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parfum de scandaleUNEENQUTE SUR LA COMPOSITION CHIMIQUE DE

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TOILETTE

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PARFUM

e enqute sur la un mposition chimique co d e s pa r f u m srapport | parfums | campagne toxique

RAPPORT 2005

parfum K DESIGN

UNE ENQUTE SUR LA COMPOSITION CHIMIQUE 36 EAUX DE TOILETTE ET EAUX DE PARFUMFVRIER 2005

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rsum introductionI SUBSTANCES CHIMIQUES ET PARFUMS : UNE PROCCUPATION DE SANT ENVIRONNEMENTALE II RSULTATS DANALYSE DES PARFUMS III LES LIMITES DE LA RGLEMENTATION EN VIGUEUR IV ACCEPTER LES RISQUES OU PRENDRE DES PRCAUTIONS ?

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conclusion annexe rferences

publi par Greenpeace International date Fvrier 2005 Campagne Toxiques design et maquette daprs Tania Dunster, k design, Pays- Bas traduction et adaptation : Greenpeace France

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rsum

Lobjectif de cette enqute tait de quantifier lusage de deux groupes de substances chimiques les phtalates et les muscs synthtiques dans une slection alatoire de marques de parfum. Pour ce faire, Greenpeace a command un laboratoire indpendant une recherche analytique de ces deux familles de composs chimiques sur 36 marques deau de toilette et deau de parfum. Les rsultats confirment que plusieurs muscs de synthse, et plus particulirement les muscs polycycliques galaxolide (HHCB) et tonalide (AHTN), et plusieurs phtalates, surtout le dithyl phtalate (DEP), sont trs largement utiliss par lindustrie du parfum. Ceci suggre que lusage rgulier de la plupart des parfums du commerce contribue de manire substantielle lexposition quotidienne

des individus ces substances chimiques, dont certaines sont des contaminants reconnus du sang et du lait maternel. De plus, des preuves saccumulent pour confirmer les proprits de perturbation hormonale de certains muscs. Dans ce contexte, nos rsultats plaident en faveur dune lgislation qui exige le remplacement des substances dangereuses par des alternatives plus sres. Le dveloppement en cours de la nouvelle rglementation chimique communautaire REACH (Enregistrement, Evaluation et Autorisation des Produits Chimiques) fournit lopportunit de mettre en place les conditions dune telle substitution, une contribution vitale la protection des citoyens face lexposition aux substances dangereuses.

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Lusage rpandu de substances dangereuses, combin au dficit de contrle gouvernemental et aux graves lacunes en matire dinformation, nous a conduit dans une situation de crise toxique sans prcdent. Tous les gestes de notre vie quotidienne nous amnent utiliser et librer dans lenvironnement une grande varit de substances chimiques. Les dangers poss par la majorit de ces substances nont jamais t valus correctement. De plus, la rglementation actuelle nvite mme pas lexposition des substances reconnues comme dangereuses, puisque leur usage est permis, alors que des alternatives plus sres pourraient offrir le mme service. Il en rsulte que depuis les rgions les plus recules du globe jusqu notre intimit domestique, aucun environnement nchappe la contamination par des substances chimiques industrielles. Les recherches montrent que la faune sauvage des ples comme des fonds ocaniques (Law et al. 2003, Lebeuf et al. 2004, Martin et al. 2004, Rayne et al. 2004, de Boer et al. 1998), leau de pluie (Schure and Larsson 2002, Peters 2003), les poussires domestiques (Rudel et al. 2003, Santillo et al. 2003a, b), et mme le corps humain (WWF 2004, Peters 2004) sont pollus par des substances industrielles dangereuses. Ces substances sont maintenant tellement ubiquistes que les enfants naissent avec lempreinte de cette pollution contracte au stade ftal. Laccumulation dans les organismes (bioacculumation) de substances chimiques persistantes susceptibles de provoquer des cancers ou dautres effets nocifs pour la sant et dont certaines interfrent dramatiquement avec les systmes de rgulation des hormones et leurs fonctions sur le dveloppement, entrane des consquences inconnues pour lavenir de lhumanit (Darnerud 2003, Sharpe and Skakkebaek 2003, Dorey 2003). Tandis que la prsence de ces substances synthtiques dans lenvironnement et le corps humain commence tre de mieux en mieux documente, la conscience collective na pas encore intgr que ces mmes substances ne sont autres que les ingrdients de nos biens de consommation les plus banals. Ainsi, des substances utilises comme retardateurs de flamme dans les

