1. Chapitre 6
2. LES MAUVAISES HERBES
I. I - NATURE ET NOCIVITÉ DES MAUVAISES HERBES
Encore plus que dans les régions tempérées ou méditerranéennes, la lutte contre les
mauvaises herbes est un souci quotidien pour le maraîcher tropical. Il a affaire à des
concurrentes parfaitement adaptées au climat, et douées de moyens de reproduction très
efficaces : graines très nombreuses, à germination immédiate ou échelonnée, suivant les
espèces et les conditions climatiques, ou fragmentation illimitée de l'appareil végétatif.
Contre elles, les plantes cultivées se défendent plus ou moins bien. Des expériences
réalisées en Jamaïque et à Trinidad ont montré que, pour ne pas souffrir de la concurrence,
les cultures de Haricots, Tomates et Patates douces doivent être tenues propres pendant 1
mois après semis ou plantation, celles de Pois d'Angole 10 semaines, celles d'Ignames
palissées ou d'Allium pendant toute la durée de végétation. Ce serait cependant un
mauvais calcul de se conformer strictement à ces indications, et de laisser pousser et
grainer les mauvaises herbes à partir du moment où elles ne sont plus nuisibles à la culture
en cours, car on augmenterait l'infestation de la culture suivante. Un jardin maraîcher
permanent doit être désherbé sans interruption. Dans le cas où sont associés culture
maraîchère et élevage — donc jachères pâturées — l'agriculteur peut être tenté d'arrêter le
désherbage avant la fin d'une culture (Tomates, par exemple en Grande Terre de
Guadeloupe) et d'utiliser la végétation spontanée à dominante d'Amarantes qui s'y
développe pour nourrir de jeunes bovins. On risque cependant ainsi d'augmenter dans le
sol le stock de graines de mauvaises herbes. Bien entendu le semis d'un sorgho fourrager
désherbé à l'atrazine, suivi d'une plantation de Pangola, serait une solution plus moderne
et plus intensive.
On perçoit cependant à travers cet exemple à quel point la relation de l'agriculteur avec la
«mauvaise herbe» peut être complexe : concurrente des cultures, bien sûr, mais aussi
productrice de fourrage, et restauratrice de la fertilité dans les jachères herbacées, source
en particulier de matière organique pour les buttes destinées aux plantes à tubercules.
Nous décrirons ci-dessous trois sortes de mauvaises herbes qu'on peut considérer comme
de diffusion mondiale (sévissant aussi bien en climat méditerranéen que tropical), puis
essaierons de donner une idée de la variété botanique des mauvaises herbes susceptibles
d'envahir les jardins tropicaux.
Amarantes, Pourpier et Cyperus doivent peut-être leurs vertus envahissantes à une
photosynthèse de type C4 particulièrement efficace (v. chapitre 2). Certains types
végétaux de ces plantes sont d'ailleurs cultivés : Amarantes-épinards, Pourpier à larges
feuilles, et en Espagne la Chufa, variété de Cyperus esculentus, dont les tubercules sont
utilisés pour fabriquer une boisson rafraîchissante et nutritive.
1. Les Amarantes (Amaranthus spp. fig. 23 A)
De plus petite taille que les Amarantes-épinards, les Amaranthus spontanés, souvent
épineux, ont une faculté de reproduction considérable grâce à leurs graines très petites et
très nombreuses. Leur cycle peut se dérouler en 40 jours environ, chaque plante pouvant
produire mille graines. Peu nombreuses après défrichage, elles envahissent
progressivement les terrains mis en culture maraîchère sans que leurs ennemis (Rouille
blanche Albugo bliti, chenilles diverses) suffisent à les tenir en respect. Coupées au collet
les Amarantes repoussent rapidement ; laissées sur le sol après arrachage, elles peuvent
reprendre par temps humide. Les Alternanthera, plus ramifiés, appartenant à la même
famille, se comportent de même.
Figure 1Fig. 23 - A : Amarante. B : Pourpier. C : Cyperus.
