcettedernièrerépliquemoqueuse,Neilmeglissetoutbasenpassantàcôtédemoi:

–Pourterattraperaussi,jesuislemeilleur.

Etilpart.Jen’aipasréussiàdireunmot.L’emprisedeNeilCainesurmoiestfortecesoir.Plusjelerencontreetplusmoncorpssetendverslui,plusj’éprouveuneprofondeenvied’êtreprèsdelui,danssesbras…Lesentircontremoi…Cethommeréveilledessensations,dépoussièredespulsionsquej’avaisoubliées…

Est-cequecettefaçonqu'ilademeparler,demeregarder,pourraitêtreunsignequejenelelaissepasnonplusindifférent?Ouçaaussic’estunjeupourlui?

Jeme lanceaumilieudes invités.Mais jemesensàdesannées-lumièrede leurunivers. J’aimel’artmaisjenesaispascommentl’exprimer.Eux,ilsenparlentcommejepourraisparlerchiffresetcomptabilitéavecBettina.C’estnaturel…J’observeNeilducoindel’œil,ilrit,videsesverres,faitquelquesselfiesavecd’autresdansdesposesétranges…Ils’amuse.

Ehbienmoiaussi!

Jevidemonverred’untrait,résolueànepasmelaisserdémonter.Quandquelqu’unessaiedemeparler de l’œuvre d’un Suédois dont je ne comprends pas le nom, je prendsmon plus bel accentfrançaisetlance:«JesuisdécoratriceenFrance.LaSuèdeesttrèsappréciéelà-bas,lesFrançaisontbeaucoupde«Suédois»chezeux…»

L’hommemeregardeavecdesgrandsyeuxet,heureusementpourmoi,nedoitniparlerfrançais,ni comprendre mon allusion à Ikea. Mais l’accent fait mouche et je deviens un peu le centre del’attention. D’autres personnes nous rejoignent, je vide un autre verre et, habitée d’une nouvelleconfiance, je joue à fond la carte de la candeur française. Certains essayent même de parlerdoucement,oucherchentlepeudevocabulairequ’ilsontpourengagerladiscussionavecmoi.

Mevoilààparlerd’art,dedesignetdeParis!

– Tu mens à mes amis… Je ne sais pas comment je dois le prendre, me souffle Neil en merejoignantuninstant,leregardpétillant.

–Tes invitésn’ontpas l’air trèsconnectésà la réalité…Sicesont tesamis,notrecollaborationrisqueeneffetdeserévélercompliquée…

–Compliquée,maispasimpossible.Jesuisunhommededéfirappelle-toi.–Quelestledéfi?Monhôteloulefaitdetravailleravecmoi?demandé-jepleined’audace.–Ilyaduchallengeetdel’aventuredanscequetuévoques.Jetelaissedevinerquelestquoi…

Aventure?Jepourraisêtreuneaventure?Certainementpasd’unsoirentoutcas!

Alorsque jem’apprêteà répondre, levisagedeNeilse fige.Samâchoiresecrispe. Je suis sonregardetaperçoisunhommequis’approchedenous.

–Ilnemesemblepast’avoirmissurlalistedesinvités,lâcheNeilglacial.Jem’étonnequ’ont’aitlaisséentrer.

–Tusaisbienquepersonnenemerésiste,ajoutelenouveauvenuenmedétaillantdelatêteauxpieds.

Jenepeuxm’empêcherdemeraidiraussi.J’aihorreurdecegenred’inspection.

–Iln’yapersonneiciquirépondeàtescritèresfadesetcommerciaux…Tesaffairesvontsimalqueçapourquetut’abaissesàvenirjusqu’ànous?

LetondeNeilsefaitacerbe.Jesuisspectatricedecettejouteetassezmalàl’aise.

–Jenesavaismêmepasquetufaisaisunesoirée.C’esttamèrequim’envoie,elletrouvequetuneluidonnespasassezdenouvelles,répondl’hommequicettefoissemetàregarderautourdelui.

–Elleauraitpum’appeler.Tueslàpourtonréseaupersonnel.Maisneteleurrepas,personneicin’aenviedetravailleravectoi.Neperdspastontemps.

–Personne?répète-t-ilcommes’iln’ycroyaitpas.Puis,setournantversmoi:Puisquemonfilsnenousprésentepas, je suisMartinCaine, sonpère, leCainede laplusgrandechaîned’hôtelsdeluxedesÉtats-Unis.

Saprétentionmelaissesansvoix,etmelefaitparaîtred’embléeantipathique.

–NoraPreston,mecontenté-jederépondre.–Preston…Votrenomm’estfamilier…Preston…DuHellington?–C’estça…–Ehbien,quelleheureuserencontre!Jem’apprêtaisjustementàentrerencontactavecvous,dit-il

enprenantuntonaffableencoreplusécœurantquesaprétention.–Àquelsujet?demandé-je,surmesgardes.– Je sais quevos affaires vontmal et quevouspourriez avoir envie devousdébarrasser de ce

fardeau.Cegenredepetithôtelvieillotpleindecharmeséduitlesgrossesfortunes,voussavez.– L’inverse n’est pas toujours vrai, votre fortune n’intéresse pas les propriétaires d’hôtels

familiaux.Lemienn’estpasàvendreetn’estpasnonplusun fardeau, réponds-je,glaciale àmontour,piquéeauvifparl'évocationdecequej’aidepluscher.

JejetteunregardàNeil,maisaulieudevoirdelaréprobation–jevienstoutdemêmedetrèsmalparleràsonpère–jelisunecertaineadmiration.

– Ma soirée n’est pas le lieu de tes affaires. Tu nous fais perdre notre temps, que veux-tu ?intervient-ilpourmettrefinàcettedésagréablediscussion.

–Jesuislemessagerdetamère,jetel’aidit.Elleteveutpoursasoiréeannuelle,répondMartin,moinssouriant.

–Messagereçu.Bonnesoirée.– Très bien, j’ai autre chose à faire ce soir de toute façon. Appelle ta mère plus souvent, ça

m’évitera ce genre de visite ! Au fait, ajoute-t-il avant de partir, nous ne te verrons pas à Noëlj’imagine?ToujourslesBahamas?

