Paris capitale de la mode Construction de savoir-faire et
remise en question du mythe de la Ville-Lumière
Delphine Barthier
Mémoire de 4ème année
Séminaire : La fabrique culturelle
Sous la direction de : Claire Toupin-Guyot
2013-2014
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
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Je tiens à remercier tout particulièrement Madame Toupin-Guyot pour sa
disponibilité tout au long de la rédaction de ce mémoire. Je la remercie pour le temps
consacré à répondre à mes interrogations concernant ce travail et pour son soutien
dans mon orientation. La qualité de son enseignement dans le cadre du séminaire la
Fabrique Culturelle et du cours d’Histoire culturelle a été un précieux outil pour la
rédaction de ce mémoire.
Mes remerciements s’adressent aussi aux interlocuteurs qui ont acceptés de répondre
à mes interrogations avec gentillesse et professionnalisme. Je remercie donc David
Zajtmann, professeur à l’Institut Français de la Mode pour la pédagogie dont il a fait
preuve et pour le temps qu’il a consacré à me recevoir. Pour son extrême sympathie,
je remercie également Christophe Girard, maire du IVème arrondissement qui m’a
reçu en pleine période électorale pour partager avec moi son expertise sur la
politique et la mode.
Toute ma gratitude s’adresse également à ma cousine Céline Regnard qui a multiplié
les efforts pour m’obtenir un rendez-vous auprès de Loïc Prigent. Je souhaite
remercier ma famille et mes amis qui ont soutenu mes efforts tout au long de mon
travail de recherche et de rédaction. Enfin, j’adresse un merci particulier à mon amie
Costanza Spina, pour avoir partagé avec moi son amour de la mode et pour son
investissement dans la réalisation de notre module projet commun.
Remerciements
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
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Illustration 1, p 42 – Plan du quartier de l’Opéra avant 1909. Source : Carte RATP.fr Illustration 2, p 44 – Plan du quartier des Champs Elysées à partir de 1909. Source : Carte RATP.fr Illustration 3, p 47 – Défilé Chanel Automne Hiver 2010 au Grand Palais. Source : <http://www.be.com/blogs/louison/mode-1543630/defile-chanel-palais-128258.html>, (consulté le 20 février 2014) Illustration 4, p 49 – Publicité pour le parfum « Paris », par Yves Saint Laurent, 1983. Source : <http://bettyboop60-bettyboop60.blogspot.fr/2013/05/paris-je-taime-avec-anja-rubik.html>, (consulté le 3 mars 2014) Illustration 5, p 52 - Liste des plus illustres couturiers parisiens. Source : Fouchard, Gilles, Idées reçues : la mode, le Cavalier Bleu Editions, 2004 Illustration 6, p 56 – Inès de la Fressange en Chanel. Source : <http://rdujour.com/index.php?s=Ines+de+la+Fressange>, (consulté le 20 avril 2014) Illustration 7, p 88- Illustration 7 - Matrice BCG théorique des produits proposés par une maison de haute couture. Source : Agogué, Marine, Nainville, Guillaume, La haute couture aujourd’hui : comment concilier le luxe et la mode, Gérer et comprendre, Mars 2010, n°99.
Table des illustrations
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
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ANDAM : Association Nationale pour le Développement des Arts de la Mode CFDA : Council of Fashion Designers of America LVMH : Louis Vuitton Moët Hennessy PAIS : Protection Artistique des Industries Saisonnières PFW : Paris Fashion Week PPR : Pinault Printemps Redoute RTW : Ready To Wear, traduction anglaise du prêt-à-porter SHC : Société de l’Histoire du Costume SMCP : Sandro Maje Claudie Pierlot
Table des sigles et abréviations
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
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Introduction ................................................................................................................ 6
Chapitre 1. Paris Capitale de la mode, une hégémonie fondée sur la haute couture.......................................................................................................................16
I- La haute couture, un savoir-faire artisanal constitutif de la domination de Paris.............16
II- Une mode parisienne légitimée par la vigueur de ses institutions.....................................29
Chapitre 2. Paris Capitale de la mode, une hégémonie construite sur l’aura de la Ville-Lumière............................................................................................................41
I- Paris, un écrin d’exception pour la mode.....................................................................41
II- La patrimonialisation de la mode par la capitale française ...........................................57
Chapitre 3. Paris Capitale de la mode, une hégémonie menacée ? .....................71
I- Paris face à la globalisation ................................................................................................71
II- Les stratégies de la France pour que sa capitale conserve sa position hégémonique........85
Conclusion................................................................................................................100
Sommaire
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
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Introduction :
« Paris fait plus que la loi, il fait la mode ». Victor Hugo, Les misérables.
Mon ambition de travailler sur le vaste sujet de la mode française a été
motivée par mon intérêt grandissant pour cet univers. Après avoir passé sept mois à
New York en stage au cours de ma troisième année, je suis rentrée en France pour
effectuer un second stage auprès d’une Américaine, ancienne styliste et aujourd’hui
critique et journaliste de mode. J’ai donc fait mes premiers pas dans l’univers de la
mode parisienne au moment de la Fashion Week haute couture qui s’est déroulée du
1er au 5 juillet 2013. C’est en assistant à plusieurs défilés de haute couture que j’ai
commencé à m’interroger sur la fascination qu’exerçait Paris sur le monde de la
mode. En observant les mouvements de foules hystériques à la sortie des défilés je
me suis demandée : Pourquoi dit-on que Paris est la capitale de la mode ? J’ai
interrogé ma maitre de stage pour comprendre comment elle avait pu quitter New
York (qui me manquait déjà) pour Paris. Elle m’a répondu que lorsque la mode new
yorkaise a été dévastée par le SIDA à la fin des années 80, le choix de venir exercer
son métier à Paris s’était imposé à elle. En matière de mode, Paris serait donc une
évidence ?
Le sujet « Paris capitale de la mode » n’a pas été le premier sujet auquel j’ai
pensé pour ce mémoire. J’avais une réelle envie de travailler sur la mode mais sans
savoir réellement comment aborder un tel sujet. Au début de ma phase de recherche,
je voulais centrer mon analyse sur le concept de Fashion Week. Il m’avait semblé en
démarrant mes lectures qu’il n’existait pas d’analyse portant sur les semaines de la
mode à travers le monde. Jugeant que le sujet était trop périlleux et pas assez
documenté, j’ai voulu revenir sur les origines de ce que l’on appelle un défilé de
mode afin de pouvoir étendre une partie de mon analyse à l’étude du phénomène des
Fashion Weeks. Mes premières recherches se sont concentrées sur l’histoire de la
mode, un angle scientifique nécessaire pour entamer mon travail. Or à la lecture de
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
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nombreux ouvrages sur la mode française, j’étais immanquablement ramenée à
étudier l’apparition de la haute couture et de l’influence de ce savoir-faire sur la
mode française actuelle. Paris est le berceau de la haute couture. Cette découverte
m’a poussé à m’interroger sur la place de Paris dans l’imaginaire de la mode
international et m’a conduit à formuler mon sujet : Paris capitale de la mode,
Construction de savoir faire et remise en question du mythe de la Ville-Lumière.
Effectuer un mémoire dans le cadre du séminaire « La Fabrique culturelle »
sur le thème de la mode, c’était saisir l’opportunité d’effectuer un travail de
recherche scientifique sur l’objet de ma fascination : la mode parisienne. Les
recherches que j’ai menées pour écrire ce mémoire m’ont permis au fil de mes
lectures de me forger une culture sur l’Histoire de la mode et du luxe absolument
nécessaire à la poursuite d’une carrière dans ce domaine. L’occasion m’était alors
donnée d’approcher un sujet vaste comme celui de la mode, au prisme d’une
problématique spatiale plus précise. Effectuer un mémoire sur le thème de la mode
m’a également permis d’aller à la rencontre de professionnels du secteur, ce qui
constitue à mon sens un réel enrichissement professionnel et personnel. J’espère
avoir l’occasion de me servir de ce mémoire pour atteindre mes objectifs
professionnels car il témoigne de ma capacité d’analyse en histoire de la mode et du
luxe.
Avant de passer à la phase d’analyse, il a fallut au préalable définir les termes
clefs du sujet. Le dictionnaire Larousse définit la mode comme une manière de vivre,
de se comporter, propre à une époque, à un pays. Le premier sens du mot mode est
donc celui d’un phénomène social, il décrit une manière de se comporter en société.
Mais si on s’intéresse à la dimension textile de la mode, elle désigne alors l’aspect
caractéristique des vêtements correspondant à une période bien définie. Si l’on
couple ces deux définitions, la mode est donc un phénomène social et sociétal qui
évolue dans le temps. Le terme mode désigne également un commerce, une industrie
et un corps de métier. Paris serait donc la capitale de la « mode », où le terme mode
est pris dans son acception large, comme façon de s’habiller selon une période
donnée mais aussi comme corps de métier.
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Si le sujet Paris capitale de la mode avait fait l’objet d’une thèse, on aurait pu
s’interroger sur la prétention de Paris au titre de capitale du luxe. La mode et le luxe
en France sont souvent associés et mis sur le même plan. Il arrive dans certains
articles de presse que l’on fasse mention de Paris comme la capitale mondiale de la
mode et du luxe. Avant de centrer uniquement mon analyse sur la mode parisienne, il
a fallu étudier la définition du luxe pour pouvoir mieux l’écarter de mes recherches.
Le dictionnaire Larousse définit le luxe comme le caractère de ce qui est couteux,
raffiné, somptueux. Selon Olivier Assouly, spécialiste en culture et esthétique et
professeur à l’Institut Français de la Mode, « l’opinion générale rattache le luxe aux
traditions, aux savoir-faire, aux marques, à la rareté, à la cherté, à la qualité, à la
durabilité, au plaisir, à la marginalisation des usages ou à l’ostentation ». Olivier
Assouly précise que les conditions sociales, économiques et intellectuelles dans
lesquelles est produit le luxe, n’ont cessé d’évoluer dans le temps1. A l’instar de la
mode donc, la définition de ce qui est luxueux évolue en fonction du temps et avec la
société dans laquelle il s’inscrit. Il suffit de rappeler que le luxe à cet égard fut
d’abord associé durant le Moyen-Âge aux impératifs d’honneur de la chevalerie ;
ensuite, à l’obligation de représentation dans la société de cour ; enfin, avec l’essor
du capitalisme, aux signes ostentatoires de la bourgeoisie industrielle. La
démonstration du luxe passe donc par la consommation de nourriture, l’habitat, mais
aussi par l’habillement, la richesse de la toilette et des coiffures. La mode en ce sens
peut être entendue comme une expression luxueuse dans la manière de se vêtir.
D’après Geneviève Teil, chercheur en sociologie à l’INRA, le luxe est étroitement lié
au goût et aux pratiques de consommation des élites. Les produits de luxe permettent
de marquer une spécificité en matière de goût.
Si l’on recentre ce propos sur la mode, puisque c’est l’objet de ce mémoire,
on peut dire à partir de ces définitions que la mode est le luxe de l’habillement. Il
existe une version luxueuses pour la plus part des objets de consommation. Un plat
dans un cuisiné par un chef étoilé relève du luxe, une bouteille de Grand cru est un
luxe, un bijou, une voiture, un appartement, un meuble peuvent être des objets de
luxe. Paris ne peut pas être la capitale du luxe dans le sens ou elle n’est pas la
1 Assouly, Olivier, Le luxe, Essais sur la fabrique de l’ostentation, Paris, Editions de l’Institut Français de la Mode, Editions du Regard, 2005.
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première à produire tous les objets luxueux. En dehors du vêtement, nombreux sont
les pays qui excellent dans certaines branches du luxe sans avoir besoin de se
rattacher à Paris. En horlogerie de luxe le pays de référence c’est la Suisse et dans le
secteur du meuble de luxe, il faut se tourner vers l’Italie. Paris serait donc la capitale
du vêtement de luxe, mais affirmer qu’elle est la capitale du luxe au sens large n’est
pas tout à fait exact.
Une fois écartée la possibilité de devoir traiter le sujet Paris capitale du luxe,
il a fallu faire le choix d’une chronologie adaptée qui permettrait de traiter le sujet à
l’intérieur de bornes chronologiques cohérentes. Il s’agit pour ce sujet de se
demander à partir de quand la France est-elle devenue une référence en matière
d’esthétique et de goût vestimentaire ?
Revenir à l’origine de l’affirmation « Paris est la capitale de la mode » aurait
pu me pousser à étendre ma chronologie au XIVe siècle2. En 1377, la papauté
retourne à Rome après avoir habité longtemps à Avignon. En ces temps difficiles, les
papes ont besoin d’asseoir leur pouvoir spirituel sur l’Europe. Ils vont utiliser l’art et
l’esthétique pour affirmer leur supériorité et c’est à Rome qu’ils vont déployer un
faste inégalé. Rome devient à la Renaissance la capitale de l’esthétique et du beau.
Sous le règne de François Ier, le royaume de France rejoint le cercle des nations
innovantes et avant-gardistes. Le style français s’exprime aussi bien en peinture,
qu’en architecture et la France devient aux yeux du monde un pays d’érudits et la
nation de grands artistes par l’adoption de génies comme Léonard De Vinci qui
laissera au pays des trésors comme sa célèbre Joconde.
En matière de mode, c’est sous le règne de Louis XIV que la cour du roi
instaure un apparat jamais vu auparavant. L’art de vivre à la française qui s’applique
à la cour du Roi Soleil va se répandre dans toute l’Europe. A Versailles « Il faut
éblouir pour s’imposer » explique Karl Lagerfeld à l’occasion d’une exposition
présentée à Versailles. C’est ce que s’attachera à décrire Norbert Elias lorsqu’il
évoque « la société de cour ». Dans la description de ce modèle sociologique, un
habit extravagant et luxueux a pour fonction de permettre à l’aristocratie de prouver
2 Carreira, Serge, Mode & Luxe : images et réalités de la nouveauté, master Marketing et Etudes de Sciences Po, année universitaire 2011-2012.
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sa suprématie à ceux qui ne peuvent se payer le luxe de telles toilettes. Ce modèle
sortira de l’enceinte de Versailles pour gagner les villes, où la classe bourgeoise se
distingue par son allure et constitue grâce au vêtement une identité de groupe. Cette
stratification sociale par le vêtement poussera les philosophes des lumières à de vifs
débats sur l’utilité ou la futilité du luxe. Voltaire et Rousseau s’opposeront ainsi sur
la « querelle du luxe ».
« La mode est pour la France ce que les mines d'or du Pérou sont pour
l'Espagne »3, disait Colbert en son temps. C’est par l’initiative du ministre des
finances de Louis XIV que la mode française prend une dimension industrielle. Le
métier de la mode trouve son origine dans la création de manufactures de luxe en
France, mais en ce qui concerne les vêtements c’est à Paris que se concentrent les
manufactures les plus prestigieuses. Le fourreur Revillon a ouvert sa boutique à Paris
en 1723. La maison existe toujours et la boutique actuelle se trouve au 40 avenue
Montaigne.
Sous le règne de Louis XVI, la coquetterie de la reine Marie-Antoinette
servira publicité à la mode de Versailles à travers tous les royaumes d’Europe. Rose
Bertin est considéré comme la première personnalité de la mode moderne car en
dictant la tendance à Versailles elle aura une influence sur la silhouette des
aristocrates de France et d’Europe. Les métiers d’arts se développent alors à Paris
pour habiller et coiffer la cour du roi Louis XVI. C’est également le temps de
l’apparition des premières gazettes qui ouvriront la voie aux revues de mode.
Après la Révolution Française, le luxe est invisible pendant quelques temps en raison
de la fureur révolutionnaire qui terrorise la France. L’aristocratie disparaît peu à peu,
et se développe alors un luxe bourgeois qui atteint son plein essor sous l’Empire. La
mode antique sera imposée par le marchand de mode Leroy et les vêtements seront
alors ornementés de broderies et de joyaux. On voit se développer partout en France
de nouvelles maisons d’artisanat de luxe en phase avec leur époque. C’est le temps
de l’apparition de grandes maisons de luxe à Paris et parmi eux : Guerlain, Hermès,
Cartier, Vuitton, Boucheron.
