UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DES MUSULMANS
CHEZ UN GROUPE D'EMPLOYEURS
MÉMOIRE
PRÉSENTÉ
COMME EXIGENCE PARTIELLE
DE LA MAÎTRISE EN SOCIOLOGIE
PAR
MARIE CADOTTE-DIONNE
AOÛT 2009
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL Service des bibliothèques
Avertissement
La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles supérieurs (SDU-522 - Rév.01-200G). Cette autorisation stipule que «conformément à l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à l'Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d'utilisation et de publication de la totalité ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l'auteur] autorise l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des copies de [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une renonciation de [la] part [de l'auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses] droits de propriété intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»
Je tiens à remercier mon directeur de maîtrise, Rachad Antonius,
pour m'avoir offert tout son support et pour son esprit pragmatique, Danielle
Marleau, pour ses précieux renseignements sur le cadre juridique, mes deux parents,
Francine Cadotte et Claude Diorme, pour leur aide et supPOli du début à la fin de ce
mémoire ainsi que Rahabi Benaïche pour son aide pour le terrain.
TABLE DES MATIÈRES
RÉSUMÉ............................................................................. Iv
CHAPITRE l
PRÉSENTATION DE L'OBJET D'ÉTUDE ET DES HYPOTHÈSES
1.1 L'objet d'étude et la question de recherche................... ....... 2
1.2 La pertinence de la recherche. . . .. . . .. ... ... ... ... ... ... .. . ... . . . . . . . . . . .. .. 6
1.2.1 La discrimination et la loi au Québec................................... 6
1.2.2 La population musulmane au Québec........... 8
1.2.3 La pertinence de cette étude pour le Québec........................... 10
1.204 La pertinence scientifique......... 12
1.3 Le cadre conceptuel et théorique............................................... 13
1.3.1 La discrimination et ses dimensions...... .. .. .. . .. . .. . 13
1.3.2 Les représentations sociales... 15
1.3.3Leracisme.................................................................. 18
1.4 La revue de la littérature... 20
104.1 Les recherches sur la discrimination au Québec....................... 20
104.2 La discrimination abordée sous l'angle du racisme...... 24
1.5 Les hypothèses................................................................... 26
1.5.1 L'hypothèse principale de recherche....... 26
1.5.2 La religion musulmane comme élément central des représentations sociales des employeurs....................... ........ 26
1.504 L'opposition de valeurs, des modes et des comportements.......... 28
1.5.5 La préférence pour le candidat d'ascendance canadienne-française........................................... 29
1.5.6 L'image projetée à la clientèle........................................... 29
1.5.7 L'impact de la couverture médiatique.................................. 30
11
CHAPITRE II MÉTHODOLOGIE .
33
2.1 La cueillette des infonnations.............................................. 33
2.2 Les entrevues avec le groupe témoin.... 35
2.3 La constitution de l'échantillon et du questionnaire à l'intention des employeurs............................................................................. 37 2.4 La description de l'échantillon................................................ 38
2.5 Les limites de l'échantillons des employeurs................................ 39
CHAPITRE III ANALYSE DES RÉSULTATS..................................................... 42
3.2 La religion musulmane comme élément central des représentations 44 sociales des employeurs ..
3.2.1 Les signes religieux.................................. 45
3.2.2 L'amalgame des pratiques rigoristes à tous les musulmans...... 47
3.3 Les polémiques en lien avec les accommodements raisonnables et le rejet des demandes de type religieux....................................... 48
3.3.1 L'intolérance vis-à-vis les accommodements religieux............ 48
3.3.2 Les préoccupations des employeurs de ne pas généraliser les
demandes d'accommodements raisonnables à tous les musulmans... 50
3.3.3 La peur non fondée des demandes de type religieux......... 52
3.4 L'opposition valeurs, modes de vie et comportements..................... 53
3.4.1 Les valeurs liées à l'Islam................................ 53
3.4.2 La conception de la femme....................................... 55
3.4.3 La culture alimentaire............................................. 57
3.4.4 Retour à 1'hypothèse sur les oppositions de valeurs, modes
de vie et comportement.................................................. 58
3.5 La préférence pour le candidat d'ascendance canadienne-française. 58
3.5.1 Le sentiment de confort....... 58
3.5.2 L'accent du candidat: un obstacle à son embauche.......... 60
3.5.3 La non-reconnaissance de. l'expérience à l'étranger.......... 61
III
3.5.4 Les employeurs issus des minorités ethnoculturelles......
3.6 L'image projetée à la clientèle: la justification économique.... ... ....
3.6.1 La crainte de certains employeurs de projeter une image
négative................
3.6.2 Les employés provenant des minorités ethniques un
facteur positif pour la rentabilité économique .
3.7 L'impact de la couverture médiatique traitant des musulmans sur leur embauche .
CONCLUSION ..
62
63
64
67
69
72
ANNEXE 1
QUESTIONNAIRE À L'INTENTION DES ORGANISMES ET DES CENTRES D'EMPLOI. ..
76
ANNEXE II
QUESTIONNAIRE À L'INTENTION DES EMPLOyEURS.......... ...... 80
BIBLIOGRAPHIE.................................................................. 88
RÉSUMÉ
Plusieurs indicateurs dont le taux de chômage excessivement élevé
révèlent que les communautés musulmanes du Québec font l'objet cie
traitements inégalitaires sur le marché de l'emploi. Un cadre juridique est mis
sur pied afin d'améliorer l'intégration socioéconomique des personnes
susceptibles d'être discriminées en emploi qui se traduit, notamment, par des
lois de discrimination positive imposées à certaines entreprises et instances
gouvernementales. Or, plusieurs petites et moyennes entreprises privées sont
laissées à elles-mêmes quant à leurs critères d'embauche. Cette étude propose
de cibler les employeurs de ces entreprises pour tenter de saisir si les
représentations sociales qu'ils ont de la religion musulmane peuvent jouer ou
non un rôle dans l'embauche d'un candidat. L'hypothèse de recherche émise
suppose que les représentations sociales des musulmans chez les employeurs
pourraient être une cause de la discrimination à l'emploi chez les
communautés musulmanes. Par le biais de questionnaires distribués et
d'entrevues effectuées auprès de ces employeurs, cette étude tente de définir le
contenu de ces représentations sociales. Ainsi, plusieurs sous-thèmes (les
polémiques sur les acconunodements raisonnables, l'opposition de valeurs, des
modes et des comportements, l'image projetée à la clientèle, etc.) sont abordés
afin de saisir les rôles de ces indicateurs dans les représentations sociales
qu'ont les employeurs interrogés. Ces données sont ensuite complétées avec
des témoignages recueillis à l'aide d'entrevues effectuées avec les centres
d'emploi et une ancienne employée d'une agence de placement. Les résultats
sont assez nuancés puisque, même s'il est vrai que la religion musulmane du
candidat joue un rôle négatif dans le processus d'embauche, les employeurs
affichent une volonté de ne pas discriminer tous les musulmans uniquement à
cause de leur confession religieuse. Certains désignent plutôt des éléments
spécifiques en lien avec la religion du candidat ou font part de leur préférence
à engager un candidat d'origine canadienne-français sous prétexte de préserver
leur clientèle ou encore la qualité de vie de l'entreprise. D'autres voient plutôt
dans l'embauche d'un candidat d'une autre confession une opportunité de
diversifier leur clientèle. Le contenu des représentations sociales des
employeurs est repris thème par thème et nous pouvons constater en détail les
éléments qui sont susceptibles ou non d'intervenir dans le processus
d'embauche, selon la taille de l'entreprise, l'origine ethnique et religieuse de
l'employeur et la clientèle desservie par l'entreprise.
Mots clefs: Musulmans, employeurs, discrimination, représentations sociales.
CHAPITRE 1
PRÉSENTATION DE L'OBJET D'ÉTUDE ET DES HYPOTHÈSES
Le phénomène de la discrimination, que nous définirons plus loin, touche
toutes les sociétés, mais il est vécu différemment par chaque société selon son
histoire, sa politique, ses valeurs et les différents groupes qui la composent. Depuis
quelques années, et plus particulièrement depuis le Il septembre 200 l, la population
musulmane fait l'objet de traitements inégalitaires sur le marché de l'emploi au
Québec. Le taux de chômage (14,3%) chez les Arabes était aussi plus élevé que
celui de l'ensemble des minorités visibles (9,5%).» (Ressources humaines et
développement Canada, 2006, p.14). Aussi, le recensement de 2006 révèle que «Le
taux de chômage était particulièrement élevé chez les Arabes. Ils couraient deux fois
plus de chances que les personnes ne faisant pas partie des minorités visibles à être
en chômage. Une enquête produite à l'échelle du Québec avant le Il septembre
2001 mais dont les résultats sont sortis en 2002, démontre que les personnes de
confession musulmane faisaient face à des obstacles sur le marché du travail et que
ce groupe était l'un des plus touchés par la discrimination (Tadlaoui, 2002). À la
suite des évènements du World Trade Center de septembre 2001, plusieurs enquêtes,
plaintes et témoignages indiquent que le phénomène de la discrimination en emploi
touche de plus en plus les communautés musulmanes. Les raisons invoquées par
celiains employeurs pour avoir volontairement soustrait les CV des candidats
musulmans sont leur accent, leur «mauvaise attitude» durant r entrevue, leur CV mal
fait ou la perception négative de leur groupe culturel par la clientèle dans Je cas
d'entreprises de services (Tadlaoui, 2002). D'autres indices nous indiquent que
cette population fait robjet d'une perception négative des employeurs, avec pour
conséquence une volonté accrue de la part de plusieurs individus de changer leur
nom arabe pour un nom québécois. Le Directeur de l'État civil du Québec signale
2
une augmentation qu'il qualifie de «phénoménale» de demandes de changement de
nom de la part de personnes d'origine arabe, après septembre 2001 (Handfield,
2007).
Les causes de la discrimination peuvent être multiples, se chevaucher, et il
est ainsi difficile, voire impossible, de déterminer les véritables causes menant à la
discrimination. Cette recherche resserrera son champ d'intérêt et se basera
principalement sur un facteur qui peut être une cause de la discrimination, celle des
représentations sociales des musulmans chez un groupe d'employeurs. Cette
dimension, quoique subtile et difficilement détectable, constituera l'ossature de cette
recherche et expliquera pourquoi, à compétences égales, un candidat peut être plus
facilement refusé qu'un autre lors du processus d'embauche.
1.1 L'OBJET D'ÉTUDE ET LA QUESTION DE RECHERCHE
L'objet principal de cette étude demeure les représentations sociales des
musulmans chez un groupe d'employeurs. Le terme représentations sociales sera
expliqué ultérieurement mais pour cerner ces représentations sociales chez les
employeurs cette recherche se posera deux grandes questions:
1. Quelles sont les représentations sociales dominantes qu'ont les
employeurs de la population musulmane?
2. Quels sont les éléments de ces représentations sociales qUi
interviennent dans le processus d'embauche de cette population?
Trois précisions doivent être amenées ici. Premièrement, les représentations
sociales des employeurs sont, bien sûr, multiples, plus ou moins fortes et varient
selon les milieux sociaux. C'est pourquoi cette étude tentera de déterminer les
représentations sociales dominantes, celles qui ressortiront davantage du groupe
même si l'on sait que les employeurs ne constituent pas un groupe homogène et que
3
leurs représentations, leurs ViSions et leurs opmlOns peuvent vaner selon leur
quartier, leur secteur de travail, leur éducation, etc. Cette recherche se penchera sur
la représentation sociale d'un petit groupe d'employeurs d'entreprises commerciales
de diftërentes tailles qui offrent un service direct à la clientèle. Elle ne vise donc pas
à dresser un portrait global des représentations sociales des employeurs en général
mais tentera de dégager des tendances communes de ce groupe pour ensuite les
alimenter avec d'autres entretiens effectués avec des personnes qui ont été témoins
de la discrimination, tel des responsables de centres d'emploi.
La deuxième précision concerne les différents contextes d'emploi. On peut
distinguer trois grands contextes d'emploi dont les logiques d'embauche varient
D'abord, précisons que la recherche ne tiendra pas compte du discours des
employeurs des institutions publiques et de celui des petits commerces susceptibles
d'engager des membres de leur famille ou des connaissances. En effet, certains
employeurs utilisent la méthode du bouche-à-oreille ou celle du recrutement dans la
famille est souvent utilisée, comme c'est souvent le cas des petits dépanneurs ou de
certains restaurants. Par ailleurs, la fonction publique et les institutions publiques
engagent leur personnel par la voie de concours et de comités de sélection et les
institutions de plus de 100 employés doivent se soumettre à la loi d'accès à l'égalité
afin de favoriser l'insertion des minorités visibles, des handicapés, des femmes et
des homosexuels. Un troisième contexte d'emploi touche celui des petites et
grandes entreprises dont la logique d'embauche est plutôt basée sur des critères de
sélection choisis par l'entreprise. Ces critères de sélection, définis par les
responsables de l'embauche de ces entreprises, ne sont donc pas déterminés par des
lois et l'embauche n'est pas réservée aux membres d~ la famille. Il est donc plus
intéressant pour cette recherche de viser ce type de commerce et de se restreindre à
ce contexte d'embauche des petites et grandes entreprises.
La troisième précision concerne la terminologie. En effet, le choix des
termes doit se faire de façon minutieuse parce qu'il peut influencer les réponses des
employeurs interrogés. De plus, certains termes d'apparence neutre peuvent nier
4
une certaine réalité sociale comme celle du pluralisme au sein des communautés.
Ainsi, lorsque le terme « communautés arabes» est utilisé au pluriel, il vise à mettre
en lumière le pluralisme des diverses composantes de ces populations puisqu'au sein
des communautés arabes, on retrouve plusieurs religions et régions de provenance.
Quant au terme «musulman », il est utilisé au singulier pour mettre de l'avant une
identité particulière. Il vise ici à englober tous les musulmans, peu importe leur
région de provenance, leur culture, leur façon de pratiquer la religion ou la date de
leur arrivée au Québec. En effet, selon l'hypothèse de recherche, c'est J'ensemble
de ce groupe qui est perçu négativement et non pas certaines communautés, groupes
spécifiques ou individus. Cette étude s'attarde donc sur les représentations sociales
dominantes que des employeurs se font de ce groupe indépendamment de sa
diversité ethnique mais non pas religieuse. Elle exclut les Arabes des autres
confessions religieuses parce que l'hypothèse de recherche suggère que la religion
musulmane est à la source des représentations négatives des employeurs.
Cependant, les stéréotypes les affectant s'appliquent aussi aux Arabes qui ne sont
pas musulmans et qui subissent eux aussi des discriminations à l'embauche.
Pour faire référence à une population plus large que celle des « musulmans »,
le terme « minorités ethnoculturelles» est privilégié ici par rapport au terme de
« minorités visibles ». Ce dernier terme est utilisé par le gouvernement afin de
désigner cel1ains groupes touchés par la loi d'équité en emploi ou pour le
recensement. Cependant, il est controversé et fait référence à des groupes
distinguables par la couleur de leur peau. Le terme « minorités ethnoculturelles »
n'a pas l'effet d'amplifier la dichotomie entre le groupe majoritaire francophone et
les minorités visibles par la simple caractéristique de l'apparence physique. Aussi,
le terme « groupe majoritaire francophone» a été choisi plutôt que celui « québécois
de souche» puisqu'il désigne une large population de toutes origines incluant
certaines communautés ethniques qui sont ici depuis plusieurs générations et parlent
français.
5
Lors de la cueillette de données, tous les facteurs impolieront dont ceux
reliés à la discrimination structurelle (telle la non-reconnaissance des diplômes ou
l'expérience à l'étranger, etc.), pour tenter de cerner l'ensemble des processus
pouvant mener à la discrimination. Toutefois, la question de recherche visera,
principalement, à identifier les représentations sociales dominantes chez le groupe
d'employeurs. Cette question de recherche comprend un ensemble de sous
questions. La perception des employeurs peut-elle expliquer les cas de non
embauche d'une proportion importante des musulmans à Montréal? Est-ce que les
employeurs ont une image stéréotypée, globalisante de cette population? Est-ce que
les employeurs sont ouvetis à inclure une diversité ethnique sur le marché de
l'emploi? Est-ce que celiaines couvertures médiatiques participent à établir une
perception négative de cette population? Est-ce que les polémiques tournant autour
de l'accommodement raisonnable dans la société québécoise provoquent un climat
d 'hostilité envers les groupes ethniques et, si oui, est-ce que cette hostilité se reflète
dans le processus à l'embauche des musulmans? Y-a-t-il certains aspects de
l'identité musulmane qui entraînent davantage de discrimination, comme certaines
valeurs, attitudes ou comportements?
Bien sûr, cette étude ne pourra pas approfondir toutes ces questions mais, par
'ses hypothèses, elle tentera de couvrir plusieurs volets soit celui de la peur de la
religion musulmane et de la défense de la sécularisation, des polémiques sur les
accommodements raisonnables, de la crainte des valeurs et de l'identité islamiques
ou de la justification de la discrimination par l'argument de la préférence de la
clientèle. Elle tentera de faire ressortir les éléments qui interviennent davantage
dans le processus d'embauche et qui nuisent à l'intégration économique des
musulmans et de faire le lien entre ces différents éléments.
6
1.2 LA PERTINENCE DE LA RECHERCHE
Le Québec a mis en place plusieurs mesures pour lutter contre la
discrimination. Toutefois, malgré ces mesures et l'obligation pour toute entreprise
de respecter la Charte des droits et libeliés de la personne, les recours pour lutter
contre la discrimination sont difficiles d'accès. Ce sera le premier point de cette
section. Le second point soulève en quoi il est pertinent de faire ce genre de
recherche sur la population musulmane puisque cette population est particulièrement
touchée par la discrimination à l'embauche. Le troisième point démontre en quoi il
est bénéfique, pour le Québec, de faire des recherches sur la discrimination afin de
lutter contre ce phénomène nuisible pour l'avancement de la société. Enfin, le
quatrième point tente de démontrer l'importance d'une étude sur le plan scientifique
en sciences sociales.
1.2.1 La discrimination et la loi au Québec
Nos politiciens se montrent ouverts à la diversité culturelle et à l'immigration
et souhaitent que les nouveaux arrivants s'intègrent harmonieusement dans leur
nouvelle société d'accueil. Cependant, pour le groupe des «minorités visibles», il
n'est pas aussi facile de s'intégrer sur le marché du travail comme cela est souhaité
par les politiques d'intégration du Québec. Ce groupe, constitué d'immigrants
récemment arrivés au Québec ou d'individus issus de communautés ethniques
étabJ is au Québec depuis plusieurs générations, rencontre de nombreux obstacles liés
à la discrimination lorsqu'ils désirent trouver un emploi. En effet, dans la recherche
J'un emploi, les individus qui font partie du groupe des «minorités visibles» font
face à la réticence et aux préjugés des employeurs. Plusieurs structures
communautaires existent pour faciliter leur intégration en milieu de travail, mais il
arrive que ces organismes se heurtent eux aussi à un refus des employeurs de
7
prendre en considération les curriculum vitae de personnes issues de certaines
communautés ethniques (Handfield, 2007).
Le législateur québécois est intervenu pour protéger les personnes victimes
de discrimination dans l'emploi. La Charte des droits et libertés de la personne
(L.R.Q., ch.C-12) en vigueur depuis le 26 juin 1976, prévoit des dispositions
spécifiques visant à assurer le droit à l'égalité dans l'emploi. Ainsi, la Charte
interdit à quiconque d'exercer de la discrimination dans l'embauche I pour l'un des
motifs de discrimination spécifiés à l'article IOde la Charte telles la race, la couleur,
l'origine ethnique ou nationale.
Lorsque qu'une personne au Québec se croit victime de discrimination quant
à l'emploi, elle a la possibilité d'exercer de sa propre initiative un recours judiciaire
pour faire cesser l'atteinte illicite ou encore elle peut adresser une plainte à la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (C.O.P.OJ .),
organisme, qui rappelons-le, a principalement pour mission de promouvoir la Charte
et de veiller au respect du droit à l'égalité. En ce dernier cas, si la C.O.P.OJ.
considère la plainte de discrimination fondée, celle-ci pourra, au nom de la victime,
exercer les recours judiciaires appropriés pour faire cesser l'atteinte illicite et/ou
encore obtenir réparation.
Au plan législatif, la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans des
organismes publics (L.R.Q., ch. A-2.01) entrée en vigueur en 2001, a pour objectif
principal de corriger la sous-représentation de certains groupes au sein de
J'administration publique et parapublique afin que ses effectifs soient « [ ... ]
davantage à l'image de la population qu'ils desservent» (Gouvernement du Québec,
En effet, la Charte québécoise des droits et libertés prévoit en son article J 6 que «Nul ne peut exercer de discrimination dans l'embauche, l'apprentissage, la durée de la période de probation, de formation professionnelle, la promotion, la mutation, le déplacement, la mise à pied, la suspension, le renvoi ou les conditions de travail d'une personne ainsi que dans l'établissement des catégories ou de classifications d'emploi.». En outre, un bureau de placement est également soumis à une telle interdiction. En effet, l'article J8 de la Charte énonce qu' «Un bureau de placement ne peut exercer de discrimination dans la réception, la classification ou le traitement d'une demande d'emploi ou dans un acte visant à soumettre une demande à un employeur éventuel.»
