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HOMO
NYMES
MOR
TELS
Odile VILLOIS
HOMONYMESMORTELS
Roman Policier
27.48 519793
----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique
[Roman (134x204)] NB Pages : 368 pages
- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 27.76 ----------------------------------------------------------------------------
HOMONYMES MORTELS
Roman Policier Odile VILLOIS
Odi
le V
ILLO
IS
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Les lieux et les personnages de ce roman policier
ne sont que pure fiction. Toute ressemblance avec des
lieux connus et/ou des personnages ayant existé ou
existants, ne serait que pure coïncidence et
n’entrainerait en rien la responsabilité de l’auteur
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Entre le passé où sont nos souvenirs et
l’avenir où sont nos espérances, il y a le
présent où sont nos devoirs.
« Henri Lacordaire »
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Remerciement
Remerciement particulier à une personne pour
s’être souvenue le temps d’un regard que j’avais un
père et qui a fait que mon rêve à écrire ce livre, soit
devenu réalité.
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A mon Mari, à mon Fils,
A mes Petits Enfants,
A ma Mère, A mon Père.
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Tome I
JUSTE UN NOM
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Préface
Il y a des matins où vous croyez que le passé vous
a enfin oublié… Et pourtant, il est bien là, guettant le
moindre de vos gestes, de vos pensées, de vos
actions…
Comme tous les lundi soir, de retour à la maison,
après avoir manipulé des tas de dossiers, avoir pris
des tas de rendez-vous de consultations, avoir tapé
des tas de courriers pour des médecins traitants
fantômes, avoir accueilli des patients bien souvent
angoissés d’avoir attrapé une mauvaise maladie, avoir
remis à sa place la plaque sur mon bureau avec
l’inscription « Mme Natty PASCUAL – Secrétaire
Médicale » et enfin avoir fermé la porte, je décidais
de me changer les idées en tournant les pages du
canard local du début de semaine relatant les
évènements des jours passés et du week-end qui
venait de s’achever…
C’était comme une sorte de rituel : je regardais les
gros titres, consultais les premières pages décrivant
les faits divers qui allaient du chat du boulanger qui
avait passé la nuit dans le chêne de la place du
marché au pauvre clochard qui était mort sur son banc
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dans l’indifférence la plus totale… Puis, je me rendais
aux pages sportives que je lisais sans plus d’intérêt
sauf la rubrique « Course à Pieds », pour finir ma
lecture par les pages nécrologiques… Oui, c’est vrai,
drôle de choix pour se détendre après une journée
hospitalière bien remplie…
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Chapitre I
05 février…
Je regardais tout d’abord où avait eu lieu le décès
et portais bien évidemment un intérêt plus particulier,
lorsque j’y voyais inscrit le nom de mon village
Traildenant, que j’avais quitté pour raisons familiales
il y a maintenant 6 ans pour vivre à la campagne, la
vraie campagne baignée par ses senteurs de terre que
j’adorais respirer lorsque je courais à travers champs,
tôt le matin…
Mon village, Traildenant… J’avais quitté, par la
force des choses, tous les miens et qui plus est, 50 ans
de mon passé… La vie nous réserve de drôles de
surprises, plus ou moins faciles à accepter… J’y avais
laissé tout un quartier dans lequel j’avais grandi, celui
de l’Aubépine, et bien entendu, tous les gens qui
m’avaient vue devenir adulte. J’y avais laissé toute
une existence que les uns et les autres, nous avions
partagée, entre jeux, goûters chez Grand-Mère Pépé
comme j’aimais à la nommer. Tous ces gens
travaillaient ensemble depuis des années dans la
même usine, ces gens qui se connaissaient tous et que
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je connaissais moi aussi. Bien souvent, c’étaient les
parents de mes compagnons d’enfance. Ces maisons
toutes pareilles, bien alignées, où chacun partageait
avec l’autre. Ces rues dont j’ai oubliées quelque peu
les noms, peut-être parce que ceux-ci étaient inutiles.
