7/30/2019 Lucier, P. - Camille Laurin et lducation : des vises long terme, 29 mai 2009
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Camille Laurin et lducation : des vises long terme
Pierre Lucier
Chaire Fernand-Dumont sur la culture
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Camille Laurin a t ministre de lducation du 6 novembre 1980 au 5 mars 1984, soit
presque deux fois plus longtemps que la moyenne observe depuis 1964 chez les
titulaires de ce ministre en fait, le quatrime plus long mandat aprs les ministres
Claude Ryan, Jacques-Yvan Morin et Franois Cloutier. Mais, si lon se souvient
demble du pre de la Loi 101, il arrive souvent que lon oublie de mentionner celui
qui a tenu les rnes du Ministre de lducation dans les annes difficiles qui ont suivi le
rfrendum de 1980 et marqu le deuxime gouvernement Lvesque.
Le prsent propos nentend pas entreprendre de corriger cet apparent blanc de mmoire,
la mmoire tant souveraine en matire de souvenir et se conjuguant toujours vainement
limpratif. Il convient mieux lesprit et la manire du Docteur Laurin car cest
ainsi quil aimait tre appel de procder quelques coups de sonde sur le fond des
choses et de faire ainsi merger des hritages majeurs qui, le plus souvent sans porter son
nom, ont structur le paysage de lducation, la faon de balises qui ont accompagn et
structur lvolution de la mission ducative au cours du dernier quart de sicle.
On le fera en deux temps. Dans une premire partie, de type introductoire, on esquissera
le projet ducatif densemble du Docteur Laurin, un vaste projet qui a pris forme avant sa
nomination lducation et quil a t contraint de devoir raliser dans un contexte
radicalement diffrent de celui dans lequel il lavait pens et approfondi. Ce sera comme
une toile de fond pour la bonne saisie de luvre. Dans une deuxime partie, qui
constitue le corps de ce propos, on identifiera un certain nombre de chantiers dans
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lesquels le Docteur Laurin sest engag, ceux dont il a pris les relais et ceux quil a lui-
mme ouverts. On en rappellera les pices centrales et on les mettra en lien avec des
orientations et des dcisions qui ont ensuite ponctu lvolution du systme qubcois
dducation. Cette analyse devrait conduire le lecteur conclure quil ny a pas de
commune mesure entre le poids rel de lhritage Laurin et le souvenir quon en a
couramment.
Cest la comprhension des faits, des crits, des gestes publics qui servira ici de guide, et
non quelque interprtation des motivations ou des aspirations intimes. Des conversations,
des textes indits, des pices darchives non encore libres, certaines consistant
justement en des bilans de sa propre action, on ne gardera, mais sans les identifier, que ce
quils ont fourni de confirmation.
1. Un vaste projet ducatif
Camille Laurin ne sest pas improvis comme promoteur de la mission ducative. On en
trouve videmment des enracinements lointains dans ses tches denseignement et de
vulgarisation scientifique tout autant que dans son action pour la rorganisation des soins
psychiatriques au Qubec. Mais on pensera surtout aux annes 1976-1980, o il fut
ministre dtat au dveloppement culturel.
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traitement quitable du droit dauteur et qui sest traduit dans un dispositif, ax sur
laccs et le respect, toujours unique au Canada, visait beaucoup lutilisation scolaire des
uvres. Lidentification dune culture de convergence8 comme fondement et repre
des approches relatives laccueil des immigrants et au dveloppement des
communauts culturelles visait aussi trs directement le projet dducation
interculturelle9 dont lcole qubcoise sest nourrie jusquici et qui semble avoir pouss
la Commission Bouchard-Taylor jusqu ses derniers retranchements10.
8 Voir :Autant de faons dtre Qubcois. Plan daction du Gouvernement du Qubec lintention des
communauts culturelles, Qubec, Ministre dtat au dveloppement culturel et scientifique, 1981, 78 p.Cest sur ce concept de culture de convergence quon sy appuie pour viser lintgration de la diversiten se dmarquant du multiculturalisme canadien : La socit qubcoise na pas () adopter les
principes du multiculturalisme, tels que voudrait les mettre en uvre la mosaque canadienne. Ledveloppement des divers groupes culturels qubcois passe par la vitalit collective de la socit franaisequest le Qubec. Un peu comme une branche ou des greffes profitent de lenracinement et de la sve delarbre tout entier. Cest cette condition seulement que tous pourront se sentir vraiment Qubcois. On nesera plus en prsence dune juxtaposition des traditions culturelles, mais devant une convergence desefforts vers la ralisation dun projet culturel collectif. Et on aura vit lassimilation des groupesminoritaires puisque chacun, bien reli lensemble et capable de communiquer avec les autres, auraconscience de ce quil apporte doriginal au dveloppement culturel qubcois (p. 12). Issu de la
politique du dveloppement culturel et mis en route par Camille Laurin, ce plan daction a t men termeet prsent par son successeur au Ministre dtat au dveloppement culturel et scientifique, Jacques-YvanMorin.
9 Les grands documents, la fois phares et tmoins, se succdent depuis lors comme rfrences pourlaction du systme scolaire dans ce domaine. Voir, par exemple : Conseil suprieur de lducation,Lducation interculturelle, Qubec, 1983, 51 p.; Commission des tats gnraux sur lducation,Rnovernotre systme dducation : dix chantiers prioritaires. Rapport final, Qubec, 1996, 90 p. (Une des tchesse rattachant au premier chantier prioritaire propos recommandait dlaborer un nonc dorientation qui
prciserait les responsabilits de lducation en matire dintgration des lves immigrants et dducationinterculturelle, p. 11-12.); Ministre de lducation, Une cole davenir. Politique en matiredintgration scolaire et dducation interculturelle, Qubec, 1998, 42 p. Au Ministre de lducation, du
Loisir et du Sport, il y a toujours une Direction des services aux communauts culturelles, dont un voletmajeur du mandat est le dveloppement de lducation interculturelle. On observe aussi que plusieurscommissions scolaires se sont dotes dune politique dducation interculturelle; cest le cas, parexemple, des commissions scolaires de Montral, English Montreal, Marguerite-Bourgeoys, Marie-Victorin, Laval, Sherbrooke, des Sommets, Lester B. Pearson.
10 Ds son document de consultation (Vers un terrain dentente : la parole aux citoyens, Qubec, 2007, 44p.), la Commission fait tat dAutant de faons dtre Qubcois et du concept de convergence culturelle(p. 14). Mais, dans la dfinition de linterculturalisme quelle propose, elle ne retient pas lide:
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Ces mentions concernent des dossiers que le Docteur Laurin a lui-mme pilots comme
ministre dtat au dveloppement culturel et dont la porte ducative tait explicite.
