UNS. Mythologie. Zucker. 2012
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Cours UEL Mythologie (HLLC706W) Plan
1. introduction au champ et aux approches de la mythologie 2. Etude des textes et des idées : les récits de création
a. commencement du monde b. commencement des hommes c. commencement de lʼhistoire «récente» d. commencement du langage e. commencement de la culture et des inventions
[monde] Texte 1a : HÉSIODE, Théogonie 116-‐232 « Au commencement exista le Chaos, puis la Terre à la large poitrine, demeure toujours sûre de tous les Immortels qui habitent le faite de l'Olympe neigeux ; ensuite le sombre Tartare, placé sous les abîmes de la Terre immense ; enfin l'Amour, le plus beau des dieux, l'Amour, qui amollit les âmes, et, s'emparant du cœur de toutes les divinités et de tous les hommes, triomphe de leur sage volonté. Du Chaos sortirent l’Érèbe et la Nuit obscure. L'Éther et le Jour naquirent de la Nuit, qui les conçut en s'unissant d'amour avec l'Érèbe. La Terre enfanta d'abord Ouranos couronné d'étoiles et le rendit son égal en grandeur afin qu'il la couvrît tout entière et qu'elle offrît aux bienheureux Immortels une demeure toujours tranquille ; elle créa les hautes montagnes, les gracieuses retraites des Nymphes divines qui habitent les monts aux gorges profondes. Bientôt, sans goûter les charmes du plaisir, elle engendra Pontus, la stérile mer aux flots bouillonnants ; puis, s'unissant avec Ouranos, elle fit naître l'Océan aux gouffres immenses, Céus, Créus, Hypérion, Japet, Théa, Thémis, Rhéa, Mnémosyne, Phébè à la couronne d'or et l’aimable Téthys. Le dernier et le plus terrible de ses enfants, l'astucieux Cronos, devint l'ennemi du florissant auteur de ses jours. La Terre enfanta aussi les Cyclopes au cœur superbe, Brontès, Stéropés et l'intrépide Argès, qui remirent son tonnerre à Zeus et lui forgèrent sa foudre : tous les trois ressemblaient aux autres dieux, seulement ils n'avaient qu'un œil au milieu du front et reçurent le surnom de Cyclopes, parce que cet œil présentait une forme circulaire. Dans tous les travaux éclataient leur force et leur puissance. La Terre et Ouranos eurent encore trois fils grands et vigoureux, funestes à nommer, Cottus, Briarée et Gygès, race orgueilleuse et terrible ! Cent bras invincibles s'élançaient de leurs épaules et cinquante têtes attachées à leurs dos s'allongeaient au-‐dessus de leurs membres robustes. Leur force était immense, infatigable, proportionnée à leur haute stature. Ces enfants, les plus redoutables de tous ceux qu'engendrèrent la Terre et Ouranos, devinrent dès le commencement odieux à leur père. À mesure qu'ils naissaient, loin de leur laisser la lumière du jour, Ouranos les cachait dans les flancs de la Terre et se réjouissait de cette action dénaturée. La Terre immense gémissait, profondément attristée, lorsque enfin elle médita une cruelle et perfide vengeance. Dès qu'elle eut tiré de son sein l'acier éclatant de blancheur, elle fabriqua une grande faux, révéla son projet à ses enfants et, pour les encourager, leur dit, consumée de douleur : "Mes fils ! si vous voulez m'obéir, nous vengerons l'outrage que vous fait subir votre coupable père : car il est le premier auteur d'une action indigne." Elle dit. La crainte s'empara de tous ses enfants ; aucun n'osa répliquer. Enfin le grand et astucieux Cronos, ayant pris confiance, répondit à sa vénérable mère : "Ô ma mère! je promets d'accomplir notre vengeance, puisque je ne respecte plus un père trop fatal : car il est le premier auteur d'une action indigne." A ces mots, la Terre immense ressentit une grande joie au fond de son cœur. Après avoir caché Cronos dans une embuscade, elle remit en ses mains la faux à la dent tranchante et lui expliqua sa ruse tout entière. Le grand Ouranos arriva, amenant la Nuit, et animé du désir amoureux, il s'étendit sur la Terre de toute sa longueur. Alors son fils, sorti de l'embuscade, le saisit de la main gauche, et de la droite, agitant la faux énorme, longue, acérée, il s'empressa de couper l'organe viril de son père et le rejeta derrière lui. Ce ne fut pas vainement que cet organe tomba de sa main : toutes les gouttes de sang qui en découlèrent, la Terre les recueillit, et les années étant révolues, elle produisit les redoutables Furies, les Géants monstrueux, chargés d'armes étincelantes et portant dans leurs mains d'énormes lances, enfin ces Nymphes qu'on appelle Mélies sur la terre immense. Cronos mutila de nouveau avec l'acier le membre qu'il avait coupé déjà et le lança du rivage dans les vagues agitées de Pontus : la mer le soutint longtemps, et de ce débris d'un corps immortel jaillit une blanche écume d'où naquit une jeune fille qui fut d'abord portée vers la divine Cythère et de là parvint jusqu'à Chypre entourée
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de flots. Bientôt, déesse ravissante de beauté, elle s'élança sur la rive, et le gazon fleurit sous ses pieds délicats. Les dieux et les hommes appellent cette divinité à la belle couronne Aphrodite, parce qu'elle fut nourrie de l'écume des mers ; Cythérée, parce qu'elle aborda Cythère, Cyprigénie, parce qu'elle naquit dans Chypre entourée de flots et Philomédée, parce que c'est d'un organe générateur qu'elle reçut la vie. Accompagnée de l'Amour et du beau Désir, le même jour de sa naissance, elle se rendit à la céleste assemblée. Dès l'origine, jouissant des honneurs divins, elle obtint du sort l'emploi de présider, parmi les hommes et les dieux immortels, aux entretiens des jeunes vierges, aux tendres sourires, aux innocents artifices, aux doux plaisirs, aux caresses de l'amour et de la volupté. Le grand Ouranos, irrité contre les enfants qu'il avait engendrés lui-‐même, les surnomma les Titans, disant qu'ils avaient étendu la main pour commettre un énorme attentat dont un jour ils devaient recevoir le châtiment. La Nuit enfanta l'odieux Destin, la noire Parque et la Mort ; elle fit naître le Sommeil avec la troupe des Songes, et cependant cette ténébreuse déesse ne s'était unie à aucun autre dieu. Ensuite elle engendra Momus, le Chagrin douloureux, les Hespérides, qui par delà l'illustre Océan, gardent les pommes d'or et les arbres chargés de ces beaux fruits, les Destinées, les Parques impitoyables, Clotho, Lachésis et Atropos qui dispensent le bien et le mal aux mortels naissans, poursuivent les crimes des hommes et des deux et ne déposent leur terrible colère qu'après avoir exercé sur le coupable une cruelle vengeance. La Nuit funeste conçut encore Némésis, ce fléau des mortels, puis la Fraude, l'Amour criminel, la triste Vieillesse, Éris au cœur opiniâtre. L'odieuse Éris fit naître à son tour le Travail importun, l'Oubli, la Faim, les Douleurs qui font pleurer, les Disputes, les Meurtres, les Guerres, le Carnage, les Querelles, les Discours mensongers, les Contestations, le Mépris des lois et Até, ce couple inséparable, enfin Horcus, si fatal aux habitants de la terre quand l'un d'eux se parjure volontairement.
[monde] Texte 1b : Genèse I (Ed. du cerf, 1988) Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Or la terre était vide et vague, les ténèbres couvraient l’abîme, un vent de Dieu tournoyait sur les eaux. Dieu dit : « Que la lumière soit » et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière et les ténèbres. Dieu appela la lumière « jour » et les ténèbres « nuit ». Il y eut un soir et il y eut un matin : premier jour. Dieu dit : « Qu’il y ait un firmament au milieu des eaux et qu’il sépare les eaux d’avec les eaux » et il en fut ainsi. Dieu fit le firmament, qui sépara les eaux qui sont sous le firmament d’avec les eaux qui sont au-‐dessus du firmament, et Dieu appela le firmament « ciel ». Il y eut un soir et il y eut un matin : deuxième jour. Dieu dit : « Que les eaux qui sont sous le ciel s’amassent en une seule masse et qu’apparaisse le continent » et il en fut ainsi. Dieu appela le continent « terre » et la masse des eaux « mers », et Dieu vit que cela était bon. Dieu dit : « Que la terre verdisse de verdure : des herbes portant semence et des arbres fruitiers donnant sur la terre selon leur espèce des fruits contenant leur semence » et il en fut ainsi. La terre produisit de la verdure : des herbes portant semence selon leur espèce, des arbres donnant selon leur espèce des fruits contenant leur semence, et Dieu vit que cela était bon. Il y eut un soir et il y eu un matin : troisième jour. Dieu dit : « Qu’il y ait des luminaires au firmament du ciel pour séparer le jour et la nuit ; qu’ils servent de signes, tant pour les fêtes que pour les jours et les années ; qu’ils soient des luminaires au firmament du ciel pour éclairer la terre » et il en fut ainsi. Dieu fit les deux luminaires majeurs : le grand luminaire comme puissance du jour et le petit luminaire comme puissance de la nuit, et les étoiles. Dieu les plaça au firmament du ciel pour éclairer la terre, pour commander au jour et à la nuit, pour séparer la lumière et les ténèbres, et Dieu vit que cela était bon. Il y eut un soir et il y eut un matin : quatrième jour. Dieu dit : « Que les eaux grouillent d’un grouillement d’êtres vivants et que des oiseaux volent au-‐dessus de la terre contre le firmament du ciel » et il en fut ainsi. Dieu créa les grands serpents de mer et tous les êtres vivants qui glissent et qui grouillent dans les eaux selon leur espèce, et toute la gent ailée selon son espèce, et Dieu vit que cela était bon. Dieu les bénit et dit : « Soyez féconds, multipliez, emplissez l’eau des mers, et que les oiseaux multiplient sur la terre. » Il y eut un soir et il y eut un matin : cinquième jour. Dieu dit : « Que la terre produise des êtres vivants selon leur espèce : bestiaux, bestioles, bêtes sauvages selon leur espèce » et il en fut ainsi. Dieu fit les bêtes sauvages selon leur espèce, les bestiaux selon leur espèce et toutes les bestioles du sol selon leur espèce, et Dieu vit que cela était bon. Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance, et qu’ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre. » Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. Dieu les bénit et leur dit : « Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-‐la ; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre. » Dieu dit : « Je vous donne toutes les herbes portant semence, qui sont sur toute la surface de la terre, et tous les arbres qui ont des fruits portant semence : ce sera votre nourriture. À toutes les bêtes sauvages, à tous les oiseaux du ciel, à tout ce qui rampe sur la terre et qui est animé de vie, je donne pour nourriture toute la verdure
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des plantes » et il en fut ainsi. Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon. Il y eut un soir et il y eut un matin : sixième jour. Ainsi furent achevés le ciel et la terre, avec toute leur armée. Dieu conclut au septième jour l’ouvrage qu’il avait fait et, au septième jour, il chôma, après tout l’ouvrage qu’il avait fait. Dieu bénit le septième jour et le sanctifia, car il avait chômé après tout son ouvrage de création. Telle fut l’histoire du ciel et de la terre, quand ils furent créés.
[monde] Texte 1c : Popol vuh « (1) Voici le récit du temps où tout était en suspension, tout calme, tout en silence, tout immobile, muet et vide dans l'extension du ciel. Ceci est la première expression, la première parole. Il n'y avait encore ni hommes, ni animaux, ni oiseaux, ni poissons, ni crustacés, ni arbres, ni pierres, ni cavernes, ni gorges, ni herbes, ni forêts : seul le Ciel existait. La face de la Terre ne se manifestait pas. Seuls étaient la mer calme et le ciel dans son extension. Il n'y avait rien d'assemblé qui fasse de bruit, ni chose qui se meuve, ni qui s'agite dans le Ciel. Il n'y avait rien qui soit sur pied; seule l'eau en repos, la mer impassible et tranquille. Rien n'émergeait de l'immobilité et du silence, dans l'obscurité de la nuit. Seuls Tzacol, le Créateur; Bitol, le Formateur; Tepeu, le Puissant; Gucumatz, Serpent Emplumé, les Géniteurs, étaient dans l'eau, entourés de clarté, cachés sous des plumes vertes et bleues. Leur nature était celle de grands sages et de grands penseurs. Ils étaient l'œuvre du Cœur du Ciel, Huracan, qui vint près de Tepeu et Gucumatz dans l'obscurité de la nuit. Ils parlèrent, se consultèrent, et méditant entre eux, ils se mirent d'accord pour assembler leurs paroles, et leurs pensées. Tandis qu'ils méditaient sur l'apparition de l'homme à la venue de l'aube, la clarté se manifesta. Ils disposèrent de la création, et de la croissance des arbres et des lianes, de la naissance de la vie et de la création de l'homme. Tout se mit en place dans les ténèbres et dans la nuit, par le Cœur du Ciel qui se nomme Huracan. Le premier signe se nomme Caculha Huracan, Maître Géant Eclair; le deuxième est Chipi Caculha, Trace de l'Éclair; le troisième est Raxa Caculha, Splendeur de l'Éclair 3 : tous trois soont le Cœur du Ciel. Tous se joignirent à Tepeu et Gucumatz pour tenir conseil sur la vie et la clarté, pour concevoir l'aube et celui qui serait le producteur de l'aliment et de la substance. -‐ Que cela soit ainsi! Que se remplisse le vide! Que cette eau se retire, et désoccupe l'espace, que surgisse la terre et qu'elle se raffermisse ! Que naisse l'aube dans le ciel et sur la terre! Il n'y aura ni gloire ni grandeur dans notre création et formation jusqu'à ce que naisse la créature humaine, l'homme formé, ainsi dirent-‐ils. -‐ Terre! dirent-‐ils, et à l'instant elle parut. Comme la brume, comme le nuage, comme un tourbillon fut la création, lorsque surgirent de l'eau les montagnes, et qu'elles se mirent aussitôt à grandir. C'est seulement par un prodige, par l'art de la magie que se réalisa la formation des montagnes et des vallées, et qu'aussitôt apparurent avec elles les cyprières et les pinèdes. Le Serpent Emplumé fut rempli d'allégresse -‐ Bonne est ta venue, Cœur du Ciel! Huracan et toi, Maître Géant Éclair, Trace de l'Éclair, Splendeur de l'Éclair. -‐ Notre œuvre, notre création sera achevée, répondirent-‐ils. Après les montagnes et les vallées, furent conçus les fleuves, qui se divisèrent en rivières, courant librement entre les monts. C'est ainsi que fut créée la terre lorsque Cœur du Ciel, Cœur de la Terre l'engendrèrent, alors que le ciel était en suspension et la terre submergée par les eaux. C'est ainsi qu'ils exécutèrent leur œuvre dans sa perfection, après avoir pensé, et médité sur son heureux achèvement. (2) Puis ils donnèrent naissance aux animaux des montagnes, les gardiens de toutes les forêts, les génies des montagnes, cerfs, oiseaux, jaguars, pumas, serpents, vipères, gardiens des lianes. Les Engendreurs dirent alors : -‐ Ne régnera-‐t-‐il que le silence et l'immobilité sous les arbres et les lianes ? Il convient qu'il y ait des gardiens. A l'instant même où ils méditèrent et les nommèrent apparurent les cerfs et les oiseaux. Puis ils leur répartirent leurs demeures -‐ Toi, cerf, tu dormiras sur le chemin des fleuves et dans les ravins. Là, tu te tiendras entre les broussailles et les herbes; dans la forêt tu te reproduiras; sur quatre pattes tu iras et t'alimenteras. Ainsi dit, ainsi fait. Puis ce fut le tour des oiseaux, des plus petits et des plus grands -‐ Vous, oiseaux, vous habiterez sur les arbres et les lianes; là, vous ferez vos nids et vous vous reproduirez;vous vous multiplierez entre les branches des arbres et les lianes. Ainsi fut-‐il dit aux cerfs et aux oiseaux pour qu'ils fassent ce qu'ils devaient, et tous prirent habitation et nid. C'est ainsi que les engendreurs donnèrent gîte aux animaux de la terre. Puis Tzacol, Bitol, Alom, Qaholom ayant terminé de les former leur dirent -‐ Parlez, criez, gazouillez; que chacun fasse entendre son langage selon son espèce, sa variété. Ainsi fut-‐il dit aux cerfs, oiseaux, jaguars, pumas, serpents. -‐ Dites désormais nos noms, louangez-‐nous, nous, votre père, votre mère. Invoquez Huracan, le Cœur du Ciel, Splendeur de l'Éclair, Trace de l'Éclair, Esprit du Ciel, Esprit de la Terre, le Créateur, le Formateur, les Géniteurs; parlez, invoquez-‐nous, adorez-‐nous, dirent-‐ils. Mais ils ne purent parler comme les hommes. Ils caquetèrent, mugirent, croassèrent sans qu'il se manifeste de forme de langage, chacun criant à sa manière.
