Institut de Gestion Sociale Toulouse
Année Universitaire 2011/2012
Mémoire de Recherche Appliquée
en vue de l’obtention du titre de
Responsable en Management et Direction des Ressources Humaines
BAUDOIN Aline
LE ROLE DU DRH DANS LES RESTRUCTURATIONS
Tuteur du Mémoire : Monsieur Gérard DELAVALLE
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NOTICE ANALYTIQUE
AUTEUR NOM : BAUDOIN PRENOM : Aline
TITRE du
mémoire
LE ROLE DU DRH DANS LES RESTRUCTURATIONS
Ecole d’affiliation
IGS
Directeur du Mémoire :
Gérard DELAVALLE
COLLATION
Nb pages : 114 Nb annexes : 4 Nb réf.
Bibliographiques : 20
MOTS-CLES
Fermeture d’établissement, Refonte des processus, Externalisation,
Fusion-acquisition, Réorganisation, Licenciements économiques, Plan
de sauvegarde de l’emploi, Ressources Humaines, Capital humain
RESUME
La restructuration est devenue un outil permanent d’adaptation des entreprises face aux
risques et aux opportunités du marché. Elle prend différentes formes : réorganisation,
fusions-acquisitions, délocalisation, recentrage sur une activité, etc.
Nous avons analysé quel est le rôle stratégique du Directeur des ressources humaines (DRH)
dans les grandes étapes du processus de gestion des restructurations entraînant des
suppressions de postes et qui nécessitent un plan de sauvegarde de l’emploi.
Le DRH est face à deux enjeux majeurs : accompagner les salariés sortants dignement en
mettant tout en œuvre pour qu’ils retrouvent dans la sérénité un emploi rapidement et bâtir
une nouvelle organisation pérenne, structurée et qui offre des perspectives d’avenir aux
salariés restants.
Le DRH doit dépasser le stade de la maîtrise du processus social en bon gestionnaire. Il doit
apporter davantage aujourd’hui en matière de gestion des compétences clés, de mesure du
travail et d’équilibres des charges, de développement de l’employabilité des salariés, de
communication. Il devient un architecte de l’organisation optimale.
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REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier plus particulièrement notre tuteur de mémoire, Gérard
DELAVALLE, pour ses apports sur le sujet, son soutien et pour son aide dans la clarification
de nos axes de réflexion, tout au long de ce travail. Ainsi que Marie Noëlle BERTHON pour
ses conseils en méthodologie.
Nous remercions toute l’équipe ressources humaines d’Air France et plus particulièrement
Maria DENAGISCARDE, Responsable Ressources Humaines, qui a pris le temps de
répondre à toutes nos interrogations durant le stage.
Enfin, nous remercions tous les interlocuteurs qui ont accepté de nous faire partager leur
expérience et de nous faire progresser dans notre étude et particulièrement :
- Patrick ROUX, Directeur des Ressources Humaines Europe du sud de l’entreprise
FREESCALE Semiconductor et Président du club Management et Ressources
Humaines,
- Jean-Philippe NADAL, Directeur des Ressources Humaines du groupe ARCADIE
Sud-Ouest,
- François ROBARDET, membre CFDT du Comité central d’entreprise Air France et
Président de la commission Emploi et Formation du CCE.
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PREAMBULE
Avant de reprendre mes études de Master 2 « Management et Développement des Ressources
Humaines » à l’IGS, j’ai pu vivre et prendre en charge la gestion de plans de sauvegarde de
l’emploi dans ma fonction de Responsable Ressources Humaines.
Le groupe auquel j’appartenais m’a permis de vivre une fusion, une scission, des
réorganisations et un rachat. Au fil du temps ma fonction s’est largement consacrée à la
gestion de ces restructurations.
Aussi, ce n’est pas tant d’avoir perdu mon poste au cours d’un licenciement économique mais
bien plus parce que je suis convaincue que le DRH et la fonction RH ont aujourd’hui un rôle
important à jouer dans ce contexte, qui m’ont donné l’envie de traiter de ce sujet- là.
Et a fortiori lorsque j’ai intégré en stage Air France qui se lance dans une restructuration de
grande envergure.
Le raisonnement qui a été fait tout au long de cette étude est la résultante des théories qui ont
été développées sur le sujet mais également le fruit d’une réflexion et de constats personnels.
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SOMMAIRE
Notice analytique…………………………………………………………..………………….2
Remerciements………………………………………………………………………………..3
Préambule…………………………………………………………………..…………………4
Sommaire…………………………………………………………………...…………………5
Introduction générale…………………………………………………………………….…..6
Partie 1 : Le cadre d’analyse ……………………………………………….…………………9
Partie 2 : L’enquête de terrain……………………………………………………………….51
Partie 3 : Préconisations opérationnelles…………………………………...………………..70
Conclusion générale…………………………………………………………………………85
Bibliographie……………………………………………………………………….………..86
Glossaire…………………………………………………………………….……………….88
Annexes………………………………………………………………………...…………….89
Table des annexes…………………………………………………………………………..111
Table des tableaux………………………………………………………………….………112
Table des matières………………………………………………………………………….113
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INTRODUCTION
Les restructurations, d’un fait économique et social, sont devenues un fait de société. En plus
de 30 ans, nous sommes passés d’une vision « accidentelle » des restructurations à une vision
« structurelle». Selon FAYOLLE (2005) les restructurations sont « diffuses et permanentes ».
Ainsi, d’après une enquête menée auprès de 200 directeurs des ressources humaines
(MONSAVOIR, 2000), ces derniers considèrent désormais les restructurations comme une
étape récurrente de la vie des entreprises engagées dans des processus de changement
permanent. Elles ne sont plus seulement de « crise » et concernent aussi bien des entreprises
en difficulté que des entreprises bien portantes.
Aussi les faits nous montrent que les restructurations se sont étendues à tous les secteurs
d’activité depuis les années 1980, elles concernent également tous les salariés, toutes les
fonctions : ouvriers, employés, maîtrises et cadres. Comme le dit CORNOLTI (2001), c’est
un « phénomène universel ».
La restructuration est devenue un outil permanent d’adaptation des entreprises face aux
risques et aux opportunités du marché. Par ailleurs, elle est souvent pensée à une échelle
transnationale.
Les restructurations ont des formes variées : réorganisation, fusions-acquisitions,
délocalisation, recentrage sur une activité, etc.
La restructuration peut se traduire par la mise en cause de tout ou partie des activités de
l’entreprise et mener à des suppressions d'emplois. Je m’intéresserai donc plus
particulièrement à ces dernières en excluant de ce cadre d’analyse les cessations définitives
d’activité ainsi que les questions traitant directement des fusions acquisitions.
Les restructurations ont un impact négatif sur l’emploi et perturbent les collaborateurs qui les
vivent.
Ce projet de restructuration est un projet d’entreprise, mais pour la gestion du dispositif, ce
dossier est confié au Directeur des ressources humaines (DRH), expert en matière de droit
social et de gestion de l’humain.
Dans un processus de restructuration, le DRH rencontre de nombreuses difficultés.
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Les dirigeants sont soucieux d’aller vite pour des raisons financières, commerciales et pour
préserver l’image de l’entreprise. Est-ce que dans ce contexte, le DRH est associé à la prise de
décision ?
Aussi le DRH est tenu de respecter des contraintes juridiques chronophages. Il se doit d’éviter
une situation de blocage par le dialogue social qui prend aussi du temps.
Pourtant en tant que business partner et contraint de respecter des délais très courts, la
tentation est grande pour le DRH de céder à la précipitation. Comment le DRH jongle-t-il ?
Est-ce que le DRH a le temps et les moyens d’identifier et de prévenir des risques liés aux
ressources humaines ?
Une restructuration, au-delà d’être un problème opérationnel et social, est une affaire de
communication globale tant vers l'interne que vers l'ensemble des parties prenantes externes.
J’en veux pour preuve la liste des entreprises menacées de plan sociaux, qui ont fait l’objet
d’une surmédiatisation dès avril 2012, plans sociaux soit disant retardés pour cause d'élections
comme par exemple Air France. Ce qui peut amener les DRH à bousculer leurs habitudes de
dialogue social. Quelle stratégie de communication le DRH adopte-t-il ? Quelles cibles : les
salariés, les clients ?
La gestion des ressources humaines et des compétences s’inscrit nécessairement dans la
durée. Or un projet de restructuration interfère dans ce travail de longue haleine. Le DRH
peut-il s’afférer à négocier un plan social tout en continuant à développer une politique RH
susceptible de renforcer l’agilité de l’entreprise ?
Aussi, l’incompréhension du projet de restructuration, les rumeurs, génèrent de l’inquiétude
pour les salariés et des managers de proximité. On peut constater une dégradation du climat
social mais quelle en est l’ampleur ? Comment le DRH appréhende les enjeux humains d’un
tel projet ?
Lors d’une restructuration avec suppressions de postes, en quoi la stratégie du DRH lui
permet-elle de concilier les conflits de temporalités, la gestion des enjeux liés aux
ressources humaines pour redynamiser l’entreprise en difficulté ?
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Pour répondre à cette question, nous aborderons dans une première partie, la mise en place du
processus de restructurations avec suppressions d’emplois par le DRH. Nous porterons un
regard sur la place de celui-ci au moment de la décision, en amont et pendant la mise en place
du dispositif ainsi que sur les enjeux liés aux ressources humaines.
Après avoir mis en exergue les réussites et difficultés rencontrées par les DRH grâce à l’étude
terrain qui fera l’objet de la deuxième partie, nous élaborerons dans une troisième partie des
préconisations susceptibles de guider un DRH soucieux de sortir par le haut d’une
restructuration.
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Partie 1 :
Le cadre d’analyse :
La mise en place du dispositif de
restructuration avec suppressions d’emplois
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Au préalable, et avant toute analyse du rôle du directeur des ressources humaines (DRH) dans
les restructurations, nous nous attacherons à définir les contours du concept de restructuration,
les moteurs qui animent une direction d’entreprise à restructurer et les différentes formes de
restructurations.
Il sera alors intéressant de voir qu’en fonction de la situation, le DRH est associé ou non à la
décision et dans quelle mesure le DRH met à profit cette opportunité pour être un acteur
stratégique face à une contrainte de temps indéniable (I).
Par la suite, ayant dépassé la phase amont du projet, nous souhaitons analyser quelles sont les
prérogatives qui reviennent au DRH dans la mise en place d’un dispositif de restructuration
entraînant des suppressions de postes. Comment le DRH navigue-t-il parmi les différents
acteurs, interlocuteurs ? Quels leviers stratégiques actionne-t-il face aux risques et contraintes
d’un tel projet ? (II)
Enfin, une restructuration est mal vécue, la Direction au-delà de ses devoirs légaux a un rôle à
jouer et particulièrement la DRH dans la gestion de la dimension humaine (III).
I. La place du DRH dans le choix stratégique de l’entreprise de restructurer
1. Le concept de restructuration
Nous avons de réelles difficultés à clarifier ce concept tant il gravite autour un certain nombre
de termes qui désignent des actions de restructuration : fermeture d’établissement,
délocalisation, refonte des processus, externalisation, fusion-acquisition, filialisation, cession,
scission, réorganisation, redressement, liquidation, privatisation ou nationalisation…
Dans les faits, il arrive aussi que des entreprises adoptent les termes suivants : transformation,
adaptation, redéploiement, modernisation… comme si elles voulaient masquer la résonance
négative qui est associée au terme de restructuration.
Alors pour tenter de cerner les contours de ce concept, commençons par découvrir la
définition d’une restructuration d’entreprise donnée par le Larousse. C’est « l’action de
réorganiser quelque chose selon de nouveaux principes, avec de nouvelles structures ».
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Elle est très vague mais nous relevons qu’une restructuration est un processus global qui se
met en place marquant ainsi un changement au sein d’une organisation.
A présent, penchons-nous sur les nombreuses études scientifiques menées principalement aux
États-Unis sur le concept de restructuration. Ces études emploient le terme anglo-saxon de
downsizing. Elles s’accordent sur le fait que ce concept figure parmi les stratégies
managériales, et différents auteurs viennent clarifier ce qu’est une restructuration d’entreprise.
Ainsi les auteurs BOWMAN et SINGH (1993, p.5-14), considèrent que c’est une
transformation de structures, de l’organisation interne et de l’emploi, lesquelles s’opèrent par
des transactions.
◊ transformation de structures : acquisitions, fusions, filialisation par exemple
◊ transformation de l’organisation interne de travail : rapprochement de services,
suppression de niveaux hiérarchiques, redéfinition des tâches par exemple
◊ transformation de l’emploi : recomposition du capital humain en termes de
compétences, de qualifications, de statuts, réduction d’effectifs par exemple
Généralement, au moins deux des trois éléments ci-dessus sont concomitants. Par exemple,
une réduction d’effectifs implique une refonte de l’organisation du travail. Ces premières
données nous amènent à nous poser une première question, est ce qu’en pratique
l’organisation est-elle repensée systématiquement ? Ou bien est-ce les salariés, qui font face
aux changements générés par la restructuration, s’adaptent tant bien que mal pour servir au
mieux l’entreprise ? C’est la notion de régulation qui oppose le travail réel au travail prescrit.
A travers cette question, nous commençons à apercevoir quelle est la nature d’un des impacts
sur la population restante. D’autres auteurs vont revenir dessus et vont nous aider à
comprendre ultérieurement.
Pour cela, ces autres auteurs ne se contentent pas de lister les typologies de transformations
mais vont plus loin en considérant que le downsizing est une stratégie de réduction de la taille
de l’entreprise avec réduction des effectifs CASCIO (1993, p.95-104) et CAMERON (1994,
p. 189-211)) avec différents moteurs.
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En effet, selon les auteurs CAMERON, FREEMAN et MISHRA (1993), les restructurations
(downsizing) quelle que soit leur forme, ont les caractéristiques suivantes :
● elles ont un caractère intentionnel ou volontaire visant à améliorer la position
concurrentielle de l’entreprise, ce qui les distingue de la réaction à un processus de déclin
(perte de parts de marché, perte de revenu, etc.),
● elles visent à l’amélioration de l’efficience de l’organisation. Dans ce sens, elles impliquent
des mesures réactives ou proactives ayant pour objectif de minimiser les coûts, d’augmenter
les revenus ou de faire face à la concurrence,
● elles impliquent généralement une réduction de personnel. Celle-ci est obtenue par des
licenciements mais pas uniquement. Il existe également une série d’autres mesures mises en
œuvre (cession d’une activité à une autre entreprise par exemple).
● elles affectent les processus de travail, que cela soit voulu ou non. En cas de contraction du
volume de main-d’œuvre, un nombre restreint d’individus devra effectuer une quantité
inchangée de travail avec pour conséquence des changements sur la nature et les conditions de
travail. Idem en cas de cession d’activité lors de la redistribution du volume de travail entre
plusieurs entités.
De plus, selon l’étude menée par ces auteurs, il y a trois grands types de stratégies de
downsizing : numérique, fonctionnelle et stratégique qui répondent à des temporalités
différentes (voir tableau 1).
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Tableau 1 : Types de restructuration
Restructuration Stratégies Temporalité Caractéristiques
Numérique Réduction des effectifs Court terme Gel des engagements
Licenciements
Incitants financiers aux départs volontaires
Transferts ou outplacement
Incitation à la retraite
Fonctionnelle Restructuration des process
(reegineering)
Moyen terme Redéfinition des tâches
Réorganisation interne : élimination des niveaux
Fusion des services, unités
Suppression et reconversion des fonctions
Elimination de produits
Stratégique Reconfiguration de
l’organisation et de ses
périmètres
Long terme Recentrage sur le cœur de métier
Recomposition de la force de travail
Amélioration continue
Remise en question du système de valeurs et de
normes
Changement des responsabilités
Source : adapté de Cameron, Freeman et Mishra (1993)
Ce cadre d’analyse permet de noter que si une réduction des effectifs s’entreprend sur du
court terme, l’entreprise favorisera la refonte des processus de travail et une reconfiguration
de l’organisation que dans un second temps, à moyen ou long terme. Les solutions apportées
par la nouvelle organisation en place arriveront après une phase d’adaptation des salariés qui
manquent de repère. Il y a alors un conflit de temporalité pour les salariés restants (managers
et salariés) qui peut se traduire par une dégradation des conditions de travail. Aussi, ce n’est
sans doute pas un facteur favorisant la compréhension du projet. Le DRH a un rôle à jouer
dans ce domaine, cela fait partie de ses prérogatives.
Par ailleurs, quelles sont les formes des restructurations et leurs conséquences sur les
effectifs ?
En Europe, l’observatoire l’European Restructuring Monitor (ERM) recense les cas de
restructuration et leurs conséquences sur les effectifs dans chaque pays européens depuis
2002. L’ERM distingue cinq configurations de restructurations accompagnées de
suppressions d’emplois et/ ou créations d’emplois :
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◊ Les réorganisations internes (elles représentent 70% des suppressions d’emplois
et 5% des créations d’emplois)
◊ Les faillites et les fermetures (16% des suppressions d’emplois)
◊ L’expansion (>90% de création d’emploi)
◊ Les relocalisations/ délocalisations (7% des suppressions d’emplois)
◊ Les fusions-acquisition (7% des suppressions d’emplois)
Ainsi selon l’étude, les restructurations qui génèrent le plus de suppressions d’emplois sont
les réorganisations internes. Et si l’on applique le modèle théorique du tableau 1 ci-dessus, le
processus de réorganisation de la structure s’inscrit sur du moyen et/ou du long terme. Ainsi,
une direction d’entreprise et le DRH ne doivent pas considérer un projet de restructuration
comme un changement opéré à un instant t mais davantage comme un projet structurant de
longue haleine et qui aura des répercussions dans le temps pour tous les acteurs de
l’organisation.
Par ailleurs, quels sont les moteurs et les objectifs poursuivis par les entreprises ayant
recours à une restructuration avec suppressions d’emplois ?
Selon le code du travail art. L.1233-3, les licenciements économiques sont consécutifs
« notamment » à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Puis la
jurisprudence a défini d’autres causes comme la sauvegarde de la compétitivité et la cessation
d’activité.
Toutefois, selon les auteurs, le moteur d’une restructuration ne peut se résumer au motif
figurant dans l’argumentaire de la note économique du plan social. De plus, les études
scientifiques montrent que les justifications du projet de restructuration citent souvent des
causes exogènes à l’entreprise induisant un certain fatalisme qui s’imposerait à tous comme
une évidence. Par exemple :
- La crise économique
- Les évolutions technologiques, réglementaires, écologiques
Mais par exemple, quels sont les moteurs qui se cachent derrière la sauvegarde de la
compétitivité ? Nous avons donc extrait de la littérature les moteurs des restructurations plus
officieux :
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→ Une anticipation sur les attentes des marchés financiers
CAMERON (1994) a montré que l’annonce de suppressions d’emplois entraîne une hausse du
cours de l’action. A partir des années 1990, on commence à parler de « licenciements
boursiers » puisque ces restructurations entraînent des réductions d’emplois significatives
alors même que le contexte sectoriel tout comme la santé financière de l’entreprise
n’imposent pas des suppressions de postes ALLOUCHE (2006). Ainsi ces restructurations qui
anticipent pour la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise posent toujours un problème
éthique.
Pour comprendre, nous devons nous tourner vers l’évolution du mode de gouvernance des
grandes entreprises cotées en bourse. On observe un poids croissant des investisseurs
institutionnels et notamment des fonds de pension anglo-saxons dans l’actionnariat de ces
entreprises. Ces derniers cherchent à rentabiliser leur investissement sous la forme d’une plus-
value sur une courte période. Ainsi, les annonces de suppressions d’emplois, auraient pour but
d’envoyer des signaux positifs aux marchés financiers. Il s’agit pour la direction d’entreprise
de manifester sa volonté d’agir dans l’intérêt des actionnaires BOYER (2000).
Ces modes de gouvernance, influencent grandement les décisions des dirigeants qui veulent
se légitimer aux yeux des marchés pour ne pas risquer d’être révoqués et d’entacher l’horizon
de leur carrière.
De plus, en attribuant des stock-options aux dirigeants, le comité d’administration les incite à
agir à court terme et à privilégier les performances financières et surtout boursières à court
terme au détriment de la croissance et du développement à long terme de l’entreprise.
Cependant, les dirigeants ne sont pas tous soumis à ce mode de gouvernance et ne sont pas
tous sur des logiques de court terme comme on l’a vu à l’aide du tableau 1.
→ Un modèle de management pour être plus flexible
La stratégie de downsizing est généralement présentée comme un moyen d’améliorer
l’efficacité organisationnelle, la productivité et/ou de sauvegarder sa compétitivité.
Il est à noter que depuis les années 1990, les entreprises recherchent une compétitivité
économique et financière, sans impératif de survie économique à court et moyen terme. On
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parle alors de restructurations de « compétitivité ou offensives » par opposition aux
restructurations « de crise » ou « défensives » des années 1970.
De plus, les entreprises appliquent le modèle de management des années 1990 dans lequel on
trouve l’attention obsessionnelle à l’adaptation, au changement, à la flexibilité. Selon le centre
de perfectionnement aux affaires, les organisations « classiques » étant jugées trop
pyramidales, les entreprises mettent en place des organisations matricielles, des organisations
en mode projet, ou encore des organisations où les structures s’aplatissent. Les entreprises
veulent être agiles, réactives face à l’évolution de leur métiers et face aux exigences de leurs
clients. Ce qui a des effets sur l’emploi. Les entreprises chercheront à avoir en propre moins
de contrats à durée indéterminée en les remplaçant par des contrats à durée déterminée, de
l’intérim, de la sous-traitance. Cette flexibilité tend à précariser le marché de l’emploi.
Les auteurs AGGERI et PALLEZ (2005) considèrent que les restructurations actuelles sont
devenues un « outil permanent d’adaptation des entreprises à la recherche d’une compétitivité
croissante, souvent pensée à une échelle transnationale ».
Ces restructurations de « compétitivité » cherchent à anticiper sur les évolutions
technologiques et des marchés, tandis que les restructurations « de crise » renvoient plus à
une réaction face à une dégradation de l’activité ou des résultats de l’entreprise.
Dans la réalité, cela semble moins évident. Dans certains cas de restructuration, le contexte de
crise et la logique d’amélioration de la compétitivité se mêlent. D’ailleurs, selon la
jurisprudence, répond au critère de sauvegarde de la compétitivité, la réorganisation justifiée
par :
- Une importante dégradation continue du résultat d’exploitation d’une entreprise et par
une diminution des commandes (Cass. Soc., 17 décembre 2008),
- L’inadaptation du réseau commercial de l’entreprise aux changements du marché, afin
de prévenir des difficultés économiques (Cass. Soc. ; 27 janvier 2009)
Mais la jurisprudence actuelle ne reproche pas à une entreprise d’avoir anticipé des difficultés
économiques prévisibles et mis à profit une situation financière saine pour adapter sa
structure. Cependant, la source des difficultés futures doit être établie.
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Est-ce que la recherche d’efficacité, de gains de productivité, d’amélioration de la position
concurrentielle restent les seules motivations ?
Nous nous posons cette question surtout quand des enquêtes révèlent que dans 50% des cas
les entreprises déclarent que la productivité est restée inchangée ou s’est détériorée à la suite
d’une restructuration. Le downsizing n’apparaît pas comme une panacée qui engendrerait à
tous les coups la croissance de la productivité. C’est une pratique dont les résultats sur la
performance restent contingents. D’autres études montrent que les licenciements n’apportent
pas d’effets économiques positifs durables et apparaissent même dans certains cas comme
préjudiciables sur la performance future.
→ Autres motivations peu banales :
Un projet de restructuration peut avoir des motivations peu banales, comme par exemple, se
débarrasser de l’équipe actuelle pour changer les mentalités de l’entreprise. L’équipe en place
n’adhérant pas au projet, elle devient gênante. Par cette restructuration, la direction veut
changer les valeurs qui ont fait le passé de l’entreprise. Elle entend tout revisiter de la culture
d’entreprise aux relations avec les sous-traitants, fournisseurs. Elle veut redéfinir une
organisation sur de nouvelles bases.
→ Attitudes de mimétisme :
La direction de l’entreprise souhaite améliorer le résultat en diminuant l’un des coûts
« pilotables » : le coût du travail. L’emploi est alors considéré comme une charge fixe qui
peut grever les perspectives de rentabilité.