Mais, comme ministre dtat et conjointement avec le ministre de lducation, Camille
Laurin a aussi pris des initiatives relevant directement du champ de la mission ducative.
Il faut surtout penser ici la Commission dtude sur les universits (Commission
Angers)11 12et la Commission dtude sur lducation des adultes (Commission Jean) ,
deux entreprises denvergure dont le mandat et la visibilit doivent beaucoup la volont
Interculturalisme : politique ou modle prconisant des rapports harmonieux entre cultures, fonds surlchange intensif et axs sur un mode dintgration qui ne cherche pas abolir les diffrences (p. 42). Lerapport final (Fonder lavenir. Le temps de la conciliation, Qubec, 2008, 307 p.) propose la mmedfinition (p. 287), mais sans rfrence quelque culture de convergence. La raison en est explicitementfournie : Dans ses versions anciennes et rcentes, linterculturalisme qubcois est porteur dune tensionentre deux ples : dun ct, la diversit ethnoculturelle et, de lautre, la continuit du noyau francophone etla prservation du lien social. Il se caractrise aussi par laccent (variable) mis sur le second ple. Mais cetaccent, qui fait cho linscurit culturelle des Francophones, leur sensibilit de minoritaires, se traduit
principalement par une vigilance accrue pour tout ce qui touche lintgration et par une valorisation desrapprochements (changes, communication, interaction, concertation, formation dune culture commune,action intercommunautaire, enrichissement mutuel). (p. 119). On comprend ds lors la difficultquprouve la Commission distinguer fonctionnellement linterculturalisme, propos duquel ellerecommande que ltat entreprenne une vigoureuse campagne de promotion (recommandation D1), et le
multiculturalisme, ce systme ax sur le respect et la promotion de la diversit ethnique dans une socit,qui peut conduire lide que lidentit commune dune socit se dfinit exclusivement par rfrence des principes politiques plutt qu une culture, une ethnicit ou une histoire (p. 288). On est loin de laculture de convergence que Laurin plaait au centre des dynamiques interculturelles.
11 Cette commission, prside par Pierre Angers, fut mise sur pied par le dcret gouvernemental 2374 -77du 20 juillet 1977 sur la proposition du ministre de lducation et du ministre dtat au dveloppementculturel; son mandat, soumis par les deux ministres, avait t approuv par le Conseil des ministres le 29
juin 1977 (Dcision 77-253). Le ministre de lducation et le ministre dtat au dveloppement culturel entaient les rpondants gouvernementaux. Guy Rocher, sous-ministre au Dveloppement culturel, sigeait aucomit de coordination titre dobservateur. La commission remit son rapport en mai 1979. En fait, ilsagit de quatre rapports : lun provient du comit de coordination, les trois autres proviennent de trois
comits sectoriels luniversit et la socit qubcoise; lorganisation du systme universitaire; laformation et le perfectionnement des enseignants. Les divergences de vues entre les comits et lesdissidences exprimes lintrieur de lun des comits nont pas beaucoup favoris la mise en uvre dessuivis souhaitables.
12 Cette commission, prside par Michle Jean, fut cre par le dcret gouvernemental 129-80 du 23janvier 1980. Ce dcret confiait au ministre Laurin la prsidence du comit ministriel charg de sonapplication.
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du Docteur Laurin den faire deux dossiers du plus haut niveau politique. Le ministre
dtat eut alors justifier son intrt en montrant la porte supra-sectorielle de ces deux
dossiers. On a alors bien compris quil entendait sassurer ainsi den marquer
limportance et lamplitude.
Comme ministre responsable de la coordination du secteur culturel, Camille Laurin a
galement affirm sa prsence et son influence dans des dossiers sectoriels de la mission
ducative. On pense ici surtout au Livre vert (1977)13 et au Livre blanc orange, en fait!
(1979) sur lcole qubcoise14 15, au Livre blanc sur les collges (1978) , de mme
quaux livres vert (1977)16 17et blanc (1980) sur la politique du loisir, dont la
responsabilit politique et administrative tait alors loge au Ministre de lducation. Par
une participation active et directe aux processus dlaboration, voire de rdaction, il a
voulu imprimer sa vision des choses, son appui politique semblant alors compenser pour
une intervention parfois juge lourde par les ministres responsables.
13Lenseignement primaire et secondaire au Qubec. Livre vert, Qubec, Ministre de lducation, 1977,147 p.
14Lcole qubcoise. nonc de politique et plan daction, Qubec, Ministre de lducation, 1979, 163 p.
15Les collges du Qubec. Nouvelle tape.Projet du Gouvernement lendroit des cegep, Qubec.Ministre de lducation, 1978, 79 p.
16Prendre notre temps.Livre vert sur le loisir au Qubec, Qubec, Haut-Commissariat la jeunesse, auxloisirs et aux sports, 1977, 87 p.
17On a un monde rcrer. Livre blanc sur le loisir au Qubec, Qubec, Gouvernement du Qubec, 1979,107 p.
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On le voit, les proccupations et les vises ducatives ont occup une grande place dans
laction de Camille Laurin comme ministre dtat au dveloppement culturel et se sont
traduites dans un ensemble de politiques et damnagements dans le champ mme de
lducation. Il faut le souligner car, ds ces annes passes au-dessus des impratifs de la
gestion sectorielle quotidienne, le Docteur Laurin sest dfini comme porteur dune
vision de la mission ducative. telle enseigne que sa nomination lducation,
lautomne 1980, a pu tre vue par plusieurs ou bien comme une suite logique de son
mandat au Conseil excutif, ou bien comme une sorte de rgularisation de la situation.
Personne ne stonnera donc que, quoique en toute fin de mandat gouvernemental et laveille dun rendez-vous lectoral, Camille Laurin soit arriv lducation avec des
cartons abondamment garnis et bien dcid poursuivre sur sa lance. De fait, ds les
premires semaines dans son nouveau poste, il a command des travaux denvergure sur
plusieurs pans du systme dducation restructuration scolaire, universits, formation
des matres, formation professionnelle, etc.