3 Fouchard, Gilles, Idées reçues : la mode, le Cavalier Bleu Editions, 2004.
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Les origines de l’attractivité de la France en matière de mode sont donc
anciennes. Si l’analyse du sujet « Paris Capitale de la mode » ne commence qu’en
1858, c’est que cette date, nous le verrons, marque l’apparition de ce que l’on
nomme « haute couture ». La haute couture est la forme la plus luxueuse de la
confection de vêtement. C’est au moment du développement de la haute couture que
l’on voit affluer des clientes étrangères à Paris. Si la France jouissait d’une réputation
d’élégance et de raffinement depuis le XIVe siècle, c’est à partir de 1858 que Paris
est associé à la mode au sens où les clientes étrangères font le voyage jusqu’à la
capitale française pour s’offrir un savoir-faire qui n’existe nulle part ailleurs. La
mode s’incarne alors à Paris dès 1858.
La valeur du territoire parisien dans l’étude de ce sujet doit également être
justifiée. La tradition centralisatrice française a poussé Paris à devenir le centre de
toutes les attentions. Il existe cependant en France des bassins de confection textile
traditionnels hors de Paris. On peut penser par exemple à la dentelle de Calais ou aux
soieries de Lyon. Seulement c’est à Paris que sont assemblées les pièces qui
permettent la création des vêtements. C’est à l’intérieur des ateliers parisiens que
sont nés les vêtements de haute couture et c’est dans les boutiques parisiennes
qu’étaient vendues ces pièces qui ont forgé la réputation de la capitale à l’échelle
internationale. Tout au long de cette étude, il s’agissait de montrer en quoi la capitale
Française bénéficie d’un statut privilégié dans le domaine de la mode. Les
institutions qui ont permis de protéger et de patrimonialiser la mode sont toutes
situées à Paris.
L’objet d’étude de ce mémoire porte bien sur la fascination qu’exerce Paris
dans l’imaginaire de la mode. L’hégémonie de la capitale française en matière de
mode repose en grande partie sur l’aura et la magie de celle que l’on surnomme la
Ville-Lumière. Paris jouit depuis l’apparition de la haute couture d’une réputation
particulière. Elle est la ville de l’élégance, du chic, mais a aussi une réputation de
ville cosmopolite. Elle a accueilli de nombreux artistes au début du siècle ce qui a
fait d’elle la capitale des avant-gardes. Aujourd’hui, Paris est l’une des villes les plus
touristiques du monde, elle a été visitée en 2012 par 29 millions de personnes. On
visite Paris pour ses monuments célèbres, la Tour Eiffel, l’Arc de Triomphe, l’Opéra
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Garnier, la cathédrale Notre Dame, la basilique du Sacré Cœur... Les touristes
profitent également de la richesse culturelle de la ville pour visiter les innombrables
musées de la capitale comme le Louvre, le centre Pompidou ou le musée d’Orsay.
Mais ce qui attire également les touristes étrangers et français à Paris, c’est le
nombre de boutiques de luxe qui s’offre à eux dans la capitale. Les Galeries
Lafayette ou le Printemps Haussmann sont devenus des temples de la consommation
de luxe pour les visiteurs étrangers. Dans les grands magasins, dans les boutiques de
l’avenue Montaigne et jusque dans les allées des aéroports parisiens, on peut acheter
des sacs Dior, du parfum Chanel, des ceintures Hermès ou des portefeuilles Vuitton.
Les touristes du monde entier essayent d’acheter dans les boutiques des grandes
marques un petit bout de l’élégance française qui fascine tant. Les femmes asiatiques
et américaines jouent les Parisiennes, un sac Longchamp au bras. Saisir
l’engouement des étrangers pour Paris, c’est comprendre en partie pourquoi l’on peut
dire que Paris est la capitale de la mode. C’est pourquoi mon analyse est strictement
centrée sur la capitale française, bien que certains élargissements soient nécessaires
dans le développement du sujet.
Une fois les frontières spatiotemporelles du sujet posées, la première phase du
travail de recherche fut d’identifier les sources documentaires qui pouvaient être
mobilisées. Au début de mes recherches je me suis aperçue que très peu d’analyses
permettaient d’expliquer la relation établie entre Paris et la mode. Il existe de
nombreux ouvrages traitant de la mode française mais quasiment pas un seul n’était
consacré à la place de Paris dans la réputation de la mode française. J’ai dû d’abord
aborder le sujet de la mode par des ouvrages d’histoire de la mode et du costume
pour recentrer mon analyser sur Paris par la suite. J’ai donc concentré ma lecture
bibliographique sur des ouvrages comme la très complète Histoire de la Mode, écrit
par Didier Grumbach véritable, mémoire vivante de la mode française. Mais
également des ouvrages comme La mode au XXème siècle ou l’Histoire de la mode
et du costume. J’ai également utilisé l’œuvre de François-Marie Grau, issu de la
collection « Que sais-je » pour les questions relatives à la haute couture en
particulier. Des documentaires sur l’histoire de la mode comme le film Fashion !, ou
les séries Habillé pour l’été/Habillé pour l’hiver réalisées par Loïc Prigent ont
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également été des ressources bibliographiques précieuses pour l’analyse de ce sujet.
Ces ouvrages sur la mode ont été croisés avec des articles encyclopédiques,
concernant des personnages par exemple.
La source principale qui a permis la constitution de ce mémoire, c’est
l’ouvrage « Paris Haute couture » écrit Olivier Saillard et Anne Zazzo. Ce livre est le
catalogue de l’exposition Paris Haute Couture, qui s’est tenue à l’Hôtel de Ville de
Paris du 2 mars au 6 juillet 2013. Cette exposition fait état de la richesse du
patrimoine la haute couture parisienne en donnant à voir au public les plus belles
pièces du Musée de la Mode de Paris, le Palais Galliera. Elle présente les liens
existants entre la capitale et ce savoir-faire hors du commun et répond à la question
comment Paris est-il devenu capitale de la mode. Pour nuancer ou confirmer mes
propos, j’ai dû m’appuyer sur différentes sources. La presse nationale tout d’abord.
La mode en tant qu’objet du patrimoine français est régulièrement analysée dans la
presse quotidienne nationale. Les grands journaux français ont été méticuleusement
analysés afin de constituer une base donnée solide4. Le Monde, l’Express, les Echos,
la Croix, le Figaro ou encore le Point consacrent régulièrement des articles à la
mode française. Ces articles font cependant très majoritairement de partie des
publications en ligne du journal, et rarement des publications papier. La plus part de
ces articles appartiennent même à des suppléments du journal, ou à des blogs comme
c’est le cas de M, Style le Monde ou de l’Express Style. D’autres types de presse en
dehors des grands quotidiens nationaux consacrent des sujets à la mode comme Paris
Match, et bien sur la presse spécialisée comme Vogue. A ce sujet, il est intéressant de
constater que dans l’empire Vogue on compte : le Vogue Italia, le Vogue US, le
British Vogue et... le Vogue Paris. C’est le seul magazine du groupe à prendre le
nom de la capitale et non pas du pays. Preuve s’il en fallait une que même dans la
presse spécialisée, Paris domine. Au moment des Fashion Weeks le nombre
d’articles consacrés à la mode augmente considérablement ce qui a permis d’enrichir
mes recherches. Les sources de la presse nationale et spécialisée ont été croisées avec
des études scientifiques portant sur des notions telles que le luxe, le patrimoine, la
créativité ou les industries culturelles. Ces études issues de différentes revues
permettent d’étudier la mode parisienne au prisme d’analyses économiques et
4 Annexe IV page 113.
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sociologiques nécessaires pour comprendre tous les enjeux du sujet « Paris Capitale
de la mode ».
Enfin, les sources les plus précieuses de ce mémoire sont certainement les
témoignages que j’ai eu la chance de recueillir auprès de deux professionnels de la
mode. D’abord David Zajtmann spécialisé dans l’analyse et la stratégie des marques
de création et également Professeur permanent à l’IFM, m’a reçu à Paris le 22
janvier 2014 pour un entretien d’une heure trente. Son témoignage a été
particulièrement précieux grâce à sa connaissance très pointue de l’industrie de la
mode à Paris. Ses explications détaillées sur des moments charnières de l’histoire de
la mode m’ont aidé à la compréhension du thème de mon sujet. D’un point de vue
personnel, cette rencontre avec Monsieur Zajtmann a renforcé mon envie de parfaire
ma culture mode pour un jour travailler dans ce secteur. J’ai également eu le
privilège d’être reçue par Christophe Girard Maire du IVe arrondissement de Paris,
pour une entrevue d’une demi-heure à Paris le 4 mars 2014, à quelques semaines des
élections municipales. Monsieur Girard avant d’être maire a travaillé pour Yves
Saint Laurent et continue d’être consulté par le groupe LVMH. Sa profonde
connaissance de la mode et de la politique a fait de cette interview un témoignage
précieux pour analyser la valeur des liens existants entre la mode et la politique à
Paris. Plus de témoignages de la part de professionnels de la mode auraient été les
bienvenus, cependant le milieu de la mode parisienne est un milieu relativement
fermé et très difficile d’accès si l’on n’a pas les bons contacts. Plusieurs de mes
demandes d’entretien sont restées malheureusement sans réponses.
Après avoir déterminé mon sujet et après avoir effectué des lectures
bibliographiques pour comprendre l’ancrage territorial et les bornes chronologiques
du sujet est venu le temps des questionnements. Ces questions ont permis de
structurer mon propos et de trouver le plan de mon travail de recherche. La
problématique principale de ce mémoire étant : dans quelle mesure peut-on dire que
Paris est la capitale de la mode ?
Le premier chapitre de ce mémoire s’attache à expliquer que l’hégémonie de
Paris en matière de mode s’est construite sur le rayonnement de la haute couture. La
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
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haute couture représente le luxe du vêtement. Il convient donc de définir ce qu’est la
haute couture et de l’étudier depuis son apparition jusqu’à son déclin afin de
comprendre l’empreinte qu’elle a laissée sur la mode parisienne. Ce chapitre est
également consacré à la présentation des institutions qui protègent la mode française
et qui permettent à Paris de conserver son titre de capitale de la mode. Ce sera
l’occasion de parler de la Chambre Syndicale de la couture mais aussi de la Fashion
Week de Paris en tant que lieu d’institutionnalisation de la mode parisienne.
Le second chapitre de ce mémoire démontre que Paris est la capitale de la
mode car l’hégémonie de la mode parisienne a été construite sur l’aura de la Ville-
Lumière. En utilisant la capitale comme décor, la mode et la haute couture ont donné
à Paris une image chic et glamour et ont ainsi permis d’associer la ville à la mode
dans l’imaginaire collectif. Ce chapitre fut également l’occasion de traiter de la
patrimonialisation de la mode à Paris. Depuis les années 80 les hommes politiques
ont reconnu que la mode faisait partie de l’art de vivre à la française et lui ont donné
une dimension patrimoniale. La muséification de la mode, notamment à travers les
expositions à Paris, témoigne de ce changement de statut pour la mode dans la
société française.
Le dernier chapitre vient remettre en question le fait que Paris soit l’unique
capitale de la mode. Le monde en se globalisant a révélé d’autres villes, d’autres
moyens de fabriquer des vêtements, d’autres visions de ce qu’est la mode. Mais Paris
est cosmopolite et a su inviter dans ses maisons des créateurs étrangers et a permis à
des maisons étrangères de défiler dans la capitale. Cet ultime chapitre présente
également, les ressources dont dispose Paris pour conserver son statut de capitale de
la mode, en ayant recours au luxe par exemple. Ce chapitre clôt ce mémoire en
évoquant les pistes de développement sur lesquelles Paris et la France peuvent miser
dans le futur pour demeurer éternellement la capitale de la mode.
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Chapitre 1. Paris Capitale de la mode, une hégémonie fondée sur la haute couture
Paris peut se targuer d’être la capitale de la mode car elle a vu naitre en son
sein la forme la plus luxueuse de la confection vestimentaire : la haute couture. On
attribue l’invention de ce savoir-faire à un Anglais Charles Frederick Worth qui en
distinguant son travail de la simple confection fera entrer la mode française dans
l’Histoire. C’est à Paris que nait la haute couture et c’est au cœur de la ville qu’elle
est conçue, dans des ateliers où de petites ouvrières s’affairent, utilisant des gestes
reçus en héritage pour créer les plus belles parures du monde. Ce sont les règles qui
régissent la haute couture et la vigueur des institutions parisiennes qui donnent à la
France une place indétrônable dans la mode, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre
mondiale.
I- La haute couture, un savoir faire artisanal constitutif de la domination de Paris
La haute couture est l’invention qui va fonder l’hégémonie de Paris dès son
apparition au milieu du XIXème siècle à la moitié du XXème siècle. Pendant 100
ans, c’est l’excellence du savoir-faire parisien en matière de couture qui va permettre
de construire la réputation de Paris en tant que capitale de la mode. Il s’agit donc de
décrypter ce qu’est la haute couture, quels sont ses codes et ses défenseurs pour
pouvoir saisir pleinement l’image qu’elle donnera à Paris.
1. Portrait de la haute couture
Dans son dictionnaire de la mode, Georgina O’Callan donne à la haute
couture la définition suivante : conception et confection de luxueux articles de
mode5. Il s’agit cependant de préciser l’origine de l’apparition de cette pratique, de
5 O'hara Callan, Georgina, Dictionnaire de la mode, Thames & Hudson, 2009.
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fournir une définition technique afin d’expliquer la domination que la mode de Paris
exerce sur la province mais aussi sur le reste du monde.
A) La haute couture, le luxe du vêtement
a) Charles Frederick Worth un Anglais père de la haute couture
C’est à un Anglais que Paris doit son titre de capitale de la mode. Charles
Frederick Worth est né en Angleterre en 1825. Il apprend tout ce qu’il y a à savoir
sur les tissus et la couture au cours de son apprentissage chez Swan & Edgar, une
maison Londonienne. Il quitte l’Angleterre pour la France à l’âge de vingt ans et
entre comme vendeur à Paris dans la maison Gagelin6. Au sein de cette maison, il
montre son caractère d’innovateur en confectionnant des robes sur-mesure dans des
tissus de la maison. C’est une innovation car la confection et les tissus étant deux
mondes distincts à l’époque. Gagelin ne voit pas d’un bon œil ce mélange d’activité
et craint qu’il n’entache sa réputation7. Pour n’être plus bridé dans sa création, Worth
quitte la maison Gagelin pour fonder la sienne en 1858. Il s’associe pour cela à un
jeune suédois, Otto Gustav Bobergh. Située au 7 rue de la Paix, la nouvelle maison
prend donc le nom de Worth Bobergh.
Dès lors, Worth peut laisser libre cours à sa créativité, il créé des modèles aux
coupes jamais vues auparavant. Pionnier de la mode, il est le premier « grand
couturier » au sens où chacune de ses confections sont réalisées sur-mesure et toutes
sont des modèles uniques. Il n’attend pas de commande de la part de ses clientes
comme il est coutume de le faire dans une maison de confection classique. Worth
créé des modèles, il innove sans cesse dans les formes et dans les procédés. Son
innovation la plus emblématique aura sans doute été la suppression de la robe à
crinoline pour la robe à tournure, entrainant alors la silhouette des femmes du monde
vers la modernité. Il déclara à ce sujet « La révolution de 1870, c’est peut de chose
en comparaison de ma révolution, moi qui ai détrôné la crinoline »8. Worth est
6 Grumbach, Didier, Histoires de la mode, Paris, Edition du Regard, 2008. 7 Garnier, Guillaume, « Charles Frederick Worth », Encyclopédie Universalis, <http://universalis.pontil.rennes.iep.fr/encyclopedie/les-worth/> (consulté le 19 mars 2014). 8 Grumbach, Didier, Op.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
18
également connu pour sa personnalité haute en couleur et l’assurance de son talent.
« Mon travail n’est pas seulement d’exécuter mais surtout d’inventer. La création est
le secret de mon succès »9. Pour souligner sa créativité, Charles Frederick Worth
impose sa signature sur chacun de ses modèles, comme un peintre signe ses toiles. La
« griffe » de couturier est née10. C’est la personnalité de Worth qui fonde le mythe du
« créateur-couturier », un personnage qui façonnera l’histoire de la mode parisienne.
L’avant-gardisme de Worth et la beauté de ses confections suscitent chez
toutes ses clientes une profonde admiration et une fidélité sans faille. En devenant le
couturier de l’impératrice Eugénie, femme de Napoléon III, Worth forge le goût
français et reçoit rapidement des commandes de toutes les princesses d’Europe,
tournant ainsi les yeux des riches voisins de la France vers Paris. En combinant
rareté, créativité et beauté dans la confection de chacun de ses modèles, Charles
Frederick Worth s’est imposé comme le père de la haute couture française.