1
8
Assemblée nationale, Journal des débats, p. 7400). Les groupes cibles visés par
cette législation sont les femmes, les autochtones, les personnes qui font partie d'une
minorité visible en raison de leur race ou de la couleur de leur peau et les personnes
dont la langue maternelle n'est pas Je français ou l'anglais et qui font partie d'un
groupe autre que celui des autochtones et de celui des minorités visibles. De plus,
l'implantation des mesures de redressement d'égalité des chances et de soutien vise:
« [.. :] à favoriser l'accès, la progression puis le maintien en emploi des membres des
groupes visés. » (Déom et al, 2006, p.3). Soulignons finalement que la Loi sur
l'accès à l'égalité a une étendue restreinte puisqu'elle vise uniquement les
organismes publics qui comptent cent employés et plus. «Toutefois, les lois,
qu'elles soient passives ou proactives, remettent en cause des valeurs et des préjugés
enfouis dans notre inconscient collectif et sont souvent considérées comme très
« agressantes » par les entreprises. » (Déom et al, 2006, p. 3). D'ailleurs, il n'existe
pas au Québec une législation qui impose aux employeurs des obligations
correctives de discrimination. Les entreprises privées peuvent bénéficier d'autres
types de programmes comme le programme d'aide à l'intégration des immigrants et
des minorités visibles en emploi (PRIIME) d'emploi-Québec qui offre une
subvention à l'entreprise lorsqu'elle emploie un immigrant et certaines mesures
susceptibles d'aider l'entreprise à intégrer le candidat. Beaucoup d'entreprises
semblent aussi reconnaître la nécessité de compter sur une main-d'œuvre diversifiée
et appliquent un programme de la gestion de la diversité au sein de leur entreprise,
comme nous le verrons ultérieurement.
1.2.2 La population musulmane au Québec
L'histoire de l'immigration de la population musulmane doit être abordée,
même brièvement, afin de bien saisir les enjeux entourant ce groupe particulier.
Denise Helly (2004), a donné un aperçu de l'histoire de l'immigration arabe et
musulmane au Québec. En voici les points principaux. La majorité des musulmans
9
sont maintenant établis dans la région de Toronto mais, depuis la fin des années'80,
Montréal est devenue un bassin d'accueil important de la population d'origine arabe.
La première vague d'immigrants arabes est arrivée entre les années 1882 et 1913, et
leur destination principale était alors Montréal. Il faut attendre, ensuite, les
années'50 pour accueillir une vague significative d'immigrants arabes. Beaucoup
proviennent du Liban et sont de confession maronite et on ne compte que 30% de
inusulmans parmi la population arabe à la fin des années'70. L'immigration arabe
augmente un peu dans les décennies suivantes mais, en 1979, la révolution iranienne
amène un nouveau courant migratoire. C'est alors que le Canada accueille une
grande proportion de chiites qui formèrent avec le temps une communauté
particulièrement impOliante. De 1981 jusqu'en 1990, une grande vague
d'immigrants provenant de la région du Golfe arrivent mais leur nombre se multiplie
avec la guerre du Golfe arabo-persique de 1991. Au cours de cette période, un
nouveau groupe s'installe au Québec: «Les flux des pays arabes atteignent une
moyenne annuelle de 8 300 durant les années 1980 et de 24 600 durant les années
1990, quand l'immigration musulmane maghrébine augmente.» (Helly, 2004, p.6).
L'immigratLon musulmane est donc très récente, comparativement aux immigrants
d'origine autre. Toujours selon Helly, ce point est important puisqu'il explique
pourquoi cette population est peu présente sur la scène politique et qu'elle est peu
connue de la majorité des Québécois. D'autres caractéristiques de cette population
doivent être notées: elle est plus jeune que Je reste des Canadiens (45% de la
population arrivée entre les années 1981 et 1992 a alors moins de 25 ans et 15% a
plus de 45 ans) et elle est très scolarisée: « Les arabes étaient bien éduqués. Près de
30% des arabes de 15 ans et plus avaient obtenu un baccalauréat ou un diplôme plus
élevé comparativement à 14% seulement des personnes ne faisant pas partie des
minorités visibles et à 24% de l'ensemble des minorités visibles.» (Ressources
humaines et développement Canada, 2006, p.I).
Malgré ce haut niveau de qualification, cette population dispose d'un salaire
moins élevé que le reste des Canadiens: « Bien que leur revenu ait été plus élevé
10
que celui de l'ensemble des minorités visibles, il était plus faible que celui des
personnes ne faisant pas partie des minorités visibles (43 989$)). (Ressources
humaines et développement Canada, 2006, p.1) Ce groupe est victime de
discrimination depuis les années 1980, et cette discrimination revêt plusieurs formes
allant de l'hostilité envers la pratique de certains rituels lié à la religion islamique sur
le lieu de travail, au refus d'ouveliure de lieux de culte, à une couverture médiatique
négative ou encore à la discrimination à l'embauche qui se base sur l'apparence
physique ou sur le nom apparaissant au curriculum vitae (Helly, 2004).
La discrimination à l'embauche de la population musulmane à Montréal peut
créer de graves problèmes pour la population musulmane, en créant de l'exclusion
sociale, de la marginalité, de la pauvreté et en incitant le groupe ethnique à se fermer
sur lui-même.
1.2.3 La pertinence de cette étude pour le Québec
Le dispositif juridique canadien a été érigé de façon à laisser une place
importante à la diversité religieuse et ethnique. Le Québec fait également de
nombreux effolis afin d'assurer une cohabitation harmonieuse des différents
groupes. La pertinence première de cette recherche pour le Québec est de mieux
tàire connaître les aspects subtils et voilés de la discrimination et de contribuer à
prévenir certaines situations conflictuelles. Le problème de la discrimination à
l'embauche est avant tout celui de la société québécoise dans son ensemble. De
plus, de nombreuses recherches s'accordent pour dire que l'immigration représente
un levier important pour lutter contre la baisse de la population active au Québec.
En effet, on observe un vieillissement important de la population dans la province: «
Dans les années 1960, on comptait 8 personnes en âge de travailler pour une
personne de plus de 65 ans. Aujourd'hui, ce rapport s'établit à 5 pour 1 et en 2030, il
sera de 2 pour 1.» (MICC, 2008, p.5). L'immigration devient une nécessité pour le
Il
Québec et pennettra de contrer la décroissance démographique de la population en
âge de travailler. Nous devons donc créer de meilleures conditions d'intégration des
immigrants et des minorités visibles. De plus, la majorité des immigrants
musulmans reçus récemment au Québec et ceux déjà établis au Québec depuis
plusieurs générations, possèdent un haut niveau de scolarité et parlent français. Les
exclure du monde du travail serait d'autant plus dommageable pour la société.
La discrimination ethno-raciale constitue une des formes de discrimination
les plus difficiles à prouver puisque dans le processus d'embauche cette forme de
discrimination se manifeste de façon voilée et subtile. La discrimination ne se
perçoit pas concrètement puisqu'elle est une composante des rapports sociaux et
qu'elle n'intervient, la plupart du temps, que de façon indirecte voire involontaire
dans le processus d'embauche.
Plusieurs recours juridiques existent mais ils restent souvent inutilisés par les
victimes, surtout lorsqu'il s'agit des musulmans. C'est le cas, probablement, parce
que cette population d'immigration est assez récente au Québec, et que les victimes
sont souvent peu accoutumées à l'utilisation des recours juridiques. La difficulté de
détecter ce type de discrimination fait en sorte que la Commission des Droits de la
Personne et des Droits de la Jeunesse (C.D.P.DJ.) Jeçoit peu de plaintes de
discrimination fondées sur les caractéristiques relatives à une diftërence ethnique
(race, couleur, origine ethnique ou nationale) contrairement aux plaintes de
discrimination liées à des caractéristiques comme l'âge, le sexe ou le statut social.
Cependant, même si le nombre de plaintes déposées à la C.D.P.DJ. ne démontre pas
l'ampleur réelle du phénomène, il est important de souligner que: « [ ... ] pour la
période 2000-2005, la courbe du nombre de plaintes de discrimination fondées sur
les motifs race et couleur décrit une trajectoire globalement ascendante.» (Eid, 2006,
p.1 1). Cent une plaintes portant sur la race et la couleur de la peau ont été
enregistrées en 2000 et, depuis, la courbe a constamment progressé pour atteindre
146 plaintes en 2005. Notons que cette catégorie de plaintes est,
propoliionnellement, la deuxième plus importante en 2005; elle représente un
12
pourcentage de 18,7% des plaintes, comparativement à l'âge, (12,4%) des plaintes,
et au handicap, (24%) et qu'elle a considérablement augmenté puisqu'elle se situait
à 11,3% en 2000. «II s'agit d'ailleurs du motif de discrimination qui a subi le taux
d'augmentation le plus élevé à la Commission depuis les cinq dernières années.»
(Eid, 2006, p. 30).
1.2.4 La pertinence scientifique
Les recherches portant sur la discrimination sont assez récentes et peu
nombreuses. La difficulté d'étudier un phénomène si peu tangible fait en sorte que
les recherches se sont heurtées à un énorme problème, celui de mesurer la
discrimination. La méthode du testing a été élaborée par la Commission des Droits
de la Personne et des Droits de la Jeunesse et elle est reconnue par les tribunaux.
Cette méthode consiste à soumettre deux curriculum vitae dont un seul élément
diffère, qui est la variable à tester, à un échantillon d'entreprises. Ensuite, on
regarde si la variable intervient dans le processus à J'embauche. Cette méthode
révèle s'il y a réellement ou non de la discrimination. Sa pertinence est prouvée et
des chercheurs européens exploitent maintenant cette technique. Cependant, cette
méthode ne permet pas de saisir tous les aspects en lien avec la discrimination. En
effet, si elle permet de saisir quels sont les motifs qui sont en lien avec la
discrimination (âge, sexe, origine ethnique, etc.), elle ne permet pas de bien de
comprendre les dynamiques sociales à l'origine de la production de la
discrimination. Ainsi, la pertinence scientifique de ce travail réside dans le choix
d'étudier la discrimination sous l'angle des représentations sociales qu'ont les
employeurs de la population ciblée afin de comprendre si ces représentations
sociales des employeurs peuvent intervenir dans le processus d'embauche.
Quelques études ont été faites portant sur des témoignages de personnes d'origine
arabe victimes de discrimination et ces recherches seront présentées dans la section
13
de la revue de littérature. En s'attardant à la représentation des employeurs, cette
recherche se questionne non pas sur la réalité de la discrimination envers la
population musulmane mais sur l'identification des facteurs permettant de
comprendre comment cette discrimination est possible. Ultérieurement, le lien
théorique entre les représentations sociales dominantes des employeurs et la
discrimination à l'embauche sera établi.
Peu importe la méthodologie utilisée, l'étude de la discrimination se heUliera
toujours à plusieurs obstacles étant donné que ce phénomène est difficilement
mesurable. L'objet de recherche étant la discrimination, il importe de présenter une
définition et une explication des dimensions que prend ce terme.
1.3 LE CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE
1.3.1 La discrimination et ses dimensions
Depuis les années 80, la discrimination n'est plus analysée seulement comme
étant un acte isolé visant volontairement l'exclusion d'un groupe ou d'un individu
mais aussi comme le fruit d'une situation de nature systémique. « La conception de
la discrimination est passée de l'idée d'intentionnalité de la personne qui discrimine
à une approche axée sur [... ] une compréhension systémique des interrelations entre
les règles, pratiques ou décisions au sein des organismes.» (Dagenais, 2006, p.19).
En analysant le phénomène social de la discrimination sous un angle structurel,
plusieurs facteurs, ne relevant pas de la volonté consciente des individus, ont été
pointés du doigt et ont amené à mettre en place des mesures systémiques pour
permettre de rectifier la situation. Par exemple, certaines pratiques concernaient les
conditions d'embauche de l'entreprise apparemment neutres mais qui créaient une
situation d'exclusion ou généraient des traitements inégaux envers un individu ou un
groupe. Le livre de Marie-Thérèse Chicha-Pontbriand [1989J, démontre bien
l'importance d'étudier ce phénomène en dépassant le cadre de l'entreprise où la
14
discrimination a eu lieu, le but n'étant pas de démasquer un coupable. La
discrimination systémique se définit comme étant: «[ ... ] une situation d'inégalité
cumulative et dynamique résultant de l'interaction de pratiques, de décisions ou de
comportements, individuels ou institutionnels, ayant des effets préjudidiciables,
voulus ou non voulus sur les membres des groupes visés par l'article IOde la
Charte.» (p.19). La discrimination doit s'étudier dans le cadre des rapports sociaux
puisqu'elle est le fruit de pratiques sociales.
Le terme discrimination ethnique signifie une différence de traitement d'un
individu ou d'un groupe due à son origine ethnique ou culturelle. Toutefois, comme
toute différence de traitement n'est pas en soi nécessairement illégitime, il est
important de préciser que l'illégitimité de la discrimination est déterminée par le
droit qui est l'instrument utilisé afin d'établir une certaine égalité dans la société.
Cette recherche portera sur la discrimination globale définie par la Cour suprême du
Canada de la façon suivante:
Une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus, qui a pour effet d'imposer à cet individu ou à ce groupe d'individus des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux possibi lités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d'autres membres de la société. (HeJly, 2004, p.2).
La discrimination peut provenir d'un comportement volontairement hostile,
mais elle peut également résulter d'intentions ou de dispositions non conscientes
faisant en sOlie qu'un groupe ou que des personnes subissent de la discrimination.
Dans le cas du processus d'embauche, cela peut leur interdire l'accès à un travail ou
à un secteur de travail. La discrimination directe signifie qu'un critère ou plusieurs
critères illicites aux yeux de la loi sont explicitement invoqués pour accorder un
traitement inégal à un groupe ou à un individu (MICC, 2006). La discrimination
indirecte est issue de compoliements ne visant pas explicitement une inégalité.
Ainsi, un acte apparemment neutre peut engendrer de la discrimination même si sa
finalité est toute autre. Cette discrimination indirecte, quoique difficile à cerner et à
15
enrayer, est également interdite par la Cour suprême depuis 1985 (MICC, 2006).
Plusieurs causes peuvent être à l'origine de la discrimination. Ainsi, certaines
personnes subissant de la discrimination peuvent voir les facteurs se chevaucher.
Par exemple, une femme musulmane présente deux motifs pouvant être sujets à de la
discrimination: son sexe et sa religion. Cette juxtaposition des motifs contribue à la
difficulté de saisir la cause exacte de la production de la discrimination.
Deux grandes sources peuvent être à l'origine de la discrimination: « Sa
nature et ses causes [de la discrimination] résulteraient tout autant des conséquences
des structures institutionnelles ou sociétales que de représentations ou de schèmes
cognitifs.» (Férréol et Jucquois, 2003, p.95). La première source de. la
discrimination liée à des structures institutionnelles ne sera pas abordée dans cette
recherche puisqu'elle doit s'étudier sous un autre angle avec une tout autre
méthodologie. Cependant, elle doit être brièvement expliquée. La discrimination
structurelle relève de règles de fonctionnement qui ont pour effet de désavantager
des groupes ou des personnes en fonction de leur appartenance à ces groupes mais
dont la responsabilité du dommage causé est attribuable à l'ensemble de la société
(MICC, 2006). Dans ce cas, aucun individu n'est pointé du doigt mais la société se
doit d'être responsable de cette situation. Les représentations sociales dominantes
peuvent être, enfin, une autre source rendant plus difficile aux communautés arabes
l'accès à l'emploi.
1.3.2 Les représentations sociales
Le premier auteur à avoir introduit la notion de la représentation sociale fut
Serge Moscovici (1961), théoricien de la psychanalyse, en 1961. Il considère que les
représentations sociales sont des schèmes cognitifs qui constituent des guides pour
l'action (Abric, 1994) et qui sont propres à une culture, à une classe sociale ou à un
groupe et relatives à des objets de l'environnement social. Depuis, ce terme a
16
grandement été repris par plusieurs auteurs en psychologie sociale et en sociologie.
La représentation sociale se définit ainsi: « [ ... ] peut être considérée comme
représentation sociale tout système de savoirs, de croyances et d'attitudes, émanant
d'agents collectifs, identifiant, justifiant, décrivant ou engendrant des pratiques
socio-économiques, culturelles, religieuses ou politiques spécifiques.» (Férréol et
Jucquois, 2003, p. 304). Le fait que la représentation sociale peut engendrer des
pratiques socio-économiques démontre bien que certains modes cognitifs
d'appréhension de la réalité peuvent avoir un impact considérable sur certains
individus et que cette construction mentale peut engendrer de la discrimination
envers un groupe ou un individu. La prégnance et la récurrence des représentations
finissent par être intégrées par différents systèmes et acteurs sociaux, ce qui structure
des pratiques sociales (Mulkay, 2006). L'individu ne peut cependant se passer des
représentations dont la fonction consiste à remodeler les informations qu'il reçoit. Il
remodèle et classe la grande quantité d'informations auxquelles il est confronté.
D'ailleurs, la première caractéristique des représentations sociales est qu'elles
revêtent la forme de structures organisées. Les éléments constituant la
représentation sociale entretiennent entre eux des liens et des relations. Cette
caractéristique est marquée par une attitude ou des dispositifs favorables ou non
favorables qui façonnent les idées que l'on se fait de l'objet.
Une deuxième caractéristique est que les représentations sociales sont
partagées par les individus d'un même groupe social. Parfois, le caractère
consensuel des représentations peut varier (Moliner et al, 2002) et la représentation
que se font les employeurs d'une population particulière peut varier d'un employeur
à l'autre. Cette recherche tentera de cibler les éléments communs des
représentations sociales propres à une grande partie des employeurs, et ces points
communs permettront d'identifier les éléments qui interviennent davantage dans le
processus d'embauche.
Une troisième caractéristique réside dans des modes de construction sociale
(Moliner et al, 2002) des acteurs sociaux. Ces modes de construction sociale sont
17
façonnés par la société, ils sont le fruit de la collectivité. Les représentations ne
peuvent s'étudier sans tenir compte des rapports sociaux.
Une quatrième caractéristique concerne la finalité des représentations
sociales qui jouent un rôle fondamental dans les sociétés en codant les rapports
sociaux et en produisant un système d'anticipation auquel les individus se réfèrent
pour construire leur réalité et interagir avec les autres (Mulkay, 2006). Les
représentations sociales interviennent dans la finalité des situations. Ainsi, «Les
représentations sociales sont aussi des productions subjectives ou mentales d'acteurs
plus ou moins collectifs, disposant d'une position dans la structure, d'un pouvoir
économique ou culturel, et faisant montre d'une capacité à se mouvoir dans le
monde.» (Abric, 1994). Certaines représentations sociales peuvent conduire à porter
atteinte aux droits et libertés des individus en justifiant un traitement inégal fait à un
individu ou à un groupe. En créant un système d'anticipation, elles sélectionnent et
filtrent les informations et prescrivent des comportements et les justifient (Mulkay,
2006).
Le lien entre la représentation sociale et la discrimination est indéniable.
Ainsi, plusieurs groupes de recherche s'attaquent au phénomène de la discrimination
en analysant les représentations sociales que des employeurs peuvent se faire d'un
groupe ethnique. Par exemple, le Groupe de recherche sur les représentations
sociales et les relations intergroupes (Université de Genève, Unité de psychologie
sociale, 2007) aborde le phénomène social des préjugés et de la discrimination en
étudiant l'impact que peuvent avoir les représentations sociales sur un groupe
ethnique. Les représentations sociales de certains groupes d'employeurs sont donc
saisies par un questionnaire à choix de réponses et les effets de ces représentations
sont, par la suite, analysés. En particulier, le clivage entre les représentations qu'ils
ont des musulmans et des autres postulants.
Comme ma démarche de recherche a consisté à aborder le phénomène de la
discrimination par les représentations sociales que se font les employeurs des
18
musulmans, un questionnaire destiné aux employeurs a été distribué. Le processus
de l'embauche (entrevue, CV, observation du candidat, etc.) est le premier contact
que l'employeur a avec l'individu intéressé à obtenir le poste. La perception qu'a
l'employeur pendant ce court moment est donc déterminante. J'ai analysé s'il y a ou
non une certaine représentation commune, une image généralisée qui ressortirait
chez plusieurs employeurs par rapport au groupe étudié et je pourrai ainsi déterminer
si un individu de ce groupe est susceptible d'être oui ou non discriminé au moment
de l'embauche. Les représentations doivent être vues comme des outils utilisés par
les acteurs sociaux pour orienter et justifier leurs pratiques.