Le Docteur Laurin voulait labourer tout le terrain, retourner chaque pierre, aimait-il
dire. Tout couvrir, tout remuer, tout recentrer sur le dveloppement quil jugeait le plus
important en vue de la prise en main collective dont il rvait. maints gards, ctait l
des ambitions dmesures, dont il savait pertinemment quil ne pourrait pas les raliser
toutes, et pour plusieurs raisons. Dabord, bien sr, parce que la conjoncture politique,
sociale et conomique avait bien chang depuis llan euphorique des premires annes
du gouvernement Lvesque : le gouvernement souverainiste avait perdu la bataille
rfrendaire, les difficults conomiques commenaient imposer des coupures
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18massives, les ngociations collectives de 1982-1985 sannonaient ardues -et elles le
furent-, le nombre et limportance des rformes gouvernementales avaient engendr des
lassitudes, etc. Laurin tait aussi bien conscient que laction dun ministre sectoriel
engag dans la gestion du quotidien et dans des partenariats-rseaux complexes na peu
prs rien voir avec celle dun ministre dtat, libre des contraintes et des
responsabilits oprationnelles directes. Et puis, disons-le, il savait fort bien quil faisait
peur : et si sa dtermination, son intelligence, son sens de la stratgie, son poids
politique allaient modifier le jeu des influences et des alliances en place? Bref, on le
voyait venir : avec respect, mais non sans crainte.
Homme didal, Camille Laurin ntait pas idaliste au sens o il naurait pas bien
mesur ltat des lieux. Mais il avait accept, comme il le disait, de ne pas voir court
terme tous les rsultats escompts des orientations et des balises quil voulait donner
lducation. Conscient dtre certains gards contretemps et de foncer sur ce qui
serait des murs, il tait pourtant convaincu que, le moment venu, une partie de la route
aurait t trace. Il avait bien appris de Freud que la satisfaction peut tre diffre. Cest
illustrer certains lments majeurs de ces actions longue porte que semploie la
deuxime partie de ce propos.
18 Ces difficiles ngociations se firent, comme dhabitude, sous la gouverne du Conseil du Trsor. Commeministre responsable dune importante portion du secteur public, et en dpit de son intrt plus que limit
pour ce type de travaux, Camille Laurin y fut associ et tint y jouer la solidarit gouvernementalejusquau bout, y compris dans la dcision dimposer la ponction salariale de trois mois courammentdsigne comme la piscine. Son action en ducation, cependant, a longtemps port le poids et lescicatrices de ces mois de crise.
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2. Des chantiers nombreux
La liste des chantiers mis en uvre par Camille Laurin, ministre de lducation, est elle
seule impressionnante et tmoigne, dans le contexte du deuxime gouvernement
Lvesque, dintentions long terme bien davantage que de projets immdiats. On peut
mme dire que plusieurs de ces chantiers seront, pour des temps variables, laisss en
plan, littralement inachevs. Cest la suite des vnements qui en dvoilera la porte
relle.
2.1 Des relais assums
Il y a dabord, hrites des oprations antrieures, des tches que Camille Laurin a tenu
mener terme, comme pour assurer les points de non-retour. Cest le cas, par exemple,
des rgimes pdagogiques du primaire et du secondaire adopts et annoncs ds fvrier
198119. On oublie gnralement quil sagissait l des premiers rgimes pdagogiques
ayant statut de rglement gouvernemental20 adopt en vertu de la Loi sur lInstruction
publique, dfinissant les services ducatifs auxquels les lves ont droit et balisant les
contenus dapprentissage pour lensemble de lcole de base. Ce type dinstrument
19 Les rgimes furent adopts par le dcret gouvernemental 552-81du 25 fvrier 1981 et rendus publics lelendemain, en mme temps que dautres mesures dcoulant deLcole qubcoise , dont une politiquegnrale dvaluation pdagogique et un projet de politique des services personnels aux lves.
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La lgislation de 1964 avait, de faon bien indirecte au demeurant, plac dans laLoi sur le Conseilsuprieur de lducation le pouvoir du ministre de lducation de faire des rglements en matirepdagogique. Larticle 30 stipulait que le ministre tait tenu de consulter le Conseil sur tout projet derglement quil comptait adopter. Cest ainsi que les rglements les plus connus en matire dorganisation
pdagogique et doctroi dautorisations denseigner (rglement no 4) furent, pendant longtempsjusqutout rcemment dans le cas des autorisations denseigner, des rglements adopts en vertu de laLoi surle Conseil suprieur de lducation. Les nouveaux rgimes pdagogiques remplaaient ainsi les rglements2, 6 et 7.
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rglementaire va maintenant de soi, mais il nen tait pas ainsi lpoque et tout le
monde nen rclamait pas. quelques semaines du dclenchement des lections, il avait
tenu sceller ainsi lentreprise de son prdcesseur, Lcole qubcoise de 1979, forant
mme le jeu en annonant le report progressif de la date dentre lcole du 31
septembre au 31 dcembre et lallongement du temps denseignement au primaire, des
mesures propos desquelles le contexte de rcession fora ensuite le gouvernement
plusieurs avances et reculs21 et dont le dnouement dut attendre les annes 1990. Du
mme coup, il assurait les bases de la rvision des programmes dtudes alors en cours,
qui allaient passer des programmes cadres des annes soixante-dix des programmes parobjectifs22 23appuys par une politique approprie dvaluation des apprentissages , une
autre premire.
21 Au cours des annes 1980, le Conseil suprieur de lducation dut se prononcer plusieurs fois surlallongement ou le gel du temps prescrit, telle enseigne que, dans un avis de 1986, il pouvait affirmer,
sans que le ministre dalors ne sen formalise, que le dossier du temps prescrit au primaire commence ressembler une saga (Projets damendements au rgime pdagogique du primaire. Avis au ministre delducation, octobre 1986, p. 19). Voir les lments de cette saga dans : Conseil suprieur delducation, Le temps prescrit lducation prscolaire et au primaire, avril 1983;Projet de rglementmodifiant le Rglement sur le rgime pdagogique du primaire et lducation prscolaire et le Rglementsur le rgime pdagogique du secondaire, aot 1984, p. 8-10;Le gel du temps prescrit lducationprscolaire et au primaire, juin 1986;Projets damendements au rgime pdagogique du primaire, octobre1986, p. 19-20.
22 Ainsi senclencha une nouvelle gnration de programmes, la plupart accompagns de Guidespdagogiques. On la dsigna familirement comme la mare bleue pour le primaire et comme la mareverte pour le secondaire, du nom des couleurs dominant cette double dition. [Il arrive couramment que,
mieux intentionns que bien informs, des observateurs voquent les incessantes rformes deprogrammes denseignement. En fait, aprs les dcennies de programmes-catalogues , les programmes-cadres du tournant des annes 1970 ont constitu la premire gnration de nouveaux programmes. Lesprogrammes par objectifs des annes 1980, issus deLcole qubcoise, en ont form la deuximegnration. Les programmes par comptence issus de la Rforme pdagogique amorce en 1997 larforme Marois en sont la troisime gnration.]