Peu importe de savoir que Monsieur PONG habitait
Rue de l’Aqueduc : je savais simplement que sa
maison se trouvait deux rues derrière celle de ma
grand-mère et que ses fils joueraient avec moi au foot
cet après-midi. Il faut savoir que j’étais la seule fille
du quartier et que j’avais, il est vrai, plutôt des jeux
de garçons… Cow-boys et indiens occupaient plus
mes jeux que les poupées et les poussettes…
Aussi, mes yeux se voilèrent lorsque je lus le nom
du père d’une de mes amies d’enfance : Monsieur
Paul BRULEJOYEUX., décédé le 3 février… Et mon
passé refit surface… Douloureux… L’enterrement
aurait lieu après-demain… Le cimetière de
Traildenant était devenu le lieu de repos de presque
toute ma famille aujourd’hui et mes parents s’y
reposaient il y a maintenant plus de dix ans… Il fallait
qu’une nouvelle fois, je me fasse violence pour être là
pour mon amie… Je refermais le journal, la tête
remplie d’images des bons moments que j’avais
partagés avec elle, ses parents et les miens…
Et puis, je ne serais pas vous dire pourquoi, un
évènement survenu il y a quelques semaines dont
j’avais lu le récit me revint en mémoire… Il s’était
passé quelque chose d’inhabituel au cimetière. Si les
journaux des dernières semaines n’avaient pas été
jetés ou n’avaient pas servi à allumer la cheminée, je
devais pouvoir retrouver l’article. Je finis par
retrouver le bon journal et je lus : « Incident au
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cimetière de Traildenant ». On ne peut pas parler
franchement de tombes profanées, mais il semblerait
que quelqu’un se soit employé à noircir ou plutôt à
bleuir les inscriptions de certaines tombes comme si
on avait voulu copier les noms des personnes avec un
papier carbone. Le fait avait été signalé en mairie par
les familles et ce, depuis plusieurs semaines. Il avait
fait l’objet d’une déclaration sur une « main
courante » simplement pour y être consigné. Il n’y
aurait pas de suite, sauf si une famille décidait de
porter « plainte contre X », auquel cas, un dossier
serait ouvert, transmis au Procureur de la République
et une enquête pourrait être mise en route.
C’était comme si on avait voulu voler l’âme du
défunt en lui copiant quelque peu son identité… Sur
les tombes visitées, on avait retrouvé simplement une
bille de verre, de celles dont les gamins raffolent dans
les cours d’école, et une plume. Etrange signature !
Les policiers n’étaient arrivés à aucune conclusion et
ne s’expliquaient pas ces méfaits. Le dossier avait été
mis en attente dans les affaires non résolues. Il est
vrai qu’il n’y avait pas eu « mort d’homme » si l’on
peut dire. Peut-être des gamins qui s’étaient amusés…
On avait tant bien que mal nettoyé les tombes et le
calme du cimetière avait fait le reste.
Drôle d’idée quand même… Pourquoi vouloir
copier des inscriptions de pierres tombales ? Qui
pouvait en quelque sorte perdre son temps à cela ?
Des enfants ? Je restais sceptique et dans mes
pensées… Une piste à suivre… Devais-je jouer les
Sherlock Holmes ?
Jarrod, mon mari, m’appela pour l’aider à rentrer
du bois et mes questions demeurèrent sans réponse…
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Chapitre II
07 février…
La matinée du mercredi se passa entre dossiers et
prises de rendez-vous, mais mon esprit n’était pas là.
On enterrait le père de mon amie cet après-midi et il
me fallait de nouveau retourner dans cet endroit que
je ne détestais pas, mais qui me rendait nostalgique…
J’y étais… Le seul nom de mon village inondait
mon cœur de tellement de sentiments différents…
Dans les badauds qui se pressaient déjà devant le
cimetière, je revis d’anciens visages que je croyais
avoir oubliés… Mais non, mon enfance refaisait
surface… Tout le monde se disait bonjour, discutait
en chuchotant… Le silence se fit, pesant… Le cortège
funéraire approchait, comme dans l’ancien temps, à
pieds… Je fis un petit signe à mon amie Sylvie qui, le
moment n’était pourtant pas propice, me sourit, de ce
sourire qui vous donne la chair de poule, mais qui en
même temps, vous réconforte dans vos amitiés. C’est
le visage baigné de larmes qu’elle m’embrassa, me
serra tout contre elle comme on peut avoir besoin de
le faire avec une sœur ou un frère, que je n’avais
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pas… La cérémonie se poursuivit dans la douleur de