A sa mort en 1895, il ouvre la voie à toute une génération de couturiers
parisiens talentueux qui marqueront leur époque et l’histoire de la mode. C’est le cas
par exemple de Jacques Doucet qui fera un court passage par la maison Worth en
1901 avant de s’établir à son compte en 1903.
b) La distinction entre confection, couture et haute couture
Si aujourd’hui la haute couture se trouve au sommet de la hiérarchie du
secteur de la couture c’est qu’elle a fait l’objet d’une stricte distinction en raison de
la qualité de ses réalisations par rapport à l’ensemble du secteur de la couture. C’est
justement dans son opposition à la confection que la haute couture acquiert toute sa
noblesse.
9 Grumbach, Didier, Op.cit. 10 Garnier, Guillaume, « Charles Frederick Worth », art.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
19
Le dictionnaire Le petit Robert définit la confection comme « l’industrie des
vêtements qui ne sont pas fais sur-mesure » 11. La couture en revanche apparaît
comme la profession des personnes qui confectionnent les vêtements féminins.
En 1858, date de l’apparition de la haute couture par Charles Frederick Worth,
la distinction entre couture et confection est presque impossible à établir. Les deux
activités se retrouvent même regroupées sous le même groupe professionnel et
aucune hiérarchie n’existe entre elles. L’activité « confection » consistait à confier à
une ouvrière une étoffe destinée à la fabrication d’un manteau, tandis que l’activité
« couture » consistait à assembler des modèles uniques à partir d’étoffes fournies par
des merciers12. La différence entre couture et confection est donc ténue. De plus à
l’époque toutes réalisations sont faites à la main et vendues à l’unité que ce soit en
couture ou en confection ce qui ne facilite pas la distinction.
En 1872, Paris compte 684 maisons de couture et 307 maisons de confections
au Bottin mais encore une fois, difficile de classer les maisons dans l’une ou l’autre
catégorie puisque certaines sont inscrites indifféremment à la fois en couture et en
confection. Il faudra attendre 1910 pour que la couture soit enfin distinguée de la
confection, et ainsi devenir un métier à part entière13. Cette séparation des activités
s’explique par une dissolution de la Chambre Syndicale de la couture, des
confectionneurs et des tailleurs pour Dame, dont l’organisation sera expliquée plus
loin dans ce mémoire. L’évènement parvient à placer la haute couture, au sommet de
la pyramide des activités de couture à Paris. La haute couture habille les femmes sur-
mesure et choisit pour ce faire le chemin du luxe et de la créativité. Plus couteuse en
terme de temps, les vêtements de haute couture sont des pièces d’exception. Elles
sont donc réservées à l’élite aristocratique et bourgeoise parisienne tandis que la
confection produit des vêtements standardisés pour habiller les femmes du peuple14.
11 Dictionnaire, Le petit Robert, édition 2014. 12 Zajtman, David, 1858-1929 : l’âge d’or de la haute couture en France, ifm paris, blog Le monde, le 7 février 2013. <http://ifmparis.blog.lemonde.fr/2013/02/07/1858-1929-lage-dor-de-la-haute-couture-en-france/> (consulté le 17 mars 2014). 13 Grumbach, Didier, Op.cit. 14 Id.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
20
A partir de 1910, la haute couture évolue donc dans une sphère parallèle à la
confection dont elle est issue, mais c’est la beauté et la haute précision de la haute
couture qui fonde la réputation de Paris.
B) La domination de Paris en matière de haute couture
a) Des maisons de confections parisiennes à la réputation internationale
A l’heure où le succès de la maison Worth est entretenu par les fils de Charles
Frederick, de nombreuses jeunes maisons se lancent dans le secteur de la couture.
Ces maisons et la personnalité de leurs créateurs vont constituer un socle inamovible
de la couture parisienne et participer à la réputation de la capitale. C’est le temps de
l’apparition d’illustres maisons comme Redfern (1850), Paquin (1891), Lucile
(1894), Callot Sœur (1895)15.
L’affirmation de sa personnalité par Charles Frederick Worth ouvrira la voie
à de nombreux talents parisiens de la couture qui marqueront leur temps et la mode
française. Jacques Doucet, formé chez Worth deviendra rapidement un personnage
clef de la belle époque parisienne16. Adulé pour sa couture moderne mais mesurée,
Jacques Doucet compte aussi bien des femmes du monde que des artistes parmi sa
clientèle. De même Paul Poiret, Jeanne Lanvin, Madeleine Vionnet, Jean Patou,
Jeanne Paquin sont des noms qui ont donné leurs lettres de noblesse à la haute
couture parisienne. Les couturiers deviennent des témoins de leur temps, admirés
pour leur avant-garde esthétique et leur goût. Jacques Doucet est aussi célèbre pour
ses créations de mode que pour son impressionnante collection d’art contemporain :
des Brancusi, des Douanier Rousseau et même les Demoiselles d’Avignon de Pablo
Picasso17. De même, Jeanne Lanvin possède une collection de toiles de maîtres et se
passionne pour les arts décoratifs. Proche des artistes du monde entier qui viennent
puiser l’inspiration dans le Paris de la Belle Epoque, les couturiers autant que les 15 Saillard, Olivier, Zazzo, Anne, Paris haute couture, Skira Flammarion, 2012. 16 Garnier, Guillaume, « Doucet, Jacques », Encyclopédie Universalis, <http://universalis.pontil.rennes.iep.fr/encyclopedie/doucet-jacques-1853-1929/>, (consulté le 20 mars 2014). 17 Saillard, Olivier, Zazzo, Anne, Op.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
21
peintres et les sculpteurs participent à l’élaboration d’une image créative de la
capitale parisienne qui attire les amateurs de haute couture en mal d’originalité.
C’est donc naturellement à Paris que les personnes fortunées du monde entier
viennent s’habiller s’ils veulent être à la pointe de la mode. La clientèle vient de
partout, d’Angleterre, d’Espagne, d’Autriche, des Etats-Unis, d’Amérique du sud et
même des Caraïbes, ainsi que l’Argentine avant 1913, le 3ème débouché de la mode
française à l’époque. Pour David Zajtmann, professeur de stratégie des marques à
l’Institut Français de la mode, on peut comparer cela à un bon traiteur aujourd’hui.
« On se dit que pour un mariage il y a des bons traiteurs, on ne se pose pas la question de la créativité du traiteur, on se dit juste c’est le traiteur qui convient. Donc pour une bonne famille d’Europe, d’Amérique du nord ou d’Amérique du sud, au début du siècle le bon couturier est le couturier parisien»18.
C’est donc la multiplication des maisons, créées par des couturiers talentueux
et créatifs qui construit la place de Paris comme capitale de la mode. La haute
couture, pur produit parisien attire les fortunes du monde entier dans les boutiques
désormais célèbres.
b) Un savoir-faire artisanal d’exception
Derrière le faste et la beauté des toilettes, c’est surtout la qualité et la
technicité de sa couture qui fait de Paris la capitale de la mode. Pour comprendre
l’origine de la qualité exceptionnelle de la haute couture parisienne que le monde
envie tant à la France, il faut remonter un peu dans le temps, avant l’apparition de la
haute couture.
Pour fournir les meilleurs produits au Roi et à la cour, on voit se développer
tout au long du XVIIIe siècle un réseau d’artisanat et de métiers d’art à Paris. Chaque
artisan développe un produit et devient le meilleur dans son domaine : drapier,
coiffeur, orfèvre, horloger... Il faut autant de petits métiers pour constituer tout le
faste des tenues de Versailles. Les fournisseurs de la cour sont connus et appréciés
pour une spécialité bien particulière et la rareté de leur produit participe à leur forger
une réputation. En 1820, c’est l’orfèvrerie Puiforcat qui s’ouvre à Paris, en 1828 le
parfumeur Guerlain, en 1837 la maison de sellerie de Thierry Hermès, en 1847 le
18 Zajtmann, David, professeur permanent à l’IFM, entretien à Paris, le 22 janvier 2014.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
22
joaillier Cartier et en 1854 l’emballeur Vuitton19. Toutes ces maisons existent encore
aujourd’hui grâce à la spécialisation et à l’expertise qu’elles possèdent dans un
domaine précis. C’est en ce sens qu’on peut parler de luxe, les produits créés par ces
maisons sont les meilleurs du genre. Ce savoir-faire exceptionnel est transmis de
génération en génération et l’esprit familial est farouchement conservé pour
maintenir une identité cohérente pour la clientèle20.
Certaines régions françaises possèdent également une tradition textile qui
participe à l’exception du savoir-faire français. On trouve des mousselines et des
soies à Lyon, des rubans à Saint-Etienne, de la dentelle à Calais, des tissus à Elbeug,
Rouen et Roubaix, mais c’est à Paris que l’on passe du tissu à la confection, ce qui
occulte tout le passé de la matière première pour laisser tout le mérite de la
réalisation à Paris. Et pour cause, la haute couture française ne serait pas de si grande
qualité sans le concours de celles que l’on appelle « les petites mains ». Cette
expression désigne le travail minutieux des ouvrières des maisons de haute couture
car c’est dans les ateliers de confection que commence la magie du vêtement21.
Seules les ouvrières détiennent les secrets des broderies et des points qui rendent la
haute couture si rare et si exceptionnelle. Cette industrie de la main d’œuvre est
d’une envergure considérable puisqu’on compte en 1930, 350 000 ouvriers et 150
000 artisans couturiers à Paris22.
Aujourd’hui nombreuses sont les maisons de mode qui continue d’exploiter le
prestige et le savoir-faire de vieilles maisons artisanales. Chanel a par exemple
racheté plusieurs ateliers d’artisans pour les rassembler sous un label commun :
Paraffection. Ainsi, le brodeur Lesage, le plumassier Lemarié, le chapelier Michel, le
fabricant de fleurs artificielles Guillet et l’orfèvre Goosens travaillent désormais
ensemble et participent ainsi à la conservation des métiers d’art qui font la réputation
de Paris en matière de mode23.
19 Carreira, Serge, Mode & Luxe : images et réalités de la nouveauté, master Marketing et Etudes de Sciences Po, année universitaire 2011-2012. 20 Id. 21 Saillard, Olivier, Zazzo, Anne, Op.cit. 22 Grumbach, Didier, Op.cit. 23 Bizet, Carine, « Haute couture : le triomphe des petites mains », dans M Style, Le monde, le 12 juillet 2013,<http://www.lemonde.fr/style/portfolio/2013/07/12/haute-couture-le-triomphe-des-petites-mains_3446549_1575563.html>, (consulté le 20 mars 2014).
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
23
Il semble donc que ce soit la réputation des maisons de couture parisiennes et
le savoir-faire artisanal des petites mains de la couture qui participent à la
qualification de Paris comme capitale de la mode.
2. La mode française actuelle légitimée en tant qu’héritière de la haute couture
La mode telle que nous la connaissons aujourd’hui est le produit de deux
grandes crises et qu’on le veuille ou non, la mode française actuelle bénéficie de la
gloire passée de la haute couture. Il s’agit de comprendre les origines et les enjeux de
l’empreinte indélébile que la haute couture a laissée sur la mode française.
A) Des crises constitutives de la mode française moderne
a) La crise de 29, la fin de l’âge d’or de la haute couture
Les années 1900-1920 sont celles de l’âge d’or de la haute couture. En 1925,
la couture représente 15% des exportations globales française, soit un chiffre
d’affaires d’environ 2 410 millions de francs24. Jusqu’en 1929 la haute couture
habille les aristocrates d’Europe et les nouveaux riches d’Amérique du nord et du
sud. C’est une industrie prospère avec une main-d’œuvre abondante et peu chère,
qui jouit d’un prestige auprès de l’aristocratie européenne et de la bourgeoisie
internationale.
Le krach du 24 octobre 1929 va bouleverser durablement la haute couture
française. Plusieurs réactions en chaine font chuter les ventes du secteur. Tout
d’abord, les fortunes ruinées d’Europe et d’Amérique ne peuvent plus se permettre
de porter de la haute couture à ce prix, devenu trop onéreux. Cela se traduit
immédiatement par une baisse des exportations de plus de 70% entre 1929 et 193525.
Avant 1929 les Etats-Unis étaient les principaux clients de la couture Parisienne. 24 Grumbach, Didier, Op.cit. 25 Grumbach, Didier, Op.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
24
Percutés de plein fouet par le krach boursier, les Américains réduisent leurs achats et
se mettent à acheter à la place les patrons des modèles présentés à Paris, afin de les
faire reproduire par des sous-traitants et de les vendre dans les grands magasins de la
Vème avenue à New York26. C’est à ce moment qu’apparaît aux Etats-Unis un
phénomène de mécanisation de la confection de vêtement qui conduira à
l’émergence du prêt-à-porter.
En 1936, la situation s’aggrave. Avec les accords de Matignon du 8 juin
1936, Léon Blum offre aux ouvriers de nouveaux acquis sociaux. Selon David
Zajtmann les accords de Matignon vont mettre la haute couture en difficulté. Avant
1936, les couturières étaient payées à la pièce. Certaines travaillaient toute l’année
dans des ateliers de confection et n’étaient engagées par les maisons de haute couture
qu’au moment des présentations de collections, faisant ainsi varier les effectifs selon
le moment de la saison. Avec les accords de Matignon, la haute couture se voit
obligée de salarier son personnel et de lui accorder deux semaines de congés payés.
Les accords ont été appliqués sans aucune distinction entre couture et confection ce
qui portera préjudice à la haute couture.
Trois ans avant le début de la Seconde Guerre Mondiale, en 1936 les Etats-
Unis et le reste de l’Europe sont ruinés par le krach, la plus part des empires sont
tombés à la fin de la Première Guerre Mondiale, supprimant alors à la haute couture
sa précieuse clientèle aristocratique. Cependant, malgré cette profonde crise, David
Zajtmann précise « La situation économique était catastrophique, mais Paris avait
toujours une image extraordinaire »27.
Il semble donc que la capitale de la mode parvienne à se maintenir la tête hors
de l’eau, même en pleine chute à cause de sa réputation forgée avant la crise.
b) La Seconde Guerre mondiale : la haute couture parisienne menacée
26 Zajtmann, David, Op.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
25
La haute couture est déjà en difficulté financière lorsque la guerre avec
l’Allemagne éclate en 1940. Au début de l’Occupation, de nombreux couturiers et
personnalités du monde de la mode fuient Paris pour se rendre à Bordeaux comme le
fera le directeur du journal Le Jardin des modes, Lucien Vogel. Une période sombre
de l’histoire de la haute couture parisienne s’ouvre à ce moment précis.
En juillet 1940, cinq officiers Allemands se rendent au siège de la Chambre
syndicale de la couture où ils sont accueillis par le président en fonction, Lucien
Lelong. Tout le monde croit alors à une simple visite de courtoisie. Mais quelques
semaines plus tard, en présence de Lucien Lelong et de Maggy Rouff, créatrice de
mode et présidente de la PAIS (Protection Artistique des Industries Saisonnières), les
responsables du Textile allemand dévoilent un projet fou : transférer l’industrie de la
haute couture à Vienne et à Berlin. En mars 1941, le journal de propagande
allemand Signal explique le projet :
« Jusqu’ici, Paris a été l’œil du monde dans le domaine de la mode, mais les créateurs de la Seine ont été troublés dans leur jugement du vraiment beau, bon et convenable... La mode parisienne doit passer par Berlin avant qu’une femme de goût ne puisse la porter »28.
Pour défendre la haute couture parisienne, Lucien Lelong se rend à Berlin
afin d’engager un dialogue avec l’Allemagne pour les convaincre que la haute
couture parisienne est un tout et qu’elle ne peut s’expatrier seule. Il essaye en réalité
de gagner du temps et propose aux Allemands de faire l’inventaire des industries
nécessaires au bon fonctionnement de la haute couture parisienne avant d’envisager
une délocalisation. Découragés par l’ampleur et la complexité du projet, les nazis
abandonnent l’idée et déclarent : « La mode française demeure autonome à Paris et
conserve pour elle sa main-d’œuvre spécialisée ». La haute couture a donc manqué
d’être arrachée à Paris mais Lucien Lelong ne le permettra pas.
Cependant, le rationnement des matières premières aura raison du dynamisme
du secteur de la haute couture. La chambre syndicale demande aux autorités
françaises de faire un effort pour sauver la prestigieuse haute couture de la pénurie.