23Politique gnrale dvaluation pdagogique. Secteur du prscolaire, du primaire et du secondaire,Qubec, Ministre de lducation, 1981. Cette politique a t en vigueur jusqu la politique de 2003,
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Il compltera, peu avant son dpart en 1984, le mme type dopration pour ladoption du
rgime pdagogique du collgial, qui tait galement une premire, les collges ayant
fonctionn jusque-l avec un rgime convenu sans valeur juridique assure. Prvu dans le
livre blanc sur les collges de 197824, on se souviendra que ce projet de rgime avait
tran travers la crise conomique et les difficiles ngociations du secteur public. Aprs
avoir pass le test dune commission parlementaire anime la fin de 198325, et sachant
quil nen retirerait pas grand-chose pour lui-mme une semaine dun dpart quil
connaissait dj, Camille Laurin avait tenu aller chercher ce rglement26. Le voici,
enfin! , avait-il gliss au retour de la sance du Conseil des ministres.
tre valu pour mieux apprendre. Politique dvaluation des apprentissages, Qubec, Ministre delducation, 2003, 68 p.
24 Le rgime pdagogique fait lobjet du chapitre le plus long :Les collges du Qubec, p.47-57. Auxyeux du gouvernement, peut-on lire en conclusion de ce chapitre, ces ajustements du rgime
pdagogique constituent la pice matresse de la relance souhaite de lenseignement collgial. Ils noussituent demble au cur des pratiques ducatives et la source de tous les renouveaux. Cest aussi ceniveau que se dessinent les dfis essentiels lancs aux agents de lenseignement collgial et, au premierchef, aux enseignants (p. 57). Dans sa prsentation duPlan de travail pour donner suite au projet duGouvernement lendroit des collges (Qubec, Ministre de lducation, 1980, 23 p.), le ministre Jacques-Yvan Morin (p. 5) parle aussi du rgime pdagogique comme de la pice matresse du renouveausouhait.
25Journal des dbats, Commission permanente de lducation, 32e Lgislature, 4e session, 7 dcembre1983 (no 184, B-10081-10141), 8 dcembre 1983 (no 186, B-10245-10336) et 9 dcembre 1983 (no 191,B-10517-10554).
26 Le rgime pdagogique fut adopt par le dcret gouvernemental 464-84, le 29 fvrier 1984. Le 5 mars1984, le Docteur Laurin quittait le Ministre de lducation.
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32 33 34lessentiel , Maintenir le cap , Les rendez-vous de lavenir : une smantique
toute centre sur les objectifs identifier et les directions prendre, par-del les
mandres de leur mise en uvre. Cest dailleurs ainsi quil dfinissait le rle du dcideur
politique : indiquer la direction prendre et convaincre du bien-fond de sy engager.
Ctait, selon ce quil rptait, le meilleur moyen de travailler en vue du long terme.
Certains des chantiers quil a ainsi ouverts sont particulirement rvlateurs de cette
approche des choses et mritent quon les examine brivement sous cet angle.
2.2.1 Lcole de base
La restructuration du systme scolaire entendons par l des modifications touchant les
rles et les responsabilits des diverses instances et leur organisation linguistique et
confessionnelle est un dossier qui avait t clairement problmatis par la Commission
Parent35, mais pratiquement laiss en plan depuis lors. Plusieurs tentatives de
restructuration, notamment Montral, avaient t faites dans les annes 70, dont celle du
ministre Guy Saint-Pierre, que lOpposition pquiste Camille Laurin en tte avait
battue en brche, au motif que la langue franaise naurait pas t adquatement
32Discerner lessentiel. Lducation en 1981-1982, Discours loccasion de la dfense des crdits, 11 juin1981.
33Maintenir le cap. Lducation en 1982-1983, Discours loccasion de la dfense des crdits, 4 mai1982.
34Les rendez-vous de lavenir. Lducation en 1983-1984, Discours loccasion de la dfense des crdits,3 mai 1983.
35Rapport de laCommission royale denqute sur lenseignement dans la province de Qubec, Tome III,Ire partie (Diversit religieuse, culturelle, et unit de ladministration), Qubec, 1966.
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36protge . Plusieurs signes donnent penser que Camille Laurin a toujours regrett
lissue strile de cette opration et stait pour ainsi dire jur dy revenir un jour37. En
1976, il sinvestit prioritairement dans la question linguistique, tout en appuyant
stratgiquement son collgue de lducation, qui avait dcid de sengager dans une vaste
rforme pdagogique sans sattaquer au difficile dossier des structures scolaires. Mais il
nen pensait pas moins. telle enseigne que, ds son arrive lducation lautomne
1980, et fort des avances de la loi 101 sur la langue denseignement, Camille Laurin
avait bel et bien son plan en tte : prendre sans tarder le relais de la rforme de Jacques-
Yvan Morin et, malgr une conjoncture qui chaque mois sassombrissait, sattaquerfrontalement la restructuration du systme scolaire, avec le souci de montrer que la
fcondit de la rforme pdagogique entreprise lexigeait.
Le livre blanc de 1982 Lcole qubcoise, une cole communautaire et responsable
campa demble le projet : placer lcole au centre du systme scolaire, la faire exister
comme entit spcifique, lui reconnatre des pouvoirs et des responsabilits pdagogiques
dornavant accrues et exerces par un conseil, lui donner un meilleur contrle de
36 En fait, en juillet 1971, le ministre Guy Saint-Pierre dposa deux projets de loi. Lun le projet de loi28 prvoyait des commissions scolaires unifies sur lle de Montral; lautre le projet de loi 27, lafaon dun contrepoids politique, proposait, pour lensemble du territoire qubcois en dehors de Montralet de Qubec, de rduire substantiellement le nombre des commissions scolaires, qui seraient dornavant
dsignes pour catholiques ou pour protestants, un statut confessionnel quelles navaient jamais euauparavant. Rsultat paradoxal de la stratgie de lOpposition pquiste, le projet de loi 28 fut retir et le
projet de loi 27, adopt! On obtenait ainsi un effet juridique de confessionnalisation accrue, alors quonvisait linverse.
37 Dans le premier chapitre deLcole qubcoise : une cole communautaire et responsable (Qubec,Ministre de lducation, 1982, 99 p.), intitul Une rforme scolaire inacheve (p. 5-16), le docteurLaurin avait explicitement souhait que cette histoire soit raconte, brivement mais clairement.