1.3.3 Le racisme
Les représentations sociales comportent plusieurs éléments dont certains
seront mentionnés lors de l'élaboration des hypothèses de travail. Cependant, il est
important de souligner que, dans ce cadre théorique, le racisme peut être en lien avec
les représentations sociales en associant une image homogène, immuable à une
communauté ethnique. Bien que la recherche ne vise pas à conclure que le racisme
est une conséquence ou non des représentations sociales, il nous apparaît important
de clarifier ce que nous entendons par racisme:
[... ] d'un racisme dont le thème dominant n'est pas l'hérédité biologique, mais l'irréductibilité des différences culturelles; un racisme qui, à première vue, ne postule pas la supériorité de certains groupes ou peuples par rapport à d'autres, mais l'incompatibilité des genres de vie et des traditions [... ] (Balibar et Wallerstein, 1988, p.33).
Ce racisme s'appuie sur des discours qui tendent à légitimer des politiques
d'exclusion et il interfère de façon inconsciente dans la représentation collective en
propageant une image souvent généralisée et stéréotypée des communautés
musulmanes, dans notre cas. Il est important de préciser que le racisme se perçoit
dans les rapports sociaux et n'est pas toujours l'œuvre d'un individu ou d'un groupe.
19
Il se concrétise dans un traitement inégal d'une personne ou d'un groupe par rapport
au groupe majoritaire. Le «néo-racisme» ne prend plus la forme d'un racisme
biologique mais un glissement s'est produit et la culture remplace la catégorie de la
«race», faisant en sorte que certains groupes parmi les immigrants sont
principalement ciblés (Balibar et Wallerstein, 1988). Ainsi, des traits culturels sont
essentialisés et deviennent des symboles d'une incompatibilité entre les différentes
cultures. Dans le cas du Québec et des communautés musulmanes, la religion
islamique devient ce trait irréductible que plusieurs conçoivent comme une barrière
hermétique à l'intégration des croyants. dans une société démocratique des droits
humains. Plusieurs auteurs parlent donc d'une islamophobie latente (Geisser, 2003)
au sein des sociétés occidentales. Souvent présentés comme des fanatiques religieux
et quelques fois terroristes, notamment à cause du traitement médiatique du conflit
israélo-palestinien et d'une couverture médiatique réductrice (ne relatant que les cas
extrêmes), les musulmans sont souvent l'objet de préjugés défavorables.
L'islamophobie est le terme employé pour parler de la crainte que l'Occident soit
confronté à une menace islamique quelconque et que le style de vie, la culture, la
communauté ou la famille risquent d'être menacés par l'Islam (Geisser, V., 2003).
Cette peur de l'Islam ne se traduit pas dans nos sociétés occidentales par de la
violence manifeste mais plutôt de façon modérée.
L'islamophobie contemporaine constitue un phénomène éminemment complexe qui se déploie moins à travers un énoncé explicite (racisme anti-musulman) que sur un registre latent, participant à la formation d'amalgames, de préjugés et de sousentendus à propos de l'Islam et des musulmans (Geisser, 2003, p. 95).
Elle associe l'Islam de façon directe ou indirecte à un phénomène déplorable
dont les valeurs sont retardataires, conservatrices et uni formes, de sorte qu'une
vision homogène des Arabes vient alimenter les préjugés et rend plus difficile
l'accès au travail pour cette population.
Dans cette recherche, le racisme n'est pas abordé comme étant une
dimension en tant que telle mais plutôt comme un processus pouvant accompagner
chacune des dimensions de la discrimination. Ainsi, cette étude ne vise pas à savoir
20
si nous faisons face à une situation où il y a du racisme ou de l'islamophobie, mais
prétend seulement que ce phénomène peut accompagner les représentations sociales
qu'ont les employeurs des musulmans et, ainsi, créer de la discrimination.
1.4 La REVUE DE LA LITTERATURE
1.4.1 Les recherches sur la discrimination au Québec
L'étude du phénomène de la discrimination au Québec est assez récente. De
nombreuses recherches, faites au Québec dans les années'80 et '90, ont abordé les
questions du racisme et de la discrimination. Cependant, beaucoup de ces
recherches ne sont pas peliinentes dans le cadre de mon analyse parce qu'elles sont
très spécifiques et qu'elles étudient la discrimination vécue par un groupe ethnique
ou un groupe d'immigrants particulier. D'autres recherches se penchent sur la
discrimination mais sous l'angle d'un seul facteur (par exemple, l'inégalité
économique affectant un groupe ethnique). Ces recherches étant très ciblées et très
peu généralisables, les chercheurs du Québec sur la discrimination considèrent
maintenant qu'il est primordial d'étudier ce phénomène en adoptant un angle plus
global qui prend en considération l'ensemble des dynamiques pouvant être à la
source de ce phénomène social. Suivant cette logique, le Québec, depuis quelques
années, s'allie avec des chercheurs d'autres pays pour faire des études comparatives.
Par exemple, plusieurs chercheurs sur la discrimination font partie du groupe
international Métropolis2, qui s'interroge sur les métropoles et l'immigration.
L'Observatoire international sur le racisme et les discriminations, affilié à la Chaire
de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté3, est un autre groupe de
2 MÉTROPOLIS. Centre de recherche interuniversitaire de Montréal. Immigration et métropole, édition é lectronique,llcanada .metropo] is. net/events/metropo] is-presents/shared_ci tizenshïplindex_rhtm, en ligne le 20 mars 2007 . .~ CHAIRE DE RECHERCHE EN IMMIGRATION, ETHNIClTÉ ET CITOYENNETÉ, éditions électronique Ilwww.criec.uqam.ca/. en ligne le 20 mars 20.
21
recherche auquel il est fait référence. De plus, depuis la fin des années'80,
notamment avec le livre Discrimination systémique- fondement et méthodologie des
programmes d'accès à l'égalité en emploi (Chicha-Pointbriand, 1989), la
discrimination globale (sous tous ses aspects) est étudiée. La Commission des
Droits de la Personne et des Droits de la Jeunesse, le Ministère de l'Immigration et
des Communautés culturelles du Québec, l'Institut de la Statistique du Québec
produisent des données quantitatives et qualitatives importantes sur la situation
actuelle de la discrimination au Québec. Ces analyses sont d'autant plus pertinentes
puisqu'en plus de dresser un portrait de la discrimination portant sur la situation
actuelle du Québec, elles permettent de saisir les facteurs structurels liés à ce
phénomène et les éléments qui interviennent dans le processus de production de la
discrimination au travail. De plus, ces sources comportent un historique de la
discrimination au Québec et un état des différentes mesures utilisées pour lutter
contre les inégalités sociales.
Plusieurs enquêtes portant sur la discrimination envers les minorités
ethniques ont été produites avant 2001. La première est canadienne et démontre que
la population affirme se sentir plus à l'aise avec des natifs qu'avec des immigrés et
moins à l'aise avec certains groupes ethniques dont les Arabes et les musulmans.
(Angus-Reid, 1991). La seconde enquête, québécoise, démontre que les b,'Toupes
ethniques les plus dévalorisés sont les Jamaïcains et les Pakistanais, en raison de leur
langue anglaise et de leur religion pour le groupe des Pakistanais (Joly et Dorval,
1993). Une autre enquête faite en 200 l, tout juste avant les attentats, a été réalisée
par la Ligue des Droits et Libertés, démontre qu'il existe beaucoup de préjugés
puisque un tiers (35%) des répondants ont affirmé qu'ils refusent d'employer un
Arabe ou un Maghrébin (Lubuto Mutoo, 2001). Cependant, il· faut noter que 197
questionnaires ont été envoyés à des employeurs de la ville de Québec mais que
seulement 19 employeurs ont retourné une réponse. Plusieurs autres enquêtes ont
été produites, après les attentats de 2001, et la perception des musulmans se révéla
très négative en général. Un sondage, réalisé en août 2002, souligne que 45% des
22
Québécois, 37% des Albertains, 33% des Ontariens et 22% des habitants de la
Colombie-Britannique étaient d'accord avec cet énoncé: «Les attentats du Il
septembre 2001 m'ont rendu plus méfiant à l'égard des personnes d'origine arabe ou
des musulmans venus du Moyen-Orient.» (Ipsos-Reid, 2002). Un autre sondage
révèle que l'association entre Islam et violence est particulièrement forte chez les
Québécois. Le sondage portait sur la croyance religieuse et interrogeait des
individus âgés de 16 à 35 ans. Il s'avéra que 76% des Québécois pour 55% des
autres répondants canadiens affirment que les religions sont source de conflits entre
les peuples et 17% des Québécois, contre 13% pour les autres, pensent que l'Islam
favorise les relations conflictuelles (CROP, 2002). Concernant la discrimination sur
le marché du travail, l'enquête de Tadlaoui en 2002 démontra bien que certains
groupes ont plus de difficultés à s'insérer sur le marché du travail que d'autres,
notamment, « les personnes noires, d'origine arabe et «visiblement» musulmane»
(Tadlaoui, 2002, p.20).
Récemment, l'étude de Jean Renaud et Tristan Cayn (2006) réalisée avec
l'appui du Ministère de l'immigration et des Communautés culturelles une étude
intitulée Un emploi correspondant à ses compétences? Les travailleurs sélectionnés
et l'accès à un emploi qualifié au Québec (Renaud, Cayn, 2006) porte sur plusieurs
aspects de la discrimination dont la difficulté pour certains groupes d'immigrants à
accéder à un emploi correspondant à leur niveau de formation. Cette étude, dont
l'échantillon se compose sur près de 2000 immigrants de la catégorie des travailleurs
admis au Québec entre 1997 et 2000 fait ressortir qu'un des facteurs intervenant sur
l'accès à l'emploi est celui de la région de provenance. Les immigrants en
provenance de l'Asie de l'Ouest et du Moyen-Orient et ceux du Maghreb ont un
accès plus lent sur le marché du travail québécois que les immigrants en provenance
d'Europe de l'Ouest et des États-Unis. Les auteurs signalent que les immigrants de
certains groupes ont besoin d'une plus grande période de temps afin de s'adapter et
de s'acclimater au marché du travail québécois mais« [... ] qu'une discrimination
systématique et permanente du marché du travail québécois face aux immigrants de
23
cel1aines ongInes.» (Renaud et Cayn, 2006, p.ll) peut être la cause de cette
difficulté permanente d'insel1ion au travail. Nous reviendrons sur cette étude
ultérieurement.
Une recherche récente nommée Que disent-ils des employés immigrants?
Perception des travailleurs immigrants et des services des organismes à but non
lucrati['par les employeurs de Montréal et des régions (Antonius, Tadlaoui, 2003)
avait pour objectif de cerner les attentes des employeurs vis-à-vis des personnes
immigrantes et de déterminer quelles sont les actions à entreprendre auprès des
employeurs afin de faciliter J'insertion et le maintien de ces personnes immigrantes
au sein de l'entreprise. Ainsi, des questionnaires ont été distribué à des organismes
chargés de contacter des employeurs désignés aléatoirement à partir des listes du
Centre de recherche industrielle du Québec. Plusieurs points révèlent: «Le fait que
les immigrés réussissent moins bien leur intégration en emploi que les personnes
nées au Québec, en dépit du fait que la majorité d'entre eux soient sélectionnés en
fonction de leurs compétences professionnelles et de leur capacité d'adaptation.»
(Antonius et Tadlaoui, 2003, p. 61).
Plusieurs autres études ne pOl1ent pas directement sur la discrimination mais
sur la représentation sociale de l'Islam. Par exemple, le Congrès Islamique
Canadien4 publie chaque année, depuis 1998, une étude portant sur la couverture
médiatique d'événements reliés à l'Islam et évalue les différents articles de
quotidiens canadiens qui utilisent des termes biaisés, subjectifs et qui pourraient être
à l'origine d'une représentation négative des musulmans. Au Québec, Rachad
Antonius a également publié plusieurs recherches et articles portant sur les
représentations médiatiques des musulmans. Dans son texte, Un racisme
« respectable» (Antonius, 2002), il traite de la représentation du conflit israélo
palestinien qu'il met en lien avec la nouvelle forme que prend le racisme
aujourd'hui. Cette recherche viendra alimenter l'analyse de cette étude puisqu'elle
4 CONGRÈS ISLAMIQUE CANADIEN (2007), édilion électronique, Ilwww.canadianislamiccongress.com/support/map.php. en ligne le 20 mars 2007.
24
me procurera un cadre d'analyse pertinent. Aussi, le Chaire de Recherche en
Immigration, Ethnicité et Citoyenneté (CRIEC) a récemment publié une étude
intitulée Incorporation citoyenne des Québécois d'origine arabe, conceptions,
pratiques et défi (Oueslati et al, 2006) dont un chapitre est consacré au racisme et à
la discrimination dans le milieu du travail et à des témoignages de Québécois
d'origine arabe qui font part des diverses manifestations du racisme qu'ils ont
vécues.
D'autres articles recensés (comme ceux de Denise Helly) analysent les
dynamiques sociales à l'origine de la discrimination, les facteurs structurels à la
source de la discrimination tels le protectionnisme des corporations professionnelles
ou les coupures dans les programmes du multiculturalisme. (Bosset, 2004). L'image
de la population musulmane à Montréal est aussi abordée (Eid, 2006).
Cette revue de la littérature regroupe aussi des ouvrages portant sur le néo
racisme et sur la discrimination. Ces deux concepts et l'analyse des liens qu'ils
entretiennent entre eux permettront de déterminer à quel point le racisme mène à la
discrimination au moment de l'embauche.
1.4.2 La discrimination abordée sous l'angle du racisme
Les a1iicles de la Commission des Droits de la Personne et des Droits de la
Jeunesse et du Ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles portant
sur la notion de race et sur l'imaginaire raciste dressent un portrait intéressant du
racisme d'aujourd'hui, notamment dans les milieux de travail (Eid, 2006 et MICC,
2006). Ils fournissent quelques statistiques et identifient les fondements et les
diverses dynamiques sociales entourant la discrimination au Québec. La
discrimination comme une dimension du racisme est abondamment traitée dans ces
rappolis~ Plus largement, le livre de Juteau, La différenciation sociale: modèles et
25
processus (Juteau, 2003) traite des différentes catégories sociales fondées par la
différenciation sociale (sexe, âge, etc.) et tient compte de l'ethnicité. Il fournit donc
un cadre conceptuel intéressant. Le livre de Labelle et Lévy (Labelle, Lévy, 1995)
comporte un chapitre sur l'insel1ion économique et les groupes ethniques en
interrogeant des leaders provenant des milieux haïtiens, juifs, libanais et italiens, à
Montréal sur la question de l'insertion économique des communautés.
Statistiques Canada est aussi en mesure de fournir des données sur les taux
de chômage des différentes communautés (Statistiques Canada, 2002) selon le
dernier recensement de 2001. Notons que ces communautés n'incluent pas tous les
musulmans et sont composées de plusieurs religions. On peut tout de même en
déduire qu'une grande pal1 des musulmans sont touchés par un taux de chômage
élevé.
Les membres de la population active d'origine arabe sont beaucoup plus susceptibles d'être en chômage que les membres de la population active dans la population dans son ensemble. En 2001, 12,3 % des personnes d'origine arabe qui faisaient partie de la population active étaient en chômage, comparativement à 7,4 % de leurs homologues dans l'ensemble de la population. (STATISTIQUES CANADA, 2007, édition électronique)
Il existe très peu de données quantitatives portant sur la discrimination de
type ethnoraciale à l'égard des musulmans, mais le nombre de plaintes recueillies
par la Commission des droits de la personne et des Droits de la Jeunesse (Eid, 2006)
donne un indice de l'ampleur de la discrimination, des groupes les plus touchés ou
des secteurs de travail où la discrimination est la plus présente. Mais rappelons que
peu de personnes portent plaintes lorsqu'ils sont victimes de discrimination et que ce
taux reste sous-rapporté.
26
1.5- LES HYPOTHÈSES
1.5.1 L'hypothèse principale de recherche
L'hypothèse est fondée sur une explication du taux de chômage comme
résultant d'une discrimination, elle-même résultant des représentations. L'hypothèse
principale de recherche est que les représentations sociales des employeurs sont
négatives et qu'elles interviennent dans le processus à l'embauche, rendant difficile
l'accès à l'emploi pour les musulmans.
Bien sûr, il n'est pas suffisant d'émettre comme hypothèse que les
représentations sociales des employeurs sont négatives puisque ce terme est très
large. De cette hypothèse de base découlent plusieurs sous-hypothèses que je
nommerai « hypothèses de travail ». Ces hypothèses de travail tenteront de suggérer
certaines dimensions des représentations sociales des employeurs qui peuvent être à
la source d'une discrimination à l'embauche. Les deux questionnaires élaborés pour
cette étude s'y référeront. Ces hypothèses de travail peuvent être interreliées, elles
peuvent être complémentaires et la réponse ne ressortira probablement pas avec
autant de clarté lors des entrevues. Elles tentent, cependant, d'englober les
dynamiques sociales susceptibles de créer une représentation sociale défavorable à
l'égard des musulmans. Elles ne sont expliquées ici que brièvement puisqu'elles
seront analysées ultérieurement avec plus de profondeur.
1.5.2 La religion musulmane comme élément central des
représentations sociales des employeurs
La première hypothèse de travail porte sur la perception de la religion
islamique que peuvent avoir les employeurs. Cette représentation de l'Islam
27
participe à la discrimination de la population de confession musulmane à Montréal.
Conséquemment, cette hypothèse englobe les signes religieux, le simple fait que le
candidat soit musulman et une association des pratiques rigoristes à tous les
musulmans. Denise Helly soutient que la province est traversée par «Un
mouvement «laïc» militant [qui] adhère à l'interprétation française anti-religieuse de
la laïcité et [qui] considère la religiosité comme un trait culturel archaïque.» (Helly,
2005, p.78). Cette hypothèse de travail suppose donc que l'appartenance religieuse
des musulmans peut être perçue négativement par des employeurs et devenir une
barrière lors du processus d'embauche.
1.5.3 Les polémiques en lien avec les accommodements raisonnables
Les polémiques autour des accommodements raisonnables demeurent ici un
bon exemple de la crainte de voir les valeurs québécoises reculer devant la
multiplication des signes culturels ou religieux des populations immigrantes. La
Charte des droits et libertés de la personne protège les droits des minorités
religieuses. L'obligation d'accommodement raisonnable s'applique à tout individu
vivant de la discrimination par rapport à sa pratique religieuse ou à toute autre
différence (ainsi, l'accommodement raisonnable peut s'appliquer dans le cas des
handicapés, des femmes, etc.). Plusieurs individus issus de minorités religieuses
différentes ont eu recours à l'accommodement raisonnable. «Toutefois, le groupe
musulman apparaît plus ciblé quant à la fréquence et à l'ampleur des conflits autour
d'ajustements culturels.» (Helly, 2004, p.12). Depuis 200 l, le nombre de demandes
de la pal1 des musulmans à cet égard n'a pas augmenté mais on remarque une hausse
des refus hostiles à la suite des demandes d'accommodement (Helly, 2004). Cet
aspect constitue donc une deuxième hypothèse de travail prétendant que le contexte
actuel avec ses nombreuses polémiques sur les accommodements raisonnables est
fàvorable à une représentation négative de cette population par les employeurs.
28
1.5.4- L'opposition de valeurs, des modes de vie et des comportements'
Cette hypothèse de travail tend à démontrer que les représentations sociales
des employeurs peuvent être empreintes d'une vision dualiste qui reprend la
rhétorique huntingtonienne de l'incompatibilité des cultures judéo-chrétiennes et de
celles de l'Orient musulman (Geisser, 2003). Par exemple, un employeur qui
affirmerait qu'il est en accord avec cet énoncé: « Vous hésitez à engager une
personne musulmane parce que les valeurs associées à l'Islam sont tout à fait
opposées aux valeurs occidentales.» partagerait cette VISIon. Aussi, certains
employeurs pourraient aussi refuser d'embaucher un musulman prétextant que sa
conception de la femme heurte celle des occidentaux et que des conflits majeurs
pourraient s'ensuivre.
[... ] les Arabes et les musulmans sont essential isés et perçus comme des groupes fondamentalistes, misogynes, violents et haineux. Cet ensemble de qualifications fait en sorte que leur citoyenneté est perçue comme une dévalorisation de la citoyenneté des pays occidentaux et une menace aux valeurs occidentales d'égalité des sexes et de la laïcité, présentées toujours comme des valeurs universelles (Helly, 2004, p.13).
Cette image est généralisée et peut mener à une discrimination injustifiée liée à
une projection que se font les employeurs.