–Toujoursetàjamais!répondNeildefaçontrèsthéâtrale,tranchantradicalementavecl’hommefroidqu’ilétaitquelquesinstantsplustôt.

JesourisdevantlegestedeNeil.MartinCainepartenhaussantlesépaules.

Quelque chosedeprofond sépare cesdeuxhommes… Ils n’ont pasdu tout une relationpère-filsnormale…Ondiraitplusunbrasdefer…

Neilestencoretrèsagacé.Illuifautuntempsavantdesetournerversmoi.

–J’enaiassezdecettesoirée,partons!décide-t-ilenm’attrapantlamain.–Mais…tesinvités,dis-jeenlesuivant.–Ilsconnaissentlasortie!

***

Lapièceoùnousatterrissonsestsensiblementlamêmequecellequenousvenonsdequitter,àladifférencequ’elleestisoléeetbaignéeparlesilence.Tropoccupéeàregarderautourdemoi,jenemerendspascomptequeNeildélaissesavestepourlajetersurunfauteuil.

Jem’installeaubordd’uncanapéalorsqu’ilapporteunebouteilledechampagneetdeuxcoupes.Jenepeuxpasm’enempêcher,mapremièrequestionconcernesonpère.

–C’esttoujourscommeçaavectonpère?C’estunjeuentrevousouvousnevousentendezpas?–J’aiunerelationassezcompliquéeaveclui,merépondNeil,concentréàdéboucherlabouteille.

Disonsquemoinsjevoismesparentsetmieuxjemesens.–C’est…–Triste?m’interrompt-ilaussitôt,levisagefermé.Non.Aucontraire.

Je n’ose pas chercher à comprendre pourquoi ils en sont arrivés là.Mais je ne lâche pas pourautant.

–EtpourquoiNoëlauxBahamas?–Parcequej’aimenepasavoirl’impressiond’êtreàNoël…Jen’aimepasparticulièrementcette

périodedel’année,jevaism’amuserailleurs,autrement,m’explique-t-il,unsourireencoin.–Jecroisquejepeuxcomprendreça…glissé-jedoucement.–TuasunproblèmeavecNoël?–Ehbien…Mamèreestmorte le jourdeNoëlquand j’avais12ans,cequimedonneune très

bonneraisondenepascélébrercettefête!J’aiunpèretrèsabsentaussi.–Jevoisquetutraînesaussiquelquescasserolesniveaufamille,medit-ilenmetendantunverre.

Jesouris,m’installantplusconfortablementdanslecanapé.Jeremarqueenfacedemoiungrandmiroir,preuvequeledesignern’estpasaussiréfractaireàcetobjetqu’ilnelefaitcroire.Neilfaitpareil et, posant son coude sur le dossier, plonge son regard dans le mien pour une véritableintrospection.

–Ettavieaprèslamortdetamère?–Mesgrands-parentsontprislerelais,meconfié-je.MaisNoëln’aplusjamaiseulemêmegoût.–Jenesaismêmepascequ’estunvraiNoël,mesparentsétaientsouventenvoyageàcemoment-

là.Jesuisheureuxdepouvoirfuirtoutça,cetteambiance…TudevraisessayerlesBahamas.–J’ypenserai,souris-jeenportantmacoupeàmeslèvres.–Viensavecmoi.–Quoi?!

Jemanquedem’étrangler.

–Tu veux que je vienne avec toi auxBahamas ?C’est la troisième fois qu’on se voit et tumeproposesdepartiravectoi?

–Trois,quatre,unefois…Etalors?Jefonctionneàl’envieetsouventsuruncoupdetête.Soisprévenuepournotreprochainerencontre!

–LesBahamas…–Tues lapremièrepersonneque je rencontrequin’aimepasNoël.Si tuviens, je ne serai pas

seul!Nouspourronsdiscutermiroirs…–Cetteexcuseneprendplus,MonsieurCaine. Jedevais trouver l’inspirationàcette soiréeet je

n’ai jamaisprononcé lemotmiroirdevant tes invités !Mais jenoteque tu lesaimesquandmême,souligné-jeenmontrantdudoigtceluidusalon.

–Lui?Iln’estpasàmoi,ilfaitpartiedeladécorationdecettemaison.–Tun’aspasfaittapropredécoration?Cheztoi?!–Non…Jevisicipourlemoment,maisjepeuxchangerdemain…Jemelassetrèsvite.–Ah…Entoutcas,tunel’aspasenlevénonplus…–Celamontrequejesuisouvertàtout…

Neil semble plus détendu. Sa chemise blanche fait ressortir ses boucles brunes. Et les quelquesboutonsdéfaitsmemontrent sapeau, unpeude son torse…Jeprends seulement consciencede cetête-à-tête, de cette nouvelle proximité. Et à nouveau je sens les frissons ressentis plus tôt dans lasoiréeme rattraper.Neilm’observe et jen’ai pas enviede rompre le charmede cemoment.L’airs’électrise.

–Nora,tuesquelqu’undetrèsoriginaltoiaussi,souffle-t-ilenintensifiantsonregardsurmoi.–Moinsquetoi,parviens-jeàarticuler,lavoixrauque.

Jedevraispeut-êtrepartir,maisjesuisincapabledebouger.J’aienviedevoircequ’ilvasepasser,maintenant.Jen’aipasressentiunteldésirpourunhommedepuisbienlongtemps.Etcettesensationdansmesreinsenestpresquedouloureuse.

–Neil,je…

MaisNeilposesondoigtsurmeslèvres.Desamainlibre,ilattrapemacoupepourlaposersurlatable.Sesdoigtsviennentseglissersurmanuque,dansmescheveux.Pasuninstantnosregardsneselâchent.Neilattrapemeslèvresdansunbaiserpassionnéauqueljerépondssansaucuneinhibition.

Nipour lebaiser,nipourmesmainsquipartentà l’assautdesachemise.Moncorpsne répondplusàma raison,mon instinctapris ledessus. Jeme rendscompteàquelpoint j’aienviedeNeildepuislapremièrefoisquejel’aivu.C’estfort,brutal.Commeunbesoinvitald’assouvircetélanquimepousseàl’embrassercommesimavieendépendait.Etj’aienvied’assumercomplètementcettesoudainepulsion.

