Download - Rejoignez les Editions Addictives sur les réseaux …ekladata.com/A85j0Czz6obsjy3oACFvz6H363k/Call_me_Baby_-_volum… · Et la jeune femme va ... Un univers merveilleux s'offre alors

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MrFireetmoi-l’intégrale

Aprèssixmoisàtravaillercommeréceptionnistedansunluxueuxhôtelnew-yorkais,l’heurederentreràParisasonnépourlajolieJuliaBelmont.MaissarencontreavecDanielWietermann,aliasMisterFire,vatoutremettreenquestion.Ceflamboyantmultimilliardairehéritierd’unegrandemarquedejoaillerieéveilleimmédiatementenelleundésirfoudroyant.Etlajeunefemmevaassouvirsesfantasmeslesplusfousdansunetornadedesensualitébrûlante.Maisfréquenterunmilliardairecomportebiendesrevers…etl’euphorieestpeut-êtredecourtedurée…Quelsdémonshantentl’insaisissableDanielWietermann?Quelssecretssecachentderrièrelesmursdesonlugubrechâteaufamilial?Etsurtout,quienveutaujeunecoupleaupointdefairecoulerlesang?Tiraillésentresecretsdefamille,révélationstroublantesetjalousieinsidieuse,lesdeuxamantspassionnésvontdevoirlutterpourfairetriompherleuramour.***Cetteintégralecollectorvousdévoiledesscènesinéditesetétonnantesquiapportentunéclairagenouveausurlesprincipauxpersonnagesdelasaga.Unlivred’unesensualitéàcouperlesouffle,quivousferaoublierCinquanteNuancesdeGrey!

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«Personneneviendranousdéranger.Rienquetoietmoi.Tunesaisriendemoi,Anna,maisj'aicomprisqu’ilfallaitquejetedisequijesuisetquelleestmavie,sijeveuxavoirunechancederentrerdanslatienne.»JusteavantdequitterlaFrancepourcommencerunenouvellevieàNewYork,AnnaClaudel,25ans,faitlaconnaissancedeDaytonReeves,leguitaristed'ungroupederock.Attractionanimale,attirancemagnétique…lesdeuxjeunesgensseretrouventbienviteentraînésdansunespiraledesentimentsetd'émotions.QuandAnnaréalisequ'ellenesaitfinalementpasgrand-chosedeDayton,intriguéeparsontraindevieluxueux,sesmystérieusesabsencesetsessilencesinexpliqués,ilestdéjàtroptard…EtsiDaytonn'étaitpasceluiqu'ilprétendaitêtre?LaissezvousentraînerdanslanouvellesériedeLisaSwann,auteuredePossédée,quiadéjàconquisdesmilliersdelecteurs!

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EmmaGreen

CALLMEBABY

Volume4

1.Nouvellesrésolutions

Lemoisd’octobreéquivautàtroischosesàLondres:lesparcsverdoyantsetbondésdurantl’étéadoptent des nuances cuivrées et n’attirent plus grandmonde.Les fashionistas étrennent enfin leurgarde-robed’hiver–maisnedélaissentpaspourautant lescouleurscriardesetmotifs farfelus.Lagrisailledevientquotidienne,parfoisaccompagnéed’aversesviolentesoud’uncrachinmonotone–quis’obstine,goutteletteaprèsgouttelette,àfoutreenl’airvotreBrushing.

Quatrièmeparticularité:lesamoursd’étéontfaitleurtempsetlescœurssontenmiettes.

Enfin,encequimeconcerne.

Maisjenedevraispeut-êtrepasenfaireunegénéralité…

LaconfrontationMathias–Emmettaétééprouvante.Et lesilencedemoncolosseblondn’afaitqu’empirer leschoses.Lorsqueje l’ai interrogé–supplié–duregard, j’aurais justeaiméavoirunsignedesapart.Qu’illâcheunmot.Unseul.Qu’ilfasseungestedansmadirection.Qu’ilarrachelescheveuxprétentieuxdemonpirecauchemar,unparun,sousmesyeux.Maispeut-êtredemandais-jelalune.

Unechoseestsûre:iln’estpasallémeladécrocher…

Jenel’aipasrecroisédepuiscettescèneahurissante–oùjetenaislerôleprincipaldecetriangleplusoumoins amoureux.Connorm’a raconté l’acte final, le lendemain.Apparemment,monex etmon amant ont tenudesmots très durs l’un envers l’autre, il a très peu été questiondemoi, puis,n’ayant plus d’autre choix, Mathias a pris la sortie. Lorsque j’ai regagné la townhouse quelquesheuresplustard–aprèsm’êtreconfiéeàmajumelle–lamaisondormaitetEmmettnes’ytrouvaitplus.Lendemain,pareil:aucunsignedeLordRochester.Etce,jusqu’àmondépartenweek-end.

Quedois-jeenconclure?

ÀpartquecesaloparddeMathiasapeut-êtretoutgâché…

***

QuitterLondres,laisserlesespritss’apaiserpendantdeuxjours,peut-êtreluimanqueretmefairepardonner:c’est toutcequej’ai trouvé.Unplanmanigancéàladernièreminuteetdont l’issueesttrèsincertaine.Maisilparaîtquel’espoirfaitvivre.

Vendredisoir,Joe,JasperetmoiavonsprisletrainàlagaredeCharingCross,directionleKent,« le jardin de l’Angleterre ». Le Crazy Monkey est encore en travaux, ses portes jaunes restentferméesjusqu’ànouvelordre.Mesdeuxcolocatairesontdoncdécidédem’accompagnerpourcetteéchappée belle. Après tout, ils jouissent rarement de leur liberté pendant les week-ends et l’airlondonienest toxique,cesdernierstemps.«SurtoutducôtédeMayfair»,asubtilementpréciséma

jumelle.

Quarante-cinqminutesdetrain:c’esttoutcequ’ilafallupouratterrirdanscejoyaudeverdureetdetranquillité.Aprèsunenuitpasséedansuncottagecharmant–etunechassenocturneauxaraignées–, mes deux compères et moi sommes réveillés par le chant des oiseaux. Une demi-douzaine descones à lamarmelade plus tard,ma sœur est enfin prête à affronter lemonde extérieur – et ses«bestiolesgrouillantes»,dit-elle.

Lacampagne,lesanimaux,lavierudimentaire,cen’estpassontruc.

JoséphineMerlin:uneprincessequis’ignore…

Après un intense débat – tandemou triplette –, nous enfourchons finalement chacun un vélo delocationetpartonsàlarencontredeMèreNature.Cecontrasted’environnementmefaitunbienfou,j’en oublie mes nœuds à l’estomac pendant quelques heures. Ici, le soleil tente encore de fairequelquespercéesetl’oxygènequiemplitmespoumonsnesentnilegazd’échappement,nilapuréedecarottes,nilesparfumsécœurantsdesdamesdelahaute.Ici,toutaunsens.

Saufsonabsence…

Nouspédalonsàunbonrythme,surlespetitesroutesetàtraverslesvergers,ennousarrêtantàchaque carrefour pour contempler les environs – et pour laisser le temps à Joe de reprendre sonsouffle.

–Leseffetsdeschipsetdubeurredecacahuète…blagueJasperenvoyantsesjouesécarlates.–Etdesheurespasséessurlecanapé!ris-jeenluitendantunebouteilled’eau.Cecorpsparfait,tu

neleméritespas,mollusque!–Çava,VéroniqueetDavina,soupire-t-elle.Jenemeridiculisepasàcourirsurplacesuruntapis

de course, moi ! Ou à me pointer au cours de Gym Tonic en collants fluo ! Je fais du sport dechambreetcroyez-moi,c’estlemeilleurcardioquiexiste!

–Lapreuveendirect…ricanelehipster.–J’aitropmangéaupetit-dej,c’esttout!Vousverrezdansuneheure,jeseraiàcinqbornesdevant

vous ! nous balance la reine de la mauvaise foi en repartant à toute bombe… pour s’étaler dansl’herbeàlapremièrebosse.

–Quellemerdecetruc!enrage-t-ellealorsquejel’aideàserelever.

Notrebalade reprend, agrémentéede commentaires inutiles, deblagues, de rires, de complicité.Nous ralentissons graduellement le rythme, nos cuisses commençant à chauffer, et Joe s’amuse ànousdépasser–enlevantsesdeuxmainsduguidon,jusqu’àl’inévitablechute.Six,depuisledébutdecette escapade.LorsqueMissCatastrophedaigne se tenir tranquille, j’observe labeautépaisibledupaysage,lescouleurschangeantesetlescurieusesfermesauxtourscoifféesdetoitspointuscommedeschapeauxdefées.Jasperm’expliquequecesontenfaitd'anciensséchoirsàhoublon,aujourd'huitransformésencountryhousestrèsprisées.

Àlahaltesuivante–celledudéjeuner–,nousattachonsnosdestriersdeferàunpoteauquijouxtel’auberge-restaurantcroiséeparhasard.Aprèss’êtrepincéeaveclecadenas,Joemesouffle,àvoix

basse:

–Aumoins,jet’aifaitrire,non?

Etlà,jecomprends.Etjel’aimepuissancemille.

–C’estpourçaquetujouesà lacascadeusedepuiscematin?m’écrié-jeenlaserrantdansmesbras.Tufaisleclownpourmefaireoubliercequim’attendàLondres?

–C’estlebutdeceweek-endenmilieuhostile,non?sourit-elleencoin.–Joe,tun’espasobligéedetebrisertouslesospourmoi…–Tantmieux,parcequepourêtrehonnête,monculnesupporterapasuneseulechutedeplus.Je

nesaismêmepassijevaisréussiràm’asseoir…–Tuasbientenusurtaselle…–Ilétaitanesthésiéjusque-là,grimace-t-elleenagitantl’arrière-train.–Bon,PollyetPocket,onvapicoleroubien?apparaîtsoudainlatêtebarbuedeJasper,aucoindu

vieuxbâtimentdebrique.–Unemoussebrunepourmoi,luicommandeillicomajumelle.Unegrenadineàl’eaupourSid!

Etsanssucres,lagrenadine!Ilfautqu’ellepuisserentrerdanssescollantsfluo!semarre-t-ellealorsquejeluiclaquelafesse.

Lajournéeestfinalementpasséeplusvitequejenelepensais.Mesdeuxacolytesontusédetousles stratagèmes pour me divertir : bonne bouffe, alcool, cascades, duel de devinettes, Time’s Up,chamailleriesetblaguessalaces.

Lesoirvenu,nousavonsregagnénospénates,leventrebienplein,lesjambescourbaturéesetlesjouesrosiesparcetteexcursionaugrandair.Surl’écrandelapetitetélé,lesimagesdeBreakfastatTiffany’snousontbercés.Jaspers’estendormiauboutdequelquesminutes,Joeetmoi–serréesdanslemêmelit–n’avonspastenubeaucouppluslongtemps…

***

–Tuessûrequetuveuxyretourner?Quetuesprête?medemandeJoepourladouzièmefoisendeuxminutes,dansnotreappartementplongédansl’obscurité.

Lundimatin,6h30.Majumellem’esttombéedessusparsurprise,àlasortiedelasalledebains.Lesyeuxcernésparlafatigue,danssontee-shirtquiexposesonnombriletsonshortyquiluimoulelefessier–parfait–,ellemeregardefermermaminusculevalise.

–Évidemmentquej’yretourne,grommelé-je.Jen’aipasfaitunecroixsurmonjob…etencoremoinssurEmmett.Vaterecoucher,Joe.

–Tuvasluiparler?–Non,jevaisattendrequeçaviennedelui.Jeneveuxpaslebrusquer.Pasleperdre.

J’observe ma sœur pendant quelques secondes, m’attendant à une phrase assassine ou uneremarqueméprisante.Ellesetait.Sesyeuxn’exprimentrien,sicen’estdelacompassion.

–Tunemetraitespasdefaiblefemme?souris-jetristement.–Non.Àmoinsquecesoitcedonttuasbesoin…–Non,toutcedontj’aibesoin,c’estd’arrêterdepleurnicher.Derespecternotreaccord.Emmett

veutunerelationsecrète,exclusiveetsanspromessequelconque:ill’aura.Messentimentsvonttoutfairefoirersijecontinue,alorsjevaislesignoreretmecontenterdecequ’ilm’offre.

–Hmm…–Tuteretiensdeledescendre,c’estça?

Joefroncelessourcils,puishochelatête.J’aivujuste.

–Et…Mathias?murmure-t-elle,d’unevoixgraveetunpeuhésitante.–Jevaislerencontrerànouveau.Ceseraladernièrefois.Ilvadevoircomprendreques’ilneme

lâchepasunebonnefoispourtoutes,ilauraaffaireauxflics.JesuisvenueàLondrespourlefuir,jenelelaisseraipasmeharceler.J’aichangéetjecomptebienluiprouver!

– Sidonie Merlin, Angry Nanny ! se marre ma jumelle en m’accompagnant jusqu’à la ported’entrée.Tusaisoùjesuis,tusaisoùmejoindre,jeveuxtoutsavoir.Etjevaismeremettreàlaboxe.Justeaucasoùtuauraisbesoind’unback-up!

MillionDollarBaby,c’estelle.

Quaranteminutesplustard,jesuisaccueillieparunmajordomesouriantetuneBirdiegrognon–etterriblementmatinale.

–Elle hurlait dans son lit,MrRochesterme l’a confiée le temps de se préparer,m’explique ledouxgéanteninstallantlemonstredanssachaisehaute.

–MerciConnor, je prends le relais, souris-je enme lançant dans la préparationdubiberon.Leweek-ends’estbienpassé?

–Rienàsignaler.Lepatrons’estoccupédesonpetitdémonetMrMontgomeryestvenudîner.Pasdevisited’intrus.NideMissCamilla,rit-ildoucementenm’adressantunclind’œil.

Mathiasn’estpasrevenurôderdanslesparages…

–Faitesqueçadure…soupiré-je alorsqueConnor s’échappepour retourner à sesoccupationsd’hommeàtoutfaire.

Le biberon est englouti en quelquesminutes. Pareil pour le fromage blanc vanillé et le biscuitchocolaté.Apparemment,avoir lebidonbienrempliaredonné lesourireàmapetiteprotégée,quimetendlesbrasencriant«câlin!».

Siseulementc’étaitaussisimpleavecleshommes…

Unenparticulier…

Majambedroitebatlamesure,mesgestessontapproximatifs,monpoulsdeplusenplusrapide.Jesaisquelemomentcrucialapproche.Qu’Emmettnevapastarderàfairesonentréedanscettecuisinepour me saluer – ou m’ignorer – et embrasser sa fille. Impression d’être revenue trois mois enarrière.

–J’aieupeurquetunereviennespas…murmureunevoixrauque,dansmondos.

Il est là, planté à seulement quelquesmètres, dans son costume griffé fraîchement repassé. Sesyeux sombres m’observent, ses lèvres sont légèrement entrouvertes, son corps me semble plusimpressionnantquejamais.

–Jesuislà,dis-jebêtement,fautedemieux.–Jevoisça,sourit-ilencoin,avantd’avancerverssafille.

Il sepenche sur elle–me laissant tout le loisird’admirer son fessiermusclé,malheureusementemprisonnédanscepantalonnoir–,luisusurrequelquesmots,l’embrasseenlafaisantglousser,puislaprenddanssesbras.Ilsedirigeensuiteverslesalon,enmefaisantsignedelesuivre.Jem'exécuteetl'observealorsqu'ilposelarouquinesurletapis,enluitendantunlivresonore.

