1rePARTIE
Evolution chronologique 1984-2000 LA LOI SUR LE S P O R T
PAR G. B A R R E A U
Il n'est pas inutile pour tous les acteurs des activités physiques et sportives que soit retracée l'aventure de la « loi sur le sport » pour en comprendre les fondements et faire le point de ses dernières adaptations (1).
La loi n'est pas immuable, au contraire elle doit évoluer en fonction des attentes et des réponses sociales. Et dans le domaine du sport les deux dernières années du siècle auront été. sous l'égide de Marie-George Buffet, marquées par une activité législative importante. La loi du 6 juillet 2000 que l'on retiendra sous le nom de « loi Buffet » aura opéré la dernière, mais pas la seule réforme législative de cette loi de 1984.
L E S P R É M I S S E S
Les premières interventions de nature législative conséquentes sur l'organisation du sport
Elles datent du gouvernement de Vichy avec l ' ac te du 20 décembre 1940 puis du 26 mai 1941 avec l'instauration d'une « Charte des sports ». La vocation première de ces interventions était alors le contrôle du mouvement sportif et de ses activités par l'Etat plus que la promotion des APS. L'ordonnance d'Alger du 2 octobre 1943 puis celle du 28 août 1945 à la libération prennent le contre-pied des textes antérieurs. De cette époque date la procédure d'agrément des groupements sportifs qui permet à l'Etat de peser sur l'organisation des clubs, en conditionnant son aide publique à son obtention. Surtout de ces dispositifs ressort la main mise de l'Etat sur les compétitions nationales et sur les sélections dans les compétitions internationales. Cette prise de responsabilité explique le système de délégation de pouvoir aux fédérations sportives dirigeantes qui permet à l'Etat de leur confier les compétences qu'il s'arroge de par la loi.
Remarque
L'histoire législative des APS sera ensuite marquée par l'histoire politique avec une période antérieure à 1981.
1960-1981 : L E S B A S E S D U S Y S T È M E F R A N Ç A I S
Avant 1981 trois textes législatifs majeurs doivent être signalés
• La loi n° 63-807 du 6 août 1963 réglementant la profession d'éducateur physique et sportif, et les écoles ou établissements où s'exerce cette profession. Ce texte pose les principes d'organisation de l'enseignement des sports en France. L'exercice contre rémunération d'un enseignement sportif est conditionné à l'obtention d'un diplôme. L'Etat
est responsable du système de formation et de la délivrance des diplômes. • La loi n° 65-412 relative à la répression de l'usage des stimulants à l'occasion des compétitions sportives du 1er juin 1965. Ce premier texte de lutte et de répression du dopage n'a eu, il faut bien le dire, que bien peu d'efficacité. • Enfin et surtout, il faut signaler la loi n° 75-988 du 29 octobre 1975 dite « loi Mazeaud » relative au développement de l'éducation physique et du sport. On peut considérer que la « loi Mazeaud » est la première loi-
Pierre Mazeaud à Roland-Garros, entouré des jeunes participants aux championnats de France minimes de tennis.
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cadre du sport dans notre pays. Tous les principes fondamentaux pour son organisation et son développement y figurent : - la séparation entre le domaine de l'éducation physique et sportive (EPS) de la seule compétence de l'Etat et le domaine des activités physiques et sportives (APS) dépendant du partenariat avec le mouvement sportif, - la prise de responsabilité solennelle de l'Etat pour le développement du sport, en partenariat avec le mouvement sportif, - le principe de sa tutelle sur les fédérations sportives, et aussi la reprise des procédures d'agrément des groupements sportifs, - l'organisation du transfert de compétences pour l'organisation
des compétitions officielles, la délivrance des titres nationaux et la sélection des sportifs pour les compétitions internationales au travers de la procédure d'habilitation (et non plus délégation). La loi évoque encore le soutien au sport de haut niveau et la préservation du patrimoine d'équipements sportifs.
Remarque
En fait sans le changement politique majeur de 1981. peut-être aurions-nous encore une « loi Mazeaud » modifiée et non une « loi Avice » modifiée. Les principes fondamentaux de notre organisation du sport relativement stables et continus, font l'objet d'un consensus large et suffisant.