Cependant, un conflit réel de valeurs peut opposer une conception plus laïque
des employeurs à celle de courants islamistes plus conservateurs. Par exemple, il
peut arriver qu'un restaurateur refuse d'embaucher des femmes voilées parce que sa
dernière employée musulmane refusait de servir du vin. Cette dimension rejoindrait
une hypothèse de travail ne pOliant pas sur les représentations sociales en soi mais
sur une opposition entre deux courants de pensée, un courant plus libéral et un autre
courant islamiste plus conservateur qui se traduisent par des comportements créant
certaines situations conflictuelles. Cette hypothèse sous-entend donc qu'il est
probable que l'employeur refuse un candidat musulman puisqu'il considère les
29
valeurs de la religion islamique comme étant incompatibles avec le mode de vie de
l'entreprise et que cette perception produise de la discrimination. Elle ne tentera pas
de déterminer s'il y a une réelle opposition de valeurs mais plutôt si les
représentations sociales des employeurs sont constituées de la conception que les
valeurs des musulmans peuvent nuire au bon fonctionnement de l'entreprise ou créer
des conflits entre les employés.
1.5.5 La préférence pour le candidat d'ascendance canadienne-française
L'appréhension de la dilution culturelle peut se percevoir de différentes façons,
notamment par les discours victimaires de la société d'accueil. Cet aspect peut se
voir chez les employeurs lorsque ceux-ci affirment, par exemple, préférer engager
que des «Québécois de souche» sous prétexte de vouloir garder une bonne ambiance
de travail et une unité entre les employés. Nous questionnerons également les
employeurs sur l'accent des candidats et la non-reconnaissance de l'expérience à
l'étranger qui peuvent être des éléments interférant dans l'embauche.
1.5.6 L'image projetée à la clientèle
L'embauche ou la non-embauche d'une personne peut être influencée par la
crainte de l'employeur à projeter une image négative à la clientèle. Cette hypothèse
suppose donc que l'appartenance culturelle et religieuse des musulmans peut heurter
la clientèle et donner une image défavorable de l'entreprise et donc nuire à sa
rentabilité. Ainsi, le choix d'un candidat peut être influencé par l'image projetée à la
clientèle. L'employeur peut refuser d'employer un candidat de peur de perdre de la
clientèle. Plusieurs questions seront en lien avec cette catégorie puisqu'elles
30
permettent aux employeurs de transposer leur perception des musulmans sur celle de
la clientèle.
La discrimination justifiée par l'argument de la préférence de la clientèle est
condamnée par la Charte des droits et libertés du Québec depuis le cas des
entreprises L.D. Skelling Inc., en 1994. Un candidat a reçu la compensation de 9
000$ suite au refus d'embauche de l'employeur sous prétexte qu'il risquerait de
perdre sa clientèle à cause de la couleur de la peau du candidat. À la suite de ce cas,
le Tribunal des droits de la personne a tranché et condamné l'argument évoquant les
préférences de la clientèle comme condition d'embauche. Cette action judicaire a
permis d'établir le fait que les employeurs ont certaines responsabilités face à la
discrimination et doivent assurer un climat de travail et un accès au travail exempts
de discrimination.
1.5.7 L'impact de la couverture médiatique traitant des musulmans sur
leur embauche
Les communautés musulmanes font l'objet d'une grande visibilité dans les
médias, à cause, notamment, des nombreux conflits au Moyen-Orient, des actes
terroristes prétendant se rattacher à l'Islam, et des revendications de certains
musulmans mises en exergue par des médias populistes. Les discours négatifs à
l'égard de cette communauté ne cessent de se faire entendre. Une des dynamiques
susceptibles d'influencer la représentation sociale qu'a la société en général des
musulmans est donc celle des images stéréotypées et homogènes associées à
l'ensemble de cette population, souvent générées et propagées par les médias. Cette
population étant formée de diverses cultures, religions et origines différentes, la
généralisation d'images stéréotypées, souvent négatives, nuit à l'intégration des
divers groupes la composant.
31
Le discours négatif à leur égard trouve ses origines non seulement dans les conflits historiques, mais aussi dans l'entreprise orientaliste qui a construit l'Arabe et le musulman comme une catégorie monolithique, sous-développée, prédisposée au fanatisme, à la violence et à l'oppression des femmes, etc., ces caractéristiques étant considérées inhérentes à l'identité arabe ou musulmane. (Oueslati, Antonius, Labelle, 2006, p.22)
Ne donnant pas toujours toute l'information nécessaire ou omettant de faire
une analyse sociopolitique objective, les médias propagent une image standardisée
souvent dépréciative des musulmans en ne traitant que des cas extrêmes et
marginaux (terrorisme, revendications ethniques, etc.) dans les manchettes du jour.
Une logique réductionniste participe à la construction d'un idéal-type du musulman
et renforce les préjugés de la population. Notons que le discours médiatique ne
cherche pas volontairement à donner une image négative de l'Islam mais il a sa part
de responsabilité en ayant tendance à homogénéiser des attitudes et à essentialiser
des comportements.
Les conduites discriminatoires sont très réactives parce qu'elles dépendent grandement de l'effet agenda, c'est-à-dire du modelage de l'opinion publique par les informations mises au premier rang par les grands médias, et de J'influence des grands évènements internationaux sur le déclenchement de conduites irrationnelles [... ] (Ferréol et Jucquois, 2003, p.96).
Le discours médiatique n'est pas le vecteur d'une pensée unique. Il ne cherche
pas volontairement à propager des préjugés et des stéréotypes mais les médias
consti tuent un facteur pouvant être à l'origine des représentations sociales
défavorables des musulmans qui influencent le processus d'embauche. Les médias
sont responsables d'une certaine banalisation de l'islamophobie au sein des sociétés
en exacerbant les différences (Geisser, 2003) et cela peut engendrer des
représentations sociales défavorables qui sont ensuite généralisées à l'ensemble des
communautés musulmanes. Cette hypothèse de travail tentera de vérifier si les
représentations sociales dominantes des employeurs à l'égard de cette communauté
32
peuvent être constituées d'associations systématiques entre l'Islam et la violence ou
encore le terrorisme.
CHAPITRE II MÉTHODOLOGIE
2.1 LA CUEILLETTE DES INFORMATIONS
Plusieurs auteurs ont lancé des débats sur le choix de la méthodologie qui
serait la plus adéquate poùr bien cerner les contenus des représentations sociales et
pour analyser leur organisation interne. Jean Abric, dans son livre Pratiques
sociales et représentations (Abric, 1994), affirme que, pour étudier un phénomène
sous l'angle des représentations sociales, une approche multi-méthodologique est
nécessaire. Ainsi, dans le cadre de cette étude, des entretiens permettront de
connaître le contenu des représentations sociales et des questionnaires permettront
d'en saisir la logique interne.
Pour le besoin de cette étude, des entretiens semi-directifs devront être faits
afin de me permettre de recueillir les éléments constituant les représentations
sociales des employeurs. Des groupes-témoins (intervenants en insertion à l'emploi,
centres d'employabilité, etc.) seront en mesure de faire ressortir, lors des entrevues,
les principaux éléments qui sont à la source de la discrimination et qui alimentent les,
représentations sociales qu'ont les employeurs des musulmans. Une fois ce contenu
cerné, les composantes des représentations sociales pouvant être à l'origine de la
discrimination et qui peuvent intervenir lors du processus d'embauche seront
déterminées. Cependant, « [ ... ] si l'entretien permet dans une certaine mesure
d'avoir accès au contenu d'une représentation et aux attitudes développées par
l'individu, il ne permet que rarement d'accéder directement à son organisation et à
sa structure interne.» (Abric, 1994, p. 62). À ce propos, Abric affirme que: « [ ... ]
L'utilisation de [plusieurs] méthodes vise, d'une part, à repérer et à faire émerger les
éléments constitutifs de la représentation sociale, d'autre part, à connaître
l'organisation de ces éléments et à repérer le noyau central de la représentation.»
34
(Abric, 1994, p.60). En effet, la difficulté de se détacher de la subjectivité du sujet
et l'impossibilité d'analyser la structure interne des représentations sociales nous
font comprendre que l'étude des représentations sociales nécessite une deuxième
méthodologie. Une fois que le chercheur a accès au contenu de ces représentations,
il doit maintenant analyser les structures internes qui reposent sur une hiérarchie
d'éléments tournant autour d'un noyau central. Le jumelage de l'entretien avec la
méthode du questionnaire est donc nécessaire.
Le questionnaire est la méthode la plus utilisée dans l'étude des
représentations sociales puisque, contrairement à l'entretien, il permet d' introd uire
l'aspect quantitatif qui est essentiel dans l'analyse des données:
[... ] L'analyse quantitative du contenu permettant par exemple de repérer l'organisation des réponses, de mettre en évidence les facteurs explicatifs ou discriminants dans une population, ou entre des populations, de repérer et de situer les positions respectives des groupes étudiés par rapport à ces' axes explicatifs, etc. (Abric, 1994, p.62).
Le questionnaire amène à une standardisation (Abric, 1994) réduisant les
variations de l'expression des sujets. Afin de bien cerner les liens entre les
dynamiques sociales et les représentations sociales, le questionnaire sera composé de
diverses sections correspondant chacune à une dynamique (médias, accommodement
raisonnable, etc.) composées, chacune, de plusieurs questions. Ces dynamiques,
établies suite aux entrevues avec le groupe-témoin, constitueront en quelque sorte
l'ossature des représentations sociales. Lors de l'analyse, il sera important de
hiérarchiser les différents éléments qui interviennent le plus dans le processus
d'embauche et ceux qui forgent les représentations sociales. Ainsi, il sera possible,
par la suite, de déterminer si les hypothèses de travail corroborent ou pas les données
recueillies et lesquelles interviennent le plus dans le processus d'embauche.
35
2.2 LES ENTREVUES AVEC LE GROUPE-TÉMOIN
Pour tenter de cerner le contenu des représentations sociales des employeurs,
cette étude doit comprendre des entretiens avec quelques organismes œuvrant à
l'insertion à l'emploi des immigrants récemment arrivés ou établis depuis plusieurs
générations au Québec. Le premier entretien a eu lieu avec Khadija Mounib qui
travaille au sein de l'organisme Alternatives" dans le département du service
d'employabilité de l'organisme. Cette responsable de l'embauche est témoin de la
représentation négative de certains employeurs face aux musulmans puisqu'elle
contacte directement les employeurs afin qu'ils prennent en considération les
candidats qu'elle tente d'insérer sur le marché du travail. L'organisme Alternatives,
depuis quelques années, est le résultat de la fusion du Centre d'Études Arabes pour
le Développement (CEAD) et de d'autres organismes et, conséquemment, traite
principalement avec une clientèle musulmane en ce qui concerne l'aide à l'emploi.
De plus, il est directement en lien avec le Ministère de l'Immigration et des
Communautés Culturelles qui lui réfère des immigrants récemment arrivés dont la
plupart sont Maghrébins.
La deuxième entrevue s'est effectuée avec le Carrefour Jeunesse-Emploi
Ahuntsic- Bordeaux-Cartiervillé qui œuvre dans le secteur étudié. Cet organisme a
mis sur pied, en 2002, la Table d'employabilité Ahuntsic-Cartierville qui comprend
des représentants de 27 orgamsmes d'employabilité et d'institutions
gouvernementales oeuvrant à l'insertion sur le marché du travail de personnes qui
ont de la difficulté à s'insérer sur le marché du travail dans cet arrondissement. Les
immigrants d'origine arabe sont particulièrement ciblés puisqu'ils constituent une
grande partie de la population de ce secteur géographique et que la discrimination à
leur égard devient de plus en plus évidente. Le directeur, Monsieur Pierre Daigle,
5 ALTERNATIVES. Site officiel, wwwaltematives.ca. CI CARREFOUR JEUNESSE-EMPLOI AHUNTSIC-CARTIERVILLE, Site officiel, www.ahuntsic.com/cjeabc/
36
m'a mis en contact avec des intervenants qui sont témoins de la discrimination
envers les musulmans et j'ai effectué une entrevue de groupe avec mesdames
Fabienne Rey, Valérie Savard, Annick Cyr, Stéphanie Loiselle et messieurs David
Finaly et François Poulin.
La troisième candidate ne travaille pas dans un organisme d'insertion en
emploi mais elle a travaillé plusieurs mois dans une agence de placement très
connue dont le nom ne sera pas divulgué ici. Nous lui donnerons le pseudonyme de
Danielle pour assurer la confidentialité, suite à sa demande. Interroger une
informatrice qui a travaillé dans une agence de placement nous apportera un autre
point de vue qui alimentera l'analyse. Les employeurs sont, pour ces agences, des
« clients» qui font part de leurs critères d'embauche et l'agence ne doit pas leur
déplaire puisqu'une concurrence entre agences les oblige à se plier à toutes les
volontés du client. Les employeurs parlent donc ouvertement des candidats qu'ils
désirent et de eeùx qu'ils veulent éviter.
La quatrième entrevue s'est produite avec monsIeur Wadi Karam, le
directeur de « La Maisonnée », un organisme à but non lucratif qui offre des services
d'aide et de liaison pour tous les immigrants et les résidents de Rosemont-Ia-Petite
Patrie. Monsieur Wadi Karam est bien situé pour nous faire part de la perception
qu'ont les employeurs avec qui il est régulièrement en contact pour tenter de placer
ses candidats. Étant lui-même musulman, il est d'autant plus sensible au phénomène
de la discrimination.
Le matériel utilisé pour ces entrevues était celui de l'entrevue semi-dirigée
avec le groupe-témoin (voir Annexe 1). Le sujet était libre de traiter des aspects
qu'il considère les plus importants. Les questions ne servaient qu'à ramener le
candidat à l'objet de mon étude et à déterminer ce qui intervient selon eux dans le
processus d'embauche. Elles portent sur les quatre hypothèses déterminées à paliir
de la recherche bibliographique. Les entretiens m'ont permis de saisir si ces
éléments interviennent ou pas dans le processus d'embauche, selon les sujets, et la
37
dernière question qui était ouverte avait pour but de toucher certains aspects qui ont
été omis dans les hypothèses élaborées mais qui devront être pris en considération.
2.3 LA CONSTITUTION DE L'ÉCHANTILLON ET DU QUESTIONNAIRE À L'INTENTION DES ENIPLOYEURS
Cet1aines entreprises qui embauchent uniquement les membres de la famille,
comme dans le cas de certains dépanneurs de quartier, devront être exclues de mon
échantillon puisqu'ils représentent une toute autre logique d'embauche comme on le
mentionnait au début. Dans le même ordre d'idée, des institutions publiques comme
les écoles et les CLSC ou les hôpitaux ainsi que la fonction publique seront exclus
de mon échantillon.
Pour dresser un échantillon valable, il a fallu respecter certaines contraintes.
D'abord, seuls les employeurs commerçants ont été sélectionnés puisque les critères
d'embauche peuvent varier d'un secteur d'emploi à l'autre et ainsi complexifier
l'analyse. Les employeurs du secteur des commerces peuvent être davantage
influencés par l'image que leur entreprise projette à la clientèle.
L'échantillon est aussi constitué d'entreprises de différentes tailles. Je vais
questionner des employeurs ayant une petite entreprise, soit moins de 30 employés
et des employeurs ayant une plus grosse entreprise, soit plus de 30 employés.
Le questionnaire est constitué de plusieurs questions liées aux six hypothèses
de travail mentionnées précédemment gui sont: les images stéréotypées et
généralisantes associées aux musulmans, les polémiques sur les accommodements
raisonnables, l'opposition de valeurs, des modes de vie et des compol1ements de la
société d'accueil, la préférence des employeurs à engager des candidats d'origine
canadienne-française, l'image projetée à la clientèle et la couverture médiatique
parfois négative. Afm de contrôler les biais des réponses, un certain nombre
38
d'énoncés sont formulés de telle sorte que si les employeurs cochent qu'ils sont en
accord avec un énoncé, cette réponse indique que les employeurs ont des
représentations favorables des musulmans (ex: «Vous êtes particulièrement ouvert
à engager des individus issus des communautés ethniques puisqu'ils attirent des
clients de leur origine ethnique et culturelle. »). En revanche, le même nombre
d'énoncés sont formulés de telle sorte que s'ils sont en accord, le résultat indique
que leurs représentations sociales sont défavorables (ex: « Employer des immigrants
ou des individus issus de différentes communautés ethniques peut projeter une
image négative de l'entreprise. ») Ces énoncés sont placés de façon aléatoire dans le
questionnaire.
2.4 LA DESCRIPTION DE L'ÉCHANTILLON
Les dix employeurs interrogés sont des connaissances ou des références
puisqu'il était trop difficile d'obtenir leur accord autrement. Je suis passée les voir à
leur commerce pour leur expliquer ma recherche. J'ai lu les énoncés à haute voix et
tous les commentaires dits entre chaque énoncé étaient pris en note. J'ai ensuite
posé les questions relatives à la partie qualitative et j'ai noté les résultats.
L'entrevue n'a pas été enregistrée puisque, le sujet étant délicat, il fallait mettre
toutes les chances de mon côté pour qu'ils soient francs. J'ai tenté de limiter mon
échantillon au secteur géographique de l'arrondissement d' Ahunstic-Cartierville
mais certains employeurs m'ont référé à d'autres employeurs à l'extérieur de cet
arrondissement. Les 10 entreprises sont des commerces de tailles diverses. Nous
retrouvons 4 entreprises de plus de 30 employés. Il s'agit de l'entreprise de
transport (plus de 300 employés), de la pharmacie (90 employés), de l'institution
financière (70 employés) et d'un commerçant manufacturier qui fait aussi de la vente
au détail (plus de 100 employés). Les 6 autres entreprises ont moins de 30
employés. Il s'agit de deux commerces alimentaires ayant 28 et 12 employés, de 2
39
commerces de détail ayant que 2 employés et 4 employés, d'un bar-restaurant ayant
8 employés et d'un centre de conditionnement physique ayant 8 employés.
Rappelons également que les employeurs ont tous été choisis parce que leur
entreprise offre un service direct à la clientèle. Notons aussi que six employeurs sur
dix comprennent pas ou très peu d'employés issus de minorités ethniques. Les
quatre commerces comprenant plusieurs employés issus de minorités ethniques sont
l'entreprise de transport, le bar-restaurant, l'institution financière et le commerce
alimentaire ayant 28 employés. Ce sont tous des commerces de grandes tailles, sauf
pour le bar-restaurant. Deux employeur, un en vente et celui de la compagnie de
transport sont d'origine maghrébine. Notons que l'employeur de l'entreprise de
transport m'a précisé préférer engager des maghrébins puisqu'il est lui-même
d'origine maghrébine et qu'il a vécu de la discrimination en emploi lorsqu'il est
arrIvé icI.
L'analyse des réponses des employeurs est croisée avec les entrevues des
responsables de centres d'emploi et de l'informatrice sur les agences de placement et
tentera de faire ressortir les grandes tendances qui forment les représentations
sociales de ces employeurs.
2.5 LES LIMITES DE L'ÉCHANTILLON DES EMPLOYEURS
L'échantillon retenu des employeurs n'est que de dix candidats. Il est
intéressant de noter que je me suis heUliée à treize refus. Plusieurs facteurs peuvent
expliquer les nombreux refus des employeurs à répondre à ce questionnaire.
D'abord, le manque de temps de certains employeurs et le manque d'intérêt par
rapport au sujet de la discrimination m'ont été signalés. De plus, plusieurs grandes
compagnies ont aussi comme politique de ne pas répondre à ce genre de
questionnaire de peur de retombées négatives. Cela est le cas pour plusieurs grandes
chaînes de magasins que j'ai contactées. Un autre point qui m'a été mentionné est
40
que, selon plusieurs employeurs, la couverture médiatique abondante sur les
questions ethniques fait en sorte que plusieurs personnes refusent d'entendre parler à
nouveau de ce type de sujet. Deux employeurs ont manifesté clairement de la
frustration et m'ont dit qu'ils refusaient de répondre à des questions en lien avec des
femmes voilées parce qu'ils considèrent tout simplement qu'aucune femme ne
devraient porter le voile et qu'on ne devrait même pas en parler. Cette réaction est
intéressante pour cette recherche puisqu'elle témoigne d'une vive hostilité envers le
symbole religieux du voile islamique et il est clair, dans le cas de ces deux
employeurs, que les représentations sociales de ces employeurs sur le voile
interviennent directement sur l'embauche des femmes voilées.
Un point positif ressort tout de même du fait d'avoir un SI petit
échantillon. Les études sur la discrimination se heurtent souvent à l'obstacle de la
désirabilité sociale puisqu'un sujet aussi délicat peut faire en sorte que les personnes
interrogées préfèrent entretenir un discours d'apparence égalitaire, tolérant et niant
toute discrimination. Cependant, comme les employeurs contactés étaient des
connaissances ou des références d'autres employeurs, cet obstacle a été amoindri.
Nous le constatons par la franchise des réponses de plusieurs employeurs,
notamment dans la partie qualitative du questionnaire. Un certain lien de confiance
s'est établi tout de suite et j'ai pu prendre le temps de bien expliquer le but de cette
recherche. Malgré le fait que cette recherche ne peut pas être représentative de tous
les employeurs, ce lien de confiance et l'honnêteté des répondants sur un sujet aussi
sensible est probablement l'avantage premier d'une étude à petite échelle. Le
contexte actuel où la couverture médiatique sur les accommodements raisonnables et
la Commission Bouchard-Taylor fait la une des journaux a probablement facilité le
fait que certains employeurs se sont exprimés sans avoir peur d'être jugés. En effet,
le débat médiatique, sous des allures démocratiques, laissait parfois place à des
propos négatifs et peu fondés, notamment, sur les musulmans.