2. Le Pourpier (Portulaca oleracea fig. 23 B)
Pourvu de tiges et feuilles grasses et luisantes, gorgées d'eau, formant sur le sol des
rosettes envahissantes fortement racinées le Pourpier se multiplie très facilement à la fois
par graines et par bouturage de fragments de tiges. Il résiste à des sécheresses
momentanées et peut être transporté par les eaux d'irrigation.
Il ne sert à rien de le couper sur place, étant données ses facultés de reproduction
végétative : on doit l'arracher et le porter hors du jardin. Il résiste au paraquat.
3. Les Cyperus (fig. 23 C) Les espèces les plus fréquentes sont Cyperus esculentus et C. rotondus qui ne diffèrent
que par des détails morphologiques. Les graines ne jouent pas un rôle majeur dans leur
multiplication. C'est par bourgeonnement des tubercules souterrains qu'ils se propagent.
Un tubercule peut en produire 4 en un mois, mille en 5 mois. Ces organes forment de
courtes chaînes, réparties dans les 30 cm supérieurs du sol. Il y a dominance du tubercule
initial, jusqu'à ce que la chaîne soit brisée. Les travaux profonds du sol sont donc aussi
nuisibles qu'utiles, car, s'ils détruisent les feuilles, ils permettent de nouvelles
germinations. Bien que le feuillage des Cyperus soit beaucoup moins envahissant en
apparence que celui des Amarantes, leur pouvoir compétitif vis-à-vis des plantes cultivées
est très important, ils provoquent d'importantes pertes de rendement dès qu'il y en a plus
d'une centaine au mètre carré.
4. Les Graminées Les espèces tropicales de cette famille appartiennent à la tribu des Panicoïdées, et
présentent elles aussi la photosynthèse C4. Produisant de très nombreuses graines à
germination échelonnée, des rhizomes ou des tiges rampantes qui se marcottent à chaque
nœud, elles peuvent se montrer très envahissantes. On peut citer par exemple, aux
Antilles, Rotboellia exaltata, introduit d'Afrique, mais sans le charbon des inflorescences
qui le parasite dans son pays d'origine. Cette graminée résistante à de nombreux
herbicides a pris un développement considérable dans toutes les cultures.
5. Autres mauvaises herbes tropicales (fig. 24) Si certaines familles de mauvaises herbes tempérées sont absentes des plaines tropicales
(Chénopodes, par exemple), on observe par contre un foisonnement de plantes, souvent
considérées en Europe comme ornementales : Commélinacées, Euphorbiacées, etc. Toute
l'expérimentation sur laquelle repose la mise au point des herbicides est souvent à refaire.
A partir de 800-1000 m d'altitude on voit à nouveau prospérer, à côté d'espèces indigènes,
des mauvaises herbes tempérées introduites : Mercuriale, Ravenelle, etc.
6. Plantes parasites (fig. 25) Bien que des plantes parasites originales et parfois monstrueuses (Rafflesiacées) se
rencontrent dans les forêts tropicales, dans les jardins ce sont les Orobanches et (à un
moindre degré) les Cuscutes qui sont le plus à craindre.
Les Orobanches sont reliées aux racines de leurs hôtes par des filaments souterrains se
terminant en suçoirs. On les reconnaît à leurs hampes florales, roses, mauves puis brunâ-
tres apparaissant au pied des hôtes parasités (Solanées, Légumineuses).
Les Cuscutes se présentent sous forme de filaments incolores, jaunâtres ou roses, qui
s'enroulent autour des tiges, rameaux et feuilles de leurs hôtes, en se renflant pour émettre
des suçoirs.
Parmi les Scrophulariacées, à côté des Striga dont les hôtes principaux sont les céréales
(Maïs, Sorgho, Pennisetum), il faut citer en Afrique les Alectra, parasites des
Légumineuses, qui peuvent anéantir des cultures de Vigna ungurculata. Des lignées de
Vigna résistantes ont été repérées en Afrique australe.
Figure 2Fig. 24 - Mauvaises herbes tropicales diverses. A : Phyllanthus, ou Graine en bas feuille. B :
Commélinacée, ou «Curage». C : Euphorbe (Poinsettia heterophylla).