circuits lectroniques tels que les tlphones mobiles, les ordinateurs ou les tlviseurs, sont des contaminants courants du lait maternel (Lind et al. 2003, Kalantzi et al. 2004). Dautres substances incorpores dans les impressions sur textile de pyjamas pour enfants sont connues pour interfrer avec le dveloppement, la communication hormonale et le systme immunitaire chez les animaux (Kergosien and Rice 1998, Chitra et al. 2002, Kumasaka et al. 2002, Adeoya-Osiguwa et al. 2003). Greenpeace a dj commissionn des recherches analytiques sur plusieurs types de biens de consommation pour identifier la prsence de substances dangereuses (Lire www.greenpeace.org.uk/ MultimediaFiles/Live/FullReport/6043.pdf et : www.greenpeace.nl/multimedia/download/1/475310/0/Determinati on_of_Selected_Additives_in_Consumer_Products.pdf). Greenpeace a galement examin les actions et les politiques mises en place par de nombreux producteurs de biens de consommation, afin dvaluer leur recours des substances potentiellement dangereuses et/ou les mesures prises pour les liminer des produits commercialiss. Un nombre croissant dentreprises sengagent de manire proactive vers la substitution des produits dangereux sur des gammes de produits aussi diffrentes que les chaussures de sport, les jouets, les tlphones mobiles, les textiles et les produits cosmtiques. A linverse, certaines prfrent se satisfaire de la rglementation actuelle et ignorer les proccupations croissantes pour la sant et lenvironnement. Greenpeace a choisi dexposer ces diffrences dattitude aux consommateurs dans une base de donnes disponible sur internet (www.vigitox.org rubrique Toxiques Domicile). Les dputs europens et les ministres des gouvernements de lUnion dbattent en ce moment dune future rglementation, susceptible de garantir la protection des citoyens face lexposition aux substances toxiques. Pour que cette rforme, connue sous le nom de REACH (Enregistrement, Evaluation et Autorisation des Produits Chimiques), soit vraiment efficace, les lgislateurs devront sassurer que toutes les entreprises sont soumises aux mmes exigences de substitution des produits dangereux par des alternatives plus sres.

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I SUBSTANCES CHIMIQUES ET PARFUMS : UNE PROCCUPATION DE SANT ENVIRONNEMENTALE

Les esters de phtalate - communment appels phtalates - et les muscs synthtiques, sont deux groupes de substances dangereuses ou potentiellement dangereuses couramment utilises dans les parfums et autres produits cosmtiques. Du fait des utilisations trs diversifies et fort tonnage de ces molcules dans les articles courants, elles se distribuent massivement dans lenvironnement naturel comme en milieu urbain. La prsence ubiquiste de ces composs, la plupart trs persistants, dans lenvironnement et les produits de consommation, provoque une exposition ambiante permanente dont les consquences DITHYLPHTALATE

long terme demeurent inconnues. Dans le mme temps, les produits de soin du corps - comme les parfums - que nous appliquons directement sur la peau, fournissent une voie dexposition rpte des doses relativement concentres et sont suceptibles de contribuer de manire substantielle notre exposition gnrale ces substances chimiques. Bien que les informations soient encore limites, il existe des soupons fonds suggrant que les phtalates et les muscs synthtiques nous exposent une diversit de risques sanitaires et environnementaux. De nouvelles preuves mergent rgulirement. Les proprits et les dangers de ces substances chimiques sont dtaills dans les encadrs ci-dessous.

(DEP)