Certaines maisons dites « autorisées » bénéficieront en effet d’une dérogation
particulière pour se fournir en matière première, fixé à « 60% de la consommation de
28 Grumbach, Didier, Op.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
26
lainage de 1938 ». On comptera 85 maisons autorisées en 1941, puis 79 en 1944. Les
maisons Fath, Rochas et Lanvin doivent leur survie à ces dérogations29. L’obtention
ou non de cette dérogation par les maisons permettra de distinguer à la fin de la
guerre les maisons de haute couture (plus largement bénéficiaires) des maisons de
couture plus modestes. Une fois de plus, ce sont les maisons parisiennes qui ont
l’avantage sur la province ce qui explique le rayonnement de la mode parisienne30.
Les maisons de haute couture vont pouvoir continuer de vendre leurs modèles à des
clientes en possession d’une carte d’acheteuse et ainsi permettre à la haute couture
d’éviter l’agonie. On dit que les Françaises sont les femmes les plus élégantes du
monde pendant la Seconde Guerre Mondiale31.
Le krach de 1929 et la Seconde Guerre Mondiale portent donc un coup à la
santé de la haute couture parisienne. Cette dernière parvient à survivre grâce à sa
réputation inébranlable et à la ferveur de ses défenseurs.
B) Le prêt-à-porter, la solution des couturiers face au déclin de la haute couture
a) Le prêt-à-porter, l’opposition radicale à la haute couture
Au sortir de la guerre, le mode de production de la France en matière de
vêtement est vieillissant. En effet, la haute couture parisienne tire tout son prestige de
la tradition du fait-main et du sur-mesure. Or les accords Matignon ont rendu la
haute couture plus chère, et la production reste peu rapide. Il faut compter plusieurs
séances d’essayage aux clientes pour une pièce de haute couture, réalisée sur-mesure
et à la main.
Ce vieillissement du mode de production ne peut s’entendre qu’en
comparaison avec les modes de production étrangers. La machine à coudre a fait son
apparition très tard dans les ateliers et les foyers français tandis qu’au Etats-Unis, dès
le début du XXème siècle chaque ménagère américaine possède chez elle une 29 Seeling, Charlotte, Mode 150 ans d’histoire, h.f.ulmann 2011. 30 Grumbach, Didier, Op.cit. 31 Seeling, Charlotte, Op.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
27
machine à coudre Singer32. De plus les Etats-Unis expérimentent au début du siècle
le miracle du taylorisme et de la production en chaine. Un fossé se créé donc entre la
confection à la pièce des français et la production de masse des Américains. C’est
l’apparition du RTW, le « ready-to-wear »33.
L’Italie se trouve également en avance par rapport à la France en matière de
production. A partir de 1936, suite à la guerre avec l’Ethiopie, l’Italie de Mussolini
doit faire face à un blocus et se voit refuser le droit d’importer certains produits.
C’est en l’occurrence le cas du textile. L’Italie doit alors fabriquer elle-même les
produits qu’elle ne peut plus importer. A ce moment-là, le Duce a pour ambition de
faire de la mode un fer de lance de l’Italie. La différence entre l’Italie et la France
c’est que Rome n’est pas la capitale économique italienne. Le bassin textile de
l’Italie se trouve en Lombardie et dans le Piémont. Mussolini fait donc construire
l’Institut National de la Mode à Turin et installe dans une foire à Milan, un pavillon
en dur dédié à la mode. A la chute de Mussolini, l’industrie textile italienne est donc
innovante et moderne34.
Le modèle de production de la France sur-mesure et fait main est donc
concurrencé rapidement par les productions industrielles italiennes et américaines.
L’extrême luxe du fait-main est remplacé par le « beau bien fait » rendu possible par
la mécanisation de la production textile. Paris ne peut pas continuer à compter
uniquement sur la haute couture malgré son prestige et va à son tour se laisser
séduire par le prêt-à-porter, mais pas n’importe comment.
b) L’alliance du prêt-à-porter et de la haute couture, une exception parisienne
Le terme de prêt-à-porter est directement issu du terme américain « ready-to-
wear ». Paris commence à utiliser le terme à partir des années cinquante pour
désigner les articles vestimentaires produits en série et, comme leur nom l’indique,
prêts à être portés35.
32 Zajtmann, David, Op.cit. 33 Terme apparu en 1895. 34 Zajtmann, David, Op. cit. 35 Ormen, Catherine, « prêt-à-porter », Encyclopédie Universalis, <http://universalis.pontil.rennes.iep.fr/encyclopedie/pret-a-porter/> (consulté le 3 avril 2014).
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
28
Au début des années 60, la haute couture souffre cruellement d’une image
poussiéreuse. Les normes esthétiques d’avant-guerre sont remises en questions par
les jeunes issus du Baby Boom. La nouvelle idole Brigitte Bardot refuse d’être
habillée par Chanel prétextant que « La haute couture, ça fait mémé »36. Les
couturiers doivent réagir pour éviter la faillite. Jacques Heim, fraichement élu à la
présidence de la Chambre Syndicale de la haute couture déclare dans une circulaire
de 1961 : « La couture de maman est morte ». Encouragés par le nouveau président,
les couturiers vont alors se lancer dans « le prêt-à-porter de couturier » pour se
distinguer du prêt-à-porter industriel.
Pour les couturiers, le prêt-à-porter n’est rien d’autre que l’ancêtre des lignes
bis. C’est-à-dire des lignes de moindre importance, sorties en parallèle des
collections principales. Le prêt-à-porter permet de pallier à la hantise des couturiers:
la reproduction illégale, la contrefaçon. En effet, de nombreux modèles de haute
couture étaient reproduits illégalement de manière industrielle. Cette nouvelle
stratégie de diversification séduit donc un grand nombre de couturiers qui vont
intégrer des lignes de prêt-à-porter à leurs collections. L’intégration de ligne de prêt-
à-porter par les maisons de couture parisiennes constitue une véritable exception
dont Paris a le secret. C’est Christian Dior qui lance le mouvement, bientôt suivi par
Pierre Balmain et Robert Ricci. Dans les années soixante, à l’exception de Chanel et
Balenciaga, pas une maison ne possède pas de ligne de prêt-à-porter. Cristobal
Balenciaga, « le couturier des couturiers » ne supporte pas l’idée de mêler haute
couture et prêt-à-porter et déclare à ce sujet « Je ne me prostituerai pas ». En 1972,
Robert Ricci fait défiler en même temps haute couture et prêt-à-porter. Cette
initiative sera très mal reçue par la presse et l’opération ne sera pas renouvelée37. Il
semble qu’à Paris, le prêt-à-porter se heurte à une certaine forme de conservatisme
de la part de l’establishment. Le prêt-à-porter bénéficie donc du prestige de la haute
couture mais est condamné à évoluer dans une sphère différente.
Malgré cela, c’est le moment où la maison Chloé, fondée par Gaby Aghion en
1950 décide de se positionner en dehors de tout héritage haute couture et créé ce 36 Saillard, Olivier, Zazzo, Anne, Op.cit. 37 Grumbach, Didier, Op.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
29
qu’elle appelle « le prêt-à-porter de luxe ». Le but est de fabriquer industriellement
des vêtements dans des matières premières de très grande qualité. Sa conception
moderne et humble du luxe inspire les couturiers comme Hubert de Givenchy avec
sa collection « University » où encore, la fameuse ligne Saint Laurent Rive Gauche,
qui souligne volontairement une géographie opposée à celle de la haute couture.
Le prêt-à-porter s’oppose donc radicalement à la haute couture dont il est
pourtant l’héritier. En retard par rapport au mode de production textile italien et
américain, Paris créé son propre prêt-à-porter, celui des couturiers, s’inscrivant
toujours dans le haut de gamme qui caractérise la mode de la capitale.
II- Une mode parisienne légitimée par la vigueur de ses institutions
La haute couture et la mode parisienne par extension, bénéficient d’une
protection particulière depuis leur apparition. Le savoir-faire artisanal parisien étant
garant de l’excellence de la haute couture, les professions et institutions de la mode
ont été fermement codifiées pour ne pas subir des évolutions du temps et des mœurs
afin de conserver tout leur prestige.
1. La conservation d’un savoir-faire français par un encadrement rigide
Si la haute couture existe sous la forme que nous lui connaissons aujourd’hui,
c’est qu’elle a fait l’objet depuis sa création d’une maitrise et d’un contrôle par
différentes institutions.
A) Les prémices de la Chambre syndicale : la nécessaire protection de la haute couture
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
30
a) Les Chambres syndicales de la couture parisienne
En 1868, dix ans après l’invention de la haute couture par Charles Frederick
Worth est créée la Chambre syndicale de la couture et de la confection pour dames et
fillettes. A l’époque de la création de cette première institution censée encadrer les
activités du secteur de l’habillement, la confusion entre confection et couture règne
toujours38. En effet, cette curiosité s’illustre dans le choix des présidents de la
chambre qui sont indifféremment soit couturiers, soit confectionneurs.
Une première césure se fait le 14 décembre 1910 au moment de la dissolution
de la Chambre syndicale de la couture, des confectionneurs et des tailleurs pour
Dames39. La providentielle distinction entre couture et confection se fait à ce moment
et la couture devient à cette occasion une profession autonome dont les règles sont
établies par la nouvelle Chambre syndicale de la couture. La couture va alors pouvoir
suivre sa propre voie et c’est à cette occasion qu’elle acquiert toute sa noblesse et son
prestige en n’habillant que les nobles et les bourgeois. La protection qu’octroie la
Chambre syndicale permet aux couturiers de créer en toute quiétude tout en
encadrant un savoir-faire précieux. Le premier président de la chambre syndicale,
Léon Réverdot est élu lors de l’assemblée constitutive pour la bonne raison qu’il est
le seul candidat. Ses successeurs seront M. Doeuillet, Jeanne Paquin, Jacques Worth
(petit fils de Charles Frederick), Pierre Gerber et Lucien Lelong. Initialement
installée au 6 rue d’Aboukir, la Chambre syndicale de la couture sera transférée en
1937 au 102 rue du Faubourg Saint-Honoré, où se trouve toujours le siège de la
Fédération Française de la Couture, du Prêt-à-Porter des Couturiers et des Créateurs
de Mode.
La mission principale de ces chambres syndicales successives est d’encadrer
et de protéger le savoir-faire de la haute couture et d’en établir les règles.
38 La distinction entre confection et couture a été précédemment évoquée p.4 39 Grumbach, Didier, Op.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
31
b) Les critères d’attribution du statut de haute couture
Il s’agit tout d’abord de revenir sur les critères qui permettent d’attribuer la
prestigieuse appellation haute couture à une maison. Il existe plusieurs critères
objectifs pour qu’une maison se voit octroyer l’appellation de haute couture.
Le premier critère objectif pour définir une maison comme appartenant à la
haute couture est fixé par la décision V.I.29 du 23 janvier 1945.
« Sont considérées comme exerçant une activité de couture, les entreprises inscrites au Registre du commerce ou au Registre des métiers qui se livrent à l’un ou l’autre ou à l’ensemble des deux activités suivantes : [...] Exécution à la demande de la clientèle de vêtements sur-mesure pour femmes, jeunes filles et enfants, comportant un ou plusieurs essayages bâtis sur mannequin ou sur la cliente»40.
Le premier critère est donc celui de la fabrication sur-mesure sur commande
de la clientèle. Le second critère pour obtenir l’appellation « haute couture » est celui
de la présentation de collection deux fois par an. Cette exigence est fixée par un
arrêté du 6 avril 1945 :
« Sont considérées comme maisons de couture-création relevant de l’Office professionnel des industries et métiers d’art et de création, les entreprises inscrites au Registre du commerce ou au Registre des métiers qui répondent aux conditions suivantes : 1/ Présenter habituellement à Paris au moins deux fois par an des modèles originaux créés dans l’entreprise »41.
Enfin, l’ultime critère qui permet à une maison d’obtenir la dénomination de
« maison de haute couture » est le nombre d’ouvriers par atelier. Cette mention est
précisée dans le règlement intérieur de la Commission de contrôle et de classement
« couture-création ». « Les modèles originaux [...] sont exécutés uniquement dans
ses propres ateliers et que ceux-ci comprennent un minimum de 20 personnes
employées à la production, à l’exclusion des travailleurs à domicile »42.
L’appellation haute couture n’est attribuée qu’après vérification de
l’application des critères d’effectifs, de respect du sur-mesure et du fait main, et
après constatation que deux présentations de collection par an ont effectivement eu
lieu. 40 Grau, François-Marie, La haute couture, P.U.F « Que sais-je ?», 2000, p 114. 41 Grau, François-Marie, Op.cit. 42 Grau, François-Marie, Op.cit.
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32
B) L’encadrement actuel de la haute couture
a) La Fédération Française de la Couture, du Prêt-à-Porter des Couturiers et des Créateurs de Mode
La Fédération Française de la Couture, du Prêt-à-porter des Couturiers et des
créateurs de Mode a été créée en 1973. Elle est l’héritière directe des différentes
Chambres syndicales de la couture parisienne précédemment évoquées. Didier
Grumbach est le directeur de la fédération depuis son élection en 1998.
Elle est l’organe exécutif des chambres syndicales qui la compose. En effet, la
fédération Française de la Couture regroupe en son sein :
- La chambre syndicale de la haute couture qui intègre les seules maisons
bénéficiant de la prestigieuse appellation « haute couture ». Elle est présidée
également par Didier Grumbach.
- La Chambre Syndicale du Prêt-à-Porter des Couturiers et des Créateurs de
Mode est présidée par Ralph Toledano et regroupe les Maisons de Haute
Couture et les Créateurs de Mode pour leur activité de prêt-à-porter féminin.
- La Chambre Syndicale de la Mode Masculine qui regroupe les grandes
marques ayant une activité de mode masculine. L'actuel président est Sidney
Toledano43.
Cette fédération, divisée en différentes chambres syndicales est l’entité qui régit
les règles de la mode parisienne. Au total, la fédération compte une centaine de
membres pour protéger et encadrer le savoir-faire de la mode parisienne.
Sur son site internet, la Fédération Française de la Couture, du Prêt-à-porter des
Couturiers et des créateurs de Mode se donne pour principale mission de « Conforter
Paris dans son rôle de Capitale Internationale de la Création ». A ce titre, elle définit
le calendrier des présentations automne-hiver et printemps-été pour la haute couture
43 Site mode à paris <http://www.modeaparis.com/fr>, (consulté le 19 octobre 2013).
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
33
ainsi que pour le prêt-à-porter masculin et féminin. Sa seconde mission consiste à
aider les jeunes marques à développer une visibilité en leur offrant une place dans le
calendrier des défilés. La fédération peut également leur fournir l’aide financière et
l’accompagnement nécessaire à leur développement. Elle constitue un instrument de
lutte contre le piratage, la contrefaçon et les copies illégales des créations qui
représentent depuis toujours un réel danger pour la création parisienne. La fédération
propose également une formation au métier de la mode en orientant la jeune
génération vers l’Ecole de la Chambre Syndicale de la couture parisienne dans un
souci de transmission des savoirs. Elle possède aussi un pouvoir historique, celui de
pouvoir arbitrer les conflits internes entre les membres.
Ainsi la version moderne de la Fédération Française de la Couture, du Prêt-à-
porter des Couturiers et des créateurs de Mode s’impose comme un organe de
contrôle gestionnaire nécessaire à la conservation du savoir-faire et de la tradition de
la couture parisienne.
b) Les règles actuelles pour les maisons de haute couture
En 1946, la France compte 106 maisons de haute couture. Cependant, après
l’émergence du prêt-à-porter, le nombre de maisons de haute couture se réduit
considérablement : 60 maisons en 1952, puis 36 en 1958 et enfin 19 en 196744.
Aujourd’hui les maisons de haute couture sont de moins en moins nombreuses car
plus que jamais, les maisons doivent remplir des critères stricts pour obtenir la
précieuse appellation.
Le statut de « haute couture » est accordé chaque année par le ministère de
l'industrie sur recommandation d'une « commission classement » émanant de la
Fédération Française de la Couture, du Prêt-à-porter des Couturiers et des créateurs
44 Chenoune, Farid, « haute couture, repères chronologiques », Encyclopédie Universalis, <http://universalis.pontil.rennes.iep.fr/encyclopedie/haute-couture-reperes-chronologiques/> (consulté le 10 novembre 2014).