–Est-cequepersonnenepeutmonterici?demandé-je,lavoixtremblante,jetantunœilducôtédesescaliers.

–Personne…mesouffleNeil.

Jen’hésiteplus.MesdoigtstremblantsarriventàdéfairetouslesboutonsdelachemisedeNeil.Jelaluienlèveassezbrutalement,cequimedonnel’impressiond’êtresauvage,d’êtreunefurie.J’aidumal àme contrôler etmon attitude ne semble pas lui déplaire. Son regard allumé par l’excitationalimentemondésir.

–Viens,profitonsavantqueminuitnesonne…meglisseNeilaucreuxdel’oreille.

Nousnouslevons,tropàl’étroitdanscecanapé.Desesbrasfortsilm’attirecontrelui.Seslèvreschaudesethumidesglissentd’abordlelongdemoncou.Jerejettelatêteenarrièrepourluioffrirleplusd'espaceversmapeau,mesoreilles,manuque.Cecontactprovoqueenmoiun frisson,de laracinedemescheveuxaucreuxdemesreins.Jeposemesmainssursesavant-brasmuscléspourmeretenirde tomber.Mes jambesnemesoutiennentplus,moncorpsseconcentreuniquement sur lessensations que je ressens, des sensations que je n’ai d’ailleurs jamais éprouvées avec autant depassionetdefougue.

Unerévélation!

LesmainsdeNeildescendentdélicatementdansmondos.Jeneleremarquepastoutdesuite,maisquandletissudemarobeserelâche,jecomprendsqu’ilenaprofitépourdéfairelafermetureéclair.Elletombeaussitôtàmespieds,melaissantensous-vêtements,àquelquescentimètresdesontorsedontjedécouvrelalégèretoisonbrune.

Neil me contemple, passe son doigt sur mon ventre, mes côtes, suit le tissu de mon soutien-gorge… Ma respiration est saccadée. Je me sens désirable et désirée, complètement femme, auparoxysmedemaféminitésousceregardsensuel,avidedemeposséder.Neilnecachepassondésir,moinonplus.Nouséchangeonsdesregardspleindeconfianceetdedésir.Nouséprouvonslamêmeenvie,lemêmebesoindelacombler.

Jerêvedecemomentdepuislapremièreminuteoùj’aiposémesyeuxsurlui.Jenepeuxplusmelecacher.

Je ne ressens aucune limite, aucune entrave. Je ne pense à rien d’autre qu’à cet instant précis.L’homme leplusenvoûtantde laTerreesten facedemoi, je suisquasimentnuedevant luietmesmainsexplorentsontorsevirilavecavidité.J’airêvédetouchersoncorps,ilestlà,sousmesdoigts.Jesuiscurieusedeledécouvrirunpeuplus,deleparcourir,delesentirfrémiràmoncontact.Cettevirilitéquiémanedeluimetransporteetnem’inspireaucunecrainte,aucunetimidité.

–Jet’explore,murmuré-je…–Etcen’estpaspourmedéplaire,souffleNeil,lesyeuxplongésdanslesmiens.

Il m’attire de nouveau contre lui, ses mains posées fermement sur mes fesses. Je sens sonexcitationàtraverssonpantalonetjenepeuxpasm’empêcherdeluiadresserunsourirecomplice.

Nondécidément,jen’aiaucuneretenuecesoir,aucunepudeur!

Àmontourd'attraperseslèvresetdeglissermalangueverslasienne.L’airsechargeunpeuplusdetensionsensuelle.Jesais,àcetinstantprécis,quenousnenousarrêteronspas,quenousironstouslesdeuxauboutdenotredésirl’unpourl’autre.J’aperçoisuneétincelledansleregarddeNeilquandjeprendsl’initiativedecebaiser.Ilsaitmaintenantaveccertitudequej’aimoiaussitrèsenviedelui.Noussommesluietmoisurlemêmepiedd’égalité.Meslèvressefontsauvages,hardies.Unedesesmains s’attarde surmes fesses alors que l’autre remonte le long demon dos pour dégrafermonsoutien-gorge.Jemecolleunpeupluscontresonbassin.

Maismonempressementmefaitéchapperuncridedouleur.Laboucledesaceinturevientdemefairemal.Neils’interrompt,melanceunregardinterrogateur.

–Tut’esfaitmal?medemande-t-ilinquiet.– Non, ce n’est rien, réponds-je rapidement en lui lançant un regard torride. Rien qui puisse

m’arrêter.

Je l’embrasse à nouveau. Pas question de s’arrêter là, et encoremoins de stopper ce baiser quiréveillelamoindreparcelledemoncorps.

LaBelleauboisdormanta-t-ellevécuçaquandsonprincel’asortiedesalongueabstinence?

Mesmainsquittentsapeaupourseprécipitersurl’objetdemalheur.J’enprofitepourlelibérerdesonpantalon.Neilmelaissefaire,nonsansafficherunpetitsourireencoin.Ilselaissealleràmesmains étonnamment expertes, oudumoins, sûres d’elles.Mesdoigts se glissent sous le tissu et seretrouvent à leur tour sur ses fesses, dures etmusclées.Tout ce que je découvre de son corpsmepousseàallerencoreplusloin.Etpluslessecondess’égrainentplusj’aienviequ’ilmeprenne.Tantpispourlespréliminaires.

JenesaispassiNeils’attendaitàunequelconquerésistanceousimonattitudelesurprend,maisjesens en tout cas que nous sommes sur la même longueur d’onde. Je le sens comme moi, avided’assouvirunepulsion,uneenviefarouche,quinousdominetouslesdeux.Àcetinstant,nosraisonsn'ontplusleurmotàdire.C’estunehistoireentrenoscorps,quis’agacentd’êtreencoreentravéspardutissu.

Mes seinsquant à eux sont libérés et sepressent contre le torsedeNeil.À aucunmomentnousn'arrêtonsdenousembrasser.Nosmainsseparcourent,sedécouvrent.Nousnouscaressonsetchacunànotretournouslaissonséchapperdessoupirsdeplaisir.