ET AUTRES ESTERS DE PHTALATE

Le dithyl phtalate (DEP) est lun des nombreux esters de phtalate dusage courant. Il est en particulier utilis dans une large gamme de cosmtiques et autres produits dhygine, avant tout comme solvant, et vhicule des fragrances et dautres ingrdients cosmtiques. Mais il est aussi employ en tant que dnaturant de lalcool (pour rendre lalcool impropre la consommation) (SCCNFP 2003). Bien que le DEP ait gnralement t considr de faible toxicit et quil ne semble pas prsenter le mme degr de toxicit pour lappareil de reproduction que certains autres phtalates (en particulier le DEHP), des tudes rcentes soulvent tout de mme des proccupations significatives quant sa sret. Du fait de leur usage massif dans les biens de consommation, lexposition aux phtalates peut prendre plusieurs voies (Koo et al. 2002, Fromme et al. 2004). Pour le DEP en tant quingrdient de parfums et dautres produits dhygine personnelle, il apparat que linhalation pourrait constituer une voie dexposition significative (Adibi et al. 2003). Labsorption par la peau est aussi susceptible de contribuer cette exposition. Bien que le DEP soit rapidement mtabolis dans lorganisme en sa forme monoester (MEP) et quil ne semble pas saccumuler dans les tissus, il est clair que son application sur la peau lui permet dy pntrer rapidement et de se distribuer largement dans le corps aprs chaque exposition (WHO 2003). On a pu dtecter le MEP des concentrations 30 fois plus importantes dans les urines humaines que les mtabolites de tout autre ester de phtalate (Duty et al. 2003). Silva et al. (2004) ont rcemment montr que, tandis que les niveaux de certains autres mtabolites de phtalates excrts dans les urines sont gnralement plus levs chez les enfants que chez les adultes, les niveaux de MEP sont communment deux fois plus levs chez les jeunes adultes quils ne le sont chez les enfants, les valeurs les plus fortes tant releves chez les femmes. Ceci reflte possiblement les diffrences de frquence dutilisation des produits dhygine personnelle, tels que les produits de soin capillaire, les cosmtiques et les parfums. Les effets long terme dune telle exposition directe et rpte au DEP ne sont pas encore bien compris. Cependant, des tudes rcentes indiquent que des modifications de lADN des cellules du sperme sont plus prvalentes chez les individus qui montrent galement des niveaux levs de MEP dans les urines (Duty et al. 2003); des tudes supplmentaires sont ncessaires pour dterminer sil y a une relation de causalit. Plus rcemment encore, des recherches ont identifi un lien possible entre lexposition deux mtabolites de phtalate, le MEP et le MBP (monobutyl phtalate), mesurs dans des chantillons durine, et un fonctionnement pulmonaire dficient chez les hommes adultes (Hoppin et al. 2004). Plusieurs autres phtalates identifis dans les chantillons de parfum, des niveaux plus faibles que le DEP, soulvent aussi des proccupations toxicologiques. En particulier le dibutyl phtalate (DBP) et le diethylhexyl phtalate (DEHP), tous deux classs par lUE comme reprotoxiques de catgorie 2 (EU 2003).

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parfumMUSCSSYNTHTIQUES

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Les muscs synthtiques sont des composs aromatiques industriels utiliss en lieu et place des muscs naturels, bien plus coteux. Ils sont incorpors dans de nombreux produits quotidiens, dont des dtergents, des rafrachisseurs dambiance, des crmes, des savons et des parfums (OSPAR 2004). Le terme muscs synthtiques enveloppe trois grands groupes chimiques, les muscs nitrs, les muscs polycycliques et les muscs macrocycliques. Du fait de proccupations toxicologiques, la production de muscs nitrs est en dclin en Europe depuis plusieurs annes. Seuls deux muscs nitrs sont encore dimportance aujourdhui : le musc xylne (MX) et le musc ketone (MK). Ces derniers, avec les deux muscs polycycliques, galaxolide (HHCB) et tonalide (AHTN), constituent les 95 % du march europen des muscs synthtiques (OSPAR 2004). Les muscs synthtiques sont des substances chimiques persistantes et, en consquence, leur usage important dans les produits en a largement distribu dans lenvironnement, en particulier dans les milieux aquatiques et marins (Eschke 2004, Leonards and de Boer 2004, Bester et al. 1998) mais aussi dans latmosphre (Peters 2003) et les immeubles (Kallenborn and Gatermann 2004). Une tude sur les substances chimiques dans leau de pluie aux Pays-bas, commande par le bureau hollandais de Greenpeace, a montr la prsence de composs musqus dans tous les chantillons rpartis rgionalement (Peters 2003). Tandis que la distribution du HHCB tait relativement la mme partout, un pic clair de AHTN se dtachait au centre du pays. Ce pic concidait avec le site dune industrie chimique, productrice de composs musqus. Il est significatif que le musc nitr ambrette (MA), interdit en UE depuis 1995, ait t trouv dans 34 % des points de collecte deau de pluie, reflet probable de sa forte persistance dans lenvironnement. Les muscs synthtiques peuvent se concentrer dans les tissus vivants ; en effet, les muscs utiliss dans les parfums sont galement dtects comme contaminants du sang humain et du lait maternel (Rimkus and Wolf 1996, Peters 2004). Il existe de plus en plus de preuves que certains muscs nitrs et muscs polycycliques, dont ceux communment utiliss dans les parfums, sont capables (soit directement, soit aprs mtabolisation) dinterfrer avec le systme hormonal chez les poissons (Schreurs et al. 2004), les amphibiens (Dietrich and Hitzfeld 2004) et les mammifres (Bitsch et al. 2002, Schreurs et al. 2002), et peuvent exacerber les effets de lexposition dautres substances toxiques (Smital et al. 2004). Bien que lactivit strognique prsente par le HHCB et lAHTN chez les mammifres soit relativement faible, des effets antistrognes ont t observs pour ces mmes composs des concentrations 100 fois plus faibles (Schreurs et al. 2002). Des associations statistiques ont t rapportes entre des niveaux de MX et de MK dans le sang et loccurrence de certaines conditions gyncologiques chez les femmes (Eisenhardt et al. 2001), bien quune relation de causalit nait pas encore t tablie.