II. DÉSHERBAGE MANUEL ET MÉCANIQUE
Nous ne prétendrons pas ici apprendre au praticien comment on désherbe. Il nous suffira
de souligner à quel point un désherbage hebdomadaire, réalisé à la main ou avec des outils
légers, avec un panier avec lequel on enlève du champ les mauvaises herbes les plus
coriaces (ex. le Pourpier) est plus efficace que si l'on attend quinze jours ou trois
semaines. Les Graminées ont eu alors le temps d'envoyer leurs stolons, les Amarantes et
Pourpiers, bien enracinés ne peuvent être que coupés au collet et repartent aussitôt, et de
nombreuses graines viril disséminées dans le terrain.
Dans de nombreuses régions existe une tradition de non désherbage sélectif,' : on
respecte toute plantule ou repousse de plante. utile.
Certaines espèces (comme les Amarantes-épinards des Antilles) se propagent
principalement par ce moyen dans les jardins maraîchers.
Autant cette pratique se justifie dans les jardins tradition_ bels, autant elle devient
d'application difficile dès qu'on fait usage d'insecticides (à cause des délais de récolte) et
d'herbicides chimiques.
L'acquisition d'un motoculteur permettant de biner et de butter mécaniquement les
interlignes fera aussi disparaître cette pratique.
Un binage mécanique trop intense et trop fréquent des interlignes peut nuire à des cultures
à enracinement superficiel (Cucurbitacées) ou sensibles à des maladies vasculaires
auxquelles les racines blessées servent de porte d'entrée (maladies vasculaires des
Solanées). L'enfouissement à la fraise des déchets de récolte, des collets et des racines
favorise les Pythium, les Rhizoctones et Scierotium rolfsii.
III. MOYENS PHYSIQUES DE LUTTE
Les graines et rhizomes de mauvaises herbes peuvent être détruits par la chaleur : brûlis
de bois et brindilles à la surface du sol, ou traitement du sol à la vapeur par la méthode des
cloches (v. chapitre 4).
Il est cependant difficile de dépasser 5 à 10 cm de profondeur par l'une ou l'autre méthode,
et l'on n'obtient qu'un répit momentané, suffisant pour établir une couche à semis, ou faire
démarrer une culture dont le feuillage est ensuite assez dense pour tenir les mauvaises
herbes en respect. On ne travaillera le sol que très superficiellement après l'opération.
L'usage du lance-flammes est d'efficacité encore plus éphémère. Il peut être appliqué à
certaines cultures hautes en évitant de brûler la base des tiges, pour rattraper un désher-
bage en retard (Pois de bois, Ignames, par exemple).
Le paillage du sol au moyen de déchets végétaux, ou, beaucoup plus efficacement, à l'aide
de films plastiques plus ou moins opaques (noir, gris fumé, vert) est un autre moyen de
lutter contre les mauvaises herbes. Renouvelons ici le conseil donné au chapitre 3 :
recouvrir les planches préparées que l'on ne plante pas aussitôt de plastique noir pour
éviter à la fois la dégradation par les pluies et la croissance des mauvaises herbes. Si le
plastique utilisé est transparent, on peut obtenir un effet de solarisation (v. chapitre 4).
L'ombre produite par le feuillage dense de certaines cultures peut exercer un effet de
même ordre : la Patate douce est ainsi nocive pour les Cyperus.
IV. MOYENS CHIMIQUES DE LUTTE
Nous distinguerons, parmi les produits que propose l'industrie, les fumigants, les
herbicides de contact non spécifiques utilisés en binage chimique, et les désherbants
sélectifs, parmi lesquels les antigraminées méritent une mention spéciale.
1. Les fumigants On se reportera au chapitre 4 pour leur usage. Utilisés pour détruire champignons et
nématodes, ils peuvent aussi atteindre le stock de graines et rhizomes de mauvaises herbes
dans le sol, sur l'épaisseur traitée. Cependant, dans les conditions où, par exemple, le
Métham-sodium élimine efficacement 100% des mauvaises herbes communes pendant 2 à
3 mois, l'élimination des Cyperus n'est pas complète, et l'on devra veiller à ce qu'ils ne
reprennent pas le dessus.