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lensemble de ses ressources en vue de raliser son projet ducatif, en faire le lieu
dexercice des droits linguistiques et confessionnels. Les catholiques et les protestants
conserveraient leur droit des services conformes leurs convictions, mais ce serait
dornavant en vertu de la Loi sur linstruction publique et non en vertu des dcisions des
comits confessionnels, un systme universel de triple option devant remplacer un
rgime dexemption jug inadquat. Dans un systme ainsi recentr, les commissions
scolaires, dj limites dans leur pouvoir de taxation par une rforme fiscale que Laurin
avait appuye38, deviendraient des coopratives de services orientes vers les besoins
des coles. En dehors des territoires dorigine de Montral et de Qubec et tout enmaintenant ailleurs le droit constitutionnel la dissidence, elles ne seraient plus
confessionnelles. Elles seraient linguistiques ou unifies, intgres sur lensemble du
territoire et rduites de 250 environ une centaine, pour calquer globalement la carte des
municipalits rgionales de comt. Quant aux coles prives, que Camille Laurin
considrait comme faisant partie dun mme et unique systme dducation, elles seraient
invites sassocier plus troitement au projet scolaire commun 39.
38 Projet de loi 57,Loi sur la fiscalit municipale, 1979
39 Lanne prcdente, en 1981, le mode et le niveau de financement de lenseignement priv avaient tsignificativement modifis. Par des amendements lgislatifs que le ministre des Finances avaient co-
parrains avec le ministre Laurin et qui avaient fait se masser les protestataires dans le salon rouge delAssemble nationale, on avait introduit dans la loi des montants de subventions par lve pour remplacerles pourcentages des cots du secteur public pratiqus jusqualors, ce qui avait eu pour effet de diminuerles subventions gouvernementales un pourcentage dun peu plus de 50%, soit beaucoup moins que ce quitait vers depuis ladoption de laLoi sur lenseignement priv de 1968. Le Docteur Laurin avait djvoqu une rforme plus globale de cette loi. En 1979, il avait mme fait esquisser un projet de politiquequi devait y conduire, mais des positions irrconciliables au sein mme du Parti qubcois avaient faitavorter cet essai sur un dossier qui a toujours eu des allures de quadrature du cercle politique. Il dut donc serabattre sur cette mesure financire cible, alors mise au compte de la rcession conomique plutt que surquelque position politique ou idologique. La refonte de la loi, dailleurs sans grande rvolution,attendra1992 et laction conjointe des ministres Michel Pag et Lucienne Robillard, donc bien aprs que leministre Claude Ryan eut demand lavis pralable de la Commission consultative de lenseignement priv.
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La bouche tait norme, cela va sans dire. Le Docteur Laurin tait pleinement conscient
de sen prendre lensemble de ldifice, de soulever coup sr les protestations des
commissions scolaires et de braver larticle 93 de la Constitution canadienne, dont il
entendait par ailleurs respecter la stricte lettre. Prcis et incisif sur les changements
prconiss, Camille Laurin avait voulu que le chapitre central du livre blanc expose les
vises fondamentales du projet. Dans des pages directement inspires de ses propos, on y
montre comment et pourquoi le projet constitue une option pour la qualit 40 et une
option pour lessentiel41. La pense ducative de Camille Laurin, centre sur la
personne et son dsir sans fin, y atteint un degr de clart et de profondeur qui en fait
un incontournable pour qui veut saisir les vises ducatives de lhomme politique42. Y
40Lcole qubcoise : une cole communautaire et responsable, p. 42-44.
41Ibid., p. 44-46.
42 Quel est-il cet essentiel en ducation, si ce nest la personne humaine elle-mme, son dsir dapprendreet de se dvelopper, sa soif de connatre, sa passion de vivre, ses rythmes dvolution, sa manire toujoursimprvisible de se dcouvrir elle-mme en mme temps quelle dcouvre le monde et se lapproprie?Lenfant ladolescent, ladulte nest pas un rservoir que lon remplit ou un robot qui reoitmcaniquement les informations quon lui transmet et les accumule froidement, quelle que soit la qualit deson environnement humain. Il est bien plutt un tre vivant et rflchi qui, en dcouvrant le monde et enapprenant le nommer et le matriser, renoue pour ainsi dire avec sa nature profonde, qui est elle-mmemmoire dhumanit, capacit insatiable de connatre, daimer, dentrer en relation avec lautre; capacit degoter aussi, dapprcier, de distinguer, de choisir, selon son lan ou ce quon pourrait appeler sa penteirrpressible de libert et dautonomie. duquer, cest donc aller la rencontre dun dynamisme djimprgn dintelligence, de dsir, de libert et mme de projet. Bien sr, moins de glisser dans quelque
vision idyllique de lhumanit, nous faut-il reconnatre que, mme lorsque nous sommes tout disposs apprendre et progresser, des obstacles nombreux se dressent devant nous, commencer par ceux quisurgissent du dedans de nous-mmes. La paresse, la lassitude, la peur de leffort, lennui nous guettent sanscesse. Cest pour cela que lapprentissage et lducation sont aussi entranement, discipline, rigueur,valuation, ajustement constant, parfois redressement. Mais duquer, cest toujours accompagner un sujetqui est son propre agent de dveloppement et qui est finalement responsable de sa propre croissance. (p.44-45). () Nous sommes ainsi renvoys une conception de lducation fondamentalement centre surla personne, son dveloppement, ses apprentissages, son insertion dans une culture et dans une socit, etsur la ncessit damnager lenvironnement ducatif le plus propice possible ses cheminements. Une
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affleure aussi nettement lordonnancement des matires du projet de Loi 40, qui a prsid
toutes les versions de la Loi sur linstruction publique qui se sont succdes depuis
lors : llve, lenseignant, les parents, lcole, le milieu dappartenance, la commission
scolaire, le ministre. En somme, lessentiel au centre et la raison dtre au dbut.
On connat la suite: retrait du projet de loi 40, mutation du ministre Laurin au Ministre
de la Sant et des Affaires sociales, rdaction et prsentation dun nouveau projet de loi
par le ministre Yves Brub43, prsentation de la loi 107 par le ministre Claude Ryan du
nouveau gouvernement libral avec renvoi la Cour suprme sur la question
confessionnelle, etc. Cet chec importe ici moins que la suite de lhistoire, qui nous
amne lamendement constitutionnel de 1997, la cration de commissions scolaires
linguistiques44 et, toujours en 1997, la redfinition des rles respectifs de lcole et de
la commission scolaire45. Ce qui frappe, lanalyse mme sommaire de ces
dveloppements, cest la permanence des ides de fond du livre blanc de 1982 et du
projet de loi 40 qui le traduisait. On pourrait tablir une corrlation presque point par
point entre ce que le Docteur Laurin proposait et ce qui, maintenant, nest plus gure
conception de lducation qui table sur la capacit des communauts dappartenance dassumer, en liaisonet en harmonie avec lensemble de la collectivit socioculturelle, la responsabilit immdiate de cetenvironnement ducatif. Une conception de lducation qui nisole pas lcole de la vie et qui, en mmetemps quelle se soucie de communiquer des savoirs, se proccupe de sensibiliser et dexposer aux
valeurs les plus fondatrices de la culture. Une conception qui subordonne ladministratif au pdagogique,le comment au pourquoi. (p. 46).