Il est agrable de se parfumer, mais ce plaisir serait plus apprciable si nous pouvions y cder avec la garantie de labsence de composs chimiques bioaccumulables et potentiellement nocifs pour la sant. Les consommateurs dsireux dviter de telles substances sont confronts une tche difficile, tant donn que phtalates et muscs synthtiques sont rarement mentionns sur lemballage des parfums.

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II RSULTATS DANALYSE DES PARFUMS

Entre 2003 et 2004, Greenpeace a commissionn lanalyse quantitative dune slection alatoire de 36 marques deaux de toilette et deaux de parfum pour la recherche de phtalates, de muscs polycycliques, de muscs nitrs et de muscs polycycliques. Le laboratoire nerlandais indpendant, TNO Environment, Energy and Process Innovation (TNO-MEP) a ralis les analyses (Peters, 2005). Leurs rsultats dtaills figurent dans lannexe de ce rapport. Les rsultats montrent que les phtalates et les muscs synthtiques sont prsents dans pratiquement toutes les marques de parfums testes. A lexception dun chantillon, tous les autres contenaient des niveaux mesurables de phtalates, avec des quantits variant normment dune marque lautre. Une seule marque ne prsentait pas de niveau dtectable de phtalates. Plusieurs autres prsentaient des niveaux faibles de phtalates totaux : moins de 10 mg/kg (0,001 %). En comparaison, lchantillon au niveau le plus lev contenait plus de 22 000 mg/kg (2,2 % du poids total de lchantillon). Le phtalate le plus prvalent tait le dithyl phtalate (DEP), identifi dans 34 des 36 parfums tests des niveaux trs variables. Les parfums Vanderbilt (de Gloria Vanderbilt) et High Speed (de Bogner) ne contenaient pas de niveaux dtectables de ce phtalate. Les niveaux les plus levs de DEP taient le fait dEternity pour femmes (Calvin Klein) 22 299 mg/kg soit 2,2 % du poids, dIris Blue (Melvita) 11 189 mg/kg, soit 1,1 % du poids, et du parfum Le Mle de Jean-Paul Gaultier 9 884 mg/kg, soit presque 1 %. Les parfums tests prsentaient galement de grandes variations dans leur composition en muscs synthtiques. Les niveaux totaux de muscs nitrs et de muscs polycycliques taient les plus bas pour Puma Jamaica Man de Puma (0,1 mg/kg), Aqua Natural de Alqvimia (0,5 mg/kg), Sunset de Naomi Campbell (1,8 mg/kg) et Pure Poison de Christian Dior (2 mg/kg). Les quantits totales de ces muscs synthtiques les plus leves furent mesures pour Le Baiser du Dragon de Cartier (45 048 mg/kg, soit 4,5 % du poids) et Le Mle de Gaultier (64 428 mg/kg, soit 6,4 %), avec