Le sureffectif est alors évalué grâce à des indicateurs de rentabilité, des ratios du type masse
salariale sur le chiffre d’affaires, et de plus en plus par la démarche de benchmark interne
entre site ou externe avec les concurrents. En effet, BOYER (2002) observe dans ses études
un lien mécanique entre l’évolution de certains ratios de gestion et les décisions de
licenciements.
Le biais c’est que malheureusement, les instruments comptables et financiers amènent à se
focaliser bien plus sur le coût du travail que sur sa valeur ajoutée. Outre le fait que cette
conception comptable des ressources humaines considère à tort que les compétences sont
égales par ailleurs et que les individus sont interchangeables, elle ne tient pas compte de
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l’importance qu’ont les compétences des individus et les collectifs de travail, les effets de
mémoire, etc. Dans ce cadre-là, le DRH doit intervenir.
Ce qui contribue à expliquer les résultats économiques mitigés, à moyen et long terme des
restructurations. Selon PEREZ (2003) cette approche technique de la décision pénalise en
réalité les chances de survie à long terme des organisations.
Toutefois, ces considérations n’ont pas d’écho dans certaines entreprises. Par exemple, les
entreprises familiales souhaitent une continuité et une stabilité de l’emploi plus solides que les
entreprises à gouvernance actionnariale. C’est d’ailleurs ce que remarque LEE (2006), en
période difficile, ces entreprises sont moins enclines à licencier leurs salariés.
Au sein de ce premier point, nous venons de voir que les restructurations ne se justifient pas
toujours par un contexte de crise, et touchent des entreprises bien portantes aux différentes
motivations. Elles revêtent des formes diverses, mais la réorganisation interne reste celle qui
génère le plus de suppressions d’emplois. Elles sont des outils d’adaptation permanente mais
avec des résultats sur la performance contingents. Enfin, les restructurations bouleversent les
collectifs de travail et la charge de travail du fait notamment de la non synchronisation entre
la réorganisation prévue à long terme et l’effet immédiat des suppressions de postes.
Le sachant, comment prend-t-on la décision de porter le projet d’une restructuration et plus
particulièrement une réorganisation interne accompagnée de suppressions d’emplois ?
Comment le DRH intervient-il dans ce processus de décision que les Dirigeants veulent
rapide ?
2. La prise de décision et le DRH
Nous cherchons à savoir si le DRH est associé à la prise de décision et quelle latitude a-t-il ?
Une étude réalisée par la DARES publiée en octobre 2006, révèle que le processus de
décision s’est de plus en plus centralisé au moins depuis les premières recherches menées
dans les années 1990. Dans les établissements dépendant d’un groupe, les restructurations
sont décidées le plus souvent au niveau du siège ou de la holding. Plus la structure est
complexe et plus la distance augmente entre le centre de décision et son lieu d’application.
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Nous pourrions en déduire qu’il y a une certaine volonté à vouloir dissocier les personnes
prenant la décision des acteurs locaux gérant les conséquences. Quoiqu’il en soit, une
entreprise de taille moyenne appartenant à un grand groupe multinational se trouve dans un
rapport de faiblesse par rapport aux décisions prises au niveau central, même si la négociation
peut porter ensuite sur les modalités de mise en œuvre locale de la restructuration.
Cependant, ce manque d’autonomie de gestion des directions locales n’a-t-il pas des effets
négatifs sur l’adhésion au projet ? Nous y reviendrons lors de l’étude terrain.
A l’inverse, la proximité peut être à double tranchant pour le dirigeant de PME qui doit mettre
en place un plan de réduction des effectifs et qui éprouve souvent une grande souffrance
compte tenu des liens étroits entretenus avec les salariés TORRES (2010).
Cette décision, centralisée ou pas, se prend en comité restreint puisqu’elle ne réunit que la
direction générale (DG), la direction financière et parfois la direction de la production et la
direction des ressources humaines (DRH) NOEL (2004, p.168).
Les modes de gouvernance, le rapport au temps, les valeurs des dirigeants et la taille des
organisations modifient le processus de décision. Tout dépend aussi du positionnement, du
leadership et de la crédibilité du DRH.
Enfin le tandem DG/DRH joue un rôle très important. Le rapport de confiance entre les deux
est indispensable. Le DRH en tant que business partner est proche du DG et mène sa
politique RH en fonction des besoins de ce dernier. Le DG attend de lui des conseils et un
esprit critique. Cependant, est-ce que l’entente entre les deux est-elle systématique ? Cela ne
va pas de soi. Si les deux protagonistes ont du mal à s’entendre à l’origine, lorsqu’il va falloir
mettre en œuvre le projet de restructuration, cette mésentente va être néfaste pour le projet qui
ne sera pas porté d’une seule voix. Et cette situation, dangereuse pour l’entreprise et ses
salariés, va se transformer en cauchemar pour le DG comme pour le DRH.
2.1 Comment sont faits les choix de suppressions de postes ?
La décision est centralisée et c’est à ce stade-là qu’est déterminée soit une cible d’effectifs
(par exemple, il faut supprimer X postes), soit une cible industrielle (par exemple, il faut
passer de X à X-1 unités de production), soit une cible d’activité (par exemple, il faut se
séparer de telle activité ou il faut sous-traiter telle activité).
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Ce n’est seulement que dans un second temps que va se poser la question de savoir comment
on va procéder en matière de gestion de l’emploi et que le DRH sera sollicité.
Cependant, une direction qui souhaite une suppression de 1000 postes par exemple et qui
souhaite faire appel à des départs volontaires, crée une situation dangereuse pour l’entreprise.
Les salariés de quel service vont partir ? Est-ce que le travail pourra continuer à se faire
correctement si les 2/3 des salariés du service partent ?
Lors de la détermination de la cible, les critères de déstructuration, de pyramide des âges, de
coordination des départs, de difficultés à faire face à des demandes, la perte de compétences,
etc. ne sont pas pris en compte.
Aussi la mesure de l’activité des individus, la mesure du travail réel n’a pas été réalisée en
amont. La valeur ajoutée du capital humain n’a pas pu être valorisée mais il faut reconnaître
que ces mesures demandent du temps et qu’il est plus rapide de faire parler des ratios de
gestion.
Malheureusement, la décision a été centralisée et tenue au secret. Les opérationnels et
responsables ressources humaines n’y ont pas été associés et ne pourront donc pas mesurer les
conséquences sur la continuité de l’activité.
2.2 Conséquences des décisions transnationales ?
Pour les grands groupes internationaux dont le centre de décision est à l’étranger, il est
fréquent que le DRH du site concerné ne soit pas associé à la prise de décision. Cette décision
va dans certains cas paraître déconnectée des enjeux locaux et ainsi augmenter
l’incompréhension du projet par les collaborateurs locaux.
De plus, la décision peut se heurter au fossé culturel. La France est en effet un cas très
atypique avec une législation sociale particulière qui s’est complexifiée et devenue
difficilement compréhensible par les groupes étrangers. Ils peuvent commettre des
maladresses qui engendrent des tensions sociales supplémentaires et peuvent ralentir le
processus en France. Comme par exemple, la direction d’une entreprise située au Texas
(Etats-Unis) qui a appelé la DRH du site de Toulouse un dimanche soir pour l’informer de la
filialisation d’une activité. La direction américaine lui précisait qu’elle allait communiquer
dès le lundi à la presse. La DRH en France a dû gérer les conséquences d’une telle annonce.
21
A l’extrême, le manque d’association de la DRH au processus de décision, peut se traduire
par exemple par la découverte de la suppression de son poste de DRH seulement lors du
processus d’information consultation (situation vécue par un DRH).
2.3 Quelle latitude a le DRH ?
Les entreprises se trouvent confrontées à quatre grands risques, en particulier dans le cas de
plans sociaux : le risque juridique, les risques de conflit social, de déficit d’image
CAMPINOS-DUBERNET (2002), mais aussi des risques en termes de performance
économique. En effet, ces risques venant d’une incompréhension du projet, mais aussi d’un
manque de prise en compte des effets sur les individus, des processus de travail nécessitant
des compétences clés et des répercussions sur les conditions de travail.
Pour ces raisons, le DRH doit éclairer utilement la prise de décision des dirigeants. De cette
décision dépendra l’acceptation sociale du projet de restructuration et la validité juridique du
projet. De plus, un autre enjeu pour le DRH au cours de cette phase, est de bien s’assurer de la
légitimité et de l’objectivité du motif de restructuration, surtout dans le cas de restructurations
de compétitivité.
Les risques juridiques et sociaux liés aux opérations de restructuration renvoient à un risque
d’allongement des délais de leur mise en œuvre, tandis que justement l’entreprise cherche à
gérer au plus vite la situation de la restructuration. Face à ce choc de temporalités, le DRH
doit arbitrer entre d’un côté la recherche de performance économique et d’un autre côté, la
recherche de paix sociale et sociétale dans la mise en œuvre des restructurations.
Le DRH prépare alors quelques scenarii. A chaque hypothèse de travail, des simulations
financières et des calendriers sont associés.
Cela se passe dans un temps record, sans moyens supplémentaires et avec une équipe très
restreinte, du fait de la confidentialité des données.
Le DRH, en restant dans son champ de compétences, donne des éléments sur les points
suivants :
● le choix de garder une activité ou d’envisager une cession ?
● définir le pourcentage de sureffectif ou l’effectif cible en fonction de
l’organisation souhaitée (participe au choix des critères)
● les postes, les métiers, les sites impactés
22
● intervient sur la redéfinition des processus de travail
● repère les points durs et des populations à risques
● évalue l’acceptation sociale du projet
● évalue la faisabilité d’une anticipation plus ou moins grande pour éviter la
casse sociale
Aussi c’est dans cette phase que le DRH va donner son conseil sur les modalités de
traitement du sureffectif.
L’une des premières solutions peut être le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) et ses
mesures d’accompagnement. Il ne concerne que les entreprises de plus de 50 salariés qui
envisagent plus de 10 licenciements sur une période de 30 jours. Ce PSE peut prévoir une
«restructuration douce » dans le sens où l’on fait appel au volontariat pour traiter un volume important
de suppressions d’emplois.
Cependant il ne concerne qu’environ 20 % des licenciements pour motif économique, alors d’autres
modalités de gestion du sureffectif peuvent être proposées par le DRH, en fonction du contexte et des
risques relevés :
● les licenciements pour motif économique sans plan social (ils s’opèrent dans des
entreprises de moins de 50 salariés, ou bien renvoient à la constitution de «petits
paquets »),
● le blocage des embauches et le non-renouvellement des départs,
● l’organisation simultanée de mobilités internes, associée à une gestion prévisionnelle
des compétences et parfois à des mobilités géographiques. Sauf que pour la réussite de
cette pratique, il est nécessaire de prendre du temps pour la reconversion des salariés
et des sites. Or d’un point de vue économique, il faut se dépêcher d’agir. Le
DRH doit gérer des temporalités différentes.
● la négociation individuelle de départs (transactions – prenant la forme de démissions
ou de licenciements pour motif individuel)
Dans cette seconde liste les pratiques de gestion des sureffectifs s’opèrent en toute discrétion.
Comme elles sont hors plan social, elles échappent aux statistiques et à l’autorité
23
administrative. Elles traduisent une forme d’individualisation de la gestion des risques de
rupture d’emploi pour les salariés et sont bien plus nombreuses.
A l’issue de ces réflexions et propositions du DRH, le dirigeant donnera sa validation. Si la
direction entend et tient compte des conseils du DRH, l’équipe de direction fait bloc et est
convaincue du projet. Il n’y a plus de place pour un état de « dissonance cognitive ».
Cependant, si le DG et le DRH ne convergent pas vers le même point de vue, ou si tout
simplement l’avis du DRH n’a pas été sollicité, le déroulement du projet va être très difficile
par la suite. Comment le DRH pourra étayer l’argumentaire économique s’il n’est pas
convaincu de son bienfondé ?
Alors si le DRH n’adhérait pas au projet ? Doit-il faire bonne figure et continuer parce
qu’après tout, ça fait partie de son métier ? Ou considérant qu’il est aux antipodes de la
méthodologie souhaitée par la direction, son rôle est de partir ? Est-ce un abandon ou être en
phase avec ses idées. Son départ brutal va probablement déstabiliser le démarrage du projet et
entamer l’image d’entreprise responsable. Cette situation peut se produire. C’est pour cela que
des entreprises font appel à des DRH de transition pour mettre en œuvre le projet.
Nous venons de voir que si la prise de décision émane de la direction de l’entreprise alors plus
l’organisation de celle-ci est complexe et plus la prise de décision est centralisée souvent au
niveau du siège ou de la holding. Le DRH n’y est pas systématiquement associé. Toutefois, en
amont de l’annonce du projet, la direction vient solliciter le DRH pour son expertise en
matière d’anticipation des risques et des chiffrages sur différentes alternatives. C’est à ce
stade que le rôle stratégique du DRH démarre. Mais comment une entreprise et le DRH se
préparent à un tel projet ?
3. La préparation à froid
Le DRH et l’équipe de direction profitent de cette phase en amont pour se préparer à froid en
envisageant les aléas du projet et en mettant en place tous les facteurs de réussite.
24
3.1 Définition d’un référentiel de mesures ressources humaines
Un projet de restructuration avec suppressions d’emploi nécessite de mettre en place une
politique de gestion des emplois très encadrée et homogénéisée. Le DRH doit avoir une vision
claire de tous les postes à pourvoir au sein du groupe et doit mettre en place un processus de
validation des recrutements centralisé répondant à des critères précis, voire de gel des
embauches sur certains métiers. Et cela dans le but de faciliter un rapide reclassement interne
des salariés.
Une communication à ce stade étant très délicate, il lui faut trouver le bon timing pour
l’annoncer.
3.2 Anticiper les points durs
Les risques peuvent venir de l’intérieur comme de l’extérieur. Le DRH pressé par le temps ne
peut pas perdre de vue certains risques qui pourraient entamer la réussite du projet :
→ Risque au niveau du management : c’est dans le champs de compétences du DRH d’alerter
sur la capacité et la volonté du management à porter le projet qui va remettre en question
l’organisation en place. Le DRH émettra ses préconisations d’accompagnement.
→ Se préparer à une situation de crise : le DRH doit se préparer et préparer les membres de la
direction à gérer une situation de crise comme par exemple une séquestration. Qui contacter,
comment se prémunir ? Comment réagir ?
→ En cas de risque de grève, le DRH doit contacter les huissiers de justice, avoir les contacts
des forces de police, du tribunal de grande instance en cas de manquement au droit.
→ Préparation en matière de communication : Le DRH et le dirigeant doivent définir les
modes de communication envisagés avec les équipes et avec l’extérieur (état, région, maire,
fournisseurs, clients, sous-traitants).
Le dirigeant et le DRH sont les deux membres de la direction habilités à porter le message
auprès des salariés. Ils forment une équipe solidaire. Dans un tel contexte, la communication
est sensible, et pour éviter tout risque de contentieux, le DRH est le mieux à même de valider
tous les contenus. Les supports et les modes de diffusion sont déterminés à l’avance afin
qu’aucun collaborateur ne souffre d’un manque d’information. La communication doit être
25
pensée en amont, se réfugier derrière le prétexte du délit d’entrave est une source d’échec. Un
manque de préparation est le risque assuré de laisser la communication aux mains des
représentants du personnel et des contestataires du projet.
Une entreprise est un acteur majeur au sein de sa ville et en tant de crise, les restructurations
sont de plus en plus une affaire politique. Les institutionnels tels que le Maire, le Préfet mais
l’Etat veulent au titre de l’anticipation être informés des menaces de suppressions de postes à
venir sur leur territoire. Comment la direction peut-elle répondre à cette attente ?
C’est au DRH de trouver le bon timing pour informer tant les salariés que les institutionnels.
Là, il est face à un vrai problème compte tenu du délit d’entrave.
→ Evaluation des conséquences sur le business : l’équipe de direction (commercial,
production, finance, RH) réfléchit aux conséquences du projet sur la production, sur les
clients, fournisseurs et sous- traitants. L’équipe de direction veut prévenir ses plus gros clients
au plus vite afin qu’ils n’apprennent pas l’annonce de la restructuration dans les journaux,
puisque les faits ont montré que ce phénomène peut dégrader la relation de confiance et le
niveau des ventes futur.
Le DRH est alors pris en tension entre réserver la primeur de l’information sur la
restructuration aux représentants du personnel et de tout faire pour que ce projet ne conduise
pas l’organisation à un blocage qui affaiblirait sa situation commerciale.
A travers cette partie, alors que nous ne sommes qu’en amont du projet, le DRH est soumis à
la gestion de divers conflits de temporalités : dépasser le stade court termiste de la gestion du
sureffectif en anticipant sur la réorganisation de long terme, mettre en place rapidement un
référentiel de règles RH afin que ce projet se construise sur des bases favorables, choisir
d’anticiper ou pas sur la communication, etc…
A ce stade, ces choix stratégiques entrent dans le champ exclusif des instances de direction,
avec le maintien d’un secret qui entoure la préparation de la décision et une absence de mise
en débat des critères de la prise de décision BEAUJOLIN (1999).
Nous allons voir à présent quel rôle stratégique joue le DRH lors de la mise en œuvre du
projet de restructuration.
26
II. La mise en œuvre d’une restructuration avec suppressions d’emplois
A l’origine, le « droit des restructurations » s’est orienté vers un contrôle a priori de
l’opportunité des licenciements, avec en particulier l’autorisation administrative de
licenciement pour motif économique jusqu’en 1986. Progressivement, l’encadrement
juridique s’est recentré sur un contrôle de légalité. Désormais, l’inspecteur du travail contrôle
le respect de la procédure de licenciement, et, le cas échéant, les mesures proposées dans le
Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) mais il n’y a plus d’autorisation préalable.
Au préalable, rappelons que les procédures légales de licenciement pour motif économique
diffèrent selon le nombre de licenciements et selon la taille de l’entreprise.
Il existe trois types de licenciements pour motif économique :
Tableau 2 Trois types de licenciements économiques
Licenciement individuel Licenciement de 2 à 9 salariés
sur une période de 30 jours
Les grands licenciements
économiques
s’apparente dans son processus au
licenciement pour motif personnel
(convocation à un entretien
préalable, entretien, notification du
licenciement, puis information à
l’inspection du travail)
il implique une procédure
d’information-consultation (une
réunion) du CE avant la
convocation des salariés concernés
auxquels sera proposée l’adhésion
à un contrat de sécurisation
professionnelle.
lorsqu’une entreprise de 50 salariés
et plus licencie pour motif
économique 10 salariés et plus sur
une période de 30 jours, cette
procédure donne lieu à un plan de
sauvegarde des emplois.
Dans notre cadre d’analyse, nous n’aborderons le rôle du DRH uniquement dans le domaine
des grands licenciements économiques.
Nous verrons successivement que le DRH a un rôle très important à jouer avec les
représentants du personnel (1), en matière de communication (2) et dans la gestion du risque
d’un conflit social (3).
27
1. Le DRH et les représentants du personnel
Dès lors que le projet de l’entreprise s’accompagne d’une modification des structures de celle-
ci et d’une compression des effectifs (plus de 10 postes), il y a lieu de mettre en œuvre la
procédure de double consultation encadrée par la loi :
- Une consultation au titre des compétences générales du Comité d’Etablissement (CE)
(C. trav., art. L. 2323-6 et LL 2323-15) ;
- Puis une consultation dans le cadre de la procédure de licenciement économique (C.
trav., art. L.1233-1 et s.).
Le législateur, par la référence à la notion de « compression des effectifs », entend saisir
toutes les hypothèses où la restructuration conduit à des réductions d’effectifs, peu importe
que ces réductions se traduisent ou non par des licenciements économiques. Par exemple, les
départs volontaires.
Les représentants du personnel ne vont intervenir qu’à partir de l’enclenchement du processus
d’information consultation. Or, au moment de l’annonce du plan social, les jeux sont faits.
Nous comprenons ainsi que la réussite du projet tient à la stratégie de négociation qui va
démarrer. Un DRH moins procédurier et plus stratège ? Comment navigue-t-il au milieu des
obligations légales ?
1.1 De quelle manière et à quel moment les partenaires sociaux sont
impliqués dans le processus et pour quels objectifs ?
1.1.1 Implication des instances représentatives du personnel
Le CE sera l’interlocuteur obligatoire de la Direction au cours de la procédure
d’information/consultation qui se déroule en deux réunions ou trois (si un expert est nommé)
espacées de délais impartis cf. tableau 3.
Tableau 3 : Les délais entre chaque réunion d’information consultation
- 14 jours, lorsque le nombre de licenciements est inférieur à 100,
- 21 jours, lorsqu’il est compris entre 100 et 249,
- 28 jours lorsqu’il est au moins égal à 250.
28
L’objet de la première réunion est de présenter :
- Le motif économique du projet de restructuration accompagné de suppression
d’emplois : l’employeur doit fournir un argumentaire accompagné des informations
nécessaires (Livre 2),
- Les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements (C. trav., art. L. 1233-5) (livre
1),
- Les mesures du PSE pour éviter les licenciements ou les limiter (livre 1).
Au cours de cette réunion, les membres du CE :
- Présentent leurs observations, leurs suggestions sur le projet,
- Peuvent décider de recourir à l’assistance d’un expert-comptable rémunéré par
l’entreprise (C. trav., art. L. 1234).
Dans les grands groupes, la décision est annoncée lors du comité de groupe, puis dans les
entreprises multi établissements la décision est annoncée lors du comité central d’entreprise et
ensuite lors des CE.
Le directeur général (DG) annonce le projet puis le DRH prend souvent le relais sur le volet
social (Livre 1) qu’il a bien souvent préalablement négocié avec les organisations syndicales.
L’explication par le DG des motifs de sa décision est incontournable pour construire son
caractère légal et, au-delà, son acceptabilité sociale. C’est particulièrement vrai quand une
telle décision intervient en dehors de situation de crise économique ou sectorielle et relève
d’une logique d’anticipation en vue de sauvegarder la compétitivité et la rentabilité de
l’entreprise.
La Direction ne peut pas mettre en œuvre le projet avant qu’une consultation complète du CE
soit terminée. Ainsi, une seconde réunion est organisée en respectant le délai.
Toutefois, si le CE a décidé de recourir à un expert, la seconde réunion doit avoir lieu entre le
20e et le 22
e jour suivant la date de la première réunion et une troisième réunion devra être
organisée.
Pendant ce laps de temps, le DRH est le facilitateur afin que les experts aient accès à tous les
documents souhaités et puissent rencontrer tous les acteurs de l’entreprise susceptibles de
pouvoir les renseigner dans le cadre de leur expertise.
29
Au cours de la deuxième réunion, l’expert remettra son rapport et la direction répondra aux
observations et suggestions émises par les membres du comité. C’est le DRH qui coordonne
les actions pour recueillir les informations et centralise les réponses.
Enfin, au cours de la troisième réunion, l’employeur recueillera l’avis du CE.
L’opinion du CE en France est purement consultative et la Direction peut bien choisir de ne
pas en tenir compte. Les obligations de l’employeur sont strictes mais consistent à informer le
CE et à recueillir son opinion.
Les représentants du personnel peuvent céder rapidement au sentiment que tout est joué
d’avance dans la mesure où l’annonce de la restructuration ayant eu lieu, l’ensemble des
acteurs intègre d’emblée qu’elle est irréversible. En réponse à ce sentiment d’inéluctabilité, le
jeu de la consultation, pour les salariés et leurs représentants, vise à gagner du temps et à faire
monter les enchères, éventuellement sous la pression de conflits sociaux et juridiques.
Face à ce risque le DRH doit faire respecter le dialogue et renforcer la concertation.
C’est le rôle du DRH de faire en sorte que cette procédure mette le CE en position de
comprendre les raisons du projet de restructuration, de proposer des solutions alternatives et
de chercher les moyens d’éviter et/ou de réduire le nombre des licenciements.
Par ailleurs, le travail de discussion spécifique sur le motif économique (Livre 2, dont la
consultation est séparée du livre 1 traitant des conséquences sur les salariés) est
particulièrement nécessaire à l’enclenchement d’une dynamique de construction de solutions
individuelles et collectives. D’ailleurs des études ont montré que pour qu’un salarié soit en
mesure de se reclasser, il faut qu’on lui ait donné la possibilité d’avoir été acteur du
processus, d’avoir pu prendre position sur la décision de restructuration.