la perte d’un être cher…
Je m’écartais un peu des gens et je pus observer la
silhouette et le regard de chacun et chacune… Un peu
plus mince, un peu moins jeune, des cheveux un peu
plus gris ou plus de cheveux du tout, le regard un peu
plus terne… Ce que j’observais, ils pouvaient
l’observer chez moi aussi… Je les passais tous et
toutes en revue et me revins à l’esprit les joies et les
tristesses qu’ils avaient aussi connues, tout comme
moi… La perte d’un frère, d’un fils, d’une mère, d’un
père, d’une épouse ou d’un mari… Mais aussi, le
mariage d’un enfant, l’arrivée de petits-enfants…
Chacun, chacune avait dans sa vie, ses moments de
privilège, mais aussi, à un moment ou à un autre, sa
croix à porter. Je portais la mienne maintenant depuis
plus de dix ans et elle me pesait…
Et mon regard continua son tour d’horizon… sur
les noms des tombes qui m’entouraient… Monsieur
Emile VOIKKEDIN., ancien maire, Monsieur Tristan
FERRACHEVAL, le poissonnier, l’Abbé PAROISSE
qui portait bien son nom… Et encore, et encore, que
des noms connus, avec qui j’avais forcément partagé
un instant de ma vie et qui étaient partis, pour
beaucoup, de maladie. Et puis, quelque chose
m’interpella : ce bleu rapidement effacé sur les
inscriptions apparaissait sur les tombes de ceux et
celles qui m…… Je sursautais : mon amie était à côté
de moi…
– Tu es venue et je t’en remercie. Tu sais, Papa
avait la maladie de Parkinson et il souffrait tellement.
Bien souvent, j’ai cru que j’allais perdre ma mère
aussi tellement elle était épuisée. C’est difficile, mais
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là où il est maintenant, il ne souffre plus… Et toi,
comment tu vas après tout ce que tu as pu endurer ?
– Pas trop mal, il y a des jours avec et des jours
sans… Je fais avec et je me dis que de toute façon, la
route n’est pas toute droite, loin de là.
J’eus du mal à me concentrer sur ce qu’elle me
disait, car ce bleu m’avait perturbé et pire encore…
Elle m’embrassa et rejoint sa famille. Sa mère me fixa
tristement.
Je passai une nuit agitée… Je voyais ce bleu
partout… Le ciel, les maisons, les rues, les rivières,
tout était bleu… Mais d’un bleu terrifiant, épais,
comme si c’était du sang, mais bleu…
10 février…
Arrivée à mon travail, j’oubliais le bleu et
retombais rapidement dans les soucis de la journée et
la routine : vérifier les dossiers des patients admis la
veille, vérifier leur bonne identité, s’ils avaient été
admis dans le bon service sur le plan administratif, et
se mettre à taper dans un second temps les compte-
rendus de visite ou d’intervention s’ils étaient en
chirurgie… puisque tel était mon domaine.
Je demeurais comme figée : sur le tableau des
admissions, était inscrit le prénom et le nom de mon
père… M. André BAJAUDRE, admis pour
dépression nerveuse avec tentative de suicide par
strangulation… Mon sang se glaça… Le patient était
vivant, mais en réanimation…
Le passé était là, sous mes yeux… Impossible… Je
fus prise de vertige et je dus m’asseoir. Je devais
rêver éveillée… Non seulement un vrai homonyme,
nom et prénom, mais avec une pathologie identique à
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celle de mon père… Me remettant de mes émotions et
la curiosité l’emportant, je descendis quatre à quatre
en réanimation, mais je ne pus me résoudre à voir de
visu ce monsieur… Quelle idiote je faisais : ce ne
pouvait pas être mon père de toute façon… Il est vrai
que le fait n’était pas anodin… Les portes du service
de réanimation s’ouvrirent brusquement et une
infirmière sortit avec une pancarte de malade, affolée,
en criant à qui voulait bien l’entendre : « On est
entrain de le perdre, on est entrain de perdre M.
André BAJAUDRE, un réanimateur, vite ! »… Je vis
la pancarte de soins avec son nom écrit en… bleu…
Je perdis connaissance…
J’appris plus tard que M. André BAJAUDRE était
décédé. Il était suivi pour sa dépression qui faisait
suite au décès de sa femme un an plus tôt, semblait
aller mieux, était suivi régulièrement puisqu’il avait
consulté il y avait tout juste quinze jours, et personne
ne s’attendait à son geste.
Après avoir repris mes esprits, mes collègues me
chouchoutèrent et prirent soin de moi toute la journée,
associant mon malaise au surmenage et au fait que
j’étais quelqu’un qui avait une sensibilité à fleur de
peau…