–Tuvasbien?medemande-t-il,enmeprenantparlamain,pourm'emmeneràl'écart.

Directionlecouloir.D'ici,Emmettpeutgarderunœilsursafille,sansquecelle-cinenousvoie.Jenepeuxm'empêcherde leboufferdesyeux.Sonvisage semblemoins tenduquequelquesminutesauparavant, son regard plus serein. Mais il est toujours aussi insolemment beau. Comme si soncharisme,sonmagnétismenesuffisaientpas.Jetentedelesignorer,maistousmessenssontàl’affût.

–Oui,jecrois,soufflé-jeenfin.

Nepascriervictoiretropvite.Lecas«Mathias»n’apasencoreétéabordé.Rienn’estréglé…

–Ilneremettrapaslespiedsici,jepeuxtelejurer,lâchesoudainEmmett,lamâchoirecrispée.–Jesuisdésolée,jenesavaispasqu’ildébarqueraitcommeça.Sij’avaispul’enempêcher…–Net’excusepas,Sidonie,mecoupe-t-ilenreplaçantl’unedemesmèchesrebellesderrièremon

oreille.

Jefrissonneàcesimplecontact.Soudain,cetteproximitémemonteàlatête.Lorsqu’ilreprendlaparole,jenevoisplusqueseslèvres.Seslèvresavides,exquises,qu’ilmetarded’embrasser…

– J’aurais dû intervenir,murmure-t-il. J’aurais dû lui répondremoi-même d’aller au diable. Lefoutredehorsavantqu’ilpuissecrachersonvenin.

–Tum’asdéfendue,quandilaposélamainsurmoi…–Samain,j’auraisdûlabroyer…grogne-t-il,soudainhabitéparuneforcesombre.–Emmett,l’arrêté-jeenposantmapaumeàplatsursontorse.Jen’aipasàtemêleràtoutça.Je

sais où est ma place. Je sais ce que nous sommes, toi et moi. Juste du fun, de la douceur, de lalégèreté.Tun’aspasàmeprotéger,pasàpayerpourmeserreurspassées.Jeneveuxplusparlerdelui,jeneveuxpluspolluercequ’ona.Restons-enlà.

Sespupillesnoiresmefixentintensément.CommesiEmmettcherchaitàsavoirsijesuissérieuseounon.Sitoutcequejeviensdedire,jelepensevraiment.Jel’ignoremoi-même,jecrois,maislaquestionn’estpaslà.Àcetinstant,j’aienviequetoutredeviennesimple.Queluietmoi,cesoitjusteça:uneaventuresecrète,torrideetexaltante.

Monmilliardaire s’apprête à protester, je bondis en avant et plaquemes lèvres sur les siennes.Aussitôt,sesmainsglissentjusqu’àmoncou,emprisonnentmonvisage,soncorpsseplaquecontremeshanchesetm’emmènejusqu’aumur.Ànouveau,jesuissaprisonnière.Ànouveau,jemeperdsdansseseffluvesvirils,aucontactdesabouchedevelours,sousl’emprisedesalanguedivine.

–Àcesoir,Baby…susurre-t-ilentremeslèvres,avantdemequitterpourallerfaireflamberlesmarchésfinanciersdeLaCity.

Sondernierregardétaitbrillant.Brûlant.Pleindepromesses…

***

Ilmeresteàaccomplirunemissiondelaplushauteimportance.Àl’issued’unéchangedemails–froiddemoncôté,ambigudusien–,Mathiasaacceptédemerencontrerenmilieudesemaine.Lejourdit, jeprofitedudébutdesoiréesansBirdie–elleestalléerendrevisiteàsonparrain–pourm’échapperuneheuredelatownhouseetlerejoindredansuncafé,toutprèsdeMayfair.

MarelationavecEmmettétantaubeaufixe,j’aiprissoindeleprévenir.Ungrandpaspourmoi,quisuisdevenueallergiqueaufaitderendredescomptes–depuisMathias.Rochesterm’aregardéedroitdanslesyeux,avectoutel’intensitéquilecaractérise,puiss’estcontentédemetrouverungardedu corps. Voilà pourquoi je me ramène au lieu de rendez-vous avec Johnson, une montagne demusclesmesurantplusdedeuxmètres.

–Tuasbienchoisil’endroit,ironisé-jeenm’asseyantenfacedemonex.Cecaféloungeestaussiprétentieuxquetoi.

Tout est horsdeprix et agresse lesyeux, ici.Lesboissons, lesmurs, lemobilier, les serveusesrefaitesdelatêteauxpieds.

–Tonamineveutpassejoindreànous?souritl’écrivaindepacotille.Tonmilliardairen’apaspusedéplacer,doncilaenvoyél’undeseschiensdegarde?

–Mathias…grondé-jeenmeretournantpourfaireunpetitsigneàJohnson,installéenterrasse.Ilaétébiendressé:situmetouchesneserait-cequed’undoigt,iltedémonte.

Monpetitsouriremalveillantnesemblepasbeaucoupplaireaudandyquiseraidit,toutàcoup.

–Jet’aicommandéduPommery,murmure-t-il.–Jenesuispasvenuepourtabellegueuleoutonchampagneetjen’accepteraiplusrienvenantde

toi,sifflé-jeentremesdents,enmepenchantverslui.Jevaisêtretrèsclaireetceseraladernièrefois,Mathias.Approche-moiuneseulefoisdeplusetj’appellelesflics.Testentativesd’intimidation,tesjugements,tesnévroses,c’estterminé.Sorsdemavie.Pourdebon.

–Lesflics?Tucroisvraimentquetumefaispeur?Ilsteprendrontpourunefolle…–Pourquoi?Parcequejeseraislaseuleàoserm’attaqueraugrandetrenomméMathiasPrévost?

Taréputation,c’estduvent!Tun’espaslegrandhommequetoutlemondecroit,bienaucontraire.Tu n’es qu’un minuscule insecte, un immonde cafard que je rêverais d’écraser du bout de masemelle!

–Ducalme, chérie…ricane-t-il en tendant lamainversmoi.Tonmilliardairenonplusn’apasréussiàtedompter…

Jemelèved’unbonetfaissigneàJohnsondenepasintervenir.

–Justement,j’aibeautravaillerpourlui,êtreson«inférieure»commetuledis,ilmerespecte!Etilpourraittecasserendeuxd’unsimpleregard,grondé-jeenfixantmonex.

–Travailler?C’estunbiengrandmot…lâche-t-ild’unevoixacide.–Jesuislibre,Mathias.C’estça,ladifférence,aujourd’hui.NoussommesàLondres,pasàParis.

Situt’enprendsàmoi,tut’enprendsàlui.Etjusque-là,tousceuxquiontessayéyontlaisséleursdents…ettoutlereste.EmmettRochesterestunhommerespecté.Comparéàlui,tuesinsignifiant,tun’asrien.Aucunpouvoir.Aucuneinfluence.Nejouepasaveclefeu.Ilnetelaisseraplusjamaismefairedumal.Riennipersonneneluirésiste.

Sonairrenfrognéconfirmecequej’espérais:ilneprendpasmesmenacesàlalégère.Jeluijetteun dernier regard – le plus dédaigneux demon répertoire – et fais demi-tour pour quitter ce lieuchargéd’ondesexplosives.

–Tucroisquec’estterminé,Sidonie?Cen’estjamaisvraimentterminé!ritMathiasPrévost,desavoixdémoniaque,alorsquejem’éloigneàgrandspas,persuadéed’avoirétéentendue.

L’argumentRochester.Lemeilleurquejeconnaisse…

Vingtminutesplustard,jeremerciechaleureusementJohnsonetfranchisleseuildelatownhouse.J’assisteimmédiatementàunesortedebranle-basdecombatfrénétique.Emmettfaitlescentpasdanslecouloir,untéléphonevissésurchaqueoreille.Connorfaitdeslistes,arpentantpièceaprèspièce.Birdie–quidevraitêtrecouchée–s’amuseàréduireenmorceauxlespagesd’unmagazinefinancier,assisesurletapisdusalon.

Finalement,ma présence est détectée, lemaître des lieux balance ses smartphones etme rejointdansl'entrée.Aprèsunrapidebaiser,monblondténébreuxsembleserappelerd’oùjeviens:

–Alors?Tuluiasfaitsafête?medemande-t-il,unlégersourireaucoindeslèvres.–Ouais, tu aurais vu les pains que je lui aimis ! ris-je en faisant tournoyermes petits poings.

Johnsonaproposédem’embaucher!– Tu crois qu’il a compris ? grognemonmilliardaire, plus sérieusement.Qu’il va te foutre la

paix?–Oui,jecroisquelegrandméchantEmmettRochesterluifaitpeur…murmuré-jeenl’entourant

demesbraspourl’embrasser.

Ses lèvreschaudes se frottentdélicieusementcontre lesmiennes,puis sa langues’introduitdansmaboucheetjelâcheungémissementdeplaisir.

–Treizeheures!Ilsarriventdanstreizeheures!s’écrieConnor,auloin.

Emmettromptnotrebaiseretsonregardpourtantsilumineuxsevoile,justeuninstant.

–Quiarriventdanstreizeheures?demandé-je.–Lesgrands-parentsdeBirdie,soupire-t-il.

LesparentsdeRobyn…

–Ilssontsiatrocesqueça?plaisanté-jeenentendantlemajordomepaniquercrescendo.–Non.Ilssontpires…avoueEmmettd’unevoixblême,enpassantlamaindanssescheveux.

Ok…

–D’ailleurs, Sidonie, pendant tout leur séjour, pas de jeux entre nous, pas de baisers volés, derendez-voussecrets.Rien.Tuesunenanny,point.

Jedevraissûrementmalleprendre,maisjemecontented’acquiescer.Jelisdanslesyeuxdecethommeque j’admire,que jerespecteprofondément,quecesgensreprésententsonpirecauchemar.Qu’ilsvontrouvrirsablessurequiamistantdetempsàserefermer.

Jem’apprêteàrencontrerlesvieuxdémonsd’EmmettRochester.

2.Hello,Goodbye

BethetJohnWillssontdesspécimensàpart.

Peut-être est-ce parce que je n’ai pas eu la « chance » de grandir dans une vieille famillearistocratiqueanglaise,ouparcequemesgrands-parentsn’étaientqu’amouretsouriresbienveillants,maisdepuisleurarrivée,jeneparvienstoujourspasàm’yfaire.

Johnestimmense,unpeuvoûté,presquechauve,maisconserveuneprestancenaturellequilerendagréable à regarder. Uniquement à regarder. Parce que John Wills est surtout froid, autoritaire,impatientetnelaisseaucuneémotiontransparaîtresursonvisage.

Elizabethestpetite,menueetstrictementpomponnée.Sescheveuxrouxsontretenusenarrièreparunelargebarrette.Sesyeux–planquésderrièreseslunettes–sepromènentpartout,surtoutlàoùilnefaudraitpas.ElleatoutdelaLadyhautaineetméprisante,quivoussnobeavantmêmed’avoirposélesyeuxsurvous.Sonpointfaible:sacuriositémaladive,quil’obligeàfairepreuved’intérêtpourvotrepersonne,aussimisérablesoit-elleselonsescritères.Sapetitemouedésapprobatricenequittepasseslèvres,sauflorsqu’unrare–trèsrare–souriredéformesestraits.Ensixheures,cemiraclenes’estproduitquedeuxfois.

–Vousavezamenélesoleilavecvous,entends-jeEmmettplaisanterd’unevoixcoincée,àl’autreboutdusalon.Peut-êtreaimeriez-vousprendrelethésurlaterrasse?

Bethleregarded’unairpincéetrefusesaproposition.Peut-êtrequesapeaudecirefondausoleil.Ou qu’elle n’apprécie pas ce qu’elle voit. Les cheveux cendrés en bataille de son gendre ? Sesmusclesquijaillissentsoussonpologriffé?Sonregardmagnétiquequimeréchauffeàchaquefoisque je le croise ? Son sourire hésitant, qui tente de ne pas s’effacer malgré les remarquesmalintentionnéesdesesinvités?Peuimportecequ’elleluireproche,cettevieillechouetteestfolle.Cethommeestirréprochable.

Ilmeparaîtplusjeune,toutàcoup.Plusfragile.

Lespectacleauquelj’assiste–Connorn’enratepasunemiette,luinonplus–n’estpascommun.MrRochester,quiapourtant l’habitudededonner lesordresetdese faireservir, seplieenquatrepourcesgensquiluiadressentàpeinelaparoleetleregardentdetravers.Àlesvoirsecomporterainsi,jedevinequ’ilsn’ontpasbeaucoupd’affection,nid’estimepourlemilliardaire.Ouqu’ilsluireprochentquelquechose.Quelquechosedegrave.D’impardonnable.

Unesordidehistoiredefamille?

–Nanny,venezparici,m’ordonne-t-ellesoudainenfaisantclaquersalangue.

Jem’exécutesansattendre,dansunsoucidebienfaire.

–Avecmapetite-fille, celavade soi ! lève-t-elle lesyeuxauciel enmevoyant fairedemi-tourpoursouleverlarouquinedusol.Vousn’êtespasallélachercheràCambridge,celle-là,murmure-t-elleendirectiond’Emmett.

Calme.Zen.Silence.

Onnerépondpasinsolemmentàunevieilleharpie,Sidonie…

Mêmesiellel’abiencherché.

Jem’assiedssurlefauteuilquiluifaitfaceetluitendsl’enfant,quin’apasl’airravid’êtrejetéedans la gueule du loup. Chose surprenante : la grand-mère semble déstabilisée, tout à coup. Sonmasquederigueurs’étiole.Ellebredouillequelquesmots,puisrefusepresquepolimentle«paquet»en me demandant de le garder dans mes bras. Birdie s’en félicite en tapant dans ses mains.Apparemment,cesdeux-lànesesontpasencoreapprivoisées.Ellessemblentàpeineseconnaître…

–Cette enfant ressembledeplus enplus à sonpère, soupire laLady en s’adressant à sonmari,assisàquelquesmètresetcachéderrièreTheGuardian.

–Hmmhmm…rétorque-t-ildistraitement.

Birdiecommenceàs’agiter,jelaposeparterre,ellefonceenbabillantjusqu’auxjambesdesonpère,quis’estdélibérémentpostéunpeuàl’écart.

–Ilseraittempsdeluiapprendreànepasinterrompreunediscussionentreadultes,siffleBeth,enfusillantduregardlecoupableidéal–Emmett,quid’autre?

– Elle est excitée par votre venue, c’est touchant vous ne trouvez pas ? tenté-je de la défendre,d’unevoixfausse.

– Un mot poli, un sourire, voilà qui est amplement suffisant. Nul besoin de s’égosiller pourmontrer sa joie, riposte-t-elleenme faisant taired’ungestede lamain.D’ailleurs, son langagenem’apasl’airtrèsavancé,continue-t-elle,d’unemineeffarée.

– Son vocabulaire évolue chaque jour, sa diction également. Et Miss Merlin lui apprend lefrançais,argumenteEmmett,ens’asseyantsuruncanapé–leplusloinpossibledelamarâtre.

Ilnesupportepasqu’oncritiquesafille.PapaOursisback…

Jenepeuxm’empêcherdesourirefièrementenlevoyantchangerdevisage.Dedéfenseur,ilestdevenuattaquant.

– Peut-être gagnerait-elle à nous voir plus souvent… s’obstineMrs.Wills sur un ton aigre, enignorantplatementlesréponsesdemonamant.

– Beth, la porte est toujours ouverte. Vous pouvez venir voir votre petite-fille quand bon voussembleetvouslesavezpertinemment,siffle-t-ild’unevoixabrupte.