Une dernière mise en garde doit être apportée ici, mise en garde qui
amène une critique plus large. Le fait que ces employeurs aient accepté de participer
41
peut vouloir dire qu'ils sont plus ouvelis et sensibles au phénomène de la
discrimination. Les études portant sur la discrimination se heurtent souvent au fait
que les personnes les plus susceptibles de discriminer y collaborent moins.
Conséquemment, les chercheurs ont plus de facilité à obtenir la participation des
personnes plus sensibles et ouvertes à la discrimination. Cet obstacle majeur est
aussi problématique pour les personnes travaillant dans les centres d'employabilité
et qui ont à combattre les préjugés des employeurs. Dans ce sens, KhadijaMounib
rappelle que ce sont les employeurs qui restent silencieux qui rendent difficile la
lutte à la discrimination lors de J'embauche.
Quand les gens te demandent de l'information, ils te tendent la perche. C'est à toi de la saisir et d'expliquer. C'est des gens qui sont nos alliés, quand on les a sensibilisés, ils vont embaucher ces gens. Donc, il faudrait faire un travail chez les entreprises qui restent silencieuses. Il ya un autre bassin d'employeurs qui, quand on leur envoie un CV, restent silencieux. Il n'y a pas de retour. On les appelle et ils nous disent qu'ils vont nous rappeler si la candidate est retenue et, puis, pas de nouvelle. Donc, il ya des entreprises qui ne parlent pas, qui ne disent rien. C'est là qu'il faut travailler.
Nous constatons donc que cet obstacle sera probablement toujours
présent que ce soit pour une étude ou pour toute autre problématique touchant au
phénomène du racisme. Cette réalité est difficilement contournable mais, toute
analyse des problématiques d'employabilité comme toute stratégie d'intervention
doit en tenir compte et cibler davantage les entreprises qui n'émettent aueun
commentaire quant aux candidatures de musulmans qui leur sont soumises.
Bref, les nombreuses critiques que l'on peut adresser à J'échantillon font
en sorte qu'on ne peut généraliser les résultats obtenus ou établ il' quelconques
statistiques. Cependant, comme il s'agit d'une analyse exploratoire, les résultats
obtenus peuvent servir à clarifier certains concepts et à donner un aperçu des
représentations sociales de plusieurs employeurs sur les musulmans.
CHAPITRE III
ANALYSE DES RÉSULTATS
3.1 APERÇU GÉNÉRAL DES RÉSULTATS
L'analyse qui suit porte sur les résultats détaillés et les diverses explications
que l'on peut en tirer. Nous allons présenter les résultats obtenus dans ce
paragraphe. La religion musulmane du candidat s'avère être un élément central des
représentations sociales des employeurs qui joue négativement dans l'embauche.
L'analyse des différentes hypothèses nous le démontre, les employeurs ont beaucoup
réagi lorsque la religion musulmane a été mentionnée que ce soit lorsque les énoncés
portaient sur la religion même du candidat ou sur des aspects en lien avec la religion
tels les accommodements raisonnables. Cependant, certaines nuances ont été
appol1ées par les employeurs et les différentes réponses obtenues démontrent qu'ils
se méfient de cel1ains éléments particuliers mais ne veulent pas exclure tous les
musulmans. Cette volonté de préciser ou de nuancer les énoncés fait preuve d'une
certaine sensibilité à ne pas généraliser et à ne pas exclure ce groupe dans son
ensemble.
Le groupe d'employeurs est constitué de deux employeurs musulmans, un
d'origine libanais et un autre d'origine marocaine. Il s'agit de l'em'ployeur qui
travaille dans un commerce de vente au détail et de celui qui œuvre dans une
compagnie de transport. Les autres employeurs parlent français avec un accent
québécois, ce qui me fait dire qu'ils sont probablement nés au Québec.
L'hypothèse de travail considérant que la religion musulmane des candidats.
est un élément jouant négativement sur les représentations sociales des employeurs
lors de l'embauche peut être confirmée mais une précision doit être appol1ée. Alors
que quelques employeurs sont réticents à engager des musulmans et que la majorité
affiche de la réticence à engager des candidats portant un signe religieux, la plupart
43
des employeurs sont soucieux de ne pas associer automatiquement les pratiques
rigoristes de certains musulmans à tous les musulmans. Pour ce qui est de
l'hypothèse sur les accommodements raisonnables, une intolérance des demandes de
type religieux de la part de la majorité des employeurs ressort. Cependant, alors que
pour quelques employeurs cette intolérance va les rendre réticents à engager des
candidats musulmans, d'autres employeurs insistent sur le fait que cette intolérance
n'interféra pas sur le processus d'embauche puisqu'ils embaucheront le candidat
mais refuseront toutes demandes d'accommodements par la suite. La troisième
hypothèse de travail qui suppose que la perception des employeurs quant à
l'opposition des valeurs liées à l'Islam et des valeurs occidentales jouent
négativement dans le processus d'embauche est infirmée pour la grande majorité des
employeurs. Les employeurs ne veulent pas généraliser et ne perçoivent pas que les
valeurs liées à l'Islam peuvent être nuisibles pour l'entreprise ou pour les employés.
Autre fait surprenant, la majorité d'employeurs a répondu qu'ils considéraient qu'il
ne fallait pas associer une conception de la femme négative à tous les musulmans et
ce point n'interfère pas dans le processus d'embauche. La quatrième hypothèse sur
la préférence des employeurs à engager un candidat d'origine canadienne-française
est validée par quelques employeurs. Cependant, on remarque que l'accent de
certains candidats peut s'avérer un obstacle à leur embauche pour la moitié des
employeurs. La non-reconnaissance de l'expérience étrangère est aussi
problématique dans certains cas. Finalement, la cinquième hypothèse qui soutient
que les employeurs justifient parfois la discrimination sous prétexte que leur
clientèle n'apprécie pas l'employé de confession musulmane peut à la fois être
confirmée et infirmée. Effectivement, les employeurs d'entreprises de petite taille
justifient la discrimination puisqu'ils ne peuvent se permettre de perdre de la
clientèle. Quant aux employeurs d'entreprises de grande taille, ils considèrent
qu'embaucher des candidats d'autres confessions ou origines culturelles attire de la
clientèle plus variée et est bénéfique pour la rentabilité du commerce.
44
Le premier point que l'on constate, c'est que les résultats obtenus pour
chacune des hypothèses sont toujours nuancés. En effet, malgré le fait que les
employeurs affichent une réticence sur certains points précis, ils sont soucieux de
justifier qu'ils ne veulent pas généraliser. On constate une volonté de rie pas exclure
totalement les musulmans du marché du travail. Les employeurs condamnent
cependant certains comportements comme celui de porter un signe religieux ou de
faire des demandes d'accommodements raisonnables. Ainsi, pour des énoncés plus
généraux comme, par exemple, ceux portant sur les valeurs de l'Islam ou sur les
pratiques rigoristes liées à l'Islam, les employeurs refusent de généraliser. Mais
lorsqu'ils parlent du port du voile ou de la barbe, de demandes d'accommodements
religieux, on constate que les employeurs affichent de la réticence à les engager.
Cette brève présentation visait à faire ressortir les grands points des résultats
obtenus; il importe maintenant d'analyser plus en détail les réponses aux questions
soulevées.
3.2 LA RELIGION MUSULMANE COMME ÉLÉMENT CENTRAL DES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DES EMPLOYEURS
Une première constatation saute d'abord aux yeux. L'idée que
l'appartenance religieuse des musulmans peut être perçue négativement par des
employeurs et devenir une barrière lors du processus d'embauche est un élément
central qui apparaît tout au long de la recherche. En effet, cette hypothèse de travail
ressort constamment et elle entrecrolse les autres hypothèses de travail tout au cours
de l'analyse. Cependant, on constate aussi que plusieurs employeurs ont insisté sur
le fait qu'il ne fallait pas généraliser les pratiques rigoristes de certains musulmans à
tous les musulmans. Nous allons analyser trois éléments liés à la religion
musulmane ressOiiis dans le questionnaire. 11 s'agit du terme musulman, du port de
signes religieux et de la généralisation des pratiques rigoristes à tous les musulmans.
45
3.2.1 Les signes religieux
Les remarques des employeurs sur les signes religieux abondent et révèlent
qu'ils ne tolèrent pas un candidat musulman arborant un signe religieux ostentatoire.
À cet énoncé : « Vous n'acceptez pas les musulmans qui affichent des signes
religieux extérieurs» (Question 6), un seul employeur œuvrant dans le secteur de la
vente au détail est en désaccord, contre neuf en accord. Un candidat affichant un
signe religieux aurait donc beaucoup moins de chance de se faire embaucher par
neuf des employeurs interrogés. D'ailleurs, l'employeur du centre de
conditionnement physique et l'employeur d'un magasin d'alimentation le
démontrent bien dans la partie qualitative en affirmant tous les deux: (de n'engagerai
jamais une femme voilée ou un musulman portant la barbe.» L'hostilité vis-à-vis
les symboles religieux liés à l'Islam est vive et le port d'un signe religieux est un
comportement rejeté par les employeurs. Manifestement, le candidat arborant un
signe religieux aura peu de chance de se faire embaucher. Aussi, l'employeur d'un
bar affinne : « [avoir] peut-être un peu plus de difficulté à engager un musulman
selon s'il affiche sa religion ou non. »
Cependant, on dénote une celiaine ambivalence quant au fait d'embaucher ou
pas une femme voilée ou un musulman portant la barbe pour un employeur. En
effet, le responsable de l'embauche de la pharmacie affirme d'abord: « Je
n'engagerais jamais une femme voilée ou un musulman portant la barbe. C'est la
politique du magasin. » Mais, il se rétracte par la suite et m'explique que:
Les directives de l'entreprise interdisent tout couvre-chef dans la section où on doit avoir un uniforme. Donc, c'est impossible d'engager une femme voilée. Il est vrai qu'il serait difficile pour une femme voilée de travailler dans le laboratoire du magasin puisqu'il faut un uniforme. Elle pourrait éventuellement travailler à la caisse. Je pourrais donc engager un musulman portant la barbe et une femme voilée à la caisse.
46
Malgré sa réticence, cet employeur, après réflexion, se réfère donc à la
politique du magasin et conclut qu'il pourrait engager une femme voilée ou un
musulman portant la barbe à la caisse. Cela démontre, en premier lieu, l'importance
d'une charte sur l'équité en emploi pour les entreprises afin d'encadrer les réactions
spontanées et davantage émotives. Le discours de cet employeur peut aussi signifier
qu'il désapprouve le port de signes religieux ostentatoires sur les lieux de travail
mais qu'il est sensible à la discrimination et qu'il ne veut pas exclure d'emblée ces
candidats.
Cependant, plusieurs employeurs insistent sur le fait que ce ne sont pas les
signes religieux propres à l'Islam comme tels qui dérangent mais tous les signes
religieux comme en témoigne cet employeur dans le domaine de l'alimentation:
.le ne crois pas qu'un arabe qui n'affiche aucun signe religieux de sa religion se heurte tant que ça à des préjugés mais j'avoue que je n'accepterai pas quelqu'un qui afficherait un vêtement de sa religion au même titre que je n'engagerai pas une sœur catholique. Pour moi, la religion est privée et n'a pas à être affichée au travail en public au risque de nuire à l'entreprise en éloignant malheureusement celtains clients.
Dans ce sens, un autre employeur, dans le domaine de l'alimentation aussi,
affirme:
.le n'accepterai jamais un candidat musulman qui affiche des signes religieux extérieurs parce que l'emploi implique un uniforme. Par contre, j'ai encore plus de difficulté à engager quelqu'un avec des tatous. La religion du candidat ne nuira pas à son embauche s'il ne l'affiche pas trop.
Un troisième employeur dans la vente au détail affirme: « Je n'accepte pas
les candidats musulmans qui affichent des signes extérieurs à la religion ni aucun
employé! Pas juste les musulmans, tous les signes religieux.» Ces trois employeurs
insistent sur le fait que ce sont tous les signes religieux qui dérangent et non pas
uniquement" les signes religieux liés à l'Islam.
Ces employeurs légitiment donc leur discrimination en mettant de l'avant un
discours d'apparence égalitaire puisqu'ils affirment ne pas vouloir exclure un groupe
en pmiiculier mais bien tous les individus affichant un signe religieux. Exclure les
47
signes religieux, quelle que soit la religion, leur permet de faire de la discrimination
sous un discours d'apparence égalitaire puisqu'ils désignent un comportement et non
pas l'identité religieuse du candidat. Le port des signes religieux est souvent perçu
comme une atteinte à la valeur de la laïcité et les employeurs affichent une réticence
à les embaucher sous un discours défensif de la neu.tralité religieuse des lieux de
travail.
II faudrait également s'interroger sur les représentations sociales des
employeurs concernant les candidats affichant des signes religieux ostentatoires. En
effet, « Dans l'imaginaire populaire, les minorités ethnoculturelles issues de
l'immigration, surtout récente, sont présumées plus attachées à la religion que les
natifs du Québec et, par conséquent, moins aptes que ces derniers à s'en détacher.»
(Eid, 2007). Cette perception des minorités ethnoculturelles prétend donc que les
employeurs ont plus tendance à associer les pratiques religieuses aux minorités
ethnoreligieuses. On peut en déduire qu'ils peuvent avoir tendance à associer le port
de signes religieux ostentatoires à ces groupes minoritaires et cela, malgré le fait
qu'ils affichent un discours d'apparence égalitaire. Cette réticence envers tous les
signes religieux est peut-être, plus dirigées vers les minorités ethniques qui sont,
dans l'imaginaire collectif du Québec, davantage perçues comme ancrées dans leur
tradition religieuse.
3.2.2 L'amalgame des pratiques rigoristes à tous les musulmans
Cette section sur les grands stéréotypes vise à savoir si les représentations
sociales des employeurs sont le résultat de la corrélation entre la religion musulmane
et les pratiques extrémistes ou fondamentalistes de l'Islam et si cette corrélation peut
interférer dans le processus d'embauche. La surreprésentation dans les médias des
extrémistes, des telToristes se réclamant de l'Islam et des fondamentalistes peut
influencer les employeurs à généraliser ces courants à l'ensemble des musulmans. À
48
l'énoncé suivant: « Vous hésitez à engager un musulman de peur qu'il soit
extrémiste dans ses croyances et pratiques religieuses» (Question 15), huit
employeurs ont répondu qu'ils étaient en désaccord et deux sont en accord. Le haut
pourcentage des personnes en désaccord avec cet énoncé démontre que les
représentations sociales de ce groupe d'employeurs n'associent pas
automatiquement l'extrémisme à tous les musulmans. Cependant, deux employeurs
sur dix affirment ouvertement qu'ils hésitent à embaucher un musulman de peur de
tomber sur un candidat extrémiste ou fondamentaliste. On constate donc que la
surreprésentation médiatique des terroristes se réclamant de l'Islam, des extrémistes
peut mener, chez celiains employeurs, à une généralisation de ces pratiques à tous
les musulmans, d'où la réticence à engager des musulmans chez deux employeurs
interrogés. Mais cette association n'est pas très généralisée.
3.3 LES POLÉMIQUES EN LIEN AVEC LES ACCOMMODEMENTS RAISONNABLES ET REJET DES DEMANDES DE TYPE RELIGIEUX
Il est vrai que le débat sur les accommodements raisonnables peut être
interprété de plusieurs façons et que la définition même des accommodements
raisonnables peut être mal comprise. Toutefois, nous n'allons pas revenir sur cette
notion et sur la mauvaise interprétation que plusieurs en font. Ce qui nous intéresse
ici est plutôt de l'ordre de la perception des accommodements raisonnables de la part
des employeurs quant à l'embauche de candidats.
3.3.1 Intolérance vis-à-vis les accommodements religieux
La grande majorité des employeurs manifestent de l'hostilité face aux
demandes d'accommodements religieux. Le rejet formel par les employeurs des
demandes en lien avec la religion peut mener à une discrimination de candidats de
49
toutes confessions confondues puisque ce sont toutes les demandes de type religieux
qui sont visées par les employeurs. En effet, les dix employeurs interrogés ont
indiqué' qu'ils sont en accord avec l'énoncé suivant: « Un de vos critères
d'embauche veut que les pratiques religieuses du c~ndidat n'interfèrent pas dans le
cadre du travail. » (Question 5). Les employeurs sont clairs, ils refusent toutes les
demandes de type religieux et ne sont pas tolérants à cet égard. Un employeur
travaillant dans une pharmacie raconte une situation qu'il a vécue:
Une fois, un candidat voulait travailler avec nous. Il était disponible tout le temps sauf Je vendredi à partir de 15 heures parce qu'il était musulman et qu'il devait aller à la mosquée. La politique du magasin veut que l'on exclut ce genre de demande. Cette politique exclut aussi les Québécois qui veulent avoir congé le samedi ou le dimanche parce qu'ils ont un autre emploi. Certains shifts sont obligatoires.
Cet employeur me précise à la fin de l'entrevue que la politique du magasin oblige à
travailler la fin de semaine mais tolère les horaires peu flexibles des étudiants en
semaine. On peut donc en déduire une certaine intolérance aux adaptations pour
motifs religieux.
Les témoignages sur les accommodements religieux démontrent une vIve
hostilité envers ce type de demande. Un employeur du domaine de l'alimentation
affirme que: « Son horaire ne doit pas être restreint par la religion aussi sinon, il ne
se fera pas engager. Nous, on propose un horaire et, s'il ne fait pas son affaire, nous
ne l'embaucherons pas.» Un autre employeur, dans la vente au détail, affirme que:
L'obstacle majeur auquel se heurtent les musulmans est celui des pratiques religieuses (prières, etc.) du candidat qui peuvent empêcher les employeurs de les embaucher pour ce motif. La religion du candidat peut nuire à son embauche s'il est très pratiquant au détriment du travail.
Aussi, l'employeur du centre de conditionnement physique affirme que: « La
religion du candidat peut nuire à son embauche, mais seulement pour ceux qui font
des demandes d'accommodements religieux.» Danielle, qui travaillait pour une
50
agence de placement, affinne que plusieurs employeurs lui faisaient part de leur
réticence: « En fait, ils nous le diront pas qu'ils ont peur qu'ils prient ou quoi que ce
soit. Des fois, suite à une entrevue, ils [les employeurs] disent: «Moi, ça ne
marchait pas, il voulait toujours prier.» La religion devrait passer après la vie
professionnelle. »
3.3.2 Les préoccupations des employeurs de ne pas généraliser les demandes d'accommodements raisonnables à tous les musulmans
Malgré le fait que les employeurs n'affichent aucune tolérance pour les
revendications religieuses, un fait intéressant ressort des résultats obtenus. Pour
plusieurs employeurs, il est important de ne pas généraliser les comportements liés
aux revendications religieuses à l'ensemble des musulmans et de les exclure
systématiquement du marché du travail. En effet, six des employeurs ayant répondu
au questionnaire ont affilmé être en accord avec cet énoncé: «Vous ne pas tenez pas
compte du débat sur les accommodements raisonnables lors de l'embauche»
(Question 8). Le grand nombre de personnes en désaccord (huit employeurs sur dix)
avec cet énoncé: «Vous évitez d'embaucher des musulmans pour ne pas avoir à
faire face à des demandes en lien avec les accommodements raisonnables»
(Question 17), renforce la constatation que les employeurs démontrent en général
une volonté de ne pas exclure tout le groupe des musulmans de peur de devoir faire
face à ce type de demandes. Ils valorisent donc l'intégration des musulmans sans
tolérer pour autant des demandes de type religieux.
Le témoignage d'un employeur dans le domaine de l'alimentation va dans le
même sens: «Non, je n'hésiterai jamais à engager quelqu'un de peur qu'il fasse des
demandes puisque je refuserai toutes les demandes d'accommodements raisonnables
puisque le candidat doit s'adapter à la vie de l'entreprise.» Un employeur dans le
domaine de la vente au détail affirme qu'il est tout à fait en accord avec cet énoncé:
«Un de vos critères d'embauche veut que les pratiques religieuses du candidat
51
n'interfèrent pas dans le cadre du travail.» 11 ajoute cependant une précision:
« Quelles que soient leur ethnie et religion.» Cette phrase est révélatrice puisqu'il
insiste sur le fait qu'il ne rejettera pas un can'didat musulman dont les pratiques
rel igieuses risquent d'interférer sur le travail mais bien tous les candidats de toutes
les religions confondues dont les pratiques pourraient interférer. Dans le même ordre
d'idée, un autre employeur dans le domaine de la vente au détail précise que: « Les
demandes nombreuses en termes d'accommodements raisonnables nuisent à la
rentabilité de l'entreprise de la part de n'importe quel employé.» Le fait que ces
employeurs précisent que les accommodements religieux ne s'adressent pas qu'aux
musulmans démontre qu'ils n'associent pas automatiquement les accommodements
religieux aux musulmans. On revient ici à souligner leur volonté de ne pas
restreindre l'accès au marché du travail à certains groupes.