une mention particulire pour White Musk de The Body Shop 94 069 mg/kg (9,4 %). Les muscs nitrs furent trouvs dans un nombre limit de parfums et lorsque ces niveaux taient dtectables, ils demeuraient faibles, lexception de Channel N5 qui contenait 4 670.4 mg/kg (0,46 %) de musc ketone (MK). Les muscs polycycliques, en particulier le galaxolide (HHCB) et le tonalide (AHTN), ont t dtects dans presque tous les parfums, l encore des taux trs variables. Les niveaux de HHCB variaient de pics tels que 77 848 mg/kg (7,8 % du poids) pour le White Musk de Body Shop, 44776 mg/kg (4,5 %) pour le Baiser du Dragon de Cartier, et 37 644 mg/kg (3,8 %) pour Le Mle de JP Gaultier, des niveaux infrieurs 1 mg/kg dans dautres produits. Cinq des produits parfums furent analyss pour un nombre plus restreint de muscs synthtiques que pour les autres marques et pourraient contenir une quantit totale plus leve de muscs que celle rapporte. Les raisons de la grande disparit dans les niveaux de phtalates (dindtectables 2,2 % du poids) et de muscs synthtiques (dindtectables 9,4 % du poids) demeurent inconnues. Tandis que labsence de ces composs des niveaux dtectables dans certaines marques suggre quil doit tre possible de fabriquer et de commercialiser avec succs des parfums sans utiliser ces substances, il nest pas possible partir des rsultats de cette enqute de dterminer quels autres ingrdients chimiques ont pu tre utiliss leur place. En considration des procupations lgitimes autour de lusage poursuivi des phtalates et des muscs synthtiques, des recherches plus pousses dans cette direction sont urgentes et ncessaires. Une explication possible pour labsence apparente de muscs nitrs et de muscs polycycliques dans certains parfums rside dans lintrt croissant de lindustrie des fragrances pour lusage des muscs macrocycliques en lieu et place des premiers. Il existe trs peu dinformations disponibles sur ltendue de lutilisation ou les dangers potentiels pour la sant humaine ou lenvironnement des muscs macrocycliques. Greenpeace a galement demand TNO deffectuer une analyse qualitative de ces macromuscs sur 29 des parfums tests, parmi lesquels 21 se sont rvls en contenir. Les analyses dlivres par TNO ne fournissent quune indication initiale de leur usage rpandu, justifiant de poursuivre les recherches sur cet aspect.

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III LES LIMITES DE LA RGLEMENTATION EN VIGUEUR

La rglementation en vigueur en UE ne nous garantit quune protection partielle sur les substances chimiques en usage dans les cosmtiques, et donc les parfums. La Directive Cosmtiques europenne (76/768/EEC) restreint lusage dans les produits cosmtiques des substances classes cancrignes, mutagnes et/ou toxiques pour la reproduction (CMR). Cette restriction interdit dj lutilisation dau moins un musc nitr : le musc ambrette. Toutefois, cette mme directive : Ne prvient pas lusage de substances chimiques soulevant des proccupations quivalentes telles que les pertubateurs hormonaux ; Ne tient pas compte de lexposition rsultant de la distribution dans lenvironnement des substances chimiques utilises dans la production des articles cosmtiques, ou de lutilisation et de la fin de vie de ces produits ; Ne comporte pas de procdure dautorisation qui exigerait des producteurs ladoption dune politique de prcaution et/ou la recherche systmatique de solutions dlimination et de substitution des groupes chimiques indsirables. Seule une approche globale de la rglementation chimique, fonde sur la prcaution, pourrait combler ces dficits rglementaires et conduire lindustrie vers linnovation pour substituer les substances chimiques proccupantes par des alternatives plus sres.

IV ACCEPTER LES RISQUES OU PRENDRE DES PRCAUTIONS ?

Cette tude confirme lusage rpandu des phtalates et des muscs synthtiques dans les parfums et le fait que, dans bien des cas, ces ingrdients potentiellement dangereux constituent un pourcentage significatif du poids total du produit. Les risques sanitaires concrets de nimporte quelle substance chimique particulire sont toujours difficiles, voire impossibles, quantifier ; et bien que les valuations des risques peuvent parfois durer des annes, elles demeurent souvent trs subjectives et mme sans conclusion ferme. Les hypothses utilises et les jugements ports sur les conclusions en matire de risques pour lenvironnement et la sant humaine sont rarement communiqus au-del des documents techniques, malgr limportance de ces aspects dans linterprtation des conclusions et du degr dincertitude qui les sous-tend. De plus, les valuations des risques partent du principe quil existe un certain niveau dexposition une substance chimique, mme prsentant des proprits intrinsques dangereuses, considr comme acceptable et quil suffit den faire une rfrence de gestion. Par ailleurs, nous ne sommes pas exposs aux substances chimiques, prises une par une, mais bien un cocktail de diffrents composs, chacun apportant un niveau de complexit supplmentaire la comprhension des effets possibles. Nous ne sommes pas exposs non plus par une voie unique mais par tout un ensemble de facteurs dans notre vie quotidienne.