John–quiaprobablementressenti lefroidpolairequisoufflaitdanslatownhouse–lèvelatêtedégarniedesonjournaletsoutientleregardfarouchedesongendre.Siunregardpouvaittuer…jenesaislequeldesdeuxtomberaitenpremier.

***

Jeviensdem’échapperaprèsdeuxinterminablesheuresdetorture.J’ignoraispourquoiMrs.Willsm’avaitconviéeaudîner.Moi,unesimplenanny.L’employée.Désormais,jelesais:enm’attirantàsatable,elleaeutoutleloisirdem’interroger,m’analyser,medisséquer.Emmettn’apasbronché,soulagédenepasêtreaucentredesdébats,maisilm’adiscrètementcouvéedesyeuxetjelesavaisprêtàintervenirenmadéfense.Bilandescourses:iln’apaseubesoind’étranglersabelle-mère,j’aisurvécu.Dejustesse.

Jerespireenfinlorsquejeretrouvemonalliédechocàlacuisine,entraind’essuyerlavaissellepropre. En voyantmes yeux révulsés, Connorme lance un sourire compatissant, puisme tend untorchonsec.

–J’aieuledroitdequitterlatableaumomentducafé,soupiré-je.Commelesenfants…–Aide-moi,ça t’aideraà te remettre, sourit-ilde toutes sesdents. Ils te traitentcommeunebête

curieuse,moicommeunlarbin.Tuveuxvraimentinverserlesrôles?–Hmm,jenesuispassûred’ygagnerauchange,ris-jedoucement.–Toi, tuasbesoinde testermonarmesecrète,murmure lemajordomeenouvrant leplacard le

plushautetleplusinaccessibledelacuisine.

Ilsortunebouteilletoutefine,remplieàmoitiéd’unliquideambré.

–Sic’estde la liqueur, jepassemon tour !m’inquiété-jeen l’observantnous servirdeuxpetitsverres.

–Onnerefusepasmapotionmagique,MissMerlin.Ceseraitunsacrilège…gronde-t-ilenmetendantmonshot.

Sonregardm’inciteà le faire,donc je leporteàmes lèvresetavale lebreuvagesuspect,d’unetraite.C’estàlafoisdouxetamer,sucréetpuissant.Étonnamment,l’alcoolmelaisseunbonarrière-goûtdanslabouche.

–Tunemedirasjamaiscequejeviensdeboire,j’imagine…toussé-jemalgrétout.–J’emporterailesecretdansmatombe,confirme-t-il,unsouriremutinsurleslèvres.–Unautre?–Unautre!clame-t-ilennousservantunedeuxièmetournée.

Jeglousselorsquelegéantm’annoncequec’estl’heuredetrinquer.Unefoisnosverresenl’air,ilprendunegrandeinspiration,puisdéclaresolennellement:

–Ànosformidablesmétiersdeservitude!

J’éclatederire,puisboislaliqueurenuneseulegorgée.Pendantprèsdevingtminutes,Connoretmoifaisonslesguignolsdanslacuisine,oubliantlatensionetlatristesseprésentesaumêmeétage.Puis, inexorablement, le sujet revient sur la table et le ton change. Les rigolades cessent, lesconfessionsreprennent:

– Ils ont toujours été coincés etméprisants,mais pas à ce point, chuchoteConnor au sujet desWills.LeurfilleRobynétaitleurseuleenfant,elleétaitabsolumenttoutpoureux.Ducoup,ilsn’ontpasappréciéqu’unhommeprennelapremièreplacedanssavie.MêmeunhommecommeEmmettRochester,quiatoutdugendreidéal…

–Ilsl’onttoujoursdétesté?–Avantledrame,ilsletoléraient.Maintenant,c’estdifférent…–EtBirdie,là-dedans?–Ilsn’ontpassautédejoieenapprenantlavenuedubébé,continue-t-il,toujoursàvoixbasse.On

pensait que Birdie réconcilierait tout le monde, mais ça a été le contraire : comme si la petitearrachaitencoreunepetitepartdeRobynàsesparents.

–C’estcomplètementdélirant!m’écrié-je,choquée.–C’estdifficileàcomprendre,oui…acquiesce-t-il,enmefaisantsignedenepastrophausserla

voix.Depuisl’incendie,c’estmillefoispire.MretMrsWillsneviennentquetouslessixmois,encoupdevent.Ilss’intéressentàpeineàleurpetite-filleetilsfonttoutporteràEmmett.

–Toutporter?Commentça?– Ils le jugent responsable de lamort de leur fille,m’explique-t-il tristement. Ils estiment qu’il

auraitdûmouriràsaplace,danslesflammes.Qu’ilnes’estpassuffisammentbattupourlasauver.

Jelâcheunpetitgémissementhorrifié,puisréalisequejeneconnaispaslescirconstancesexactesdudrame.Jem’apprêteàinterrogerConnor,lorsquemoncolosseblondfaitsonentrée.

– Ils sont allés se coucher, annonce-t-il, apparemment lessivé. Plus qu’une journée à subir leurprésence,leurattitudesupérieureetleurcruauté…soupire-t-ilensemassantlefront.

–J’aicequ’ilvousfaut,MrRochester!lâcheConnorenseprécipitantjusqu’aufameuxplacard.– Quoi que ce soit, je suis preneur ! se marre nerveusement mon milliardaire… avant de

m’adresserundélicieuxclind’œil.

ToutdouxSid…

Zérocontactjusqu’àleurdépart.

C’estdéfinitif:jelesdéteste.

***

Lendemainmatin.J’espéraispasserunmomentde«tranquillité»encompagniedeBirdie:raté.JeluiaiàpeineservisonpetitdéjeunerquelaReinedesemmerdeusesdébarque,danssontailleurbonchicbongenrequiempeste la rose.Sonparfumsurannén’estpasmonplusgrossouci, loinde là.Mrs. Wills semble de plus en plus curieuse à mon sujet. Mes études, mes compétences, mesaspirationsontétéabordéesdurantledînerdessupplices,hiersoir.Cematin,sesquestionssontuncranau-dessus.Dugenrepersonnel.Ultrapersonnel.

–Nousvoilàseules,jeunefille.MonmaridortencoreetEmmettestprobablementoccupéàfairejenesaisquoi…Tropoccupépourprendresoindesesinvités,d’ailleurs,glisse-t-elleméchammentensirotantsonthé.

–Ilmesemblepourtantqu’ilaadaptésonemploidutempsenfonctiondevous,rétorqué-jed’une

petitevoix–quiseveutinnocente,maisquinel’estpas.–Occupez-vousdecetteenfantaulieudediredesâneries,merembarre-t-elleendésignantBirdie

–qui,jel’admets,estentraindesefaireunsoinduvisageauporridgebio.

Jeprofitedecetteexcusepourmeleveretluinettoyerlafrimousse.Jepriepourquelarouquinefasseuncaprice–cequi«m’obligerait»àsortirdecettepiècehantée–maislatraîtresseencouche-culottemeréclameunecompote.

–Dites-moi,MissMerlin,souritmalicieusementlagrand-mèreenmevoyantnourrirl’enfantàlacuillère,vousnecroyezpasquevosparentsespéraientmieuxpourvous?

–Mesparentsm’ont toujours dit qu’il n’y avait pasde sotmétier, riposté-je, enme retenant del’insulter.

–C’estbiendommage.Carilsonttort.–C’estvotreopinion,meforcé-jeàsourire.–Quefontvosparents,Nanny?

Changedesujet,vieillefouine!

–Siçanevousennuiepas,jepréféreraisnepasendiscuter.–Vousavezhontedumilieud’oùvousvenez,sijecomprendsbien…–Non,justement,vouscomprenezmal,Mrs.Wills,dis-jeenserrantlesdents.–Jevousdemandepardon?siffle-t-elle.–Sidonie,tupeuxdisposer,m’annoncefroidementEmmett,endébarquantdenullepart.

Saspécialité…

«Disposer»,vraiment?!

Jelefusilleduregard–impossibledem’enempêcher–puisprendsladirectiondelasortie,lespoingscrispés.Siseulementjepouvaislagifler.Justeunefois…

– Figurez-vous queMiss Merlin vient de me manquer de respect, entends-je grommeler LadyDragon.Unenannydevraitêtresélectionnéeenfonctiondesesaptitudesintellectuelles,desesvaleursmaisaussidesondegrédesoumission.Pasenfonctiondesescharmes.Celle-ciestunesauvageonnequinesembleavoirquesonphysiquepourelle!

Jem’arrêteuninstant,surlapremièremarchedel’escalier,entendantl’oreille.Jerêvequ’Emmettluirentredanslelard.Qu’ilremettecetteterreurdutroisièmeâgeàsaplace.Maisiln’enfaitrien:

–Beth,j’aiprévuunbrunchàHydePark,autourdulac.Nouspartonsdansuneheure.

Jeperçoisdesboutsdevoixdecrécellequiluirépondent,maisjen’écouteplus,jesuisdéjàloin.Jeréalisequ’ilvientdemedécevoir,unefoisdeplus.Iln’apasprismadéfense.Ils’estcontentédepasserausujetsuivant.

Aprèsl’épisodeMathias,jepensaisquequelquechoseavaitchangé…

Retouràlacasedépart.

Jen’aipasétéinvitéeaubrunchetjenem’enplainspas.J’enaiprofitépourmerelaxerdansunbainmassant,discuteravecJoe,dévorerunBLT,feuilleterquelquesrevueset–prised’unsentimentdeculpabilité–réorganiserlesjouetsdePrincessRochesterenfonctiondeleurstailles,couleursetutilités.

Lorsqu’ils rentrent, enmilieud’après-midi, jen’entendsquedescris.Despasqui sebousculentdans les escaliers. Des portes qui claquent au deuxième étage. Je sors de la chambre de Birdie ettombesurConnor,quisedirigeàtoutevitesseverslerez-de-chaussée.

–J’emmènelapetitedanslejardin,mechuchote-t-ilenmefaisantsignedemonteraudeuxième.

Missionacceptée!

Jemerapprochediscrètementdesvoixquis’entrechoquent, là-haut.Lesbruitsproviennentde lachambredufond–cellequiaétéattribuéeauxWillsdepuisdeuxjours.Àl’intérieur,Emmett,BethetJohn s’en donnent à cœur joie, jusqu’à ce quemon amant obtienne enfin le dernier mot. Il rugitlittéralement:

– Si vous ne venez que pour me rappeler ce que j’ai perdu, semer la pagaille et porter desjugements,vouspouvezpartir !Votrepetite-fillen’apasbesoindeça, elle s’épanouitparfaitementsans vous ! Vous êtes durs comme la pierre, vous ne faites preuve d’aucun affection, d’aucunetendresseenverselleetçaaassezduré!

Jefaisdemi-toursurlapointedespieds,prêteàdécamper,quandlemiracleseproduit:

–Ah,j’oubliais!reprendEmmett,deplusenplusfurieux.Ajoutezunseulmotdetraverssurlanannyet jevousjurequevousserezdehorsdanslaminute!D’ailleurs,elleaunprénom:SI-DO-NIE!

Victoire!!!

Ilarrive!Courir!Vite!!!

***

Jesorsdemacachetteversminuit.Àpremièrevue,toutelatownhouseestendormie,maisjetiensà le vérifier parmoi-même. Je descends les escaliers en prenant soin de ne pas faire craquer lesmarchessousmespieds,puism’aventurejusqu’aurez-de-chaussée.Auboutducouloir,unelumièrefiltresouslaportedubureau.

Bonnepioche,Sid:Emmettfaitdesheuressupp’…

Je toquedoucementàdeuxreprises,puispatiente.Laportes’ouvre,unemaindefersesaisitdemon poignet et m’attire à l’intérieur. Je glousse, mon blond ténébreux plaque sa paume sur meslèvresetmurmure:

–Àcequejevois,tuaimesça,joueraveclefeu…

Jemedégagedesonempriseetluisouritinsolemment.

–Pasdutout,c’estjusteunevisitedecourtoisie.–Jenesuispasvraimentd’humeur«courtoise»…grogne-t-ilenmefaisantreculerjusqu’aumur.–Jet’aientendu,toutàl’heure…soufflé-jecontreseslèvres.Monhéros…–Hmm…soupire-t-ilensemordantlalèvre.J’adoret’entendredireça…–Monhéros…répété-jeavantd’êtreassaillieparsesbaisers.

Uneseulenuit,deuxjoursàrattraper…

3.Cœursmeurtris

Jedevraiscréerunblog.

Ils’intitulerait«S.O.S.Nannyendétresse».

Ou«Saveme,I’maNanny!».

Etfaireunsit-indevantBuckinghamPalace!

***

Birdie est infernale depuis que les tensions et les ressentiments ont envahi la townhouse. Lesenfants sont des éponges. Ils arrivent à percevoir le malaise, sans vraiment le comprendre. Ils seremplissentdesondesnégativesquitraînentunpeupartout.Birdiel'Épongem’enfaitvoirdetouteslescouleursdepuis le retourdu«brunchmaudit».Depuisqu’Emmettet sesbeaux-parents se sontbalancéleursquatrevéritésà lafigure.Etmalgré ledépartdeMretMrsWills, lapetitepersisteetsigne.Elletientàtoutprixànouslefairepayer.

Lescaprices,hurlementsetregardsquituentrythmentànouveaumesjournées.Çanefaitquetroisjoursqu’ils sontde retour,mais je suisdéjà sur lepointdecraquer.PrincessRochester ressembledésormaisplusàundiablotinqu’àunangeets’acharneàmepourrir l’existence.Etça,dès lepetitmatin.Jel’habille,ellesedéshabilleenmefixantdroitdanslesyeux,d’unairdedéfi.Troisfois,dixfois,vingt foisde suite.Sanourritureéchouesystématiquementausol–ouentremonœildroitetmonœilgauche.Sesjouetssetransformentenprojectiles–inutiledepréciserquienestlacible.Sessiestesenchaosintersidéral.Sesbaladesencourses-poursuites.Sesbainsentsunamis.

Ellemebouffetoutemonénergie…

Emmett,lui,nes’esttoujourspasremisdelavisitecauchemardesquedesabelle-famille–quin’avraimentriencomprissur lui. Ilseconsacrecorpsetâmeàsonempire,préférant jongleravec leschiffresplutôtqu’avec ses émotions.Malgré ça, il trouve toujours lemoyendeme surprendre,dem’exprimer sa tendresse, sa fougue… surtout lorsqu’il vientm’arracher des bras deMorphée, aubeaumilieudelanuit.

Aucunhommen’ajamaiseuceteffetsurmoi…

Ceconstat remuebeaucoupdechosesenmoi. Il réveillemesespoirs,maisaussimesdoutes. Jeréalisequetropd’élémentsm’échappent.Jevoudraisensavoirplus.Surlui.Surelle.Sureux.SurcetaccidenttragiquequiacoûtélavieàlamèredeBirdie…etasonnéleglasdeleurexistenceidyllique.Siseulementmonblondténébreuxvoulaitbiens’ouvrir.M’aideràcomprendre,m’aideràycroire.

Jepourraisêtrecellequileguérissedesonpassé.Maispourça,ilfaudraitqu’ilmelaisseentrerdanssonjardinsecret…

SiBirdieRochesterestfarouche,rebelleetcaractérielle,sonpèreest…hors-concours.