Danielle, l'informatrice qui travaillait dans une agence de placement, affirme
qu'elle a constaté que certains employeurs associaient automatiquement les
accommodements religieux à la population musulmane:
Certains employeurs associent ça [les demandes de type religieux et les arabes] directement: « C'est un arabe, il va prier.». Ils associent aussi le jeûne du ramadan à tous les arabes et affirment que ça peut nuire. Il y a des employeurs qui nous l'ont mentionné.
Nous avons également pu constater, à quelques reprises dans le questionnaire,
que cel1ains employeurs avaient une certaine tendance spontanée à associer
automatiquement les revendications religieuses aux musulmans. Le témoignage de
l'employeur travaillant dans un bar va dans ce sens: « Des minorités, des arabes, ça
ne cause pas de problèmes mais dès qu'il y a des demandes d'accommodements, des
demandes de congés, etc., ça intervient directement sur le commerce. Par exemple,
une demande de congé peut choquer les autres employés athées.» Bref, malgré le
fait que les employeurs ne veulent pas généraliser, il reste dans l'imaginaire collectif
que les minorités ethniques, dont les musulmans, sont souvent très attachées à leur
religion.
52
3.2.1 La peur non fondée des demandes de type religieux
Pour revenir aux résultats, on ne peut nier la réticence des employeurs face aux
demandes d'accommodements religieux. Cela peut s'expliquer par de nombreuses
raisons dont celle-ci:
Dans ce climat social, la crainte s'exprime publiquement que la multiplication des accommodements religieux n'altère les valeurs fondatrices de la société. Les employeurs ont peur pour leur part que les traitements individualisés de l'accommodement n'érodent la culture collective du travail. (Jézéquiel, 2007, p.7).
Ce discours négatif envers les accommodements raisonnables a été fréquent
lors du débat médiatique de la commission Bouchard-Taylor et on peut supposer que
la couverture médiatique récente sur les accommodements raisonnables légitime ce
type de discours et a influencé certains employeurs interrogés. En effet, les
employeurs de cet échantillon n'ont jamais eu à faire face à des demandes
d'accommodements religieux. Pourtant, ils entretiennent beaucoup de méfiance
envers les candidats susceptibles d'en faire. Wadi Karam, directeur de l'organisme
de La Maisonnée, nous mentionne lors d'une entrevue avec un acteur du groupe
témoin, que cette peur prend parfois une ampleur démesurée comparativement à la
réalité:
Ce n'est pas ça qu'ils veulent les accommodements raisonnables, ils veulent l'égalité et l'accès à l'emploi ou la reconnaissance de la formation. Sur les lieux de prière, ils disent: « Écoutez, moi, je peux prier le soir, c'est entre moi et Dieu et ça ne regarde personne. Je ne suis pas allé à l'entreprise pour me faire embaucher et mettre une condition pour mettre un lieu de prière ou autre chose.» Pour moi, c'est une affaire politique, les accommodements raisonnables. Mais avant de parler du port du foulard au laboratoire ou dans une entreprise, ou avant de parler de lieux de prière pour quelqu'un qui est croyant, parlons de l'accès à l'emploi. Ils n'ont pas d'emplois! Si vous parlez de quelques-uns, ça ne reflète pas la réalité.
53
Dans certains cas, les représentations sociales des employeurs sont formées
d'une association directe entre les demandes de type religieux et la religion
musulmane des candidats. D'ailleurs, l'évocation du terme musulman, lors de la
partie qualitative de l'entrevue avec les employeurs, les conduit spontanément à me
parler d'accommodements religieux. La surenchère médiatique du débat sur les
accommodements raisonnables qu'a connue le Québec et le fait de ramener les
accommodements raisonnables aux accommodements de type religieux ont eu un
impact certain sur les représentations sociales des employeurs. On peut affirmer que
cet élément interfère dans le processus d'embauche.
3.4 L'OPPOSITION VALEURS, MODES DE VIE ET
COMPORTEMENTS
Le monde musulman a souvent été représenté comme opposé au monde
occidental, ses différentes valeurs et ses modes de vie étant perçus comme
retardataires, antimodernistes et irrationnels. Ainsi, cette façon de penser qui veut
qu'il y ait incompatibilité entre le mode de vie des personnes provenant de pays
musulmans et celui des occidentaux, peut certainement influencer les représentations
sociales des employeurs et avoir un impact sur l'embauche des musulmans. Cette
sous-hypothèse tente donc de déterminer si un employeur peut rejeter un candidat de
religion musulmane de peur que ses valeurs religieuses aillent à l'encontre du mode
de vie de l'entreprise.
3.4.1 Les valeurs liées à l'Islam
Cet énoncé assez large: «Vous évitez d'embaucher des candidats dont la
religion est différente de celle des employés de l'entreprise. » (Question 7) visait à
vérifier si la variable de la religion différente de celle des autres employés pouvait
54
être perçue comme un facteur négatif. Neuf employeurs sur dix sont totalement en
désaccord et un seul employeur est en accord. Il s'agit de l'employeur du centre de
conditionnement physique. On peut donc prétendre que la grande majorité des
employeurs ne considèrent pas que la religion du candidat qui serait différente de
celle des employés soit un critère discriminatoire d'embauche. Cet énoncé: «Vous
avez de la réticence à employer une personne musulmane parce que le candidat
pourrait avoir des valeurs trop différentes de celles des employés» (Question 20),
visait à savoir si les valeurs de la religion musulmane du candidat pouvait être
perçues, comme c'est le cas pour l'énoncé précédent portant sur la religion en
général, comme étant difficilement compatibles avec les valeurs des employés. Or,
les résultats vont dans le même sens, les dix employeurs interrogés sont en
désaccord. Les résultats obtenus démontrent que les employeurs ne craignent pas
d'employer un musulman de peur de créer des conflits au sein des employés. À
l'énoncé «Vous hésitez à engager une personne musulmane parce que les valeurs
associées à l'Islam sont tout à fait opposées aux valeurs occidentales. » (Question
22) un grand nombre d'employeurs (neuf sur dix) ont indiqué qu'ils sont en
désaccord avec cet énoncé.
Selon les réponses à ces énoncés, les employeurs ne veulent pas exclure les
personnes de confession musulmane que ce soit par crainte que leurs valeurs ne se
confrontent avec celles des employés ou parce qu'ils considèrent que les valeurs
liées à J'Islam vont à l'encontre des valeurs occidentales.
Et, toujours dans le même sens, on constate que les employeurs ne croient
pas que la religion musulmane nuise à la qualité du travail du candidat puisque tous
les répondants ont coché qu'ils sont en désaccord à l'énoncé suivant: « Vous avez de
la réticence à employer une personne musulmane à cause du risque que sa religion
nuise à la qualité de son travail. » (Question 14).
Il peut s'avérer que des individus issus du groupe des minorités ethniques ou
des immigrants aient des conceptions et des valeurs différentes que celles de la
55
population d'ascendance canadienne-française. Kadija Mounib, qui a elle-même
vécu le processus migratoire, affirme que cette réaction est souvent démesurée:
Nous sonunes dans un pays qui a ses lois ou valeurs et on s'adapte à ces valeurs. Si ce n'est pas possible, on va tenter d'expliquer de façon diplomate. Tu sais, si on a quitté nos pays, c'est pour vivre dans une ambiance juste et équitable. On ne cherche pas à monter l'un contre l'autre ou à forcer et à enlever toutes les valeurs de la société d'accueil. C'est sûr, on vient avec un certain bagage et la religion en est un. Mais on va l'exercer à notre manière sans pour autant enrayer la libelté d'autrui. Chacun va respecter son champ de liberté.
La crainte de voir les valeurs de la société se diluer et, par voie de conséquence, d'en
rendre les différents groupes ethnoculturelles responsables, est souvent ressortie lors
des forums de la Commission Bouchard-Taylor. Les deux commissaires attribuaient
ces réactions à un malaise identitaire (Bouchard-Taylor, 2008). Dans cette étude,
non seulement, les employeurs interrogés ne semblaient pas craindre les valeurs ou
les différentes conceptions des musulmans mais la plupalt ne considéraient pas que
les valeurs en général des musulmans sont différentes des valeurs de l'entreprise.
3.4.2 La conception de la femme
Les réponses obtenues aux énoncés relatifs à la conception de la femme
montrent bien que les employeurs ne craignent pas, en majorité, que les candidats
arabes aient une conception de la femme qui viendrait heurter les valeurs de
l'entreprise. À cet énoncé, «La conception de la femme peut différer selon chaque
individu, c'est pourquoi vous ne généralisez pas et vous n'hésitez pas à embaucher
des musulmans. » (Question 19), trois employeurs sont en désaccord contre sept en
accord. De plus, à cet autre énoncé: «Vous hésitez engager un candidat de
confession musulmane car sa conception de la femme diffère trop de celle des
Québécois.» (Question 18), sept sont en désaccord et trois sont en accord.
Cependant, on doit souligner que, pour les deux énoncés précédents, il y a tout de
même trois employeurs qui pensent que les musulmans ont une conception
56
différente de la femme et affirment que cet aspect peut interférer dans le processus
d'embauche.
Danielle a également eu conn,üssance que certains employeurs refusent
d'embaucher un musulman prétextant que sa conception de la femme pourrait
heurter celle des autres employés:
Quand c'est un monde souvent très féminin dans l'équipe de travail, là ils ne veulent souvent pas parce qu'ils ont peur que la fenune se fasse dénigrer sur les lieux de travail par ce nouvel employé-là si on l'engage. Par exemple, si le groupe de travail c'est surtout des fenunes et qu'ils veulent engager une fenune musulmane ou un gars qui va plus prendre le contrôle, c'est le geme de peur qui peut arriver.
Ainsi, deux employeurs, celui du centre de conditionnement physique et celui
de la pharmacie ont mentionné, dans la partie qualitative, que le port du voile vient à
l'encontre des valeurs de la société québécoise, dont celle de l'égalité homme
femme.
Khadija Mounib doit parfois placer des candidats, de toutes onglnes
ethniques et religions confondues et qui ont effectivement une conception de la
femme qui diffère de celle mise de l'avant par la société québécoise. Elle donne
l'exemple, d'un homme, nouvellement arrivé au Québec, qui ne laissait pas parler sa
femme. Elle explique cependant que le refus d'embauche des employeurs n'est pas
llne solution au problème de l'égalité homme-femme et mène plutôt à aggraver le
problème, par exemple, en excluant une femme voilée du marché du travail.
57
Il est de la tâche d'un conseiller en emploi de renseigner doucement et au fd des rencontres, les nouveaux immigrants que les valeurs ne sont pas toujours les mêmes au Québec que dans son pays. Pour que les candidats soient à l'aise en entrevue et dans son milieu de travail, un certain processus doit être fait par le conseiller. Par exemple, l'égalité des sexes. Il y celtains pays où la fenune est au -second rang. Alors, là, il va falloir tranquillement détecter ça, et c'est avec l'expérience, où, par exemple, le mari vient avec sa femme et que c'est le mari qui parle uniquement. Là, on va détecter qu'il y a quelque èhose qui cloche. On va lui dire: « Écoute, voilà comment ça se passe ici, pourrais-tu, s'il-te-plaît, laisser ta femme parler? Qu'est-ce que tu en penses? » Là, on va établir un lien de confiance Souvent, ça peut prendre de deux à trois rencontres pour arriver, enfin, à ce qu'on puisse les référer en entreprise. Parce que j'ai beau les référer mais s'ils ne correspondent pas à mon entreprise, j'ai fait mon travail à l'envers. Je dois sensibiliser ma clientèle avant de les référer.
Elle explique qu'elle aborde le problème avec délicatesse pour faire
comprendre au candidat que des entreprises n'accepteront pas certaines attitudes ou
points de vue et que c'est souvent au centre d'emploi à faire ce genre de travail et
non pas à l'employeur d'exclure d'emblée certains candidats.
3.4.3 La culture alimentaire
Un employeur dans Je commerce de l'alimentation (fromagerie) révèle qu'il
est réfractaire à engager un candidat qui n'est pas né en occident. Pour lui, les
candidats doivent aimer le fromage, ce qui ne serait pas le cas de certains groupes
ethniques:
Tenant un commerce d'alimentation spécialisé dans le fromage, il est évident que je n'engagerai pas quelqu'un qui n'en mange pas à cause de sa culture (i.e. j'ai déjà refusé une Chinoise qui n'en mangeait pas) au même titre que je n'engagerai pas quelqu'un d'intolérant au lactose! Tant que la personne a le background requis et se plie à 1'habillement exigé par l'employeur, il n'y a pas de problème.
Cet employeur assocIe donc certains groupes ethniques à une culture
alimentaire diftërente et en tient compte dans le processus d'embauche dès le
premier contact. Cependant, il a ajouté que, dès que la personne lui remet son CV
58
en main propre, il lui demande s'il aime le fromage. Cette question permet donc au
candidat de faire ses preuves.
3.4.4 Retour à l'hypothèse sur les oppositions de valeurs, modes de vie
et comportement
Il semble bien que la religion musulmane ne soit pas associée à des valeurs
incompatibles avec celles de l'entreprise. Les employeurs ne considèrent pas non
plus que les croyances du candidat puissent nuire à son travail, selon l'échantillon
étudié. Au contraire, les employeurs affichent un souci de les intégrer dans le
marché du travail. Les valeurs associées à l'Islam et l'origine ethnique ne sont pas,
dans les représentations sociales des employeurs, des facteurs qui interviennent dans
l'embauche.
Une petite précision doit être amenée ici puisqu'un conflit réel de valeur peut
opposer une conception plus séculière des employeurs à celle de courants plus
conservateurs islamistes. Cette recherche n'a recueilli aucun résultat allant dans ce
sens mais nous devons en tenir compte. Cette dimension rejoindrait une autre
hypothèse ne portant pas sur les représentations sociales mais sur l'opposition entre
deux courants de pensée, un courant plus séculier et un autre courant islamiste plus
conservateur.
3.5 LA PRÉFÉRENCE POUR LE CANDIDAT D'ORIGINE
CANADIENNE-FRANÇAISE
3.5.1 Le sentiment de confOli
L'énoncé suivant démontre bien que l'origine canadienne-française du
candidat augmente ses chances d'être embauché dans trois des entreprises étudiées.
À la question: «Vous préférez engager des personnes d'Oligine québécoise », sept
59
employeurs sont en désaccord et trois sont en accord dont deux employeurs
travaillant dans un commerce d'alimentation et le troisième dans un centre de
conditionnement physique. À l'énoncé: «Vous engagez avant tout des candidats qui
connaissent bien le mode de vie des Québécois pour que les clients et les employés
se sentent familiers avec l'entreprise» (Question 16), six employeurs interrogés sont
en désaccord mais quatre sont en accord. Dans les deux cas, on constate que ces
énoncés ne font pas l'unanimité mais qu'une bonne proportion d'employeurs est en
accord. Le fait que ces employeurs affirment ouvertement leur préférence est
surprenante et va à l'encontre des autres réponses où les employeurs se souciaient de
ne pas s'afficher comme discriminants. Un employeur dans le domaine de
l'alimentation qui a coché qu'il était en accord avec ces deux énoncés revient sur sa
crainte d'employer un candidat issu d'un groupe ethnique de peur qu'il ne s'intègre
pas aux autres employés: (d'hésite à engager des groupes ethniques parce qu'il y a
un risque que l'employé reste dans son coin. 11 va moins se fondre aux autres
employés et le travail d'équipe sera problématique.» Un employeur d'une institution
financière parle du rét1exe des employeurs à engager un candidat né au Québec: «Je
pense que la majorité des employeurs choisissent automatiquement un Québécois
versus un immigrant sans même se rendre compte qu'ils font de la discrimination. »
Quant à un employeur de vente au détail, il affirme que certaines personnes issues de
groupes ethniques ont des attitudes différentes de celles des Canadiens-français
d'origine et que ça joue dans l'embauche: «Oui, les différents groupes ethniques
n'ont pas les mêmes chances d'accès à l'emploi en général, c'est une question
d'attitude.» Danielle affirme que cet élément a, malheureusement, beaucoup
d'impact dans le processus d'embauche. Lorsqu'elle demandait à un employeur
pourquoi il refuse un candidat ayant toutes les qualifications nécessaires, elle se
faisait parfois répondre: «Regarde, moi, mon milieu c'est québécois francophone,
fait que l'adaptation va être trop difficile. Alors je ne veux pas m'embarquer dans
des choses comme ça.» Elle souligne également que les employeurs qui se soucient
60
de ce fait lors de l'embauche sont ceux des petites ou moyennes entreprises. Elle
donne un exemple:
Généralement, les employeurs des entreprises avec qui on tàit aftàire ne veulent pas travailler avec d'autres nationalités que des Québécois. Par exemple, ils fonctionnent souvent par groupes de soudeurs. Si ça ne fonctionne pas, les employeurs vont perdre leurs employés. Donc c'est important que le courant passe avec leurs employés. Ils ne voudront pas déplaire à leurs employés. Parce que, généralement, c'est dans les PME que ça se fait. Les PME c'est en bas de \00 employés et il y a 90% de PME au Québec. En majorité, \0,15 employés par entreprise. Donc si l'équipe est jeune, dynamique et composée à majorité de Québécois, les gens ne voudront pas briser ces liens-là.
Ces employeurs croient que l'ambiance interne de l'entreprise risque d'être
affectée par l'embauche d'un candidat d'une autre origine que canadienne-française.
Même si rationnellement, certains employeurs ne voient pas de problème à engager
un musulman, ils se sentent plus à l'aise d'engager un canadien-français. Cela
rejoint les conclusions de l'enquête d'Angus-Reid qui démontre que la population
canadienne affirme se sentir plus à l'aise avec des natifs qu'avec des immigrés et
encore moins à l'aise avec certains groupes ethniques dont les arabes et les
musulmans. (Angus-Reid, 1991).
3.5.2 L'accent du candidat
Un autre élément qui ne touche pas que le groupe des musulmans fait ressortir
un aspect important de la discrimination. 11 s'agit de l'accent du candidat. Les avis
sont pmiagés puisque la moitié des employeurs est en désaccord avec cet énoncé:
«Vous ne tenez pas compte de l'accent qu'ont les candidats lors de l'embauche. »
(Question 10) Dans la paltie qualitative, un employeur œuvrant dans la vente au
détail témoigne que la langue et l'accent des candidats seront un élément
déterminant dans l'embauche et un autre, celui de la pharmacie, affirme que l'accent
du candidat n'est pas important. Pour la moitié de ces employeurs, l'accent du
61
candidat est important puisque l'entreprise offre un serVIce à la clientèle.
Cependant, il y a lieu de se demander si les employeurs qui tiennent compte de
['accent lors de l'embauche préfèrent des candidats qui ont un accent québécois ou
sont réticents à engager ceux ayant un accent difficile à comprendre. Dans ce
dernier cas, une grande part des musulmans ne seront pas touchés puisqu'une grande
part des musulmans, notamment les maghrébins, parlent très bien français et n'ont
pas un accent prononcé.
3.5.3 La non-reconnaissance de l'expérience à l'étranger
La non-reconnaissance de J'expérience découle souvent de la perception que
l'expérience acquise à l'étranger est automatiquement moins bonne que celle acquise
au Québec. C'est en cela que ce facteur explicatif de la discrimination rejoint en
quelque sorte le sujet de cette étude, soit les représentations sociales des employeurs.
Cela est d'autant plus significatif que les employeurs interrogés n'embauchent pas
une main-d 'œuvre qui possède de grandes qualifications. D'ailleurs, Wadi
Karam constate: «On méconnait la portée de l'expérience de la personne qui vient de
l'étranger parce qu'on sous-estime ses capacités. Ce qui n'est pas vrai du tout en
réalité. C'est vrai des fois mais pas souvent.»
Deux énoncés du questionnaire abordent ce thème. Au premier «Vous hésitez
à engager des immigrants puisqu'ils ont peu d'expérience de travail au Canada et que
cela peut nuire au bon fonctionnement de l'entreprise. » (Question 23), trois se disent
en accord et sept en désaccord. Malgré que cet énoncé ne fasse pas l'unanimité,
trois employeurs sur dix considèrent que l'expérience acquise au Canada joue en
faveur des candidats. Au second énoncé «L'expérience dans un autre pays des
employés amène un savoir-faire différent. Vous êtes donc enclin à engager des
immigrants pour profiter de leur expérience. » (Question 24), quatre sont en accord
et six en désaccord. L'expérience de travail dans un autre pays n'est donc pas un
atout pour la majorité des employeurs.