Cettesituationdeboutnemeconvientplus.Jerepousse légèrementNeil.Je le regarde,pleinededéfi, tout en reculant vers le canapé, afin de l’attirer vers moi. Je m’arrête et m’appuie sur sondossier,posemesmainsdessus.

Jesuisenculotte,seinsnus,totalementexposée…Etjetrouveçaterriblementexcitant.

Neilmerejointluiaussi,nonsanss’êtredéfaitdesonpantalonetdeseschaussures.Ilestenboxerdevantmoi.Soncorpssculptéparlesartsmartiauxestencoreplusparfaitquedansmonimagination.NeilCainen’estpasqu’ungranddesigner,ilestaussiunathlète!Etlàmaintenant,toutdesuite,ilestàmoi!

Ses yeux se sont obscurcis. Nous n’avons pas besoin de parler pour savoir où lui et moisouhaitonsenvenir. Jeneveuxpasparler, jeveux lui fairecomprendre.Comprendreparexemplequemaculotteestdetrop.Lemessageestreçu,compris.Àquelquescentimètresdemoi,Neils’estarrêté et s’est agenouillé pour la faire glisser le long de mes jambes. Quand il embrasse monentrejambe, je laisse entendre un gémissement. Neil m’écoute mais suit aussi ses envies et je nem’attendaispasàcelle-là.Sa langues’estglissée toutdoucement, essayantde se frayerunchemin.

Mesdoigtssecrispentsurlecanapé.Jen’avaisjamaisétéembrasséeàcetendroit,decettefaçon.

Sesmainsderrièremescuisses,Neilmepousseàposerunpiedsursonépaule.Jemelaissefaireàmontour,commeunpantin.Cequ’ilmeréservenemepermetpasdelutterdetoutefaçon.Salanguea pris possession de mon intimité la plus secrète. Je ferme les yeux, rejette la tête en arrière. Jem’accrocheàcequiestdésormaismabouée. Jegémis sous sescoupsde langue…L’orgasmemevientvite,trèsvite,suscitéparuneexcitationviolente,presquedouloureuse.

Jenepenseplus, jen’aiplusdemots. Je suis…submergéeparunprofondbien-être.AlorsqueNeil embrasse délicatement l’intérieur demes cuisses, puismon ventre pour remonter doucementversmoi,jesavoureencorecetteexplosion.

Maisquandils’arrêteàmesseinspoursucermestétons,jesaisd’embléequej’aienviedeplus,etqu’iln’enadetoutefaçonpasfiniavecmoi.Jesuisnue,àsamerci.Pasquestiondeluilaissersonboxer. Je veux le sentir, lui, l’homme, sous ma main. Je veux le découvrir. Le connaîtrecomplètement…

S’engage alors entre nous une désorganisation totale mais totalement érotique. Mes doigtscherchent à faire glisser son boxer alors que sa bouche, sa langue, s’attardent sur mes seins, medévorentlecou.Entremesjambes,samaincontinuedemecaresser.Jenesaisplusoùdonnerdelatêteetgémisdeplaisirquandsesdoigtss’introduisentenmoi.Moncorpsn’émetaucuneobjection.Mes jambes s’écartent un peu plus pour lui laisser une complète latitude. Tout mon être sembles’ouvriràlui.Jeveuxqu’ilmepossède,maintenant!

MaisNeilmontreunepatiencequejeneluiconnaissaispas.Tantpispourmonenviedeluienleversonboxer.Sarespirationsefaitplusrauque,quand,dansmoncou,ilmedévoreetm’exploreavecsesdoigts.Mesmainsremontentdanssondos,lepressantcontremoi.Sacaresseentremesjambesme rend folle.Mamain se glisse dans ses cheveux, les agrippe presque quand ilme fait crier deplaisir,latêteenarrière.

Etsoudain,touts’arrête.Neils’éloignedemoi.

–Nebougepas,murmure-t-ilenmelançantunregardbrûlant.

Jen’ycomptepas…J’aimêmeplutôtenviequ’ilsereplongevitedansnotrecorps-à-corps!

Je m’allonge sur le canapé. Le temps de fermer les yeux, d’imaginer la suite, de mordre meslèvresetdelaissermamaindescendresurmoncorps,lelongdemesseinsjusqu’àmonventre,Neilestprèsdemoi,nu.Sonsexebandéattirecommeunaimantmesdoigts.Ilfautquejeletienne,quejelesente.Cesexeduretvibrant…Jel’imaginedéjàs’enfoncerenmoi…

Jen’enpeuxplusetNeilcomprendaussitôt. Ildéchiredélicatement l’emballaged’unpréservatifpendant que je caresse sa virilité.Nos yeux se sont accrochés. Je retrouveNeil et ses défis, ilmeretrouve,passionnée.Nosregardsnesemententpas,ilssontvrais.

Jeretiremamainpourqu’ilpuisseenfilerlepréservatifetmordsmalèvre,impatientedelasuite.Etellevient, toutdesuite.Neilm’assoit sur ledossierducanapé,mesoutientenm’entourantd’un

bras.J’écartemesjambespourlelaissermepénétreret…

…Neilpousseunsoupirquandilcommenceàbouger.Jeposeunemainsursanuque,mecambrelégèrement,etjenepenseplusqu’àlui,àsonva-et-vient.Desamainlibre,ilmecaresseleventre,messeins…J’ouvreuninstantlesyeuxpourapercevoirnotreprofildanslemiroirdelapièce.Etjetrouvenotrerefletterriblementérotique.

–Jevaischangerd’avissurlesmiroirs,meglisse-t-ildesavoixrauqueensuivantmonregard.–J’étaissûredepouvoirteconvaincre…

LerythmedeNeil s’accentue, jeperçoissonpropreplaisir,danssonsouffle, sesgémissements.Nousnenousdétachonspasduregard.Jerelèvemesjambes,m’accrochantainsiàsataille.Jelesenss’enfoncerplusprofondément.

Et soudain, je perds le contrôle. Je sens une vague de chaleur monter enmoi, me soulever….J’entourelesépaulesdeNeilpourm’accrocheràlui.Maisilpartluiaussi,etnoscorpssecrispentenmêmetempssousl’explosionduplaisir.