Cette procédure est très lourde, comporte des délais très précis à chaque étape, sans compter
qu’il faut que le DRH informe par ailleurs la DIRECCTE sur le projet et cela dès la première
réunion avec le CE et tout au long de la procédure. Il incombe au DRH et à ses équipes de
déterminer ce calendrier précis et d’éviter toute risque d’irrégularité de procédure.
La procédure est incontournable mais l’organisation de discussions sur la restructuration ne
porte pas que sur les motifs économiques mais aussi sur les modalités de mise en œuvre.
Aussi le DRH a besoin de créer une dynamique collective d’adhésion au projet. Il a aussi
30
besoin de garanties pour éviter le risque d’un échec des discussions. Le DRH va alors se
tourner vers les organisations syndicales. Les discussions vont prendre la forme de véritables
négociations. C’est avec elles surtout que le DRH va enclencher la dynamique de dialogue
social.
1.1.2 Implication des organisations syndicales représentatives
Confronté à la difficulté de concilier le déroulement de la consultation du CE, de celle du
comité central d’entreprise et parfois de l’information du comité de groupe, la mesure de ces
risques peut d’ailleurs mener les DRH à chercher à sécuriser le processus d’un point de vue
juridique et social par la négociation d’accords dits de méthode.
L’accord de méthode a été pérennisé par la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005.
Il est négocié par le DRH avec les organisations syndicales représentatives. Ils
fixent notamment :
- les modalités de réunion et d’information du CE sur la situation économique et
financière de l’entreprise,
- les conditions dans lesquelles le CE peut formuler des propositions alternatives au
projet économique, et peut obtenir une réponse motivée de l’employeur à ses
propositions,
- il peut fixer les moyens supplémentaires alloués au CE et aux organisations syndicales
pendant le temps de la procédure et le temps des négociations.
Ces accords permettent également de négocier des dispositions dérogeant aux modalités
légales d’information et de consultation du CE. Ils permettent de mieux articuler les niveaux
de consultation en prévoyant le nombre de réunions, les délais qui les séparent, sans que ceux-
ci soient inférieurs au légal, de limiter en temps et en coût les interventions d’experts…
Ces accords peuvent déterminer les conditions dans lesquelles le plan de sauvegarde de
l’emploi fait l’objet d’un accord, mais également anticiper le contenu de celui-ci.
Ils peuvent permettre de sécuriser la procédure d’information-consultation en limitant a priori
les aléas judiciaires qui y sont liés.
Ces accords de méthode sont le symbole d’un renforcement du dialogue social et de la qualité
des informations dont disposent les représentants du personnel.
31
1.2 Les mesures d’accompagnement d’un licenciement
économique : quelle latitude du DRH dans la négociation ?
La réalisation de licenciements collectifs pour motif économique implique la mise en œuvre
d’un PSE, qui doit comporter un plan de reclassement interne et externe, et qui est
accompagné d’une série d’actions listées ci-dessous. La liste n’est pas limitative, elle peut être
complétée par des dispositifs en fonction de l’ampleur du projet, de la taille et des moyens de
l’entreprise. La validité du plan s’apprécie par l’administration au regard des moyens de
l’entreprise.
Ainsi, il appartient au DRH de mettre en place un PSE innovant et si possible économe en
licenciements pour minimiser le risque d’un constat de carence de la part de l’administration.
Et il lui appartient de construire des solutions adaptées, soit dans le cadre d’une négociation
avec les organisations syndicales sur les différentes mesures, soit lors de l’information
consultation du CE sur le Livre 1.
Nous vous présentons la série d’actions que le DRH ne doit pas écarter :
→ Mesures de reclassement :
Le PSE prévoit obligatoirement des mesures visant au reclassement de salariés (C. trav., art.
L1233-61 et L1233-62). L’article présente quatre types de mesures :
● reclassement interne : les actions de reclassement interne ont pour but d’obliger le
DRH, avant de prononcer le licenciement, d’étudier toutes les solutions permettant le
reclassement des salariés dans l’entreprise. Les solutions sont recherchées au sein de
l’entreprise, ou les entreprises du groupe (C. trav., art. L1233-4).
La faisabilité va dépendre d’outils de gestion de l’emploi permettant d’identifier des
passerelles ou des mobilités possibles d’un emploi à un autre, puis de les organiser. C’est au
DRH de faire en sorte que des outils conçus et développés dans le cadre de la gestion
prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) soient utilisés et favorisent la
proposition de reclassement interne : cartographies des emplois, bourse de l’emploi interne,
entretiens de mobilité, cellule d’orientation, forums métiers, etc.
Par ailleurs, cette obligation de reclassement interne amène les entreprises de grands groupes
à proposer des postes à l’étranger, aux salariés dont l’emploi est menacé.
32
● reclassement externe : c’est l’ensemble des aides mobilisées directement ou
indirectement au profit des salariés pour faciliter leur embauche par un autre employeur,
lorsque le reclassement interne n’a pas été possible. Il s’agit notamment des engagements de
proposer à chaque salarié une ou plusieurs offres valables d’emploi, de la mise en place
d’antennes emploi, de dispositifs d’allocations différentielles en cas de perte ultérieure de
salaire, d’aides à la mobilité professionnelle ou géographique, etc.
Ces aides vont varier en fonction de la taille de l’entreprise :
- les entreprises de moins de 1000 salariés : ne sont pas tenues de proposer un congé de
reclassement, elles doivent proposer à chaque salarié un contrat de sécurisation
professionnelle (CSP) depuis septembre 2011. Le salarié bénéficie d’un
accompagnement personnalisé mis en œuvre par Pôle emploi et d’une allocation de
sécurisation professionnelle.
- les entreprises de plus de 1000 salariés :
o les entreprises doivent proposer à chaque salarié un congé de reclassement
d’une durée de 4 à 9 mois. Le PSE peut ainsi valablement prévoir le recours à
une entreprise spécialisée dont la cellule de reclassement permet des
reclassements externes à l’entreprise. Le plan définit les missions exactes
confiées au cabinet de reclassement. C’est au DRH de mettre en concurrence
plusieurs cabinets et de sélectionner la meilleure offre de service. Les
représentants du personnel souhaitent être associés à ce choix.
La mise en œuvre de commissions paritaires de suivi a émergé au cours des
années 1990. Elles consistent en l’organisation de réunions avec les
responsables de la cellule de reclassement, des représentants du personnel, des
représentants de la direction (DRH entre autre) et parfois des représentants de
l'administration du travail. Elles sont un gage de la mise en œuvre effective des
modalités d’accompagnement des salariés définies dans le PSE ; elles font un
état précis et régulier des situations individuelles.
Le DRH a alors la possibilité d’intervenir envers le cabinet s’il dénote un
manque d’implication des acteurs et peut ainsi participer indirectement à la
maximisation des reclassements.
33
o Les salariés peuvent bénéficier de mesures d’accompagnement, de formation et
de périodes de travail, dans ou en dehors de l’entreprise, dans le cadre d’un
congé de mobilité (C. trav., art. L1233-77). Sa mise en place requiert au
préalable un accord de GPEC.
Par ailleurs, les entreprises de 1000 salariés et plus, qui procèdent à un licenciement collectif
dont le préfet estime qu’il affecte l’équilibre du bassin d’emploi, sont tenues de contribuer à
la revitalisation du bassin d’emploi. (C. trav., art. L1233-84). L’obligation de l’entreprise
porte sur la création d’activités nouvelles et au développement des emplois ainsi qu’à
l’atténuation des effets des licenciements sur les autres entreprises du bassin d’emploi. Une
convention est signée entre l’Etat et l’entreprise. Le coût des mesures doit être d’au moins
deux à quatre fois le montant du smic mensuel multiplié par le nombre d’emplois supprimés.
Ainsi, le DRH et le DG doivent être en relation avec le Préfet pour négocier sur les
conséquences du projet sur le ou les départements.
● création d’activités nouvelles :
Il s’agit soit du développement d’activités nouvelles dans l’entreprise, soit de soutiens
financiers ou non à la création d’entreprise.
● formation, validation des acquis ou reconversion :
Pour permettre aux salariés une meilleure adaptation aux besoins du marché du travail
favorisant ainsi leur reclassement interne ou externe.
→ Les mesures d’âge :
Les préretraites ont longtemps été la mesure phare des plans sociaux dès les années 1960.
Elles écartent ainsi les salariés âgés du marché du travail en vue de réduire le chômage,
impliquant un engagement financier important de l’état. Cette mesure permettait d’assurer une
forme de paix sociale. Pour les salariés et leurs représentants, les préretraites constituaient une
forme de sécurisation de trajectoires professionnelles de salariés jugés « âges ».
Cependant, en 2012, il n’y a plus de financement public des préretraites et avec l’allongement
de la durée du travail, toute mesure de préretraite « maison » pousserait ces salariés âges dans
une situation très précaire et financièrement moins avantageuse. Désormais, les dispositions
34
du PSE doivent s’orienter plutôt vers le reclassement, la formation, la validation des acquis,
etc.
→ Mesures de réduction ou d’aménagement de la durée du travail :
C’est une sorte de redistribution du travail au sein de l’entreprise qui nécessite un engagement
financier de l’entreprise. Il s’agit pour le DRH de tendre vers plus d’individualisation.
→ Allocation temporaire dégressive (ATD): un salarié peut demander à son entreprise de
signer une convention qui lui permette de compenser la perte de salaire subie lors de son
reclassement externe.
→ Indemnités supra conventionnelles :
Elle est versée en complément de l’indemnité légale de licenciement. Elle est le fruit de la
négociation collective et de la volonté de la direction d’octroyer une réparation
supplémentaire du préjudice subi par les salariés. Le DRH construit alors une grille pertinente
en fonction de l’ancienneté et l’âge des salariés.
Le biais que peut représenter ce « chèque valise » est de menacer la dynamique de
reclassement individuel. Les salariés sont « rassurés » par ce matelas de sécurité, plus le
montant sera important et plus ils retardent leur recherche d’emploi, ou font des achats dont
ils n’auraient pas eu l’occasion de faire en temps normal.
Toutefois, ces indemnités peuvent être le prix à payer pour clore les conflits sociaux.
→ Départs volontaires :
Pour les entreprises, la mise en œuvre d’un plan de départs volontaires peut être un moyen de
résoudre un problème de sureffectif. Ce dispositif est mieux perçu et est mieux vécu par les
salariés qui ne se sentent pas contraints.
Ces départs volontaires se concrétisent par une rupture amiable ou négociée.
Ils doivent s’inscrire dans le cadre d’un PSE. La cour de cassation est venue concrétiser le
droit au bénéfice des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi. Les droits du salarié ne sont
pas ceux en principe attachés au licenciement, toutefois la nature économique de la cause de
ces ruptures est prise en considération.
35
Ainsi les critères d’ordre des licenciements, les mesures de reclassement interne, la
notification d’un licenciement ne s’appliquent pas si le plan de départ volontaire ne comporte
aucun licenciement.
Par contre, les représentants du personnel sont informés et consultés sur le projet,
l’information à l’autorité administrative s’applique, les salariés bénéficient de mesures de
reclassement externes et de la priorité de réembauche.
Le biais des départs volontaires où la porte est « grande ouverte » est qu’il y ait plus de
volontaires que de postes supprimés, et de créer des mécontents parmi ceux qui restent.
De plus, ces départs peuvent entraîner une perte des compétences clé.
Ainsi, le DRH détaille et définit les catégories qui sont menacées par le PSE.
Mais ces départs souvent incités peuvent entraîner des vagues massives de départs qui
bouleversent les collectifs de travail et augmentent la charge de travail. Le bon timing et le
cadencement doivent être arbitrés.
Le DRH a le choix et s’emploie à définir des dispositifs de reclassement efficaces en termes
de retour à l’emploi pour les salariés concernés. C’est à ses choix qu’on évaluera le niveau de
responsabilité sociale de l’entreprise. Néanmoins, les obligations du PSE sont nombreuses et
ses choix vont être limités en fonction de l’enveloppe obtenue dans son mandat de
négociation. Ses marges de manœuvre sont assez réduites.
Si le DRH décide d’associer étroitement les partenaires sociaux aux conséquences de la
restructuration dans le cadre du dialogue social, il lui reste à négocier sur ses marges de
manœuvre.
Que dire par ailleurs de la négociation triennale sur la gestion prévisionnelle des emplois
et des compétences (GPEC) pour les entreprises de plus de 300 salariés ?
La GPEC et la réalisation d’un licenciement économique constituent deux dispositifs
différents. L’un cherche à prévoir les besoins de l’entreprise en termes d’effectifs et de
compétences par rapport à sa stratégie et vise à anticiper les écarts entre ces besoins et la
situation existante. Il s’étale dans le temps. L’autre traite d’une question de sureffectif ou
d’effectif mal adapté à un moment donné.
Néanmoins, GPEC et PSE partagent les mêmes objectifs : garantir l’accès (ou le retour) a
l’emploi, à court terme dans le cadre d’un PSE ; à moyen voire long terme dans le cadre de la
GPEC. C’est le développement même de cette employabilité de façon durable et régulière qui
36
facilitera le retour à l’emploi à court terme en cas de suppressions d’emplois. En cela, GPEC
et PSE sont liés, tout en étant clairement dissociés dans leur mise en œuvre.
Certains auteurs considèrent que la GPEC entre dans les moyens de prévention que le DRH
doit mettre en place avant de procéder à un licenciement économique. Ce n’est pas un
préalable obligatoire.
D’autres auteurs considèrent qu’il vaut mieux que le DRH veille au traitement à froid de la
GPEC.
Rappelons aussi que dans le cadre d’un accord de GPEC, les ruptures de contrat de travail
sont prévues et peuvent être :
- Des ruptures négociées d’un commun accord,
- Des licenciements individuels pour motif économique, à la suite de refus de
modification de contrat,
- Des départs volontaires dans le cadre d’un PSE.
Dans tous les cas, la procédure d’information-consultation du CE sur un projet de
licenciement économique doit s’appliquer dès lors que plus de 10 licenciements sont prévus à
la suite d’un accord de GPEC.
Nous venons de voir à travers ce point que la procédure d’information consultation sur le PSE
est strictement encadrée par la loi et laisse peu de marge au DRH. Ces choix vont varier en
fonction des moyens de l’entreprise et de son ambition, il aura également le choix de négocier
ou pas le contenu du PSE. A présent, la communication peut commencer d’un point de vue
juridique. Mais nous allons voir que c’est loin d’être aussi simple pour le DRH.
2. Le DRH et la communication
L’employeur peut informer son personnel parallèlement aux représentants du personnel dès le
début de la procédure. Toutefois, cette communication ne doit pas méconnaître les droits du
comité d’entreprise. La nature du message délivré ne doit pas constituer un délit d’entrave
sanctionné par une amende et/ou un an d’emprisonnement (C. trav., art. L2316-1 et L2328-1).
Tel est le cas si le message fait référence à une décision et non à l’exposé d’un simple projet
susceptible d’évolution dans le cadre de la procédure de consultation qui va s’ouvrir.
37
Il n’existe ni priorité, ni monopole du comité d’entreprise dans la communication du projet.
En contrepartie, en informant le personnel des grands axes du projet, l’employeur renonce à
obtenir des élus du CE qu’ils respectent l’obligation de confidentialité sur ces mêmes
informations.
Cependant le DRH est dans les faits confronté à une difficulté, le DG, le directeur commercial
veulent informer les clients, les partenaires, les fournisseurs le plus tôt possible afin qu’ils
n’apprennent pas la restructuration dans la presse ce qui risquerait de perturber la relation de
confiance et de faire chuter les ventes ou d’augmenter le coût des matières premières ou
encore de raccourcir les délais de paiement. Le DRH doit intervenir pour éviter toute
précipitation.
L’entreprise tient informé l’état, les élus et les acteurs locaux tels que le Préfet, le Maire, la
chambre du commerce. C’est souvent le Directeur général qui informe le préfet le plus tôt
possible. C’est le protocole. Les entreprises doivent avant tout éviter de prendre leurs
interlocuteurs par surprise et continuer de les informer tout au long de la procédure.
Le DRH se charge davantage de la communication à la DIRECCTE du siège ou du site.
Une restructuration est une affaire de communication globale, tant vers l’interne que vers
l’ensemble des parties prenantes externes. Il s’agit de s’assurer que l’information ne soit pas
relayée auprès du grand public de manière systématiquement négative par des personnes mal
intentionnées.
En effet, des études ont montré qu’un manque d’information claire et argumentée au
management et aux collaborateurs génère la propagation de rumeurs incontrôlées nées de
l’incompréhension et des inquiétudes des salariés.
La communication ne s’arrête pas à l’issue de la procédure légale d’information-consultation.
Elle continue, notamment par le biais de réunions d’information pour accompagner les
salariés qui partent dans le cadre du projet. Souvent le cabinet de reclassement intervient.
Cette stratégie de communication intense doit traduire une volonté qui n’est pas une simple
information descendante mais d’écoute et de dialogue.
38
Si le DRH peut préserver l’entreprise des risques affectant l’image de l’entreprise et favoriser
la compréhension du projet grâce à la communication, qu’en est-il du risque d’un conflit
social ?
3. Le DRH intervient en matière de gestion du risque d’un conflit social
Une fois la décision prise d’une restructuration accompagnée de suppressions de postes, la
Direction souhaite que les opérations se déroulent le plus rapidement possible avec le moins
de vagues possible.
Cependant en France, l’annonce d’un PSE suscite la plupart du temps l’organisation d’actions
collectives par les salariés et leurs représentants.
Même si la décision n’est pas toujours une surprise, elle tombe comme un couperet. Les
représentants du personnel sont démunis, ils manquent de préparation et d’information. En
dehors d’un accord de méthode, la construction d’un rapport de force semble incontournable.
La menace d’un conflit social est sérieuse tout au long de la procédure. Le rapport de force se
traduit par exemple en :
- Contentieux sur la régularité de la procédure : un salarié ou le CE ou une organisation
syndicale peuvent contester la régularité de la procédure. L’irrégularité de la
procédure ne permet pas d’obtenir la nullité de la procédure mais la suspension de
celle-ci,
- Contentieux sur la validité du PSE : un salarié ou le CE ou une organisation syndicale
peuvent demander la nullité de la procédure de licenciement en cas d’absence de PSE
ou de nullité de celui-ci (Cass. Soc., 25 octobre 2006),
- Contentieux sur les critères pour fixer l’ordre des licenciements, sur l’application des
mesures du PSE, et sur la priorité de réembauchage,
- Grèves avec la volonté de perturber le fonctionnement de l’entreprise, une
interrogation de la légitimité des interlocuteurs managériaux, et la recherche de
soutiens politiques,
- Des actions sur l’image de l’entreprise par la médiatisation du plan social.
Non seulement la contestation du projet se traduit par des grèves, mais aussi par tout un « halo
de pratiques conflictuelles » GROUX et PERNOT (2008) pouvant dériver sur des actes
violents.
39
Les syndicats sont partagés entre ancrer le rapport de force ou tenter une négociation pour
trouver des solutions. Ils tentent également de maintenir du collectif alors que les salariés
cèdent au découragement et à la résignation.
Les salariés et leurs représentants du personnel ont un moyen de pression sur l’entreprise :
l’allongement du calendrier par l’action judiciaire qui peut être très longue (parfois deux
ans) ou par la grève.
Cet allongement du calendrier leur permet de négocier une augmentation des primes supra
conventionnelles, une modification des critères d’ordre des licenciements, d’améliorer les
dispositifs de reclassement, d’infléchir le nombre de suppressions de postes, etc. Néanmoins,
ces actions viennent rarement remettre en question le projet initial de la direction.
Dans ce contexte, le DRH est en première ligne. Dans ses prérogatives, il doit tout mettre en
œuvre afin d’éviter un conflit social ou s’y préparer du mieux possible. Cependant, le risque
de grève est souvent incontournable.
Voici une liste non exhaustive de ses prérogatives :
- il sécurise la procédure de restructuration en s’aidant des conseils avisés des avocats,
- il met en place des dispositifs d’écoute et de veille sociale (indicateurs, personnes
« capteurs »),
- il recherche une solution négociée en signant un « accord de méthode »,
- il conçoit et met en œuvre un plan d’accompagnement approprié : communication,
formation aux principaux facteurs de risque et aux mesures de prévention si le
management n’est pas formé à la confrontation à un conflit social,
- enfin, comme nous l’avons vu précédemment, le DRH se tient prêt et tous ses contacts
sont prêts à intervenir : huissier, forces de police, tribunal.
Lorsque le conflit a éclaté, le DRH met sur pied une communication de crise.
40
● En interne :
Il participe à une cellule de crise qui se réunit deux fois par jour. Il informe, de façon
soutenue, grévistes et non-grévistes sur :
– L’état des négociations
– Les actions pour poursuivre l’activité
– Les actions menées pour faire cesser les éventuels abus
– Les conséquences sur la situation économique
Par tous moyens :
– Prise de parole du Directeur Général
– Réunions par l’encadrement, la DRH
– Tracts, journal, lettres individuelles, blogs, etc.
● En externe :
Cibles :
– L’environnement direct et indirect (clients, fournisseurs, administration,
institutionnels…) : existence et raisons du conflit
La presse :
– Communiqués de presse
– Entretiens
– Formes et causes du conflit, activité de l’entreprise, témoignages, position de
la DG, conséquences du conflit au plan local, régional, national.
Et le DRH nourrit le dialogue pour que les discussions reprennent sur le PSE.
Nous venons de voir dans ce point II qu’une restructuration ne peut se mettre en place en
l’absence du respect d’une procédure très contraignante qui implique les représentants du
personnel et les organisations syndicales, et où le DRH a une marge de manœuvre très
limitée.
Les rapports de force sont quasiment incontournables : risques de contentieux et de grèves qui
allongent la procédure déjà complexe.
41
Dans ce climat tendu, la direction mais en particulier le DRH pilote une stratégie de
communication intense et transparente qui a pour objectif la compréhension du projet pour les
diverses parties prenantes.
Cependant, cette épreuve de force à laquelle le DRH est confronté est loin d’être terminée
puisqu’une restructuration s’enveloppe d’une forte dimension humaine qu’il faut également
appréhender.
42
III. Le DRH face à la dimension humaine du projet de restructuration
Si nous savons que la réussite d’un projet de restructuration repose sur son acceptabilité
sociale, nous devons étudier quels sont les impacts d’une restructuration sur les ressources
humaines (1), les effets pervers qui sont à l’origine d’un échec d’une restructuration (2).
Enfin, il y aura lieu de se pencher sur le management (3).
1. Les effets des restructurations sur les ressources humaines
Une restructuration entraîne un certains nombres de bouleversements sur les ressources
humaines : des collaborateurs sortants comme restants ainsi que sur les futurs collaborateurs
compte tenu de l’impact qu’a pu avoir la restructuration sur l’image de l’entreprise.
Puis nous avions soulevé en partie I la question des conséquences des restructurations du
point de vue du travail des salariés qui restent dans l’entreprise. En effet, les restructurations
s’accompagnent elles de reconfigurations des collectifs de travail, de changements
organisationnels, de redéfinitions des compétences clés en fonction des nouveaux processus
de travail ?
1.1 Les impacts sur les collaborateurs
L’annonce de restructuration et les signes précurseurs qui l’ont souvent précédée suscitent
d’emblée l’inquiétude des salariés quant à leur avenir et un sentiment d’insécurité.
Le contexte de restructurations devenues permanentes et le développement des mobilités
professionnelles qui y sont associées, souvent « subies » sont anxiogènes et induisent une
détresse psychologique chez les salariés et leurs familles, qui ne s’y sentent pas préparés et
doivent se reconstruire sur des bases incertaines CORDIER (2000).
D’ailleurs, les risques psychosociaux sont de plus en plus publiquement dénoncés dans les
situations de restructuration. Par exemple, chez France Telecom, la Poste.
Dans le rapport sur le bien-être et l’efficacité au travail de Lachmann, Larose et Penicaud
(2010), demandé par le Premier ministre, il apparaît que parmi les dix grandes « familles » de
facteurs de stress on compte la fréquence accrue des restructurations, la peur du chômage et
l’incertitude sur l’avenir.