43 LeProjet de loi 3. Le projet fut adopt, mais la loi fut rapidement invalide par la Cour pour motifdinconstitutionnalit.
44 Projet de loi 109,Loimodifiant laLoi sur lInstruction publique.
45 Projet de loi 180,Loi modifiant la Loi sur lInstruction publique et diverses dispositions lgislatives.
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discut tant cela fait partie des rfrences conceptuelles et institutionnelles communes.
Lcole existe maintenant comme instance identifie, elle a un conseil dtablissement,
elle exerce dimportants pouvoirs en matire de services ducatifs, elle est capable de
conclure des partenariats communautaires, la Constitution canadienne a t amende, les
commissions scolaires sont intgres et tablies sur des bases linguistiques, etc. Cest
proprement saisissant. En matire confessionnelle, Camille Laurin avait t de son temps
et de sa gnration et navait pas envisag directement la dconfessionnalisation
complte maintenant ralise. Mais, aprs le livre blanc de 1982, cest bel et bien la Loi
sur linstruction publique qui a dfini les services confessionnels offrir et laConstitution canadienne est de plus en plus apparue tous comme tant le verrou46
empchant les volutions souhaitables. lchelle du long terme, il ne stait donc pas
tromp.
2.2.2 Lducation permanente
La Commission Jean, dont il avait propos le mandat en janvier 1980, remit son
volumineux rapport en fvrier 198247. On tait alors en pleine crise des ngociations des
46 En janvier 1986, peu aprs le jugement invalidant la loi issue du Projet de loi 3, le Conseil suprieur delducation avait recommand au Ministre de cibler lamendement de larticle 93 comme un des objets desngociations constitutionnelles alors annonces. Voir : Conseil suprieur de lducation, Pour une
volution quitable des structures scolaires de Qubec. Avis au ministre de lducation, janvier 1986, 4 p.Rencontrant le Conseil quelques mois plus tard, selon une habitude quil fut le seul ministre pratiquer demanire rgulire, le ministre Claude Ryan avait eu cet unique commentaire : Ce nest pas votre meilleuravis!
47 Commission dtude sur la formation des adultes,Apprendre : une action volontaire et responsable.nonc dune politique globale de lducation des adultes dans une perspective dducation permanente,Qubec, Gouvernement du Qubec, 1982, 869 p.
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conventions collectives du secteur public. Coinc de toutes parts par des impratifs
budgtaires dont le poids tait devenu norme, Camille Laurin ne sengagea pas moins
lui donner suite. Au dbut de 1984, avec ses collgues Pauline Marois de la Main-
duvre et Denise Leblanc-Bentey de la Condition fminine, il fit adopter et lana Un
projet dducation permanente48 49. Ceux qui, en 2002 , ont annonc ce quils ont appel
la premire politique dducation des adultes du gouvernement avaient sans doute rat
ou oubli les avances majeures de cette politique de 1984, laquelle allait tablir jusqu
aujourdhui lducation permanente comme obligation structurante de lensemble des
rseaux de lducation et laccs des formations qualifiantes comme cible stratgiqueprioritaire. Cette politique prenait acte de la pluralit des ministres et des lieux
qubcois dintervention, et elle dfinissait une rpartition des tches qui, dfaut de
supprimer immdiatement toutes les lourdeurs, allait puissamment contribuer mettre fin
limbroglio des rapports entre lducation et la Main-duvre et clarifier les choses
pratiquement jusqu maintenant.
En affirmant demble la mission des rseaux et du Ministre de lducation en matire
dducation permanente et daccueil des adultes, dans le cadre scolaire aussi bien que
dans le cadre non scolaire, en prcisant leur mission de service par rapport aux
48Un projet dducation permanente. nonc dorientation et plan daction en ducation des adultes,Qubec. Gouvernement du Qubec, 1984, 77 p.
49Apprendre tout au long de la vie.Politique gouvernementale dducation des adultes et de formationcontinue, Qubec, Ministre de lducation, 2002, 43 p. Cette politique, qui reprend plusieurs des choixfondamentaux de la politique de 1984 et qui fut galement coparraine par le ministre de lducation et laministre dlgue lEmploi, tait accompagne duPlan daction en matire dducation des adultes et deformation continue, Qubec, Ministre de lducation, 2002, 40 p.
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programmes de dveloppement de la main-duvre grs par les rseaux et le Ministre
de la main-duvre, eux-mmes articuls aux programmes fdraux dintervention, la
politique de 1984 a permis une clarification des pratiques et un assainissement des
climats qui ne comptent pas pour peu dans la concertation rgionale et nationale accrue
qui a suivi, rendant elle-mme ensuite possible la cration de la Socit qubcoise de
dveloppement de la main-duvre50 et de ses versions subsquentes, puis lentente
administrative qui scella le transfert au Qubec de la gestion de grands programmes
fdraux en dveloppement des ressources humaines51. Camille Laurin rsista aux
pressions alors exerces pour imposer le monopole de lducation ou pour lgitimerlintrusion des rseaux de la Main-duvre dans le champ de la formation et russit
rpondre au voeu du Premier ministre de rduire une page la prsentation du
cheminement des activits de lEntente ducation-Main-duvre, qui tenait alors
peine dans un diagramme de plus dun mtre de longueur!
Les pices du vaste puzzle taient ds lors en place, de mme que les enjeux concrets
toujours considrs comme allant de soi : approche renouvele de la distinction jeune-
adulte, vise du Diplme dtudes secondaires (DES) comme seuil minimal pour tous,
diversification des pratiques pdagogiques, reconnaissance des acquis de formation,
formation distance, formation en alternance, concertation rgionale et nationale des
50 La cration de la Socit qubcoise de la Main-duvre (SQDM) fut annonce dans le livre blanc de1991 :Partenaires pour un Qubec comptent et comptitif. nonc de politique sur le dveloppement dela main-duvre, Qubec, Ministre de la Main-duvre, de la Scurit du revenu et de la Formation
professionnelle, 1991, 85 p.