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Lorque Tzacol et Bitol virent cela: -‐ Its n'ont pas pu dire notre nom, celui de leur Créateur et Formateur. Cela n'est pas bien, dirent-‐ils entre eux. -‐ Vous serez changés puisqu'il n'a pas été possible que vous parliez. Nous avons changé d'avis : votre alimentation, votre pâture, votre habitation, vos nids, ce seront les ravins et les forêts, puisqu'il n'est pas possible que vous nous adoriez, ni que vous nous invoquiez. Ceux qui nous adoreront sont encore à venir, nous les ferons dignes de nous. Quant à vous, acceptez.
[monde] Texte 1d : Rig Veda 10.129 (Tad Ekam) (1) Il n'y avait pas l'être, il n'y avait pas le non-être en ce temps. Il n'y avait ni l'espace, ni le firmament au-delà. Quel était le contenu ? Où était-ce ? Sous la garde de qui ? Y avait-il de l'eau profonde, de l'eau sans fond. (2) Ni la mort, ni la non-mort n'étaient en ce temps, Point de signe distinguant la nuit du jour. L'Un respirait sans souffle mû de soi-même: Rien d'autre n'existait par ailleurs. (3) A l'origine les ténèbres couvraient des ténèbres, Tout ce qu'on voit n'était qu'onde indistincte. Enfermé dans le vide, le Devenant, L'Un prit alors naissance par le pouvoir de la Chaleur. (4) Au commencement Cela qui était la semence première de la Pensée se mua en Désir: les sages cherchant en leur cœur découvrirent intuitivement que le lien de l'être se situait dans le non-être (5) Leur cordeau était tendu en diagonale: Quel était le dessus, quel était le dessous ? Il y eut des porteurs de semence, il y eut des énergies féminines: En bas était l'Instinct, en haut le Don. (6) Qui sait en vérité, qui pourrait l'annoncer ici: D'où est issue, d'où vient cette création ? Les dieux sont en deçà de cet acte créateur: Qui sait d'où il émane ? (7) Cette création, d'où elle émane, Si elle a été fabriquée ou si elle ne l'a pas été, Celui qui veille sur elle au plus haut du ciel, Le sait sans doute: ou bien ne le sait-il pas ?
[monde] Texte 1e : CORAN, Sourate 21, Versets 30 et 33 Les incrédules n'ont-‐ils pas vu que les cieux et la terre formaient une masse compacte? Nous les avons ensuite séparées. Et c'est lui qui a créé la nuit et le jour, le soleil et la lune. Chacun voguant dans une orbite.
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[homme] Txt. 2a : OVIDE, Métamorphoses, 1.21-‐88) Un dieu, ou la nature plus puissante, termina tous ces combats, sépara le ciel de la terre, la terre des eaux, l'air le plus pur de l'air le plus grossier. Le chaos étant ainsi débrouillé, les éléments occupèrent le rang qui leur fut assigné, et reçurent les lois qui devaient maintenir entre eux une éternelle paix. Le feu, qui n'a point de pesanteur, brilla dans le ciel, et occupa la région la plus élevée. Au-‐dessous, mais près de lui, vint se placer l'air par sa légèreté. La terre, entraînant les éléments épais et solides, fut fixée plus bas par son propre poids. La dernière place appartint à l'onde, qui, s'étendant mollement autour de la terre, l'embrassa de toutes parts. [32] Après que ce dieu, quel qu'il fût, eut ainsi débrouillé et divisé la matière, il arrondit la terre pour qu'elle fût égale dans toutes ses parties. Il ordonna qu'elle fût entourée par la mer, et la mer fut soumise à l'empire des vents, sans pouvoir franchir ses rivages. Ensuite il forma les fontaines, les vastes étangs, et les lacs, et les fleuves, qui, renfermés dans leurs rives tortueuses, et dispersés sur la surface de la terre, se perdent dans son sein, ou se jettent dans l'océan; et alors, coulant plus librement dans son enceinte immense et profonde, ils n'ont à presser
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d'autres bords que les siens. Ce dieu dit, et les plaines s'étendirent, les vallons s'abaissèrent, les montagnes élevèrent leurs sommets, et les forêts se couvrirent de verdure. Ainsi que le ciel est coupé par cinq zones, deux à droite, deux à gauche, et une au milieu, qui est plus ardente que les autres, ainsi la terre fut divisée en cinq régions qui correspondent à celles du ciel qui l'environne. La zone du milieu, brûlée par le soleil, est inhabitable; celles qui sont vers les deux pôles se couvrent de neiges et de glaces éternelles : les deux autres, placées entre les zones polaires et la zone du milieu, ont un climat tempéré par le mélange du chaud et du froid. Étendu sur les zones, l'air, plus léger que la terre et que l'onde, est plus pesant que le feu. [54] C'est dans la région de l'air que l'auteur du monde ordonna aux vapeurs et aux nuages de s'assembler, au tonnerre de gronder pour effrayer les mortels, aux vents d'exciter la foudre, la grêle et les frimas; mais il ne leur abandonna pas le libre empire des airs. Le monde, qui résiste à peine à leur impétuosité, quoiqu'ils ne puissent franchir les limites qui leur ont été assignées, serait bientôt bouleversé, tant est grande la division qui règne entre eux, S'il leur était permis de se répandre à leur gré sur la terre ! Eurus fut relégué vers les lieux où naît l'aurore, dans la Perse, dans l’Arabie, et sur les montagnes qui reçoivent les premiers rayons du jour. Zéphyr eut en partage les lieux où se lève l'étoile du soir, où le soleil éteint ses derniers feux. L'horrible Borée envahit la Scythie et les climats glacés du septentrion. Les régions du midi furent le domaine de l'Auster pluvieux, au front couvert de nuages éternels; et par-‐delà le séjour des vents fut placé l'éther, élément fluide et léger, dépouillé de l'air grossier qui nous environne. À peine tous ces corps étaient-‐ils séparés, assujettis à des lois immuables, les astres, longtemps obscurcis dans la masse informe du chaos, commencèrent à briller dans les cieux. Les étoiles et les dieux y fixèrent leur séjour, afin qu'aucune région ne fût sans habitants. Les poissons peuplèrent l'onde; les quadrupèdes, la terre; les oiseaux, les plaines de l'air. Un être plus noble et plus intelligent, fait pour dominer sur tous les autres, manquait encore à ce grand ouvrage. L'homme naquit : et soit que l'architecte suprême l'eût animé d'un souffle divin, soit que la terre conservât encore, dans son sein, quelques-‐unes des plus pures parties de l'éther dont elle venait d'être séparée, et que le fils de Japet, détrempant cette semence féconde, en eût formé l'homme à l'image des dieux, arbitres de l'univers; l'homme, distingué des autres animaux dont la tête est inclinée vers la terre, put contempler les astres et fixer ses regards sublimes dans les cieux. Ainsi la matière, auparavant informe et stérile, prit la figure de l'homme, jusqu'alors inconnue à l'univers.
[homme] Txt. 2b : EMPÉDOCLE (fr. 57 D) Ainsi poussèrent nombre de têtes sans cou, | errèrent des bras nus sans épaule, | et des yeux qui n'étaient pas fixés à des visages | ..(fr. 59 D) mais quand le divin (élément) s'unit davantage au divin, | ces membres s'ajustèrent comme ils se rencontrèrent, | et là-‐dessus nombre d'autres provinrent sans discontinuer .. (fr. 61 D) Il y eut donc nombre d'êtres à double visage et à double poitrine, | des formes bovines à tête humaine, et inversement | des formes humaines à tête bovine, qui possédaient à la fois les attributs de l'homme | et ceux de la femme, avec ses membres ombreux |... les pieds traînants, des mains innombrables |.. (fr. 62 D) Maintenant, comment des hommes et des femmes aux pleurs faciles | la race fut produite au jour par le feu qui se dégageait, | écoute-‐le; ce n'est pas un discours hors de propos ou frivole. | D'abord des formes indistinctes s'élevèrent du sol, | à la fois constituées d'eau et de terre. | Le feu, cherchant à se réunira son semblable, les faisait sortir, | sans qu'elles montrassent déjà le gracieux arrangements des membres, | sans qu'elles eussent la voix ni les attributs du sexe viril
[homme] Txt. 2c : Bible, Genèse 1.26-‐28, 2.6-‐8, 2.22-‐23 1.26 Puis Dieu dit: Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. 1.27. Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu, il créa l'homme et la femme. 1.28. Dieu les bénit, et Dieu leur dit: Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l'assujettissez; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre. […] 2.6 Mais une vapeur s'éleva de la terre, et arrosa toute la surface du sol. 2.7 L'Éternel Dieu forma l'homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l'homme devint un être vivant. 2.8 Puis l'Éternel Dieu planta un jardin en Éden, du côté de l'orient, et il y mit l'homme qu'il avait formé. 2.21 Alors l'Éternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l'homme, qui s'endormit; il prit une de ses côtes, et referma la chair à sa place. 2.22 L'Éternel Dieu forma une femme de la côte qu'il avait prise de l'homme, et il l'amena vers l'homme.
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2.23 Et l'homme dit: Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair! on l'appellera femme, parce qu'elle a été prise de l'homme.
[homme] Txt. 2d : PLATON, Protagoras 320c Je ne te le cacherai pas non plus, reprit Protagoras, mais choisis : veux-‐tu que, comme un vieillard qui parle à des jeunes gens, je te fasse cette démonstration par le moyen d'une fable, ou bien que j'emploie le raisonnement ? A ces mots, la plupart de ceux qui étaient là assis se sont écriés qu'il était le maître. Puisque cela est, dit-‐il, je crois que la fable sera plus agréable. Il fut un temps où les dieux existaient, et où il n'y avait point encore d'êtres mortels. Lorsque le temps de leur existence marqué par le destin fut arrivé, les dieux les formèrent dans le sein de la terre, les composant de terre, de feu, et des autres éléments qui se mêlent avec le feu et la terre. Quand ils furent sur le point de les faire paraître à la lumière, ils chargèrent Prométhée et Épiméthée du soin de les orner, et de pourvoir chacun d'eux des facultés convenables. Épiméthée conjura son frère de lui laisser faire cette distribution. Quand je l'aurai faite, dit-‐il, tu examineras si elle est bien. Prométhée y ayant consenti, il se met à faire le partage : il donne aux uns la force sans vitesse, compense la faiblesse des autres par l'agilité; arme ceux-‐ci, et à ceux-‐là qu'il laisse sans défense il réserve quelque autre moyen d'assurer leur vie ; les petits reçoivent des ailes, ou une demeure souterraine ; et ceux qui ont la grandeur en partage, il les met en sûreté par leur grandeur même. Il suit le même plan et la même justice dans le reste de la distribution, pour qu'aucune espèce ne soit détruite. Après avoir pris les mesures nécessaires pour empêcher leur destruction mutuelle, il s'occupe des moyens de les faire vivre sous les diverses températures, en les revêtant d'un poil épais et d'une peau ferme, qui pussent les défendre contre le froid et la chaleur, et tinssent lieu à chacun de couvertures naturelles, quand ils se retireraient pour dormir. De plus, il leur met sous les pieds, aux uns une corne, aux autres des callosités et des peaux très épaisses et dépourvues de sang. Il leur fournit ensuite des aliments de différente espèce, aux uns l'herbe de la terre, aux autres les fruits des arbres, à d'autres des racines. La nourriture qu'il destina à quelques-‐uns fut la substance même des autres animaux. Mais il fit en sorte que ces bêtes carnassières multipliassent peu, et attacha la fécondité à celles qui devaient leur servir de pâture, afin que leur espèce se conservât. Comme Épiméthée n'était pas fort habile, il ne s'aperçut pas qu'il avait épuisé toutes les facultés en faveur des êtres privés de raison. L'espèce humaine restait donc dépourvue de tout, et il ne savait quel parti prendre à son égard. Dans cet embarras, Prométhée survint pour jeter un coup-‐d'œil sur la distribution. Il trouva que les autres animaux étaient partagés avec beaucoup de sagesse, mais que l'homme était nu, sans chaussure, sans vêtements, sans défense. Cependant le jour marqué approchait, où l'homme devait sortir de terre et paraître à la, lumière. Prométhée, fort incertain sur la manière dont il pourvoirait à la sûreté de l'homme, prit le parti de dérober à Vulcain et à Minerve les arts et le feu : car sans le feu la connaissance des arts serait impossible et inutile ; et il en fil présent à l'homme. Ainsi notre espèce reçut l'industrie nécessaire au soutien de sa vie ; mais elle n'eut point la politique, car elle était chez Jupiter, et il n'était pas encore au pouvoir de Prométhée d'entrer dans la citadelle, séjour de Jupiter, devant laquelle veillaient des gardes redoutables. Il se glisse donc en cachette dans l'atelier où Minerve et Vulcain travaillaient en commun, dérobe l'art de Vulcain, qui s'exerce par le feu, avec les autres arts propres à Minerve, et les donne à l'homme ; voilà comment l'homme a le moyen de subsister. Prométhée, à ce qu'on dit, porta dans la suite la peine de son larcin, dont Épiméthée avait été la cause. L'homme ayant donc quelque part aux avantages divins, fut aussi le seul d'entre les animaux qui, à cause de son affinité avec les dieux, reconnut leur existence, conçut là pensée de leur dresser des autels, et de leur ériger des statues. Ensuite il trouva bientôt l'art d'articuler des sons, et de former dès mots; il se procura une habitation, des vêtements, une chaussure, de quoi se couvrir la nuit, et tira sa nourriture de la terre. Ainsi pourvus du nécessaire, les premiers hommes vivaient dispersés, et les villes n'existaient pas encore. C'est pourquoi ils étaient détruits par les bêtes, étant trop faibles à tous égard pour leur résister : et leurs arts mécaniques, qui suffisaient pour leur donner de quoi vivre ne suffisaient point pour combattre les animaux; car ils ne connaissaient pas encore l'art politique, dont celui de la guerre fait partie. Aussi ils cherchaient à se rassembler, et à se mettre en sûreté en bâtissant des villes ; mais, lorsqu'ils étaient réunis, ils se nuisaient les uns aux autres, parce que la politique leur manquait, de sorte que, se dispersant de nouveau, ils devenaient la proie des bêtes féroces. Jupiter, craignant donc que notre espèce né pérît entièrement, envoya Mercure pour faire présent aux hommes de la pudeur et de la justice, afin qu'elles missent l'ordre dans les villes, et resserrassent les liens de l'union sociale. Mercure demanda à Jupiter de quelle manière il devait taire la distribution de la justice et de la pudeur. Les distribuerai-‐je comme on a fait les arts ? or les arts ont été distribués de cette manière : la médecine a été donnée à un seul pour l'usage de plusieurs qui n'en ont aucune connaissance, et de même par rapport aux autres artisans. Suivrai-‐je la même règle dans le partage de la justice et de la pudeur, ou les distribuerai-‐je entre tous? Entre tous, repartit Jupiter ; et que tous y aient part. Car si la distribution s'en fait entre un petit nombre, comme celle des autres arts, jamais les villes ne se formeront. De plus, tu leur imposeras de ma part cette loi, de mettre à mort quiconque ne pourra participer à la pudeur et à la justice, comme un fléau de la société.