De plus, le PSE place tous les acteurs de l’entreprise en situation de désarroi et son lot de
départs déstabilise les collectifs de travail BEAUJOLIN (1999).
43
Par ailleurs, l’annonce d’une restructuration peut entamer la motivation des salariés et elle
peut être assimilée à un manquement au contrat psychologique qui lie le salarié à son
employeur FREESE (2007). Les salariés adoptent alors une attitude de retrait vis-à-vis de leur
travail, marquée notamment par une moindre ponctualité, plus d’absentéisme et les études
montrent un taux plus élevé de turnover PROBST (1998).
De plus, une restructuration peut entamer l’estime de soi et la confiance en sa propre
efficacité et perturbe la stabilité émotionnelle.
Ainsi, un processus de restructuration se soldant par des pertes d'emplois peut avoir des
conséquences préjudiciables sur la santé physique et mentale des personnes licenciées ou
transférées.
Cependant, peut-on considérer que les salariés restants sont épargnés ?
Non, en effet, on tient rarement compte de cet aspect mais il existe de plus en plus de données
sur ce que l’on appelle le « syndrome du survivant (ou du rescapé) des licenciements »
NOER (1997). Certains des salariés qui sont restés dans l'entreprise ressentent un sentiment
de culpabilité («Pourquoi cela est-il arrivé aux autres et pas à moi ? »), d’autres éprouvent
une incertitude permanente quant à l’orientation future de l’entreprise. Cela peut se manifester
par une perte de confiance LEE & TEO (2005) et un questionnement du type « Serai-je le
prochain sur la liste ? ».
La brutalité de l’annonce, l’absence de préparation, l’incompréhension, donnent aux salariés
parfois le sentiment d’avoir été trompés par leur employeur, qui les a poussés à s’investir
toujours plus.
De plus, des études considèrent l’insécurité de l'emploi comme un concept multidimensionnel
qui, outre la menace de la perte d'emploi, inclut une menace sur les caractéristiques même de
l’emploi. Comme par exemple les salariés craignent que leur position occupée au sein de
l’entreprise soit revue ou que les opportunités de carrière s’amenuisent KINNUNEN et al.
(1999), ASHFORD et BOBKO (1989).
Dans un contexte de restructuration, « ré-impliquer » le personnel peut s’avérer difficile en
raison de la nouvelle image de l’entreprise vue comme « peu sûre » en termes d’emploi. Dans
cette optique, l’entreprise doit gérer le paradoxe suivant : s’appuyer sur des collaborateurs
engagés et impliqués pour pouvoir dépasser cette traversée mouvementée, sachant que c’est
44
précisément cette opération de restructuration qui amène des réactions négatives de
désimplication.
D’un point de vue humain, c’est un véritable enjeu auquel fait face le DRH.
Nous avons repris dans un tableau les principales conséquences sur l’individu et
l’organisation relevées dans la littérature :
Tableau 4 : Principales conséquences personnelles et organisationnelles du downsizing
Conséquences personnelles Conséquences organisationnelles
Autoprotection Absence d’innovation
Syndrome du survivant Absence de vision à long terme
Scepticisme et cynisme, sentiment
d’arbitraire, retrait
Conflits internes
Burnout Politisation de la prise de décision
Anxiété et appréhension, sentiment
d’incertitude
Eviter l’incertitude, aversion du risque
Perte d’implication Sabotage
Recherche du bouc émissaire Augmentation des coûts cachés, perte de
compétences irremplaçables, réengagements
Absence de coopération avec l’entreprise Destruction des réseaux informels
Réactions dépressives Bureaucratisation croissante
Source : WHETTEN et CAMERON (1994)
Néanmoins, il existe aussi des effets positifs sur le comportement des salariés restants, qui
peuvent prendre la forme d’un renforcement de la loyauté envers l’entreprise, d’une
amélioration de la productivité et d’une augmentation du niveau de motivation au travail.
45
C’est particulièrement vrai chez les salariés ayant une faible estime de soi et qui craignent que
cette restructuration ne soit pas la dernière. Cette crainte accroît leur inquiétude qui renforce
leur motivation au travail BROCKNER (1993).
Particularités des impacts sur les salariés sortants :
Les salariés vont dans certains cas s’ancrer dans une posture de « demande de réparations » à
l’égard de leur employeur sous la forme de « surenchère indemnitaire » BRUGGEMAN
(2002), ou de « demande de mise en retrait », sous la forme de cessations anticipées
d’activité, parfois au détriment d’accompagnement dans le reclassement. Dans de telles
conditions, l’action de reclassement n’est possible qu’après un travail de deuil, comprenant
plusieurs étapes CORDIER (2000) : l’état de choc, le déni, la colère, la négociation avec la
réalité, puis l’acceptation ou la résignation.
Ce n’est qu’après qu’une véritable reconversion est possible. Cela prend du temps, et cela
nécessite un accompagnement individualisé et selon la préconisation d’O. MAZADE (2004),
un dispositif d’accompagnement et de tutorat dans l’entreprise. En effet, les salariés ne sont
pas tous armés de la même façon face aux risques liés à la perte d’emploi, pour des raisons
personnelles, professionnelles et géographiques. Nous constatons par exemple des différences
sensibles de taux de reclassement selon la catégorie professionnelle et surtout selon le niveau
de qualification des salariés concernés (études DARES, 2003). A ces différentes situations
s’ajoute une inégalité de traitement : qu’ils soient intégrés dans une procédure de PSE ou
non ; qu’ils soient dans une grande ou une petite entreprise ; qu’ils travaillent dans un bassin
d’emploi en croissance ou en crise ; mais aussi que les compétences des salariés aient été
antérieurement reconnues et valorisées ou non.
Ces effets sont contingents et dépendent de degré d’acceptabilité de la restructuration et du
processus de décision (transparence, dimension participative) et de la communication.
1.2 La remise en cause des équilibres en termes de compétences et de
savoirs
Une perte d’emploi imminente, les changements (mobilité géographique et changement des
perspectives de carrières) et la perte de confiance dans l’entreprise, peuvent conduire au
46
départ volontaire de salariés aux compétences-clé utiles à l’entreprise : ceux qui ont les
meilleures chances sur le marché du travail, un grand nombre de cadres…
Par ailleurs, la restructuration a pour effet la perturbation des collectifs de travail. Si l’on
admet que l’organisation est un ensemble de réseaux au sein desquels les interrelations des
individus engendrent de l’apprentissage, le départ d’un seul individu peut avoir des
répercussions qui vont bien au-delà de ses compétences individuelles FISHER et WHITE
(2000).
De plus, une réduction d’effectifs rapide est susceptible d’avoir des effets négatifs sur la
capacité de mémoire, d’apprentissage et d’innovation de l’organisation MELLAHI et
WILKINSON (2009). Pour certains auteurs, on parle d’entreprise « désapprenante »
LITTLER et INNES (2003).
Enfin, la gestion du sureffectif s’achoppe avec une gestion qualitative de l’emploi et du
travail. Des déséquilibres dans la structure des qualifications et la pyramide des âges risquent,
à terme, de se manifester, ce qui peut engendrer nombre de tensions du point de vue de
l’activité de travail : problèmes de renouvellement des compétences, de transmission de
savoir-faire, de parcours professionnel, mais aussi de répartition des tâches et d’organisation
du travail.
1.3 Les risques sur les conditions de travail
En effet, même si les licenciements ont sécurisé l’avenir de l’entreprise, les rescapés devront
s’adapter aux nouvelles conditions de travail. Ils ont souvent le sentiment que des
modifications importantes sont intervenues au niveau de leur travail et ils ont l’impression
que les rôles sont de plus en plus ambigus TOMBAUGH et WHITE (1990), KIVIMAKI et
al. (2001).
Le plus souvent, une restructuration peut se traduire par une charge de travail accrue pour les
employés restants. En effet, dans la plupart des cas, les restructurations permettent de faire
faire réaliser la même quantité de travail par un personnel réduit. Cette rationalisation se fait
au prix d’une charge de travail accrue ou d’une intensification du travail.
47
Cette intensification, notamment lorsqu’elle s’accompagne d’une moindre autonomie, est une
source majeure de stress, d’épuisement et d’autres menaces pour la santé mentale. La
régulation est finalement peu assurée par le management et la charge d’adaptation se trouve
fréquemment, de fait, reportée sur les salariés. Elle augmente également la fatigue physique.
Malheureusement, il est reconnu par ailleurs que la fatigue physique et la pression au travail
font partie des causes principales d’accidents du travail SMULDERS (2003). En effet, la
pression exercée par la charge de travail accrue engendre la précipitation et l’inattention, et
elle incite souvent les salariés à négliger les conditions de sécurité.
Les études montrent que les travailleurs qui parviennent à retrouver un emploi ont une
meilleure santé et moins de détresse psychologique que les salariés qui restent en poste
malgré la réduction d’effectifs. Les rescapés d’une réduction d’effectifs importante sont les
plus susceptibles de présenter une dégradation de leur santé KIVIMAKI et al. (2003).
1.4 Les incidences sur l’image de l’entreprise
D’autres études portant sur les restructurations ont déjà montré « l’importance accordée par
les directions d’entreprise à leur image » CAMPINOS-DUBERNET (2003). Particulièrement
concernant les entreprises en contact direct avec les consommateurs. Elles craignent à juste
titre le risque de produire une image d’entreprise en difficulté ou d’entreprise « socialement
peu responsable ». Exemple : l’affaire DANONE en 2001. Les consommateurs sont
susceptibles de sanctionner le groupe et l’ensemble de ses marques, et ce d’autant plus si la
médiatisation de la restructuration était en contradiction avec une image proche et humaine
construite grâce à de gros investissements marketing.
Aussi, trop de partenaires sont susceptibles d’interpréter la restructuration comme un signal
négatif : investisseurs, fournisseurs, distributeurs.
En quoi, le DRH doit-il se préoccuper de cette situation ? La dégradation de l’image de
l’entreprise va entraîner de la démotivation chez les rescapés alors que le dynamisme de
l’entreprise ne repose que sur eux. Par ailleurs, c’est l’attractivité de l’entreprise qui va être
remise en cause. Attirer de nouveaux collaborateurs va devenir un travail de longue haleine.
48
Nous venons de voir que la restructuration a des conséquences préjudiciables sur la force vive
de l’entreprise et sur l’organisation. Le DRH en tant qu’acteur du changement ne peut pas
l’ignorer.
2. Des effets pervers qui remettent en cause la réussite de la restructuration
Ces effets pervers peuvent donc remettre en cause la légitimité et la réussite de la
restructuration. D’après une enquête menée auprès de 1000 entreprises américaines,
BOROSON et BURGESS (1992) constatent, en effet, que, dans près de 60 % des entreprises
enquêtées, les objectifs de productivité ne sont pas atteints ou que le niveau de productivité est en
baisse.
Les résultats obtenus en France par P. X. MESCHI en 1998 vont dans le même sens : les
restructurations les plus brutales, fondées sur des logiques mathématiques, sont les moins
performantes à terme, de sorte que la restructuration n’a permis d’accroître la performance
économique de façon durable que dans une minorité d’entreprises de l’échantillon étudié
(14%).
Le mode de préparation et de conduite de la restructuration déterminerait ainsi, en grande
partie, son acceptabilité sociale et sa réussite économique.
Il en découle une série d’études montrant que les échecs constatés sont dus à une
méconnaissance des conséquences humaines et organisationnelles des restructurations mais
qu’il y a des solutions si ces effets pervers sont connus.
3. Les restructurations et le management
Selon ROULEAU (2005), les managers de proximité sont interprètes et promoteurs du
changement stratégique induit par les restructurations. Ils doivent faire face à une
augmentation de la charge de travail, maintenir la qualité de l’activité au sein de leur équipe et
aider leurs collaborateurs à faire face au changement. Ces injonctions paradoxales peuvent
susciter une charge émotionnelle génératrice de stress, d’un sentiment d’insécurité au travail,
d’épuisement.
49
Pour autant, ils ont un rôle crucial dans la gestion du changement. Ils construisent le sens et
transmettent le sens aux équipes. Cette mission est d’autant plus difficile qu’ils sont rarement
impliqués dans le processus de décision.
Malgré cela, certains managers locaux s’investissent pour proposer une alternative au projet
de restructuration initial parce qu’ils n’assument pas le projet tel qu’il est dès lors qu’ils ont
mesuré que ça ne pourra pas fonctionner.
Ainsi, nous venons de voir que le management subit également de fortes pressions, aussi lors
de la gestion du changement, il doit être fortement associé.
50
Conclusion Partie 1 :
Une restructuration naît d’un processus très centralisé, et souvent la décision est prise dans un
pays étranger, ce qui ne permet pas d’associer le DRH concerné à la prise de décision. Il est
alors sollicité en urgence pour mesurer les risques et construire l’argumentaire économique et
quelquefois en sachant qu’il ne fera pas partie de la nouvelle organisation.
Il est rarement impliqué dans la définition de l’organisation cible alors même que nous avons
vu que les échecs des restructurations naissent notamment de la non synchronisation entre la
réorganisation prévue à moyen/ long terme et l’effet immédiat des suppressions de postes.
Le binôme DG/DRH lui permettra de bâtir un plan de sauvegarde de l’emploi « intelligent »
s’appuyant sur une bonne gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. C’est son
charisme et sa légitimité reconnus qui lui permettront de gagner du temps et d’être en mesure
de faire passer ses propositions.
Par ailleurs, il est malheureusement trop souvent accaparé à monter et gérer le processus
d’information consultation très complexe et chronophage. Car la direction lui reconnaît son
niveau d’expertise dans le dialogue social et veut ainsi éviter un certain nombre de
risques pourtant incontournables et qui allongent la procédure: contentieux, grève.
Alors que les actions toutes aussi fondamentales sont la communication pour veiller à la
bonne compréhension du projet, et à fédérer le personnel autour d’une organisation cible qui
fera l’objet d’une communication positive et transparente.
Mais pour cela, le DRH doit participer et s’investir dans la construction de nouveaux
processus de travail qui tiennent compte des bouleversements des collectifs de travail post
restructuration et des compétences nécessaires à cette nouvelle organisation cible. Car les
risques sur la santé des salariés restants, la démotivation, les départs et la dégradation de
l’image de l’entreprise expliquent des résultats contingents d’une restructuration sur la
performance de l’entreprise.
En partie 2, nous allons partir sur le terrain et analyser les restructurations menées au sein de
trois entreprises de secteur différent.
51
Partie 2
L’enquête de terrain :
Présentation de trois études de cas
52
En complément de la première partie, nous souhaitons mieux comprendre le phénomène des
restructurations et pour cela nous allons mener une enquête exploratoire pour mettre en avant
la réalité du terrain.
Nous présenterons dans un premier temps, la méthodologie utilisée pour mener à bien cette
enquête de terrain (I) puis nous présenterons les principaux résultats que nous confronterons
entre eux (II).
I. La méthodologie utilisée
Nous allons vous présenter les entreprises sur lesquelles nous nous sommes penchées (1) puis
nous vous exposerons les trois techniques de recueil d’informations que nous avons utilisées
(2).
1. Le choix des entreprises
Nous avons fait le choix de nous intéresser à trois entreprises de tailles et de secteurs
d’activités différents et à leurs motifs de restructuration également différents : Air France,
Freescale semiconductors et Arcadie Sud-Ouest pour appréhender le phénomène des
restructurations dans son ensemble.
Mon stage se déroulant au sein d’un établissement d’Air France, nous avons souhaité nous
pencher sur la restructuration qu’a vécu cette entreprise en 2010 au niveau de son personnel
au sol suite à l’identification d’un sureffectif de 1684 postes traité dans le cadre d’un plan de
départs volontaires (PDV) et nous intéresser également à celle qui est en train de se dérouler
actuellement sous le projet « Transform2015 » annonçant un sureffectif global de 5 122
postes se traduisant par des départs volontaires de 3 410 salariés d’ici décembre 2013 .
Air France est une grosse entreprise de 52 960 salariés en France et elle fait partie du groupe
Air France KLM qui compte 102 012 collaborateurs dans le monde au 31 décembre 2011. Air
France KLM est le leader du transport aérien européen. L’entreprise Air France a quatre
activités : le passage (compagnie aérienne transportant des passagers sur les courts, moyens et
longs courriers), le cargo (transport aérien de fret), la maintenance et autres.
Concernant son cadre conventionnel, Air France dissocie le personnel en trois catégories :
personnel au sol (PS), le personnel navigant commercial PNC (hôtesses, stewards), et le
personnel navigant technique PNT (pilotes).
53
Nous nous sommes intéressés également à l’établissement toulousain de l’entreprise
Freescale semiconductor qui arrête son activité de fabrication de galettes de silicium le 10
août 2012 entraînant 821 suppressions de postes. C’est une entreprise américaine de 18 000
salariés dont le siège du groupe est à Austin au Texas. Son activité est la conception,
fabrication et vente de puces pour 3 grands marchés (l’automobile, le réseau (téléphone
mobile) et l’industrie).
Enfin, nous nous sommes intéressés au groupe Arcadie Sud-Ouest, groupe coopératif
agroalimentaire, leader régional sur le marché de la viande. Leurs activités se déclinent de
l'abattage à la distribution de la viande. C’est une entreprise multi-sites de 17 établissements
répartis sur le grand sud-ouest. Nous nous sommes penchés sur la fermeture en 2007/2008 de
l’atelier découpe d’un établissement entraînant la suppression de 55 postes sur 110 salariés.
2. Les techniques de recueil d’informations utilisées
Pour mener à bien cette enquête de terrain, nous avons utilisé trois techniques différentes de
recueil des informations : l’entretien semi-directif, le recueil de documents écrits et la
conversation terrain.
Nous n’avons pas pu utiliser l’observation directe au sens où nous n’avons pas observé au
quotidien la mise en place du dispositif de restructuration dans l’une de ces trois entreprises,
néanmoins nous avons pu vivre chez Air France les premières phases du projet
« Transform2015 » de l’annonce aux premières informations consultation et, nous avons
discuté avec des collaborateurs au sein de l’entreprise et pu sentir quels étaient les
comportements et les humeurs relatifs au projet.
2.1 L’entretien semi directif
2.1.1 Le choix des personnes sollicitées
Nous avons souhaité interroger des Directeurs des Ressources puisqu’ils sont les acteurs de la
mise en place le leur dispositif de restructuration. Ils sont donc le mieux à même de nous
décrire leur rôle dans un tel dispositif.
C’est pourquoi, nous avons rencontré le Directeur des Ressources Humaines Europe du sud
de l’entreprise Freescale Semiconductor basé à Toulouse ainsi que le Directeur des
Ressources Humaines du groupe Arcadie Sud-Ouest également basé à Toulouse.
54
Malheureusement, concernant Air France, il ne nous était pas possible de rencontrer le
Directeur général des ressources humaines. Nous avons fait le choix de nous entretenir avec
plusieurs collaborateurs ayant pris part au projet :
La Responsable des ressources humaines de l’établissement de Toulouse qui est en charge de
la gestion de la population des fonctions supports et de l’informatique ;
Un élu CFDT au Comité d’établissement informatique, membre du Comité central
d’entreprise Air France (CCE) pour son troisième mandat et Président de la commission
Emploi et Formation du CCE ;
Un manager de statut cadre dans la fonction comptable ;
Et l’assistante sociale basée à Toulouse.
2.1.2 Présentation de la méthode utilisée
Nous avons choisi de procéder à des entretiens semi-structurés qui ont permis, dans un
rapport en face à face, aux acteurs de nous livrer leurs actions dans la mise en place du
dispositif de restructuration ou leur compréhension et vision de ce phénomène dans leur
entreprise.
Ces entretiens avec les acteurs directs ont été très riches et nous ont permis d’aller plus loin
que l’observation directe. Le processus de restructuration est tellement confidentiel qu’il ne
nous aurait jamais été permis d’observer des phases comme la prise de décision ou d’assister
aux réunions d’information-consultation du comité central d’entreprise.
Nous avons adapté la trame des entretiens à chaque interlocuteur en leur demandant de nous
livrer la perception du rôle du DRH autour de grands thèmes suivants : la prise de décision, le
dialogue social, la communication, le climat social, la politique RH, l’impact humain et
l’implication des managers.
Ces entretiens ont bien marché car les personnes se sont exprimées librement et leurs propos
denses recueillis nous ont permis de déceler les convergences mais aussi les nuances sur la
façon d’appréhender les restructurations.
Néanmoins, comme pour deux entreprises, nous nous intéressions à leur actualité, nous
pensons que leur discours faisait preuve de modération. Nous avons bien ressenti que tant
55
qu’un projet de restructuration n’est pas mené à son terme, tous les risques sont
envisageables.
Mais nous devions tenter cette audace, car c’était intéressant de sentir à chaud les tensions qui
existent lors de la mise en place d’un tel dispositif.
2.2 Le recueil de documents écrits
Pour approfondir le processus de restructuration chez Air France, lors de notre stage nous
avons eu accès à un réservoir d’informations au travers de l’analyse des documents suivants :
- notes internes adressées aux RRH,
- des « flash actu » et journaux internes diffusés à l’ensemble du personnel,
- des tracts syndicaux,
- des plaquettes sur le dispositif de plan de départs volontaires adressées à l’ensemble
du personnel,
- à l’accord triennal de gestion prévisionnelle de l’emploi du personnel au sol 2009-
2012,
- de la version définitive du Plan de Départs Volontaires pour le personnel au sol de
2009.
2.3 La conversation terrain
Lors de notre stage chez Air France, nous avons discuté avec plusieurs des collaborateurs :
salariés des fonctions siège (comptabilité, recettes commerciales) et de l’informatique et avec
des managers de proximité.
Ce rapport moins solennel nous a permis de recueillir les opinions spontanées ressenties sur le
terrain.
Ces échanges nous ont permis de progresser et de recouper des observations avec celles des
documents recueillis et des entretiens. Ils nous ont permis de consolider et de relativiser les
informations obtenues par les deux autres moyens.
Nous avons mémorisé les parties importantes des discours puis retranscrit les propos dès qu’il
nous était possible de le faire.
Cependant, cette technique ne peut prétendre révéler une seule vérité.
56
II. Présentation des résultats au sein des trois entreprises
Nous avons souhaité présenter en annexe de façon détaillée les études menées au sein des
trois entreprises citées.
Nous nous concentrerons sur la confrontation des résultats entre eux. Pour cela nous vous
présenterons une synthèse et analyse des convergences et divergences entre elles ainsi
qu’avec les études empiriques menées en première partie.
1. Le DRH est rapidement tenu informé de la décision de restructurer
C’est le conseil d’administration qui a demandé au dirigeant de prendre des mesures pour
résoudre le problème des pertes financières chez Air France comme chez Arcadie. Dans les
deux cas, nous sommes face à une restructuration qui répond au critère de sauvegarde de la
compétitivité et qui se justifie par une importante dégradation continue du résultat
d’exploitation. C’est une restructuration qui nécessite des actions de court terme qui se
traduiront par une stratégie numérique de suppressions de postes, cf tableau 1 en première
partie.
Au moment de la prise de décision, chez Air France, le résultat d’exploitation du 1er
trimestre
2009 est de -205M€, la Direction envisage 1684 départs volontaires.
Chez Arcadie, en trois ans, l’établissement de 110 salariés enregistre des pertes d’1 millions
d’euros, la Direction envisage l’arrêt de l’activité « découpe » qualifiée de non rentable et
supprime 55 postes.
Chez Freescale, nous sommes davantage sur une restructuration de sauvegarde de
la compétitivité « stratégique » qui s’inscrit davantage sur du moyen terme (3 ans).
L’entreprise réagit face aux avancées technologiques : « il faut produire du 12 pouces
désormais pour s’aligner sur un concurrent» et décide de réorganiser sa fabrication. Elle
décide d’arrêter la fabrication obsolète de puces 6 pouces sur Toulouse. Cela se traduit par
821 suppressions de postes.
La décision est transnationale, prise par le siège de l’entreprise aux Etats Unis. Néanmoins, le
caractère stratégique de cette restructuration a permis au Président et au DRH français d’être
impliqués rapidement dans la prise de décision en leur laissant par le biais d’âpres
négociations, le soin de définir l’échéance et les modalités de la gestion du projet en fonction
57
des spécificités locales. Le DRH France souhaitait disposer de 3 ans afin d’éviter la casse
sociale et d’anticiper un maximum sur les reclassements, il a eu gain de cause.