***

Quatrièmejourdeterreur.Laterreur,c’estelle:ceboutdechouàlafrimousseetauxbouclettesadorables…quimedonnedesenviesdemeurtre.Heureusementpourmoi,Emmettadécidéd’agiretdeparticiperàla«rééducation»desafille.Etpourça,quellemeilleureidéequ’unesortieauparc?Monmilliardaireimagineunpique-niquejoyeuxetludiqueauborddulacauxcanards…Jeprévoisune attaque de boue, une roulade dans les orties, un concert de cris bestiaux et des cadavres devolatiles.

Oui,monimaginationvaloin,maisBirdiel’adéjàsurpassée…

Hyde Parkmi-octobre, c’est quitte ou double. Sous quelques rayons de soleil qui éclairent sesquatremillearbresdorés,c’estd’unromantismefou–etparfaitementcliché.Souslagrisaille,c’estuneautrehistoire.Noman’sland,froid,humidité,visagesrenfrognés.Dieumerci,lesoleilparvientàfairequelquespercéesicietlà,pendantlesemi-marathonquenousdébutons.Lebut,sij’encroisleprogrammeimprovisédeLordRochester:

–Un:lalaisserlibrementsedéfouler,m’annoncelecolosseblondenpassantlesgrilles.Deux:lanourrirjusqu’àcequ’ellesoitrassasiée.Trois:luifaireparcourirquelqueskilomètresenpoussette,pourl’endormirprogressivement.Quatre:nepaslésinersurlegrandair,quidevraitlamettreK.-O.pourlesdeuxprochainsjours.

– Deux jours ? Tu ne sais pas à qui tu as affaire ! ris-je en la voyant se jeter sur un pauvrechihuahuaquipassaitparlà.

Emmettcourtjusqu’àsafilleetpasselesdixminutessuivantesàluiexpliquerqu’onnetirenilaqueue, ni les oreilles, ni la langue des êtres vivants. Surtout lorsqu’ils peuvent se venger en vousdévoranttoutcru.

Belleleçondesciencesnaturelles,Papadel’année!

Évidemment,cetteremiseaupointéchouelamentablement.Lapreuveenestlorsquedeuxcarlinsontlamalchancedecroisernotrechemin.Cettefois,nousapprenonsàBirdiequelesyeuxglobuleuxnesontpasfaitspourêtreenfoncésdanslesorbites.Aussivilainssoient-ils.

Il est unpeuplus demidi lorsquenousnous installons auSerpentine pour nousmettre quelquechose sous la dent. Emmett me fait le cadeau inespéré de prendre les rênes de ce déjeuner. Parmiracle,soncabannoirévitelesgicléesdetomates,puréecourgettes-pouletetcrèmeauchocolat.Sestympans, en revanche, n’échappent pas aux cris désapprobateurs émis par la petite bouche pleine.Maismonamantresteparfaitementattentionné,patient,stoïque,avecsapetitepeste.

Jecroisquepluselledépasselesbornes,plusill’aime…

Illavoitcommeuneforcedelanature.Etenoublieparfoisqu’ellen’aurajamaislamêmechancequelesautresenfants…

–Taprésenceluifaitdubien,dis-jeàEmmettenobservantlarouquineramasserdel’herbe,plusloin.Elleestpluscalmequecesderniersjours.Moinsencolère.

–C’estmafaute,soupiresonpèreens’allongeantsurnotregrandecouverture.J’auraisdûprendresurmoi,nepasexploserdevantelle.

–Pasfacile.BethetJohnsont…–Intenables?Invivables?Intolérants?–Unmélangedetoutça,jecrois,souris-jeencroisantsesyeuxnoirs,plissésparlaluminosité.–Lasouffrance.C’estçaqui lesa rendussi rigides.Depuisque leur fille leuraétéenlevée, ils

refusentderessentirquoiquecesoit.Sicen’estdelacolère.

Jel’observedeprofil–danscetteposition,oncroiraituntopmodelenpleinshootingphotopourlacollectionautomne-hiver.Ilregardedistraitementendirectiondesafille,quis’amusemaintenantàdéracinerunarbrecentenaire,maissemblesongeur,perdudanssespensées–dontiltientàmetenirécartée.

–Qu’est-cequ’ils’estpassé?soufflé-jetoutbas.

Sesyeuxsebaissentverslesol.Ilarrachequelquesbrinsd’herbeetsemetàlestriturer.

– Un violent incendie dans l’une de nos maisons secondaires. En pleine nuit. Un court-circuitélectrique,murmure-t-il,aucompte-gouttes.

Je ne l’ai jamais vu aussi tendu.Aussi fragile. Jeme retiens dem’allonger à ses côtés, pour leprendredansmesbras.

–NouspassionsdesvacancesavecJude.Birdien’avaitquequelquesmois.Ilaréussiàsauverlapetite…Jen’aipasréussiàsauverRobyn.

Jude?Unhéros?Unsauveurd’enfants?

Savoixchangeaufuretàmesuredesonrécit.Elles’emplitdedouleur.Magorgeseserre.

–Quandilssontarrivés,lessecoursm’ontsortideforce.J’essayaisd’accéderaudeuxièmeétagemais les flammes étaient trop hautes. J’ai été escorté dehors. J’ai regardé la maison brûler, êtreréduiteencendres.Robynétaitencoreàl’intérieur.Elleapéridanslesflammes,sousmesyeux.Souslesyeuxdenotreenfant…Jevivraiaveccefardeau,aveccesentimentdeculpabilitétoutemavie.

Unelarmecoulelelongdemajoue,jeregardeauloin,j’observelesrefletsdel’eau,commepourluirendreunpeud’intimité.Luioffriruninstantdesolitude.

Ilavécul’enfer.

Emmettmet fin à notre pause quelquesminutes seulement après ses révélations. Il saute sur sespieds, me demande d’aller récupérer Birdie l’Exploratrice et nous reprenons notre chemin, endirectionde la fontainecommémorativedeLadyDi.Monmilliardairearboreànouveauunvisageserein, illuminé par un beau sourire, mais je devine qu’il lutte intérieurement pour repousser lesimagesquilehantent.Cethommeestdevenumaîtredansl’artdemasquersessentiments.

Quandladouleuresttropforte,c’estlaseulealternative.

C’estçaoulaisserlaviedéfilersousvosyeux…

Je suis la première étonnée lorsque, sur unpetit sentier à l’abri des regards, le géant blondmeprendpar lamain. Jedois faireune tête ridicule, puisqu’il rit doucement enm’observant, puismeglisseàvoixbasse:

–Tupermets?Çamefaitdubien…–Toutcequetuveux…murmuré-je,enrougissantcommeunedébutante.–Tusaismaintenant,ajoute-t-ilunpeutristement.Lemystèren’estplus.Jesuisunlivreouvert…–Jecroisquejenesauraijamaistoutsurvous,MrRochester.Maisjecomptebienm’accrocher

pouressayer,souris-jeenplissantlesyeux.– Il paraît que le meilleur moyen pour faire parler un homme, ce sont les confidences sur

l’oreiller…ricane-t-il.–Cen’estpourtantpasfauted’essayer!Presquechaquenuit!–Paslesweek-ends…– Tu ne m’enlèveras pas mes jours de congé ! ris-je en me débattant pour l’empêcher de

m’enfermerdanssesbras.

Jem’échappeauxcommandesdelapoussetteetquittelepetitsentierpouratterrirànouveausurlagrande artère. Emmett est quelques pas derrière moi, je m’attends à ce qu’il me rattrape lorsquej’entendsunevoixamicales’adresseràlui:

–Emmett!Emmett!

Je me retourne et découvre une grande blonde en train de l’étreindre. Piqûre de jalousieinstantanée.Mâchoirecrispée,souriredepolitessefigé.Etonavancepourlasaluer.

–Felicity,jeteprésenteSidonie,lanannydeBirdie.Etvoicimafille,quetun’aspasvuedepuisdeslustres,luisouritmonamant.

Lajeunefemmemeserregentimentlamainetsepenchesurlapoussettepouradmirerlapetiteàmoitiéendormie.Jejetteuncoupd’œilàEmmett.Ilsembletotalementimpassible.Jen’arrivepasàm’y faire. Cette indifférence, comment fait-il ?Mon ego est blessé, j’ai de plus en plus demal àsupportercesecret.Àêtreprésentéecommelananny.Uniquement.

–Elleestmagnifique,Emmett,s’émeutlajolieblonde.Jesuiscontentedetecroiser.Ilfautqu’onailledîner!Finnmeparlesouventdetoi,onadetesnouvellesparJude,maisçanesuffitpas!C’estterrible, on est tous trop occupés et on ne prend même pas le temps de s’appeler… La semaineprochaine,disonslundi?

–Jet’appellerai,Felicity,souritlemilliardairepourluifairecomprendrequerienn’esttranché.

Lesdeuxamisseregardentunlongmoment.Ilssemblentproches.Oudumoins,ilsdevaientl’être,àuneautreépoque.Peut-êtreuneépoqueoùlatragédien’avaitencoreriendécimé.Finalement,ilsseserrent à nouveaudans les bras, puis la blondedécampe aupas de course sur ses talons aiguilles,aprèsm’avoirfaitunpetitsignedelamain.

Cequim’agaceleplus,c’estquejel’aimebien…

–C’était une desmeilleures amies deRobyn,m’expliqueEmmett, après de longuesminutes desilence.Onétaitungroupetrèssoudé.Maintenant,çamefaitplusdemalquedebiendelesvoir.

–Peut-êtrequetuaspasséuncap,sanslesavoir.Tudevraisessayerd'alleràcedîner.–Siseulementjepouvaist’emmener…mesourit-il.–Emmett,tunepeuxpasmefaireça.C’estcruel.–Tefairequoi?–Meprésentercomme tonemployéeetplaisanter sur le sujetcinqminutesaprès. Je saisque le

secretfaitpartiedudeal,maistun’espasobligéderemuerlecouteau…–Jesuisdésolé,cen’étaitpasdansmesintentions,murmure-t-ild’unevoixdouce.–C’estplusfortquemoi…C’esttellementcliché:«Legrandhommetout-puissantquisetapesa

petiteemployéeencachette.»Jen’aimepasl’imagequej’aidenous,parfois…–Jenesuispastout-puissant,tun’asriende«petite».Nientaille,niencaractère.–Pourtant,c’estcequejeressens,parfois.Quandtum’obligesàvivredansunplacard…–Tueslibre,Sidonie,soupire-t-ildoucement.Tupeux…–Jesais,lecoupé-je,agacée.Changeonsdesujet…

La balade se termine dans une ambiance morose, sous un ciel menaçant. Nous rentrons à latownhousedansunsilenceinconfortable,puisreprenonschacunnosactivités.Birdie:sieste.Emmett:milliards.Moi:Joe.

– Tu viens vraiment de lui faire une crise après tout ça ? s’offusque-t-elle, de l’autre côté del’écran.Sid,ilvientdeteraconterlepiremomentdesavieettul’emmerdespourtroissecondesdemensonge?

–Joe,tuesbeaucouptropimprévisible!TupassestavieàdénigrerEmmettmaisquandjedécidedelecritiquer,c’estlàquetuprendssadéfense!

–Sonhistoiremetouche.Teschichisnevalentrien,àcôté.Tuesconscientedeslimitesdevotrerelation,tulesasacceptées.Doncfaisavecouarrêtetout.Point.

–Tuesnullecommeépaulepourpleurer.–Un:tunepleurespas,jetevois.Deux:monépaule,c’estdelagnognoteencomparaisonavec

mesvraisatouts.–Allô!Sœurdel’autrecôtédel’écran,pasunobsédéprêtàtoutpourtesauter!–Commes’iln’yavaitquedesobsédésquienavaientenvie.Jecoucheaussiavecdesmecsbiens!–Horssujet.Mercipourtesconseils,Judas.Birdievaseréveiller,jetelaisse.–Attends!J’enaiun,deconseil.–Hmm?–Tumedonnesquoienéchange?négocie-t-elle,unsouriremutinsurleslèvres.–Lapromessedenepastecasserlagueulelaprochainefoisquejetevois.–Ok.AjoutequelquescupcakesdeConnoretjesuispreneuse.–Joe!Balance!–Rends-lejaloux.S’il lefaut, invente-toiunevie,desprétendants.Quoique,si tusortaisunpeu

plus,tun’auraispasbesoindelesinventer,avectonjolipetitculbombé.–Tunecomprendsrien!Ilmequitteralejouroùilauralemoindredoute.Ilnerigolepasavecça.

Jesuisjalouse,lui,estpossessif.

–Non,silacompétitionestàlahauteur,ilvoudrasebattrepourtoi.Etofficialiservotrerelation.–Vivelapsychologiedecomptoir,Joe,memarré-je.–Tutefousdemoi!Tueslapremièreàliretouslesmagazinesfémininsàlacon…–Ok.Unpointpartout.–Lasuitedevraattendre.Jedoisallerouvrirlebar.Varetrouvertamioche,jevaisretrouvermes

poivrots.–Nosviessontépouvantables,gloussé-je.Ondevraitécrireunbouquinautobiographiqueàquatre

mains.–«LesRavagesdelagémellité»,éclate-t-ellederire.–«MaSœurnesaitpaspédaler»!–Quelrapport?Etsurtout,quelintérêt?–C’estunemétaphore,Joe.–Quisous-entendquoi,exactement?–Aucuneidée.Jevoulaisjustememoquer,avoué-je.–Tunnel!Toujourslemême!lâche-t-elleavantdecoupersawebcametdesedéconnecter.

J’airi.Beaucoupri.

C’esttoujoursçadepris…

***

Emmettestrarementdanslesparages.Noséchangessontlimités–etcatégorisés«toutpublic»–depuis deux jours.Depuis quema grande bouche a trouvé lemoyen deme faire passer pour unegamineégoïste et capricieuse. Je suis lucide, j’admetsque j’aidépassé lesbornes. Il s’estouvert àmoicejour-làetmoi,jemesuiscomportéecommeunediva.Lesecretestlourdàporter,certes,maiscen’étaitnilelieu,nilemomentd’enparler.

BirdiesembleplussereinedepuisnotrebaladeàHydePark.S’il luiarriveencoredepiquerdescolères,elleafinalementdécidéquemefairetournerenbourriquen’étaitplussapriorité.Lescrisdefureurontlaisséplaceauxrires–etàdesrâlesdeprotestation,parfois–etj’aiànouveaudroitàmonlotdecâlins,baisersbaveuxetcaresses–unpeubrutales,certes,maisàdeuxansetdemi,onn’estpastrèsadroit.

Cematin,ungroscamionestvenulivrerunbacàsableflambantneuf,unemaisonnetteauxvoletsrouges et un toboggan avec double vague et arrivée en pente douce. En les découvrant quelquesheures plus tard, le petit monstre a littéralement sauté de joie avant de se ruer sur les nouvellesattractions.Àl’heurequ’ilest,pasd’accidentàdéplorer,desableingéré,dematérielcassé:Birdies’éclate,unsourireextatiquesurleslèvres.Lavoircommeçamedonnedubaumeaucœur.

Lacriseestpassée,j’airetrouvémapetiteprotégée…

Une fine pluie se met à tomber. Je cours après le bambin pour l’attraper, elle hurle de rirelorsqu’enfin, j’arrive à la déloger de sa maisonnette. La tenant fermement dans mes bras, je faisdemi-tourpourprendrelechemindelamaisonetc’estàcetinstantquejel’aperçoissurlaterrasse,sonappareilphotobraquésurnous.

Emmett?

J’avancerapidementavantquelapluienes’abatteplusviolemmentsurnousetlerejoinsentrentesecondes.Monmilliardairenoussouritetnousinviteàrentrerdanslesalon,sansjamaiscesserdenousmitrailler.Cen’estpaslapremièrefoisqu’ilnousprendenphoto.Parcontre,c’estlapremièrefoisqu’illefaitàmoninsu.