[homme] Txt. 2e : ESOPE, Fables (Chambry) 57, 120, 139
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[57] Zeus et les animaux On dit que les animaux furent façonnés d’abord, et que Dieu leur accorda, à l’un la force, à l’autre la vitesse, à l’autre des ailes ; mais que l’homme resta nu et dit : « Moi seul, tu m’as laissé sans faveur. » Zeus répondit : « Tu ne prends pas garde au présent que je t’ai fait, et pourtant tu as obtenu le plus grand ; car tu as reçu la raison, puissante chez les dieux et chez les hommes, plus puissante que les puissants, plus rapide que les plus rapides. » Et alors reconnaissant le présent de Dieu, l’homme s’en alla, adorant et rendant grâce. Tous les hommes ont été favorisés de Dieu qui leur a donné la raison ; mais certains sont insensibles à une telle faveur et préfèrent envier les animaux privés de sentiment et de raison. [57] ZEUS ET LES HOMMES Zeus, ayant modelé les hommes, chargea Hermès de leur verser de l’intelligence. Hermès, en ayant fait des parts égales, versa à chacun la sienne. Il arriva par là que les hommes de petite taille, remplis par leur portion, furent des gens sensés, mais que les hommes de grande taille, le breuvage n’arrivant pas dans tout leur corps, eurent moins de raison que les autres. Cette fable s’applique à un homme grand de taille, mais dépourvu d’esprit. [139] LE CHEVAL, LE BŒUF, LE CHIEN ET L'HOMME Quand Zeus créa l'homme, il ne lui accorda qu'une courte existence. Mais l'homme, tirant, parti de son intelligence, quand vint l'hiver, se bâtit une maison et y vécut. Or un jour le froid étant devenu violent et la pluie s'étant mise à tomber, le cheval, ne pouvant y durer, vint en courant chez l'homme et lui demanda de l'abriter. Mais l'homme déclara qu'il ne le ferait qu'à une condition, c'est que le cheval lui donnerait une partie des années qui lui étaient départies. Le cheval en fit l'abandon volontiers. Peu après le bœuf aussi se présenta : lui non plus ne pouvait soutenir le mauvais temps. L'homme répondit de même qu'il ne le recevrait pas, s'il ne lui donnait un certain nombre de ses propres années ; le bœuf en donna une partie et fut admis. Enfin le chien mourant de froid vint aussi, et, en cédant une partie du temps qu'il avait à vivre, il obtint un abri. Voici ce qui en est résulté quand les hommes accomplissent le temps que leur a donné Zeus, ils sont purs et bons; quand ils arrivent aux années qu'ils tiennent du cheval, ils sont glorieux et bau tains; quand ils en ont aux années du bœuf, ils s'entendent à commander ; mais quand ils achèvent leur existence, le temps du chien, ils deviennent irascibles et grondeurs. On pourrait appliquer cette fable à un vieillard colère et morose.
[homme] Txt. 2f : HÉSIODE Travaux & Jours Ce dieu qui rassemble les nuages lui dit en son courroux : "Fils de Japet, ô le plus habile de tous les mortels ! tu te réjouis d'avoir dérobé le feu divin et trompé ma sagesse, mais ton vol te sera fatal à toi et aux hommes à venir. Pour me venger de ce larcin, je leur enverrai un funeste présent dont ils seront tous charmés au fond de leur âme, chérissant eux-‐mêmes leur propre fléau." En achevant ces mots, le père des dieux et des hommes sourit et commanda à l'illustre Vulcain de composer sans délais un corps, en mélangeant de la terre avec l'eau, de lui communiquer la force et la voix humaine, d'en former une vierge douée d'une beauté ravissante et semblable aux déesses immortelles ; il ordonna à Minerve de lui apprendre les travaux des femmes et l'art de façonner un merveilleux tissu, à Vénus à la parure d'or de répandre sur sa tête la grâce enchanteresse, de lui inspirer les violents désirs et les soucis dévorants, à Mercure, messager des dieux et meurtrier d'Argus, de remplir son esprit d'impudence et de perfidie. Tels furent les ordres de Jupiter, et les dieux obéirent à ce roi, fils de Saturne. Aussitôt l'illustre Vulcain, soumis à ses volontés, façonna avec de la terre une image semblable à une chaste vierge ; la déesse aux yeux bleus, Minerve, l'orna d'une ceinture et de riches vêtements ; les divines Grâces et l'auguste Persuasion lui attachèrent des colliers d'or, et les Heures à la belle chevelure la couronnèrent des fleurs du printemps. Minerve entoura tout son corps d'une magnifique parure. Enfin le meurtrier d'Argus, docile au maître du tonnerre, lui inspira l'art du mensonge, les discours séduisants et le caractère perfide. Ce héraut des dieux lui donna un nom et l'appela Pandore, parce que chacun des habitants de l'Olympe lui avait fait un présent pour la rendre funeste aux hommes industrieux. Après avoir achevé cette attrayante et pernicieuse merveille, Jupiter ordonna à l'illustre meurtrier d'Argus, au rapide messager des dieux, de la conduire vers Épiméthée. Épiméthée ne se rappela point que Prométhée lui avait recommandé de ne rien recevoir de Jupiter, roi d'Olympe, mais de lui renvoyer tous ses dons de peur qu'ils ne devinssent un fléau terrible aux mortels. Il accepta le présent fatal et reconnut bientôt son imprudence. Auparavant, les tribus des hommes vivaient sur la terre, exemptes des tristes souffrances, du pénible travail et de ces cruelles maladies qui amènent la vieillesse, car les hommes qui souffrent vieillissent promptement. Pandore, tenant dans ses mains un grand vase, en souleva le couvercle, et les maux terribles qu'il renfermait se répandirent au loin. L'Espérance seule resta. Arrêtée sur les bords du vase, elle ne s'envola point, Pandore ayant remis le couvercle, par l'ordre de Jupiter qui porte l'égide et rassemble les nuages. Depuis ce jour, mille calamités entourent les hommes de toutes parts : la terre est remplie de maux, la mer en est remplie, les maladies se plaisent à tourmenter les mortels nuit et jour et leur apportent en silence toutes les douleurs, car le prudent Jupiter les a privées de la voix. Nul ne peut donc échapper à la volonté de Jupiter.
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[homme] Txt. 2g : LUCIEN Prométhée ou le Caucase 11. Passons à mon talent plastique et à la fabrication des hommes : c’est le moment d’en parler. Sur ce point, Mercure, l'accusation se divise en deux chefs, et je ne sais trop lequel vous me reprochez le plus : en premier lieu, de ce que j'ai fait des hommes, tandis qu'il aurait mieux valu qu'il n'y en eût pas, ou tout an moins qu'ils demeurassent tranquilles, terre immobile et inerte ; et en second lieu, de ce que, les ayant faits, je ne leur ai pas donné une autre forme que celle qu'ils ont aujourd'hui. Je vais toutefois parler sur ces deux points : et d'abord, je m'efforcerai de démontrer que les dieux n'ont éprouvé aucun dommage de ce que les hommes ont été produits à la vie ; ensuite, que c'est même pour eux un avantage réel et beaucoup plus considérable, que si la terre fût restée déserte et privée d'habitants. 12. Dans l'origine, car il me sera plus facile, en remontant jusque là, de prouver si j'ai fait une innovation criminelle en fabriquant des hommes, dans l'origine, dis-‐je, il n'y avait qu'une seule espèce divine et céleste ; la terre, inculte et difforme, était tout entière couverte de forets, hérissée de bois impénétrables au soleil. Aussi point d'autels pour les dieux, point de temples : où les aurait-‐on placés ? point de statues ni d'images, rien enfin de semblable à ce qui se pratique aujourd'hui avec tant de soin et de déférence. Moi, toujours le premier à songer à l'intérêt commun, toujours attentif aux moyens d'augmenter la gloire des dieux, de contribuer à leur splendeur, à leur magnificence, je regardai comme une invention excellente de prendre un peu de boue, d'en façonner certains êtres, et de leur donner une forme semblable à la nôtre. Il me semblait qu'il manquait quelque chose à la divinité, tant qu'il n'existait rien qui lui pût être opposé, un être qui, comparé à elle, prouvât qu'elle est plus heureuse : je voulais toutefois que cet être fût mortel, quoique industrieux, intelligent, et capable d'apprécier ce qui vaut mieux que lui. 13. Alors, suivant le langage des poètes, je mêlai de la terre et de l'eau, et de cette substance molle je formai des hommes, puis j'appelai Minerve et la priai de mettre la main à mon ouvre. Voilà le grand crime que j'ai commis envers les dieux ; tu vois quel tort j'ai pu leur causer en fabriquant des animaux avec de la boue qui, jusque là immobile, a été douée par moi du mouvement. Il paraît que, depuis ce temps, les dieux sont devenus un peu moins dieux, parce qu'il existe sur la terre certains êtres mortels ; et voilà pourquoi Jupiter se fâche, comme si les dieux étaient amoindris par la naissance des hommes : à moins qu'il ne craigne que ceux-‐ci ne conspirent contre lui et ne déclarent la guerre aux dieux comme les Géants. Mais que vous ayez reçu quelque dommage de moi ou de mes créatures, le contraire, Mercure, est évident : montre-‐moi que je vous ai fait le plus léger tort, et je me tairai, et j'avouerai que vous avez raison de me traiter ainsi. 14. Au contraire, j'ai été de la plus grande utilité aux dieux ; et, pour t'en convaincre, tu n'as qu'à jeter les yeux sur la terre, jadis aride et sans beauté, aujourd'hui parée de villes, de campagnes cultivées, sur la mer sillonnée de navires, sur les îles remplies d'habitants, sur les autels, les sacrifices, les temples, les solennités qui se voient de tontes parts : les rues, les places publiques sont pleines de Jupiter. Encore, si j'avais formé les hommes pour moi tout seul, ou pourrait me taxer d’avarice ; mais c'est en vue de l'intérêt commun que je vous les ai fabriqués. Que dis-‐je ? On voit partout des temples consacrés à Jupiter, à Apollon, et à toi, Mercure, mais à Prométhée pas un. Tu vois si je ne songe qu'à mes intérêts, si j'ai trahi ou diminué ceux des autres. 15. Songe en outre à ceci, Mercure, qu'un bien, quel qu'il soit, possession ou œuvre d'art, que personne ne peut voir ou louer, ne saurait être doux et agréable à celui qui le possède. Or, pourquoi parlé-‐je ainsi ! Pour montrer que, si les hommes n'eussent pas été créés, la beauté de l'univers serait demeurée sans témoin, et nous autres dieux nous serions riches d'une richesse que personne n'admirerait, et qui, par suite, n'aurait pour nous aucune valeur, attendu que nous ne pourrions la comparer à rien d'inférieur ; enfin nous ne comprendrions pas l'étendue de notre félicité, si nous ne voyions aucun être privé de ce bonheur : car la grandeur d'un objet ne se prouve que par sa comparaison avec un petit. Et vous, qui deviez me combler d'honneurs pour cet acte de bon citoyen, vous me clouez à un rocher en récompense de mes bonnes idées ! 16. Mais, dis-‐tu, il y a des méchants parmi les hommes : ils commettent des adultères, se font la guerre, épousent leurs sœurs, tendent des embûches à leurs pères. N'y a-‐t-‐il pas chez nous aussi abondante moisson de vices ? Et doit-‐on pour cela accuser Uranus et la Terre de nous avoir donné l'existence ? Tu me diras peut-‐être encore que c'est pour nous une rude affaire que de prendre soin des hommes. Autant vaudrait alors qu'un berger se plaignit d'être obligé de soigner son troupeau : s'il lui donne du mal, il lui procure aussi des plaisirs et une occupation qui n'en pas sans agrément. Que ferions-‐nous, si nous n'avions à veiller sur rien. Plongés dans l'oisiveté, nous boirions le nectar, nous nous remplirions d'ambroisie, sans rien faire. 17. Mais ce qui me dépite le plus, c'est que, me reprochant d'avoir fait des hommes, et plus encore des femmes, vous ne vous faites pas faute de les aimer, de descendre sur la terre, tantôt changés en taureaux, tantôt en satyres, ou en cygnes, et vous ne dédaignez pas d'en avoir des dieux. Mais il fallait, diras-‐tu peut-‐être, faire des hommes avec une autre forme, et non pas à notre ressemblance. Hé ! quel autre mode pouvais-‐je me proposer que celui qui me paraissait le plus beau ? Devais-‐je faire de l'homme un être sans raison, une brute sauvage et grossière ? Et comment les hommes auraient-‐ils offert des sacrifices aux dieux ? comment nous auraient-‐ils rendu les autres hommages, s'ils n'eussent pas été tels qu'ils sont ? Mais vous, sitôt qu'ils vous offrent des hécatombes, vous ne perdez pas un instant, dussiez-‐vous aller à l'extrémité de l'Océan, chez les Éthiopiens
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irréprochables. Et celui qui vous procure ces honneurs et ces sacrifices, vous l'avez cloué à un rocher ! Mais en voilà assez su sujet des hommes.