Chez Freescale comme pour Arcadie, les DRH nous ont confié qu’ils avaient réalisé le
chiffrage de plusieurs hypothèses de travail pour aider au choix de la décision finale, et cela
dans un temps très court. Ce travail confidentiel est fait seulement par le DRH dans une petite
structure comme Arcadie, il a été aidé par le Directeur administratif et financier. Chez
Freescale ce travail a été fait par le DRH et son adjoint spécialiste des relations sociales.
Le chiffrage porte non seulement sur le coût de la restructuration mais également sur
l’évaluation du risque contentieux.
Comment déterminent-ils le volume de postes à supprimer ? Le DRH est-il associé ?
Cette question est intéressante pour voir dans quelle mesure le DRH et l’entreprise sont en
mesure de préserver les compétences clé.
En ce qui concerne l’arrêt d’un service tout entier, la question ne se pose pas. Par contre, chez
Air France on peut se le demander étant donné que l’objectif est de réduire un « sureffectif ».
Le risque étant de voir partir les salariés les plus motivés avec leurs compétences très
recherchées.
Dans l’argumentaire économique transmis au CCE du PDV de 2009, il est précisé que c’est la
présentation de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences du personnel au sol
en juillet 2009 qui a mis en évidence une situation de sureffectif de 1217 postes entre 2009 et
2012. Ceci malgré un développement et une estimation optimisée des mobilités internes.
De plus, les services de la Direction Générale des Ressources Humaines ont ciblé les secteurs
en sureffectif excluant les métiers en tension.
Enfin, les chiffres ont été affinés par chaque Direction. Selon le RRH interrogé, « le ciblage a
été fait par les managers qui devaient désigner les métiers dont ils pouvaient se passer.
Certains Directeurs ont ressorti des cartons des projets de réduction d’effectifs qui n’étaient
pas prioritaires à l’époque». Et le besoin final de départs volontaires s’est établi à 1684 sur
37 043 personnels au sol que comptait Air France à fin juin 2009.
Pour éviter ce problème, la DGRH a pris soin d’inscrire dans le projet PDV les salariés
exclus du dispositif. Par exemple : « les cadres de moins de 8 ans d’ancienneté, certains
personnels de la DGI, notamment ceux des activités moteurs et équipements ».
58
2. Le DRH : leader de la négociation et du processus d’information-consultation
→ un accord de méthode dans les grandes entreprises :
Dans les deux grandes entreprises, Freescale et Air France, les DRH ont opté pour conclure
un accord de méthode. Cet accord a un objectif différent pour chaque entreprise.
Chez Air France, il porte sur les modalités de consultation du CCE et des CE.
Chez Freescale, ils étaient déjà dotés d’un accord de méthode qui leur permettait de réaliser
des restructurations permanentes dans la limite de 200 suppressions de postes par an. Cet
accord avait deux volets : encadrer le processus d’information-consultation et fixer les
indemnités de départs volontaires et non volontaires.
Pour ce projet, le DRH a souhaité que cet accord comporte trois volets distincts. « Nous avons
décidé de scinder ces négociations en trois réunions : l’une portant sur l’espace emploi,
l’autre sur la reconversion et une autre sur les indemnités car nos deux priorités étaient les
moyens et la reconversion ».
Ces négociations auront mobilisé le DRH sur 19 réunions.
→ un processus d’information-consultation long :
Le DRH rédige avec l’aide d’un avocat les livres I et II. Le DRH d’Arcadie nous a confié
combien il avait été vigilant sur la rédaction du motif économique.
Et puis suit un long processus d’information-consultation.
Chez Freescale, outre les réunions de négociation, les réunions d’information-consultation sur
le PSE (livres I et II) ont mobilisé le DRH de décembre 2009 à février 2010. Pour mémoire, la
première réunion d’information du CE sur le projet s’est tenue en avril 2009.
Chez Arcadie, le DRH ne s’est pas cantonné aux trois réunions légales avec la délégation
unique du personnel. Il en a fait plus, sans compter les réunions menées en parallèle avec une
délégation plus restreinte.
Chez Air France, bien qu’il y ait un accord de méthode, le CCE se réunira autant de fois que
nécessaire pour expliquer les conséquences de la crise en terme d’activités et d’emplois. Le
59
CCE s’est d’ailleurs réuni 14 fois entre octobre 2008 et novembre 2009 date de la réunion de
consultation sur le PDV.
Le PDV était imbriqué à l’accord GPEC, les deux négociations et les informations-
consultation se sont déroulées d’avril au 19 novembre 2009.
Le PDV de 2009 a fait l’objet de nombreux échanges lors de la négociation de l’accord de
gestion prévisionnelle des emplois des personnels au sol entre avril et juillet 2009 date de sa
signature. Cet accord prévoit de gérer le sureffectif par un Plan de départ volontaire (PDV) et
il définit la procédure à respecter pour son élaboration et sa présentation.
Il est stipulé dans l’accord PSE que c’est le Directeur Général qui a reçu spécifiquement les
organisations syndicales représentatives en janvier et juillet 2009 pour parler de la possibilité
du PDV.
Nous avons été interpellés en découvrant que le DRH ne soit pas cité comme étant au cœur du
processus de négociation du PDV. Nous avons mieux compris quand le membre du CCE nous
a confié que « pendant le PDV 2009 nous avons changé de DGRH. C’est le nouveau qui s’est
chargé des négociations. Et l’ancien DGRH était au-dessus de lui. Ça s’est bien passé et ça
s’est fait dans la continuité car l’équipe en dessous de lui n’a pas changé (relations sociales
etc…) La DGRH était persuadée qu’il fallait faire le plan et ce ne sont pas des tueurs, ils
voulaient le faire sans casse sociale ».
Selon le membre du CCE, « le process d’information-consultation a été rapide pour une
société comme Air France. Les négociations sur les modalités du PDV ont duré 3 mois et se
sont terminées en novembre 2009. Air France mène bien le dialogue social.
Tout le processus s’est déroulé avec les deux commissions centrales emploi et économique. Je
me souviens que se fut très chargé. La dernière réunion du CCE de novembre 2009 qui devait
durer 1 jour en a finalement duré 3 et jusqu’à la nuit ! ».
Selon le RRH interrogé « le process a été très encadré par le central au niveau du CCE et
décliné en CE ». C’est-à-dire que la Direction générale des ressources humaines dotée d’un
service relations sociales, a encadré la rédaction des accords et des présentations pour les CE.
Selon le membre du CCE, « le mérite revient plutôt à une équipe à la DGRH, ce n’est pas
qu’un homme ».
Le conflit de temporalité soulevé en introduction est bien réel. Même s’il y a une nécessité
d’aller vite dans la mise en œuvre des premiers départs d’un point de vue du business, il n’en
reste pas moins que le processus de dialogue social a pris du temps aux DRH entre 2 mois et
10 mois.
60
→ Des restructurations permanentes…
Deux ans après la fin du PDV précédent, Air France décide de restructurer à nouveau.
Le nouveau Président nommé en novembre 2011 et le DRH nommé en début d’année 2012,
tous deux venant de l’extérieur, se sont attelés dès leur nomination à lancer le processus de
restructuration pour « restaurer la compétitivité d’Air France».
La première annonce du projet Transform2015 s’est faite lors d’un CCE extraordinaire le 10
février 2012 et devrait se ponctuer par la consultation sur le PDV du personnel au sol par un
CCE le 19 septembre 2012. Les premiers départs volontaires interviendront fin novembre
2012. Cependant, pendant ce laps de temps, le DRH a renégocié des accords collectifs de
travail pour le personnel au sol qui doivent en outre apporter un gain de productivité de 20% à
la compagnie. Il a par ailleurs présenté au CCE l’accord de gestion prévisionnelle de l’emploi
et des compétences qui arrivait à échéance en juillet 2012.
Les avis sollicités chez Air France nous rendent compte que les gens vivent une situation sans
précédent, avec des changements radicaux, avec une rapidité et une certaine pression.
Conformément à ce que nous avons vu dans la partie théorique, c’est le Président qui annonce
les difficultés économiques.
3. Un DRH devant gérer une grève
Chez Air France, des mouvements de grève se déployaient dans les aéroports et sur des
établissements de province, menés par des syndicats minoritaires CGT et SUD. Mais ces
mouvements n’ont pas empêché un bon déroulement des négociations. Nous sommes étonnés
qu’un projet comme Transform2015 n’ait pas suscité davantage de blocage. Une des
explications est l’entrée en vigueur de la Loi Diard en mars 2012 qui instaure un préavis de
grève de 48H dans les transports aériens.
En revanche, chez Freescale, le DRH a dû gérer une grève de 5 semaines. Menés par les
syndicats minoritaires dont la CGT, les grévistes ont bloqué l’entrée.
L’objectif était d’empêcher le PSE en mettant la pagaille dans l’entreprise. La tension était
vive, le DRH a fait intervenir les CRS et la Préfecture.
Pourtant ce mouvement ne s’est pas généralisé, il n’y avait que 10% de grévistes. Il faut donc
relativiser ce phénomène.
61
Chez Arcadie, il y a eu une grève d’une semaine, menée par la CGT. La situation était très
tendue avec des barrages à l’entrée, insultes ; dans l’objectif de faire monter l’indemnité supra
légale.
Le DRH a demandé l’intervention de l’inspecteur du travail comme médiateur, mais ça n’a
pas solutionné le problème. La situation s’est soldée par un constat d’huissier et la saisine du
tribunal de grande instance en référé. L’entreprise a eu gain de cause et chaque gréviste a été
condamné à lui payer 1 500 euros.
Conformément à ce que nous avons vu en première partie, les risques de grèves et de
contentieux sont incontournables mais dans nos trois cas, ils doivent être relativisés car ils ne
sont que l’expression d’une minorité (actions menées par des syndicats minoritaires). Le DRH
en profite-t-il pour davantage occuper le terrain ?
4. Le DRH et la communication : il occupe le terrain
Dans les trois entreprises, l’annonce du projet de restructuration a été faite par le Président ou
le Directeur général lors du CCE ou du CE.
Ensuite, les communications sur le terrain au plus près des équipes se sont faites par le
binôme Président et DRH chez Freescale.
Chez Air France, le Président a tenu à communiquer par web conférence dès la fin du 1er
CCE
sur le projet en s’adressant ainsi à l’ensemble des salariés.
Chez Arcadie, le DRH s’est rendu sur le site de Bordeaux qui fermait et occupait le terrain en
communiquant souvent afin que le motif économique ne fasse plus de débat.
Chaque DRH nous a dit avoir pris le leadership sur la communication en contrôlant tous les
communiqués. Pour un DRH « c’est nécessaire en temps normal, alors a fortiori lors de
restructuration ». Et cela même s’il y a un service communication.
Pour les trois entreprises l’information s’est voulue pédagogique. Elle était transparente,
abondante.
Chez Air France, les salariés reçoivent par mail des notes, les bulletins « RH actu ». Ils ont
accès à intranet qui diffuse en permanence les dernières informations sur le projet, les salariés
ont tous eu accès aux plaquettes expliquant les mesures d’accompagnement du PDV. Le
journal interne « concorde » diffuse régulièrement les informations transparentes du projet.
62
Nous avons relevé durant le stage pour le projet « Transform2015 », la diffusion de douze
notes « flash actu » signées du Président entre le 1er
février et le 1er
juin pour tenir informés
les salariés des avancées des négociations sur la renégociation des accords collectifs comme
condition à la gestion du sureffectif sans départ contraint.
Par ailleurs, les cadres de l’entreprise étaient réunis régulièrement par le Président pour
revenir sur leur rôle pendant le PDV 2009. Ils ne devaient surtout pas forcer au départ les
salariés.
Chez Freescale, dès la fin d’une réunion du comité d’entreprise sur le projet ou d’une réunion
de négociation, c’est le Président et le DRH qui se chargeaient d’annoncer le projet à toutes
les équipes travaillant sur le site. « C’est une tradition le dialogue en permanence avec les
salariés ».
Les managers étaient tenus informés par le DRH des échanges et avancées au moment de la
sortie de la réunion, afin qu’ils n’apprennent rien de la bouche des syndicats.
Chez Arcadie, c’est en amont du projet, que le DRH a été confronté à l’inquiétude des
membres de la direction face aux répercussions de la restructuration. Il a entrepris un gros
travail de pédagogie sur les dirigeants, très chronophage (réunions, face à face le soir). Les
commerciaux étaient en demande par rapport à leurs clients.
« Il était vital pour le directeur commercial d’informer les clients du projet pour ne pas qu’ils
se détournent de l’entreprise ». Le DRH expliquait quand et comment ils étaient en mesure de
pouvoir le faire.
« J’ai fait des réunions avec l’encadrement aussi pour voir qui était en méfiance par rapport au
projet. Notamment le chef de centre l’était. Ce fut difficile que le manager du site se
désolidarise. Mais son comportement n’a surpris personne. Il a d’ailleurs été licencié plus tard
car il ne communiquait jamais et n’entretenait pas le dialogue avec les représentants du
personnel. Sa présence a été un handicap pendant le projet ».
Nous nous rendons compte combien le duo Président/ DRH est crucial comme nous l’avons
mis en exergue en partie I. Ainsi que l’information des managers qui doivent porter le projet
et donner du sens aux équipes. Un manager qui n’en a pas les capacités porte préjudice à
l’entreprise.
63
Enfin, ce qui pose le plus de soucis aux DRH c’est la communication aux institutionnels (Etat,
Préfet, Maire, Directeur du travail) et acteurs extérieurs (clients, fournisseurs). Le risque de
délit d’entrave est bien mesuré, ils ont dû trouver le bon timing pour l’annoncer…
5. Le DRH face à l’impact humain
Pour le PDV 2009 d’Air France, il n’y a pas eu de dégât social. Les personnes interrogées
parlent « d’effet d’aubaine ». Ceux qui avaient envie de partir, notamment en départ anticipé à
la retraite sont partis. Il n’y a pas eu d’inquiétude car aucun salarié n’a été contraint de partir,
ni de démotivation. Les salariés restants parmi les fonctions supports n’ont pas ressenti une
dégradation de leurs conditions de travail puisqu’au même moment la baisse d’activité se
faisait ressentir.
Néanmoins, la situation a été plus délicate sur les services d’exploitation. Selon le membre du
CCE interrogé et l’assistante sociale, ils considèrent que les salariés étaient plus inquiets sur
le fonctionnement de leur équipe après un départ, car ils disaient : « je vais devoir travailler
davantage, ça va être plus pénible ».
« L’échec de la boîte a été de prévoir des incitations financières à partir vite, c’est-à-dire avant
juin 2010. Or, le pic d’activité est en juillet. Beaucoup de départs ont eu lieu avant juillet,
cette période a été très critique pour l’exploitation. Ça a été très mal géré et mal perçu par les
agents. D’ailleurs, le DGRH en octobre novembre 2009 disait que le plus difficile serait
d’assurer l’exploitation en intégrant tous ces départs ».
On relève en effet une prise de conscience de la part de la DRH mais il n’y a pas eu
d’anticipation malgré tout. L’objectif était de valider de nombreux départs volontaires. 1680
départs volontaires étaient prévus, 1800 salariés sont partis !
On constate en effet que la priorité a été donné aux départs et non à la gestion prévisionnelle
des emplois et des compétences alors même qu’en amont du projet une réflexion sur les
populations cibles avaient été menées. Cette réflexion n’a pas été menées jusqu’au bout pour
échelonner les départs dans le temps. Cette latitude était laissée aux managers.
Sur le projet Transform2015, nous n’en sommes pas à l’heure du bilan, mais le cabinet
d’expert Secafi a noté dans son rapport d’être vigilant quant à l’incidence du projet sur les
salariés, les équipes, les conditions de travail. Exemple, pour les managers qui vont être
sollicités, pour les équipes qui vont changer d’horaires etc…
64
De plus, la structure en silo d’Air France que nous avons observé ne permet pas l’équité, et
seul le personnel au sol s’est engagé pour le moment dans la voie du redressement en signant
un nouveau cadre conventionnel alors que le personnel navigant n’a pas dit son dernier mot.
Malheureusement, la cohésion sociale tant souhaitée par Air France risque d’être mise à mal.
Lorsque nous évoquions en partie I qu’un référentiel de règles communes RH doit être établi
et nous paraît être fondamental dans la réussite du projet, il y a des grandes entreprises où
l’organisation ne permet pas l’homogénéité de traitement. Cependant, dans le cas d’Air
France, ce manque d’équité génère des frustrations et une démotivation du personnel au sol
du fait de l’incompréhension du projet d’entreprise et du manque d’adhésion.
Comme dans les deux autres entreprises, Freescale s’est montrée socialement responsable. Il y
a eu une réelle dynamique d’investigation et de communication sur les reclassements
externes. C’est le fruit du contrat passé avec le cabinet de reclassement Altédia dont
l’intervention s’est faite un mois après la première réunion du CE, et du suivi mensuel mené
par le DRH en présence de la DIRECCTE. Et c’est également le fruit du travail de l’équipe
RH, sur les passerelles possibles sur des postes des entreprises de la région comme le CHU,
Tisséo, Airbus, et sur la rédaction d’un catalogue des métiers en tension dans la région.
Cette dynamique plus soutenue encore chez Freescale s’explique peut-être par la pression de
la convention signée avec l’Etat pour la revitalisation du bassin d’emploi. L’entreprise
s’engage à recréer un emploi dès qu’un emploi est détruit, sinon elle paiera une amende.
Alors les objectifs de reclassement sont suivis avec beaucoup d’attention.
Sur les 821 postes supprimés :
- 264 salariés ont quitté l’entreprise avec un projet,
- 400 personnes ont bénéficié de formation en fonction de leur projet et sur des métiers
en tension. Sur les 400 : 200 sont partis et 200 sont revenus à leur poste,
- 40 personnes ont été reclassées en interne.
En ce qui concerne les équipes restantes, l’entreprise va poursuivre sa communication
positive à l’égard de l’équipe R&D qui revendique « un réel besoin de tourner une page, ils
demandent de sortir de l’empreinte du passé en modifiant la composition des bureaux par
exemple».
Enfin, le baromètre du bien être fait l’objet d’un suivi avec la médecine du travail, le comité
de prévention du stress et le DRH. « On a identifié 50 cas difficiles. Une cellule médico-
psychosociale se réunit toutes les semaines et fait des préconisations ».
65
Nous relevons que dans les grandes entreprises comme Air France et Freescale dotées de
structures médico-sociales, la prévention des risques psycho-sociaux est bien menée.
Pour Arcadie, le DRH a également attaché beaucoup d’importance au suivi des reclassements
internes et externes. Il s’est même investi lui-même en appelant les entreprises aux alentours.
Sur 55 suppressions de postes, il y a eu 15 reclassements internes et sur le reste 50% de
reclassements externes et 50% de salariés ont bénéficié de la cellule de reclassement. Un an
après, 20% des salariés n’avaient pas retrouvé un emploi.
Le DRH était assez déçu de la prestation du cabinet qu’il considérait comme « industrielle »
et sans valeur ajoutée. Pour le PSE suivant, il a exigé dans le contrat que le cabinet
accompagne les salariés jusqu’à l’obtention d’un CDI.
L’impact humain il l’a vu. Installé provisoirement pendant deux mois au cœur de
l’établissement qui allait fermer, il a reçu tous les salariés individuellement pour les écouter et
répondre à leurs questions. Il a vu la phase du déni, de la colère. « Faut être capable d’accepter tout
ça pour faire ce métier ». Et son rôle était d’identifier les salariés à risque, en détresse
psychologique ou ceux déjà fragiles avant et en détresse financière ensuite (crédit de maison).
Il les a accompagnés, soutenus.
Quant au syndrome du survivant, il l’a constaté. Mais il n’a pas duré longtemps.
Dans une petite structure, le binôme du soutien entre la cellule de reclassement et le DRH est
essentiel. Afin de vouloir atténuer les effets sur l’homme, il est nécessaire qu’il y ait une
présence permanente et à l’écoute.
6. Des DRH innovent dans les mesures d’accompagnement
Il nous importe de répondre à la question soulevée en première partie, est ce que les DRH et
les partenaires sociaux font preuve d’originalité dans les mesures d’accompagnement alors
que le code du travail à l’article L 1233-62 liste les mesures qui peuvent se trouver dans le
PSE ?
L’une des premières mesures qui nous a interpellées, c’est chez Freescale. L’objectif choisi
par l’entreprise était de consacrer trois ans au reclassement des 821 salariés pour éviter la
casse sociale. Ainsi, le DRH a ouvert un premier volet de négociation sur l’ouverture d’un
espace projet emploi (EPE) dès la première information du CE sur le projet (avril 2009). Dès
le 8 mai 2009, l’EPE situé sur le site était en place, soit une équipe de 15 personnes du cabinet
66
Altédia, pour accompagner les gens dans leur projet de formation et de recherche d’emploi,
sur la base du volontariat. Pendant plus de trois ans, cet espace a accompagné au quotidien les
salariés qui devaient quitter l’entreprise en août 2012.
Les salariés pouvaient se former dans le cadre de leur projet, ils bénéficiaient d’un maintien
de leur rémunération pendant un an ; et d’un retour à leur poste à l’issue.
Ce qui nous a interpellé également c’est l’habileté du DRH à scinder en trois réunions de
négociations les thèmes du PSE : EPE, mesures de reconversion, et indemnités supra légales.
La mésentente portant sur le montant des indemnités, le fait d’avoir dissocié les thèmes n’a
pas ralenti le process de négociation et n’a permis d’avoir un accord unilatéral que sur ce
thème. Les deux autres ayant été signés par la moitié ou plus des syndicats majoritaires.
Par ailleurs, c’est principalement sur le reclassement externe que les entreprises ne manquent
pas d’originalité, à condition que les moyens de l’entreprise le permettent.
→ Cabinet de reclassement :
Air France a depuis 1994 une filiale SODESI en charge des activités d'accompagnement, de la
mobilité professionnelle et de la reconversion des salariés ainsi que de la formation des
tuteurs et maîtres d'apprentissage. Cette filiale a eu pour mission pendant le PDV 2009
d’accompagner les salariés dans leur projet de création ou de reprise d’entreprise. Son activité
se développe en parallèle de l’accompagnement d’un cabinet extérieur.
La plupart du temps, les entreprises ne font appel qu’à un seul cabinet pour tout
l’accompagnement.
→ Départs en retraite :
Nous nous étions interrogés en première partie sur les mesures de départ en retraite étant
donné que les préretraites ne sont plus intéressantes. Dans le cadre du PDV d’Air France, en
ce qui concerne les retraités, ce n’est pas une mesure de préretraite qui est proposée mais des
mesures financières d’incitation pour ceux qui sont éligibles à un départ à la retraite à taux
plein entre 2012 et 2013. Ces mesures sont versées en plus de l’indemnité de départ à la
retraite (IDR) conventionnelle. Aussi une possibilité de rachat des trimestres manquants est
offerte ainsi qu’une majoration supplémentaire. Le cumul des deux indemnités ne peut
excéder au total 24 mois.
67
→ Création d’entreprise ou reprise d’activité :
Par ailleurs, en vue d’inciter à créer son entreprise, Air France a été originale en proposant
une aide supplémentaire si le créateur embauche un salarié d’Air France. L’aide sera d’autant
plus importante si le salarié a plus de 55 ans.
→ Congé de reclassement :
L’entreprise peut également jouer sur la durée du congé de reclassement. Chez Air France il
est d’une durée de six mois et peut être augmenté de un à trois mois pour les salariés en
difficulté de reclassement.
L’entreprise peut jouer également sur l’indemnité perçue pendant ce congé. Chez Air France,
l’allocation était de 70% du salaire mensuel de référence brut.
→ Incitation financière au reclassement rapide :
D’autres entreprises prévoient dans le PSE une indemnité supplémentaire pour récompenser
l’effort de reclassement rapide. Chez Air France par exemple, elle ne pouvait pas excéder
trois mois de salaire.
→ Aides à la mobilité géographique :
Pour les entreprises multi sites, des aides à la mobilité sont prévues telles qu’un forfait
déménagement chez Air France ou une majoration de l’indemnité en fonction de la
composition familiale, en plus chez Arcadie.
→ Indemnités supra conventionnelles :
Les entreprises sont aux prises avec les organisations syndicales pour les montants des
indemnités supplémentaires et font en fonction des moyens à leur disposition.