Petitàpetit,sonva-et-vientralentitpourcessercomplètement.Noussommeslà,pantelantstouslesdeux, vaincus par notre excitation et notre désir commun. Je suis incapable de bouger et Neil nesemblepasvouloirsedéfairedemoi.Nosrespirationssontencoresaccadées.

Neilposesatêtecontremonoreille,jeposelamiennedanssoncou,respirantsonparfumqui,àchacunedenosrencontresmetrouble.Puis,délicatement,monamants’écarteetattrapeunplaid,posélà.Ilmecouvrelesépaulesavecetm’inviteàlesuivre,danslecanapécettefois.Cetteattentionestdouce.Maism’allongernueauxcôtésdeNeil,serréecontreluiàcause–grâce?–àl’étroitessedulieu,lesentirsiprèsdemoi…Cettedouceurs’annoncecourte,letempsdereprendrenosespritsetdesavourercemoment.Ilsuffitquejecroisesonregardpourquejecomprenneque,luinonplus,n’apasenviede s’arrêter là.Moncorps, réveilléparces sensationsnouvelles, ade toute façondécidéd’enprofiter.

Etmoiaussi!

–Minuits’annonce, tuessûredevouloirrester?medemandeNeil, leregardànouveaualluméd’unfeuardent.

–J’aimêmeenviededécouvrircequ’ilvasepasser…

6.Quiest-il?

Etc’estmoiquinevoulaispasêtreuneaventured’unsoir?

Neil a été très galant quand nous nous sommes quittés après cette soirée. Il m’a offert sonchauffeur pourme permettre de rentrer tranquillement chezmoi.Mais il nem’a pas retenue pourpasser la nuit avec lui. Je ne lui en ai pas laissé le temps non plus. Je n’avais pas l’intention dem’installer.

Jesuispeut-êtrepartieunpeutropvite?

Jenepensepas…Nousavonscouchéensemble,cefutextraordinaireetjesuisrentréechezmoi.Normal!

Juste«extraordinaire»?

Plusqueça.Moncorpsnes’enremettoujourspas,ils’embrasedèsquej’yrepenseetjelesensprêtàremettreça.Moiaussi…Maisest-cequ’ilyauraunesecondefois?

Cequiest arrivéétait complètementdingue, inattendu, improvisé.L’idéede revoirNeildansuncontexte purement professionnel n’est pas simple à gérer. Sima raison neme fait pas défaut, toutdevrait bien se passer. L’hôtel, rien que l’hôtel…On nemélange pas vie perso et vie pro !Noussommestellementdifférentsdanslavie,maisbizarrement,nousétionscomplètementenphasecettenuit-là. Comment sera notre prochaine rencontre ? Est-ce que nous serons gênés, complices,différents?

Mais si Neil me fait une proposition, même indécente… Je serai dans le même état que l’autresoir…

Je me sens encore complètement dissipée. Les souvenirs torrides ont fermé la porte de moncerveauàdoubletouretjetélaclé.Pourbosser,c’estcompliqué!Jesourisbêtement,jechantonne...MêmeBettinaa remarquéquelquechosed’inhabitueletme l'a fait remarquer.Depuisunesemaine,Neilm’entête.Etpluslesjourspassent,plusjesensquejemelanguisdelerevoir.Etça,çanemeplaîtpasdutout.Jen’aijamaisétéfleurbleueetjenetienspasàledevenir!

J’aimême cherché à comprendre pourquoi il neme donnait pas de nouvelles. J’ai cherché surInternet,surdessitesoùd'habitudejenevais jamais,pourdécouvrirqu’ilétaitenAllemagnepourinaugureruneécolededesignportantsonnom.Jen’avaisencorejamaispistépersonne!Maisqu’est-cequejesuisentraindedevenir?!

Entoutcas,cesilenceestsignificatif.S’ilnecherchepasàgarderlecontact,c’estqu’ilnetientpasàpoussercetterelationplusloin,ellen’existemêmepasd’ailleurs!Alorsarrêtonslessoupirsetle

cœurenguimauve.Ildébarquetoutàl’heureavecseséquipesetjedoismerecentrerunpeu.

Cettenuitaétémagnifique.Maisunique!C’estcequejedoismedire!

Si je pouvais arriver àme convaincre de ce que j’avance ! Je ne peux pasm’empêcher d’êtrenerveuseàl’idéedelerevoir.

C’estquoidéjàmonmantra?Ahoui!L’hôtel,l’hôtel,l’hôtel…

***

Ponctuelle, l’équipedeNeil arriveà l’hôtel à l’heure indiquée sur leplanning.Les assistants seprésententrapidement,jen’arrivepasàretenirtouslesnoms,nilemétierdechacun.MoncerveauestbloquésurlaprésencedeNeil,enretrait.Tousinvestissentmonbureau.J’ail’impressiondeneserviràrien.Neilm’asaluéecommelesautres,ets’esttoutdesuitemisautravail.

Del’indifférence?

Dans mon bureau s’étalent les échantillons de couleurs. Les allées et venues au hall sontnombreuses. On me demande mon avis, je réponds, je choisis. Je m’adapte au comportement deCaine.Jesuisaussiprofessionnellequelui.Nousnouscroisons,nousdiscutonsensemble,maisrien,entrenous,nepeut laisser transparaîtrenotre récente intimité.Etpire encore, la complicitédenospremierséchangesn’estpluslànonplus.

Jesuisdéçueetjem’enveuxderessentirça.Jem’attendaisàquoi?NeilCaineestundesignerderenom. J’ai déjà beaucoup de chance qu’il soit là, qu’est-ce que je voulais de plus ? À quoim’attendais-je?!

Jereprendspieddanslaréalitéquandj’entendsparlerdeuxassistantsdevantdesplans.

–Excusez-moi,interviens-je,attiréeparundétail.Vouspouvezm’expliquercesplans?–Ehbien,cesontlescroquispourlesétages,merépondl’und'euxcommesic’étaitévident.–Pourquoilesétages?Iln’estpasquestionquevousinterveniezici,rétorqué-jesurprise,attrapant

lesplans.

Les travauxnedevaient concernerque le rez-de-chaussée !Neil etmoi avionspasséunmarchépour le hall, trouvé un accord qui arrangeait tout le monde. Je ne peux pas financer des travauxsupplémentairesetilesthorsdequestionqu’ilfasseçagratuitement!Défioupasdéfi!