Jemedemandes’illefaitsouvent…

–Tucomptestereconvertir?Marredetousceszéros,tentéparunevied’artiste?ironisé-je.–C’esttoutunartdegagnerdesmilliards,Baby,murmure-t-ilenm’aidantàretirermonmanteau.

Jemeretournebrusquementetcroisesonregardsombre…etardent.Sesyeuxdescendentsurmeslèvresetnelesquittentplus.Moncœurs’accélère,unfrissonmeparcourt.

Gameison.

JesuisEmmettjusqu’àlacuisine,oùils’enfileuncafé,pendantquejeprépareunbiberondelaitchaud à Birdie. Je sens son regard surmoi, insistant, curieux, etmes gestes n’en sont quemoinsprécis.J’installerapidementlapetiteausalon,sursontapisdejeuetluitendssongoûter.Ellefourreimmédiatementlatétinedanssabouche.Connor,quiestinstalléprèsdelacheminée,unromanàlamain,mefaitsignequ’ilprendlarelève.JeluicolleunebiseetrejoinsmonLorddanslacuisine.

Ilestentraindepasserenrevuelesphotosqu’ilvientdeprendre,surl’écrannumérique.

–C’estbien,dis-jesoudain.Birdieauradequoisesouvenirdemoi,quandelleseragrande.

Maphraseétaitspontanée,sansaucunearrière-pensée,maisjeréalisequ’ellepeutêtreinterprétéedifféremment.Commeunappeldupied…quidémontreunbesoinurgentd’êtrerassurée.Enunmot:pathétique.

Cequejesuis,sansvouloirl’admettre…

Ànouveau,lesyeuxvifsdeRochesterseplongentdanslesmiensetseslèvress’étirentdoucement,dansunsourireencoin.L’insolenceàl’étatpur.Ilposel’appareiletpasserapidementlamaindanssescheveuxblondscendrés,avantdes’approchertoutdoucementdemoi.

–Ellen’aurapeut-êtrepasbesoindephotospoursesouvenirdetoi…

Méfiante,surprise–etlecœurbattant–,jeleregardeavancerauralenti,l’airtellementfierdelui.

Ilvientvraimentdesous-entendrecequejepense?

–Sid’icilà,tuestoujoursdansmavie…continue-t-il,seslèvresàuncentimètredesmiennes.

Tout mon corps frémit. Mon cœur tambourine. Si je pouvais me jeter sur lui, l’embrasser, lerespirer,ledéshabiller,lesentircontremoi,l’accueillirenmoi,jeleferais,là,toutdesuite,sansmesoucierdequiquecesoitauxalentours.MaislavoixdeBirdienousprovientdusalonetlesoufflé

retombe. Avant même de m’avoir embrassée, Emmett me lance le sourire le plus désarmant dumonde,puistournelestalonspourretrouversaprogéniture–qui,àmonavis,vientdefoutreenl’airlemeilleurbaiserdel’univers.

Timingparfait,petitepeste…

4.C'estdit…

Les bras chargés du linge de la rouquine –Connor est souffrant, je suis une bonne poire –, jepénètre dans le salon en soufflant sur cette satanée mèche qui s’obstine à me barrer les yeux.Mouvementderecul.Ilestpresque14heures,jenem’attendspasàlatrouverlàenpleinmilieudejournée,installéedetoutsonlongsurlecanapé,commesielleétaitchezelle.

Ilnemanqueplusquelescharentaisesetlapipeaubec…

Non,Sid,pasdeblaguessurlespipes.

–Nonmais franchement,Sidonie,vousaimezvotre job? semarreCamilla en fixant lapiledebavoirsetdepetitesculottes.

–Çadépenddes jours,grommelé-jeenposant lapanièreausol.Etdesvisitessurprises…Vousvous êtes perdue en chemin ? J’ai les instructions pour vous rendre auRochester &MontgomeryGroup,sivouslesavezoubliées.Oupouruneautredestination.Lesenfers,parexemple?

LaLadyauBrushingimpeccableettailleurrosepâlelâcheunpetitriredédaigneux,puisdécidedeleversonmicrofessierpourmetendreunemain…manucuréeetparseméedepierresprécieuses.

–Oublionslepassé,Sidonie!sourit-elleenattendantuneréactiondemapart.–Vous vous sentezmal ? Enmanque de sang frais ?Besoin d’un nouveaumanteau en poil de

dalmatien?

Elleexplosederireetattrapemamainsansquej’aieletempsd’yéchapper–oudeluienvoyerdanslafigure.Ellelasecoueunebonnedizainedefois–pastrèsélégant,pouruneLady–etdaigneenfinlalâcher,pourallerserasseoir.

Toujourscettefoutueposedepin-updelaHaute!

–Emmettyestpourquelquechose,réalisé-jeàvoixhauteavantdemetournerànouveauverselle.Ilvousademandédefaireunpasversmoi,c’estça?

– Qu’insinuez-vous ? Vous ne me croyez pas capable de faire pénitence de mon plein gré ?rétorqueMissUK.

–JenesuispasDieuetilnemesemblepasavoirentendud’excuses…souris-je,enfronçantlessourcils.

–Trèsbien,dit-ellesèchementaprèsunlongsilence.Jem’excuse,Sidonie…–Pourquoi,exactement?–Pourm’êtreserviedevotrepassédouloureuxpourvousnuire.Pourvousavoirfaitduchantage.

Vousneméritiezpasça.Etcetteattitudeétaitindignedemoi,récite-t-elle,commeunrobot.–Quelqu’unvousaécritvotrespeech?ris-jedoucement,sanspourautantvouloirlavexer.–Non,maisj’évited’improviser,onnesaitjamaiscequipourraitsortirdemabouche.Lemanque

decompassioncouledansmesveines,c’estunetarefamiliale,murmure-t-elled’unevoixgrave.

Les secondes s’écoulent, nos regards se croisent àmaintes reprises, sans animosité ni affectionparticulières.Etjemedisbêtementquesiellen’étaitpassiguindée,sihautaine,cettefilleseraitd’unebeautéassezexceptionnelle.Finalement,j’apportelanotefinaleàcetteconversation,enramassantlapanièrequigîtàmespieds.

–Merci pour vos excuses,Camilla. Je vais prendre le tempsd’y réfléchir,mais en attendant, sivousvoulezbien,j’aidespetitesculottesàfairesécher.

Jequitte lapièceenentendantunpetit ricanementderrièremoi.Toujoursmoqueur,maisunpeumoinsfortetunpeumoinslongquelesprécédents.

Okpourlatrêve…

Maisjenesuispasdupe.

Fouineunjour,fouinetoujours!

–Sidonie?entends-jealorsquejem’apprêteàgrimperlesescaliers.

Jemeretourne,Camillaestaccoudéeàlarambarde.

–Emmettetvous…c’estsérieux?articule-t-elledifficilement.– Vraiment ? On se fait des confidences, maintenant ? soupiré-je. Je vais vous raconter mes

histoiresdecœuretvousallezm’offrirunbraceletdel’amitié?Onpourraitmêmes’échangernosfringuesetsetrouverdessurnomscomme«Lala»et«Donnie»!

Ma voix est acide. Je suis en colère, sans trop savoir pourquoi. Enfin si. Le raisonnement estsimple–etmemethorsdemoi.Cettefemmes’imaginequ’undemi-motd’excuseluivaudratoutesles confessionsdumonde.Son chantage était ignoble.Sesméthodes étaient cruelles.Etmaintenantellepousselebouchonencoreplusloinenjouantlacartedel’amitié–fausse,hypocrite,commesamineréjouie.Àcetinstant,d’ailleurs,ellenesouritplus.Sesyeuxfroidsseposentsurlemur,dansmondos,etnelequittentplus.Jeluiparle,maisc’estcommesiellen’étaitpluslà.

–Nefaitespasl’erreurdemeprendrepourunedébutante,uneécervelée,uneidiotefinie,lâché-jeenmontantlentement,marcheaprèsmarche.Vousperdezvotretempsavecmoi,Camilla.

Uneminuteplustard,laported’entréeclaqueàenfairetremblerlesmurs.Lebaby-phonesemetàrugir.

CamillaBradford,jevaistelesfairebouffer,cespetitesculottes!

***

CamdenTown.LeCrazyMonkeyestbondéseptjourssursept,depuissaréouverture.JoeetJaspern’ontjamaiseuautantdetravail–nidepourboires–,cequiestunebonnechosepourmoi,vulepeudeloyerqu’ilspayaientjusque-là.Maispeuimporte,cesoirestunsoirparticulier.Majumellevientde se voir offrir une belle promotion : barmanager. Cette garce a déjà prévenu tout son staff :

désormais,ilsdevrontl’appeler«letyran».

Lorsquej’aiproposéàEmmettdem’accompagner, jem’attendaisàunénièmerefussuivid’unepromessede«serattraperàmonretour».Traduction:commencerlasoiréeseule,maisfinirlanuitensacompagnie.Jen’airiencontrececonceptquatre-vingt-dix-neufpour-centdutemps–bienaucontraire–maislà,c’étaitdifférent.Masœurallaitêtrelareinedelasoirée.Jevoulaisqu’ilvoieça.Monblondténébreuxasulireentreleslignes,puisqu’ils’estinvitéàlasecondeoùjeluienaiparlé.C’estdoncàsonbrasquejemefaufileaumilieudelafoule,pouraccéderaucomptoiretembrasserMussolini–aliasmasœur–,àquilescheveuxnoirsdonnentunpetitairrital.

–Congrats,Manager!m’écrié-jeenlaserrantdansmesbras.

Elleritenmefaisanttournerdanslesairs,puismereposepouréchangerquelquesmots–pêchus–avecmonmilliardaire.Jelesobserve,accoudéeaucomptoir,unsourirestupidesurleslèvres,enattendantlesdeuxverresdevinblancquej’aicommandés.Luiestàtomberdanssonjeanbrutetsonpolo noir qui fait ressortir chaque muscle de son torse. Il passe régulièrement la main dans sescheveux dorés, sûrement à cause de la chaleur,mais surtout par habitude.Ma jumelle n’a rien deridicule,àcôtéd’unhommedecettetrempe.Danssontee-shirtencuiretsonslimnoir,sasilhouetteattiretouslesregards.Quantàcevisage,onluidonneraitlebonDieusansconfession.

–Tasœur,c’estquelquechose…souritmonamantenmerejoignant.–Ouais.Jeplainssesemployés,rigolé-jeensirotantunegorgéedechardonnay.–Elleleuradéjàattribuéunnumérochacun,m’explique-t-ilenignorantlesregardsappuyésqui

setournentverslui,surnotrepassage.–Commentça?–Dansunsoucid’efficacité,elleadécidédelaissertomberlesprénoms.Trop«personnels»,trop

«contre-productifs»,apparemment.–MêmeJasper?halluciné-je.–Oui.MaisceveinardaécopéduNuméroUn,semarreEmmett.

J’éclatederireàmontour,puismelaisseconvaincredesuivremoncolossesurlapistededanse.Noustenonslacadencependantunedizainedechansons–résolumentrock:lamarquedefabriquedelamaison–etnousnousdéhanchonssensuellement,enlaissantnosmainssepromenerpartout,noscorps se frôler, nos regard s’attiser. Ici, Emmett ne risque pas de croiser une quelconqueconnaissance.Nouspouvonsnousoctroyercetinstantdetotaleliberté…

Rochesterdansebien.Ilfaitpartiedeceshommesquin’ontpasvraimentdetechnique,nidedonparticulier pour les chorégraphies, mais qui sont tellement à l’aise avec leur corps que chaquemouvementfaitsonpetiteffet.Rapidement,jemetrémoussedangereusementcontrelui,enivréeparcetteassurancefarouchequ’ildégage.Etjenesuispaslaseule:jenecomptepluslesclinsd’œiletlesbouchesencœurquisedirigentdanssadirection.Maismonmilliardairen’ad’yeux,decaressesetdedésirquepourmoi.EtnousnousenvolonsunedernièrefoissurMuse,ennousoffrantl’undesbaiserslespluspassionnésdetoutemavie.

J’en tremble encore en revenant m’asseoir au comptoir, quelques minutes plus tard. Emmettdiscuteavecungrouped’amateursdescotch,unpeuplusloin,tandisqueJaspermesertunevodka

tonicenseplantantfaceàmoi.

–Tonmecestunphénomène.Ilamislefeuàtouteslespetitesculottes,cesoir,blague-t-il.Jenevaispastedemanderdansquelétatestlatienne…

Jelefusilleduregardetmimeunhaut-le-cœur.Ilsemarreetpasseausujetsuivant:

–Enparlantdepetitesculottes,tusaiscommentJoeaeusapromotion?–Faisgaffeàcequetudis,Jasper,grogné-je.–Çava,ellen’apascouché,siçapeutterassurer!MaisjesuispersuadéqueJackestfoud’elle.–Jack?–LeproprioduCrazyMoney.

Jehausselesépaulesettrempeleslèvresdansmaboisson–mélangeameretsucré.

–C’esttoutcequeçatefait?bougonnelehipster.Jet’offreunscoopettut’enfous.C’estJack,quandmême!Ilestjeune,ilestbeaugosse,ilestpétédefric…etilestdinguedeJoe!

–Commetousleshommesquilaconnaissentdepuisàpeuprèsunquartd’heure,philosophé-jeensouriant.

–Ouais.Pasfaux.Entoutcas,onvaenchieravecelleauxcommandes!conclutJasperenmimantunégorgement,avantdem’abandonnerpourreprendresonservice.

Masœur…Untyran…Etunaimantàmecs…

–Etsionrentrait?mesouffleEmmettàl’oreille,enseplaquantcontremondos.Cetteroberougemeprovoquedepuisledébutdelasoirée…

Ilfaitglisserl’unedemesbretelles,puisl’autre.Jeglousseetmeretourneverslui,poursavourerlachaleurdeseslèvressurlesmiennes.Lorsquesalangueaventureusecommenceàmefaireperdrelatête,jelerepoussedoucementetluiglisse:

–Quiprovoquequi,maintenant?

Monmilliardaire m’adresse un sourire des plus évocateurs, puis m’attrape par le poignet. J’aijuste le tempsde faireunpetit signede lamainàma jumelleavantdepasser laportedesortie. Jem’engouffredanslaberline,suiviedemonLord,dontleslèvressepromènentdéjàdansmoncou.Jelâcheun longgémissement lorsquesesmains remontent le longdemacuisse,mais lavoiturepilebrusquementetjereprendsmesesprits.

La vitre noire qui sépare l’avant et l’arrière du véhicule descend subitement, le chauffeur nousindiquequ’il y a euun accident et quenous allons rester immobilisésunpetitmoment.Emmett leremercie et lui fait signe de nous rendre notre intimité. Dix secondes plus tard, nous sommes ànouveauseulsdansl’habitacle.

– Tu es venu avec moi…murmuré-je en me lovant dans son cou. Tu es venu avec moi pourfélicitermasœur.

–Oui,sourit-iltoutbas.C’estsiincroyablequeça?

–Tun’aimespastoutmélangerengénéral.Nitemontreravecmoi.–Tusaispourquoi,Sidonie,souffle-t-ilen jouantaveclependentifquisurmontemondécolleté.

Lesecret,c’estmapriorité.Maisçan’empêchepasque…–Quequoi?l’encouragé-jeàpoursuivre.