2. Le binage chimique On utilise pour cette opération deux produits appartenant à la famille des ammoniums
quaternaires, le diquat et le paraquat, commercialisés soit à l'état pur, soit en mélange. Ils
sont absorbés rapidement par les organes végétaux verts, la chlorophylle est détruite, les
tissus blanchissent et se dessèchent. Le diquat est spécialement actif sur les
Dicotylédones, le paraquat détruit aussi les Graminées. Tous deux sont rapidement
inactivés dans les sols au contact de l'argile. On les emploiera soit sur toute la surface du
sol, avant la plantation, ou avant l'émergence des plantules de l'espèce cultivée, soit à
l'aide de pulvérisateurs munis d'écrans de protection, pour «biner chimiquement» les
interlignes de cultures en place (on peut aussi recouvrir avec des récipients divers les
plantes cultivées). Le Pourpier et les Cyperus sont assez résistants au paraquat.
Les deux produits sont assez toxiques (DL 50 voisines de 200 mg/kg), et peuvent
provoquer par inhalation des accidents pulmonaires aigus. Le port du masque est
indispensable pendant les traitements.
Le dimexan, dérivé des acides xanthiques, peut être utilisé de la même façon.
Les herbicides de contact n'agissent que sur les parties vertes des plantes qu'ils ont
touchées. Les tiges de Pourpier, les rhizomes de Graminées et les tubercules de Cyperus
sont épargnés et repartent aussitôt.
Dans les mêmes conditions de pulvérisation générale avant semis ou émergence, ou
localisée en cours de culture, on peut utiliser le glyphosate, herbicide systémique, absorbé
par les parties vertes des plantes et véhiculé vers les organes souterrains. C'est un des rares
moyens de faire régresser les Cyperus, que l'on peut faire germer par un arrosage entre
deux cultures après un travail du sol, et détruire de cette façon.
Le glyphosate ne fera cependant pas régresser le stock souterrain de graines dormantes ou
«dures».
3. Les antigraminées Ces produits sont d'apparition récente. On peut citer les «oxydines» (allo- et sethoxydine)
et les «fops» (dérivés de l'acide phénoxypropionique). Le plus utilisé sur toutes cultures
maraîchères (Allium compris), jusqu'à 6 semaines avant récolte est le fluazifop-butyl qui
pourra redresser des situations compromises par la prolifération des mauvaises herbes
graminées, dont il arrête la croissance.
4. Les désherbants sélectifs En ce qui concerne les cultures maraîchères, les principales
acquisitions des années 70 et 80 ont été le glyphosate et les antigraminées.
La plupart des matières actives nouvelles concernent des plantes de grande culture des
pays tempérés (céréales de
printemps et d'hiver, Maïs, Sorgho, Colza, Tournesol, Betterave), la Canne à sucre, le
Bananier. Pour les plantes maraîchères, on trouve des nouveautés intéressantes pour des
productions qui sont devenues industrielles en Europe, et que la main n'y touche plus :
racines pour production d'Endives, Carottes, Pommes de terre, Petit pois, Haricots, ainsi
que pour les Choux. La liste 88 sera donc peu différente de la liste 74 de la précédente
édition.
Les ACIDES PHÉNOXY-ORGANIQUES, ou «hormones de synthèse»,
de type 2.4.D ou MCPA, sont hautement toxiques pour la majorité des plantes
maraîchères. Non seulement on évitera de les employer sur celles-ci, mais on
évitera qu'elles ne reçoivent des projections accidentelles déviées par le vent, ou
que des appareils ayant servi à les pulvériser n'y soient employés. Des traces
infimes peuvent provoquer de graves déformations sur les plantes les plus
sensibles (Tomates, Salades, par exemple).