Chez Freescale, la CGT souhaitait 300 000 euros en moyenne pour les salariés. L’entreprise a
octroyé 50 000 euros minimum et 192 000 euros maximun en fonction du statut et de
l’ancienneté des salariés.
Chez Arcadie, l’indemnité supplémentaire était de 2500 euros majorée de 250 euros par année
d’ancienneté.
68
Enfin chez Air France, une indemnité d’incitation au départ volontaire de six mois maximum
a été versée en complément de l’indemnité conventionnelle. Le cumul des deux indemnités
ne pouvait excéder 24 mois de salaire.
Conclusion partie 2 :
Il ressort des études terrain que nous avons menées au sein d’entreprises ayant réalisé des
suppressions de postes dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, et de leur
confrontation à l’analyse de la théorie de la première partie, une convergence avec cette
dernière.
Le DRH est sollicité en amont mais intervient dans l’urgence pour proposer plusieurs
hypothèses de travail chiffrées car il lui est demandé d’aller vite quand il y a une dégradation
des résultats. Puis la mise en œuvre du processus d’information consultation se fait dans la
foulée à un rythme très soutenu pouvant prendre entre 2 et 10 mois.
Dans une entreprise disposant de moyens financiers et de temps inhérent au processus de
fabrication-distribution, le DRH a réussi à négocier un accompagnement des collaborateurs
sur trois ans pour éviter une casse sociale qui aurait été sans précédent sur Toulouse. Pour
cela, le tandem DG/DRH a été très important et a fonctionné.
Les restructurations sont bien un outil permanent d’adaptation, les trois entreprises y ont eu
recours deux ans après la fin de la précédente.
Le DRH est bien préparé aux risques de grèves inévitables mais qui pour les trois entreprises
n’est le fait que d’organisations syndicales minoritaires.
Dans les trois entreprises pourtant de taille différente, la communication a été abondante,
régulière et le DRH a occupé le terrain en restant à l’écoute des salariés.
Le DRH assure le suivi du baromètre du bien-être, les effets des restructurations semblent être
pris en compte surtout dans les grandes structures dotées de cellules médico-sociales.
Néanmoins, un point de divergence ressort par rapport aux travaux de la première partie.
Alors que l’on conçoit aisément que l’entreprise a besoin de confier la gestion du dispositif de
restructuration à un homme de confiance, qui a sa légitimité ; de grandes entreprises
69
n’hésitent pas à changer de DRH au début de la restructuration. Ce fut le cas d’Air France à
deux reprises en 2009 et 2012.
Enfin, un point critique peut être fait sur la gestion des charges de travail. Le DRH n’anticipe
pas assez avec le management de proximité le cadencement des départs en fonction de
l’activité et de la nouvelle organisation. On remarque par exemple, les départs massifs incités
avant les pics d’activité ou encore la non collaboration entre équipes RH et managers sur le
transfert des savoirs, la gestion des compétences. Ce qui occasionne des tensions pour les
salariés restants qui n’adhérent pas au projet.
Compte tenu des points relevés en première partie confirmés lors de cette étude terrain et au
vue des points de divergences et écueils relevés, nous allons aborder à présent dans la
troisième partie nos préconisations.
70
Partie 3
Préconisations opérationnelles
71
Nous avons vu à travers la partie théorique et les études terrain que les risques auxquels le
DRH est confronté en matière de restructuration étaient :
- Le conflit social
- Les contentieux pendant et après la restructuration
- La perte de confiance et la démotivation des salariés restants
- Les départs volontaires non maîtrisés qui risquent de déstabiliser la pyramide des âges,
les collectifs de travail, la perte de compétences clés
- La charge de travail accrue du fait de la non synchronisation entre le départ des
salariés et la mise en place de la nouvelle organisation
Ces risques ont des conséquences négatives sur l’entreprise tant en terme de rentabilité que
sur son image.
Ainsi au travers des constats que nous avons faits lors des études terrain, nous sommes en
mesure de dresser quelques axes de recommandations pour mener une restructuration
socialement responsable. Bien entendu, ce travail n’est pas une liste exhaustive de « bonnes
pratiques » pouvant s’appliquer à n’importe quelle entreprise. En effet, il est bien entendu que
chaque restructuration s’inscrit dans un contexte différent dont il appartient aux DRH d’en
mesurer les contours et les conséquences.
Ainsi, nous verrons dans une première partie les grands axes de recommandations (I) et la
mutation de la fonction RH nécessaire (II).
I. Les axes de recommandations
Nous verrons que le développement de l’employabilité et l’anticipation doivent être
privilégiés et que pour se faire, le DRH doit lever certains freins (1) ; aussi les entreprises
doivent placer le dialogue social comme pivot central de la conduite des restructurations (2).
Le DRH doit s’organiser pour assurer une communication positive permanente et transparente
(3), enfin le DRH doit être sélectif sur les mesures d’accompagnement (4).
1. Privilégier l’anticipation à la précipitation
72
1.1 Le développement de l’employabilité et l’anticipation de l’annonce
Les entreprises ont recours en permanence aux restructurations pour s’adapter et rester
compétitives. L’emploi à vie n’est plus assuré, ce qui est source de stress. Alors les différents
rapports français (AUBERT, 2002 ; et VIET, 2003) et européens sur les restructurations ont
plaidé depuis longtemps une meilleure anticipation des restructurations. C’est bien pour cela
qu’en France, la loi de cohésion sociale de 2005, a introduit dans les entreprises de plus de
300 salariés, une obligation de négocier tous les trois ans sur la GPEC.
Cette obligation légale a la vertu notamment de permettre une préparation à froid de mesures
d’accompagnement associées aux prévisions des besoins d’emplois et de compétences,
comme nous l’avons vu chez Air France.
A condition que la GPEC ne se cantonne pas qu’à une cartographie des compétences, mais à
une véritable politique d’ajustement responsable qui prévoit des formations pour aider les
salariés à préserver leurs compétences et à en acquérir de nouvelles et que les mobilités
verticales et horizontales soient encouragées.
L’employabilité des salariés est alors travaillée en permanence et les salariés sont mieux
préparés pour affronter des restructurations permanentes.
Le développement de l’employabilité est une nécessité surtout lorsque l’application des
critères d’ordre du PSE (les jeunes partant en premier) ont pour conséquence une perte des
compétences clés et une déstructuration de la pyramide des âges. Avoir des salariés qui ont
des formations qui suivent l’évolution du marché permet à l’entreprise de repositionner ces
salariés dans l’entreprise en fonction de besoins, sans avoir à partir sur une formation de
longue durée. Les mobilités internes sont alors plus simples et en cas de suppressions de
postes dans un contexte de restructuration permanente, à chaud ces salariés sont mieux armés
sur le marché de l’emploi.
De plus, un accord GPEC négocié à froid permet de coller à une organisation cible à la
condition que la mesure du travail, des activités soit faite et qu’en face de cette organisation
les acteurs de l’entreprise adaptent les processus de travail. Ce qui permettra de réduire le
risque de dégradation des conditions de travail.
Cependant, l’approche prévisionnelle rencontre quelques difficultés et a des conséquences à
double tranchant. En effet, les prévisions des évolutions du marché sont peu fiables. Les
73
entreprises élaborent des scénarios, mais en l’absence de certitudes, rares sont les entreprises
qui décident de prendre des mesures.
Au contraire, d’autres entreprises, sous couvert des travaux de GPEC menés avec les
partenaires sociaux, mettent en œuvre une restructuration lourde afin d’anticiper une
dégradation ultérieure de la compétitivité.
Les représentants des salariés sont sceptiques quant à la GPEC, car souvent cette anticipation
se retourne contre les salariés et les obligent à être associés à la décision en matière de
conséquences sur l’emploi.
Aussi la GPEC n’est pas obligatoire dans toutes les entreprises et de nombreux salariés des
petites entreprises ne bénéficient ni d’un accompagnement sur l’employabilité ni de la
couverture d’un PSE en cas de licenciement.
Il faut donc dépasser le stade de la GPEC, et nous pensons que l’anticipation doit être
entendue davantage au sens d’une annonce précoce du projet. Cette anticipation pourrait ainsi
être développée au sein de toutes les entreprises et permettrait aux salariés et territoires de se
préparer aux suppressions de postes.
Un projet personnel ou de reconversion est nécessairement un projet de longue durée. Les
entreprises se donneraient du temps pour mieux préparer les salariés et les territoires avant la
phase des suppressions de postes. Cela passe notamment par le développement de formations
professionnelles et par tous les outils de développement de l’employabilité. La région, le
département peuvent aussi contribuer à cet accompagnement.
C’est ce qu’a choisi de faire Freescale, l’annonce a eu lieu 3 ans avant l’arrêt de l’activité de
fabrication. Ce qui a permis à un certains nombres de salariés de réfléchir à leur projet et de
se reclasser avant la date de notification.
Si cette approche a pour autres avantages de permettre à l’entreprise et ses managers de se
préparer au changement et de créer un rapport de confiance des salariés ;
Il n’en reste pas moins qu’un certain nombre de freins existent et empêchent les entreprises de
le faire.
74
1.2 Le DRH doit lever ces freins
Les entreprises craignent les répercussions d’une annonce précoce :
- les entreprises craignent la réaction des salariés, les conflits sociaux, la démotivation,
qui viendraient perturber la sérénité de l’activité jusqu’à l’issue de la restructuration.
Or, chez Freescale, les salariés ont fait preuve de responsabilité et n’ont pas saboté
l’outil de travail grâce à la légitimité de la direction en place et au dialogue social.
- elles craignent que les représentants du personnel et les politiques locaux s’enferment
dans une stratégie d’opposition au projet de restructuration voire à un appel au boycott
des produits commercialisés. L’exemple que nous avons en tête est la restructuration
de LU France faite en 2004 annoncée en 2001.
- Crainte partagée par tous les acteurs d’accélérer le processus, de ne plus pouvoir
l’éviter,
- Crainte d’émettre des signaux négatifs qui pourraient affoler les clients, les
fournisseurs, et les banques et de ce fait, accélérer la chute ou nuire au projet lui-
même,
- Ce n’est pas dans l’esprit de nos dirigeants français de partager des réflexions sur
l’avenir de l’entreprise, ils considèrent être « les seuls juges ». Pourtant la motivation
des acteurs tels que les représentants du personnel et les politiques locaux ne réside
pas dans la volonté de se substituer à la clairvoyance managériale mais d’émettre des
propositions d’alternatives.
- Culpabilité des dirigeants des entreprises en difficultés (en particulier les PME qui ne
disposent que d’une très faible visibilité sur leurs carnets de commande),
- Culpabilité aussi des dirigeants d’établissements dont les lieux de prise de décision
stratégique sont éloignés et mouvants.
75
Enfin le plus grand frein à l’anticipation est le manque de temps lié à la dégradation de la
situation financière. Freescale ne connaissait pas de difficultés financières sur Toulouse
lorsque la décision a été prise.
Cependant, l’anticipation semble être de plus en plus dans l’air du temps pour accompagner
les restructurations. J’en veux pour preuve Air France, qui a annoncé le projet Transform
2015 en janvier 2012, se traduisant par un accompagnement des salariés volontaires de
décembre 2012 à décembre 2013.
2. Prendre le temps du dialogue social
→ Prendre le temps de planifier
Nous avons vu en première partie que la procédure d’information-consultation est très
encadrée, par des délais entre chaque réunion. Et par ailleurs que d’un point de vue
économique, il faut se dépêcher d’agir, il y a urgence soit à restaurer une situation difficile,
soit à gagner en compétitivité ; dans certains cas, l’urgence est aussi en partie « créée », les
opérations rapides étant préférées à celles qui se prolongent. À contrario, d’un point de vue
social, il est généralement urgent de prendre son temps pour la reconversion des salariés et
des sites ; donc, de gagner du temps.
Tout d’abord, par rapport à la rigidité imposée par le cadre légal et en fonction du business
plan, le DRH doit se prémunir de toute erreur en élaborant un calendrier en amont, un rétro
planning qui remonte jusqu’à la date de la première réunion de consultation du comité de
groupe ou du comité central d’entreprise. Il tiendra compte des aléas tels que les grèves…et
veillera à se prendre une marge certaine.
En cas d’entreprises multi sites ou d’organisation complexe, le DRH ne doit pas manquer de
prévoir toutes les réunions avec les comités d’établissements et d’associer tous les
responsables ressources humaines lors de la planification.
76
Plus l’entreprise a une organisation complexe et mieux vaut qu’un responsable des relations
sociales soient le chef de projet et coordonne tous les acteurs ressources humaines sur le
terrain.
Cette recommandation est un minimum pour éviter tout risque de contentieux.
→ Signer un accord de méthode
De plus, une autre préconisation pour développer un véritable dialogue avec les partenaires
sociaux, consiste à favoriser une contractualisation de la gestion des restructurations. C’est le
principe de l’accord de méthode conclu entre l’entreprise et les organisations syndicales de
l’entreprise. Cet accord n’a pas pour objectif d’aller vite, mais de sécuriser la procédure et
donc de prendre du temps pour le dialogue. En effet, il ne vient pas réduire les délais de la
procédure d’information-consultation, et parfois mêmes il les allonge.
En outre, cet accord permet aux représentants du personnel d’avoir des garanties sur
l’accompagnement des salariés, et en contrepartie la direction se prémunit d’un risque de
conflit social ou de contestation de la procédure. Il soutient l’efficacité du dialogue social par
la précision apportée aux échanges futurs d’informations, aux étapes à respecter, aux
nouveaux moyens dévolus aux syndicats, etc.
Sur les trois entreprises étudiées, deux d’entre elles ont fait le choix d’y recourir. Et d’ailleurs,
le dialogue social a toujours été maintenu avec les organisations syndicales majoritaires.
Quoiqu’il en soit cet accord n’empêche pas les organisations syndicales souvent minoritaires
de contester et de mener des actions (en justice ou de grève), néanmoins il a le mérite de créer
un climat de confiance dans lequel vont s’installer des échanges au travers de nombreuses
réunions de négociations en parallèle de la procédure classique afin de trouver des solutions
acceptables par tous.
→ S’entourer de spécialistes
Ce travail de concertation peut être facilité par l’intervention de consultants, côté direction,
McKinsey par exemple; et d’experts nommés par les représentants du personnel, par exemple
le cabinet Secafi (proche de la CGT). Le DRH ne doit pas les occulter et bien au contraire les
associer dans le processus de construction de solutions adaptées.
77
→ Les limites au dialogue social
Cependant, nous nous demandons quelle est la place donnée aux partenaires sociaux et à la
direction de l’entreprise quand nous constatons l’interventionnisme de l’état lors des
annonces de restructurations après les élections présidentielles de 2012. En effet, le nouveau
Ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, ne semble pas aller vers plus
d’autonomie dans le dialogue social, en indiquant que « le gouvernement allait "ouvrir des
discussions tous azimuts" avec les dirigeants des entreprises qui menacent de fermer les
portes de certains de leurs sites en France » (Le Parisien.fr - 17 mai 2012). L’absence de
dialogue responsabilisant en amont est pénalisante, elle conduit au maintien des clivages
ancestraux et à la paupérisation de la représentation syndicale.
Par ailleurs, nous nous interrogeons sur le choix que certaines entreprises font de confier le
dialogue social à un DRH de transition. Le rapport de confiance nécessaire au dialogue
social nous paraît ainsi compromis. Nous observons une certaine défiance de la part des
représentants du personnel et des salariés. C’est ce qui s’est produit chez Moulinex, le DRH
est venu pour faire le « sale boulot ». Aussi, cela dénote un traitement à chaud, qui ne s’inscrit
pas dans un projet structurant pour l’entreprise. Néanmoins, nous considérons qu’il vaut
mieux cette option à celle de laisser un DRH non convaincu par le projet ou non reconnu au
sein de l’entreprise mener le dialogue social.
Un vrai dialogue social est nécessaire. Il ne s’agit pas seulement d’une communication
descendante mais d’un travail d’écoute, de concertation. Cependant, il ne portera pas
entièrement ses fruits si son contenu n’est pas partagé au sein de toute l’entreprise. C’est
pourquoi, le DRH doit se doter également d’une organisation qui lui permette de
communiquer sur les avancées des discussions.
3. Le DRH devient acteur de la communication
Pouvant être perçu comme le bourreau lors des restructurations à une certaine époque, le DRH
doit sortir de son bureau et aller au contact du terrain pour porter le projet de restructuration.
Pas toujours doté de talent de parfait orateur ou de moyens suffisants pour communiquer, le
DRH doit s’imposer un régime de communication positive, permanente et transparente avec
l’ensemble des salariés lors de réunions.
78
Le DRH devra avant tout être sincère, dire la vérité tout en prenant en compte la charge
émotionnelle des mots utilisés pour réduire, autant que possible, le sentiment d’injustice.
Pour être efficace, et dans la mesure du possible, la stratégie de communication doit par
ailleurs reposer sur un groupe projet structuré qui rassemble les différents conseils de
l’entreprise : les avocats, la communication, le DRH. Et selon plusieurs DRH interrogés, c’est
au DRH de contrôler toute la communication déjà en temps normal et a fortiori pendant le
projet de restructuration pour éviter tout risque de contentieux juridique.
Il doit communiquer vite et en priorité aux managers qui pourront ainsi répondre aux
questions des salariés. Et c’est d’autant plus vrai à l’ère des SMS et des courriels, utilisés par
les représentants du personnel lors des réunions de comité d’entreprise et qui ont fortement
accéléré la vitesse de circulation de l’information pour prendre de court la direction. Il doit
donc trouver des techniques qui lui permettent de communiquer aux managers les avancées
des réunions, au moment de la sortie de celles-ci.
Sinon les salariés et managers sont informés en premier par des tracts, le DRH doit alors se
livrer à des contre communications. Si le DRH ne prend pas la main sur ce sujet-là, le doute
s’installe et les salariés perdent confiance dans le discours de la direction. La direction ne doit
pas laisser les syndicats occuper le terrain en matière de communication sur le projet dont elle
est convaincue. Il est donc nécessaire de ne pas s’arrêter à une conception trop restrictive du
délit d’entrave, qui fait trop souvent hésiter les entreprises.
De plus, un projet de restructuration ne doit pas faire de débat. Il doit être perçu par tous de la
même façon. Le DRH doit donc faire preuve de pédagogie. Il doit fournir des explications
abondantes sur les contraintes économiques et les changements stratégiques. Tous les moyens
sont bons (plaquettes, affichages, journal, courrier), la fréquence est également importante.
Ensemble, le dirigeant et le DRH ne pourront pas occuper le terrain à chaque nouvelle
avancée. Le DRH doit donc en amont s’être préoccupé des relais de communication qui
porteront à leur tour le projet et feront preuve de pédagogie.
Cela sous-entend, que des réunions, conférences téléphoniques soient organisées pour que les
responsables ressources humaines et les managers soient bien informés, préparés et
convaincus du projet, pour porter le projet et renseigner les salariés.
79
Ce tour de force est indispensable, mais pas uniquement. La communication doit être positive
et se projeter dans l’avenir. Le DRH ne doit pas perdre de vue que les salariés restants vont
être la force de l’entreprise de demain. Pour effacer rapidement le syndrome du survivant
évoqué en première partie et fidéliser les salariés tout comme pour entretenir l’attractivité de
l’entreprise à l’extérieur, la communication doit être contrôlée, résolument intense de la part
de la direction des ressources humaines et surtout délivrer un message de dynamisme et
d’innovation.
L’entreprise ne doit pas se cacher à l’issue des négociations mais participer à des évènements
et faire connaître ses nouvelles ambitions par le biais des forums emploi, d’interventions dans
les écoles par exemple.
En effet, le modèle traditionnel fondé sur l'exclusivité de la relation avec les instances
représentatives du personnel ne fonctionne plus : en se réfugiant derrière le délit d’entrave
pour ne pas ou peu communiquer, les entreprises créent elles-mêmes des situations de
blocage. Or dans le cadre d’une restructuration, avoir l'initiative et être le premier à parler est
un atout essentiel, pour ne pas dire une des conditions majeures du succès.
Autre levier d’action : penser à associer les pouvoirs publics, les responsables politiques et
médias afin de s’assurer que l’information ne soit pas relayée auprès du grand public de
manière systématiquement négative. Aussi, la dynamique de partage de l’information est un
important vecteur pour développer les facultés d’anticipation des acteurs. Le diagnostic
s’enrichit progressivement des apports des différents partenaires pour devenir un exercice
d’anticipation partagé qui permet de définir des actions dans la durée. Il s’agit ainsi de mettre
en place un dispositif de construction et de confrontation des différentes sources
d’information (économiques, sociales, territoriales) souvent éparses concernant les
restructurations, tant au niveau de l’entreprise, que de secteurs et de territoires.
C’est donc un véritable plan de communication, régulier et transparent qui doit être mis en
œuvre, tant pour éviter la judiciarisation galopante des procédures de restructuration que la
dégradation de l’image de l’entreprise.
Toutefois ces préconisations sont incomplètes si le DRH ne prévoit pas des mesures
d’accompagnement des salariés adaptées au projet de restructuration.
80
4. Le DRH doit être sélectif sur les mesures d’accompagnement
Nous avons vu en première partie que le plan social répond à des contraintes légales,
néanmoins il autorise des marges de manœuvre pour l’entreprise selon ses effectifs et ses
moyens financiers.
C’est au DRH de faire l’analyse de la population qui va faire l’objet de la restructuration et en
fonction d’adapter les mesures d’accompagnement. C’est d’autant plus vrai en cas de
restructurations permanentes. Appliquer toujours les mêmes recettes est une erreur.
→ Bien choisir son cabinet de reclassement
Il ressort que le premier point d’achoppement avec les partenaires sociaux lors des
négociations porte sur le choix du cabinet de reclassement.
Le temps de la sélection est crucial. Le DRH doit poser son cahier des charges. Par exemple,
moins l’employabilité des salariés aura été travaillée en amont par l’entreprise, au plus la
durée d’accompagnement devra être longue voire se terminer que lorsque le salarié aura
trouvé un CDI.
Aussi, il faudra bien définir ce qu’on attend des offres valables d’emploi. Et définir les
critères de l’offre. Par exemple, pour des salariés seniors, ces offres peuvent avoir des critères
spécifiques : rémunération plancher, périmètre géographique, etc.
Dans le cas d’une entreprise multi-sites où les suppressions de postes sont dispersées sur le
territoire, les antennes emploi ne seront pas pertinentes, il vaudrait mieux privilégier un
cabinet qui aurait des bureaux dans les villes des sites de l’entreprise.
Par ailleurs, les organisations syndicales aiment être conseillées sur les prestations de chaque
cabinet et leur laisser le sentiment d’avoir pu choisir sera un atout pour le reste de la
négociation.
→ Le DRH doit préférer s’investir dans le reclassement interne et externe que de
négocier de gros chèques valise
Essayer de compenser le préjudice subi par la rupture du contrat est crucial. Malheureusement
les exemples ont montré que de trop grosses indemnités sont alléchantes et aveuglent les
salariés qui préfèrent d’abord penser à l’appât du gain plutôt qu’à leur projet de recherche
d’emploi.
Ces indemnités exorbitantes atteignant parfois 3 ans de salaire, incitent au départ dans le cas
de mesures de volontariat et deux ans plus tard, les mêmes salariés sont toujours au chômage.
81
Considérant ce revers de la médaille, et compte tenu de la validation du juge des mesures
d’accompagnement choisies, il est préférable que le DRH s’investisse davantage sur les
mesures d’aide au reclassement interne et externe.
→ Reclassement interne :
Chez Air France, pour favoriser la mobilité interne géographique et ainsi les reclassements,
les indemnités doivent être revues. Il n’y aucune indemnité de transfert, seules sont prévues la
prise en charge du déménagement et des indemnités de changement de résidence. Dans le
cadre d’un PSE, un accord de mobilité peut être adossé. Par exemple, chez DHL Express, des
primes étaient prévues en cas d’aggravation du temps de trajet, une prime de mobilité de 5000
euros, etc.