Il sourit légèrement, puis plisse les yeux comme si ses propres pensées le dérangeaient. Il sepencheenavantpourm’embrasser,jeposemonindexsurseslèvrespourl’enempêcher.

–Pasavantd’avoirparlé…–Etsijen’airienàdire?–Pourquoiest-cequetumetiensàl’écartdetout?Jevoudraisrencontrertesamis.Ensavoirplus

sureux,surtoi,surtout…susurré-jeavantdedéposerunfurtifbaiserdanssoncou.Ilsnesauraientrien.Jeseraisjustelananny.Pourl’instant…

–C’estcompliqué,soupire-t-il.–Pourquoi?–Parcequejesuisentraindecéder.Deprendredesrisquesinconsidérés.D’enfreindrepetitàpetit

mespropresrègles…–C’est-à-dire?insisté-jeensentantmoncœurs’emballer.–Jesuisentraindetomberamoureuxdetoi,Sidonie,dit-ild’unevoixdouceetposée.

Malgré moi, mes yeux s’écarquillent, mon corps se tend, ma gorge se noue. Mon blondincendiaireritdanssabarbe,amuséparmonmalaise,puism’obligeàmedétendre,enm’attirantdanssesbras.

–Tudevaisforcémentt’endouter.Detelssentiments,c’estimpossibleàcacher.

Jedevraisluirépondrequec’estréciproque.Dixfois.Centfois.Millefoisréciproque.Maismoncerveaudérailleetmoncœurtambourinetellementfortqueplusriennefonctionneenmoi.Lesmotsrefusentdesortir.Alorsjeverseunelarme,fautedemieux.

–Çane change rienpournous, finit-il parpréciser en caressantmon frontduboutde sonnez.Riend’officiel.Jevaist’aimerencachette,Baby.Commeça,nousseronsintouchables…

Réponds-lui,idiote!!!

«Jet’aimeaussi,Emmett.Tendrement,passionnément,éperdument,mêmesijen’enpeuxplusdecesecret.»

Quelquechose!

–Jesais,Sidonie.Jesais…murmure-t-ilenvoyantmeslarmessedéchaîneretenmeserrantunpeuplusfort.Ilabriséquelquechoseentoi.Etça,justement,jevaisleréparer…

***

Emmettm’a entendue. Pour la première fois, je vaisme rendre chez JudeMontgomery en tant

qu’invitée.Pasentantquenanny.Lorsd’undîner,jevaisdécouvrirmonamantàtraverslesyeuxdesonmeilleurami.Entendredesanecdotesquiremontentà leuradolescence,découvrirdenouvellesfacettesdel’hommequej’aime–maisàquijen’aipasencoretrouvélemoyendeledire.

Pathétique.

Tout sourires, le dandy en costume rayéme fait visiter son « humble demeure », comme il lasurnomme.Unemaisond’architectesurtroisétages,danslesecteurleplusrecherchédeNottingHill.Jelesuisdanslescuisinesoùs’affairenttroischefs.Jereconnaisimmédiatementl’und’eux,jurédel’émissionMasterchef–versionbritish.Puisjedécouvrelegrandsalon,lepetit, lasalleàmanger,celle de réception, celle de cinéma, celle de jeux, l’immense terrasse en bois clair, le jardin àplusieurs niveaux et je m’étrangle – de ravissement – presque à chaque fois. Jude Montgomerysembleapprécierlesbelleschosesetl’artabstrait,sij’encroisladécorationoriginalequidonneuneâmeparticulièreàchaquepièce.Finalement,sademeureestàsonimage.Flamboyante,vivante,maispasseulement.Elleestégalementsubtile,presqueintrigante.

Lesplaisanteriesvontbontrainpendanttoutledîner.Emmettenprendpoursongrade,maisjenesuispasmiseàl’écart.Judesemontrefrancavecmoi,j’apprécieparticulièrementçachezlui.Ilestàl’aiseentoutecirconstance,sesbeauxyeuxvifsmefixentsansdétour,ilnecherchepasàinstaurerunequelconquedistance.Illeditlui-même:

–Quandlecourantpasse,pourquoisefairedescourbettesetsecomportercommedesétrangers?Lavieesttropcourteetmapolitessetroplimitée.

–C’estdeladiplomatiequetuauraisduefaire,pasdubusiness,semarresonmeilleurami.

Jedévore lecontenudechacunedemesassiettesetsens le regardamusé, tendreoubienveillantd’Emmettseposersurmoi,àdenombreusesreprises.Àchaquefois, lapetitebêteseréveilledansmonventre,mais jemeforceà lamaîtriser. Jene luiai toujourspas répondu. Il s’estdévoilé,pasmoi.Malâchetémedégoûte.Jeneméritepastoutessesattentions.

En fin de soirée, mon colosse s’éloigne pour appeler Imogen et s’assurer que Birdie dortpaisiblement. Jude en profite pourm’attirer sur la terrasse, d’où je découvre un jardin illuminé àcouper le souffle. Mais lorsque le dandy lance la conversation, j’oublie rapidement ce décorenchanteur:

–Emmettestcommemonfrère,jesaisquandilpartenvrilleouquandilfaitlesbonschoix.

Je le regarde, un peu hébétée, m’attendant au pire, mais le visage songeur de Jude n’exprimeaucunerancœur,aucunjugement.

–Jesaistout,aucasoùtutedemandes,mesourit-ilsoudain.–Tout?–Absolumenttout.Depuislejouroùilt’aembauchée.Jeluiaitoutdesuiteditqu’ilsefoutaitdans

lepétrin,maisjel’aiencouragéàcontinuer.–Pourquoi?–Parcequetueslameilleurechosequiluisoitarrivéedepuisdesannées.

Sesmotsmetouchentprofondément.JudeMontgomeryn’ajamaiseul’airaussisincèrequ’encetinstant.Etjem’enveuxplusquejamaisdenepasavoirrévélémessentiments–tousmessentiments–àEmmett.

–Nerenoncepas,Sidonie,continueledandy.Neprendspaspeuraupremierobstacle.Parcequejetepréviens,ilyenaura…

–Ilyenadéjàeu.Etjesuistoujourslà,murmuré-jeensouriant.–C’estbiencequejedisdepuisledébut.LessœursMerlinsontdesfillesàpart!–Jelesavais!Joet’aensorcelé.Tuassuccombéàsonpetitcharme…–Petitcharme?Bienplusqueça!Tasœurestsacrémentchiante,maisputain,qu’est-cequ’elleest

belle!

Jeglousseenayantleréflexedemettremamaindevantmabouche–commeunepotiche–pournepasfairetropdebruit.C’estàcemoment-làqu’Emmettrevient,intriguéparnotrehilarité.Jecroisesonregard lumineuxetsuisprised’unesoudaineeuphorie.D’uneenvie folle.Jesuisprête.Jesuisenfinprêteàluidireàquelpointjel’aime.Àquelpointiljoueunrôlecapitaldansmavie.

–D’ailleurs,salopard,rebonditJudeendonnantuncoupd’épauleàmonblondténébreux,tut’esbien gardé dem’inviter à sa soirée de promotion ! Joe aurait adoré que je sois là. J’aurais pu laféliciterenpersonne.Oujustel’emmerder.Elleesttellementmignonnequandelleestencolère…

Paslemoment,Jude.Pasdutoutlemoment…

–Hmm…luiréponddistraitementEmmettenmebouffantdesyeux.Jude,mercipourcedîner.Jecroisquec’estl’heurederentrer…

***

Lapluies’estmiseàtomberaumomentoùlechauffeurarefermélaportière.Leregarddemonamant continue à me poursuivre, dans chacun de mes gestes, dans chacun de mes plus infimesmouvements.Finalement,lecœurbattantàmilleàl’heure,jetrouvelecouragedeluifaireface.Ilestbeauàcrever,danssoncostumenoir,sanscravate,sachemiselégèrementdéboutonnée.

–Jel’aitoujourspensé,tusais,commencé-jeenbredouillantàmoitié.Çanevoulaitpassortir.–Sidonie,tun’espasobligée…murmure-t-ilencaressantmajoue,probablementtouchéparmon

émotion.–Si.J’enaienvie.J’enaibesoin,réponds-je,lavoixunpeuplusassurée.Ettoiaussi…

Jepassemalanguesurmeslèvres,commesiceréflexeallaitmedonnerlaforcedeprononcercesmots–quejen’aiadressésqu’àunseulhomme…etquimel’atantfaitregretter.

– Je t’aime Emmett, soufflé-je en retenant mes larmes. Ça me fait atrocement peur, mais jet’aime…

Sesbrasd’acierserefermentautourdemoiet jemeréfugiecontreson torse,sentantsesmainsm’agripperavecuneintensiténouvelle.Jerelèvelatêteaprèsquelquesprofondesinspirationsetnos

regardssecroisent,ardents,passionnés,presquedésespérés.

Ma bouche frôle la sienne, nos soufflent brûlants et saccadés s’entremêlent, puis la délivrancearrive enfin. Je m’abandonne à lui dans un baiser déchaîné et je savoure cette vérité qui vientd’éclater.L’amourétaitdéjàlà,ilnouspourchassaitdepuislongtemps,maisl’admettreàvoixhautefaittouteladifférence.C’estplusréel.Plusfort.Pluseffrayant,aussi.

Emmettromptnotrebaiserquelquessecondes,justeletempsd’appuyersurunboutonetdelâcherendirectionduchauffeur:

–Nousferonslegrandtourpourrentrer,Alec.

Puisseslèvresavidess’abattentànouveausurlesmienneset,d’unevoixdevelours,monamantinfernalm’annonceleprogramme…

–Ilmesemblequecettenouvellerobeabesoinderespirer.Elleafaitsonboulot,tuétaissublimecesoir,maisilfautluirendresaliberté.

Sesmainss’aventurentsurmapeau,j’entrembledelatêteauxpieds.Marobe,elle,estsurlepointdenousquitter.

Cethomme…veut…me…tuer…

«Nousferonslegrandtourpourrentrer,Alec.»

Je comprends mieux, maintenant. La limousine roule à vive allure, sans à-coups, sans arrêtsbrusquesouviragesserrésetcettevitessenousmontedéjààlatête.

Vitresteintées:check!

Séparationconducteur-passagers:check!

Insonorisation:check!

MonLord en profite pour dézipper lentement, sensuellement, la fermeture Éclair qui se trouvedansmondos.Peuàpeu,letissus’écarte,mapeauestmiseànuetlesfrissonsbrûlantsremplacentlesatinfraisquiemprisonnaitmesseins.

–Pas de soutien-gorge, s’extasieEmmett en découvrantmes tétons auxbouts durcis.Ces joliespommesparfaitementrondes,jepourraislescroquer…

Il s’exécute, je gémis – plus de plaisir que de douleur – et fourremesmains dans ses cheveuxrebelles.Jetireauhasard,sansprécaution.Illâcheuncrirauque,presquebestial,quimedonnedesailes. Je me débarrasse du reste de ma robe – qui a échoué sur mes hanches – sous le regardgourmand, ardent de mon amant. Puis, dans un élan un peu fou, je saute sur lui et atterris àcalifourchonsursescuisses.Jegloussed’excitationalorsquesesmainsemprisonnentbrusquementmonvisage.Ilsusurredesmotsincompréhensiblescontremeslèvres,sesyeuxsombresn’ontjamais

été aussi noirs, je crois. Aussi sauvages, virils, intimidants. Ses dents s’attaquent à ma lèvreinférieure,lamordillent,grignotentmonmenton,sepromènentdansmoncouenm’arrachanticietlàdescrisdesurprise.

Sesmainsdefer,immensesethabiles,seposentsurmesreins,remontentlelongdemacolonnevertébrale,tirentlégèrementlesmèchesquisesontéchappéesdemonchignontressépourmefairelever la tête, puis redescendent au sud, très au sud. Elles empoignent ma croupe, la malaxent, lapétrissent,jusqu’àcequejereprennelecontrôle.

–Mainsenl’air,Rochester,grondé-jeencapturantsespoignets.

Amusémaispasimpressionné,lecolosseblondm’adressesonsourireencoinleplusmalhonnête,puis s’empare voluptueusement de mes seins. Juste histoire de prouver qu’il n’est pas près de sesoumettreàmavolonté.Jenelâcherien,sicen’estungrognementréprobateur.Jetenteànouveau.Cettefoisencore,sespoignetséchappentàmonempriseetsespaumesvontselogeraucreuxdemescuisses.Emmettsemordlalèvreetmefixeintensément,apparemmenttrèsfierdesarébellion–quimemet,jel’avoue,dansunétatsecond…d’excitation.

–Tuesdéterminée,Baby.Presquetrop…ricanemonamantencaressantmapeauextra-sensible.Maistut’attaquesàpirequetoi.Jesuisuneforteresse.Tun’obtiendrasriendemoicommeça.

–C’estcequ’onverra…soufflé-jeencommençantàmebalancersurlui,d’avantenarrière.

Jejouemacartemaîtresse.Maféminité–recouverted’unpetitmorceaudedentelleclaire–partàlaconquêtedesavirilité,elle-mêmeenferméedanssonpantalondecostume.Et jenesaisquoi,endessous.

Ilmetardedeledécouvrir…

Jem’agite,mecambre,mefrotte,ondulelepluslascivementpossible.Mesinhibitionssesontfaitlamalle: jesuisunedéessedel’amour,uneduchessescandaleuse,unemaîtressecharnelle.Jevoisdanssesyeuxquemonpetitmanègefonctionne.Sarespirationletrahit.Ilperddesasuperbe,toutàcoup.LegrandLordsetransformeenmâleenrut.Etj’adoreça.

Toutencontinuantàletorturerd’avantenarrière,dedroiteàgauche,jem’attaqueàsesvêtements,quimeséparentdesapeau,mepriventdesachaleur.Savestenoirecoopèreetéchouesurlecuirunsoupirplus tard.Lesboutonsde sachemisemedemandentunpeuplusd’agilité,mais j’enviensàboutetarrachebrusquement le tissu–sous leregardmi-bluffé,mi-moqueurdeMrRochester.Sontorsesculpturalapparaîtenfinetjenepeuxréprimerungémissementgourmand.Lorsqu’ilsemetàricanerdanssabarbenaissante,jemejettesurseslèvresàlavitessedel’éclair–etutilisemesdentsacérées–pourlefairetaire.

Objectifatteint.

Jem’attaqueàlaceinturedesonpantalongriffé.Là,MrJe-Te-Narguenerigoleplusdutout.Sonexpressionsedurcit…leresteaussi.Jesenssonsexesetendrecommeunarcàchaquecontact,mêmeinfime. Je prends mon temps, défais la boucle, tire lentement sur la bande de cuir pour la fairecoulisserdanschaquepassant,monamantdevientdeplusenplusimpatient.L’agrafedesonpantalon

saute,jemereculeetposemespiedsàterre,illèvesonbassinpourm’aideràfaireglisserletissulelong de ses jambes. Ne reste plus que son boxer. Noir. Comme ses yeux, qui me fixent etm’interrogentàlafois.Ilsmelancentundéfi.

Alleràlarencontredecequibrûleendessous?Pasbesoindedemander,monLord…

Sonpieuestenfin libre.Enfinàmaportée.Sa raideurextrême,preuvedesondésir,ne faitquedécuplerlemien.Enm’installantànouveausurlui,jeleprendsenmainetcommenceundouxva-et-vient, mes yeux plongés dans ses pupilles sombres et dilatées. Emmett actionne un bouton sur sagaucheetimmédiatement,desnotesjazzy,lentesetsensuelless’infiltrentdansnotrebulle.