51 Lentente Canada-Qubec sur le partage des responsabilits en matire de main-duvre fut ratifie le 21avril 1997. Lanne suivante, la SQDM disparaissait, au profit dEmploi-Qubec.
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partenaires du march du travail, soutien aux organismes dducation populaire, tout ce
autour de quoi gravitent toujours les engagements gouvernementaux en matire de
dveloppement de la main-duvre. Ici aussi les textes et les faits parlent deux-mmes :
la politique de 1984 a balis la suite des choses, et manifestement par le fond.
2.2.3 Les universits
Lenseignement et la recherche universitaires avaient dj proccup Camille Laurin
alors quil tait ministre dtat au dveloppement culturel, on la dj mentionn en
rappelant la mise sur pied de la Commission Angers et la vaste opration relative la
politique de dveloppement scientifique. Comme ministre de lducation52, cest ds
fvrier 1981 quil voulut jeter les bases de ce quil faut bien appeler une premire
politique des universits53, encore que, comme il le rappelait cette occasion, les rgles
qui prsident au financement gouvernemental sont elles-mmes objectivement,
disait-il un discours dorientation et un nonc de politique54. Dans cette autre
premire, le Docteur Laurin semploie les fondements dabord dfinir la mission
de luniversit comme une mission essentiellement ducative et culturelle, confirme sa
ncessaire autonomie et, dans des mots qui tonnent pour lpoque, nhsite pas
affirmer que ltat traite les universits pour ce quelles sont en fait et en droit, cest--
52 Au moment de sa nomination comme ministre de lducation, il tait depuis peu ministre dtat audveloppement culturel et scientifique.
53 Camille LAURIN,Lavenir des universits qubcoises. Vers une politique des universits, Qubec.Ministre de lducation, 3 fvrier 1981, 16 p
54Ibid., p. 2.
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dire dauthentiquesservices publics, envers lesquels la collectivit a des responsabilits et
des droits55. Accessibilit et dmocratisation, ncessit de dvelopper la recherche,
notamment par la mise en place dactions structurantes aux cycles suprieurs,
importance de disposer de donnes fiables et reconnues par tous, clarification des rles
des divers grands intervenants les universits elles-mmes, le ministre, le Conseil des
universits, accroissement de laccueil des tudiants trangers dans les universits
francophones, affirmation forte des comptences qubcoises en matire universitaire,
voire signal dalarme propos du projet fdral dinstituer des centres dexcellence :
se dessine ainsi le faisceau des points de proccupation qui nont cess depuis lors, avecla question des niveaux et des sources de financement, de polariser la discussion
entourant luniversit.
Au chapitre des donnes dinformation, on rappelera que cest le Docteur Laurin qui avait
autoris llaboration dune entente de partenariat avec la Confrence des recteurs et
principaux des universits qubcoises (CRPUQ) pour la cueillette des donnes
institutionnelles dinformation, une entente qui, moins de changement tout rcent, est
toujours en vigueur. Comme sont aussi annuellement publis depuis 1986, selon une
impulsion qui porte sa signature, les indicateurs de lducation56 qui font lenvie de
plusieurs autres systmes dducation et qui ont influenc jusquaux oprations de
lOCDE. On noubliera pas non plus, surtout loccasion dun colloque coparrain par
55Ibid., p. 2.
56 Publis chaque anne depuis 1986,LesIndicateurs de lducation se sont progressivement enrichis denouvelles donnes. Ils sont maintenant disponibles sur le site Web du Ministre de lducation, du Loisir etdu Sport.
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lUniversit du Qubec en Outaouais (UQO), que celle-ci, sous le nom de lUniversit du
Qubec Hull (UQAH), a obtenu ses lettres patentes le 10 mars 1981 et lUniversit du
Qubec en Abitibi-Tmiscamingue (UQAT), le 19 octobre 1983, les deux sur la
proposition de Camille Laurin et malgr les contraintes financires et les pressions
contraires de ces annes difficiles.
En lien avec cette action dans le secteur universitaire, Camille Laurin est aussi intervenu
trs tt, en mars 1981, sur le complexe dossier de la formation et du perfectionnement des
57matres . Mission ducative des matres des propos fondateurs dignes de la tradition
des traits De Magistro58, professionnalisation de la fonction denseignement,
ncessit de travailler en collaboration avec les milieux scolaires rels, identification
57 Camille LAURIN,La formation et le perfectionnement des matres. Premiers lments dune politique,Qubec. Ministre de lducation, 5 mars 1981, 16 p.
58 Le matre (), nest-ce pas fondamentalement le guide, lveilleur? Celui qui accompagne desindividus en qute dintelligence et de libert? Celui qui, comme le mystrieux pdagogue de laRpubliquede Platon, aide les prisonniers de la caverne se librer de la prison des ombres et des apparences et marcher vers la lumire et vers les choses qui existent vraiment? Le matre, cest celui qui inspire, suggre,appuie, stimule, reprend mme, aussi bien par sa parole que par son action, par son savoir comme par samanire dtre et dagir. Cest celui qui aide comprendre, choisir, crer, communiquer, sorienterdans la vie.La formation et le perfectionnement des matres, p. 3. Et plus loin : Au cur de toute
philosophie de lducation qui ne se dtourne pas de son objet, il doit y avoir une authentique passion delenfant et, par consquent, un immense respect pour lintervention pdagogique. Lchange et le dialogueen quelque sorte mystrieux qui se nouent entre lenfant et lducateur au premier chef, entre lenfant etlenseignant- rejoignent des ralits humaines aussi fondamentales que lveil de la vie, lveil la vie,
lveil de lintelligence et de laffectivit, la dcouverte de soi et de lautre, lapprentissage de la viesociale, la formation de la conscience morale, le dveloppement de lintriorit et du sens de latranscendance. Je suis davis que le discours politique ou administratif sur la formation des matres et, engnral, sur lducation doit senraciner dans ce pour quoi et pour qui lcole existe.Ibid., p. 3-4. [ lafin de 1981, le Docteur Laurin a sign et diffus un autre texte nourri des mmes perspectives(Lenseignante et lenseignant : des professionnels, Qubec, Ministre de lducation, dcembre 1981,20 p.), mais avec des rfrences explicites des objets des ngociations en cours. Jug belliqueux dans lecontexte du moment, ce document fut reu plutt froidement.]