[homme] Txt. 2h : PLATON, Timée 69b-‐71a Ainsi que nous l'avons dit en commençant, toutes choses étaient d'abord sans ordre, et c'est Dieu qui fit naître en chacune et introduisit entre toutes des rapports harmonieux, autant que leur nature admettait de la proportion et de la mesure; car alors aucune d'elles n'en avait la moindre trace, et il n'eût pas été raisonnable de leur donner les noms qu'elles portent aujourd'hui, et de les appeler du feu, de l'eau ou tout autre élément. Dieu commença par constituer tous ces corps, puis il en composa cet univers, dont il fit un seul animal qui comprend en soi tous les animaux mortels et immortels. Il fut lui-‐même l'ouvrier des animaux divins, et il chargea les dieux qu'il avait formés du soin de former à leur tour les animaux mortels. Ces dieux, imitant l'exemple de leur Père, et recevant de ses mains le principe immortel de l'âme humaine, façonnèrent ensuite le corps mortel, qu'ils donnèrent à l'âme comme un char, et dans lequel ils placèrent une autre espèce d'âme, âme 197 mortelle, siège d'affections violentes et fatales : d'abord le plaisir, le plus grand appât du mal; puis la douleur qui fait fuir le bien; l'audace et la peur, conseillers imprudents; la colère implacable, l'espérance que trompent aisément la sensation dépourvue de raison et l'amour qui ose tout. Ils soumirent tout cela à des lois nécessaires, et ils en composèrent l'espèce mortelle ; mais craignant de souiller par ce contact, plus que ne l'exigeait une nécessité absolue, l'âme divine, ils assignèrent pour demeure à l'âme mortelle une autre partie du corps, et construisirent entre la tête et la poitrine une sorte d'isthme et d'intermédiaire, mettant le cou au milieu pour la séparation. Ce fut donc dans la poitrine et dans ce qu'on appelle le tronc, qu'ils logèrent l'âme mortelle; et comme il y avait encore dans cette âme mortelle une partie meilleure et une pire, ils partagèrent en deux l'intérieur du tronc, le divisèrent comme on fait pour séparer l'habitation des femmes de celle des hommes, et mirent le diaphragme au milieu comme une cloison. Plus près de la tête, entre le diaphragme et le cou, ils placèrent la partie virile et courageuse de l'âme, sa partie belliqueuse, pour que, soumise à la raison et de concert avec elle, elle puisse dompter les révoltes des passions et des désirs, lorsque ceux-‐ci 198 ne veulent pas obéir d'eux-‐mêmes aux ordres que la raison leur envoie du haut de sa citadelle. Le cœur, le principe, des veines et la source d'où le sang se répand avec impétuosité dans tous les membres, fut placé comme une sentinelle; car il faut que, quand la partie courageuse de l'âme s'émeut, averti par la raison qu'il se passe quelque chose de contraire à l'ordre, soit à l'extérieur, soit au dedans de 'la part des passions, le cœur transmette sur-‐le-‐champ par tous les canaux, à toutes les parties du corps, les avis et les menaces de la raison, de telle sorte que toutes ces parties s'y soumettent et suivent exactement l'impulsion reçue, et que ce qu'il y a de meilleur en nous puisse ainsi gouverner tout le reste. Mais comme les dieux prévoyaient que, dans la crainte du danger et dans la chaleur de la colère, le cœur battrait avec force, et qu'ils savaient que cette excitation de la partie belliqueuse de l'âme aurait pour cause le feu; pour y remédier, ils firent le poumon, qui d'abord est mou et dépourvu de sang, et qui en outre est percé, comme une éponge, d'une grande quantité de pores, afin que, recevant l'air et les breuvages, il rafraîchisse le cœur, et par là adoucisse et soulage les ardeurs qui nous brûlent. C'est pour cela qu'ils conduisirent la trachée-‐artère jusqu'au poumon et qu'ils placèrent 199 le poumon autour du cœur, comme un de ces corps mous qu'on oppose dans les sièges aux coups du bélier; ils voulurent que quand la colère fait battre le cœur avec force, rencontrant quelque chose qui lui cède et dont le contact rafraîchit, il puisse avec moins de peine obéir à la raison en même temps qu'il obéit à la colère. Pour la partie de l'âme qui demande des aliments, des breuvages et tout ce que la nature de notre corps nous rend nécessaire, elle a été mise dans l'intervalle qui sépare le diaphragme et le nombril, et les dieux l'ont étendue dans cette région comme dans un râtelier où le corps pût trouver sa nourriture. Ils l'y ont attachée comme une bête féroce, qu'il est pourtant nécessaire de nourrir pour que la race mortelle subsiste. C'est donc pour que, sans cesse occupée à se nourrir à ce râtelier, et aussi éloignée que cela se pouvait du siège du gouvernement, elle causât le moins de trouble et fit le moins de bruit possible, et laissât le maître délibérer en paix sur les intérêts communs, c'est pour cela que les dieux la reléguèrent à cette place
[homme] Txt. 2i : PLATON Banquet 189d-‐192a Platon, Banquet 189d-‐192a Mais il faut commencer par dire quelle est la nature de l'homme et quels sont les changements qu'elle a subis. La nature humaine était primitivement bien différente de ce qu'elle est aujourd'hui. D'abord, il y avait trois sortes d'hommes, les deux sexes qui subsistent encore, et un troisième composé des deux premiers et qui les renfermait tous deux : il s'appelait androgyne ; il a été détruit, et la seule chose qui en reste, est le nom qui est en opprobre. Puis tous les hommes généralement étaient d'une figure ronde, avaient des épaules et des côtes attachées ensemble, quatre bras, quatre jambes, deux visages opposés l'un à l'autre et parfaitement semblables, sortant d'un seul cou et tenant à une seule tête» quatre oreilles, un double appareil des organes de la génération, et tout le reste dans la même proportion. Leur démarche était droite comme la nôtre, et ils n'avaient pas besoin de se tourner pour suivre tous les chemins qu'ils voulaient prendre; quand ils voulaient aller plus vite, ils s'appuyaient
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de leurs huit membres, par un mouvement circulaire, comme ceux qui les pieds en l'air imitent la roue. La différence qui se trouve entre ces trois espèces d'hommes vient de la différence de leurs principes : le sexe masculin est produit par le soleil, le féminin par la terre, et celui qui est composé de deux, par là lune, qui participe de la terre et du soleil. Ils tenaient de leurs principes leur figure et leur manière de se mouvoir, qui est sphérique. Leurs corps étaient robustes et leurs courages élevés, ce qui leur inspira l'audace de monter jusqu'au ciel et de combattre contre les dieux, ainsi qu'Homère l'écrit d'Éphialtès et d'Otos. Jupiter examina avec les dieux ce qu'il y avait à faire dans cette circonstance. La chose n'était pas sans difficulté : les dieux ne voulaient pas les détruire comme ils avaient fait les Géants en les foudroyant, car alors le culte que les hommes leur fendaient et les temples qu'ils leur élevaient, auraient aussi disparu; et, d'un autre côté, une telle insolence ne pouvait être soufferte. Enfin, après hien des embarras, il vint une idée à Jupiter : Je crois avoir trouvé, dit-‐il, un moyen de .conserver lès hommes et de les rendre plus retenus, c'est de diminuer leurs forces : je les séparerai en deux ; par là ils deviendront faibles ; et nous aurons encore un autre avantage, qui sera d'augmenter le nombre de ceux qui nous servent : ils marcheront droits, soutenus de deux jambes seulement ; et, si après cette punition leur audace subsiste , je les séparerai de nouveau, et ils seront réduits à marcher sur un seul pied, comme ceux. qui dansent sur les outres à la fête de Bacchus. Après cette déclaration le dieu fit la séparation qu'il venait de résoudre, et il la fit de la manière que l'on coupe les œufs lorsqu'on veut les saler, ou qu'avec un cheveu on les divise en deux parties égales. Il commanda ensuite à Apollon de guérir les plaies, et de placer le visage des hommes du côté que la séparation avait été faite, afin que la vue de ce châtiment les rendît plus modestes. Apollon obéit, mit le visage du coté indiqué, et, ramassant les peaux coupées sur ce qu'on appelle aujourd'hui le ventre, il les réunit toutes à la manière d'une bourse que l'on ferme, n'y laissant qu'une ouverture qu'on appelle le nombril. Quant aux autres plis en très-‐grand nombre, il les polit et façonna la poitrine avec un instrument semblable à celui dont se servent les cordonniers pour polir les souliers sur la forme, et laissa seulement quelques plis sur le ventre et le nombril, comme des souvenirs de l'ancien état. Cette division étant faite, chaque moitié cherchait à rencontrer celle qui lui appartenait; et s'étant trouvées toutes les deux, elles se joignaient avec une telle ardeur dans le désir de rentrer dans leur ancienne unité, qu'elles périssaient dans cet embrassement de faim et d'inaction, ne voulant rien faire l'une sans l'autre. Quand l'une des deux périssait, celle qui restait en cherchait une autre, à laquelle elle s'unissait de nouveau, soit qu'elle fut la moitié d'une femme entière, ce qu'aujourd'hui nous autres nous appelons une femme, soit que ce fût une moitié d'homme; et ainsi la race allait s'éteignant. Jupiter, touché de ce malheur, imagine un autre expédient. Il change de place les instruments de la génération et les met par-‐devant. Auparavant ils étaient 'par-‐derrière, et on concevait, et l'on répandait la semence, non l'un dans l'autre, mais à terre, comme les cigales. Il les mit donc par-‐devant , et de cette manière la conception se fit par la conjonction du mâle et de la femelle. Il en résulta que, si l'homme s'unissait à la femme, il engendrait et perpétuait l'espèce, et que, si le mâle s'unissait au mâle, la satiété les séparait bientôt et les renvoyait aux travaux et à tous les soins de la vie. Voilà comment l'amour est si naturel à l'homme; l'amour nous ramène à notre nature primitive et, de deux êtres n'en faisant qu'un, rétablit en quelque sorte la nature humaine dans son ancienne perfection. Chacun de nous n'est donc qu'une moitié d'homme, moitié qui a été séparée de son tout, de la même manière que l'on sépare une sole. Ces moitiés cherchent toujours leurs moitiés. Les hommes qui sortent de ce composé des deux sexes, nommé androgyne, aiment les femmes, et la plus grande partie des adultères appartiennent à cette espèce, comme aussi les femmes qui aiment les hommes. Mais pour les femmes qui sortent d'un seul sexe, le sexe féminin, elles ne font pas grande attention aux hommes, et sont plus portées pour les femmes; c'est à cette espèce qu'appartiennent les tribades. Les hommes qui sortent du sexe masculin recherchent le sexe masculin. Tant qu'ils sont jeunes, comme portion du sexe masculin, ils aiment les hommes, ils se plaisent à coucher avec eux et à être dans leurs bras ; ils sont les premiers parmi les jeunes gens, leur caractère étant le plus mâle ; et c'est bien à tort qu'on leur reproche de manquer de pudeur: car ce n'est pas faute de pudeur qu'ils se conduisent ainsi, c'est par grandeur d'âme, par générosité de nature et virilité qu'ils recherchent leurs semblables ; la preuve en est qu'avec le temps ils se montrent plus propres que les autres à servir la chose publique.
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[histoire] Texte 3a. HESIODE, Les Travaux et les jours, v.109-‐201 D’or fut la première race d’hommes périssable que créèrent les Immortels, habitants de l’Olympe. C’était au temps de Cronos, quand il régnait encore au ciel. Ils vivaient comme des dieux, le cœur libre de soucis, à l’écart et à l’abri des peines et des misères. : la vieillesse misérable sur eux ne pesait pas ; mais, bras et jarret toujours jeunes, ils s’égayaient dans les festins, loin de tous les maux. Mourant, ils semblaient succomber au sommeil. Tous les biens étaient à eux : le sol fécond produisait de lui-‐même une abondante et généreuse récolte, et eux, dans la joie et la paix, vivaient de leurs champs, au milieu de biens sans nombre. Depuis que le sol a recouvert ceux de cette race, ils sont, par le vouloir de Zeus puissant, les bons génies de la terre, gardiens des mortels, [ l’œil ouvert aux sentences et aux crimes, vêtus de brume, partout répandus sur la terre ] dispensateurs de la richesse : c’est le royal honneur qui leur fut départi.
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Puis une race bien inférieure, une race d’argent, plus tard fut créée encore par les habitants de l’Olympe. Ceux-‐là ne ressemblaient ni pour la taille ni pour l’esprit à ceux de la race d’or. L’enfant, pendant cent ans, grandissait en jouant aux côtés de sa digne mère, l’âme toute puérile, dans sa maison. Et quand, croissant avec l’âge, ils atteignaient le terme qui marque l’entrée de l’adolescence, ils vivaient peu de temps, et, par leur folie, souffraient mille peines. Ils ne savaient pas s’abstenir entre eux d’une folle démesure. Ils refusaient d’offrir un culte aux Immortels ou de sacrifier aux saints autels des Bienheureux, selon la loi des hommes qui se sont donné des demeures. Alors Zeus, fils de Cronos, les ensevelit, courroucé, parce qu’ils ne rendaient pas hommage aux dieux bienheureux qui possèdent l’Olympe. Et, quand le sol les eut recouverts à leur tour, ils devinrent ceux que les mortels appellent les Bienheureux des Enfers, génies inférieurs, mais que quelque bonheur accompagne encore. Et Zeus, père des dieux, créa une troisième race d’hommes périssables, race de bronze, bien différente de la race d’argent, fille des frênes, terrible et puissante. Ceux-‐là ne songeaient qu’aux travaux gémissants d’Arès et aux œuvres de démesure. Ils ne mangeaient pas le pain ; leur cœur était comme l’acier rigide ; ils terrifiaient. Puissante était leur force, invincibles les bras qui s’attachaient contre l’épaule à leurs corps vigoureux. Leurs armes étaient de bronze, de bronze leurs maisons, avec le bronze ils labouraient, car le fer noir n’existait pas. Ils succombèrent, eux, sous leurs propres bras et partirent pour le séjour moisi de l’Hadès frissonnant, sans laisser de nom sur la terre. Le noir trépas les prit, pour effrayants qu’ils fussent, et ils quittèrent l’éclatante lumière du soleil. Et quand le sol eu de nouveau recouvert cette race, Zeus, fils de Cronos, en créa encore une quatrième sur la glèbe nourricière, plus juste et plus brave, race divine des héros que l’on nomme demi-‐dieux, et dont la génération nous a précédé sur la terre sans limites. Ceux-‐là périrent dans la dure guerre et dans la mêlée douloureuse, les uns devant les murs de Thèbes aux sept portes, sur le sol cadméen, en combattant pour les troupeaux d’Œdipe ; les autres, au-‐delà de l’abîme marin, à Troie, où la guerre les avait conduits sur des vaisseaux, pour Hélène aux beaux cheveux, et où la mort, qui tout achève, les enveloppa. A d’autres enfin, Zeus, fils de Cronos et père des dieux, a donné une existence et une demeure éloignée des hommes, en les établissant aux confins de la terre. C’est là qu’ils habitent, le cœur libre de soucis, dans les Iles des Bienheureux, aux bords des tourbillons profonds de l’Océan, héros fortunés, pour qui le sol fécond porte trois fois l’an une florissante et douce récolte. Et plût au ciel que je n’eusse pas à mon tour à vivre au milieu de ceux de la cinquième race, et que je fusse ou mort plus tôt ou né plus tard. Car c’est maintenant la race de fer. Ils ne cesseront ni le jour de souffrir fatigues et misères, ni la nuit d’être consumés par les dures angoisses que leur enverront les dieux. Du moins trouveront-‐ils encore quelques biens mêlés à leurs maux. Mais l’heure viendra où Zeus anéantira à son tour cette race d’hommes périssables : ce sera le moment où ils naîtront avec des tempes blanches. Le père alors ne ressemblera plus à ses fils ni ses fils à leur père ; l’hôte ne sera plus cher à son hôte, l’ami à son ami, le frère à son frère, ainsi qu’aux jours passés. A leurs parents, sitôt qu’ils vieilliront, ils ne montreront que mépris ; pour se plaindre d’eux, ils s’exprimeront en paroles rudes, les méchants ! et ne connaîtront même pas la crainte du Ciel. Aux vieillards qui les ont nourris, ils refuseront les aliments. [mettant le droit dans la force ; et ils ravageront les cités les uns des autres] Nul prix ne s’attachera plus au serment tenu, au juste, au bien : c’est à l’artisan de crimes, à l’homme tout démesure qu’iront leurs respects ; le seul droit sera la force, la conscience n’existera plus. Le lâche attaquera le brave avec des mots tortueux, qu’il appuiera d’un faux serment. Aux pas de tous les misérables humains s’attachera la jalousie, au langage amer, au front haineux, qui se plaît au mal. Alors, quittant pour l’Olympe la terre aux larges routes, cachant leurs beaux corps sous des voiles blancs, Conscience et Vergogne, délaissant les hommes, monteront vers les Eternels. De tristes souffrances resteront seules aux mortels : contre le mal il n’y aura point de recours.