Je continuemes caresses, recommence àme dandiner sur lui, le frottement de sa peau surmaféminité me procurant des vagues de plaisir de plus en plus intenses. Ses grognements rauquesm’incitentàaccélérerlacadence.Monblondténébreuxlèvelesmainsversmonvisageetlesglissedans mes cheveux. Il détache les barrettes qui les retiennent en l’air, jusqu’à ce que ma crinièreretombesurmesépaules.

–Tuestellementbelle,murmure-t-ild’unevoixunpeuessoufflée.Quelcon,jen’auraisjamaisdût’imposerlechignon…

Jeglousse,raviedepercevoirtantdedésirdanssavoix,puisaugmentelerythmedemesallers-retours.Sonsexecoulisseparfaitementdansmapaume.Enquatremois, j’aiapprisàmaîtriserunebêtedececalibre.Nos lèvresse retrouvent,aimantéespar lamêmesoifde l’autre, lamêmeenvie.Noslanguess’effleurent,puiss’enroulentetselancentdansunedanseendiablée.Jemerecule,afindereprendremarespiration.C’estàcemomentqu’ilpasseàl’action.

Jepousseuncriaigulorsqueladentellequicachemonintimitésedéchire.Lesourired’Emmettenditlong:ilestsatisfaitdel’effetquesonactedebarbarieaeusurmoi.Monstring–oudumoins,cequ’ilenreste–danssamain,ilfaitsonmalin.Jetentedeleremettreàsaplaceenmevengeantsursonsexe–unpetitpincementbienplacé,riendeplus–maisilnem’enlaissepasl’occasion.

LalimousineroulesansfinsurlebitumedelaM25,quifaitletourdeLondres.Moncolossemesoulèveetm’allongesansménagementsurlabanquettequidoitavoisinerlesquatremètresdelong.

EtmoiquimedemandaisàquoipouvaitservircettebanquetteenU…

Lecuirfroidmemordledos, lesfesses.Lecontrasteavecmonsangquibout,monintimitéquipalpiteestsaisissant.Jeresteimmobile,anesthésiéeparcechocdestempératures.Monbourreaudescorpsenprofitepoursedébarrasserenungestedesesvêtements–échouésàseschevilles–ainsiquede seschaussureset chaussettes.Sublimementnu, faceàmoi, ilmedonne toutun tasd’idées.Plusinavouableslesunesquelesautres.

Mèneladanse,Rochester…Surprends-moi…

Ilavanceversmoicommeunprédateurs’approcheraitdesaproie.Enseléchantlesbabines.Sesyeuxbrillent, sa peau frémit, sesmuscles sont contractés, plusvisibles augréde sesmouvements.Appuyésursesmains,sursesgenoux,monamants’installeau-dessusdemoi,medominantdetoute

sahauteur.Jesuisàsamerci,allongéesurledos,offerteàlui.Sonsexeesttoujoursaussialléchant,dresséàl’extrême.

Sonregardmebalaiedebasenhaut,àplusieursreprises,lalueurdanssesyeuxgrandissantunpeuplus à chaque fois. Il déposeunbaiser brûlant surmon front, l’arêtedemonnez,monmenton, lanaissancedemondécolleté…Jefrissonne,enredemande,maisilnecèdepasàmessupplications.

Unhommeenmission…

Puis, dans un mouvement fluide, le visage et le corps de mon amant reculent lentement, pouratteindremazonelaplussecrète,laplusintime.

–Jenet’aijamaisdégustéedansunelimousine…murmure-t-ilauloin.Graveerreur.

Sesmainsécartentunpeuplusmescuisses,seslèvressepromènentsurmapeausensible,humide,jusqu’à approcher dangereusement demon clitoris. Je lâche un long gémissement lorsqu’enfin, ils’en empare en douceur. Puis il le relâche, s’aventure plus bas, glisse sa langue en moi. Jem’accrochecommejepeuxà labanquette–quisoudainseréchauffeetmecolleà lapeau–etmeretiensdecrier.Monbassins’agite,moncorpsestparcourudesoubresauts.Cequ’ilmefaitavecsalangue…c’estdivin.Plusqueça.J’enperdslefildemespensées.Impossibledetrouvermesmots.Cequiestentraindesepasser,jen’aipasbesoindel’analyser.

Maisjeveuxengardertouslessouvenirs…

Graverchaquesensationenmoi,pournejamaislesoublier…

Haaan…C’est…si…bon…

Tais-toietprofite,jacasse!

Marespirationestdeplusenplus rapide,demoinsenmoins régulière. Jemecambre,m’ouvredavantage,lâchedesrâlesincontrôlésalorsquemonblondténébreuxnefaitqu’unebouchéedemonsexe.Ilmetitille,mefrôle,mesuçote,megobe,medévore.Maisilnes’arrêtepaslà:unLordsedoitd’être multitâches… Il parvient insolemment, à bout de bras, à s’emparer de mes tétons pour lesattiserenmêmetemps.

C’en est trop. Sous ces assauts innombrables, mon corps est au bord de l’explosion. Mesgémissementssontplusfréquents,plusintenses,jefourragemesmainsdanslescheveuxd’Emmett,pourluiexprimerl’urgencedemondésir.Jetiresatignasseunpeutropfort,ilsevengeendonnantunpetitcoupdedentquimerapprocheencoreunpeuplusdel’orgasme…

Il connaît mon corps, est parvenu à déchiffrer son langage, sait quand je suis sur le point desuccomber. Ses lèvres avides quittentma féminité trempée et débutent leur ascension érotique. Lapointedesalangueremontelelongdemeshanches,puisfaitunlargedétour.Ildéposeunbaisersurmonnombril,puissurchacundesgrainsdebeautéquil’entourent.Saboucheenflamméesepromènesurmonventre,embrasse,lèche,mordille:j’aibeauprotester,lesupplierdemettrefinàcesupplice,ilfaitcequ’ilveutdemoi,unsourireimpertinentilluminantsonsublimevisage.

Penseràmevenger…

Aaaah…Montétondroitn’estpascomestible,MrRochester!

Son imposante silhouette surgit au-dessusdemoi.Enfin.Ladélivrance.Son torse, son tatouage,sespectoraux, sesbiceps, sesveines saillantesquimarquent soncou : jevois tout, je fantasmesurtout,jedésiretoutchezlui.Sesdents–particulièrementjoueuses,cesoir–s’attaquentaulobedemonoreille,tandisquesamaindroiterelèvesoudainementmacuissepourouvrirlepassage.

Emmettéchangeunregardfurtifavecmoi–passionné,farouche,fier–puisilmepénètreenfin,engrognantdansmoncou.Je frissonnede toutmoncorps,unevaguedechaleur infernaledéferledansmonintimité,jemeursdechaud,dedésir,deplaisir.Lerythmeestsoutenu,ill’acompris:jen’ai envie ni de douceur, ni de tendresse.Cela peut paraître étrange,mais après lesmots d’amourqu’ilm’aadressés,j’aiplusquejamaisbesoinqu’ilsoitfougueux,bestial,déchaîné.

Cesoir,jeveuxquelapassionl’emportesurl’amour…

Les notes qui sortent de ma bouche ne parviennent pas à recouvrir la musique, mais presque.Aiguë,grave,rauque,cassée:mavoixfaitlesmontagnesrusses.Jesuisentranse.Emmettglisseenmoideplusenplusvite.Ilredressesonbuste,remontemesdeuxcuissesetcalemesmolletssursesépaules.Jegémisdelevoirsigrand,sivaillant,faceàmoi.Ilm’empoigneleshanches,coulisseànouveauentremeschairsetmepossèdedeplusbelle,unpeuplusfort,plusloin.

Sesva-et-vientm’ensorcellent.Lamanièredont ilme transporte, à cet instant, c’estde lamagienoire.Ses irissombresme jettentdessorts.Sesmainsquim’empoignentmarquent lapeaudemeshanches,labrûlent.C’estpresquedouloureuxmaisj’aimeça.Sontorsesculptésegonfleunpeuplusàchaquepénétration.Sonsexegranditenmoi,meremplissantdetoutesaforce,detoutsonvenin.

Mesgémissementsetsesgrognementssefontécho.Delabuéeapparaîtpeuàpeusur lesvitres.Cetteétreinteduredepuisunepetiteéternité,maisjen’enaijamaisassez.L’adrénalinecouledansmesveines,leplaisirbrut,sansartifices,medonnelaforcedesuivrelacadenceinfernalequ’imposemonhomme.Sapeaubrûlanteclaquecontrelamienne,encoreetencoreetbientôt,jen’entendsplusqueça.

Tout devient flou,ma respiration entame un sprint, mes ongles s’enfoncent dans sa peau,monintimitésetransformeenunbrasierquerien,sicen’estlajouissance,nepourraitéteindre.Un,deux,troisdernierscoupsdereins,sonregardplantédanslemien,etjem’envole,encriantsonnom.Uncourant électrique ultrapuissant déferle dans tout mon corps, allumant au passage toutes mesterminaisonsnerveuses.L’orgasmesurnaturel,quidure…etdureencore.

Emmett me rejoint, au milieu de cette décharge électromagnétique d’un nouveau genre. Il sepenchesurmoi,grognetoutprèsdemeslèvresdansunedernièrepercée.Ensemble,nouslaissonslajouissanceatteindredessommets.

Nousrestonsimbriquésl’uncontrel’autre,pendantdelonguesminutes,savourantlecalmeaprèsla tempête. Emmettme caresse tendrement l’épaule, je redessine son tatouage du bout du doigt etdécouvrequ’il renfermeunmessage.C'estalorsque levéhicules’immobilise.MonLordserelève

d’unbondetmetendlamainpourm’aideràmerelever.

–Jesuissûrqu’Alecseraitravidetevoirnue,murmure-t-ilenfaisantglissersespaumessurmesreins.Maiss’illefait,jeseraiobligédel’abattre…

–Ceseraitdommage,ris-jedoucement.Ilconduitsibien.Jen’avaisjamaisvécuuntrajetaussi…divertissant.

–Enfile ça avant que je te divertisse à nouveau, grognemonblond ténébreux en ramassantmarobe.

L’orgueildecethomme…Unvraiaphrodisiaque…

5.Héroïneouvictime

Emmettdortpaisiblement,allongésur ledos,sesdeuxbrasmusclésremontésendirectiondelatêtedelit.Iln’estpasencoreseptheuresdumatinmaissaprésenceàmescôtés–dansmonlit–estplusefficacequetouslesradios-réveilsjamaistestés.

J’aiouvertunpremierœililyaquinzeminutes,l’aidécouvertlà–nu,immenseetserein–aifilédanslasalledebainssurlapointedespieds,mesuisfaitunerapidebeauté–justel’essentiel–etsuisrevenueme glisser sous les draps, l’air de rien. Il n’a pas bougé d’unmillimètre, son visage esttoujours tournéversmoi.Duboutdes lèvres, je frôlesonnez, sabouche,sabarbenaissante.Puis,toujoursdeprofil,jem’installedélicatementauplusprèsdelui,posantmatêtesurlapeaudouceetclairedesondessousdebras.

Parcequesabeautésauvagenesuffitpas,ilfautqu’ilsentediablementbon…

J’ai enfin l’occasion d’admirer l’œuvre d’art sur sa peau, qui forme un large tourbillon. Sonpectoralsegonflerégulièrement,augrédesarespirationetpourlapremièrefois,mesyeuxplissésdétaillentavec insistance le tatouagesombrequi lebarre.Lescourbesabstraiteset esthétiques sontrégulières, dans un noir profond qui jaillit sur sa peau ambrée. Après quelques secondesd’observation assidue, je réalise que ce cyclone comporte unmessage, écrit en lettres légèrementmodifiées–pourqu’onnelesdéchiffrepastropfacilement,j’imagine.

«IcarryyourHeartinmyHeart»

«JeportetonCœurdansmonCœur»

–C’estunecitationd’unpoèmed’E.E.Cummings,murmurelavoixrauqued’Emmett.

Sesyeuxnoirssontbraquéssurmoi,sonintensitémeglace,j’aiunmouvementdereculmaisilmeretientparlatailleenesquissantunsourirearrogant.

–Tucroisvraimentquetupeuxscrutermapeau,lorgnermachaircommesij’étaisunevulgairepiècedebétail?ricane-t-ilenmeramenantcontrelui.

Je respire l’odeur enchanteresse qui émane de son cou, mon esprit commence à tanguer, mavolonté à faillir… puis jeme reprends et décide de ne pasme laisser faire. Je le repousse etmeredressesurmescoudes,pour ledominerd’une tête.Lui resteparesseusementallongé, sonvisagefier–satêteàclaques–dirigéversleplafond.

–Ne joue pas à la victime, Lord Supermilliardaire. Tu ne sais pas ce que ça fait d’être traitéecommeunboutdeviande!

–LordSupermilliardaire ?Elle estnouvelle, celle-là, semarre-t-il en tendant lamainversmoipourmecaresserlajoue.

Jerepoussesonpoignetmaisrisdecesurnomridiculeaveclui.

–Tumeparlesdetontatouage?demandé-jesoudain,enadmirantànouveaul’encrenoire.Qu’est-cequ’ilsignifie?

–Beaucoupdechoses,souritsubtilementmonamant.–«JeportetonCœurdansmonCœur».Ils’agitde…?–Non, il n’est pas destiné à Robyn, tranche Emmett, sansme laisser le temps de formulerma

question.

Ilserelèvecontrelatêtedelitetpasseénergiquementlamaindanssescheveux.

Malàl’aise,MrRochester?

Ému?

Sesyeuxbrillent…différemment.

– C’est Birdie qui est visée, murmure-t-il enfin. Quand sa mère est morte, je me suis juré deprotégernotrefille.J’aivoulugravercettepromessesurmoncorps.Soncœur,c’est lemien.Jeleprotégeraicoûtequecoûte,jusqu’àmonderniersouffle.Tucomprends?

Saquestionn’était qu’un soupir. Je ressens ladétresse,mais aussi tous les espoirsd’unhommeprêt à tout pour que son enfant ne soit jamais la victime d’unmonde où les pires injustices vousfrappent,dèslanaissance.Birdieneconnaîtrajamaissamère,maiselleauraunhérospourpère.

–Jecomprends,susurré-jeenmeblottissantcontrelui.Pourquoiuntourbillon?– Parce que c’est viril, indomptable, déchaîné… comme moi ! s’écrie-t-il en m’emprisonnant

soudaindanssesbras.

J’auraismieuxfaitdemetaire…

Quoique…Ceslèvres…Cettelangue…Cettearrogance!

***

J’étaissurlepointd’installerlarouquinedanssachaisehautequandConnorluiadonnélabonneidéedeselancerdansunegrandepartiedecache-cache.Ilestpresque19heures,lerizparfuméestprêt,lepouletauxabricotsestcuitetpatientedanslefourtièdedepuisunbonmoment.Cesoir,j’aidécidédecuisinerpourtoutelamaisonnée.Cetterecette,c’étaitcelledemamère.L’undesseulsplatsqu’elle réussissait à tous les coups, malgré son niveau culinaire désastreux – Hélène avaitparfaitementconsciencedeseslimitesetpréféraitenrire.

CequiexpliquelapassiondeJoepourleschipsettoutautreproduitenboîtesousachets…

19 h 15. Je pars moi-même à la recherche du petit monstre pour accélérer le processus.ConnaissantConnor,ilseraitcapabledejoueravecelleunebonnepartiedelanuit.Jelaretrouveaufinfondduplacarddel’entrée–tandisquelemajordomeestàquatrepattesdanslesalon,entrain

d’inspectersouslescanapés.