Par ailleurs, le DRH doit s’organiser pour que toutes les offres d’emploi disponibles au sein
de l’entreprise et du groupe soient connues. Par exemple, grâce à une bourse de l’emploi
disponible par affichage et sur intranet. Chez Air France, dans deux établissements où nous
avons réalisé le stage, nous n’avons pas constaté d’affichage des postes disponibles. Aussi,
dans le cadre de la GPEC, il ressort de la trentaine d’entretiens réalisés que les salariés en
mobilité ne se rendent pas sur le site intranet, mais ont eu l’information d’un poste qui se
libérait par le manager du service qui recrute ou par des communications push du RRH qui
informe des postes disponibles au sein de leur direction. Il semble que le process mobilité doit
être amélioré et surtout que les passerelles entre métier soient connues et plébiscitées par les
DRH de chaque direction. On note pour le moment un trop grand cloisonnement entre
direction et un manque d’information sur les métiers de la compagnie.
→ Reclassement externe :
Des aides financières peuvent être prévues à cet effet. Par exemple, plus le salarié se
reclassera rapidement après sa notification, plus la prime sera importante pouvant atteindre
par exemple 4000 euros.
Nous pouvons imaginer également des aides pour les entreprises recrutant nos salariés.
Cependant, ces aides sont virtuelles si les acteurs locaux ne sont pas sollicités.
82
La DRH doit s’investir pour faire connaître à ses salariés le tissu économique, les passerelles
possibles avec les emplois des entreprises de secteur différent. Il peut par exemple organiser
des rencontres avec ces entreprises, envoyer les CV de ses salariés aux entreprises proches,
sans attendre que ce soit le cabinet de reclassement qui s’en charge.
L’établissement de province doit aussi contacter les acteurs locaux a fortiori s’il y a une
centralisation de la décision. Au-delà de l’obligation de revitalisation du bassin d’emploi pour
les entreprises de 1000 salariés et plus, ces contacts peuvent être bénéfiques pour un partage
d’informations qui va ouvrir des portes pour les salariés à reclasser. Il peut s’agir de solliciter
le conseil régional, le maire, etc. Ils savent quelles sont les évolutions des entreprises de leur
territoire et peuvent même proposer des dispositifs spécifiques qui contribuent à la
coordination d’actions et à la mutualisation de moyens pour le développement économique
des bassins d’emplois en difficulté.
Quoiqu’il en soit, le temps et l’anticipation sont les meilleurs alliés de la réussite pour les
reclassements. Cependant, cette démarche est contre nature pour les DRH. Œuvrer en vue de
reclasser ses salariés et favoriser l’employabilité en continu bouscule les théories classiques
de gestion des ressources humaines, fondées sur le triptyque : attirer, motiver, retenir.
Les DRH émettent un discours contradictoire entre la nécessité de favoriser l’employabilité
et la volonté de fidéliser. Certains d’entre eux sont réticents dans la mise en place de
dispositifs efficaces. Néanmoins, il faut rappeler que ces dispositifs peuvent conforter l’image
d’employeur responsable et renforcer l’attractivité de l’entreprise.
Ces préconisations renforcent l’idée que la fonction RH nécessite une mutation vers plus de
participation à la définition de l’organisation cible, de communication, de développement de
l’employabilité des salariés en permanence.
II. Une mutation de la fonction RH
Pour anticiper et soutenir les grandes évolutions de l’entreprise, notamment lors d’un projet
de restructuration, les prérogatives du DRH d’aujourd’hui doivent être renforcées en matière
de :
83
- Communication tant en interne que vers l’extérieur,
- De gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, le DRH en tant que support
à la construction de l’organisation cible,
Pour cela il a besoin de se dégager du temps et recentrer ses activités.
Dans cette perspective d’efficacité, les compétences « traditionnelles » de gestion
administrative du personnel doivent être aujourd’hui automatisées. Elles sont indispensables
pour créer un bon climat de confiance mais désormais sans valeur ajoutée.
Des services RH en ligne font leur apparition pour décharger les équipes RH. Ces services
permettent de délivrer des attestations, de rédiger le contrat de travail, de poser les congés
payés, etc.
Le DRH peut aussi externaliser certaines fonctions comme la paie par exemple.
Les départements RH vont devenir de plus en plus petits. Certains
services RH vont être externalisés. En échange, il faut développer un
cadre plus lean, plus agile, plus focalisé sur les compétences d’un
ensemble de professionnels qui pensent et agissent business d’abord et
pour toujours. (Ulrich, 2005)
Par ailleurs, pour améliorer la communication et renforcer le dialogue social, le DRH doit
décentraliser la gestion des ressources humaines auprès de généralistes RH implantés en
province et proches des managers de proximité.
Alors que les projets de restructurations s’attaquent souvent à réduire la fonction RH, notre
préconisation est davantage de réduire les acteurs RH centraux pour privilégier la proximité
du terrain. Nous éviterons ainsi que les managers de proximité reprennent à la hâte des parties
de la fonction RH qui alourdit leur quotidien.
Aussi, le rôle fondamental du DRH est de s’imposer comme un architecte qui lors de la
restructuration doit préparer avec les managers la mesure du travail réel et les compétences de
demain, aider à la projection de l’organisation cible en équilibrant les charges de travail et
apporter son aide dans la redéfinition des processus de travail et l’allocation des moyens
(temps de travail par exemple) et compétences nécessaires à chaque activité.
84
Aussi, nous préconisons pour cela que le dialogue social, très chronophage et qui l’empêche
de se concentrer sur les enjeux humains, soit confié à son adjoint spécialiste des relations
sociales.
Enfin, à l’issue d’une restructuration, le DRH doit faire davantage de développement pour
redynamiser l’entreprise. Il doit revoir la politique de rémunération et les critères d’évaluation
de la performance obsolètes qui ne répondent plus aux besoins de l’organisation et de la
stratégie.
85
CONCLUSION
Dans une opération de restructuration avec suppressions d’emplois, le DRH est assigné d’une
mission « atteindre la cible dans des délais assez courts et sans vague ».
Et dans ce choc des temporalités, il lui faudra pourtant éviter la précipitation et favoriser
l’anticipation de l’annonce pour trouver des solutions satisfaisantes pour les différentes
parties prenantes. En effet, l’entreprise est face à deux enjeux majeurs : accompagner les
salariés sortants dignement en mettant tout en œuvre pour qu’ils retrouvent dans la sérénité un
emploi rapidement et bâtir une nouvelle organisation pérenne, structurée et qui offre des
perspectives d’avenir aux salariés restants.
Si aujourd’hui il semble que la gestion du processus d’information consultation des
représentants du personnel sur le plan de sauvegarde de l’emploi soit bien maîtrisée par des
DRH expérimentés, il n’en demeure pas moins que la fonction a besoin d’évoluer davantage
sur la valorisation du capital humain : employabilité, connaissance et mesures des activités,
répartition des charges, etc. En tant que business partner, ils doivent dépasser le stade de
l’évaluation du coût du travail pour valoriser la valeur ajoutée du capital humain, prendre en
compte les compétences individuelles et collectives disponibles, les acquis collectifs. En
somme, intégrer une logique d’organisation apprenante. Pour ainsi se tourner vers le modèle
stratégique qui repose sur « personnel = ressource = investissement », ce qui confèrerait à la
fonction ressources humaines un rôle plus stratégique qu’instrumental.
Le DRH devra contribuer à donner du sens à cette nouvelle organisation et allouer les
ressources humaines nécessaires.
Cela ne signifie pas que tout pourra être prévu et que les crises seront toujours évitées ; quelle
que soit la qualité de l’anticipation et de la communication, il subsistera des situations de
rupture, toujours douloureuses.
Il faut donc chercher à développer notre capacité à tirer parti d’une annonce anticipée,
notamment en renforçant notre aptitude au dialogue dans les entreprises et sur les territoires.
86
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TEDESCHI Xavier, 24 mai 2012
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88
GLOSSAIRE
CCE Comité central d’entreprise
CE Comité d’entreprise
DIRECCTE Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la
consommation, du travail et de l’emploi
DRH Directeur des ressources humaines
GPEC Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
PSE Plan de sauvegarde de l’emploi
R&D Recherche et développement
RRH Responsable ressources humaines
89
ANNEXE 1
1. Le Plan de départs volontaires d’Air France de 2009/2010 et le
plan « Transform 2015»
1.1 Le contexte
La crise économique de 2008 a entraîné la baisse des chiffres d’affaires des activités passage
et cargo alors que dans un même temps le secteur souffre d’une surcapacité dans ces deux
activités imposant une forte pression sur les recettes unitaires. Les résultats d’exploitation
trimestriels de fin 2008 et premier trimestre 2009 sont négatifs de plusieurs centaines de
millions d’euros du fait de la baisse plus rapide du chiffre d’affaires que des charges
d’exploitation. Et l’endettement s’envole.
Dans ce contexte, Air France décide, au-delà des mesures déjà engagées au plan économique
(sur l’offre, les investissements, les achats…), d’adapter la structure de coûts pour restaurer sa
compétitivité, notamment par l’adaptation des effectifs.
1.2 La prise de décision : une GPEC révélatrice du sureffectif
Le conseil d’administration a demandé aux dirigeants d’assainir la rentabilité de l’entreprise
et de prendre des mesures.
Dans l’argumentaire économique transmis au CCE, il est précisé que c’est la présentation de
la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences du personnel au sol en juillet 2009
qui a mis en évidence une situation de sureffectif entre 2009 et 2012 de 1217 postes. Ceci
malgré un développement et une estimation optimisée des mobilités internes. Cet accord a été
négocié par le Directeur Général et le Directeur Général des Ressources Humaines.
90
Dans un second temps, les chiffres des départs dans les secteurs en sureffectif ont été affinés
par les travaux menés par chaque Direction. Et le besoin final de départs volontaires s’est
établi à 1684 sur 37 043 personnels au sol que compte Air France à fin juin 2009. Selon le
RRH interrogé, « le ciblage a été fait par les managers qui devaient désigner les métiers dont
ils pouvaient se passer. Certains Directeurs ont ressorti des cartons des projets de réduction
d’effectifs qui n’étaient pas prioritaires à l’époque».
Le PDV indique la répartition des postes supprimés par catégorie professionnelle et par
champs d’activité. Il définit le périmètre des postes supprimés mais élargit la possibilité de
départ au-delà par permutation de solidarité.
Toutefois, l’entreprise a défini un périmètre exclu des mesures du plan de départ volontaire :
- Les cadres embauchés depuis moins de 8 ans au 1er
janvier 2010,
- Les médecins, infirmiers et laborantins,
- Les salariés ayant un double contrat AF/ KLM,
- Les personnels des activités entretien avion, véhicules et autre matériel,
- Les métiers sur lesquels des recrutements sont d’ores et déjà prévus et les métiers pour
lesquels, du fait des compétences spécifiques requises, les départs nécessiteraient des
embauches à l’industrie, l’informatique, au revenue management, pistes des DOM.
La fonction RH locale n’a pas été associée au ciblage des métiers impactés.
Le PDV prévoit uniquement des départs volontaires et repose sur le recours à des experts
extérieurs indépendants pour aider chaque salarié intéressé à construire individuellement sa
démarche.
Selon le membre du CCE interrogé « C’était une volonté, un engagement des syndicats et de
la Direction que l’objectif de ce plan soit de réduire les sureffectifs et de permettre à tous ceux
qui voulaient partir de pouvoir le faire. Ainsi sur 1650 départs prévus par la DRH, 1850
personnes sont réellement parties ».
91
1.3 Le dialogue social : transparent et dense
Cette possibilité de recourir à un plan de départs volontaires est appuyée sur un PSE associé à
un accord de méthode portant sur les modalités de consultation des CCE et CE en une seule
réunion.
Pour autant ça n’excluait pas le fait que le CCE présidé par le Président d’Air France se
réunisse autant de fois que nécessaire pour expliquer les conséquences de la crise en termes
d’activité et d’emploi. Le CCE s’est d’ailleurs réuni 14 fois entre octobre 2008 et novembre
2009.
Il est stipulé dans l’accord PSE que c’est le Directeur Général qui a reçu spécifiquement les
organisations syndicales représentatives en janvier et juillet 2009 pour parler de la possibilité
du PDV.
Nous sommes surpris que le DRH ne soit pas cité comme étant au cœur du processus de
négociation du PDV. Par contre, conformément à ce que nous avons vu dans la partie
théorique, c’est le Président qui annonce les difficultés économiques.
Nous avons mieux compris quand le membre du CCE nous a confié que « pendant le PDV
2009 nous avons changé de DGRH. C’est le nouveau qui s’est chargé des négociations. Et
l’ancien DGRH était au-dessus de lui. Ça s’est bien passé et ça s’est fait dans la continuité car
l’équipe en dessous de lui n’a pas changé (relations sociales etc…) La DGRH était persuadée
qu’il fallait faire le plan et ce ne sont pas des tueurs, ils voulaient le faire sans casse sociale. »
Mais surtout le PDV a fait l’objet de nombreux échanges lors de la négociation de l’accord de
gestion prévisionnelle des emplois des personnels au sol entre avril et juillet 2009 date de sa
signature. Cet accord a été signé par les cinq organisations syndicales représentant 59% des
voix aux dernières élections. Il prévoit de gérer le sureffectif par un Plan de départ volontaire
(PDV) et il définit la procédure à respecter pour son élaboration et sa présentation.
Selon le membre du CCE, « le process d’information-consultation a été vite pour une société
comme Air France. Les négociations sur les modalités du PDV ont commencé en septembre
et se sont achevées en novembre 2009. Air France mène bien le dialogue social.
Tout le processus s’est déroulé avec les deux commissions centrales emploi et économique. Je
me souviens que se fut très chargé. La dernière réunion du CCE de novembre 2009 qui devait
durer 1 jour, a duré 3 jours finalement, jusqu’à la nuit !
92
Selon le RRH interrogé « le process a été très encadré par le central au niveau du CCE et
décliné en CE ». C’est-à-dire que la Direction générale des ressources humaines dotée d’un
service relations sociales, a encadré la rédaction des accords et des présentations pour les CE.
Selon le membre du CCE, « c’est plutôt une équipe à la DGRH, ce n’est pas qu’un homme ».
De plus, les services de contrôle de gestion sociale étaient chargés de faire des reportings de
suivi. La fréquence était d’ailleurs pesante pour les RRH qui devaient sans cesse remonter des
données. Ca a été relevé comme une lourdeur pour le terrain.
Si globalement ça s’est bien passé, le PDV a eu un écueil relaté par le membre du CCE « à
cette époque, la boîte n’était pas adaptée, on a compris la leçon. Comme elle fonctionne en
silo, les passerelles étaient très difficiles », bloquant ainsi les mobilités.
1.4 La communication : claire et abondante
Chaque salarié avait accès aux communications de la DRH centrale (notes, RH actu).
De plus, une information spécifique a été réalisée auprès de l’encadrement pour qu’il soit le
garant du respect du volontariat.
Du point de vue unanime de tous les collaborateurs sollicités, le PDV 2009 a été réussi, car il
est venu au bon moment dans la tête des salariés. Il y avait une prise de conscience du
sureffectif et les salariés vivaient la baisse de charge.
La communication pilotée par le service communication en binôme avec les services de la
Direction générale des ressources humaines a été claire et transparente.
Selon la RRH, « la communication a été très importante dans la réussite de ce projet. Nous
avons eu toutes les informations sur la mobilité. Puis la DGRH a diffusé les plaquettes. Il y a
eu un large dispositif d’information. J’animais les réunions d’information du personnel par
service en petit groupe pour présenter le dispositif attractif. J’étais parfois accompagnée
d’experts du central. Il y avait un sentiment de transparence ».
1.5 Le climat social : calme
Socialement, ça n’a pas été chaud. Il y avait une réelle adhésion et compréhension du projet
par les salariés, syndicats et managers. Sauf la CGT qui était contre le principe du PDV. Mais
la CGT n’a pas été véhémente du fait de voir que de nombreux salariés des secteurs exclus du
PDV étaient déçus !
93
Les organisations syndicales n’ont jamais attaqué l’entreprise sur le projet.
Selon le membre du CCE, élu CFDT « Tu ne peux avoir d’intersyndicale sur un gros sujet
comme ça. Car c’est là où tu vois les différences entre syndicats. L’intersyndicale pour quoi
faire ? La CGT traditionnellement va au front quitte à faire fermer une boîte ! Nous nous
préférons négocier. Par contre, il y a une intersyndicale pour les billets GP. »
Le contact avec les représentants du personnel en local a été très léger du fait que les réunions
du CE se font par les DRH de chaque direction. Ainsi, les RRH n’avaient pas à intervenir
dans le process.
De plus, le fait que les départs étaient non contraints, que le management n’a exercé aucune
pression sur les salariés et que toutes demandes de complément d’informations étaient
apportées par la fonction RH ou le cabinet extérieur, rassurait les salariés.
1.6 L’impact humain : pas de dégât humain
Les avis sont partagés.
Selon la RRH « Il n’y a pas eu de démotivation. Les gens étaient ravis de partir à la retraite.
Il n’y a pas eu de mesure du stress mais il n’a pas été ressenti de pics de stress. Les personnes
voyaient les personnes partir de manière cadencée. Par contre, les dates de départ étaient à la
main des managers en fonction des impératifs du service. S’il y avait besoin de la personne
jusqu’en décembre, c’était possible. Les départs se sont déroulés en douceur. Comme
l’activité n’a pas repris en 2010/2011, il n’y avait pas de charge de travail suite à ces départs
donc il n’y a pas eu de détérioration des conditions de travail ».
De plus, sur l’un des secteurs impactés par le projet, un nouveau système d’information a été
implémenté, ce qui a demandé une certaine mobilisation, ce projet était moteur pour les
salariés restants.
Et puis sur certains secteurs, l’activité n’a pas faibli, on a fait jouer la mobilité, donc on est
reparti sur une dynamique très vite. La phase d’immobilisme n’a pas duré longtemps.
On retrouve cet « effet d’aubaine » que représentait le PDV dans les discours des personnes
interrogées. Et que globalement, les gens n’étaient pas inquiets sur la boîte.
94
Néanmoins, dans le discours du membre du CCE et de l’assistante sociale, ils considèrent que
les salariés étaient plus inquiets sur le fonctionnement de leur équipe après un départ, car ils
disaient : « je vais devoir travailler davantage, ça va être plus pénible ».
« L’échec de la boîte a été de prévoir des incitations financières à partir vite, c’est-à-dire avant
juin 2010. Or, le pic d’activité est en juillet. Beaucoup de départs ont eu lieu avant juillet,
cette période a été très critique pour l’exploitation. Ça a été très mal géré et mal perçu par les
agents. D’ailleurs, le DGRH en octobre novembre 2009 disait que le plus difficile serait
d’assurer l’exploitation en intégrant tous ces départs ».
On relève en effet une prise de conscience de la part de la DRH mais il n’y a pas eu
d’anticipation malgré tout. L’objectif était de valider de nombreux départs volontaires.
Enfin, il ressort de l’interview menée avec une personne de l’encadrement que la place du
RRH dans ce dispositif était pour finaliser les papiers avec le salarié partant car tout
l’accompagnement sur son nouveau projet a été fait par le cabinet extérieur.
1.7 L’implication des managers : forte
Selon le RRH « le message était clair, les managers devaient être proactifs. Ils ont bien
compris leur rôle. Ils ont porté le projet ».
2 ans après : le plan de redressement « Transform2015 »
Les résultats 2011 d’Air France (AF) se caractérisent par une perte d’exploitation pour la
troisième année consécutive : 1,8 Md d’euros de perte sur trois ans.
L’objectif financier fixé par le conseil d’administration est de réduire le désendettement de 2
milliards d’euros à fin 2014.
Alexandre de Juniac est nommé Président en novembre 2011. Et un nouveau DGRH ayant
travaillé à ses côtés précédemment est nommé en ce début d’année 2012.
Le Président annonce lors d’un CCE extraordinaire le 10 février 2012, la démarche souhaitée
du Plan Transform. Il présente le nouveau DGRH.
L’entreprise veut agir vite afin de simplifier les structures et retrouver la voie de la flexibilité,
par quatre moyens :
- Mesures conservatoires : gel des embauches, des salaires
95
- Négociation sur l’accompagnement du projet de redressement Transform 2015
- Renégociation des accords d’entreprise – objectif : un gain de 20% d’efficacité
économique (avancements, promotions, temps de travail, prise de congés, composition
d'équipage, etc.)
- Plan de départ volontaire
Le constat est fait qu’aujourd’hui la masse salariale augmente très vite et représente une part
trop importante du chiffre d’affaires (32.5%). Les accords collectifs en vigueur ne servent
plus les intérêts économiques de l’entreprise et fragilisent la pérennité des emplois des
salariés. L’entreprise et les organisations syndicales doivent définir un nouveau cadre
conventionnel.
Quelques mois après sa nomination, le DGRH a un planning chargé par des réunions de
négociations avec les partenaires sociaux et des CCE.
Le DGRH a réussi à signer le 15/03/2012 avec les organisations syndicales à la majorité un
accord de cadrage et de méthodologie qui a fixé les objectifs et le planning de négociation.
Des mouvements de grève ont eu lieu mais n’ont pas bloqué les négociations.
L’entreprise a fait le choix d’imbriquer le projet Transform à la négociation du nouveau cadre
conventionnel. En ce sens où si les accords sur la redéfinition du cadre conventionnel sont
signés, la direction s’engage à ce qu’il n’y ait pas de départs contraints d’ici 2014.
Ainsi, en parallèle, le CCE est informé-consulté sur le projet du Plan Transform.
Un CCE extraordinaire s’est tenu le 30 mars pour faire un point d’étape sur le plan Transform
puis le 24 mai sur le rapport de l’expert, le cabinet Secafi.
Le 21 juin s’est tenu le CCE extraordinaire avec pour ordre du jour : « Informations
complémentaires sur le plan "TRANSFORM 2015" et informations sur le volume et les
modes de traitement envisagés des sureffectifs sur la période du plan. »
Et le 28 juin, la direction a présenté son projet d’accord sur le plan de redressement
Transform2015. L’avis du CCE a été recueilli : avec 7 voix contre en provenance de la CGT
et de FO alors que 8 voix s’abstenaient (CFDT, CFE-CGC, UNSA et UNAC).
96
En parallèle, les négociations sociales sur le cadre conventionnel menées par le DGRH se sont
déroulées d’avril 2012 à juin 2012.
Les négociations ont porté sur les thèmes :
- Emplois et mutations (objectif : simplification de la classification des emplois et
réduction des filières métiers (projet "Passerelle") pour favoriser les mobilités
- Rémunération et carrière (avancements, promotions)
- Temps de travail et congés (réduire les jours de congés supplémentaires)
Elles ont abouti suite à l’avis du CCE à une signature le 6 juillet 2012 pour le personnel au sol
(accord signé par les organisations syndicales CFE-CGC, la CFDT, FO qui avaient recueilli
parmi les personnels au sol une audience de 46,5 % lors des dernières élections
professionnelles). Mais la CGT a fait opposition à l’accord qu’elle n’a pas signé.
Par contre, le DGRH n’a pas eu la signature du projet d’accord pour le PNC. Ainsi, il va
devoir poursuivre la dénonciation des accords et aura 15 mois pour renégocier. Néanmoins, il
ne garantit plus aux PNC des départs non contraints.
Quant aux PNT, il aura la décision sur une signature que mi-août.
Une session extraordinaire du CCE s’est tenue le 26 juillet sur la gestion prévisionnelle des
emplois et des compétences et sur le PDV des personnels au sol.
Le plan Transform prévoit notamment la suppression totale de 5 122 postes. Ce volume tient
compte des prévisions des départs naturels. Ce qui représente 3 410 départs volontaires d’ici
décembre 2013 dont 2767 départs chez le personnel au sol.
Le projet de PDV sera soumis à la consultation du CCE le 19 septembre prochain. Les
mesures d’accompagnement seront alors détaillées, puis, communiquées lors d’une campagne
d’information aux salariés qui débutera le 1er octobre 2012.
Compte tenu des contraintes légales, les premiers départs
n’interviendront qu’à partir de fin novembre 2012 et s’échelonneront jusqu’à fin septembre
2013.
97
Les avis sont unanimes : Air France vit une situation sans précédent qui angoisse tous les
salariés jusqu’aux cadres. Cette restructuration est une lourde refonte des métiers et de
l’organisation et des acquis sociaux. Ce sera dur alors que le marché de l’emploi est en berne.
Où vont-ils trouver les volontaires sachant que les salariés de 60 ans et plus sont partis lors du
PDV 2010 et qu’entre temps il y a un allongement de la durée du temps de travail.