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
34
de Mode qui se réunit chaque année pour établir une liste de maisons de haute
couture agréées soumises au ministère de l'Industrie45.
Pour qu'une maison puisse proposer sa candidature, elle doit être parrainée
par deux autres noms de la couture, comme dans un club privé et remplir un certain
nombre de critères historiquement inscrits dans le décret de 1945. Cependant les
critères établis en 1945 ont créé une rigidité inutile et nuisible à la haute couture.
"Pendant longtemps, nous n'avons pas eu de nouveau couturier parce que les règles
historiques posaient des limites insurmontables, alors on a changé les choses", avoue
Didier Grumbach46. Pour remédier à l’obsolescence de certaines règles régissant la
haute couture, en 2001 le ministère de l'Industrie a rendu plus flexible l'octroi de
l'appellation et a autorisé la Fédération à élire de nouveaux couturiers qui ne
rempliraient pas tous les critères du décret de 1945. Désormais, l'évaluation se fait au
cas par cas, ce qui a permis à des créateurs qui ne respectaient pas les critères à la
lettre d’obtenir le statut de haute couture. Ce sera le cas pour la maison Bouchra
Jarrar en 2008, qui obtint l’appellation malgré le fait qu’elle n’emploie que huit
employés.
Il semble donc qu’une certaine souplesse existe actuellement pour permettre à
la haute couture parisienne de vivre et de survivre économiquement parmi les grands
groupes de luxe français et de ne pas subir trop fortement le poids du prêt-à-porter.
2. La Fashion Week de Paris : lieu d’institutionnalisation pour la mode française
La Fashion Week ou semaine de la mode est une véritable institution pour le
secteur entier de la mode française mais également internationale. C’est à Paris que
pour la première fois a eu lieu une présentation de collection en public. Cet
45 Gardin, Mathilde, « La haute couture, un club très privé », dans Le point.fr, le 28 janvier 2008, <http://www.lepoint.fr/actualites/2008-06-29/la-haute-couture-club-tres-prive/1037/0/256666>, (consulté le 1er février 2014). 46 Neuville, Julien, « Les nouveaux venus de la haute couture », dans M Style, Le monde, le 31 janvier 2014, <http://www.lemonde.fr/mode/article/2014/01/31/les-nouveaux-venus-de-la-haute-couture_4356963_1383317.html >, (consulté le 1er février 2014).
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
35
événement fonde la réputation de la mode parisienne à l’international permet à Paris
d’obtenir le titre de capitale de la mode, malgré la concurrence des capitales
étrangères. Il s’agit donc d’étudier les origines, le fonctionnement et les enjeux de ce
lieu d’institutionnalisation de la mode.
A) La Fashion Week de Paris, de la présentation de collection à la semaine de la mode
a) Lady Duff Gordon, à l’origine de la première Fashion week
La mode parisienne doit décidément beaucoup aux Anglo-saxons. Après que
l’Anglais Charles Frederick Worth ait inventé la haute couture, c’est à une
Canadienne, Lady Duff Gordon que l’on doit l’invention de ce qui deviendra la
Fashion Week.
Lady Duff Gordon, Lucy Christina Suntherland de son vrai nom est née au
Canada en 1862. C’est pour subvenir aux besoins de sa fille après un divorce
douloureux, qu’elle fonde en 1894 la maison Lucile. D’abord implantée à Londres, le
succès du travail de Lady Duff Gordon permet bientôt l’ouverture de plusieurs
succursales, à New York, Chicago et enfin à Paris en 1911.
L’histoire du défilé de mode commence en même temps que la naissance de
la haute couture. Charles Frederick Worth dès 1868 faisait porter ses modèles par des
jeunes femmes qu’il appelle des « sosies »47. Cependant, on considère Lady Duff
Gordon comme la créatrice des Fashion Weeks car c’est elle qui pour la première
fois organise chez elle des présentations de collection. A date fixe, elle invite ses
clientes pour des présentations de collection dans une salle spécialement aménagée
pour l’occasion. Des programmes du défilé présentant chaque modèle étaient
distribués aux clientes à l’entrée du défilé et le passage des mannequins se faisait en
musique48. Cette pratique inédite à l’époque suscite beaucoup d’enthousiasme au sein
de la couture parisienne si bien que la pratique va se démocratiser et devenir une
47 Garnier, Guillaume, Op.cit. 48 Grumbach, Didier, Op.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
36
tradition. Le phénomène prend de l’ampleur dans les années 30 ce qui va obliger la
Chambre syndicale de la couture à réglementer les présentations de collection en
créant un calendrier et en fixant des règles comme par exemple la réduction du
nombre de modèle présenté qui passe de 400 à une centaine par souci d’économie
après la crise de 1929. Malgré le déclin de la haute couture, le rendez-vous des
présentations de collection se perpétue à Paris. Les défilés se font dans des
résidences privées ou dans des salons et se transforment en véritables spectacles,
redoublant d’imagination tant dans la mise en scène que dans le choix des
musiques49.
Les présentations de collections organisées par la Canadienne Lady Duff
Gordon ouvrent donc la voie à une tradition à Paris qui attire les clients étrangers car
avant 1945 Paris est la seule à présenter ses modèles aux clients ce qui participe à la
construction de sa légende de capitale de la mode.
b) Un lieu de facturation essentiel au développement de la mode française
Afin de comprendre pourquoi les présentations de collections ont acquis un
statut si particulier dans le calendrier de la mode parisienne, il faut revenir sur l’objet
premier de la présentation de collection : la facturation.
David Zajtmann insiste bien sur ce point. A l’origine, lorsque Lady Duff
Gordon organise chez elle des présentations de collections, elle n’invite pas la presse,
ni des inconnus, ni des célébrités mais bien des clientes. Il poursuit en disant qu’à
l’époque, l’essentiel du commerce de la couture, la facturation se faisait pour des
clientes individuelles. La présentation de collection devenait donc l’activité d’une
entreprise qui présentait ses produits à ses acheteurs. Le défilé servait à proposer des
modèles pour qu’à la fin, la cliente puisse dire : je prends trois exemplaires du
modèle n°2 etc. Les clientes individuelles des maisons vont bientôt devoir cohabiter
avec des acheteurs étrangers invités pour l’occasion. A l’époque des premières
présentations de collection l’acheteur type est en général le salarié d’un grand
49 Grumbach, Didier, Op.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
37
magasin qui vient acheter, un peu comme la cliente, des modèles en plusieurs
exemplaires50. Cet acheteur type existe ainsi pour plusieurs pays.
Une présentation de collection, c’est donc un moyen pour la firme de
présenter ses modèles et de remplir son carnet de commande. Par la suite les maisons
inviteront des personnalités de l’époque et des journalistes, mais à l’origine les
journalistes n’avaient pas le droit ni de dessiner, ni de prendre des photos des
modèles. On leur remettait à la fin du défilé un descriptif des modèles sur lequel les
robes étaient présentées striées de bandes afin qu’on ne devine que la coupe et non la
matière et l’imprimé. De plus un embargo interdisait aux journalistes de parler des
modèles dans leurs journaux avant un mois. Ce que ce qu’on appelle aujourd’hui
Fashion Week désigne le moment où l’on facturait, aux origines de la couture. Il faut
bien comprendre qu’avant 1945 et malgré la crise économique qui fait rage, Paris est
la seule ville où les maisons de couture facturent réellement.
Il apparaît donc que la construction de l’image de capitale de la mode est en
partie fondée sur le fait que tout au long de la première partie du XXème siècle, Paris
est l’unique endroit où les acheteurs se rendent pour voir les collections. Les
présentations de collections deviennent des moments clefs des calendriers de la mode
par le fait que ce moment coïncide avec le calendrier commercial des acheteurs
étrangers.
B) Le rayonnement de la Fashion Week de Paris
a) Présentation du concept de « Fashion Week »
La Fashion Week - ou semaine de la mode - est une semaine dédiée à la
mode, pendant laquelle les stylistes et les maisons de couture présentent leurs
nouvelles collections de prêt-à-porter et de haute couture en organisant des défilés.
50 Zajtmann, David, Op.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
38
Nous devons la forme moderne de la Fashion Week à une Américaine Eleanor Lambert. En 1943, les journalistes américains ne peuvent pas se rendre à
Paris comme à leur habitude pour voir les nouvelles collections à cause de
l'Occupation allemande. Alors, afin de mettre un coup de projecteurs sur les créateurs
américains jusque-là restés dans l'ombre de leurs confrères parisiens, Eleanor
Lambert invite tous les journalistes à se rendre à New York pour la "Semaine de la
Presse"51. A partir de 1943, les invités des présentations de collections sont donc à la
fois des clients et des journalistes ce qui constitue la base du public actuel des
Fashion Week. Ainsi, si les français ont inventé le défilé de mode, les Américains
ont inventé la Fashion Week.
������ La Fashion Week a lieu deux fois par an : les collections d'hiver sont
présentées en février-mars et celles de l'été en septembre-octobre. ������Quatre villes
accueillent la Fashion Week pendant quatre semaines consécutives, toujours dans le
même ordre : New York, Londres, Milan et enfin, la Fashion Week de Paris. Pour le
fondateur de la maison Christian Lacroix, Jean-Jacques Picart, les Fashion Weeks
sont des institutions pour le milieu de la mode dans le sens où elles permettent la
rencontre de tous les acteurs de ce secteur
« Les Semaines de la Mode sont le rassemblement mondial de tous les professionnels de la mode - Acheteurs de Grands Magasins et de Boutiques multimarques, journalistes et photographes, blogueurs, les représentants des diverses Fédérations et Salons professionnels, les divers experts et spécialistes du secteur sans oublier les acteurs de toute la filière que sont les fabricants de tissus, les industriels»52.
Les enjeux de ce rendez-vous sont multiples. Tout d’abord la Fashion Week
pour les maisons c’est un rendez-vous commercial. C’est le moment d’exposer la
vitrine de ce qui sera vendu six mois plus tard en boutique, le défilé de la Fashion
Week aura donc une influence sur la facturation future des maisons. Les acheteurs en
profitent pour identifier les tendances de chaque saison et faire leur sélection de
produits qui seront ensuite distribués dans de grands magasins ou de plus petites
boutiques. 51 Lorenzo, Sandra, « A quoi sert la haute couture », dans Huffingtonpost.fr, le 20 janvier 2014,<http://www.huffingtonpost.fr/2014/01/20/fashion-week-paris-haute-couture_n_4619256.html?utm_hp_ref=france>, (consulté le 9 février 2014). 52 D, Louise, « Paris n’est plus la seule à briller », dans Jolpress.fr, le 20 janvier 2014, <http://www.jolpress.com/paris-capitale-mode-haute-couture-defiles-chanel-interview-article-824024.html>, (consulté le 20 janvier 2014).
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
39
Au-delà de l'aspect commercial, la Semaine de la mode est surtout un
moment-clé pour les créateurs, c’est la présentation du travail des maisons. Elle leur
offre l'opportunité de façonner leur image, à la faveur de créations originales ou
d'une mise en scène soignée pour les défilés53. L’impression donnée au moment de la
présentation de la collection permet de déterminer le volume d’achat futur pour les
maisons. La scénographie des défilés est donc devenue un enjeu majeur pour les
maisons. Olivier Massart en a fait son métier. En quarante ans, il a organisé plus de
7500 défilés et a inventé le concept de « dream show ». Dans les années 50 à Paris
les présentations de collections durent environ deux heures dans un silence de plomb.
Olivier Massart révolutionnera le défilé de mode en organisant de véritables
spectacles comme le défilé d’Yves Saint Laurent au stade de France en 199854.
b) Statut privilégié de la Fashion Week de Paris
Malgré la notoriété et le succès grandissant des Fashion Weeks de New York,
Londres et Milan, les experts de la mode internationale s’accordent tous à dire que la
PFW, The Paris Fashion Week Fashion la plus prestigieuse et la plus importante.
Cela s’explique par un mélange de tradition et d’histoire.
D’abord il n’y a qu’à Paris que défile la haute couture. En effet, deux
semaines par an sont consacrées aux défilés de haute couture, elles ont lieu en marge
de la Fashion Week en janvier et en juin et c’est ce qui donne toute sa noblesse et son
importance à la fashion week de Paris. Mais il n’y pas que la haute couture qui attire
le public à Paris pendant la Fashion week. La semaine parisienne est la plus ancienne
et la plus internationale selon Didier Grumbach. Les collections parisiennes sont
destinées à l'exportation. Tous les membres adhérents de Fédération Française de la
Couture, du Prêt-à-porter des Couturiers et des créateurs de Mode font 90%
53 Auteur inconnu, « La fashion week en 3 questions », dans M Style, Le monde, le 9 octobre 2012, <http://www.lemonde.fr/style/article/2012/10/09/la-fashion-week-en-trois-questions_1771987_1575563.html>, (consulté le 14 octobre 2013). 54 Auteur inconnu, « Massart a inventé le ‘dream show’ », dans M le magazine du monde, p74, le 5 octobre 2013.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
40
d'export55. Le président de la Fédération poursuit en affirmant que Paris est à ce titre
depuis longtemps le bureau du style pour la mode mondiale. C’est pourquoi la
Fashion week parisienne, une fois les présentations de haute couture passées
demeure le rendez-vous le plus attendu pour tout le milieu de la mode. Paris est la
dernière capitale à présenter ses collections ce qui participe à augmenter l’effet
d’attente et permet de clôturer la saison des défilés en beauté. En plus de faire défiler
les maisons françaises, de nombreuses maisons étrangères font le choix de défiler à
Paris, en tant que membre invité ou membre correspondant56 ce qui augmente l’enjeu
de la Fashion Week parisienne.
Ainsi deux fois par an, le statut de Paris en tant que capitale de la mode est
remis en question à l’heure où se préparent les fashion week de New York, Milan et
Londres. Cependant, la fashion week est un lieu d’institutionnalisation de la mode
française.
L’hégémonie de Paris est fondée sur le savoir-faire artisanal que représente la
haute couture. L’histoire de la mode a évolué et s’est ouverte à de nouvelles
techniques de fabrication, mais l’apparition du prêt-à-porter n’a fait que conforter
Paris dans son rôle de capitale de la mode puisque la noblesse du métier est née à
Paris. Les institutions de la mode ont pris soin de protéger et d’encadrer ce savoir-
faire afin d’éviter qu’il ne se perde. La Fashion week de Paris présente au monde
entier la haute couture et son héritier le prêt-à-porter. La réputation de ce rendez-
vous confirme que Paris est la capitale de la mode. Mais la haute couture susciterait-
elle autant les passions si elle était née à New York ou à Londres ? L’ancrage
territorial de la haute couture peut-il expliquer son succès ? A quel point l’aura de la
ville de Paris est-elle responsable de son statut de capitale de la mode ?
55 Lasjaunias, Aude « Didier Grumpach :"Paris est clairement la capitale de la création », dans M Style, Le monde, le 26 septembre 2012, <http://www.lemonde.fr/style/article/2012/09/26/didier-grumbach-paris-est-clairement-la-capitale-de-la-creation_1765772_1575563.html>, (consulté le 9 novembre 2013). 56 Nous reviendrons sur la réglementation qui permet à des maisons étrangères de défiler à Paris dans le chapitre III.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
41
Chapitre 2. Paris Capitale de la mode, une hégémonie construite sur l’aura de la Ville-Lumière
Des surnoms prestigieux et évocateurs, la capitale française n’en manque pas.
Autant « plus belle ville du monde » que « Ville-Lumière », on dit aussi de Paris
qu’elle est la ville aux cent villages, la cité de l’amour, la capitale de la création, la
capitale de la gastronomie, la capitale de l'art de vivre et enfin la capitale de la mode.
Quel que soit le nom qu’on lui donne Paris est une ville qui fait rêver les étrangers et
rends les Français chauvins. Il s’agit tout au long de cette partie d’analyser dans
quelle mesure la mode parisienne utilise l’aura de la capitale pour rayonner et
inversement. Il s’agira également de voir les efforts politiques et culturels consentis
par Paris pour conserver le titre de capitale de la mode et de la création.
I- Paris, un écrin d’exception pour la mode
Si on peut parler de Paris comme capitale de la mode, c’est parce que
l’histoire de la capitale semble se lier avec celle de la mode. Ville de l’élégance et du
chic, Paris par son architecture cossue et ses monuments célèbres semble être le
parfait décor pour sa chère haute couture. Il faudra donc dans cette partie expliquer
comment la mode est s’inscrit dans l’identité de la Ville-Lumière.