(histoire) Texte 3b. ARATOS, Phénomènes 1.-‐253-‐312 Et sous les deux pieds du Bouvier tu peux contempler la Vierge, qui tient à la main un Epi étincelant. Est-‐ce la fille d’Astrée, dont on dit Qu’il fut le père antique des constellations, ou bien de quelqu’un d’autre ? Puisse-‐t-‐elle de toute façon suivre paisiblement son chemin. Mais une autre tradition court (100) parmi les humains. Elle aurait jadis séjourné sur la terre. Elle venait à la rencontre des humains. Elle ne dédaignait pas la foule des hommes et des femmes d’autrefois. Bien au contraire, elle s’asseyait au milieu d’eux, tout immortelle qu’elle fût. Et on l’appelait Justice. Elle rassemblait les anciens soit sur la place du marché, soit dans une large rue, et là elle énonçait, d’un ton pressant, des sentences bonnes pour son peuple. En ce temps-‐là ils ignoraient encore la chicane funeste, les rivalités préjudiciables et les désordres de la guerre. Et ils vivaient sans avoir besoin d’autre chose ; la mer et ses épreuves restaient loin de leur pensée,
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les navires n’apportaient pas encore de vivres des pays lointains ; les bœufs, les charrues, et elle-‐même, Justice, maîtresse des peuples, dispensatrice des biens légitimes, leur procuraient tout en abondance. Elle fut là tant que la terre continua à nourrir la race d’or mais celle d’argent, elle ne la fréquentait que peu et mal volontiers, car elle regrettait les mœurs des anciens peuples. Cependant, même sous la race d’argent, elle était encore là. Elle descendait le soir des montagnes bruissantes, et elle restait à l’écart, sans s’approcher de personne pour lui parler aimablement. Mais quand elle avait rempli d’êtres humains de vastes collines, (120) alors elle les menaçait et leur reprochait leur perversité. Elle ne viendrait plus, disait-‐elle, se montrer à leurs yeux quand ils l’appelleraient : « Quelle descendance vos pères d’or ont-‐ils laissée derrière eux, combien dégénérée ! Et vous mettrez au monde des enfants pires encore ! Alors il y aura des guerres, il y aura des meurtres abominables chez les humains, et une peine cruelle s’appesantira sur eux ». Ayant dit, elle regagnait les montagnes, et laissait là les gens, qui la cherchaient encore tous des yeux. Mais quand ceux-‐là moururent à leur tour, et qu’apparurent les hommes de la race d’airain, plus affreux que les précédents, qui les premières forgèrent le couteau criminel des grands chemins, et les premiers aussi dévorèrent la chair des bœufs laboureurs, alors Justice prit cette race en haine, s’envola vers le ciel, et s’établit dans la région où elle apparaît encore la nuit aux humains sous la forme de la Vierge, auprès de l’éclatant Bouvier.
(histoire) Texte 3c. OVIDE, Métamorphoses I, 89-‐150 L'âge d'or commença. Alors les hommes gardaient volontairement la justice et suivaient la vertu sans effort. Ils ne connaissaient ni la crainte, ni les supplices; des lois menaçantes n'étaient point gravées sur des tables d'airain; on ne voyait pas des coupables tremblants redouter les regards de leurs juges, et la sûreté commune être l'ouvrage des magistrats. Les pins abattus sur les montagnes n'étaient pas encore descendus sur l’océan pour visiter des plages inconnues. Les mortels ne connaissaient d'autres rivages que ceux qui les avaient vus naître. Les cités n'étaient défendues ni par des fossés profonds ni par des remparts. On ignorait et la trompette guerrière et l'airain courbé du clairon. On ne portait ni casque, ni épée; et ce n'étaient pas les soldats et les armes qui assuraient le repos des nations. [101] La terre, sans être sollicitée par le fer, ouvrait son sein, et, fertile sans culture, produisait tout d'elle-‐même. L'homme, satisfait des aliments que la nature lui offrait sans effort, cueillait les fruits de l'arbousier et du cornouiller, la fraise des montagnes, la mûre sauvage qui croît sur la ronce épineuse, et le gland qui tombait de l'arbre de Jupiter. C'était alors le règne d'un printemps éternel. Les doux zéphyrs, de leurs tièdes haleines, animaient les fleurs écloses sans semence. La terre, sans le secours de la charrue, produisait d'elle-‐même d'abondantes moissons. Dans les campagnes s'épanchaient des fontaines de lait, des fleuves de nectar; et de l'écorce des chênes le miel distillait en bienfaisante rosée. Lorsque Jupiter eut précipité Saturne dans le sombre Tartare, l'empire du monde lui appartint, et alors commença l'âge d'argent, âge inférieur à celui qui l'avait précédé, mais préférable à l'âge d'airain qui le suivit. Jupiter abrégea la durée de l'antique printemps; il en forma quatre saisons qui partagèrent l'année : l'été, l'automne inégale, l'hiver, et le printemps actuellement si court. Alors, pour la première fois, des chaleurs dévorantes embrasèrent les airs; les vents formèrent la glace de l'onde condensée. On chercha des abris. Les maisons ne furent d'abord que des antres, des arbrisseaux touffus et des cabanes de feuillages. Alors il fallut confier à de longs sillons les semences de Cérès; alors les jeunes taureaux gémirent fatigués sous le joug. [125] Aux deux premiers âges succéda l'âge d'airain. Les hommes, devenus féroces, ne respiraient que la guerre; mais ils ne furent point encore tout à fait corrompus. L'âge de fer fut le dernier. Tous les crimes se répandirent avec lui sur la terre. La pudeur, la vérité, la bonne foi disparurent. À leur place dominèrent l'artifice, la trahison, la violence, et la coupable soif de posséder. Le nautonier confia ses voiles à des vents qu'il ne connaissait pas encore; et les arbres, qui avaient vieilli sur les montagnes, en descendirent pour flotter sur des mers ignorées. La terre, auparavant commune aux hommes, ainsi que l'air et la lumière, fut partagée, et le laboureur défiant traça de longues limites autour du champ qu'il cultivait. Les hommes ne se bornèrent point à demander à la terre ses moissons et ses fruits, ils osèrent pénétrer dans son sein; et les trésors qu'elle recelait, dans des antres voisins du Tartare, vinrent aggraver tous leurs maux. Déjà sont dans leurs mains le fer, instrument du crime, et l'or, plus pernicieux encore. La Discorde combat avec l'un et l'autre. Sa main ensanglantée agite et fait retentir les armes homicides. Partout on vit de rapine. L'hospitalité n'offre plus un asile sacré. Le beau-‐père redoute son gendre. L'union est rare entre les frères.
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L'époux menace les jours de sa compagne; et celle-‐ci, les jours de son mari. Des marâtres cruelles mêlent et préparent d'horribles poisons : le fils hâte les derniers jours de son père. La piété languit, méprisée; et Astrée [= la Justice] quitte enfin cette terre souillée de sang, et que les dieux ont déjà abandonnée.»
(histoire) Texte 3d. PLATON, Lois III 677a679d L'ATHÉNIEN Eh bien, maintenant représentons-‐nous une de ces nombreuses catastrophes, par exemple, celle qui fut autrefois causée par le déluge. CLINIAS Quelle idée faut-‐il s'en faire ? L'ATHÉNIEN Que ceux qui échappèrent alors à la destruction furent sans doute des bergers, habitants des montagnes, sur le sommet desquelles se conservèrent de faibles étincelles du genre humain. CLINIAS C'est évident. L'ATHÉNIEN Ces gens-‐là étaient forcément ignorants de tous les arts et des intrigues où l'avarice et l'ambition mettent aux prises les habitants des villes, et de tous les méfaits qu'ils imaginent les uns contre les autres. CLINIAS C'est du moins vraisemblable. L'ATHÉNIEN Posons donc pour certain que les villes situées en rase campagne et sur les bords de la mer furent en ce temps-‐là détruites de fond en comble. CLINIAS Posons-‐le. L'ATHÉNIEN Ne dirons-‐nous pas aussi que tous les instruments et toutes les découvertes importantes touchant les arts, la politique ou toute autre science s'en allèrent à-‐vau-‐l'eau en ce temps là ? Comment en effet, mon excellent ami, si ces connaissances s'étaient toujours conservées dans l'état où elles sont à présent, comment aurait-‐on inventé quoi que ce soit de nouveau ? CLINIAS Les gens de ce temps-‐là ne se doutaient pas que des milliers et des milliers d'années s'étaient écoulées avant eux ; et, il n'y a pas plus de mille ou de deux mille ans que les découvertes de Dédale, celles d'Orphée , celles de Palamède ont vu le jour, que Marsyas ont inventé la musique, Amphion la lyre, et d'autres, une foule infinie d'autres choses, nées pour ainsi dire d'hier et d'avant-‐hier. L'ATHÉNIEN Savez-‐vous, Clinias, que tu as oublié un ami qui n'est véritablement que d'hier ? CLINIAS Veux-‐tu parler d'Épiménide L'ATHÉNIEN Oui, de lui-‐même ; car il a de beaucoup dépassé tout le monde chez vous par son esprit inventif, mon ami, et ce qu'Hésiode avait depuis longtemps présagé dans ses écrits, il l'a, lui, effectivement réalisé, à ce que vous dites. CLINIAS C'est en effet ce que nous disons. L'ATHÉNIEN Dès lors ne pouvons-‐nous pas nous faire une idée de la condition de l'homme en ce temps de destruction ? Le monde n'était plus qu'un immense et effrayant, désert, une étendue immense de terre ; et, comme tous les autres animaux avaient péri, quelques troupeaux de bœufs et ce qui était resté de la race des chèvres, qui, elles aussi, étaient en petit nombre, telle étaient les ressources que les bergers eurent d'abord pour assurer leur subsistance. CLINIAS Sans doute. L'ATHÉNIEN Et pour cc qui est de l'État, de la politique et de la législation, dont nous nous occupons à présent, peut-‐on croire qu'ils en eussent gardé, le moindre souvenir ? CLINIAS Pas du tout. L'ATHÉNIEN N'est-‐ce pas de cet état de choses que s'est formé tout ce que nous voyons à présent, Etats, gouvernements, arts et lois, et bien des vices et bien des vertus ? CLINIAS Comment cela ? L'ATHÉNIEN Devons-‐nous croire, mon admirable ami, que les hommes de ce temps là, qui n'avaient aucune expérience des biens et des maux propres aux villes, fussent tout à fait bons ou tout à fait méchants ? CLINIAS Ta question est bien posée, et nous comprenons ce que tu veux dire. L'ATHÉNIEN N'est-‐ce pas avec le progrès du temps et la multiplication de notre espèce que les choses en sont venues au point où nous les voyons ? CLINIAS C'est très juste. L'ATHÉNIEN. — Non pas tout d'un coup, naturellement, mais peu à peu, en un temps considérable. CLINIAS. -‐-‐ C'est fort vraisemblable. L'ATHÉNIEN. -‐-‐ En effet, à l'idée de descendre des hauteurs dans les plaines, tous, j'imagine, sentaient se renouveler leur terreur CLINIAS. — Évidemment. L'ATHÉNIEN. — Ne leur était-‐ce pas une joie, en ce temps-‐là, du fait de leur petit nombre, de se voir entre eux ? Mais les moyens de transport, qui les auraient reliés alors les uns aux autres par terre ou par mer, n'avaient-‐ils pas péri avec les métiers, autant dire à peu près tous? Ainsi donc, il ne leur était guère possible, je pense, de se mêler les uns aux d autres : le fer, le cuivre, tous les minerais avaient disparu pêle-‐mêle, de sorte qu'il y avait toute sorte de difficultés pour en extraire à nouveau, et on était à court de bois de charpente. Car si des outils
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avaient pu subsister quelque part dans les montagnes, ils avaient bientôt disparu par usure, et il ne devait pas s'en fabriquer d'autres jusqu'à ce que l'art des mineurs revint parmi les hommes. CLINIAS. Le moyen, en effet ? L'ATHÉNIEN. — Et combien de générations plus tard pensons-‐nous que cela s'est produit ? CLINIAS. — Apparemment, un grand nombre. L'ATHÉNIEN. Mais alors, les métiers qui ont besoin de fer, de cuivre et de tous les métaux, ne dirons-‐nous pas qu'ils avaient disparu aussi à cette époque, pour le même temps et un plus long encore ? CLINIAS. — Et comment L'ATHÉNIEN. — Ce sont donc aussi la discorde et la guerre qui étaient mortes en ce temps-‐là sur plusieurs points. CLINIAS. — De quelle manière ? L'ATHÉNIEN. Tout d'abord, ils s'aimaient et se regardaient avec bienveillance dans leur isolement ; ensuite, ils n'avaient pas à se disputer la nourriture. Les pâturages ne manquaient pas, sauf peut-‐être au début pour quelques-‐uns, et c'est de cela surtout qu'ils vivaient à cette époque ; car le lait et la viande ne leur faisaient aucunement défaut ; et de plus la chasse leur fournissait des vivres d'une qualité et d'un nombre appréciables. D'ailleurs vêtements, couvertures, habitations, ustensiles qui s'emploient au feu ou sans feu existaient en abondance ; en effet, les arts plastiques et tous ceux qui relèvent du tissage se passent complètement de fer, et la divinité avait donné aux hommes ces deux sortes de métiers pour leur procurer toutes ces ressources, afin que, le jour où ils viendraient à manquer de métal, ceux de notre race pussent naître et se développer. Dans cette situation, ils n'étaient pas tellement pauvres, ni poussés par la pauvreté à entrer en contestation ; mais ils ne seraient jamais devenus riches, étant dépourvus d'or et d'argent comme ils l'étaient en ce temps-‐là. Or, quand une société ne connaît jamais ni la richesse ni la pauvreté, c'est bien dans celle-‐là que pourraient apparaître les plus généreux caractères: ni démesure ni injustice, ni non plus jalousies ou rivalités n'y prennent naissance. Ils étaient donc bons, pour ces raisons et du fait de leur prétendue simplicité : ce qu'ils entendaient dire de beau ou de laid, ils estimaient, en gens simples, que c'était la vérité pure et ils y croyaient. Nul n'aurait su, comme aujourd'hui, à force de sagesse, y flairer un mensonge; mais, tenant pour vrai ce que l'on disait des dieux et des hommes, ils vivaient en s'y conformant ; et voilà comment ils étaient absolument tels que nous venons de les décrire. duite. C'est pourquoi ils étaient tout à fait tels que je viens de les représenter. CLINIAS : Mégillos et moi, nous sommes là-‐dessus d'accord avec toi.