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Ainsi, il est clair que les techniques traditionnelles dvaluation des risques sont peu susceptibles de garantir une protection approprie. Une approche de prcaution lvaluation et au contrle des substances chimiques est ncessaire et urgente. Les opinions rcentes sur le HHCB et lAHTN adoptes par le Comit Scientifique de lUE pour les Produits Cosmtiques et Non-alimentaires, SCCNFP (renomm en 2004 Comit Scientifique pour les Produits de Consommation), illustrent linfluence des partis pris sous-jacents derrire la dtermination du risque acceptable (SCCNFP 2002 a,b). Le Comit avise que le HHCB peut tre utilis comme ingrdient de fragrance dans les cosmtiques sans restriction et que le AHTN peut galement y tre incorpor jusqu 12 % de la fraction fragrances du produit (NB : non pas 12 % du produit fini), et base ses recommandations sur des marges de suret estimes. Le calcul de ces marges de sret dpend trs fortement du choix des valeurs reprsentatives pour lexposition, labsorption par la peau et la toxicit. Dans ce cas, pour dterminer la marge de sret du HHCB, le Comit a mis lhypothse dune absorption cutane de 0,1 % de la dose applique et une concentration typique de la substance dans le produit parfum (eau de toilette) de 2,4 %. Une estimation bien plus leve de la dose absorbe (5,1 %) fut rejete sur la base que ltude sur laquelle elle se fondait ntait pas conforme aux lignes conductrices du Comit et quelle appliquait la dose via de lthanol pur, considr comme non reprsentatif des produits commerciaux. Mais si lon considre que les vrais parfums (dont les Eaux de Parfum) peuvent contenir jusqu 75 % dthanol en poids (Bearling 1999), cette tude reste pertinente. Les rsultats des analyses de TNO montrent de plus que dans des formulations deaux de toilette et deaux de parfum comparativement plus faibles, les niveaux de HHCB peuvent excder lhypothse du Comit dune concentration de 2,4 % (pour 5 des 36 produits analyss par TNO). En appliquant ces scnarios du pire aux estimations pour labsorption et la

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concentration, les marges de scurit pourraient tre rduites dun facteur 100 au moins. Pour lAHTN, le Comit a mis similairement lhypothse de la concentration typique dun produit 0,96 % et a refus l encore de considrer une plus forte dose dabsorption dans ses calculs pour dterminer la marge de sret. Les rsultats des analyses de TNO montrent que ces valeurs peuvent tre excdes dans 2 des 36 chantillons tests. De plus, le Comit avertit de lui-mme que son avis na pas tenu compte de lexposition additionnelle des consommateurs une diversit dautres sources (SCCNFP 2002 a,b). Les cosmtiques ne sont pas la seule source dexposition humaine aux muscs ; les rafrachisseurs dambiance, les savons et les dtergents des lessives peuvent tous contenir des muscs. Enfin, le calcul des niveaux sans effet nocif observ (50 mg/kg et 5 mg/kg respectivement pour le HHCB et lAHTN) demeure peu clair dans les dlibrations du Comit. Ces valeurs tiennent compte des proprits potentielles de perturbation endocrinienne ou des effets synergiques avec dautres substances toxiques. Dans tous les cas, il est certain que les nouvelles preuves des effets environnementaux et sanitaires ayant merges depuis 2002 nont pas t considres, alors mme quelles seraient de pertinence pour le calcul de la marge de sret. GP/HORNEMAN