C’est un gros chantier pour l’équipe de la DGRH. Selon le membre du CCE « le PDG et le
nouveau DRH sont un peu seuls ! Car en dessous les équipes n’ont pas changé ». On ressent
en effet la réticence à un tel projet par les équipes en place et la pertinence de changer de tête
pour faire bouger une entreprise.
Selon le RRH « L’enjeu est de taille. C’est une vraie révolution, rendez-vous compte, tous les
accords RTT sont mis à plat ! » « L’entreprise est liée par des accords depuis des décennies,
un vrai millefeuille. Et puis elle est face à un corporatisme majeur (les navigants) ! »
Selon un salarié, maintenant que les accords sont signés, nous attendons que les RRH nous
expliquent ce qui va changer notre quotidien. « On a besoin de documents officiels ».
Nous avons observé que la communication a été très dense durant notre stage : dès la fin de la
première réunion du CCE du 10 février, une web conférence a été tenue par le Président en y
conviant tous les salariés.
Un site internet dédié au projet Transform a été ouvert début mars et alimenté régulièrement.
Douze « Flash actu » sont parus entre le 1er
février et le 1er
juin, informant les salariés des
avancées des négociations.
En parallèle, le journal du groupe Air France publiait tous les mois une information sur le
projet.
Ce qui nous a marqué c’est le rythme soutenu qui a été entrepris par le binôme Président,
DGRH dès leur nomination pour proposer un plan de redressement. En un semestre, un
nouveau cadre conventionnel a été signé pour le personnel au sol et un projet de départs
volontaires va être mis en place dès la fin 2012. Et sans conflit social bloquant toute
négociation. Selon le RRH sollicité, « c’est une nouveauté chez Air France », même si ce
binôme avait l’expérience de mener un projet de restructuration.
Par contre, la structure en silo d’Air France ne permet pas la cohésion d’équipe, et encore une
fois, seul le personnel au sol s’est engagé dans la voie du redressement en signant un nouveau
98
cadre conventionnel alors que le personnel navigant n’a pas dit son dernier mot.
Malheureusement, c’est perçu comme un manque d’équité par le personnel au sol.
99
ANNEXE 2
2. L’arrêt de la fabrication de puces chez Freescale à Toulouse
2.1 Le contexte
Le site de Toulouse est une unité de production de carte à puces construite dans les années
1980, où l’on produit des galettes de silicium de 6 pouces. Le marché est aujourd’hui sur du
12 pouces.
Le site compte 1300 salariés. Il y a trois activités :
- Développement de la recherche pour la téléphonie mobile (236 personnes)
- Fabrication de galettes de silicium (821 personnes)
- R&D (500 personnes)
En avril 2009, les Etats Unis ont décidé d’arrêter les 2 premières activités : soit 1057 emplois
supprimés. L’arrêt de l’activité Développement de la recherche pour la téléphonie mobile
s’est faite à courte échéance car c’était une activité où le développement était en baisse.
Et l’activité de fabrication de galettes de silicium (821 salariés) devait s’arrêter fin 2011,
début 2012. La fermeture a été repoussée le 10 août 2012 pour finir la production demandée.
Les deux raisons économiques du projet :
1/ Obsolescence des produits (technologie 6 pouces), il fallait convertir le site pour une
fabrication de 8 à 12 pouces (soit 8 à 10 milliards de dollars d’investissements). Ils ne
pouvaient pas investir étant donné que le chiffre d’affaires est de 4 milliards de dollars.
2/ il y a déjà 2 sites de fabrication aux Etats Unis de 8 pouces (qui pouvaient accueillir les
activités faites en France).
2.2 La prise de décision : à l’étranger mais marge de manœuvre locale
100
Le siège aux Etats Unis (EU) a pris la décision d’arrêter la fabrication de puces à Toulouse.
Ils ont appelé le Président France et le DRH, pour les informer. Ils sont partis 5 jours aux EU.
Avant de partir, le DRH et son adjoint spécialiste en relations sociales, ont réalisé plusieurs
hypothèses de travail chiffrées, en un temps relativement court et en toute confidentialité.
Le Président et le DRH ont formulé leurs hypothèses et essayé qu’ils reviennent sur leur
décision. Le projet devant se faire, ils ont fixé leurs conditions : que la fermeture se fasse dans
3 ans pour éviter la casse sociale.
Selon le DRH, « ce sont plusieurs semaines d’âpres négociations. Les discussions ont duré un
mois et demi pour qu’enfin la corporation disent OK sur le plan et sur les montants ».
2.3 La communication : immédiate, la direction occupe le terrain
La communication est à la main du Président et du DRH. Et même s’il y a un service
communication, le DRH valide le contenu.
C’est le Président qui est porteur du projet opérationnel et le DRH ne le conçois pas autrement
« sinon ça ne peut pas marcher. Le DRH est là pour la partie support mais son rôle n’est pas
d’affirmer son leadership pour l’annonce du projet ».
Dès la fin d’une réunion du comité d’entreprise sur le projet ou d’une réunion de négociation,
c’est le Président et le DRH qui se chargent d’annoncer le projet à toutes les équipes
travaillant sur le site. « C’est une tradition le dialogue en permanence avec le salariés ».
Les managers étaient tenus informés par le DRH des échanges et avancées avant la sortie de
la réunion, afin qu’ils n’apprennent rien de la bouche des syndicats.
Ce qui leur a posé problème c’est de devoir respecter le silence avant l’annonce en comité
d’entreprise, toutefois, ils ont trouvé le bon timing pour que le Président annonce le projet aux
institutionnels (Etat, Préfet, Maire) afin qu’ils ne le découvrent pas dans la presse.
Les salariés n’ont pas été surpris par l’annonce, ils savaient qu’à terme cette activité
deviendrait obsolescente.
101
2.4 Le dialogue social : stratégique et mouvementé
Toutes les négociations ont été menées par le DRH, aidé de son adjoint expert en relations
sociales.
Ils avaient un accord de méthode signé en 2007 qui leur permettait de faire des
restructurations dans la limite de 200 postes par an. Le DRH a entamé des négociations pour
revoir cet accord.
Selon le DRH, « nous avons décidé de scinder en trois réunions ces négociations : l’une
portant sur l’espace emploi, l’autre sur la reconversion et une autre sur les indemnités car nos
deux priorités étaient les moyens et la reconversion ».
→ Négociations sur l’espace projet emploi (EPE) (2 réunions) :
5 syndicats sur 6 majoritaires ont signé
Le DRH était satisfait que dès le 8 mai 2009, l’EPE était en place, soit une équipe de 15
personnes du cabinet Altédia, pour accompagner les gens volontaires dans leur projet de
formation et de recherche d’emploi.
Le DRH et son équipe RH se sont beaucoup investis aux côtés du cabinet Altédia pour
organiser des rencontres entre les employeurs de la région et les salariés (20 entreprises sont
venues).
→ Négociations sur la reconversion (14 réunions) :
Accord signé fin août 2009 par 3 syndicats sur 6 majoritaires
Le dispositif prévoyait :
- 14 000€ de frais pédagogiques,
- Le maintien de la rémunération totale pendant 1 an pendant la formation,
- Une rémunération dégressive au-delà
→ Négociations sur les indemnités (6 réunions) :
Ce sont les réunions qui ont été les plus difficiles. Une organisation syndicale (CGT)
demandait 300 000€ en moyenne par salarié. La Direction a marqué son désaccord.
102
Ce syndicat a séquestré pendant 7 heures le DRH, son adjoint et le Président ainsi que les
syndicats majoritaires. Les membres de la direction ont dû faire intervenir la police.
Les négociations se sont interrompues. Une autre tentative de séquestration suivra à la reprise
des négociations.
Le DRH a été victime de menaces, et ils ont fait le choix de prendre des gardes du corps et de
faire intervenir les membres du GIN pour une vigilance sur le site. Selon le DRH
« heureusement, nous nous étions préparé à froid ».
Au bout de ces réunions de négociations, il n’y a pas eu d’accord.
La fourchette des indemnités va de 50 000€ à 192 000€.
Le DRH a mené les réunions d’information-consultation de décembre 2009 à février 2010.
Puis dans un tel climat, vient le temps des contentieux. Les syndicats minoritaires ont attaqué
en référé sur les raisons économiques du projet et le PSE. L’entreprise a gain de cause mais
elle a eu une remarque du juge sur les seniors. Il fallait revoir un article sur la prime de départ
anticipé. Les juges considéraient que les salariés allaient perdre 2 à 3 ans de salaires et les
avantages d’être salarié Freescale s’ils étaient volontaires au départ.
Ce qui a nécessité de revoir ce point et de renégocier.
Les grévistes attaquent l’entreprise sur le non-paiement des cinq semaines de grève.
L’entreprise a gain de cause.
2.5 Le climat social
Selon le DRH «au moment de l’annonce du projet, les syndicats se sont unis en intersyndical
mais au bout de 6 semaines ça a explosé en 2 groupes : les partisans d’une bataille pour
l’emploi (syndicats majoritaires (FO, CGC, UNSA)) et ceux qui se battent pour les
indemnités (minoritaires CGT) ».
Les syndicats minoritaires ont décidé de bloquer le site. La grève a duré cinq semaines.
L’objectif était d’empêcher le PSE et de mettre la pagaille. La tension était vive, le DRH a fait
intervenir les CRS et la Préfecture.
Ce mouvement ne s’est pas généralisé, il n’y avait que 10% de grévistes. Ce qui a permis au
DRH de relativiser.
103
2.6 L’impact humain
● Le premier enjeu est de se préoccuper des reclassements :
Sur les 821 postes supprimés :
264 salariés ont quitté l’entreprise avec un projet,
400 personnes ont bénéficié de formation en fonction de leur projet et sur des métiers en
tension. Sur les 400 : 200 sont partis et 200 sont revenus à leur poste,
40 personnes ont été reclassées en interne.
L’entreprise s’est montrée socialement responsable :
Il y a eu une réelle dynamique d’investigation et de communication sur les
reclassements externes. C’est le fruit du contrat passé avec le cabinet de reclassement Altédia,
du suivi mensuel mené par le DRH en présence de la DIRECCTE, et du travail de l’équipe
RH, sur les passerelles possibles sur des postes des entreprises comme le CHU, Tisséo,
Airbus, et sur la rédaction d’un catalogue des métiers en tension dans la région et comment y
aller.
Sans doute aussi, sous la pression de la convention signée avec l’Etat pour la
revitalisation du bassin d’emploi, l’entreprise s’engage à recréer un emploi dès qu’un emploi
est détruit, sinon elle paiera une amende.
● L’autre enjeu de taille est de poursuivre la communication positive envers les équipes
restantes au sein de la R&D. Selon le DRH « ils expriment un réel besoin de tourner une page,
ils demandent de sortir de l’empreinte du passé en modifiant la composition des bureaux par
exemple».
Aussi, le DRH suit le taux d’absentéisme (4,5%) qu’il trouve normal. Il suit le baromètre du
bien être avec la médecine du travail et le comité de prévention du stress. « On a identifié 50
cas difficiles. Une cellule médico-psychosociale se réunit toutes les semaines et fait des
préconisations ».
Selon le DRH « c’est long 3 ans sur le plan humain. Mais c’est ce qu’il fallait faire pour les
salariés (certains ont 20 ans de boîte et sont rentrés avec un CAP) ».
104
Même s’il est trop tôt pour faire le bilan, l’avis du DRH à ce stade est que «le RH doit être
crédible, avoir une confiance en amont du projet. Le binôme Président/ DRH doit bien
fonctionner. Nous sommes fiers d’avoir pu anticiper ».
105
ANNEXE 3
3. L’arrêt d’activité chez Arcadie Sud-Ouest
3.1 Le contexte
Le site de Bordeaux qui compte 110 salariés est un site de découpe de porc qui n’a pas
d’activité d’abattage sur le même lieu. Il n’est pas compétitif. Il enregistre des pertes sur 3 ans
de 1 million d’euros.
3.2 La prise de décision : un DRH associé
En 2007, le conseil d’administration a demandé d’enrayer les pertes et le Président envisage
alors l’arrêt de l’atelier découpe, ce qui représente 55 postes supprimés.
Le Chef de centre niait les pertes et était remis en cause.
Le DRH est associé à la réflexion sur les modalités de cette restructuration. Il planche sur les
hypothèses de travail et les membres de la direction hésitent entre l’annoncer immédiatement
risquant de compromettre l’activité ou retarder l’échéance de 7 mois.
Ils ont pris la première option.
3.3 Le dialogue social
Le DRH se charge de la rédaction des livres III et IV et est très vigilant pour la rédaction du
motif économique. Pour cela, il fait appel aux conseils d’un avocat et il avait un bon
relationnel avec le directeur administratif et financier.
106
Il informe le directeur général des risques contentieux en fournissant un chiffrage. Pour éviter
tout risque, le DRH voulait valider tous les documents, courriers qui allaient être produits.
Lors des réunions CE d’information-consultation, le DRH voulait systématiquement la
présence du DG.
C’est lors de la négociation sur le PSE que le dialogue s’est rompu. Il y a eu une semaine de
grève menée par la CGT, très tendue avec des barrages à l’entrée, insultes ; dans l’objectif de
faire monter l’indemnité supra légale.
Le DRH a même demandé l’intervention de l’inspecteur du travail comme médiateur, mais
sans résultat. La situation s’est soldée par un constat d’huissier et la saisine du TGI en référé.
L’entreprise a eu gain de cause et chaque gréviste a été condamné a payé 1500 €.
Ce que le DRH tenait à nous dire c’est qu’en parallèle de la procédure officielle, il y a une
procédure officieuse menée avec une délégation plus restreinte, plus proche pour faciliter les
négociations.
Nous retenons que le dialogue social n’a pas été facilité à cause de deux acteurs extérieurs.
Tout d’abord l’expert nommé SECAFI outrepassait son rôle en donnant des conseils sur la
durée de la grève, et les actions à mener devant les prud’hommes.
Ensuite, le cabinet de reclassement Altédia se permettait de donner des conseils juridiques.
3.4 La communication : pédagogie
Le DRH a fait accepter au DG qu’il contrôle toute la communication. Selon lui, c’est son rôle
même en temps normal.
En amont du projet, le DRH a été confronté à l’inquiétude des membres de la direction face
aux répercussions de la restructuration. Il a entrepris un gros travail de pédagogie des
dirigeants, très chronophage (réunions, face à face le soir). Les commerciaux étaient en
demande par rapport à leurs clients.
« Aussi il était vital d’informer les clients du projet pour ne pas qu’ils se détournent de
l’entreprise ».
107
« J’ai fait des réunions avec l’encadrement aussi pour voir qui était en méfiance par rapport au
projet ». Notamment le chef de centre l’était. Ce fut difficile que le manager du site se
désolidarise. Mais son comportement n’a surpris personne. Il a d’ailleurs été licencié plus tard
car il ne communiquait jamais et n’entretenait pas le dialogue avec les représentants du
personnel. Sa présence a été un handicap pendant le projet.
Et puis « j’ai eu un rôle important sur la clarification du motif économique auprès des
salariés. L’enjeu est qu’il ne fasse de débat pour personne ».
« Je faisais également des notes internes à tous les responsables de site à chaque fin de
réunion. Tout le groupe était informé car on craignait l’effet boule de neige et que la grève
s’étende à d’autres sites. Mais la solidarité n’a pas eu lieu ».
Les institutionnels ont été également prévenus qu’un projet était en cours. Le DRH a prévenu
le Maire et le directeur du travail, le DG a prévenu le Préfet. Ils ont apprécié car dès le
premier jour de grève, les salariés étaient devant le bureau du maire.
Le DRH était très présent sur le site de Bordeaux. « Pendant 2 mois, je suis resté là-bas, je ne
rentrais que le weekend end. C’était du 5H30 21H. C’est indispensable d’être présent pour
éviter tout contentieux ».
« J’étais à l’écoute, j’ai martelé le discours pour mettre les salariés dans une dynamique de
recherche d’emploi. Sur le terrain on vit la phase du déni, de la colère. Faut être capable
d’accepter tout ça pour faire ce métier ».
« Pour cela, il faut bien se connaître. Quand on a une baisse de régime, il ne faut pas y aller, il
faut travailler sur les autres dossiers pour revenir gonflé à bloc. Car c’est une course contre la
montre. Je me tenais à mes objectifs, il faut se mettre des check point, c’était ma motivation,
mon moteur ».
3.5 L’impact humain
Le syndrome du survivant a été perçu. Il y a plusieurs phases : d’abord le soulagement que les
critères d’ordre ne vous désignent pas, et puis la culpabilité. Mais ça n’a pas duré longtemps.
Le rôle très important du DRH est d’identifier les salariés à risque, en détresse psychologique
ou déjà fragiles avant et en détresse financière après (crédit de maison).
108
Pour cela, le DRH était présent et a fait des entretiens individuels pour ceux qui le
souhaitaient à l’issue des réunions d’information-consultation. Tous les salariés sont venus.
Le bilan, sur 55 suppressions de postes :
- 15 reclassements internes
- 50% reclassements externes (salariés sur poste avec technicité âgés de 45/48 ans Ex :
boucher). Le DRH a appelé les grossistes aux alentours,
- 50% ont bénéficié de la cellule de reclassement (salariés sans technicité,
administratifs)
Au bout d’un an, 20% restant n’avait pas retrouvé d’emploi.
C’est lors de la commission de suivi qui a duré 1 an, que le DRH s’est rendu compte
qu’Altédia était mauvais. « C’est l’usine chez eux au niveau des entretiens. Les débriefs sont
très légers ».
Le DRH a retenu que le choix du cabinet est très important.
Selon le DRH, son échec est d’avoir eu une grève d’une semaine et de ne pas avoir senti plus
tôt que la présence du chef de centre était une erreur. Le dialogue social est important dans
une phase de restructuration mais là le terrain n’était pas favorable, les élus n’étaient pas en
confiance. Il a le sentiment également qu’il aurait dû préparer plus en amont la négociation du
PSE avec une délégation restreinte.
109
ANNEXE 4 : Trame des entretiens semi-directifs
Elle fut l’objet d’adaptation lors de chaque entretien.
1. DECISION
Comment avez-vous appris la décision du projet ?
Comment vous êtes-vous organisé suite à cette décision ?
Propositions de différentes modalités de gestion du sureffectif ?
2. CONFLIT SOCIAL
De quel nature était le conflit social (durée, suivi, TGI) ? difficultés ?
Quelles revendications syndicales (abandon projet, négociations d’indemnités ?)
Quel impact sur les salariés ? convaincus ?
3. MEDIATISATION et COMMUNICATION
Situation médiatisée, pour une entreprise bien ancrée sur son territoire, est ce que le dialogue
social a été bousculé par l’ingérence du Préfet ?
Qui s’est chargé de la communication interne comme externe?
Quel type de communication, quand et la cible ? quid des externes ?
Echec/ réussite
4. PSE
Process, négociations avec OS ? Accord de méthode ?
PSE à ce stade ?
Cette situation permet-elle vraiment d’être dans de l’anticipation ?
Quelles mesures ont été prises pour les salariés, les sous-traitants ? Quels freins ?
Quelles actions pour le bassin d’emploi ?
Avez-vous mis en place le gel des embauches pour favoriser le reclassement sur le R&D ?
Vous avez choisi l’accompagnement d’un cabinet ? est-ce qu’un PSE a été signé, que prévoit-
il ?
110
4. POLITIQUE RH
Quelles mesures ont été prises pour les salariés, les sous-traitants ? Quels freins ? (Gel des
embauches ?)
Quelles actions pour le bassin d’emploi ?
Comment mener de front une restructuration et le développement du groupe ?
Quid des actions sur la diversité, les seniors, fidélisation des talents pendant ce temps ?
5. CLIMAT SOCIAL ET SANTE AU TRAVAIL
Ambiance, qualité de vie au travail, santé des salariés ?
Avez-vous remarqué le syndrome du survivant ?
Quelles actions ? sur les conditions du travail
6. IMPLICATION DES MANAGERS
Face au changement (accompagnement ?)
Actions RH
7. SUIVI
Y a-t-il eu un suivi ?
111
TABLE DES ANNEXES
ANNEXE 1 : Etude des restructurations de 2009 et 2012 chez AIR France
ANNEXE 2 : Etude de la restructuration menée de 2009 à 2012 chez FREESCALE
ANNEXE 3 : Etude de l’arrêt d’une activité chez ARCADIE Sud-Ouest
ANNEXE 4 : Trame des entretiens semi-directifs
112
TABLE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Types de restructuration
Tableau 2 : Trois types de licenciements économiques
Tableau 3 : Les délais entre chaque réunion d’information consultation
Tableau 4 : Principales conséquences personnelles et organisationnelles du downsizing
113
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION…………………………………………………………………….……..6
PARTIE 1 : Le cadre d’analyse……………………………………………………….…….9
I. La place du DRH dans le choix stratégique de l’entreprise de restructurer…...…10
1. Le concept de restructuration………………………………………………….…….10
2. La prise de décision et le DRH……………………………………………...………18
2.1 Comment les choix de suppressions de postes sont faits ?....................................19
2.2 Conséquences des décisions transnationales………………………….……….…20
2.3 Quelle latitude a le DRH ?.....................................................................................21
3. La préparation à froid……………………………………………………………..…23
3.1 Définition d’un référentiel de mesures RH…………………………………..…..24
3.2 Anticiper les points durs………………………………………………..……..….24
II. La mise en œuvre d’une restructuration avec suppression d’emplois……....…..…26
1. Le DRH et les représentants du personnel………………………………………......27
1.1 De quelle manière et à quel moment les partenaires sociaux sont impliqués dans
le processus et pour quels objectifs?......................................................................27
1.1.1 Implication des instances représentatives du personnel………………..….27
1.1.2 Implication des organisations syndicales représentatives…………………30
1.2 Les mesures d’accompagnement d’un licenciement économique : quelle latitude
du DRH dans la négociation ?...............................................................................31
2. Le DRH et la communication……………………………………………………….36
3. Le DRH intervient en matière de gestion du risque d’un conflit social………….…38
III. Le DRH face à la dimension humaine du projet de restructuration………...…….42
1. Les effets des restructurations sur les ressources humaines…………….…………..42
1.1 L’impact sur les collaborateurs……………………………………………….….42
1.2 La remise en cause des équilibres en termes de compétences et de savoirs……..45
1.3 Les risques sur les conditions de travail…………………………………………46
1.4 Les incidences sur l’image de l’entreprise………………………………….……47
2. Des effets pervers qui remettent en cause la réussite de la restructuration…………48
3. Les restructurations et le management……………………………………………...48
114
PARTIE 2 : L’enquête de terrain, présentation de trois études de cas…………………..51
I. La méthodologie utilisée…………………………………………………………..…..52
1. Le choix des entreprises…………………………………………………....…….….52
2. Les techniques de recueil d’informations utilisées……………………………….…53
2.1 L’entretien semi directif………………………………………………………….53
2.1.1 Le choix des personnes sollicitées………………………………..………53
2.1.2 Présentation de la méthode utilisée……………………………………....54
2.2 Le recueil de documents écrits…………………………………………………...55
2.3 La conversation terrain…………………………………………………….……..55
II. Présentation des résultats au sein des trois entreprises……………………….……56
1. Le DRH est très rapidement tenu informé de la décision de restructurer…………..56
2. Le DRH : leader de la négociation et du processus d’information-consultation…...58
3. Un DRH devant gérer une grève………………………………………………..…..60
4. Le DRH et la communication : il occupe le terrain…………………………...…….61
5. Le DRH face à l’impact humain…………………………………………………….63
6. Des DRH innovent dans les mesures d’accompagnement…………………………..65
PARTIE 3 : Préconisations opérationnelles…………………………………………….....70
I. Les axes de recommandations……………………………………………………....71
1. Privilégier l’anticipation à la précipitation……………………………………….…71
1.1 Le développement de l’employabilité et l’anticipation de l’annonce……………72
1.2 Le DRH doit lever ces freins………………………………………………….….74
2. Prendre le temps du dialogue social………………………………………..……….75
3. Le DRH devient acteur de la communication…………………………………….....77
4. Le DRH doit être sélectif sur les mesures d’accompagnement………………….….80
II. Une mutation de la fonction RH……………………………………………………82
CONCLUSION…………………………………………………...……………………...….85
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