1. La mode au cœur de la ville
La mode a pris ses quartiers dans la capitale française au travers d’une
cartographie précise et d’une exploitation judicieuse des monuments parisiens.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
42
A) Cartographie du Paris de la Haute couture
a) De la rue de la Paix à la « ruée vers l’Ouest »
Avant 1929 la mode fait partie intégrante de la vie mondaine et ne peut
objectivement pas s’éloigner trop du centre de vie de sa clientèle. Au cours de la
Monarchie de Juillet, la rue de la Paix située entre le jardin des Tuileries et les grands
boulevards est le lieu de passage de la haute société. Plus tard, pendant le Second
Empire commence à Paris le temps de la construction des boulevards haussmanniens
et des grands hôtels, comme c’est le cas du Grand Hôtel du Palais Royal construit en
185557. C’est donc stratégiquement autour de ces axes que les maisons de haute
couture, boutiques et ateliers vont s’implanter. Le quartier de l’Opéra s’étend de
l’Opéra Garnier au Nord, au jardin des Tuileries au sud, et du Palais Royal à l’Est à
la rue Royale à l’Ouest. La place Vendôme devient alors le cœur de quartier, et la rue
de la Paix son artère principale.
Cette rue de la Paix est rebaptisée «la Voie Sacrée » par Paul Poiret. Il est
vrai que les plus grands de la couture de l’époque s’y sont implantés. Entre 1891 et
57 Saillard, Olivier, Zazzo, Anne, Op.cit.
Illustration 1- Plan du quartier de l’Opéra avant 1909.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
43
1900 Paquin occupe le numéro 3, Worth le numéro 7, les sœurs Boué le numéro 9 et
Doucet au numéro 17 de la rue de la Paix. Plus bas, place Vendôme, on trouve les
maisons Beer, Martial & Armand et Chéruit. Jeanne Lanvin installe sa maison au 16
de la rue Boissy d’Anglas et l’emballeur Louis Vuitton prend ses quartiers au 23 de
la rue des Capucines. L’exposition « Garde Robe d’une couturière » présente les
vêtements d’une couturière Alice Alleaume, première vendeuse de 1912 à 1923 chez
Chéruit, 21, place Vendôme. Issue d’une famille liée au milieu de la couture dès le
Second Empire, Alice possède une garde-robe emblématique du nec plus ultra de la
mode de la Belle Époque. Tout au long de l’exposition, les toilettes anciennes sont
mises en perspective par des peintures et des estampes du musée Carnavalet qui
évoquent le quartier de la place Vendôme et de la rue de la Paix à la Belle époque58.
Ainsi on peut dire qu’avant 1909 le quartier de l’Opéra est réellement le cœur de la
couture parisienne.
C’est Paul Poiret qui initie un mouvement en s’installant au 37 de la rue
Pasquier en 1909 à deux pas de l’Avenue des Champs Elysée. Il lance alors le
mouvement de « la Conquête de l’Ouest » selon une expression de Guillaume
Garnier59.
b) Les stratégies d’implantation des maisons de couture
Les maisons de couture vont alors presque toutes se déplacer dans Paris afin
de recréer un nouvel espace pour la mode. Le quartier des Champs Elysées est alors
un lieu résidentiel bourgeois, un « microcosme des élégances » selon une expression
de Dominique Leborgne. Et c’est vers cette avenue que vont alors converger les
maisons de couture dès le départ de Paul Poiret.
Le mouvement s’accélère après la Grande guerre. Madeleine Vionnet quitte
le 22 rue de Rivoli pour le 50 avenue Montaigne en 1922, Philippe et Gaston
s’installent la même année au numéro 120 de l’avenue des Champs Elysées. Les
Sœurs Boué s’installent au 73 avenue des Champs Elysées en 1928 et Maggy Rouff
58 Roman d’une couturière, le chic d’une Parisienne de la Belle Epoque aux années 30, du 17 octobre 2013 au 16 mars 2014, Musée du Carnavalet, Paris. 59 Saillard, Olivier, Zazzo, Anne, Op.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
44
au 136 de la même rue en 1929. Selon l’écrivain Paul Reboux, ce déplacement de la
couture vers l’ouest s’explique par le nombre déjà important de maisons de couture
implantées dans le quartier de l’Opéra et le manque de place dans les locaux de ces
maisons. Ce déplacement dans le quartier des Champs Elysées sera confirmé au fil
des années avec l’installation de Christian Dior au 30 avenue Montaigne en 1946,
puis Givenchy au 3 avenue Georges V en 1959 ou encore Yves Saint Laurent au 5
avenue Marceau en 1974. Cependant, il existe des exceptions à ces migrations. En
effet, Chanel et Schiaparelli ne suivront pas ce mouvement de conquête de l’Ouest et
se maintiendront dans le quartier de l’Opéra, respectivement rue Cambon et place
Vendôme.
Il existe au demeurant d’autres stratégies d’implantation pour les maisons. En
effet depuis les années 80 il semble qu’un nouveau mouvement soit en train de
s’opérer par l’éloignement que prennent les maisons avec le quartier des Champs
Elysées. Cette fois-ci c’est vers l’Est que se tournent les couturiers, vers le quartier
du Palais royal et le Marais comme c’est le cas de Azzedine Alaïa. David Zajtman
explique cependant qu’en parallèle des mouvements d’Est en Ouest il existe des
stratégies individuelles de la part des maisons qui justifient un déplacement. C’est le
cas d’une maison comme Nina Ricci qui quitte le quartier du Sentier pour l’avenue
Montaigne pour signifier sa montée en gamme. De même, Yves Saint Laurent ouvre
Illustration 2 – Plan du quartier des Champs Elysées à Partir de 1909
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
45
une boutique rive gauche en 1965 car c’est le nouveau quartier à la mode comme il le
constatera en 1968. Thierry Mugler dans les années 90 déménage Rue aux ours, dans
le quartier des Halles afin de se donner une certaine image, très contemporaine, assez
sulfureuse car positionné juste à côté des bains douches. 60
Aujourd’hui, on observe de nouveau chez les maisons un certain engouement
pour l’ancien quartier de la mode, le quartier de l’Opéra. La maison Schiaparelli, 60
ans après sa fermeture réinvestit le 21 place Vendôme. Louis Vuitton célébrait quant
à lui le 3 juillet dernier, l'inauguration de son premier magasin Place Vendôme
entièrement dédié à ses collections de joaillerie et d'horlogerie. Cet emplacement
évoque un retour aux sources puisque c'est à quelques encablures, rue des Capucines,
que la maison Louis Vuitton s'était installée à Paris en 185461. Cependant, en 2010
Hedi Slimane fait le choix de déplacer les ateliers de création de Yves Saint Laurent
à Los Angeles, pour retrouver l’inspiration. Comme si l’Avenue George V avait
perdu de sa magie. La maison confie cependant que les essayages et les ateliers de la
griffe restent à Paris, il apparaît donc que si la tête d’Yves Saint Laurent est à Los
Angeles, son cœur lui, reste dans la Ville-Lumière.
La mode parisienne depuis l’apparition de la haute couture a donc peuplé des
quartiers de Paris, successivement le quartier de l’Opéra et celui des Champs Elysées
qui conservent encore aujourd’hui cette empreinte luxueuse qui attire touristes et
acheteurs.
B) L’exploitation de l’architecture parisienne par la mode française
60 Zajtmann, David, Op.cit. 61 Vogue, Louis Vuitton place Vendôme célèbre Paris, Vogue.fr <http://www.vogue.fr/vogue-tv/bijoux/videos/louis-vuitton-place-vendome-celebre-paris/2265> (consulté le 27 janvier 2014).
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
46
a) L’investissement des monuments parisiens par la mode
L’architecture de Paris lui vaut le surnom de plus belle ville du monde. Les
Champs Elysées, l’Arc de Triomphe ou la Tour Eiffel entre autres font la fierté de la
France et constituent un patrimoine architectural unique au monde. Si Paris continue
de jouir du titre de capitale de la mode après la Seconde Guerre Mondiale malgré le
déclin de la haute couture c’est parce que la mode française à su sortir des ateliers et
des boutiques pour investir des monuments prestigieux chargés d’histoire et ainsi
imposer une équation simple : Paris c’est la Mode62. En effet à partir des années 50,
l’évolution du défilé de mode en France se fait en parallèle le l’ouverture des
monuments parisiens aux couturiers pour qu’ils y présentent leurs collections. L’un
des moments clé de l’histoire des défilés dans la capitale, c’est l’autorisation d’ouvrir
la Cour carrée du Louvre au défilé de mode par Jack Lang en 198263. Les monuments
parisiens sont choisis par les couturiers afin que la lumière, le volume, le décor du
bâtiment subliment leurs créations.
Les maisons choisissent pour leurs défilés de faire découvrir au public
international la beauté et la diversité des monuments de Paris. Le panel de
monuments qui ouvrent leurs portes à des défilés de mode est très large. Il y a
d’abord tous les grands hôtels parisiens comme par exemple l’Hôtel Shangri-La ou
l’Hôtel d’Evreux (situé sur la célèbre place Vendôme) pour Alexis Mabille, l’Hôtel
Salomon de Rotschild pour Valentino. Certains musées sont également investis par
les couturiers comme le Palais de Tokyo pour la haute couture de Yiqing Yin, la Cité
de l'Architecture et du Patrimoine pour Stéphane Rolland ou la Galerie de
Minéralogie du Musée d'Histoire naturelle pour Alexandre Vauthier. Divers autres
espaces prestigieux deviennent le théâtre de la mode le temps d’un défilé comme le
lycée Henri-IV pour la collection de Christophe Josse, ou l’ambassade du Brésil pour
le couturier Gustavo Lins (d’origine brésilienne). Thierry Mugler lui, a opté pour le
Gymnase Japy.64
62 Saillard, Olivier, Zazzo, Anne, Op.cit. 63 Girard, Christophe, maire du IVème arrondissement, consultant pour LVHM, entretien à Paris, le 4 mars 2014. 64 Relaxnews, « Fashion week : les lieux parisiens les plus insolites se transforment en écrin de mode », dans La dépêche.fr, le 25 juin 2012, <http://www.ladepeche.fr/article/2012/06/25/1386636-fashion-week-les-lieux-parisiens-les-plus-insolites-se-transforment-en-ecrins-de-la-mode.html>, (consulté le 7 mars 2014).
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
47
La meilleure illustration de l’investissement d’un monument parisien par la
haute couture est sans doute la collaboration existante entre la maison Chanel et le
Grand Palais. En effet depuis 2006, pour chacune de ses collections Karl Lagerfeld
ne cesse d’exploiter la lumière et l’espace qu’offre l’incroyable nef du grand Palais.
Depuis, au gré de l’imagination du couturier, le monument s’est transformé en jardin
à la française65 et en décor apocalyptique. Une veste emblématique de la marque et
un lion géant y ont même été installés. La fantaisie de la maison va même jusqu’à
recréer le décor de la place Vendôme à l’intérieur du Grand Palais, la maison Chanel
offrant ainsi à son public deux monuments parisiens d’exception en même temps66.
Les couturiers exploitent donc la beauté des monuments parisiens pour
sublimer leurs collections. Cependant, les monuments de la ville de Paris bénéficient
65 Illustration 1, annexe page 116. 66 Site du grand palais <http://www.grandpalais.fr/fr/Le-monument/Histoire/Les-evenements-du-Grand-Palais/Excellence-francaise/p-94-Les-defiles-de-mode.htm>, (consulté le 11 octobre 2014).
Illustration 3 – Défilé Chanel Automne Hiver 2010 au Grand Palais.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
48
en même temps du prestige d’accueillir de tels événements et voient leur visibilité
internationale considérablement accrue grâce à la mode. Il faut cependant noter que
certains couturiers reviennent à des présentations plus intimistes, moins
spectaculaires comme au temps de l’âge d’or de la couture, comme ce sera le cas de
Jean Paul Gaultier et de la Maison Rabih Kayrouz qui feront défiler leurs nouveaux
modèles dans leurs propres ateliers67.
Paris est donc parvenue à ancrer la mode dans le paysage urbain en
investissant différents lieux de la capitale au moment de la fashion week. A titre de
comparaison la Fashion Week de New York se déroule sous des chapiteaux dressés
près du Lincoln Center dans le nord est de Manhattan68. La ville n’exploite pas les
monuments new yorkais, aussi impressionnants soient-ils, comme le fait Paris.
b) Les symboles de Paris utilisés comme stratégie marketing
Les monuments parisiens se sont transformés au fil du temps en images
iconiques. L’esquisse d’un monument, la suggestion de l’intérieur d’un appartement
haussmannien ou la vue sur les toits suffisent à évoquer la ville de Paris. Ainsi
certains monuments parisiens sont devenus d’incontournables décors pour les
publicités. Pour les compagnies aériennes, les agences de voyages, l’iconographie de
la Tour Eiffel suffit à évoquer la France dans son intégralité et pas seulement la
capitale. C’est est l’un des monuments le plus connu du monde et l’un des plus
représenté aussi.
67 Relaxnews, « Haute couture : les monuments parisiens se transforment en catwalk géant », dans La dépêche.fr, le 16 janvier 2014, <http://www.ladepeche.fr/article/2014/01/16/1796086-haute-couture-les-monuments-parisiens-se-transforment-en-catwalks-geants.html>, (consulté le 7 mars 2014). 68 Illustration 2, annexe page 116.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
49
Les maisons de mode parisiennes l’ont bien compris. La présence ou
l’évocation d’un monument de Paris dans leurs publicités permet aux consommateurs
d’associer immanquablement la marque à la Ville-
Lumière. L’image des monuments parisiens est
utilisée dans les publicités pour les accessoires et
produits dérivés des maisons de mode comme les
sacs, les cosmétiques, et en particulier les parfums.
Ces accessoires n’ont plus rien à voir avec les
vêtements de haute couture pour lesquelles les
maisons sont célèbres, mais ils offrent à tous les
consommateurs la possibilité de vivre une histoire
avec les maisons en portant depuis des années un
parfum de la marque par exemple. Il est donc
indispensable pour les grandes maisons d’évoquer
Paris dans les publicités des produits les plus
abordables de leur gamme. L’emploi d’une
iconographie parisienne permet de séduire un large
panel de consommateurs internationaux.
La tour Eiffel est en bonne place sur toutes les publicités de parfums. Pour
Miss Dior Chérie, elle est en toile de fond derrière des ballons multicolores69. La
Dame de fer apparaît en second plan dans les publicités des parfums « Parisienne »
d’Yves Saint Laurent70 et notamment derrière la top model anglaise Kate Moss dans
la campagne de 200971. La dame de fer est même escaladée par Marion Cotillard
dans la publicité du nouveau sac à main « Lady Dior »72. Enfin, dans la publicité
d’anthologie pour Chanel n°5 où le petit chaperon rouge faire taire le grand méchant
loup d’un geste, la dernière image est celle d’une tour Eiffel illuminée et enneigée.
Mais il n’y a pas que la tour Eiffel à être représentée, en effet lorsque Isabelle Adjani
présente le dernier modèle de chez Lancel, l’obélisque apparaît à la fenêtre derrière
69 Illustration 3, annexe page 117. 70 Auteur inconnu, « Yves Saint Laurent : un parfum haute couture », dans Le parisien.fr, le 6 novembre 2010, <http://www.leparisien.fr/laparisienne/histoire-marques/yves-saint-laurent-un-parfum-haute-couture-06-11-2010-1142692.php>, (consulté le 17 avril 2014). 71 Illustration 4, annexe page 117. 72 Illustration 5, annexe page 118.
Illustration 4- Publicité pour le parfum « Paris », par Yves Saint Laurent, 1983.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
50
elle73. Et quant Liv Tyler conduit un hors bord sur la scène on voit apparaître les
tours de Notre Dame de Paris au dernier plan74. Chez Lancôme, on devine un pont
parisien baigné de lumière derrière Kate Winslet75. On constate donc que quelle que
soit la nationalité de l’égérie, qu’elle soit française ou étrangère, l’utilisation d’un
monument parisien dans la publicité ne laisse aucun doute au consommateur quant à
la provenance du produit.
Le marketing des marques de mode utilise donc régulièrement les monuments
de la ville de Paris pour susciter chez le consommateur l’envie d’acquérir par le
produit un morceau de l’identité parisienne. Les monuments sont presque toujours
associés à une image de mode glamour et luxueuse, ce qui renforce à l’étranger le
sentiment que Paris est bien la capitale de la mode.