1 9 8 4 : L A L O I D E L ' A L T E R N A N C E
La loi n° 84-610 du 16 juillet 1984, dite « loi Avice » relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives
Elle constitue une charnière importante de notre histoire législative du sport. Elle ne remet pas en cause les principes fondamentaux de l'organisation française du sport mais elle procède à une mise à jour complète et nécessaire, devenant la nouvelle loi-cadre de référence. Tout d'abord, elle abroge la « loi Mazeaud » de 1975 et intègre dans un titre 1, le dispositif d'organisation des APS. Elle abroge aussi la loi du 6 août 1963 et en reprend les grands principes dans un titre II traitant des formations et des professions. Seul le dispositif législatif de prévention et de lutte contre le dopage échappera à ce travail de cohérence et de mise à jour. Il faudra attendre la loi n° 89-432 du 28 juin 1989 dite « loi Bam-buck » pour effectuer l'abrogation du texte antérieur et procéder à la mise à jour du dispositif concerné. Cette dernière loi restera indépendante de la loi-cadre de 1984.
De plus la loi du 16 juillet 1984 va prendre en compte le processus de décentralisation mis en œuvre au début du septennat de F. Mitterrand en faisant une place plus large aux collectivités territoriales dans les responsabilités au développement du sport. Elle voudra établir aussi une « politique de gauche » pour les APS. en les reconnaissant comme un véritable service public, en ouvrant la participation de ce service public à une plus large partie du mouvement sportif, notamment celui qui œuvre pour le sport dans l'entreprise. Enfin elle tient compte dans ses mises à jour des nécessités du temps. Ainsi une place plus importante est faite au sport et au sportif de haut niveau. De même, un cadre juridique spécifique est imposé pour les grands clubs à vocation professionnelle. De nouvelles structures de concertation et de réflexion seront proposées mais qui n'auront d'ailleurs pas le succès escompté (conseil national des APS, comité national de la recherche et de la technologie).
Edwige Avice entourée de François Mitterrand et Albert Ferrasse lors de la remise du bouclier de Brennus.
EPS N• 289 - MAI-JUIN 2001 55 Revue EP.S n°289 Mai-Juin 2001 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé
1987-1995 : L E S L O I S M O D I F I C A T R I C E S
Les révisions de la « loi Avice » seront nombreuses. Les ministres qui se succèdent, confrontés aux difficultés et même aux drames qui ont marqué le sport, modifient la loi
Le thème des dossiers ont souvent été récurrents au cours de ces deux dernières décennies. Les difficultés rencontrées sont permanentes et les solutions difficiles à trouver. Aussi les principales réformes ont-elles porté sur : - l'organisation du sport professionnel, et l'adaptation du sport dans son ensemble à des enjeux et des appétits économiques sans cesse grandissants ; - la sécurité des pratiquants et des spectateurs qui aura été mise en exergue par le drame de Furiani en 1992. ou les débordements du hooliganisme ; - les dispositifs de formation, de
délivrance des diplômes et les conditions d'exercice de la profession d'éducateur sportif, adaptés non seulement aux attentes des employeurs, aux aspirations des jeunes prétendants à ces métiers, mais aussi à la nécessaire prise en compte des principes de libre circulation et de libre établissement découlant de la construction européenne. Ces principales lois modificatrices ont été : - la loi n° 87-179 du 7 décembre ¡987 dite « loi Bergelin » (statut des groupements professionnels). - la loi n° 92-652 du 13 juillet 1992 dite « loi Bredin » introduit notamment les règles d'homologation des enceintes sportives,
Passation de pouvoirs entre
Christian Bergelin et Roger Bambuck,
en 1988.
Frédérique Bredin sur le perron de l'Élysée, en compagnie de Bernard Kouchner, ministre de la Santé et Jack Lang, ministre de l'Éducation et la Culture.
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- la loi n° 93-1282 du 6 décembre 1993 dite « loi Alliot-Marie » tend à lutter contre le hooliga-nisme. - la loi n° 94-679 du 8 août ¡994 régit le financement des clubs professionnels par les collectivités publiques, - la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 est une loi d'orientation sur la sécurité, elle impose la mise en place d'un service d'ordre aux organisateurs de manifestations sportives.