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Cette tude confirme la prsence de substances potentiellement dangereuses dans les eaux de toilette et les eaux de parfum. Les quantits de ces substances chimiques varient de manire importante selon les produits, et de nombreuses lacunes apparaissent dans la rglementation de leur utilisation. REACH, la rforme en cours de la rglementation chimique europenne, a le potentiel de crer une dynamique vertueuse par sa procdure dautorisation qui exigera labandon et la substitution des substances dangereuses, en particulier celles qualifies dextrmement proccupantes prsentant des proprits potentiellement nocives pour la sant et lenvironnement. Cela comprend les substances persistantes, bioaccumulables et toxiques (PBT), les substances fort taux de bioaacumulation et de persistance (vPvB), les substances susceptibles de provoquer le cancer ou dinduire des dommages la reproduction ou des mutations gntiques (CMR) ainsi que celles qui affectent le systme hormonal (perturbateurs endocriniens). Bien quil soit encore trop tt pour dterminer si les phtalates et les muscs artificiels seront, au crible du processus REACH, officiellement identifis comme substances extrmement proccupantes , les preuves mergentes sur leur proprits dangereuses exposes ci-avant fournissent des bases solides pour une telle classification. La proposition REACH actuelle, publie par la Commission en Octobre 2003, a malheureusement souffert dun lobbying intensif de lindustrie. Elle contient une chappatoire qui autoriserait la poursuite de lusage dune substance extrmement proccupante en dpit de lexistence dalternatives plus sres.

Greenpeace pense que, pour nous protger de lexposition des substances dangereuses, REACH ne doit pas accorder dautorisation lusage de substances extrmement proccupantes , sauf en labsence dalternative disponible lorsquun besoin socital essentiel justifie une telle utilisation. Cest le principe de substitution. Plusieurs entreprises rpondent favorablement la prise de conscience croissante des consommateurs sur les substances de synthse dans leurs articles et mettent en place des politiques de substitution des substances dangereuses. De telles entreprises montrent quune approche innovante, gnrant une nouvelle gamme de produits de consommation plus srs, est aussi synonyme de succs commercial (le meilleur exemple provenant dun secteur aussi complexe que llectronique). Les industries du parfum doivent suivre lexemple.Toutefois, les engagements volontaires dentreprises ne suffisent pas modifier une situation globale et forcer lcoinnovation lensemble du march, cest le rle de la rglementation. REACH doit nous procurer les structures juridiquement contraignantes pour faire de la politique chimique europenne un pilier de la prcaution et un moteur de linnovation. Un dfi rside maintenant entre les mains de nos reprsentants lus et des ministres comptents : renforcer REACH pour nous protger des substances dangereuses dans notre vie quotidienne.

annexe 1PHTHALATES ABBR.: DMP DI-METHYL PHTHALATE DEP DI-ETHYL PHTHALATE DIBP DI-ISO-BUTYL PHTHALATE DBP DI-N-BUTYL PHTHALATE BBP BENZYLBUTYL PHTHALATE DCHP DI-CYCLOHEXYL PHTHALATE DEHP DI-(2-ETHYLHEXYL) PHTHALATE DOP DI-N-OCTYL PHTHALATE DINP DI-ISO-NONYL PHTHALATE DIDP DI-ISO-DECYL PHTHALATE

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ANNEXE PRODUIT

1 / TABLEAU 1: ANALYSE

DES PHTALATES EDT/EDP

(mg/kg)DMP DEP DIBP DBP BBP DCHP DEHP DOP DINP DIDP SOMME DES PHTALATES MESURS

Adidas, Floral Dream Alqvimia, Agua Natural Armani, She Bogner, High Speed Bvlgari, Blv Notte pour Homme Calvin Klein, CK One Calvin Klein, Eternity for Men Calvin Klein, Eternity for Women Cartier, Le Baiser Du Dragon Chanel, Chance Chanel, No. 5 Coty, Celine Dion Dior, Poison Dior, Pure Poison Etienne Aigner, Aigner In Leather FCUK, Him Fiorucci, Fiorucci Loves You Gloria Vanderbilt, Vanderbilt Gucci, Envy Me Hugo Boss, Boss in Motion Isabella Rossellini, My Manifesto Jean-Paul Gaultier, Classique Jean-Paul Gaultier, Le Mle Joop!, Nightflight Lancme, Miracle So Magic Melvita, Iris Blue Mexx, Waterlove Man Naomi Campbell, Sunset Paco Rabanne, XS Excess Pour Homme Puma, Puma Jamaica Man Puma, Puma Woman Ralph Lauren, Polo Blue The Body Shop, White Musk Tommy Hilfiger, True Star Van Gils, Van Gils Yves Saint Laurent, Cinema

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0.3 1.7 1.3