2. La part de rêve véhiculée par Paris dans l’imaginaire de la mode internationale
La mode parisienne utilise la « magie » de la Ville-Lumière pour consolider
sa place de référence dans le milieu de la mode internationale.
A) L’existence de maisons et de personnalités parisiennes emblématiques
a) Des maisons historiques à l’épreuve du temps
C’est à Paris que se trouvent les plus vieilles maisons de mode et de luxe du
marché actuel. Le tour de force que parvient à faire la capitale est extraordinaire,
certaines maisons de mode et de luxe semblent avoir traversé les temps et continuent
de se maintenir au sommet dans le secteur, autant au niveau commercial qu’au
niveau du prestige. « Si l’on considère les dates de création des marques de luxe
française dans les secteurs de la mode, de l’accessoire et du parfum, on se rend
73 Illustration 6, annexe page 118. 74 Illustration 7, annexe page 119. 75 Illustration 8, annexe page 119.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
51
compte que près de la moitié (et non des moindres) sont antérieures aux années
50»76.
Le maintien et la survie d’une maison sur plusieurs générations de stylistes et
de directeurs artistiques renforcent au fil des ans le prestige et l’aura de la maison. La
plupart des maisons de luxe leader du marché mondial du luxe aujourd’hui sont de
vieilles maisons familiales. En ce qui concerne les maisons de luxe, à proprement
parler la maison Hermès a été fondée en 1837 et la maison Vuitton elle, existe depuis
185477. Ces deux références françaises en matière d’accessoires et de vêtements de
luxe doivent leur succès et leur réputation à une incroyable longévité dans le paysage
parisien.
En matière de mode cette fois, les maisons françaises qui ont traversé le
temps pour garder une place importante dans la capitale sont nombreuses. Se
maintenir en gardant une identité propre et reconnaissable est le véritable défi pour
les directeurs artistiques qui reprennent les rênes des maisons. Ils doivent innover
sans dénaturer pour conserver la clientèle de la maison tout en cherchant à séduire le
plus grand nombre. Le pari est remporté haut la main par plusieurs maisons
parisiennes qui ont su résister pour parvenir jusqu’à nous. En 2009, la maison Lanvin
a fêté ses 100 ans. La maison Vionnet, créée en 1912 continue d’exister en 2014
grâce au talent du nouveau directeur artistique Hussein Chalyan. Le monument
Chanel, créé en 1921 par l’illustre Mademoiselle demeure aujourd’hui l’une des
maisons parisiennes la plus dynamique grâce à l’infatigable Karl Lagerfeld. La
maison de la rivale historique de Chanel, Schiaparelli, créée en 1927 renait de ses
cendres en 2012 après une absence de soixante ans. Les maisons créées après 1945
comme Dior ou Givenchy perdurent dans le temps et conservent un prestige
considérable.
Ainsi il apparaît que les maisons de mode et de luxe de la capitale fondent
leur réputation par une résistance aux effets d’obsolescences. Les maisons de luxe
continuent d’exploiter un savoir-faire ancien sans cesse réactualisé et les maisons de
76 Fouchard, Gilles, Op. cit. 77 Carreira, Serge, Op. cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
52
mode ont un rapport au temps qui leur permet de rester innovantes sans dénaturer
l’héritage du couturier qui les a créée.
b) La figure du couturier créateur Parisien
Les couturiers parisiens sont des personnages de
l’histoire de la mode. Ils sont souvent à l’origine de
l’attachement des consommateurs à la maison qu’ils ont
fondée. La mode parisienne compte une multitude de ces
couturiers aux personnalités colorées.
La personnalité de Charles Frederick Worth précédemment
évoquée est à l’origine de l’invention du concept de
« couturier-créateur ».
« Le créateur de haute couture, avec son imagination et sa fantaisie,
mais aussi avec sa lecture de la société et de l'histoire des hommes, de
leurs mœurs et de leurs croyances, est le vrai deux ex machina de
l'atelier, lieu éloigné des regards et où la mode trouve la beauté de ses
formes. La présence de couturiers de grande renommée est un indicateur
d’un environnement créatif. Le nombre de stylistes créateurs parisiens
est, dès le XIX° siècle, impressionnant ainsi que leur continuité et leur
qualité. Se manifeste aussi une internationalisation croissante des
créateurs de mode, associée à une concentration spatiale constante dans
le temps à Paris »78.
En effet, des personnalités hors du commun Paris en a connu plusieurs. La
haute couture doit toute sa noblesse à des hommes et des femmes comme Paul
Poiret, Jacques Doucet, Jeanne Lanvin ou encore Madeleine Vionnet. Les Français
ont également une affection particulière pour les rebelles de la mode. L’amour du
public pour le caractère bien trempé de Gabrielle Chanel l’illustre. Lorsqu’un jour
Paul Poiret pour railler son allure sombre, lui demande par provocation: « Vous êtes
78 Barrère, Christian, Santagata, Walter, Une économie de la créativité et du patrimoine : la mode, Note de synthèse du rapport rédigé pour le Département des études et de la prospective du Ministère de la Culture et de la Communication, Février 2003.
Illustration 5 - Liste des plus illustres couturiers parisiens.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
53
en deuil. Mais de qui ? », Coco lui répondit sur le même ton « Mais de vous mon
cher »79. Certaine de son talent et fière de sa singularité Gabrielle Chanel demeure
une icône de la mode dont Paris est particulièrement fier. Si Chanel est appréciée
pour son franc-parler et son idée de l’élégance, Yves Saint Laurent est loué pour son
génie et sa volonté de sublimer la femme. Talentueux mais tourmenté, Yves Saint
Laurent marquera la mode Parisienne par son audace, et sa rébellion. Il reste dans
l’esprit des Parisiens il est l’un ces premiers acteur de la mode à parler de drogue
(avec la sortie du parfum subversif « Opium »), et pose nu pour le parfum Pour
Homme. Peu soucieux des conventions, il se lance dans le prêt-à-porter de couturier
lassé par la haute couture et c’est justement rive gauche qu’il ouvre sa boutique pour
une fois de plus bousculer les habitudes de mode des parisiens80. Concernant la
nouvelle vague de la couture française, le créateur Jean Paul Gaultier surnommé
« l’enfant terrible de la mode » est considéré comme attachant et sympathique par les
Français.
Si Paris peut se vanter d’être la capitale de la mode c’est en partie grâce à la
personnalité de couturiers créateurs parisiens qui ont su s’attirer l’affection des
Français. La marinière de Jean Paul Gaultier ou à la cigarette de Coco Chanel sont
encore deux clichés représentatifs des parisiens à l’étranger.
B) L’exploitation du passé de Paris, ville du chic
a) La construction d’une image glamour par la photographie et le cinéma
Si la ville de Paris attire autant les touristes du monde entier c’est qu’elle a
bénéficié à partir des années 50 d’une image glamour stéréotypée par le cinéma et la
photographie. Les Américains ont particulièrement été les acteurs de la construction
d’une « ville- décor ».
A partir des années 50, la Seconde Guerre mondiale est terminée et Paris
devient le symbole du retour au luxe et à l’opulence. Ce sont les grands magazines de 79 Carreira, Serge, Op. cit. 80 Quilleriet, Anne-Laure, « Saint Laurent forever », dans L'express.fr, le 5 juin 2008, <http://www.lexpress.fr/informations/saint-laurent-forever_723513.html>, (consulté le 17 avril 2014).
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
54
mode américain comme Vogue ou Harper’s Bazaar qui vont construire une image
d’un Paris chic grâce au travail de photographes comme Roger Schall, Jean Moral81
ou encore Erwin Blumenfeld82. La ville doit être identifiable par les lectrices
américaines, les modèles sont donc présentés sur ces photos dans des décors que l’on
devine parisiens. Cette iconographie vient se joindre à un discours déjà établi dans
lequel Paris, c’est la mode83.
Dans l’histoire du cinéma américain on compte environ huit cents films dans
lesquels l’action se déroule à Paris. L’exposition « Paris vu par Hollywood »
présentée en 2012 revenait sur la manière dont le cinéma américain a représenté la
capitale française dans ses films84. Hollywood est parvenu à créer une image chic et
glamour pour la ville de Paris. Aux yeux du public américain, Paris est synonyme
d’érotisme, de sophistication, de plaisir mais aussi de romantisme. Au temps du
cinéma muet les Américains recréent en studio des décors parisiens pour leurs films.
Ernst Lubitsch, un réalisateur allemand exilé aux Etats-Unis situa une dizaine de ses
films à Paris sans jamais y avoir tourné le moindre plan. Il confie que selon lui « Il y
a le Paris de Paramount et le Paris de la MGM. Et puis bien sûr le vrai Paris »85. Il
faut attendre les années 50 pour que les réalisateurs viennent effectivement tourner à
Paris. Cependant les clichés ne disparaissent pas pour autant des films américains, de
nombreuses scènes présentent des monuments parisiens, comme autant de passages
obligés dans la capitale. Dans le film de Stanley Donen « Funny face », Jo Stockton
(Audrey Hepburn) habillée par Hubert de Givenchy, pose pour le photographe de
mode Dick Avery (Fred Astaire) dans différents endroits de la capitale, place du
Tertre, à l’Opéra, au Louvre86... Ce film est un parfait exemple de la façon dont les
Américains représentent Paris comme capitale de la mode. En 2010, le dernier film
de Woody Allen commence par 3 minutes 60 de plan :
81 Illustration 9, annexe page 120. 82 Illustration 10, annexe page 120. 83 Saillard, Olivier, Zazzo, Anne, Op. cit. 84 « Paris vu par Hollywood », du 18 septembre au 15 décembre 2012, à l’Hôtel de Ville, Paris. 85 Id. 86 Illustration 11, annexe page 121.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
55
« La tour Eiffel le matin, la Concorde, le Sacré-Cœur vu de loin, Notre-Dame, les Tuileries, le Grand Palais, le Trocadéro depuis la terrasse d’un café, Montmartre, le Fouquet’s, la Seine bien sûr, plusieurs fois la Seine, le Louvre, les péniches, l’Opéra bien doré, les toits de Paris, Dior avenue Montaigne, la pluie, encore la pluie... il pleut beaucoup à Paris, l’Odéon avec un mouvement de caméra devant un cinéma, le bistrot de la Méthode – comme le discours de Descartes, on est bien en France – Paris 5ème, place Vendôme sans Deneuve mais la nuit tombe, rue de Rivoli toujours la pluie, au loin l’Arc de Triomphe et, pour finir, la tour Eiffel il est minuit. En trois minutes exactement Woody Allen raconte ce qu’il en est de Paris au générique de son Midnight in Paris : 60 cartes postales. Au moins, ça a le mérite d’être clair !»87
La façade de la boutique Dior avenue Montaigne fait partie de ces cartes
postales de la capitale. Dans d’autres films et séries américains récents, Paris
représente une étape obligée pour celles et ceux qui travaillent dans la mode, ou
simplement les Fashion addict. Ainsi dans la série Sex and the City ou le film Le
diable s’habille en Prada, le moment du voyage à Paris est vécu par les héroïnes
américaines comme l’aboutissement d’une vie consacrée à la mode.
Le cinéma et la photographie américains sont donc parvenus à créer dans
l’imaginaire international une image qui associe Paris à l’élégance, au raffinement et
donc par extension à la mode.
b) La figure de la Parisienne
La Parisienne est une figure difficile à décrypter. Personnage allégorique qui
représente à elle seule le chic et l’élégance des Françaises, la Parisienne fascine. On
parle des Anglaises, des Italiennes, il arrive que l’on parle également des New
yorkaises mais la Parisienne est la seule à susciter autant les passions.
"Paris est capitale de la mode depuis le Moyen-âge (...) mais cette idée de la
Parisienne, qui se doit d'être élégante, naît fin XIXe-début XXe"88, explique Christian
Gros, co-commissaire de l'exposition « Roman d’une couturière, le chic d’une
Parisienne de la Belle Epoque aux années 30 »89. Depuis lors, on essaye de trouver
87 Goumarre Laurent, Edito dans Magazine Antidote, The Paris Issue viewed by Victor Demarchelier. 88 AFP, « Entre mythe et réalité, le chic de la parisienne séduit toujours », dans Lacroix.fr, le 16 octobre 2013, <http://www.la-croix.com/Culture/Actualite/Entre-mythe-et-realite-le-chic-de-la-Parisienne-seduit-toujours-2013-10-16-1043627>, (consulté le 7 novembre 2013). 89 « Roman d’une couturière, le chic d’une Parisienne de la Belle Epoque aux années 30 », du 17 octobre 2013 au 16 mars 2014, Musée du Carnavalet, Paris.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
56
des mots pour décrire la parisienne. L’élégance semble être le dénominateur commun
à toutes les Parisiennes. Selon les étrangères, les Françaises ont un petit « je-ne-sais-
quoi » impossible à imiter. La Parisienne serait toute en contradiction : élégante mais
pas tapageuse, simple mais sophistiquée, cultivée mais frivole90.
La Parisienne a également la réputation de celle qui s’habille d’un rien et qui reste
sublime en portant des pièces basiques. Cela signifierait presque que la Parisienne
possède un sens inné de la mode et que sans même y penser, elle évite toutes les
fautes de goût. Voilà une façon d’associer les habitantes de Paris à la mode, une
femme élégante sans effort. Christophe
Girard insiste cependant sur le fait que la
Parisienne n’est pas une seule femme mais
plusieurs.
« La Parisienne c’est plusieurs femmes. La ville est tellement cosmopolite que la parisienne est aussi bien arabe, africaine ou asiatique qu’européenne. Le dénominateur commun de ces femmes c’est le chic et l’élégance. A partir de la, n’importe quelle femme peut être une parisienne. La Provinciale aussi est une parisienne. La Parisienne c’est Audrey Hepburn en Givenchy, Catherine Deneuve en Saint Laurent, Audrey Tautou en Chanel. La Parisienne c’est donc toutes ces femmes à la fois »91. Cette femme dont l’essence est si complexe
à saisir s’est incarnée dans plusieurs
personnalités pour permettre d’être
identifiée. Successivement on a attribué
cette étiquette à Coco Chanel, Catherine Deneuve ou encore Inès de la Fressange.
Cette dernière est devenue l’égérie de la maison Chanel dans les années 80 à cause
de son étonnante ressemblance avec Mademoiselle Chanel. En collant parfaitement
aux critères de chic et d’élégance qui caractérise la maison, Inès de la Fressange est
devenue en peu de temps l’incarnation de cette mythique parisienne. Et d’allégorie
90 Peyrel, Benjamin, « La parisienne existe-t-elle toujours ? », dans L’express.fr, le 26 janvier 2013, <http://www.lexpress.fr/styles/mode/la-parisienne-existe-t-elle-toujours_1210904.html>, (consulté le 7 novembre 2013). 91 Girard, Christophe, Op. cit.
Illustration 6 - Inès de la Fressange en Chanel
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
57
de la parisienne à allégorie de la République il n’y a qu’un pas puisque Catherine
Deneuve et Inès De la Fressange ont été choisies pour incarner la Marianne.
En représentant l’élégance et le bon goût à la française, la Parisienne semble
donc faire partie des nombreux mythes qui permettent à la Paris de jouir du titre de
capitale de la mode.
II- La patrimonialisation de la mode par la capitale française
Malgré le fait que la haute couture existe depuis la moitié XIXème siècle, la
prise de conscience que la mode pouvait faire partie du patrimoine est assez tardive
en France. Cependant au début des années 80, la mode devient « à la mode ». Les
politiques et les maisons de couture ne peuvent plus ignorer l’urgence de valoriser ce
qui constitue un savoir-faire unique au monde et les vêtements de couturiers sont
élevés au rang d’œuvres d’art dignes d’exposition.
1. La reconnaissance patrimoniale de la mode
La mode parisienne et française par extension a bénéficié d’une double
reconnaissance à la fois patrimoniale et politique.
A) La reconnaissance de la mode comme produit culturel
a) La mode comme objet patrimonial
Le patrimoine de la France en matière de mode est d’une valeur incomparable
et sa définition permet d’expliquer comment la France est parvenue à s’imposer
comme la référence en matière de mode et de bon goût. Tout d’abord la définition
que l’on peut donner du patrimoine est la suivante :
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
58
« Le patrimoine désigne ce qu’une Nation entend conserver pour les générations futures ; il inclut à la fois un rapport à l’histoire et à l’avenir, fait de continuités (avec le recul du temps qui fait entrer quasi naturellement de nouveaux monuments dans le champ du patrimoine) et de discontinuités (avec l’arrivée de nouveaux objets et concepts qui élargissent le champ du patrimoine, jardins, cafés, paysages, sites industriels, divers lieux de mémoire, mais aussi éléments du patrimoine immatériel, qui contribuent à l’élaboration de ce que l’on pourrait qualifier de « roman national ») » 92.