Les CARBAMATES (qui comprennent aussi des fongicides et des
insecticides) sont des produits qui, du fait de leur volatilité doivent être incorporés
au sol (par fraisage ou ratissage soigneux) aussitôt après leur application. Inhibant
la germination des graines de certaines mauvaises herbes, ils seront utilisés très
tôt, quelquefois avant la mise en place de la culture. Beaucoup d'entre eux ont une
action antigraminée.
L'EPTC est un des herbicides les plus actifs contre les Cyperus. Son usage quelques
semaines avant plantation ou semis permettra de nettoyer les terrains particulièrement
envahis.
Le diallate (1), antigraminée spécifique, peut être employé avant semis de betteraves. Il
doit être incorporé au sol par une légère façon culturale.
Le cycloate (2), antigraminée, est associé au pyrazone ou PCA, toujours pour désherber
les cultures de Betterave. Il en est de même pour le phenmédiphame (3), efficace surtout
sur dicotylédones.
Le chlorprophame (4) ou CIPC peut être utilisé en désherbage des cultures d'Allium,
semés, repiqués, ou issus de plantation de bulbes ou caïeux. Il faut attendre pour pulvé-
riser la culture la reprise des plants repiqués, le stade 2 feuilles pour les semis. Son
efficacité et variable, parfois faible en conditions tropicales. Dans ce cas on peut l'associer
au (huron (1,5 kg de CIPC + 0,3 g de diuron/ha) mais avec grande prudence, et en aucun
cas sur plantules. Le chlorpropharne doit être appliqué sur sol humide et incorporé par
binage entre lignes.
Les AMIDES sont également des inhibiteurs de germination, devant le plus souvent
être incorporés au sol.
La diphénamide (5) peut être utilisée sur cultures de Tomate, en particulier dans le cas de
semis direct. Le traitement est effectué, éventuellement en localisation, avant semis ou
repiquage et suivi d'incorporation. On la conseille aussi sur Aubergine, Poivron et Patate
douce, c'est un produit assez rémanent. C'est un bon herbicide, auquel résistent les
Solanées sauvages (Solanum nigrum, Datura) et sans doute aussi les Convalvulacées
tropicales.
Le propachlor (6) peut être pulvérisé sur les mauvaises herbes en cours de germination, de
préférence après une pluie ou un arrosage. On peut l'appliquer dans les 5 jours qui suivent
un semis d'oignons, de poireaux ou de sorgho. Peu rémanent, il est peu efficace sur les
plantes vivaces.
La carbétamide (7) est surtout efficace sur graminées. On peut l'employer sur chicorées et
petits pois, en préemergence de la plante cultivée.
La monalide (8) peut être utilisée pour désherber Carotte, Céleri et Persil. On doit
l'appliquer sur les mauvaises herbes au stade plantule. La Carotte est résistante à tous les
stades, le Céleri après le stade 2 feuilles. Les Graminées et les plantes vivaces sont peu
sensibles à cet herbicide.
La propyzamide (9) est employée pour désherber laitues et chicorées. Efficace sur un
grand nombre de graminées annuelles et parfois vivaces, sur de nombreuses dicoty-
lédones, sa rémanence nécessite une certaine prudence pour les cultures suivantes (les
tomates y sont sensibles).
Les dérivés de la TOLUIDINE, à spectre d'action très vaste (mauvaises herbes
dicotylédones, graminées annuelles l'état de graines ou de jeunes plantules) ont une action
assez durable (3 ou 4 mois en conditions tempérées).
La pendiméthaline (10) est conseillée sur tomate repiquée, oignons et poireaux repiqués,
ail, incorporée au sol avant plantation.
La butraline (1) sera utilisée dans les mêmes conditions sur Allium, et avant semis de
haricots ou Vigna. Dans ce dernier cas elle peut être associée au monolinuron.
Parmi les dérivés de l'ANILINE on peut citer :
La benfluraline (12) conseillée sur Haricot et Petit pois, incorporée au sol avant le semis.
Sa rémanence de 4 à 8 mois en conditions tempérées peut faire redouter des arrière-effets.
La trifluraline (13) est conseillée sur Choux, appliquée et incorporée avant semis ou
plantation.