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institutionnelle claire des responsabilits universitaires en formation des matres,
dveloppement des cycles suprieurs en sciences de lducation, relance des instances
nationales dorientation et de concertation, rvision du rglement numro 459,
notamment quant au libell et la dure du brevet denseignement et de la nature du
stage probatoire, importance des comptences linguistiques, relance de la formation des
matres du professionnel, etc. : confirmes la lumire des ateliers quil avait fait tenir
sur ces thmatiques, toutes les pices taient l, dont les annes de turbulence qui ont
suivi ont repouss laboutissement, mais qui seront remises, pratiquement telles quelles,
sur lardoise de la rforme majeure des annes 1990. La permanence des thmatiques, desenjeux et des orientations est, ici aussi, saisissante : Camille Laurin tait dj davis que
le matre est dabord un initiateur culturel, comme lvoque le mme mot grec
qui dsigne la fois la culture et lducation.
2.2.4 Dautres avances durables
dfaut que lon puisse y consacrer ici le temps quelles mriteraient, dautres cibles de
laction politique de Camille Laurin en ducation doivent tre tout le moins
mentionnes, justement parce quelles ont laiss des traces durables.
59 Comme on la rappel plus haut, ce rglement existait en vertu de laLoi sur le Conseil suprieur delducation. Cest la Loi 118 qui, en 1997, a inscrit dans laLoi sur linstruction publique le pouvoirhabilitant le Gouvernement adopter un rglement sur loctroi des autorisations denseigner. Mais ce nestquen 2006 quun telRglement sur les autorisations denseigner (c.1-13.3, r. 2) fut adopt enremplacement du rglement no 4.
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reconnaissance des acquis, de la visibilit et de larticulation des instances du ministre
intervenant en formation professionnelle et technique, de la clarification des liens avec
les rseaux et le Ministre de la Main-duvre, de laffirmation et de la dfense des
responsabilits qubcoises en la matire. Camille Laurin navait pas prvu la mise sur
pied des centres de formation professionnelle actuels, ni la formidable injection de
ressources financires qu a ensuite connue ce secteur, ni lmergence des programmes
par comptences. Mais, sur les vises de fond, les vecteurs taient l, bien camps,
comme ils le sont explicitement en ce qui concerne certains lments plus spcifiques
comme la carte intgre des programmes du secondaire et du collgial, les processusdlaboration des programmes, voire, depuis plus de 15 ans63, la fonction de sous-
ministre adjoint la formation professionnelle et technique au Ministre de lducation..
La vitalit des associations tudiantes et la participation des tudiants aux diverses
instances de dcision ont trouv chez le Docteur Laurin un appui tout--fait dterminant.
Cest lui qui, en 1983, malgr les objections et les rsistances, pilota ladoption de la Loi
sur laccrditation et le financement dassociations dlves ou dtudiants64, qui fixe
toujours ces modalits dassociation et de participation. Lencadrement et la protection du
droit de reconnaissance et daccrditation, de mme que le pouvoir de dsignation aux
instances accord aux associations tudiantes, ont substantiellement modifi le dcor et
continuent, plus de vingt-cinq ans plus tard, tre la rfrence en la matire.
63 Cette fonction sous-ministrielle a t instaure, en dcembre 1993, lors de la fusion du Ministre delducation et du Ministre de lEnseignement suprieur et de la Science sous le nom de courte dure de Ministre de lducation et de la Science.
64LRQ, c. A-3.01. On la longtemps dsigne comme la Loi 32.
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Docteur Laurin avait souhait, bien avant toutes les oprations de ralignement et de
ringnierie qui se sont ensuite succdes, que le ministre donne lui-mme lexemple
de la frugalit impose aux rseaux de lducation67. Il quittera le ministre avant la fin
des travaux et son successeur, soucieux de ne pas traner une image de prsident du
Conseil du Trsor, ne se montra gure intress cueillir cet hritage. Vingt-cinq annes
plus tard, force est tout de mme de constater que les oprations subsquentes de
contraction et de rduction deffectifs ont impos une cure minceur ct de laquelle la
rduction envisage par cette opration de 1984 apparat comme une mdecine bien
douce.
* * * * *
Comment ne pas conclure que lhritage de Camille Laurin en ducation a t important,
dterminant mme? On peut toujours penser que ses ambitions avaient quelque chose
dexcessif et que le ralisme politique ny tait pas toujours doses appropries. Mais ce
serait passer ct de laction politique de Camille Laurin que den mesurer la porte au
seul calcul de leffet immdiat ou de la louange publique. Le Docteur Laurin savait
parfaitement, surtout dans le contexte du second gouvernement Lvesque, quil ne verrait
67 Cest ainsi quil prsentait les choses dans son discours de la dfense des crdits de mai 1982 : Danslesprit des questions et des propositions que nous soumettons lensemble des partenaires des rseaux, ilme parat ncessaire que nous cherchions aussi les moyens dussent-ils tre ventuellement assezradicaux de dlester le Ministre de certaines fonctions accessoires, de poursuivre sa dynamique dedcentralisation, daccentuer ses mcanismes de concertation et de coordination, de lorganiser trsnettement en fonction de sa mission propre, de le convier, lui aussi, faire plus avec moins. (Maintenir lecap. Lducation en 1982-1983., p. 13).
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pas les rsultats attendus de tous les chantiers quil ouvrait, certains mme envers et
contre tous. Examiner chaque pice de ldifice, la resituer par rapport aux finalits
essentielles, la redfinir dans la perspective dun dveloppement culturel capable
dassurer lpanouissement des personnes et de la collectivit, ouvrir des brches, assurer
les inscriptions juridiques et institutionnelles qui comptent et, pour le reste, laisser au
temps et la rflexion collective le temps de faire leur uvre : lhomme qui plantait des
arbres, en quelque sorte. Ctait sa faon de raliser cette maxime que Sutone attribue
Auguste et que le Docteur Laurin aimait bien citer : festina lente, hte-toi lentement,
cest--dire agis et avance, avec dtermination et sans attendre, mais sans agitation courte vue. Cest la meilleure faon de raliser quelque chose. Cest le prix de laction
qui dure.
On laura compris, le prsent propos nest pas de prtendre que Camille Laurin aurait tout
vu, tout prvu ou tout amorc. La vrit est plutt que, sur un nombre important de
questions, de problmatiques et de perspectives qui travaillent toujours le systme
dducation et la direction politique de la mission ducative, le Docteur Laurin a
puissamment contribu tablir et lguer ce quon pourrait appeler le pensable
disponible et, dans plusieurs cas, des dispositions structurantes, matricielles mme. Sil
est de mise de clore ici par un hommage, cest celui-l mme qui convient sans doute le
mieux ce ministre de lducation.
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