–MonsieurCainenousademandéderéfléchirauxétageset…

Je pars aussitôt à la recherche de Neil, croquis à la main. Je veux régler tout de suite lemalentendu,quelarénovationsefassecommeelleétaitprévue.Jel’aperçois,discutantaumilieuduhall.Jesensquecen’estpaslemomentdel’interrompretantilparaîtconcentré.Est-cequejedoisyaller,attendre?

Sinousn’avionspaseucettenuitensemble,siriennes’étaitpassé,jenemeposeraispastantde

questions!Mais là…Jenesaismêmepascommentréagirfaceà lui.Jenemeressembleplus.Mevoilàhésitantealorsquejesuisdugenreàfoncer.Maisaveccettedistancequ’ilmetentrenous…

Voilàcequiarrivequandonmélangevieprivéeetvieprofessionnelle!

Est-ce que je ne suis qu’une aventure pour lui ? Un coup d’un soir ? Est-il déjà passé à autrechose? Jem’enveux,parcequecen’estpascesquestionsque jedevraismeposermaintenant. Jedevraisêtretoutàmonhôteletjenepensequ’àmonegoblesséparsonindifférence.

Uneindifférencequilerendencoreplusmystérieuxet…inaccessible.

J’attends qu’il termine sa discussion pour lui parler. Je dois revoir le sens demes priorités etpenseràl’hôtel.Luiaumoinsestplusbasique,plusgérable!

–Neil, jecroisqu’ilyaerreuraveccesplans!dis-jeaussitôtqu’ilse retrouveseul.Lesétagesn’étaientpasprévus.

–J’aichangéd’avis,secontente-t-ildemerépondreenfaisantquelquespasendirectiondemonbureau.

Jerestebouchebée.Justeuninstant.

–Pardon?Changéd’avis?Sansm’enparler?

Neilmejetteunregardetcomprendquejenelelaisseraipasenpaixtantquejen’auraipasmesréponses.Ilrevientversmoietm’attiredansuncoincalmeduhall.

–Nora,tunevoispasassezgrandpourtonhôtel,tu…–Pasassezgrand?!m’écrié-je.Maisjevoissurtoutaveclesmoyensquej’ai!Etjenepeuxpas

accepterquetutravaillessansêtrepayé.Onavaitunaccord!–Nora,est-cequetuasquelquesinstants?m’interromptBettinaaumauvaismoment.

JeregardeNeil,impassible.Moncœurseserreetjenelesupportepas.

–Nousenparleronsplustard,luilancé-je,essayantdemaîtrisermavoixdéfaillantesouslecoupdeladéception.PuisàBettina:Qu’ya-t-ildesiurgent?

–Leclientaveclelaitdechèvrefrais,ils’enva…,m’expliquemonassistante.–Qu’est-cequ’ilaencore?demandé-je,laissantexplosermonagacement.–Regarde…

Bettinamemontrelaréception.Jen’encroispasmesyeux!Ilyaunechèvredansmonhôtel!

–Maisqu’est-ceque…–Elleaétélivréeavecunseauetunpetittabouret…Etunmot…–Unmot?!–«100%chèvre,100%frais,servez-vous!»–Maisquiapu…

Monespritfaitlelien.

Neil!

J’éclatederire!Iln’yaqueluipourfaireça!LedéjantéNeilCaineafrappéauHellington!Jepourraispresqueenêtrefière!

Je me tourne dans sa direction et alors qu’il s’apprête à rejoindre l’un de ses assistants, jesurprendssonregardversmoi.Etquelregard.Celuiquejecommenceàconnaître:unpeunarquois,amusé. Il a fait le coup avec des buffles, une chèvre ce n’est rien à côté ! Il a dû entendre notrediscussionetinterveniràsafaçon.

–Bettina,disàceclientqu’iln’apasd’humour…Outrouveuntruc!JedoisrejoindreCaine!

Jeplantelàmonassistante.EtrejoinsNeilaussitôt.

–MonsieurCaine,pourrions-nousdiscuterdequelquesdétailsdansmonbureau?demandé-jeleplusprofessionnellementpossible.

–Toutdesuite?m’interrogeNeil,toujourssérieux.–S’ilvousplaît.

Neiladécidéd’agirenpro.Trèsbien,jefaisdemême.C’estmonhôteletjedoistoutreprendreenmainavantqueleschosesnem’échappentcomplètement.

À notre arrivée dansmon bureau, les quelques personnes présentes comprennent aussitôt, sansdouteàmatête,qu’ilfautnouslaisserseuls.Jen’attendsmêmepasquelaportesoitferméepourmelancer.

–Est-cequetupeuxm’expliquer?Unechèvre?Jesuissûrequec’esttoi!–Iln’yariendemieuxpourtrouverdulaitfrais…– Je trouve ça drôle…C'est assez inattendu de découvrir une chèvre ici,mais bon…Enfin, le

clientestparti…Bref!Revenonsàcesétages!Jenecomprendspas!– Tu n’as pas eumon «mémo » ?me demandeNeil en s’adossant aumur, un éclair espiègle

passantdanssonregard.J’aidûoublierdetel’envoyer.–Maisjen’aipaslesmoyenspourtoutça!Jenepeuxpastelaisserfaire!J’étaisd’accordpourle

hall,paspourlesétages.–Quiaditquejedemandaisdel’argentpourça?–Ahbon?C’estquoialors?Undon?Unebonneaction?Tupensesquenotresituationest si

désespéréequetutecroisobligéd’enfaireplus?Sic’estça,jet’arrêtetoutdesuite!Jenemarchepascommeça!

–C’estbienlapremièrefoisqu’undemesclientsn’estpassatisfaitdemontravail…continueNeild'untonbadin.Tusaisquetoutlemondemesuitaveuglémentetmefaitconfiancedansmeschoix.

–Maisjenesuispastoutlemonde,Neil.Jeconnaistontalent,etj’aiconsciencedelachancequetu sois là.Mais je pense avoirmonmot à dire sur tes décisions ! Je ne peux pas payer ce que turajoutes!