Les TRIAZINES agissent surtout par absorption racinaire, et du fait de leur rémanence
pourront poser des problèmes d'arrière-effet.
La simazine (14) n'épargne que le Maïs, et sa persistance peut être longue. Après un maïs
traité on pourra tenter la culture du Malanga (Xanthosoma sagittaefolium) qui a été
signalé comme résistant.
L'atrazine (15), beaucoup moins persistante est employée sur Maïs, Sorgho et Canne à
sucre. Elle épargne en fait beaucoup de membres de la tribu des Panicoïdés (ex.
Rotboellia exaltata). Elle pourra être utilisée pour installer un engrais vert Sorgho suivi de
cultures maraîchères. On la conseille parfois sur Ignames et Aroïdées (2 kg/ha).
La Prométryne (16) est la triazine la plus utilisée en culture légumière, en pré- ou post-
levée (pas en cours de germination) sur semis de petits pois et de carottes, après repiquage
sur poireaux et céleris. Elle est d'une bonne efficacité, sauf sur plantes vivaces. Elle a été
expérimentée avec succès aux Antilles et à Samoa sur Madère (Colocasia antiquorum).
La desmétryne (17) est utilisée sur choux pommés (elle est phytotoxique sur choux-
fleurs). On l'applique soit avant l'émergence des plantules de choux, soit après le stade 4
feuilles, ou sur choux repiqués. Les mauvaises herbes sont sensibles au stade plantule. La
Desmétryne est peu efficace sur les graminées vivaces.
La terbutryne (18) est utilisée en pré-levée des pores de terre, ainsi que sur petits pois.
C'est un herbicide efficace, sauf sur Solanum nigrum.
La méribuzine (19) est utilisée en prélevée des pommes de terre, en préplantation des
cultures de Tomate. Elle agit sur la plupart des dicotylédones et graminées. On peut aussi
sur Tomate l'employer après plantation. Elle est phytotoxique sur Aubergine. Elle a été
préconisée sur Ignames.
Les URÉES SUBSTITUÉES, dont les noms se terminent en -uron sont d'emplois très
variés, d'un usage plus souple que les triazines. Absorbées par les racines, quelquefois par
les feuilles (linuron) elles ont une grande efficacité.
Le diuron (20), utilisé dans les bananeraies, est un des rares produits tolérés par les semis
d'Asperge. On peut aussi à dose plus forte, l'utiliser sur billons d'asperges bien implantées,
ou associé au CIPC sur Ail ou Oignons issus de bulbilles, sur billons préparés d'Ignames.
Il est inefficace sur certaines plantes vivaces.
Le linuron (21) est une des urées les plus utilisées : sur Carotte, sur Céleri repiqué, sur
Poireau après reprise, sur Pomme de terre en pré-levée.
Le monolinuron (22) s'emploie sur cultures d'Asperge, sur Pomme de terre avant la levée.
Sur Haricot on l'associe à faible dose au Dinosèbe ou à la Butraline. Les Digitaria, les
Panicum lui résistent.
Le métobromuron (23) est employé sur Pomme de terre en pré-levée.
Le chloroxuron (24) est utilisé en pré-levée sur Carotte et Petit pois, après repiquage et
reprise sur Céleri et Poireau. On l'utilise aussi sur Fraisier. Sa rémanence est assez courte.
Le néburon (23) est employé pour le désherbage de l'Ail.
Les dérivés de l'URACILE
Le lénacile (26) est le plus employé sur betteraves et épinards proprement dits (Spinacia
oleracea), ainsi qu'à dose plus forte sur Fraisier. Il doit être utilisé sur sol propre et
incorporé. Inefficace sur plantes vivaces, il sensibilise les plantes aux fontes de semis.
Les dérivés PHTALIQUES comprennent deux produits
intéressants :
Le naptalame (27) est utilisé pour désherber les Cucurbitacées. son action radiculaire est
lente et sa rémanence brève. Il agit en prélevée des mauvaises herbes.
Le chlorthal (28), peu actif sur plantes vivaces, contrôle bien les Digitaria, Panicum,
Setaria et de nombreuses dicotylédones, en particulier les graines de cuscute dans le sol.