(histoire) Texte 3e. BIBLE, Genèse 6-‐8 6.1 Lorsque les hommes eurent commencé à se multiplier sur la face de la terre, et que des filles leur furent nées, 6.2 les fils de Dieu virent que les filles des hommes étaient belles, et ils en prirent pour femmes parmi toutes celles qu'ils choisirent. 6.3 Alors l'Éternel dit: Mon esprit ne restera pas à toujours dans l'homme, car l'homme n'est que chair, et ses jours seront de cent vingt ans. 6.4 Les géants étaient sur la terre en ces temps-‐là, après que les fils de Dieu furent venus vers les filles des hommes, et qu'elles leur eurent donné des enfants: ce sont ces héros qui furent fameux dans l'antiquité. 6.5 L'Éternel vit que la méchanceté des hommes était grande sur la terre, et que toutes les pensées de leur cœur se portaient chaque jour uniquement vers le mal. 6.6 L'Éternel se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre, et il fut affligé en son cœur. 6.7 Et l'Éternel dit: J'exterminerai de la face de la terre l'homme que j'ai créé, depuis l'homme jusqu'au bétail, aux reptiles, et aux oiseaux du ciel; car je me repens de les avoir faits. 6.8 Mais Noé trouva grâce aux yeux de l'Éternel. 6.9 Voici la postérité de Noé. Noé était un homme juste et intègre dans son temps; Noé marchait avec Dieu. 6.10 Noé engendra trois fils: Sem, Cham et Japhet. 6.11 La terre était corrompue devant Dieu, la terre était pleine de violence. 6.12 Dieu regarda la terre, et voici, elle était corrompue; car toute chair avait corrompu sa voie sur la terre. 6.13 Alors Dieu dit à Noé: La fin de toute chair est arrêtée par devers moi; car ils ont rempli la terre de violence; voici, je vais les détruire avec la terre. 6.14 Fais-‐toi une arche de bois de gopher; tu disposeras cette arche en cellules, et tu l'enduiras de poix en dedans et en dehors.
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6.15 Voici comment tu la feras: l'arche aura trois cents coudées de longueur, cinquante coudées de largeur et trente coudées de hauteur. 6.16 Tu feras à l'arche une fenêtre, que tu réduiras à une coudée en haut; tu établiras une porte sur le côté de l'arche; et tu construiras un étage inférieur, un second et un troisième. 6.17 Et moi, je vais faire venir le déluge d'eaux sur la terre, pour détruire toute chair ayant souffle de vie sous le ciel; tout ce qui est sur la terre périra. 6.18 Mais j'établis mon alliance avec toi; tu entreras dans l'arche, toi et tes fils, ta femme et les femmes de tes fils avec toi. 6.19 De tout ce qui vit, de toute chair, tu feras entrer dans l'arche deux de chaque espèce, pour les conserver en vie avec toi: il y aura un mâle et une femelle. 6.20 Des oiseaux selon leur espèce, du bétail selon son espèce, et de tous les reptiles de la terre selon leur espèce, deux de chaque espèce viendront vers toi, pour que tu leur conserves la vie. 6.21 Et toi, prends de tous les aliments que l'on mange, et fais-‐en une provision auprès de toi, afin qu'ils te servent de nourriture ainsi qu'à eux. 6.22 C'est ce que fit Noé: il exécuta tout ce que Dieu lui avait ordonné. Genèse 7 7.1 L'Éternel dit à Noé: Entre dans l'arche, toi et toute ta maison; car je t'ai vu juste devant moi parmi cette génération. 7.2 Tu prendras auprès de toi sept couples de tous les animaux purs, le mâle et sa femelle; une paire des animaux qui ne sont pas purs, le mâle et sa femelle; 7.3 sept couples aussi des oiseaux du ciel, mâle et femelle, afin de conserver leur race en vie sur la face de toute la terre. 7.4 Car, encore sept jours, et je ferai pleuvoir sur la terre quarante jours et quarante nuits, et j'exterminerai de la face de la terre tous les êtres que j'ai faits. 7.5 Noé exécuta tout ce que l'Éternel lui avait ordonné. 7.6 Noé avait six cents ans, lorsque le déluge d'eaux fut sur la terre. 7.7 Et Noé entra dans l'arche avec ses fils, sa femme et les femmes de ses fils, pour échapper aux eaux du déluge. 7.8 D'entre les animaux purs et les animaux qui ne sont pas purs, les oiseaux et tout ce qui se meut sur la terre, 7.9 il entra dans l'arche auprès de Noé, deux à deux, un mâle et une femelle, comme Dieu l'avait ordonné à Noé. 7.10 Sept jours après, les eaux du déluge furent sur la terre. 7.11 L'an six cent de la vie de Noé, le second mois, le dix-‐septième jour du mois, en ce jour-‐là toutes les sources du grand abîme jaillirent, et les écluses des cieux s'ouvrirent. 7.12 La pluie tomba sur la terre quarante jours et quarante nuits. 7.13 Ce même jour entrèrent dans l'arche Noé, Sem, Cham et Japhet, fils de Noé, la femme de Noé et les trois femmes de ses fils avec eux: 7.14 eux, et tous les animaux selon leur espèce, tout le bétail selon son espèce, tous les reptiles qui rampent sur la terre selon leur espèce, tous les oiseaux selon leur espèce, tous les petits oiseaux, tout ce qui a des ailes. 7.15 Ils entrèrent dans l'arche auprès de Noé, deux à deux, de toute chair ayant souffle de vie. 7.16 Il en entra, mâle et femelle, de toute chair, comme Dieu l'avait ordonné à Noé. Puis l'Éternel ferma la porte sur lui. 7.17 Le déluge fut quarante jours sur la terre. Les eaux crûrent et soulevèrent l'arche, et elle s'éleva au-‐dessus de la terre. 7.18 Les eaux grossirent et s'accrurent beaucoup sur la terre, et l'arche flotta sur la surface des eaux. 7.19 Les eaux grossirent de plus en plus, et toutes les hautes montagnes qui sont sous le ciel entier furent couvertes. 7.20 Les eaux s'élevèrent de quinze coudées au-‐dessus des montagnes, qui furent couvertes. 7.21 Tout ce qui se mouvait sur la terre périt, tant les oiseaux que le bétail et les animaux, tout ce qui rampait sur la terre, et tous les hommes. 7.22 Tout ce qui avait respiration, souffle de vie dans ses narines, et qui était sur la terre sèche, mourut.
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7.23 Tous les êtres qui étaient sur la face de la terre furent exterminés, depuis l'homme jusqu'au bétail, aux reptiles et aux oiseaux du ciel: ils furent exterminés de la terre. Il ne resta que Noé, et ce qui était avec lui dans l'arche. 7.24 Les eaux furent grosses sur la terre pendant cent cinquante jours. Genèse 8 La décrue 8.1 Dieu se souvint de Noé, de tous les animaux et de tout le bétail qui étaient avec lui dans l'arche; et Dieu fit passer un vent sur la terre, et les eaux s'apaisèrent. 8.2 Les sources de l'abîme et les écluses des cieux furent fermées, et la pluie ne tomba plus du ciel. 8.3 Les eaux se retirèrent de dessus la terre, s'en allant et s'éloignant, et les eaux diminuèrent au bout de cent cinquante jours. 8.4 Le septième mois, le dix-‐septième jour du mois, l'arche s'arrêta sur les montagnes d'Ararat. 8.5 Les eaux allèrent en diminuant jusqu'au dixième mois. Le dixième mois, le premier jour du mois, apparurent les sommets des montagnes. 8.6 Au bout de quarante jours, Noé ouvrit la fenêtre qu'il avait faite à l'arche. 8.7 Il lâcha le corbeau, qui sortit, partant et revenant, jusqu'à ce que les eaux eussent séché sur la terre. 8.8 Il lâcha aussi la colombe, pour voir si les eaux avaient diminué à la surface de la terre. 8.9 Mais la colombe ne trouva aucun lieu pour poser la plante de son pied, et elle revint à lui dans l'arche, car il y avait des eaux à la surface de toute la terre. Il avança la main, la prit, et la fit rentrer auprès de lui dans l'arche. 8.10 Il attendit encore sept autres jours, et il lâcha de nouveau la colombe hors de l'arche. 8.11 La colombe revint à lui sur le soir; et voici, une feuille d'olivier arrachée était dans son bec. Noé connut ainsi que les eaux avaient diminué sur la terre. 8.12 Il attendit encore sept autres jours; et il lâcha la colombe. Mais elle ne revint plus à lui. 8.13 L'an six cent un, le premier mois, le premier jour du mois, les eaux avaient séché sur la terre. Noé ôta la couverture de l'arche: il regarda, et voici, la surface de la terre avait séché. 8.14 Le second mois, le vingt-‐septième jour du mois, la terre fut sèche. Sortie de l'arche 8.15 Alors Dieu parla à Noé, en disant: 8.16 Sors de l'arche, toi et ta femme, tes fils et les femmes de tes fils avec toi. 8.17 Fais sortir avec toi tous les animaux de toute chair qui sont avec toi, tant les oiseaux que le bétail et tous les reptiles qui rampent sur la terre: qu'ils se répandent sur la terre, qu'ils soient féconds et multiplient sur la terre. 8.18 Et Noé sortit, avec ses fils, sa femme, et les femmes de ses fils. 8.19 Tous les animaux, tous les reptiles, tous les oiseaux, tout ce qui se meut sur la terre, selon leurs espèces, sortirent de l'arche. 8.20 Noé bâtit un autel à l'Éternel; il prit de toutes les bêtes pures et de tous les oiseaux purs, et il offrit des holocaustes sur l'autel. 8.21 L'Éternel sentit une odeur agréable, et l'Éternel dit en son cœur: Je ne maudirai plus la terre, à cause de l'homme, parce que les pensées du cœur de l'homme sont mauvaises dès sa jeunesse; et je ne frapperai plus tout ce qui est vivant, comme je l'ai fait. 8.22 Tant que la terre subsistera, les semailles et la moisson, le froid et la chaleur, l'été et l'hiver, le jour et la nuit ne cesseront point.