–Alors paye-moi plus tard, paye-moi au résultat,me lance-t-il en plongeant un regard sombre

danslemien.– Très bien ! Tu rajoutes une nouvelle motivation à mon envie de réussir. Je ne te serai pas

redevable,tuseraspayé!

Mes mains commencent à trembler. Je suis à bout nerveusement, malmenée par la colère quem’inspireNeiletparladéceptionquej’éprouvedepuisqu’ilestarrivé.

–Sijem'occupedetonhôtel,c'estpourquetunefermespasdanssixmoisettu…–Ah!Maintenant,tumejugesincapabledereleverlabarre?–Non,cen’estpascequej’aidit,jepenseque…–Tupensesquenousn’avonspaslepotentielpourréussir,c’estça…

Jebaisse la tête, blessée. Je ne vois pasNeil fondre surmoi. Et quand jem'apprête à parler denouveau, ce sont ses lèvres sur lesmiennesquim’empêchent depoursuivre.Sonbaiser est chaud,violent.Moncorps, lui,n’aquefairedemesétatsd’âme.Ilseréveilleaussitôt, imaginantpeut-êtreunesuiteplussensuellequ’unediscussiondedécoration.

–Jemeursd’enviedefaireçadepuistoutàl’heure,souffleNeilens’écartantlégèrementdemoi.

Neillaissesesmainssurmoncou,sespoucessoutenantmatêtepourquejeleregardedroitdanslesyeux.

–Jen’aiaucundouteencequiconcernetaréussite,Nora.Nevoispasçacommedelapitié,maisplutôtcommeuntravaild’équipe.Jet’apportecequejesaisfaire,àtoilereste.Jeveuxquetuarrivesàtesfins,l’hôtelaunvraipotentiel…etlapatronneaussi!

Cesderniersmotsm’arrachentunsourireetfonts’envolerlapressionquipesaitsurmesépaules.Sesparolesfontmouche.Àpartmesgrands-parents,jamaispersonnenem’aparlédecettefaçon.

Neilm’embrasseànouveauet,détendue,jeluirendssonbaiser.Moiquidésespéraisdenepluslesentir contre moi, je profite de cet instant. Les objets, plans et que sais-je encore posés sur monbureaufinissentausolquandNeilmeporteetmeposedessus.Heureusement,leurchuteestamortieparlamoquette,etnossoupirsparlacirculationdeNewYorkendébutdesoirée.Maiscetteétreintesensuelleestfugace.Neilestappeléetilseglisserapidementhorsdemonbureau.Jeresteseule,surmafaim,àeffacerlestracesdelafouguequinoushabitequandnoussommesseulstouslesdeux.

***

L’équipedeNeilestpartieàlafindesrepérages.Nousavonschoisilecolorisdominant,unesortedebeigeclairquitrancheraradicalementaveclesboiseriessombresactuelles.Cehallseralumineux,maispasfroid…Ceseramagnifique!Jen’aienrevanchepasgagnélapartieàproposdesmiroirs.TouslesassistantsdeNeilm’ontdemandédevoirdirectementavecluipourcesujet.Ilenafaitunehistoirequineconcernequenous….

Alors que Neil s’apprête à quitter les lieux, mes grands-parents entrent justement dans le hall.Quandjefaislesprésentations,jesensmongrand-pèreheureuxdepouvoirenfinserrerlamainde

cethommedontiladmireletravail.Malgrésonemploidutempschargé,Neilprendletempsdeleurexpliquer,brièvement, sesplanspour l’hôtel. Ils écoutent, absorbéspar lediscoursdudesigner.EtquandNeils’enva,ilsserévèlenttrèsenthousiastes.

Neilpartcommeuncourantd’air.Sansmedirequandilreviendra,nimêmes’ilm’appellera.

Jenesaisvraimentpasquoipenserde…decequ’ilsepasseentrenous…

–Cethomme-làconnaîtsonmétier,meglisseMima.Etenplus,ilesttrèscharmant!–C’estvrai…Enfin,jeveuxdire,ilesttrèsprooui.Est-cequetoutvabien?demandé-jeàmes

grands-parentsenlesentraînantverslebar.–Toutvabienpournous,c’esttoiquisemblespréoccupéemachérie,meglisseMimadesavoix

douce.–Nontoutvabien,dis-jeenmedétendant.LeséquipesdeNeilCaineviennentdepartiretc’était

plutôt…intense…– Et ça prend la forme que tu veux ? m’interroge Papy en remerciant le barman venu nous

apporternosverresdevin.–Oui,jepensequenousallonsfairedebelleschoses,maisjeneveuxpastropvousendirepour

lemoment…J’aitellementenviedevousfairelasurprise!– Tu vas pouvoir travailler tranquillement, nous venions t’annoncer Auguste et moi que nous

partonsquelquesjours.–Vouspartez?–TusaiscettepetitemaisondansleNewJersey?Ilfautquenousallionssignerl’actedeventeet

nouscomptionsyresterunpeu,pourcommencerànoushabituer,m’expliquetranquillementPapy.–Mais…Vouspartezlongtemps?Etquand?– Oh non, ne t’inquiète pas, juste trois ou quatre jours, pas plus ! intervient Mima pour me

rassurer.Nousseronsrevenuspourlesfêtes,noustel’avonspromis.– Oui ne t’inquiète pas, tu n’es pas encore complètement débarrassée de nous ! plaisante mon

grand-père.Etpuis,ilfautquetut’habituesàneplusnousavoiraussi.–Jesais…admets-je.Vousallezmemanquer.–Avecletravaildel’hôtel,tunevasmêmepasterendrecomptedenotreabsence,merassurema

grand-mère.

J’aimerais leur dire que je ne veux pas qu’ils partent, ni pour quelques jours, ni jamais.Qu’ilsrestentavecmoi,toujours.Quesanseux,jevaismeretrouverseule.Qu’ilssonttoutemavie.Maisjefaistairelapetitefilleenmoi.Jenesuisplusuneenfant.

J’oriente la discussion sur les travaux prochains, essaie demontrer de l’enthousiasme. Ils sontintéressés, curieux. Je leur explique et leur propose d’organiser une entrevue avecNeil pour leurpermettredediscuterensemble.