Bienlasurveillance,Connor…

Birdiesedébat lorsquejelaprendsdansmesbras,maisj’échappeaucapricegrâceàl’appelduventre.Lepetitgloutonm’entenddire«poulet»et lacrisepasse.Sur lecheminde lacuisine,uneodeurmeparvient.Uneodeurdebrûlé.Jepresselepas,déposeBirdiedanssachaisehauteetouvrelefourencatastrophe.Uneépaissefumées’enéchappe,jeplisselesyeux,lachaleurmepicotelevisageet…desalarmesstridentessedéclenchent.

Lesdétecteursdefumée…

J’appelleConnoràlarescousse,ouvrelesfenêtresengrand,puisagitefrénétiquementlepremiertorchon qui passait par là en direction du four. Comme si ça allait changer quelque chose. Lemajordomem’annonce qu’il va chercher l’échelle, seulmoyen pour atteindre les détecteurs et lesdésactiver.Ildisparaît,lesalarmesrugissenttoujours,stressantes,assourdissantes.Àl’autreboutdelapièce,Birdieestenpleurs.Je la rejoinsenmeforçantà luiparler lepluscalmementdumonde,quandlatornadeEmmettseruesurnous.Débarquédenullepart,ils’emparedesafille–quihurledeplus belle – m’attrape fermement par le bras et nous trimbale en direction de l’entrée. Dans lapanique,j’aijusteletempsdevoirl’expressionfigéequidéformesonvisage:ilestcommepossédé.

Ilrevitlascènecauchemardesquequiluiaenlevésafemme.

Saufquecettefois,iln’yaaucuneflamme:justedelafumée.

Lesalarmes,c’estcequiadéclenchésonétatdetranse…

Jetentedeluifaireentendreraison,deluiassurerqu’iln’yapasd’incendie,quenousnesommespasendanger,maisilcontinueàmetraînerjusqu’àlasortie,enbeuglantdesbribesdephrasesquin’ont aucun sens.Nous sortonsde lamaison, courons jusqu’au trottoird’en face.Emmettplace safilledansmesbras,puism’ordonned’appelerlespompiers.Lui,desoncôté,s’estmisentêted’allerchercherConnor.

Cettefois,jenelelaisseplusdélirer.Jehausseleton,leforceàmeregarderdanslesyeuxetàseconcentrersurceque je luidis.Aufildemonexplication,sonregardfourevientà lanormale,sarespirationsecalme,maissoncorpstrembletoujoursautant.

–Cen’estrien,Emmett.Justedelafumée…répété-jepourladouzièmefois.

Del’autrecôtédelarue,lesalarmessetaisent.Connoraprobablementréussisamission.

–Quandjesuissortidelavoitureetquej’aientenduça,j’aicruquej’allaislaperdre,murmure-t-ilencaressantlesbouclettesdesafille.Teperdre…ajoute-t-ildurement,enmefusillantduregard.Qu’est-cequ’ils’estpassé?

–Monpouletacramé…avoué-je,terriblementgênée.Jepensaisqu’ilréchauffaitdoucement,maisBirdieadûaugmenter la températuredu fourenpassantdevant.D’habitude, je la surprends, là, çam’aéchappé…

–Jevaisfaireinstallerunesécurité.Enattendant,n’oubliepastesresponsabilités,Sidonie.Tueslananny,paslacuisinière.Connorauraitdûêtreauxcommandes.S’iln’arrivepasàtoutgérer,jepeuxluiembaucherunsecond,grommellemonmilliardaireenfixantlatownhouse.Allons-y,rentrons.

Sadernièrephraseétaitplusdouceetlorsquejetrouvelecouragedeluidirequetoutçaétaitmonidée– ledîner surprise,moiaux fourneaux,Connorenapprentibaby-sitter–, ilneme faitpasdereproches.Finalement,lesoulagementl’aemportésurlacolère.

Etjeréaliseàquelpointsonpasséesttoujoursprésent.

Lesflammeslehantent.Cettephobienelequitterajamais.

***

Latableinterminabledelasalleàmangerbrilledemillefeux.Lavaisselledesgrandssoirstrônesurlanappeblancheauxfinitionsdorées,descompositionsfloralesdécorent lecentredetable, leschaisesanciennesauxarmureries centenaires– toutes retapéespourunconfortoptimal–attendentleursvisiteurs.Ilsserontdixàdégusterlesmetslesplusfinspréparésparunehordedechefsétoilés.EmmettRochester,PDGetactionnairemajoritaireduRochester&MontgomeryGroupsaitrecevoir.Surtoutlorsquesesmeilleursassociésfigurentsurlalistedesinvités.

Lespremiers arrivés s’envoientquelques coupesde champagnedans legrand salon. Jenepeuxm’empêcher deme demander ce qui s’y raconte. Si quelques éclats de rire fusent, les discussionsrestentsecrètes.Depuislacuisine–notrerepèrepréféré,malgrél’effervescencequiyrègnecesoir–,Connoretmoiobservonsunàunleshommesencostardetfemmesenrobedegrandscouturiersquipassentlaporte.JudeetCamillasontarrivéslespremiers.Luiencostumebleumarineetcravatefuchsia.Elleen robe fourreaudorée–parceque«humilité et sobriété»ne fontpaspartiede sonvocabulaire.

Ditlanannyentailleurnoirstrict,enmaudissantsonuniformeetlaprestancedecettefemme…

–Jenesuispasfâchédenepasêtredeservice,cesoir,sefélicitemoncomplice.Andrewadupainsur la planche, d’ici à ce qu’ils partent ! Lui, c’est Dave Garvin, un génie du calcul mental,m’explique-t-ilenévitantdejustesseunplateaud’escargotssaucepiquante.Ilestdéjàvenudîner,ils’estamuséàadditionnertoutcequiluipassaitsouslenez.Pasdebol,cesoir-là,onservaitdespetitspoisengelée…

La séancedepotinsdureunebonne trentainedeminutes. Jepouffe à chaque récit – légèrementexagéré–demonfidèleallié.Nousgrapillonsquelquesamuse-bouchesaupassage,souslesregardsconsternésdesgrandschefsquisedémènentderrièrenous.

20h30.Ledînerdevraitdémarrer,maismanqueundernierinvité.Jem’attendsàvoirdéboulerunbusinessmanaffolé–onne faitpasattendreLordRochestersansconséquences…–maisc’est toutl’inverse.Unefemmesublimed’unequarantained’années–peut-êtreunpeumoins–faitsonentréeetlaterreentières’extasie.Moiycompris.Sacrinièrebruneetflamboyantetombeencascadesursesépaulesnues,sarobenoiredécolletéeetfenduesurlecôtélaisseentrevoirunepoitrinederêveetdes

jambes de gazelle. Sa voix est séductrice, ses attitudes enjôleuses… Cette femme est le dangerpersonnifié.

–CedoitêtrelafameuseSerenaDrummond,souffleConnor,luiaussisouslecharme.–Qui?–Lanouvelleassociée.EllevientderejoindreleRMG.J’aientendudirequec’étaituneredoutable

femmed’affairesmaisj’ignoraisqu’elleressemblaitàça…siffle-t-il,admiratif.–Connor!grogné-jeenluidonnantuncoupdecoude.–Désolé,sereprend-ilenluitournantledos.–Jerêveouellevientde…?m’écrié-je,incapabledeterminermaphrase.

Jen’aipasrêvé.Ellevientbeletbiend’embrasserEmmettsurlabouche.Unbaiserfurtif,échangénaturellement, comme s’il s’agissait d’une bise classique. Sauf que cet homme est à moi. Ilm’appartient,corpsetâmeetjesuisàdeuxdoigtsd’allerleluirappeler…

Etd’arracherlesyeuxaguicheursdecetteeffrontée!

Etencore,jesurveillemonlangage…

Jeme ravise et redescends en température lorsque je voisEmmett se reculer brusquement et sacollègues’excuserplatement,enriant.

C’étaitunaccident.Justeunaccident.

Enmelerépétant,jevaisfinirparlecroire…

Mon Lord passe rapidement en cuisine – pour vérifier que tout est en place, ses troupesopérationnelles – et annonce le lancement du dîner. Juste avant de s’éclipser, ilm’adresse un clind’œilmutinetchuchoteunminuscule«Bye,Baby…».Mesjouesreprennentdescouleurs,moncœurse déleste d’un poids d’une tonne. La cuisine se transforme en champ de bataille : les cuistots semettentàl’action,lesserveursentrentetressortentenfileindienne.

Connoretmoidevonstrouverunenouvellecachette.

–J’aiuneidée,souritledouxgéantenmefaisantsignedelesuivre.

Jepénètrederrièreluidanslapetitepièceattenanteaubureaud’Emmett.Unregardendirectiondumajordomeetilcomprend:

–Onestenzonelibre,ici.J’ail’autorisationofficielled’ytraîner,doncparextension,toiaussi.

Il allume le double écran plat de l’ordinateur et lance un logiciel. Aussitôt, des imagesapparaissent.Ilcliquesurl’uned’ellesetmoncerveaufaitenfinlaconnexion.

–Descaméras!dis-jeàhautevoix.–Oui.MrRochestermedemandeparfoisdejeteruncoupd’œil,quandonadelavisite.–Jecomprendspourquoitusaistoutsurtout…

–J’ensaismêmepeut-êtreplusquetunelecroies,sourit-il.–Quoi?Qu’est-cequetuasvu?Tunousasépiés?!m’offusqué-jeenfaisantsemblantdeletaper.–Non,jen’allumecetécranquelorsquenousavonsdelacompagnie.Tufaispartiedelamaison,

Sidonie.Tun’asrienàcraindre.–J’aimemieuxça…–Bon,etsionsetaisait?Pourentendrequelquechose…–Bonneidée.–Tuasparlé!–Toiaussi!

C’estsansfin…

Riendepalpitantnesepasseàl’écran,sicen’estcefoiegraspoêléquimemetl’eauàlabouche.Serenaestassiseàcôtéd’Emmett,maisnetenterien,sicen’estquelquesmainsposéessursonbras–qu’il dégage, à chaque fois. Mon complice et moi finissons par nous lasser et quittons la pièceenvironuneheureplustard.Ilfileregagnersapetitemaison,jem’apprêteàgravirlesescalierspourretrouvermondernierétage.

–BonsoirSidonie,entends-jelavoixprétentieusedeLadyBradford.–BonnenuitCamilla.

Unefaçonpoliedel’envoyerpaître…

–Cesdînersm’épuisent, soupire-t-elleenm’empêchantdem’échapper.Sourireà touscesgens,justeparcequ’ilsmerapportentdel’argent,cen’estpaspourmoi…EtcetteSerenamesortparlesyeux!

Elle s’arrête brusquement de pester, consciente qu’elle en a probablement trop dit.Personnellement,jemedélectedecetteconfession,résolueàlafaireparlerdavantage…

–Qu’est-cequevousluireprochez?–C’estpourtantévident,non?Cettefemmeestunemanipulatricedepremière.Unerobemoulante

par-ci,unbattementdecilspar-làetellesemettousleshommesdanslapoche!

Jericaneintérieurement,enréalisantqu’ellevientdesedécrireelle-même.

–Elleestdangereusementdéterminée,voussavez,reprend-elleenbaissantleton.JeparledesesvuessurEmmett…

–Camilla,jemepasseraisfranchementdevotreavis,fais-jeenlevantlesyeuxauciel.– Comme vous voulez. En attendant, sachez que si j’étais une quelconque menace à vos yeux,

Serenaest…unebombenucléaire.Jesuisdésoléed’êtresiabrupte,maisvousnejouezpasdanslamêmecour.Avecelledanslesparages,vouspouvezdireadieuàvotrecharmanteidylle…

Surce,laLadyenhabitdelumièretournelestalonsetreprendladirectiondelasalleàmangerenagitantlamain.

Jeluiferaisbienbouffersonpapierd’aludoré.

***

Lesilencem’oppresse,àcetétageoù–misàpartmoi–riennebouge,riennevit,riennerespire.J’ignorecequ’ilsepasseautourdelatableaniméedurez-de-chaussée,siladiablesseenrobenoiretentequoiquecesoitpourattirermoncolosseblondentresesgriffes.Seulmoyenpouréloignercessombrespenséesdemonespritquitourneenboucle:Joe.Onestjeudisoir,elleestgénéralementderepos–maissera-t-elleàl’appartement?

Je file tout droit au salon,m’affale sur le canapémoelleux et fais glisser l’ordinateur surmesgenoux.Pasdechance : lepseudodema jumelleapparaît,mais il estdéconnecté. Je lui envoieunmessagedeS.O.S.–enprécisanttoutdemêmequ’ilnes’agitpasd’unequestiondevieoudemort.Masœurprendleschosestropàcœur,parfois.Elleatendanceàdébarquern’importeoù,n’importequandetàtoutpétersursonpassagesiellemepenseendanger.

Qu’est-cequejel’aime,celle-là…

J’ouvremaboîtemail.Parmitousmesmessagesnonlus–despubsetdesspamspourlaplupart–l’un d’eux attire immédiatement mon attention. Et me fait grincer des dents. Il est signé MathiasPrévost.

Ilnemefoutrajamaislapaix,celui-là…

Àmoinsquecesoitunmessaged’adieu?

L’espoirfaitvivre.

J’ouvre le satané e-mail et commencema lecture, un peu crispée. Je découvre une trentaine delignesécritesdansunepolicefineetserrée.Jelessurvole, j’yreviendraiplustard.Enbasdulongparagraphe,jedécouvreunemention:

Extraitdemonprochainroman-vérité:"LaNannyetleMilliardaire–LiaisonMaudite".

Je frissonne, un creux se forme dansmon estomac. Encore un peu plus bas, unmessagem’estadressé:

Madouceettendrebriseusederêves,QuittetonRochesterousaréputationserabousilléeàjamais.Latienneégalement.Le monde entier pensera que tu es une call-girl sans âme, une manipulatrice sans cœur, qui aabandonnésonenfantparlâchetéetdécidéd’éleverceuxdesautres,poursoulagersaconscience.Lemonde entier saura que ton Lord est un comédien de première, qui joue le veuf éploré pourattirer des gamines naïves et désespérées dans son lit. Il n’a pas sauvé sa tendre Robyn desflammes,peut-êtreparcequ’elleneluiétaitplusd’aucuneutilité?Pourunefois,faiscequejetedis.Sorsdesavie,oujeferaiensortequevospiresdémonsvoushantentpourl’éternité…

Avectoutmonamour,Tusaisqui

Jeremontelecurseurdemasourisjusqu’enhautdumail.Lesyeuxremplisdelarmes,jemeforceàlireleparagraphedontjesuisl’héroïne.Ouplutôtlavictime.

Emmettetmoipassonspourdesmonstres…

Jerefusedelefairesombreravecmoi…

Àsuivre,nemanquezpasleprochainépisode.

Egalementdisponible:

Sexfriends

AlistairMonroeabeauêtreunjeunemultimilliardaireabsolumentcharmantetbeauàtomber,ChloéHaughtonn’envisagepasuneseuleseconded’entamerunehistoiresérieuseaveclui.Lajeunefemmeestterroriséeàl'idéed'avoirunerelationdeplusd'unenuitavecunhomme.Etcelaimpliquederespecterlachartequ'elles'estfixée,dontlarèglenuméro2est:Passerunenuitavecunhomme:ok;deuxnuits:alerterouge,troisnuits:danger!oulaplusimportante,lanuméro4:Nepastomberamoureuse.Saufqu’Alistairn’apasl’habitudequ'onluiimposedesrèglesetentendbienséduirelabelleChloé.

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.