(histoire) Texte 3f. LUCRÈCE, Nature des choses 5.925 sq. Une race d'hommes vécut alors, race des plus dures, et digne de la dure terre qui l'avait créée. Des os plus grands et plus forts que les nôtres formaient la charpente de ces premiers hommes, leur chair avait une armature de muscles puissants, ils résistaient aisément aux atteintes du froid et du chaud, aux changements de nourriture, aux attaques de la maladie. Que de révolutions le soleil accomplit à travers le ciel, tandis qu'ils menaient leur vie errante de bêtes sauvages! Nul ne mettait sa force à conduire la charrue recourbée, nul ne savait retourner la terre avec le fer, ni planter de tendres rejetons, ni couper aux grands arbres, avec la faux, leurs rameaux vieillis. Ce que le soleil et la pluie donnaient, ce que la terre offrait d'elle-‐même, voilà les présents qui contentaient leurs cœurs. C'est parmi les chênes, avec leurs glands, qu'ils se nourrissaient le plus souvent; et ces fruits que tu vois de nos jours à la saison d'hiver annoncer leur maturité en se colorant de pourpre, les arbouses, la terre les portait alors plus nombreux et plus gros. Enfin, dans sa fleur, la nouveauté du monde abondait en grossières
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pâtures qui suffisaient aux misérables mortels. Pour apaiser leur soif, les cours d'eau et les sources les appelaient, comme aujourd'hui la voix claire des torrents qui tombent du haut des montagnes invite de loin les fauves altérés. Enfin leurs courses nocturnes les entraînaient aux demeures sylvestres des nymphes, certains d'y voir sourdre des eaux vives qui lavaient de leurs ondes abondantes les humides rochers, humides rochers couverts d'une verte mousse à travers laquelle elles perlaient, ou bien qui, jaillissant en ruisseaux, s'élançaient dans la plaine. Ils ne savaient encore quel instrument est le feu, ni se servir de la peau des bêtes sauvages, ni se vêtir de leurs dépouilles. Les bois, les cavernes des montagnes, les forêts étaient leur demeure; c'est dans les broussailles qu'ils cherchaient pour leur corps malpropre un abri contre le fouet des vents et des pluies. Le bien commun ne pouvait les préoccuper, ni coutumes ni lois ne réglaient leurs rapports. La proie offerte par le hasard, chacun s'en emparait; être fort, vivre à sa guise et pour soi, c'était la seule science. Et Vénus dans les bois accouplait les amants. Ce qui donnait la femme à l'homme, c'était soit un mutuel désir, soit la violence du mâle ou bien sa passion effrénée, ou encore l'appât d'une récompense, glands, arbouses ou poires choisies. Confiants dans l'étonnante vigueur de leurs mains et de leurs pieds, ils poursuivaient les bêtes des forêts en leur lançant des pierres à la fronde, en les écrasant de leurs massues; ils triomphaient de la plupart, quelques-‐unes seulement les faisaient regagner leurs retraites; et pareils aux sangliers couverts de soies, ils étendaient nus sur la terre leurs membres sauvages, quand la nuit les surprenait, se faisant une couverture de feuilles et de broussailles. Le jour, le soleil disparus, ils n'allaient pas par les campagnes les chercher à grands cris, errant pleins d'épouvante à travers les ombres de la nuit; mais silencieux ils attendaient, ensevelis dans le sommeil, que le soleil de sa torche rouge rendit au ciel la lumière. Dès l'enfance accoutumés à voir les ténèbres et le jour renaître alternativement, il ne pouvait leur arriver de s'en étonner, ni de redouter pour la terre une nuit éternelle qui leur dérobât à jamais la lumière du soleil. Mais leur plus grande inquiétude, c'était l'attaque des bêtes sauvages qui souvent faisaient du sommeil un péril pour ces malheureux; chassés de leur gîte, ils fuyaient leur abri de pierre à l'approche d'un sanglier écumant ou d'un lion puissant, et en pleine nuit, glacés d'effroi, ils cédaient à ces hôtes cruels leur couche de feuillage. Ne crois pas qu'à cette époque plus qu'aujourd'hui la race des mortels avait à quitter dans les gémissements la douce lumière de la vie. Il arrivait sans doute plus souvent que l'un d'eux, surpris par les bêtes, leur offrait une proie vivante pour leurs dents cruelles et remplissait de ses cris les bois, les monts et les forêts en voyant sa chair ensevelie vivante dans un tombeau vivant. Certains, sauvés par la fuite mais le corps mutilé, tenant leurs mains tremblantes appliquées sur d'horribles plaies, appelaient par de terribles cris Orcus, puis mouraient dans ses d'affreuses convulsions, sans le moindre secours, ignorant quels soins réclamaient leurs blessures. Mais en revanche, il n'y avait pas des milliers d'hommes à périr sous les drapeaux en un jour de bataille, la mer démontée ne broyait pas sur les rochers des navires avec leur équipage. C'est pour rien, vainement et en pure perte que les flots soulevés déchaînaient leur colère, et sans plus de raison qu'ils laissaient tomber leur menace inutile. Et la mer apaisée avait beau multiplier ses sourires, les hommes ne se laissaient pas prendre au piège. L'art funeste de la navigation appartenait encore au néant. Alors c'était la disette qui livrait le corps épuisé à la mort, tandis que maintenant c'est l'abondance qui nous y plonge. Souvent par ignorance les hommes s'administraient eux-‐mêmes le poison, aujourd'hui à force d'art nous le donnons aux autres. Dans la suite, les hommes connurent les huttes, les peaux de bêtes et le feu; la femme unie à l'homme devint le bien d'un seul, les plaisirs de Vénus furent restreints aux chastes douceurs de la vie conjugale, les parents virent autour d'eux une famille née de leur sang: alors le genre humain commença à perdre peu à peu sa rudesse. En effet le feu rendit les corps plus délicats et moins capables d'endurer le froid sous le seul abri du ciel; et Vénus énerva leur vigueur, et les enfants par leurs caresses n'eurent pas de peine à fléchir le caractère farouche des parents. Alors aussi l'amitié unit pour la première fois des voisins, qui cessèrent de s'insulter et de se battre; et ils se recommandèrent mutuellement les enfants ainsi que les femmes, faisant entendre confusément de la voix et du geste qu'il était juste d'avoir pitié des faibles. Assurément la concorde ne pouvait pas s'établir entre tous, mais les plus nombreux et les meilleurs restaient fidèles aux pactes; autrement le genre humain eût dès lors péri tout entier et n'aurait pu conduire jusqu'à nous ses générations. Ce sont ensuite les sons variés du langage que la nature poussa les hommes à émettre, et le besoin assigna un nom à chaque chose.
[histoire] Texte 3g. HYGIN, Fable 153 DEUCALION AND PYRRHA When the cataclysm which we call the flood or deluge occurred, all the human race perished except Deucalion and Pyrrha, who fled to Mount Etna, which is said to be the highest mountain in Sicily. When they could not live on account of loneliness, they begged Jove either to give men, or to afflict them with a similar disaster. Then Jove bade them cast stones behind them; those Deucalion threw he ordered to become men, and those Pyrrha threw, to be women. Because of this they are called laos, “people”, for stone in Greek is called las.
[histoire] Texte 3h. OVIDE, Métamorphoses 1.-‐253-‐312
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Déjà tous ses foudres allumés allaient frapper la terre; mais il craint que l'éther même ne s'embrase par tant de feux, et que l'axe du monde n'en soit consumé. Il se souvient que les destins ont fixé, dans l'avenir, un temps où la mer, et la terre, et les cieux seront dévorés par les flammes, et où la masse magnifique de l'univers sera détruite par elles : il dépose ses foudres forgés par les Cyclopes; il choisit un supplice différent. Le genre humain périra sous les eaux, qui, de toutes les parties du ciel, tomberont en torrents sur la terre. [262] Soudain dans les antres d'Éole il enferme l'Aquilon et tous les vents dont le souffle impétueux dissipe les nuages. Il commande au Notus, qui vole sur ses ailes humides : son visage affreux est couvert de ténèbres; sa barbe est chargée de brouillards; l'onde coule de ses cheveux blancs; sur son front s'assemblent les nuées, et les torrents tombent de ses ailes et de son sein. Dès que sa large main a rassemblé, pressé tous les nuages épars dans les airs, un horrible fracas se fait entendre, et des pluies impétueuses fondent du haut des cieux. La messagère de Junon, dont l'écharpe est nuancée de diverses couleurs, Iris, aspire les eaux de la mer, elle en grossit les nuages. Les moissons sont renversées, les espérances du laboureur détruites, et, dans un instant, périt le travail pénible de toute une année. Mais la colère de Jupiter n'est pas encore satisfaite; Neptune son frère vient lui prêter le secours de ses ondes; il convoque les dieux des fleuves, et, dès qu'ils sont entrés dans son palais : "Maintenant, dit-‐il, de longs discours seraient inutiles. Employez vos forces réunies; il le faut : ouvrez vos sources, et, brisant les digues qui vous arrêtent, abandonnez vos ondes à toute leur fureur". Il ordonne : les fleuves partent, et désormais sans frein, et d'un cours impétueux, ils roulent dans l'océan. Neptune lui-‐même frappe la terre de son trident; elle en est ébranlée, et les eaux s'échappent de ses antres profonds. Les fleuves franchissent leurs rivages, et se débordant dans les campagnes, ils entraînent, ensemble confondus, les arbres et les troupeaux, les hommes et les maisons, les temples et les dieux. Si quelque édifice résiste à la fureur des flots, les flots s'élèvent au-‐dessus de sa tête, et les plus hautes tours sont ensevelies dans des gouffres profonds. [291] Déjà la terre ne se distinguait plus de l'océan : tout était mer, et la mer n'avait point de rivages. L'un cherche un asile sur un roc escarpé, l'autre se jette dans un esquif, et promène la rame où naguère il avait conduit la charrue : celui-‐ci navigue sur les moissons, ou sur des toits submergés; celui-‐là trouve des poissons sur le faîte des ormeaux; un autre jette l'ancre qui s'arrête dans une prairie. Les barques flottent sur les coteaux qui portaient la vigne : le phoque pesant se repose sur les monts où paissait la chèvre légère. Les Néréides s'étonnent de voir, sous les ondes, des bois, des villes et des palais. Les dauphins habitent les forêts, ébranlent le tronc des chênes, et bondissent sur leurs cimes. Le loup, négligeant sa proie, nage au milieu des brebis; le lion farouche et le tigre flottent sur l'onde : la force du sanglier, égale à la foudre, ne lui est d'aucun secours; les jambes agiles du cerf lui deviennent inutiles : l'oiseau errant cherche en vain la terre pour s'y reposer; ses ailes fatiguées ne peuvent plus le soutenir, il tombe dans les flots. L'immense débordement des mers couvrait les plus hautes montagnes : alors, pour la première fois, les vagues amoncelées en battaient le sommet. La plus grande partie du genre humain avait péri dans l'onde, et la faim lente et cruelle dévora ceux que l'onde avait épargnés.
[histoire] Texte 3i. VIRGILE, Enéide, 6.789 Voici César, et toute la descendance de Iule, qui un jour apparaîtra sous l'immense voûte céleste. Oui, c'est lui, voici le héros, dont si souvent on te répète qu'il t'est promis; Auguste César, né d'un dieu, fondera un nouveau siècle d'or; régnant sur les terres où régnait autrefois Saturne, il étendra son empire au-delà des Garamantes et des Indiens; au-delà des étoiles, au-delà des routes de l'année et du soleil, un territoire où Atlas, qui porte le ciel, fait tourner sur ses épaules l'axe semé d'étoiles de feu.
* [langage] Texte 4a. HÉRODOTE, Enquêtes, 2.2
Les Égyptiens, avant que Psammétique ne devienne leur pharaon, se croyaient les tout premiers hommes à être apparus sur la terre. Mais depuis le jour où Psammétique, une fois sur le trône, chercha à savoir quels avaient été les premiers hommes, ils croient que les Phrygiens les ont précédés, bien qu’ils soient eux-‐mêmes apparus avant les autres peuples. Psammétique, constatant qu’il ne pouvait, par le biais d’une enquête, trouver aucun moyen de déterminer quels hommes étaient apparus les premiers imagina l’astuce suivante. Il confia à un berger deux nouveau-‐nés d’origine populaire, pour qu’il les élève parmi ses bêtes en leur donnant une éducation particulière : il ordonna que personne ne prononce en leur présence le moindre mot, qu’ils soient installés à l’écart, dans une cabane isolée, et que le berger leur amène régulièrement des chèvres et, après leur avoir procuré leur comptant de lait, leur donne les autres soins nécessaires. Psammétique voulait, à travers cette mise en scène et ces dispositions, entendre quel serait le premier mot que prononceraient les bébés, abstraction faite de leurs vagissements incohérents. Tout se produisit comme prévu. Lorsque deux années se furent écoulées au cours
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desquelles le berger appliqua les instructions, un jour qu’il ouvrait la porte et pénétrait dans la cabane, les deux enfants rampèrent vers lui et prononcèrent en tendant les bras le mot « bécos ». La première fois qu’il les entendit, le berger ne fit rien ; mais comme ce mot revenait souvent, lors des nombreuses visites qu’il faisait pour s’occuper d’eux, il décida alors d’en aviser son maître et, ce dernier lui en ayant intimé l’ordre, amena les enfant sous ses yeux. Lorsqu’il eut, personnellement, entendu ce mot, Psammétique fit une enquête pour savoir quels hommes utilisaient dans leur langue le mot « bécos ». Et il découvrit, au cours de cette enquête, que les Phrygiens appelaient ainsi le pain. Les Égyptiens se rendirent à une preuve aussi manifeste, et durent admettre que le peuple Phrygien était plus ancien que le leur.
[langage] Texte 4b. DIODORE, Bibliothèque, 1.8. Voilà ce que nous savons sur l'origine du monde. Les hommes primitifs devaient mener une vie sauvage, se disperser dans les champs, cueillir les herbes et les fruits des arbres qui naissent sans culture. Attaqués par les bêtes féroces, ils sentaient la nécessité de se secourir mutuellement, et, réunis par la crainte, ils ne tardaient pas à se familiariser entre eux. Leur voix était d'abord inarticulée et confuse; bientôt ils articulèrent des paroles, et, en se représentant les symboles des objets qui frappaient leurs regards, ils formèrent une langue intelligible et propre à exprimer toutes choses. L'existence de semblables réunions d'hommes en divers endroits du continent a donné naissance à des dialectes différents suivant l'arrangement particulier des mots de chacun. De là encore la variété des caractères de chaque langue, et le type naturel et primitif qui distingue toute nation. Dans leur ignorance des choses utiles à la vie, les premiers hommes menaient une existence misérable; ils étaient nus, sans abri, sans feu et n'ayant aucune idée d'une nourriture convenable.
[langage] Texte 4c. GENÈSE 11.1-‐9. Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots. Comme ils étaient partis de l’orient, ils trouvèrent une plaine au pays de Chmunter, et ils y habitèrent. Ils se dirent l'un à l'autre : "Allons ! Faisons des briques, et cuisons-‐les au feu." Et la brique leur servit de pierre, et le bitume leur servit de ciment. Ils dirent encore : "Allons ! Bâtissons-‐nous une ville et une tour dont le sommet touche au ciel, et faisons-‐nous un nom, afin que nous ne soyons pas dispersés sur la face de toute la terre." L'Éternel descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes. Et l'Éternel dit : "Voici, ils forment un seul peuple et ont tous une même langue, et c’est là ce qu'ils ont entrepris ; maintenant rien ne les empêcherait de faire tout ce qu'ils auraient projeté. Allons ! descendons, et là confondons leur langage, afin qu’ils n’entendent plus la langue, les uns des autres." Et l’Éternel les dispersa loin de là sur la face de toute la terre ; et ils cessèrent de bâtir la Ville. C’est pourquoi on l’appela du nom de Babel, car c’est là que l’Éternel confondit le langage de toute la terre, et c’est de là que l’Éternel les dispersa sur la face de toute la terre. Cf. 10. 5 : De ceux-‐là se formèrent les colonies de peuples répandues dans divers pays, chacune selon sa langue, selon sa tribu, selon son peuple ; 10.31 : Tels sont les enfants de Cham, selon leurs familles et leur langage, selon leurs territoires et leurs peuplades ; 10.21 : Tels sont les enfants de Sem, selon leurs familles et leur langage, selon leurs territoires et leurs peuplades.
[langage] Texte 4d. LUCRÈCE, Nature des choses, 5.1028 sq. Ce sont ensuite les sons variés du langage que la nature poussa les hommes à émettre, et le besoin assigna un nom à chaque chose; c'est à peu près ainsi que l'enfant est conduit au geste par l'impuissance à s'exprimer avec des mots: il montre du doigt tout ce qui s'offre à ses yeux. Car chaque être a le sentiment des facultés dont il peut user; avant même que la corne commence à poindre sur sa tête, le veau irrité en menace et en frappe déjà. Les petits de la panthère et de la lionne se défendent de leurs griffes, de leurs pattes et de leurs crocs à peine dents et griffes leur sont-‐elles poussées. Et les oiseaux de toute espèce se confient tous à leurs ailes, et demandent à leurs plumes un appui tremblant. Ainsi donc penser qu'un homme ait pu alors distribuer des noms aux choses et que de lui tous les autres aient appris les premiers mots du langage, c'est folie; car s'il a pu désigner toutes choses par un terme et émettre les sons variés du langage, comment à la même époque d'autres que lui n'ont-‐ils pu le faire? De plus, si les autres hommes ne s'étaient pas encore servis de la parole, d'où a pu lui venir l'idée de son utilité? Où a-‐t-‐il pris le pouvoir de faire le premier comprendre et voir aux autres ce qu'il voulait faire? Au reste, un seul homme ne pouvait en contraindre beaucoup, et domptant leur résistance, les obliger à recevoir de lui les noms des choses. Pouvait-‐il davantage enseigner, persuader à des sourds ce qu'il y avait à faire? Ils ne l'auraient pas supporté, ils n'auraient pas souffert d'avoir les oreilles fatiguées en vain de sons inconnus. Enfin, est-‐il si surprenant que le genre humain doué d'une voix et d'une langue ait suivi la variété de ses impressions pour désigner de sa voix la variété des objets? Les troupeaux muets, les bêtes sauvages elles-‐mêmes, ont des cris différents et divers accents, selon que la crainte, la douleur ou la joie les possède. L'expérience nous l'apprend.