62
3.5.4 Les employeurs issus des minorités ethnoculturelles
Nous pourrions penser que les employeurs d'origine ethnoculturelle auraient
tendance à être plus sensibles au phénomène de la discrimination. Ainsi, Khadija
Mounib affirme qu'elle bénéficie de l'aide des employeurs issus des communautés
culturelles qui acceptent plus facilement les candidats immigrants ou issus des
minori tés ethnocul ture11 es :
Il Y a des employeurs qui sont eux-mêmes issus des communautés culturelles. Par exemple, j'ai un Italien d'origine canadienne qui est ici depuis 30 ans et il comprend qu'il n'y a pas lieu de discriminer les arabes. J'ai eu et j'ai encore le soutien des employeurs qui sont issus des communautés culturelles. Je parle des Grecs, des Indiens, des Italiens, des Polonais, des Bulgares qui sont là depuis des années et qui recrutent une clientèle.
Dans l'échantillon d'employeurs interrogés, deux employeurs sont d'origine
arabe. D'abord, l'employeur d'une entreprise de vente au détail, d'origine libanaise,
répond à la question: « Selon vous, est-ce que les employeurs en général sont
sensibles à la question de la discrimination sur le marché du travail sur la base de
l'origine ethnique?» qu'il n'y est pas du tout sensible et que seuls ses critères
d'embauche, le bilinguisme et l'expérience, importent. Ensuite, l'employeur de
l'entreprise de transport, originaire du Maroc, affirme, dans la partie qualitative du
questionnaire, être sensible au phénomène de la discrimination. Lui-même, étant
musulman, lorsqu'il est arrivé ici, a eu beaucoup de difficulté à se trouver un emploi
et c'est pourquoi il a fondé sa propre compagnie. Ainsi, il affirme que: « Pour
équilibrer l'e marché du travail, à qualifications égales, je vais prendre l'étranger
parce que je sais qu'ils ont moins de chances de se faire embaucher ailleurs.» Par
contre, à la question: « Avez-vous déjà été confronté à des problèmes liés au fait
que vous avez engagé des individus issus des minorités ethnoculturelles? », il fait
part avec franchise de sa réticence à engager des Haïtiens, tout comme, d'ailleurs,
des musulmans pratiquants:
63
Les seuls problèmes que j'ai eus sont en lien avec des Haïtiens que j'ai engagés. Il y a eu des plaintes de clients et des plaintes de la part des autres employés au niveau de la puanteur, de l'hygiène et du comportement. J'engage surtout des arabes et j'ai un ou deux Haïtiens seulement. Si j'engage un arabe musulman et que je vois qu'il est très religieux pratiquant, je vais le congédier. Chaque contrat dure six mois et il est facile pour moi de ne pas le renouveler.
On peut tout de suite signaler un écart entre son discours et les faits. Il sera
probablement plus enclin à engager un arabe puisque beaucoup ont de la difficulté à
se trouver un emploi mais il a des critères d'embauche assez discriminants.
Finalement, Danielle, soulève aussi la question des employeurs d'origine autre
que québécoise qui affichent en général une ouvelture à la diversité et engagent des
candidats de diverses origines. Elle revient cependant sur une exception et me parle
d'une entreprise Ol! le dirigeant, juif, préférait avoir des candidats juifs.
Force nous est de constater que la discrimination n'est pas l'apanage exclusif
des québécois d'ascendance canadienne-française. Même les employeurs ayant
personnellement vécu la discrimination peuvent eux-mêmes, à leur tour, discriminer
ou privilégier un groupe particulier.
3.6 L'IMAGE PROJETÉE À LA CLIENTÈLE
L'hypothèse de travail de la justification de la discrimination par la peur de
projeter une image négative est confirmée, même si elle ne se manifeste pas toujours
uniformément ni négativement. En effet, la propension des employeurs à faire de la
discrimination de peur de projeter une image négative à leur clientèle se traduit le
plus souvent par de la discrimination plus ou moins affirmée selon la taille de
l'entreprlse, les signes religieux visibles du candidat, le quartier où est située
l'entreprise et l'âge de la clientèle. Toutefois, dans certains cas, on observe aussi
une certaine discrimination positive dans le but d'attirer des clients de diverses
origines ethniques.
64
3.6.1 La crainte de certains employeurs de projeter une image négative
Dans les petites entreprises faisant partie de mon échantillon (moins de quinze
employés), deux ne comptent aucun employé originaire d'un groupe ethnique ou de
minorité visible. Ces deux entreprises œuvrent dans le secteur de la vente au détail
et dans l'alimentation. L'employeur de l'entreprise du secteur de l'alimentation a
évoqué le lien entre la taille de l'entreprise et la propension de l'employeur à faire de
la discrimination. Il précise que, comme son entreprise est petite, il ne peut pas se
permettre de déplaire à un client et de risquer de le perdre:
Il faut faire la différence entre un petit commerce local et une grosse entreprise de détail. Personnellement, je me fiche que mon employé porte un foulard islamique mais mon commerce étant situé dans un secteur où les préjugés sont encore tenaces, je ne peux pas me permettre de payer les frais de casser les préjugés en lui permettant de porter le foulard. Si j'avais une grosse entreprise, donc une santé financière moins précaire, j'engagerais quiconque aurait les compétences requises quels que soient sa religion et le fait qu'il l'affiche ou non. De toute façon, ça permettrait d'élargir ma clientèle!
Par ses propos, on constate que cet employeur considère que sa clientèle
réagirait négativement envers un employé arborant un signe religieux. Il fait
référence aux signes religieux en général et non pas aux signes religieux islamiques
en particulier.
La justification de la discrimination par le fait que la clientèle fait elle-même
de la discrimination a été aussi identifiée comme une cause de la discrimination par
le second employeur œuvrant dans le secteur de la vente au détail:
Souvent les clients sont encore plus discriminatoires que les employeurs. Selon moi, les employeurs sont très discriminatoires quand j'embarras du choix se présente. À choisir entre plusieurs candidats, il choisira de préférence la même nationalité que lui el il sera certain que cela ne dérangera pas les clients.
La clientèle que ces employeurs jugent discriminatoire détermine donc leur
choix d'embauche. Ces deux mêmes employeurs ont aussi insisté sur le fait que leur
commerce est situé dans un quartier où la clientèle a beaucoup de préjugés.
65
L'employeur du secteur de l'alimentation a souligné le fait que la population du
quattier Ahuntsic est assez âgée et que les gens âgés ont plus de préjugés. Le second
employeur a soulevé aussi le fait que « [... ] dans certains quartiers de Montréal, la
clientèle est très discriminatoire. Certains quartiers de Montréal sont contre les
groupes ethniques comme le Plateau-Mont Royal, Ahuntsic et St-Léonard.»
Notons que cette répondante possède également un commerce dans le Plateau-Mont
Royal.
La justification de la discrimination par des employeurs par le fait que la
clientèle fait elle-même de la discrimination est aussi invoquée par des employeurs
d'entreprises de plus grande taille. Dans le cas de l'institution financière de
soixante-dix employés, un employeur explique pourquoi l'embauche de personnes
d'origines ethniques diverses est difficile: «L'intégration des nouveaux employés
d'origine ethnique différente des Québécois est un peu plus difficile car les
Québécois de souche ont, sans être réellement racistes, quand même certains
préjugés et réticences envers ces communautés. » Il explique cependant que cela
n'influence pas son choix d'embauche puisqu'il engage des personnes provenant de
di verses communautés ethniques pour attirer une certaine clientèle.
Une clientèle est davantage ciblée par trois employeurs et décrite comme
particulièrement pOltée à faire de la discrimination: les personnes âgées. Pour deux
employeurs, le fait d'avoir un commerce dans un quartier où la moyenne d'âge est
plus élevée les oblige à faire eux-mêmes de la discrimination. L'employeur du
magasin d'alimentation cible particulièrement les personnes âgées: «Les différents
groupes ethniques n'ont pas les mêmes chances d'accès à l'emploi car il ya encore
malheureusement beaucoup de préjugés surtout de la part des gens plus âgés. »
L'employeur de l'entreprise financière désigne sa clientèle de personnes âgées
comme étant plus discriminatoire:
En ce qui concerne les clients, la communication difficile à cause de l'accent a déjà causé plainte. Les personnes âgées sont les personnes qui ont le plus de préjugés. Elles sont habituées à se faire servir par des Québécois de souche. Encore là, c'est une question de temps.
66
Cet' employeur identifie le manque de connaissance de sa clientèle en matière
de diversité culturelle comme étant le problème majeur mais il demeure optimiste et
affirme que c'est une question de temps avant que le problème ne s'atténue.
Malgré le désir de plaire à la clientèle, un employeur travaillant dans un bar dit
plutôt ne pas être sensible aux propos racistes de certains clients et ne pas se soucier,
lors de l'embauche, de leurs réactions:
Nous sommes un bar donc il est arrivé quelques fois que des clients aient des propos racistes envers un employé issu d'un groupe ethnique. Le patron a pris le bord de l'employé et l'a défendu. Les propos discriminatoires de la clientèle ne vont pas intervenir sur l'embauche d'un candidat.
Toutefois, lorsqu'il s'agit de répondre à une question visant à saisir s'ils
considèrent que l'origine ethnique des employés a un impact discriminatoire sur
l'embauche par peur de créer une image négative de l'entreprise, les employeurs
sont moins catégoriques. À l'énoncé: «Employer des immigrants ou des individus
issus de différentes communautés ethniques peut projeter une image négative de
l'entreprise» (Question 11), neuf répondants sont en désaccord. Un seul employeur,
celui du le domaine de l'alimentation est cependant en accord avec cet énoncé.
De même, les réponses à l'énoncé: «L'image que projette l'entreprise vous
préoccupe et c'est pourquoi vous préférez éviter d'engager des personnes issues des
communautés arabes. » (Question 13) confirment que les employeurs ne devraient
pas faire de discrimination de peur de nuire à l'image de leur entreprise. En effet,
les employeurs interrogés sont tous en désaccord avec cet énoncé. Comme les
entreprises sélectionnées offrent toutes un service à la clientèle, on peut affirmer que
le fait de présenter des employés d'origine arabe à leur clientèle n'est pas du tout
considéré comme un élément négatif.
67
3.6.2 Les employés provenant des minorités ethniques: un facteur
positif pour la rentabilité économique
Une autre tendance se dégage chez les employeurs. La partie qualitative du
questionnaire révèle que trois employeurs sont en accord avec l'énoncé «Vous
considérez qu'embaucher des candidats musulmans attire des clients de la même
origine religion» (Question 12). Même s'il est vrai que cet énoncé ne fait pas du
tout l'unanimité, deux employeurs qui ont répondu qu'ils sont en désaccord avec cet
énoncé, sont revenus sur ce point dans la partie qualitative. Ces employeurs voient
dans J'embauche d'un individu d'origine ethnique une opportunité économique.
L'employeur qui travaille dans l'institution financière considère que sa clientèle,
elle-même en grande partie d'origine ethnique, peut être une raison d'encourager
l'intégration des personnes de diverses origines ethniques: «En ce qui concerne J
l'entreprise que je représente, nous engageons différentes ethnies car nous en avons
besoin, nos clients sont à forte proportion de différentes communautés ethniques
soit: arabes, Indiens, Italiens, etc.» Un autre employeur travaillant dans un centre
de conditionnement physique considère que l'argument de la préférence de la
clientèle est tout de même une dimension importante qui va jouer sur l'embauche de
certains candjdats. li affirme comprendre certains employeurs qui font de la
discrimination de peur de déplaire à leur clientèle et affirme: «Les employeurs sont
sensibles à la question de la discrimination si leur clientèle est multiethnique. Tout
dépend de leur clientèle. Si elle est multiethnique, il ne devrait pas y avoir de
problème.» Il affirme, par la suite, vouloir engager des candidats faisant partie de
plusieurs groupes ethniques parce que sa clientèle est très variée et que plusieurs
personnes d'origines ethniques diverses viennent s'entraîner dans son centre.
Dans cet ordre d'idée, la responsable du département d'employabilité
d'Alternatives, Khadija Mounib,. affirme que l'argument de l'image projetée à la
clientèle reste un élément qui peut créer de la discrimination puisque, lorsqu'elle
tente de placer un candidat issu de groupe ethnique, elle entend souvent cette
68
phrase de la pmi des employeurs: « Écoutez, j'ai souvent affaire avec la clientèle»
afin d'exclure un candidat d'origine ethnique. Par contre, elle soulève que certaines
entreprises intègrent des candidats de diverses origines parmi leurs employés dans le
but d'attirer des clients:
Je vais vous donner un autre exemple qui est [elle cite une grande chaîne de magasin]. Dans Montréal-Nord, du côté de St-Léonard, la plupart des caissières sont des filles qui portent le voile pour la simple raison que ce magasin est fréquenté par des arabes' Donc, quelques fois, pour encourager la clientèle, ils embauchent des filles voilées. C'est toujours lié avec la rentabilité.
Elle souligne donc le fait que la rentabilité du commerce peut être un motif
pour engager des candidats issus de différents groupes ethniques.
3.6.3 Retour à l'hypothèse relative à l'image projetée à la clientèle
Si l'on revient à l'hypothèse de travail qui prétend: « [ ... ] que l'appartenance
culturelle et religieuse des musulmans peut heurter la clientèle et donner une image
défavorable de l'entreprise et donc nuire à sa rentabilité. », on peut à la fois la
confirmer pour certains employeurs et Ja rejeter pour d'autres puisque l'analyse
révèle deux tendances opposées. Deux employeurs de petites entreprises affirment
devoir se soucier de la préférence de leur clientèle lors de l'embauche. Ils ont
affirmé ne pas vouloir risquer de perdre un client et choisir de préférence un
candidat qui ne provoquera pas de réaction négative de la part de la clientèle. Un
troisième employeur affirme être très sensible à la question de la discrimination à
l'embauche. li voit comme un défi l'embauche d'un candidat issu d'un groupe
ethnique à cause des nombreux préjugés de la part de sa clientèle qui porte parfois
plainte. Notons que le fait qu'il s'agisse d'une plus grande entreprise peut jouer
dans le fait qu'il peut se permettre d'affronter les préjugés des clients au risque d'en
perdre quelques-uns. On peut également se demander si certains employeurs ne
reportent pas leurs propres préjugés sur leur clientèle et justifient ainsi leur
69
comportement discriminatoire. La seconde manifestation de la préoccupation de
l'image projetée à la clientèle, bien que moins importante, se voit chez deux
employeurs qui vont plutôt tenter d'embaucher des candidats issus de groupes
ethniques divers afin d'élargir l'éventail de leur clientèle et d'attirer des membres de
plusieurs communautés ethniques. L'hypothèse de travail qui invoque l'image
défavorable donnée à l'entreprise par la présence d'employés musulmans serait
donc, ici, partiellement infirmée.
3.6 L'IMPACT DE LA COUVERTURE MÉDIATIQUE TRAITANT
DES MUSULMANS SUR LEUR EMBAUCHE
Il n'est pas possible de vraiment cerner, par un tel questionnaire, l'influence de
la couverture médiatique traitant des musulmans sur l'embauche des musulmans,
l'impact des médias sur les représentations sociales étant un phénomène subtil,
diffus et inconscient. Cependant, le fait que quatre employeurs sont en accord avec
cet énoncé «Vous tenez compte de la couverture médiatique qui ne donne pas
toujours une image positive des communautés musulmanes et de l'Islam lors de
l'embauche» (Question 9) est assez révélateur. Bien que six employeurs soient en
désaccord avec l'énoncé, quatre employeurs affirment explicitement que la
couvelture médiatique a une certaine influence lorsqu'ils choisissent un candidat.
Les témoignages de trois des responsables des centres d'emploi ou de l'agence
de placement vont dans le même sens. Ils font part des réactions d'employeurs
réticents à engager des musulmans suite à l'évènement du Il septembre 2001 :
- Kadija Mounib:
Le Il septembre, il y a eu, bien sûr, un réflexe de rejet de cette clientèle arabe. Pourquoi? Le Il septembre, les lois anti-terroristes, etc. Les gens se sont posés des questions et se sont dit: « On ne veut plus d'arabes! »
70
- Danielle:
Ils [Les employeurs] me disaient par exemple: « Je ne veux pas d'arabes parce qu'ils vont poser une bombe!» ou « Je ne veux pas de noirs parce qu'ils se traînent tous de la patte.» Y'en avait jamais engagés mais parce qu'il entendait ça!
- Fabienne Rey:
Si je fais une corrélation avec le 11 septembre au moment où j'avais mon groupe. C'était un groupe qui visait Bombardier, ils avaient étudié pour ça. Suite au 11 septembre, c'était particulier! Ils se faisaient dire: «On ne vous trust pas, on ne vous fait pas confiance. Ce n'était pas tant le fait de l'Islam mais c'était la peur du terrorisme, la sécurité, la nonconfiance. C'est directement en lien avec les médias. »
Khadija Mounib revient sur le fait qu'un travail de sensibilisation a été fait à la
suite du Il septembre 2001 mais que la couverture médiatique des
accommodeiTIents raisonnables a eu cOlnme effet de recréer un climat d'hostilité:
Un travail médiatique a été fait, des réseaux ont été rebâtis, une sensibilisation, après 200 l, pour parvenir à faire accepter cette population à la société en général. Il y a eu un travail qui a été fait, qui a été de dire: « Ces gens ont des compétences et ils veulent s'intégrer, donnez-leur la chance d'avoir un emploi. Jusqu'à septembre 2006 où il y eu une représentation médiatique négative des musulmans avec le débat sur les accommodements raisonnables et il a fallu refaire ce travail.
Danielle évoque que, pour certains employeurs, la seule source de
connaissances qu'ils ont par rapport à la population musulmane est celle de la
couvel1ure médiatique: «Les médias entretiennent une culture de la peur. Fait que
les gens qui ont moindrement peu de connaissances sur ce type de personnes-là, des
arabes et tout ça, c'est sûr qu'ils ne voudront pas en engager. »
La discrimination à J'embauche n'est pas la seule conséquence qui peut
découler des représentations médiatiques négatives dans le milieu de l'emploi.
L'employeur du bar associe la couverture médiatique négative sur les arabes aux
divers problèmes qu'ils vivent au travail:
71
L'obstacle majeur auquel se heul1e la COIlli11unauté arabe est qu'elle est victime d'une mauvaise image dans les médias. La TV, la radio. La merde a tendance à aller vers eux. À chaque fois qu'il ya eu des problèmes, la merde allait vers eux. Que ce soit avec les clients ou de l'argent qui manquait dans la caisse. Ce sont les premiers accusés.
Wadi Karam affirme que:
Parce qu'il ya eu des abus sur ce sujet-là. Les médias veulent leurs journaux, leurs moyens de communication. Ils prennent quelque chose qui sort de l'ordinaire et ils le gonflent et ils le mettent sur la scène publique. Ils ne vont pas dans les coulisses voir ce qu'il se passe et les raisons. Non. Juste ce qui est tlagrant, juste ce qui est choquant. Ça c'est les médias. C'est leur moyen de vivre en tout cas. Mais nous, comme citoyen de toutes souches et de toutes cultures, on doit faire attention à toute manipulation de la vérité. C'est très gonflé, c'est très médiatisé pour rien.
Selon Danielle, au Québec, tout le monde se connaît et si une entreprise a une
mauvaise expérience avec un individu issu d'une minorité ethnoculturelle, ça se
répand rapidement chez les autres employeurs. Mais l'inverse se voit aussi:
J'ai remarqué que dès qu'ils en engagent un, un arabe, un noir, et que ça va bien, ils sont ouverts par la suite. Dès qu'il yen a un qui est rentré dans l'entreprise et que cette personne-là est productive, qu'elle travaille bien, qu'elle s'adapte bien, que son travail est rentable, productif, ils vont la conserver et ensuite, ils vont être ouverts à en engager d'autres.
Le questionnaire ne permet pas d'aller plus loin sur le thème de l'influence de la
couverture médiatique sur l'embauche des musulmans. Cependant, si on ne peut pas
quantifier son impact sur les représentations sociales des employeurs, on ne peut pas
non plus en faire abstraction. Une étude plus poussée à cet égard exigerait que l'ori.
distingue ce qui provient des médias d'une part et du bouche-à-oreille d'autre pali.
72
CONCLUSION
Les employeurs qui ont accepté de répondre au questionnaire se montrent
probablement plus sensibles au phénomène de la discrimination que ceux qui ont
refusé. Il se peut fort bien qu'on ne retrouve pas un discours si ouvert à inclure la
diversité chez l'ensemble des employeurs. Selon les résultats obtenus ici, l'origine
ethnique, la couleur de la peau ne sont jamais directement pointées du doigt.
Cependant, la religion est souvent ciblée. Le nouveau discours du racisme prétend
qu'il ya une incompatibilité des différentes réalités culturelles et religieuses (Balibar
et Wallerstein, 1997). Pouvons-nous affirmer que nous sommes devant un exemple
de manifestation du néo-racisme? Lire les résultats obtenus dans ce sens serait
certainement trop simpliste et une conclusion serait trop vite portée. En effet, la
religion est un élément central qui influence les représentations sociales des
employeurs susceptibles d'intervenir négativement dans l'embauche du candidat.