Jeferaiçadèsleurretour!EtdèsqueNeilmedonneraànouveausignedevie!

Mesgrands-parentsmelaissentenm’embrassant tendrement.Etmepromettentdevenirmevoiravantleurdépart,lesurlendemain.Jelesregarderepartir,brasdessus,brasdessous.Etjesouris.Jelesaimeterriblement.

Jemerappellemapromessed’envoyerdesnouvellesàFlore.Assiseàmonbureau,sirotantmonverredevin,jeluiécrisunrapidemail,mesdernièresrencontresavecNeil,entrelégèrementdanslesdétailsdecettepremièrenuitensemble.C’estmameilleureamieaprèstout,jepeuxmeconfieràelle.Jeluiparleaussidesprojetsdemesgrands-parents,del’hôtel.Alorsquejesuisplongéedansma rédaction, quelqu’un frappe à la porte demon bureau.C’est un livreur,m’apportant un paquetassezénorme.

Je le déballe, surprise. Je découvre un tabouret design, en bois laqué blanc, aux lignesparticulièrement originales. Et un mot : « J’ai pensé à toi en le voyant. Pour te réconcilier avecl’objet.Tuverras,ilnetelaisserapastomber.»

Je suis touchéede l’attention, amusée aussi.Neil est décidément quelqu’unde très déconcertant,pleindesurprises.Commentest-cequejepourraisleremercier?

[Jevaistenterd’enterrerlahachedeguerreavecl’objet.Tuferaisunbondiplomate.Nora]

***

Jem’octroieunepetitesoiréecocooningchezmoidansmoncanapé,enpyjamatroplargemaisconfortable.Plaidsur lesgenoux, tassedechocolatchauddansunemainetbiscuitsauchocolatdel’autre, je zappe sur les chaînes télé.Monordinateurportable, àmes côtés sur le canapé, semet àsonner.LafenêtreSkypedeFloreclignote:

«Mets-toisurlachaîneinfo!Toutdesuite!»

Qu’est-cequisepasse?

Jem’exécuteetmanquedelâchermatassequandj’aperçoislenomdeNeil.Jen’encroispasmesyeux!JelissurlebandeauqueNeilCaines’estfaitarrêterparlapoliceàPhiladelphie.

Neils’estfaitarrêter?

J’attendsunpeu,espérantavoirplusd’informations.Jen’enrevienspas.Neil,arrêté?Encoreunedesesfrasques?Lajournalisteapporteenfinquelquesprécisions:

«Le designerNeilCaine a été arrêté ce soir par les autorités de Philadelphie. Il aurait agresséverbalementlemairedelaville,peut-êtresousl’emprisedel’alcool.Nousneconnaissonspasencorelesdétailsdecetteagression.»

Aussitôt,Florem’appelleetjedémarreladiscussionaudio.

–Tuasentenduça?medemande-t-elle.–Oui…Maistusais,lapressepeutracontern’importequoi…Ceneseraitpaslapremièrefois…–Commeceneseraitpaslapremièrefoisquetondesignerfaitn’importequoi!–Ilétaitplutôtcalmecetaprès-midi…pensé-jetouthaut.

Je guette de nouvelles informations sur l’écran de la télévision mais le bandeau répète

inlassablementlamêmephrase.Neilestarrêté…

–Flore,jetelaisse,bonnenuit.–Bonnenuit!Ettiens-moiaucourantsituasdesinfosdesapart!

Jen’aipaseuenviede fairedurer ladiscussion.Neil, ivre?J’ai tellementdemalà lecroire…Maisilestréputépouragirdecettefaçon…QuiestlevraiNeilentreceluiquej’airencontréetceluiquicumulelesfrasques,cherchelaprovocation?

Jeneconnaisriendelui.Jesuisattiréeparl’hommeleplusmystérieuxdelaTerre,sansdouteleplusdifficileàcerner.Est-cequ’unehistoireestpossibleavecuntypecommelui?Est-cequejenedevraispasmefaireuneraison,luttercontrecetteattirance?

Jenesaispas…Jenesaisplus…Jesuisexténuée.

Je pose tout, éteins la télé. Je ne veux pas tomber dans les travers des médias et des infossensationnelles.Jemeursd’enviedeluienvoyerunmessage,desavoircequ’ilenestvraiment.Maisàquoibon?SiNeilavraimentétéarrêté,ilnepourrapasrépondre…J’attendraidemain,lanuitmeporteraconseil.

***

Lesvibrationsdemontéléphonemetirentdusommeil.J’émergedoucement,nerépondspastoutdesuite.J’aicrurêvermaisilrecommenceaussitôtàvibrer.L’arrestationdeNeilmerevient.

C’estpeut-êtreluiquim’appellepourmerassurer?

J’essaied’extirper unbrasdemon lit et cherche à tâtons.Le téléphone s’arrête.Pour reprendreaussitôt.

Quiquecesoit,cettepersonneestbieninsistante.

Jefinispardécrocheretmavoixprononceun«Allô?»toutensommeillé.Jen'aipasfaitattentionaunuméromaisjereconnaislavoixaffolée.C’estBettina!

–Nora!Nora!– Bettina ? Qu’est-ce qui se passe ? demandé-je en me redressant dans mon lit, complètement

réveillée.–OhNorac’est…c’est…–Calme-toiBettina,raconte-moi!

J’entendsBettinarespirerfortetj’aidumalàsavoirsiellepleure.Jedéglutisdifficilement,monventresecrispe.

–Bettina?!–Nora…Tesgrands-parents…OhmonDieu!

Àsuivre,nemanquezpasleprochainépisode.

Egalementdisponible:

Insupportable...maisàtomber!-2

Noran’aque24ansmaissesgrands-parentsluiontdéjàconfiélaresponsabilitédeleurhôtelnew-yorkais.Àlatêted’unétablissementaussiprestigieuxquedélabré,ellesebatentrelesclientscapricieuxetlesfacturesàpayer.Riendebienexcitantjusqu’aujouroùellerencontreNeilCaine,LEdesignerquetoutlemondes’arrachepoursacréativité…maisdonttoutlemonderedoutelesfrasques!Leurrelationserapleinedesurprises,depassion...etdetensionsentousgenres.

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Mars2016

ISBN9791025730485