1998-2000 : L E S R É F O R M E S « B U F F E T »
Sous l'égide de la ministre Marie-George Buffet, en moins de deux ans. cinq textes de lois sont venus amender et compléter la loi de 1984
La loi n° 98-146 du 6 mars 1998 relative à la sécurité et à la promotion des activités physiques et sportives. Outre les problèmes de sécurité cette loi réaffirme aussi le libre accès des journalistes aux enceintes sportives pour respecter le droit à l'information et pour modifier encore le droit d'enseignement sportif. La loi n° 99-223 du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage. Ce texte est sans conteste un point fort de la réforme engagée par Marie-George Buffet. Elle modifie la loi de 1984 mais elle est aussi un texte complémentaire à part entière. La lutte contre le dopage conserve donc une référence législative autonome. La loi antérieure. « loi Bambuek » du 28 juin 1989. n'est pas complètement abrogée, elle reste la réfé-
Michèle Alliot-Marie,
lors de la présentation
de la maquette du stade
de France, en octobre 1994.
Marie-George Buffet, avec
des étudiants en STAPS, à Lyon en novembre
2000.
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rence concernant la lutte contre le dopage des animaux. La loi n° 99-493 du 15 juin 1999 est un texte de régularisation qui légalise la procédure d'attribution des « dans » et des grades.
Remarque
À ces travaux il convient d'ajouter la parution de la loi n° 99-1124 du 29 décembre 1999 qui a la particularité de ne pas être le résultat d'une démarche ministérielle, mais d'une proposition de loi émanant de députés socialistes qui estimaient urgent d'intervenir dans la réglementation
du sport professionnel, sans attendre la réforme plus complète de la loi du 16 juillet 1984 déjà en cours d'étude par le ministère de Marie-George Buffet. Ce texte propose de nouveaux cadres juridiques pour les clubs professionnels et surtout étend la protection au travail et la rétribution des jeunes sportifs qui jouent pour ces clubs et y sont souvent en formation.
Enfin la loi n° 2000-627 qui procède au grand toilettage de la loi du 16 juillet 1984. toutefois sans la renier puisque là encore, il s'agit d'une loi modificatrice. Ce
texte est normalement l'achèvement de la réforme législative voulue par la ministre Marie-George Buffet. Le but est d'adapter le dispositif législatif pour faire face aux dérives engendrées par les transformations du sport et de son contexte économique au cours des quinze dernières années, et aussi de mieux répondre aux attentes sociales par plus de citoyenneté et de démocratie.
L E S O R D O N N A N C E S D E C O D I F I C A T I O N
Cette présentation des évolutions législatives consacrées au sport ne saurait être complète sans l'évocation des travaux de codification des lois menés par les pouvoirs publics et ratifiés par le pouvoir législatif au cours de cette dernière année 2000, pendant le temps même où s'élaborait la dernière révision de la loi de 1984
Trois ordonnances sont venues bouleverser la lisibilité des dispositions législatives concernant les APS. Ces textes complètent les parties législatives du code de la justice administrative, du code de
la santé publique et du code de l'éducation. Il en résulte par exemple que la loi du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage, est aujourd'hui pratiquement vidée de son contenu au profit du code de la santé publique au sein duquel toutes ses dispositions sont reprises. On retiendra donc que les lecteurs curieux des dispositifs législatifs consacrés aux APS trouveront leurs sources dans la loi du 16 juillet 1984 modifiée, mais que cette loi est amputée d'un bon nombre d'articles qui ont été intégrés dans les trois codes précités. On précisera encore que bon nombre de dispositions législatives intéressant le domaine des APS figurent aussi dans d'autres lois ou, d'autres codes. Il en est ainsi par exemple du code du travail ou du code général des impôts.
G é r a r d Barreau Professeur de sport.
Uni té de droit et é c o n o m i e et m a n a g e m e n t du sport à 1TNSEP.
(1) 1er part ie : évolution chronologique , 2e partie le contenu du dispositif législatif
Afin de faciliter la recherche des lecteurs on recommandera l'ouvrage publié aux éditions Dalloz : « Code du sport » (édition 2001). Réalisé par une équipe du centre de droit et d'économie du sport de Limoges (J.-P. Karaquillo. J.-C. Breillat. F. Lagarde) cet ouvrage n'est pas un code officiel au sens législatif du terme, mais compile l'ensemble des textes législatifs et réglementaires, ainsi qu'un grand nombre de sources jurisprudentielles concernant le domaine des APS. Du fait de la croissance importante en volume et en diversité des sources du droit applicable au sport, ce travail est de la plus grande utilité. Il comprend trois parties : - la première, consacrée au droit spécifique du sport ; - la deuxième traite du droit commun applicable au sport (association, assurance, fonction publique, propriété intellectuelle, fiscalité) ; - une troisième partie traite du droit issu du mouvement sportif (charte olympique, règlement de conciliation, nouvelle procédure de médiation devant le tribunal arbitral du sport).
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