Mais en décortiquant davantage, on constate que certains comportements liés à la
religion sont spécifiquement pointés du doigt et que ce sont ces derniers qui feront
l'objet de refus d'embauche. Nous ne pouvons pas parler de volonté d'exclure un
groupe ou de réduire l'accès à l'emploi à certains membres d'une religion spécifique
mais les employeurs perçoivent ces comportements comme une atteinte à la vie
interne de l'entreprise et à des valeurs, telle la laïcité, auxquelles l'entreprise adhère.
Nous avons remarqué une grande volonté des employeurs d'afficher un
discours inclusif. Même si certains affirmaient être réticents à embaucher certaines
personnes, ils insistaient pour dire qu'ils n'excluraient pas tous les musulmans. Le
pOltrait des représentations sociales des employeurs à l'égard des candidats
musulmans paraît assez encourageant puisque les employeurs semblent enclins à
inclure la diversité. Notons que si nous ne pouvons prétendre avoir identifié
clairement du racisme, nous devons nous arrêter sur certains éléments qui sont
problématiques et qui peuvent amener une situation beaucoup plus critique. En
73
premier lieu, la méfiance que certains employeurs entretiennent à l'égard de
comportements spécifiques peut se généraliser et, ainsi, un employeur peut vouloir
exclure un groupe dans son ensemble. En second lieu, un certain discours
protectionniste des valeurs de la société majoritaire non fondé peut être à l'origine
du rejet de certains comportements liés à la religion des candidats. En effet, les
employeurs qui ont avoué avoir une certaine réticence à embaucher un candidat
musulman mettaient de l'avant des propos d'apparence égalitaire empreints de
sentiments profonds de rectitude morale. Ainsi, cette méfiance peut mener à un
discours légitimant la discrimination des minorités ethnoculturelles et religieuses qui
sont parfois perçues comme une menace à la laïcité ou aux valeurs de la société
québécoise.
La peur des autres cultures n'est pas exclusi ve au Québec. Elle se manifeste
dans plusieurs sociétés occidentales, mais il est impoliant de garder en mémoire que
chaque situation doit être ramenée à son contexte spécifique:
On pourrait affirmer que la source principale de ces malaises vient de la diversification ethnique grandissante des sociétés occidentales [...). Si certaines analogies peuvent être faites entre la situation du Québec et celle d'autres pays d'Occident, il importe cependant de voir en quoi elles se distinguent. Des craintes qui peuvent être justifiées ailleurs ne le sont pas nécessairement ici. (Bouchard, Taylor, 2008, p.80)
Au Québec, cette peur a été amplifiée et alimentée par la couverture
médiatique, notamment avec le débat sur les accommodements raisonnables et
également par divers évènements internationaux mettant en première scène les
musulmans. La méfiance des employeurs envers certains comportements souvent
très minoritaires, notamment celui de la revendication d'un accommodement
religieux, peut entraîner une généralisation de la part des employeurs de ces
comportements au groupe dans son ensemble et, finalement, une exclusion du
groupe.
Peut-être que la position des Québécois d'ascendance canadienne-française
en tant que peuple minoritaire qui se retrouve devant une autre minorité religieuse
74
peut expliquer une certaine ouverture de la part des employeurs face à l~ diversité.
En effet, , les Québécois d'ascendance canadienne-française se sont sentis souvent
comme une minorité face au groupe majoritaire des Canadiens-anglais. Cette
position minoritaire peut favoriser une certaine compréhension et sensibilité face au·
phénomène de la discrimination. Par exemple, on risque de retrouver une attitude
très différente en France pour plusieurs raisons, mais notamment parce que les
Français se trouvent en position majoritaire face au groupe des étrangers. Pour ce
qui est de l'attitude des personnes d'ascendance canadienne-française, cette situation
minoritaire peut être positive dans le processus d'embauche mais elle peut
également avoir un côté négatif et expliquer une certaine méfiance que les
Canadiens-français entretiennent envers des minorités.. Cette méfiance peut être
justifiée par la peur de voir les valeurs, la culture et la situation économique et
sociale des Canadiens-français reculer.
Ces mises en garde étant faites, nous devons tout de même exploiter
l'ouverture des employeurs face à la diversité pour améliorer la situation de j'accès
au marché du travail au Québec. En effet, une proposition peut être amenée ici
concernant la législation.
Les entreprises privées ont la responsabilité de ne pas discriminer un
candidat et la personne qui pense être victime de discrimination peut porter plainte
auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Des
suggestions pourraient être faites comme l'élaboration et l'implantation d'une char1e
précisant des critères objectifs d'embauche, charte sur laquelle les employeurs
pourraient s'appuyer. Certaines grandes chaînes de magasins ont déjà une telle
chal1e. Nous avons vu que l'employeur de la pharmacie s'y référait pour revoir sa
position plutôt émotive par rapport à l'embauche d'une femme voilée. Mais, le plus
souvent, les entreprises privées, particulièrement ceJles de petite taille, ne peuvent se
référer à aucune chm1e, les critères d'embauche devenant ainsi très aléatoires et
subjectifs.
75
Le gouvernement pourrait mettre sur pied des outils de sensibilisation à
J'usage des entreprises tant pour la direction que pour les employés eux-mêmes, afin
de les appuyer dans l'embauche et dans l'intégration des employés d'origines
diverses au sein de leur entreprise. Certaines entreprises ont déjà élaboré certains
outils, mais il s'agit d'initiatives locales, souvent le fait de grandes entreprises, et les
petites entreprises n'ont généralement pas à leur disposition de tels outils.
La méthodologie utilisée a ses limites, notamment quant à la représentativité
de l'ensemble des employeurs, mais cette recherche servira de pistes de réflexion
pour d'autres études et aidera à clarifier certains concepts. Un échantillon plus
grand d'employeurs permettrait de mieux comparer les résultats. Aussi, le point de
vue des employés pourrait être amené dans une autre recherche, ainsi que celui des
postulants. Il serait intéressant également de faire une plus longue entrevue
qualitative avec certains employeurs et ainsi de pousser plus loin l'analyse.
Finalement, il ya lieu d'attirer l'attention sur la discrimination faite par les
agences de placements. Les agences s'appuient sur une tout autre logique puisque
les employeurs deviennent leurs clients à qui ils offrent un service. La concurrence
entre les agences fait en sorte qu'une agence ne peut se permettre de contrarier un
client et de le perdre.
L'harmonie entre les différents groupes culturels et religieux dépend d'une
prise de conscience de ce qu'est la discrimination et des formes qu'elle prend, de
telle sOlie que des actions ciblées puissent être entreprises pour, sinon l'éliminer, du
moins la réduire et la neutraliser le plus possible.
76
ANNEXE 1
QUESTIONNAIRE À L'INTENTION DES ORGANISMES ET DES CENTRES D'EMPLOIS
On a diverses raisons de penser qu'il y a de la discrimination lors du
processus d'embauche à l'égard de la population musulmane et qu'il existe, sans
doute, plusieurs causes liées à la discrimination mais cette recherche ne s'attarde
qu'à un axe. Il s'agit des représentations sociales dominantes chez les employeurs.
En effet, les images et les perceptions que se font les employeurs de cette population
ne sont pas toujours de nature à faciliter son intégration économique. Je pense que
vous êtes directement témoin des préjugés ou des stéréotypes qui rendent les
employeurs réticents à embaucher la population que je cible pour mon étude et
j'aimerais connaître vos intuitions, vos perceptions et vos expériences de ce
phénomène. Les questions sur le marché du travail excluent la fonction publique qui
suit une tout autre logique dans le processus d'embauche.
Questions générales
-Pouvez-vous me décrire brièvement les services d'aide que vous offrez?
-Parmi les immigrants, lesquels se réfèrent le plus à vos services d'aide à l'inseliion
sur le marché du travail?
-Affirment-ils éprouver de la difficulté à s'insérer sur le marché du travail? Quelle
est la nature des difficultés qu'ils évoquent?
-Avec quels types d'entreprises faites-vous affaire lorsqu'il s'agit de soumettre des
CV? -Avez-vous perçu qu'un type d'entreprise, lié à un secteur d'activités
particulier, avait plus de réticence à engager des musulmans ou plus de facilité?
(Entreprises de serv.ices directs à la clientèle, entreprises liées à la sécurité,
77
télémarketing, banques, assurance, vente, etc.) De quelle façon se manifeste cette
réticence?
-D'après vous, est-ce que la population musulmane de Montréal possède les mêmes
chances que le groupe majoritaire dans le processus d'embauche?
-Quels sont les arguments avancés par les employeurs expliquant leur réticence à
embaucher cette population? (Est-ce que les employeurs associent souvent la
population musulmane à des images homogènes, stigmatisantes et qui ignorent la
grande pluralité de ce groupe? Si oui, à quels adjectifs associent-ils souvent cette
population?)
-Est-ce que les employeurs que vous contactez semblent sensibles aux questions
ethniques et religieuses?
- Avez-vous eu l'occasion de discuter avec un employeur de la question soit de
manière générale (<< Ne m'envoyez pas des femmes voilées») ou soit cie manière
particulière (<< Ne m'envoyez pas ce candidat»)?
A-Couverture médiatique
Pensez-vous que l'image véhiculée par les médias des musulmans
peut avoir un impact sur l'intégration économique des musulmans?
B- Accommodement raisonnable
Pensez-vous que le débat actuel sur les accommodements
raisonnables peut avoir un impact sur l'intégration au marché du travail des
musulmans?
Quels arguments entendez-vous le plus souvent à ce sujet?
C- Aspect religion
Pensez-vous qu'une des barrières d'intégration à l'emploi pourrait
impliquer la conception que les employeurs ont de l'Islam?
Comment, selon vous, les employeurs conçoivent-ils l'Islam?
78
Est-ce que certains employeurs vous ont signalé qu'ils ne toléreraient
pas de signes religieux dans leurs établissements (signes ostentatoires ou
actes religieux)? Ont-ils avancé des raisons pour cela?
D- Opposition des valeurs
Est-ce que certains employeurs vous ont fait pali de leur réticence à
engager des musulmans de peur que leur mode de vie et leurs valeurs entrent
en opposition avec les valeurs de l'entreprise? Si oui, pouvez-vous élaborer?
Certains employeurs sont-ils réticents d'engager un musulman de
peur que sa conception de la femme soit différente de celle des employés?
Certains employeurs pensent-ils qu'intégrer un employé de
confession musulmane pouITait créer des conflits avec les autres employés?
Dans toute la pluralité de la population musulmane, le degré de
croyance et d'adhésion à l'Islam diffère d'un individu à l'autre. Avez-vous
eu connaissance de réels problèmes confrontant les deux modes de vie
différents entre un employeur et un employé de confession musulmane (ex:
restaurant où on sert du vin et une femme musulmane refusant de rester dans
une salle où il y a de l'alcool)?
Avez-vous eu connaissance que les employeurs musulmans sont
favorables ou non à embaucher des musulmans? Et les employeurs de
d'autres origines ethniques?
Sans parler de valeurs, est-ce qu'il arrive parfois que les arabes se
heurtent à un refus de se faire embaucher tout simplement parce qu'ils ont
des attitudes différentes (habillement, politesse, sévérité, ... )
E- Préférence d'engager des Québécois d'ascendance canadienne-française
y -a-t-il des employeurs qui refusent d'embaucher des candidats issus
de groupes ethniques ou religieux parce qu'ils préfèrent embaucher des
Québécois?
79
Y-a-t-il des employeurs qui sont réticents d'engager un candidat en
raison de son accent ou de la non-reconnaissance de son expérience de travail
à l'étranger?
Y-a-t-il d'autres aspects qui vous viennent en tête que les médias, les débats
liés aux accommodements raisonnables, les différentes conceptions de la
religion, la confrontation de valeurs opposées qui pourraient intervenir dans
le processus d'embauche?
80
ANNEXE 11
QUESTIONNAIRE II À L'INTENTION DES EMPLOYEURS
Je suis étudiante à la maîtrise en sociologie à l'Université du Québec à Montréal et je tente de mieux comprendre le processus d'insertion dans le marché de l'emploi des immigrants musulmans. Je cherche ici à mieux comprendre l'éventail des perspectives des employeurs sur cette question.
Ce questionnaire a pour but de bien comprendre la perception des employeurs en général de la population musulmane afin de saisir les différents enjeux pouvant intervenir lors du choix de candidats. Intégrer un nouveau candidat implique plusieurs précautions. Les employeurs doivent s'assurer d'une certaine harmonie au sein de l'entreprise et intégrer un individu issu d'une autre communauté peut s'avérer problématique lorsque certaines valeurs ou modes de vie s'opposent. J'aimerais connaître ce qui peut intervenir dans le processus d'embauche outre la non-reconnaissance des diplômes, de l'expérience à l'étranger, etc.
Vous devez répondre en tant qu'employeur (ce que l'entreprise désire et ce que vous considérez le mieux pour l'entreprise) et non pas vos opinions personnelles. Aucun enregistrement des conversations ne sera fait et je peux vous assurer que la plus grande confidentialité sera respectée. Votre nom et le nom de l'entreprise ne seront mentionnés nulle part. Seulement la taille de l'entreprise, sa localisation et les réponses au questionnaire m'importeront. Si vous avez des questions touchant la responsabilité des chercheurs ou pour formuler une plainte, vous pouvez communiquer avec moi ou avec mon directeur de maîtrise dont les coordonnées apparaissent à la fin de cette page.
Si vous avez des questions concernant cette recherche (objectifs, méthode, diffusion, etc.) vous pouvez communiquer avec moi ou avec mon directeur de recherche dont les données sont indiquées ci-dessous. Pour toute question portant sur les responsabilités des chercheurs ou pour formuler une plainte, vous pouvez contacter le responsable du Comité de déontologie du département de sociologie, M. Jean-Marc LaI·ouche, au 514987-3000 poste 4376.
Je vous remercie de m'aider à comprendre le phénomène social de l'insertion et à accomplir ma recherche.
Marie Cadotte-Dionne [email protected] 514-389-9156
Rachad Antonius, directeur de maîtrise [email protected] 514-987-3000 # 2238
--------------
81
FORMULAIRE DE CONSENTEMENT Les représentations sociales des employeurs sur les musulmans
J'ai pris connaissance de l'objectif de recherche de Mme Marie Cadottte et des garanties de confidentialité relatives à ma participation,
J'accepte de lui accorder une entrevue et je reconnais que ma participation est volontaire et que je suis libre de me retirer en tout temps, et ce sans préjudice.
Signature du participant:
Signature de la responsable : _
Répondez en cochant une seule réponse selon si vous en accord (1) ou en désaccord (2)
1 2
Q 1-Vous êtes réticent à engager des candidats issus des groupes ethniques.
Q2- Vous êtes réticent à engager des individus issus de la communauté arabe.
Q3- Vous êtes réticent à engager des immigrants.
Q4- Vous êtes réticent à engager des musulmans.
Q5- Un de vos critères d'embauche veut que les pratiques religieuses du candidat n'interfèrent pas dans le cadre du travail.
82
Q6- Vous n'acceptez pas les candidats musulmans qUi affichent des signes extérieurs religieux.
Q7- Vous évitez d'embaucher des candidats dont la religion est différente de celle des employés de l'entreprise.
Q8-Vous ne tenez pas compte du débat sur les accommodements raisonnables lors de l'embauche.
Q9-Vous ne tenez pas compte de la couverture médiatique qui ne donne pas toujours une image positive de la communauté arabe et de l'Islam lors de l'embauche.
QIO- Vous ne tenez pas compte de l'accent qu'ont les candidats lors de l'embauche
Q II-Employer des immigrants ou des individus issus de différentes communautés ethniques peut projeter une image négative de l'entreprise.
Q 12- Vous considérez qu'embaucher des candidats d'origine arabe attire des clients de la même origine culturelle et ethnique.
Q 13- L'image que projette l'entreprise vous préoccupe et c'est pourquoi vous préférez éviter d'engager des personnes issues de la communauté arabe.
Q 14-Vous avez de la réticence à employer une personne d'origine arabe à cause du risque que sa religion nuise à la qualité de son travail.
83
Q 15- Vous hésitez à engager un musulman de peur qu'il soit extrémiste dans ses croyances et pratiques religieuses. .
Q16- Vous engagez avant tout des candidats qui connaissent bien le mode de vie des Québécois pour que les clients et les employés se sentent familiers avec l'entreprise.
Q 17-Vous évitez d'embaucher des musulmans pour ne pas avoir à faire face à des demandes en lien ave~ les accommodements raisonnables.
Ql8-Vous ne désirez pas engager quelqu'un d'origine arabe car sa conception de la femme diffère trop de celle des Québécois.
QI9-La conception de la femme peut différer selon chaque individu, c'est pourquoi vous ne généralisez pas et vous n'hésitez pas à embaucher des arabes.
Q20-Vous avez de la réticence à employer une personne d'origine arabe parce que le candidat pourrait avoir des valeurs trop différentes de celles des employés.
Q22-Vous hésitez à engager une personne musulmane parce que les valeurs associées à l'Islam sont tout à fait opposées aux valeurs occidentales.
Q23-Vous hésitez à engager des immigrants puisqu'ils ont peu d'expérience de travail au Canada et que cela peut nuire au bon fonctionnement de l'entreprise.
Q24- L'expérience dans un autre pays des employés amène un savoir-faire différent. Vous êtes donc enclin à engager des immigrants pour profiter de leur expérience.
84
Q25- Pensez-vous que les différents groupes ethniques et le groupe majoritaire québécois ont les mêmes chances d'accès à l'emploi en général?
Q26-D'après vous quel est l'obstacle majeur auquel la communauté arabe se heurte lors de l'embauche?
Q27-Pensez-vous que la religion du candidat peut nuire à son embauche?
Q28- Selon vous, est-ce que les employeurs en général sont sensibles à la question de la discrimination sur le marché du travail sur la base de l'origine ethnique? Pouvez-vous élaborer?
85
Q29-Y-a-t-il d'autres aspects dont vous aimeriez faire part?
ANNEXE III RÉSULTATS DES ÉNONCÉS
Énoncés du questionnaire
Q1-Vous êtes réticent à engager des candidats issus de groupes ethniques. Q2-Vous êtes réticent à engager des individus issus de la communauté arabe. Q3-Vous êtes réticent à engager des immigrants.
Q4-Vous êtes réticent à engager des personnes de confession musulmane. Q5-Un de vos critères d'embauche veut que les pratiques religieuses du candidat n'interfèrent pas dans le cadre du travail. Q6-Vous n'acceptez pas les candidats musulmans qui affichent des signes religieux extérieurs. Q7-Vous évitez d'embaucher des candidats dont la religion est différente de celle des employés de l'entreprise. Q8-Vous ne tenez pas compte du débat sur les accommodements raisonnables lors de l'embauche. Q9-Vous tenez compte de la couverture médiatique qui ne donne pas toujours une image positive de la communauté arabe et de l'Islam lors de l'embauche. Q10-Vous ne tenez pas compte de l'accent qu'ont les candidats lors de l'embauche Q11-Employer des immigrants ou des individus issus de différentes communautés ethniques peut projeter une image négative de l'entreprise. Q12-Vous considérez qu'embaucher des candidats musulmans attire des clients de la même religion. Q13-L'image que projette l'entreprise vous préoccupe et c'est pourquoi vous préférez éviter d'engager des personnes issues des communautés arabes. Q14-Vous avez de la réticence à employer une personne musulmane à cause du risque que sa religion nuise à la qualité de son travail. Q15-Vous hésitez à engager un musulman de peur qu'il soit extrémiste dans ses croyances et pratiques religieuses. Q16-Vous engagez avant tout des candidats qui connaissent bien le mode de vie des Québécois pour que les clients et les employés se sentent familiers avec l'entreprise.
Employeurs Employeurs en en désaccord
accord 1 9
0 10
0 10
2 8
10 0
7 3
1 9
6 4
6 4
5 5
1 9
3 7
0 10
0 10
2 8
4 6
86
Q17-Vous évitez d'embaucher des musulmans pour éviter à 2 8 faire face à des demandes en lien avec les accommodements raisonnables. Q18-Vous ne désirez pas engager un candidat de confession 2 8 musulmane car sa conception de la femme diffère trop de celle des Québécois. Q 19-La conception de la femme peut différer selon chaque 7 3 individu, c'est pourquoi vous ne généralisez pas et vous n'hésitez pas à embaucher des arabes. Q20-Vous avez de la réticence à employer une personne 0 10 musulmane parce que le candidat pourrait avoir des valeurs trop différentes de celles des employés. Q22-Vous hésitez à engager une personne musulmane parce J 9 que les valeurs associées à l'Islam sont tout à fait opposées aux valeurs occidentales. Q23-Vous hésitez à engager des immigrants puisqu'ils ont
..,
.J 7 peu d'expérience de travail au Canada et que cela peut nuire au bon fonctionnement de l'entreprise. Q24-L'expérience dans un autre pays des employés amène un 4 6 savoir-faire différent. Vous êtes donc enclin à engager des immigrants pour profiter de leur expérience.
87
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