On peut l'utiliser sur Oignon avant levée ou après plantation, de préférence sur sol
humide. On peut aussi l'utiliser à demi-dose sur choux, salades, 3 semaines après le
repiquage.
Parmi les COLORANTS NITRÉS, on peut citer :
Le dinosèbe (29) ou DNPB qui peut être employé pour tuer par action de contact les
plantules de mauvaises herbes avant levée des haricots ou petits pois, ou en tout début
d'émergence du Haricot (stade crosse). On l'associe au monolinuron.
Le dinoterbe (30), associé au nitrophène est lui aussi utilisable en pré-levée des haricots.
Appartenant à des FAMILLES CHIMIQUES DIVERSES, nous citerons encore :
L'ioxynil (31) utilisable en pulvérisation sur les mauvaises herbes dans les Allium, le
pyridate (32) conseillé sur Chou, la fluororochloridone (33) sur Pomme de terre.
Le pétrole, ou kérosène (34) vendu pour l'éclairage (ou sous forme de spécialités sous
étiquette) peut être appliqué sur plantations de Carotte, pour griller les mauvaises herbes,
en pulvérisation très fine à 80 l/ha.
Nous aurions pu, au lieu de décrire les herbicides en les classant par familles chimiques,
procéder par familles végétales. Le tableau suivant pourra en tenir lieu :
Tomate : 5,10,19 Betterave : 1, 2, 3, 26
Cucurbitacées : 27 Céleri : 8, 21, 24
Légumineuses en général : 11 Carotte : 8, 16, 21, 24, 34
Petit pois : 7, 12, 16, 18, 24, 29 Allium en général : 4, 6, 10, I1, 20,
Haricot : 1 1, 12, 22, 29, 30 25, 28, 31
Ignames : 15, 19 Poireaux repiqués : 21, 24
Patate douce : 5 Pomme de terre : 18, 19, 22, 23, 33
Aroïdées : 14, 15, 16 Fraisier : 24, 26
Laitues : 9, 28 Asperge : 20, 22
Chicorées : 7, 9, 28 Sorgho engrais vert : 6
Choux : 13, 17, 28, 32
V. CONCLUSION
En Europe le désherbage chimique est devenu une pratique courante en culture
maraîchère de pleine terre. Ce résultat n'a été obtenu que grâce à un très grand effort
d'expérimentation réalisé parallèlement par les firmes privées et les techniciens officiels.
Les résultats ne sont cependant pas toujours parfaits : on observe parfois des accidents
imprévus sur les plantes cultivées, et des modifications de la flore nuisible par sélection de
mauvaises herbes résistantes.
En conditions tropicales ce n'est que par un effort analogue que les techniques de
désherbage chimique pourront être mises au point dans une région. La flore adventice
tropicale peut se montrer coriace et se modifier rapidement : les maraîchers d'Hawaii en
ont déjà fait l'expérience.
Si les techniciens agricoles sont peu nombreux ils auront la sagesse de concentrer leurs
efforts sur le désherbage chimique de certaines cultures particulièrement difficiles à tenir
propres, et de concevoir pour l'ensemble de la rotation une combinaison harmonieuse de
méthodes manuelles, physiques et chimiques. Les impératifs économiques, ou la présence
d'une main-d'oeuvre abondante dont le désherbage chimique augmenterait le chômage
feront pencher la balance d'un cote ou de l'autre.
Nous n'avons pas indiqué ci-dessus la dose d'emploi à l'hectare des désherbants
chimiques, celle-ci devant être mûrement réfléchie après lecture de la notice, et, si
possible discussion avec le technicien des services officiels ou technico-commerciaux.
La plupart des désherbants chimiques sont peu toxiques pour l'homme. Nous avons
signalé plus haut le danger que présente l'inhalation du diquat et du paraquat. Les seuls
autres produits cités dont la DL 50 soit inférieure à 1000 mg/kg sont le dimexan (340),
l'ioxynil (110) et le dinosèbe (58).
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