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Quand la grande chienne des Molosses, dans le premier accès de sa fureur, gronde en retroussant ses molles babines sur ses dents dures, elle nous menace de sa rage qui lui fronce le mufle avec des sons tout autres que ceux dont elle fait retentir l'espace quand elle aboie. Et quand d'une langue caressante elle lèche ses petits ou les caresse de ses pattes, ou que les agaçant de morsures inoffensives elle feint de vouloir les dévorer, le tendre accent de sa voix ne ressemble ni à ses hurlements quand on l'a laissée seule à la maison, ni à ses plaintes quand elle fuit en rampant les coups qui vont la frapper. Est-‐ce le même hennissement que pousse le jeune cheval lorsque au milieu des juments il bondit dans la fleur de son âge, étalon fougueux qu'éperonne l'amour, ce cavalier ailé, ou bien lorsque ses larges naseaux frémissent au bruit des armes ou que toute autre émotion l'agite et le fait hennir? La gent ailée, les oiseaux de toute espèce, éperviers, orfraies, plongeons, qui dans les flots salés vont chercher nourriture et vie jettent des cris tout différents selon les circonstances: ils en ont de tout à fait particuliers lorsqu'ils luttent pour leur subsistance et que leurs proies se défendent. Il y en a dont la voix rauque varie avec les saisons telles sont les corneilles vivaces et les bandes de corbeaux, selon qu'elles semblent réclamer la pluie ou qu'elles appellent les vents et la tempête. Si donc des émotions différentes amènent les animaux, tout muets qu'ils sont, à émettre des sons différents, combien n'est-‐il pas plus naturel encore que les hommes aient conformé leur voix à la diversité des choses?
[langage] Texte 4e. APOLLODORE, Biblothèque 1.9.11 Amythaon habitait Pylos où il épousa Idomène, fille de Phérès ; il en eut deux fils, Bias et Mélampe. Ce dernier, habitant la campagne, avait devant sa maison un chêne dans lequel était un repaire de serpents; ses domestiques ayant tué ces serpents, Mélampe fit apporter du bois, les brûla et éleva leurs petits. Ces serpents étant devenus grands, s'entortillèrent autour de ses épaules pendant son sommeil, et lui purifièrent les oreilles avec leur langue Il s'éveilla saisi de frayeur, mais il s'aperçut ensuite qu'il entendait le langage des oiseaux ; et d'après ce qu'ils disaient, il prédisait l'avenir. Il s'instruisit aussi dans la partie de la divination qui se fait par les sacrifices. Enfin, ayant rencontré Apollon près du fleuve Alphée, il s'instruisit à fond dans toutes les parties de l'art de prédire l'avenir.
[langage] Texte 4f. PORPHYRE, Abstinence 3.3-‐4 Cependant s'il en faut croire les anciens et quelques-‐uns de ceux qui ont vécu du temps de nos pères et même du nôtre, il y a eu des gens qui ont entendu et compris le langage des animaux. On compte parmi les anciens Mélampe et Tirésias avec quelques autres, et parmi les modernes Apollonius de Tyanes. On assure de ce dernier qu'étant avec ses amis, et entendant une hirondelle qui gazouillait, il dit qu'elle avertissait ses compagnes qu'un âne chargé de blé était tombé près de la ville et que le blé était répandu par terre. Un de nos amis nous a raconté qu'il avait eu un jeune domestique qui entendait le langage des oiseaux. […] Mais laissons ces faits à part, à cause de l'incrédulité qui n'est que trop naturelle. Personne, je crois, n'ignore qu'il y a plusieurs nations qui ont encore une grande facilité pour entendre la voix de quelques animaux. Les Arabes entendent le langage des corbeaux, les Tyrrhéniens celui des aigles; et peut-‐être que tous tant que nous sommes d'hommes, nous entendrions tout ce que disent les animaux, si un dragon léchait nos oreilles. La variété et la différence de leurs sons prouvent assez qu'ils signifient quelque chose. Ils s'expriment différemment lorsqu'ils ont peur, lorsqu'ils s'appellent, lorsqu'ils avertissent leurs petits de venir manger, lorsqu'ils se caressent ou lorsqu'ils se défient au combat et cette différence est si difficile à observer à cause de la multitude des diverses inflexions, que ceux même qui ont passé leur vie à les étudier, y sont fort embarrassés.
* [langage] Texte 5a. HYGIN, Fables 274
Inventeurs et inventions . . . A certain man named Cerasus mixed wine with the river Achelous in Aetolia, and from this “to mix” is called kerasai. Then, too, the ancient men of our race had on the posts of their dining-‐couches heads of asses bound with vines to signify that the ass had discovered the sweetness of the vine. The vine, too, which a goat had nibbled, brought fort more fruit, and from this they invented pruning. Pelethronius first invented bits and saddles for horses. Belona first invented the needle, which in Greek is called Beloné. Cadmus, son of Agenor, first produced bronze at Thebes. Aeacus, son of Jove, first discovered gold in Panchaia on Mount Tasus. Indus, king in Scythia, first discovered silver which Erichthonius was first to bring to Athens. At Elis, a city in the Peloponnesus, races of four-‐horse chariots were first established.
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King Midas, a Phrygian, son of Cybele, first discovered black and whie lead. The Arcadians first made offerings [?] to the gods. Phoroneus, son of Inachus, first made arms for Juno, and because of this first obtained authority to rule. Chiron, son of Saturn, first used herbs in the medical art of surgery; Apollo first practiced the art of treating eyes, and third, Asclepius, son of Apollo, began the art of clinical medicine. The ancients didn’t have obstetricians, and as a result, women because of modesty perished. For the Athenians forbade slaves and women to learn the art of medicine. A certain girl, Hagnodice, a virgin desired to learn medicine, and since she desired it, she cut her hair, and in male attire came to a certain Herophilus for training. When she had learned the art, and had heard that a woman was in labor, she came to her. And when the woman refused to trust herself to her, thinking that she was a man, she removed her garment to show that she was a woman, and in this way she treated women. When the doctors saw that they were not admitted to women, they began to accuse Hagnodice, saying that “he” was a seducer and corruptor of women, and that the women were pretending to be ill. The Areopagites, in session, started to condemn Hagnodice, but Hagnodice removed her garment for them and showed that she was a woman. Then the doctors began to accuse her more vigorously, and as a result the leading women came to the Court and said: “You are not husbands, but enemies, because you condemn her who discovered safety for us.” Then the Athenians amended the law, so that free-‐born women could learn the art of medicine. Perdix, son of Daedalus’ sister, invented the compass, and also the saw from the spine of a fish. Daedalus, son of Eupalamus, first made statues of the gods. Oannes, who in Chaldaea is said to have come from the sea, interpreted astrology. The Lydians first dyed raw wool with a substance from twigs, and afterward learned to dye the thread. Pan first invented the music of the pipes. In Sicily Ceres first invented grain. Tyrrhenus, son of Hercules, first invented a trumpet for this reason: When his comrades were apparently feasting on human flesh, the inhabitants of the region around fled from the cruel practice. So when any one of them died he blew on a hollow conch-‐shell and called the district together, and declared they were giving burial to the dead and not devouring them. Thus the trumpet is called the Tyrrhenian melody. The Romans today have this custom: whenever anyone dies, trumpeters sound and friends are called together, to testify that he did not die from poison or the sword. Summoners, too, invented the horn [?]. Egyptians first fought with clubs; later Belus, son of Neptune, fought with a sword, and bellum, “war,” is named from this.
[langage] Texte 5b. HYGIN, Fables 277, 147 [277] Inventions The Parcae, Clotho, Lachesis, and Atropos invented seven Greek letters -‐ A B H T I Y. Others say that Mercury invented them from the flight of cranes, which, when they fly, form letters. Palamedes, too, son of Nauplius, invented eleven letters; Simonides, too, invented four letters – Ó E Z PH; Epicharmus of Sicily, two -‐ P and PS. The Greek letters Mercury is said to have brought to Egypt, and from Egypt Cadmus took them to Greece. Cadmus in exile from Arcadia, took them to Italy, and his mother Carmenta changed them to Latin to the number of 15. Apollo on the lyre added the rest. The same Mercury first taught wrestling to mortals. Ceres showed how to tame oxen, and taught her foster-‐son Triptolemus [to sow grain]. When he had sown it, and a pig rooted up what he had planted, he seized the pig, took it to the altar of Ceres, and putting grain on its head, sacrificed it to Ceres. From this came the custom of putting salted meal on the victim. Isis first invented sails, for while seeking her son Harpocrates, she sailed on a ship. Minerva first built a two-‐prowed ship for Danaus in which he fled from Aegyptus his brother. [147] Triptolème Cum Ceres Proserpinam filiam suam quaereret, deuenit ad Eleusinum regem, cuius uxor Cothonea puerum Triptolemum pepererat, seque nutricem lactantem simulauit. hanc regina libens nutricem filio suo recepit. Ceres cum uellet alumnum suum immortalem reddere, interdiu lacte diuino alebat, noctu clam in igne obruebat. itaque praeterquam solebant mortales crescebant; et sic fieri cum mirarentur parentes, eam obseruauerunt. cum Ceres eum uellet in ignem mittere, pater expauit. illa irata Eleusinum exanimauit, at Triptolemo alumno suo aeternum beneficium tribuit. nam fruges propagatum currum draconibus iunctum tradidit, quibus uehens orbem terrarum frugibus obseuit. postquam domum rediit, Celeus eum pro benefacto interfici iussit. sed re cognita, iussu Cereris Triptolemo regnum dedit, quod ex patris nomine Eleusin[um] nominauit, Cererique sacrum instituit quae Thesmophoria Graece dicuntur.
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[langage] Texte 5c. OVIDE, Métamorphoses 5, 641-‐661
La déesse de la fertilité attela à son char deux serpents qu'elle maîtrisa en leur plaçant un frein dans la bouche, puis elle se déplaça entre le ciel et la terre à travers l'espace. Elle dirigea son char léger vers la ville de la Tritonide, qu'elle confia à Triptolèmeavec ordre de répandre les semences qu'elle lui donnait, les unes sur un sol inculte, les autres, sur un sol reposé et retravaillé. Déjà le jeune homme avait survolé l'Europe et la terre d'Asie et, emporté dans les airs, il se tournait vers les régions de la Scythie, là où régnait Lyncus. Triptolème pénétra dans la demeure du roi. Interrogé sur son itinéraire, sur la raison de sa venue, sur son nom et sa patrie, il dit : “ Ma patrie est l'illustre Athènes, mon nom est Triptolème. Je ne suis venu ni en bateau par la mer, ni à pied, par les terres ; l'éther m'a été ouvert, accessible. J'apporte les dons de Cérès : s'ils sont semés dans les vastes plaines ils produiront des récoltes fructueuses et de douces nourritures. ” Le Barbare envieux, rêvant d'être lui-‐même l'auteur d'un tel présent, lui accorde l'hospitalité ; puis, le voyant plongé dans un lourd sommeil, il l'agresse à l'épée. Mais pendant qu'il tentait de lui percer le coeur, Cérès le métamorphosa en lynx et ordonna au jeune Mopsopien de mener à nouveau à travers les airs l'attellage sacré. »
[langage] Texte 5d. PALAIPHATOS, Dédale et Icare (12) On dit que Minos enferma Dédale et son fils Icare pour une raison ou pour une autre, et que Dédale fabrica des ailes postiches pour lui et son fils, et qu’il s’envola avec Icare. Il est impossible d’imaginer qu’un homme puisse voler, surtout avec des ailes postiches. Voici, en fait, ce qui s’est passé. Dédale, qui était en prison, se faufila par une fenêtre, hissa son fils jusqu’à lui, grimpa dans une barque et partit. Lorsqu’il s’en aperçut Minos envoya des navires à sa poursuite. Les fuyards, lorsqu’il se virent pourchassés, poussés qu’ils étaient par un vent très fort et favorable donnaient l’impression de voler. Puis, au cours de leur traversée, tandis que soufflait un vent du sud favorable, ils firent naufrage dans la mer de Crète. Dédale parvient à se sauver et gagne la terre ferme, mais Icare périt (et c’est pourquoi la mer reçut de lui son nom de ‘mer icarienne’), et son père enterra le corps rejeté par les flots sur la grève.
[langage] Texte 5e. PLATON, Phèdre, 274 J'ai entendu dire que près de Naucratis, en Égypte, il y eut un dieu, l'un' des plus anciennement adorés dans le pays, et celui-‐là même auquel est consacré l'oiseau que l'on nomme Ibis. Ce dieu s'appelle Theuth. On dit qu'il a inventé le premier les nombres, le calcul, la géométrie et l'astronomie ; les jeux d'échecs, de dés, et l'écriture. L'Égypte toute entière était alors, sous la domination de Thamus, qui habitait dans la grande ville capitale de la haute Égypte; les Grecs appellent la ville de Thèbes l'Égyptienne, elle dieu, Ammon. Theuth vint donc trouver le roi, lui montra les arts qu'il avait inventés, et lui dit qu'il fallait en faire part à tous les Égyptiens, Celui-‐ci lui demanda de quelle utilité serait chacun de ces arts, et se mit à disserter sur tout ce que Theuth disait au sujet de ses inventions, blâmant ceci, approuvant cela. Ainsi Thamus allégua, dit-‐on, au dieu Theuth beaucoup de raisons pour et contre chaque art en particulier. Il serait trop long de les parcourir ; mais lorsqu'ils en furent à l'écriture : Cette science, ô roi! lui dit Theuth, rendra les Égyptiens plus savants et soulagera leur mémoire. C'est un remède que j'ai trouvé contre la difficulté d'apprendre et de savoir. Le roi répondit : Industrieux Theuth, tel homme est capable d'enfanter les arts, tel autre d'apprécier les avantages ou les désavantages qui peuvent résulter de leur emploi; et toi, père de l'écriture, par une bienveillance naturelle pour ton ouvrage, tu l'as vu tout autre qu'il n'est : il ne produira que l'oubli dans l'esprit de ceux qui apprennent, en leur faisant négliger la mémoire. En effet, ils laisseront à ces caractères étrangers le soin de leur rappeler ce qu'ils auront confié à l'écriture, et n'en garderont eux-‐mêmes aucun souvenir. Tu n'as donc point trouvé un moyen pour la mémoire, mais pour la simple réminiscence, et tu n'offres à tes disciples que le nom de la science sans la réalité; car, lorsqu'ils auront lu beaucoup de choses sans maîtres, ils se croiront de nombreuses connaissances, tout ignorants qu'ils seront pour la plupart, et la fausse opinion qu'ils auront de, leur science les rendra insupportables dans le commerce de la vie.