Depuis l’invention de la haute couture par Charles Frederick Worth en 1858,
la mode est venue enrichir le patrimoine français déjà conséquent. Elle rentre dans le
patrimoine français en tant que représentative de l’art de vivre à la française,
également incarné par la gastronomie et le vin. Le patrimoine de la mode peut être
divisé en deux formes de patrimoines différentes. Les croquis, les collections, les
vêtements et accessoires, relèvent de ce que l’on appelle le patrimoine matériel,
c’est-à-dire du patrimoine tangible, que l’on peut présenter dans une exposition. Le
patrimoine de la mode en France est aussi en grande partie immatériel. Le patrimoine
immatériel désigne les métiers d’arts ou les savoir-faire. C’est que Christian Barrère
appelle le «patrimoine de savoir-faire et de création »93. L’auteur insiste sur le fait
que la haute couture a créé dans le paysage français ce qu’il nomme un « patrimoine
de goût », c’est-à-dire que la haute couture est parvenue à créer en France un goût
commun à tous les membres de la société par l’interprétation de signes. La haute
couture a permis une homogénéité de la représentation de la mode, et a favorisé
l’émergence de l’idée que la France est associée au bon goût esthétique. Enfin
Christian Barrère affirme que le patrimoine de la mode en France est également
d’ordre institutionnel. La haute couture a été érigée tout en haut de la hiérarchie de la
confection et de puissantes institutions sont les garants de cette hiérarchie. C’est le
cas du Comité Colbert, créé en 1954 par Guerlain pour « incarner le goût français et
porter les valeurs qui lui sont spécifiques »94.
La mode, par le biais de la haute couture, s’est donc imposée comme faisant
partie du patrimoine français.
92 Benhamou, François, Thesmar, David, Valoriser le patrimoine culturel français, Conseil d’Analyse Economique, Paris 2011. 93 Barrère, Christian, Les liens entre culture, industries culturelles et industries créatives, La documentation française, 2006. 94 Site du comité <Colbert http://www.comitecolbert.com/fr> (consulté le 28 novembre 2013).
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
59
b) La constitution d’un patrimoine de marque par les maisons
La mode dans sa globalité fait partie du patrimoine national, mais on a vu se
développer à l’intérieur de la mode parisienne une multitude de patrimoines
particuliers.
Les maisons de mode et de luxe ont pris conscience de l’importance que
constituaient leurs archives pour le prestige de la marque. Pour Marie-Claude Sicard,
experte en stratégie de marque, le terme de « patrimoine de marque » s’est développé
en France dans les années 90 au même moment que la notion de « capitale de
marque » 95 . Les marques préfèreront le terme plus noble de patrimoine qui
correspond plus à l’idéologie aristocratique des marques de luxe et des maisons de
haute couture. Le terme patrimoine renvoie également à des notions d’héritage,
d’hérédité et de transmission, importantes pour des marques dont l’ancienneté
dépasse les parfois les 100 ans. Pierre Bergé est l’un des premiers à prendre
conscience de la nécessité de constituer les archives de la maison Saint Laurent en
fonds afin de conserver, protéger et valoriser le travail du défunt couturier. Ainsi la
Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent conserve 5,000 vêtements de haute
couture, 1,000 modèles Rive Gauche, 15,000 accessoires et 35,000 croquis qui
témoignent de la création d'Yves Saint Laurent. Ce patrimoine est conservé dans des
conditions rigoureuses de muséologie : température constante de 18 degrés,
hygrométrie de 50%, placards anti-poussière, boîtes d'archives anti-acide96.
Cependant du patrimoine au capital il n’y a qu’un pas. David Zajtman
rappelle que les grandes maisons de luxe comme Vuitton ou Hermès sont à la base
des commerçants. Jean - Louis Dumas aurait déclaré : « l’argent par les fenêtres je
suis pour à condition que ce soit de l’extérieur jusqu’à l’intérieur»97. Cela signifie
que ces maisons avec un patrimoine immatériel fort mettent tout en œuvre pour le
transformer en patrimoine matériel, monnayable et rentable. C’est l’intention des
95 Mode de recherche n°2, Luxe et patrimoine, Centre de recherche Institut français de la mode, juin 2004. 96 Site de la fondation Pierre Bergé Yves Saint Laurent <www.fondation-pb-ysl.net> (consulté le 17 février 2014). 97 Zajtmann, David, Op. cit.
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marques de luxe plus que des marques de mode qui valorisent sans cesse leur histoire
(consultable sur les sites internet des maisons) par différents moyens : exposition
d’anciennes malles chez Vuitton, diffusion des défilés historiques chez Dior, visites
des ateliers pour une poignée de privilégiés chez Hermès. Les maisons espèrent alors
susciter chez le client l’admiration d’un savoir-faire qui poussera ce même client à
l’achat. Il apparaît donc que le patrimoine matériel des maisons est conservé dans un
souci de valorisation future, en organisant des rétrospectives ou des expositions. Le
patrimoine immatériel lui doit être valorisé par les maisons et s’incarner dans les
produits de la marque afin d’accroitre leur valeur marchande et ainsi permettre à la
marque d’engranger des profits.
Les maisons de luxe et de mode parisiennes concentrent donc leurs efforts à
sauvegarder le patrimoine de leur marque et parviennent même à donner à ce
patrimoine une valeur marchande.
B) La reconnaissance politique
a) La mode comme objet d’attention de la classe politique
L’émergence d’un intérêt pour la mode en politique commence au moment ou
Jack Lang est nommé ministre de la Culture en 1981. Cette période correspond à une
période d’augmentation du budget du ministère mais surtout à l’élargissement des
prérogatives du ministère de la Culture à de nouvelles formes d’art comme le jazz,
les arts de la rue, le design mais également la mode. David Zajmann confie qu’il a
rencontré le conseiller de Jack Lang qui lui a expliqué que ce dernier se met à
considérer dans les années 80 que la force de la France c’était l’art de vivre : les arts
de la table, la gastronomie, la mode98. Il décide alors d’encourager le secteur. En
1982 le président François Mitterrand et Jack Lang inaugurent l’ouverture de la Cour
carrée du Louvre aux maisons de couture afin qu’elles puissent y défiler. C’est un
tournant pour la mode française, elle devient un objet d’intérêt pour toute la classe
98 Zajtmann, David, Op. cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
61
politique. En octobre 1984, le président François Mitterrand déclare la chose
suivante à propos de la mode:
« Je crois qu’on doit traiter la mode autour de deux idées. La première est qu’il s’agit d’un art. On dira art mineur, qui le sait ? Le plus souvent j’observe qu’il s’agit, en raison même de ce qu’elle comporte d’un art majeur. La création des styles de mode peut être considérée comme l’un des beaux arts »99.
La mode devient donc aux yeux des politiques un art, une partie du
patrimoine culturel français qu’il convient de protéger et de valoriser. L’Etat
multiplie alors les aides à la mode et distribue des récompenses aux couturiers. Pour
récompenser les couturiers de leur contribution à l’enrichissement du patrimoine
français, bon nombre d’entre eux recevront la Légion d’honneur. C’est le cas de
Yves Saint Laurent, Pierre Bergé en qualité de mécène, Gaby Aghion fondatrice de
la maison Chloé, Paco Rabanne etc...
En 1989 le ministère de la Culture créé l’ANDAM, (Association nationale
pour le développement des arts de la mode) dont le but est de repérer, promouvoir et
récompenser les nouveaux talents de la couture. En 1991, Dominique Strauss-Kahn,
alors ministre délégué de l’industrie obtient pour les entreprises de l'habillement
l'extension du crédit impôt-recherche aux frais de collection, une mesure qui restera
déterminante pour le développement de la mode à Paris puisqu’elle permet une
avance pour les jeunes couturiers qui souhaitent sortir une première collection. Puis
en 2010, Anna Wintour la papesse de la mode américaine s’est entretenue avec le
ministre de l’Industrie français en fonction, Christian Estrosi, afin d’étudier les
initiatives françaises et américaines pour dynamiser l’industrie de la mode100. La
manœuvre est historique, la France n’avait jamais vu un ministre de l’industrie
prendre ses conseils auprès d’une rédactrice de mode101. Cette rencontre prouve
encore une fois, la volonté des politiques français d’approfondir leurs efforts en
faveur d’un développement de la mode.
99 Nicklaus, Olivier, Fashion ! , Arte, 2012. 100 Desnos, Marie, « Quand la mode et la politique se rencontrent », dans ParisMatch.fr, le 26 janvier 2010, <http://www.parismatch.com/Actu/Politique/Quand-la-mode-et-la-politique-se-rencontrent-148931>, (consulté le 20 janvier 2014). 101 Illustration 12, annexe page 121.
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La mode a donc fait son entrée dans l’agenda politique et commence dans les
années 80 à faire l’objet de politiques publiques en raison de sa reconnaissance
patrimoniale.
b) Le rapport des hommes et femmes politiques à la mode parisienne
Les hommes et femmes politiques français entretiennent un rapport
particulier avec la mode et la haute couture. Christophe Girard est maire du IVème
arrondissement de Paris. Avant de prendre ses fonctions d’élu parisien, il a travaillé
pour Yves Saint Laurent et été directeur de la stratégie pour le groupe LVMH. Son
témoignage d’élu lié à la mode est donc précieux.
« Je crois que les politiques ont un devoir d’élégance et donc de mode en France. En tant que représentants des citoyens ils se doivent de porter haut les couleurs de la création française. Nous avons au gouvernement des femmes très élégantes, je pense notamment à Aurélie Filipetti et Najat Vallaud-Belkacem »102.
Il est vrai que les hommes et femmes politiques de notre pays ont un rapport
privilégié avec la mode et l’apparence. Jack Lang à l’origine de l’ouverture de la
Cour carrée du Louvre s’est beaucoup rapproché des personnalités du monde de la
mode. Dans les années 80, il est moqué à l’Assemblée nationale pour le port d’un
costume sans cravate de la maison Thierry Mugler. Plus tard, il aidera
considérablement le Japonais Yoji Yamamoto à s’implanter dans le secteur de la
mode parisienne103. Autre preuve de la proximité existant entre les sphères politiques
et les podiums, il convient de rappeler que l’ex première Dame, Carla Bruni Sarkozy
avant d’être chanteuse a été longtemps mannequin pour les plus grands couturiers
français et notamment pour Yves Saint Laurent104. Les hommes et femmes politiques
de France revendiquent leur attachement pour la mode parisienne et défendent ce
patrimoine en célébrant la mode française. Les femmes politiques sont
particulièrement scrutées sur leur apparence et leur rapport à la mode. Anne Hidalgo,
élue maire de Paris le 30 mars dernier, se confie sur son rapport à la mode parisienne
dans une interview pour Vogue. Née d’une mère couturière et native de la capitale,
l’attachement d’Anne Hidalgo à la mode est très fort. Elle confie : 102 Girard, Christophe, Op. cit. 103 Zajtmann, David, Op. cit. 104 Illustration 13, annexe page 122.
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« Paris est la capitale de la mode, je ferai tout pour qu'elle le demeure. La chance de notre ville est qu'elle bouillonne de créativité et que les Parisiennes sont réputées pour leur goût de la mode ainsi que pour leur grande liberté. Il suffit de voir la rue parisienne, les femmes et les hommes qui vont et viennent, pour être convaincu que Paris est une ville de création. Le savoir-faire de nos artistes et artisans est précieux et participe du rayonnement de notre capitale : nous avons à Paris ce que d'autres n'ont pas et nous envient, par exemple des métiers d'art que nous avons su protéger, consacrés à la broderie, à la passementerie, que New York et d'autres villes essayent de constituer »105.
Aurélie Filippetti, ministre de la Culture du gouvernement de François
Hollande montre elle aussi son intérêt pour la haute couture et la mode parisienne.
Elle est l’invitée de nombreux défilés parisiens, comme par exemple chez Chanel106,
au moment de la fashion week de Paris. "Au coeur des métiers d'art, la mode fait
partie des points forts de notre pays en étant à la fois une filière d'emplois et
d'excellence. C'est aussi une pratique culturelle"107, reconnaît-elle.
Il semble donc que les hommes et femmes politiques soient convaincus
depuis longtemps de l’importance de la mode et de la haute couture pour la culture et
le patrimoine de la France. La politique et la mode se rencontrent à de rares
occasions mais les hommes et les femmes politiques ont a cœur de valoriser ce
patrimoine en portant haut les couleurs de la création française.
2. L’effort de conservation et de représentation de la mode
La reconnaissance de l’importance de conserver et protéger le patrimoine
matériel que constituent les vêtements de couturiers va conduire à la muséification de
la mode.
105 Groppo, Pierre « Entretien avec Anne Hidalgo », dans Vogue.fr, le 11 mars 2014, <http://www.vogue.fr/mode/articles/entretien-avec-anne-hidalgo/22361>, (consulté le 16 mars 2014). 106 Illustration 14, annexe page 122. 107 Bougère, Marie-Caroline, « Aurélie Filippetti : la mode est aussi une pratique culturelle », dans l’Express.fr, le 5 octobre 2012, <http://www.lexpress.fr/styles/mode/aurelie-filippetti-la-mode-est-aussi-une-pratique-culturelle_1170621.html>, (consulté le 17 avril 2014).
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A) Une volonté ancienne de protéger les vêtements de mode
a) La conservation, l’objectif de la Société de l’Histoire du Costume
La Société de l'Histoire du Costume a été fondée à Paris en 1907 par Maurice
Leloir, peintre et collectionneur. Son but était de conserver des vêtements de mode
pour les protéger de la destruction et ainsi donner à voir le potentiel des artisans
français en matière de mode108.
Il commence donc par rassembler un fond immense de vêtements et
accessoires de mode. La Société de l’Histoire du Costume est reconnue d'utilité
publique en 1912, ce qui lui permet de recevoir des legs afin d’agrandir sa collection.
En 1920 Maurice Leloir offre l’intégralité de la collection de la SDH à la Ville de
Paris dans le but de créer un musée de la mode et du costume dont la capitale est
alors dépourvue. L’objectif de ce musée serait de présenter au public les vêtements
rassemblés par Maurice Leloir dans une logique de pédagogie. Ce don exceptionnel
est alors déposé dans une annexe du musée du Carnavalet, le musée de l’Histoire de
Paris109.
En 1940, Maurice Leloir décède et c’est Georges-Gustave Toudouze qui
prend la présidence de la SHC. L’intérêt, toujours grandissant, du public pour le
costume historique et le vêtement contemporain vient confirmer Paris dans son rôle
de capitale de la mode. Cependant la ville ne possède toujours pas de musée pour
exposer la collection exceptionnelle que la Société de l’Histoire du Costume a réuni
au Carnavalet. Différents projets débutent alors pour créer un musée où entreposer la
collection mais aucun d’entre eux n’aboutissent. Un autre homme poursuit également
le vœu d’ouvrir un musée du costume, c’est François Boucher qui créé en 1948,
l’Union française des arts du costume110. En 1954, les collections de la Société de
l’Histoire du Costume seront présentées à la place des salons historiques du Cercle
Volney, au rez-de-chaussée du musée du Carnavalet.
108 Davray-Piékolek, Renée, « MODE, musée de la, Paris », Encyclopédie Universalis, <http://www.universalis.fr/encyclopedie/musee-de-la-mode-paris/>, (consulté le 10 mars 2014). 109 Site du Palais Galliera <http://www.palaisgalliera.paris.fr> (consulté le 10 mars 2014). 110 Site du Musée des Arts Décoratifs <www.lesartsdécoratifs.fr> (consulté le 7 février 2014).
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65
Néanmoins, le succès des collections auprès du public et l’afflux de dons
destinés à compléter la collection de la SDH vont poser dès 1955 un problème de
place à la direction du musée du Carnavalet. Un déménagement de la collection
s’impose en 1955 et c’est dans une grande salle au rez-de-chaussée du musée d’Art
Moderne de la Ville de Paris que s’établi le premier Musée du Costume en 1954. Il
sera inauguré en 1956. En raison d’un problème technique au niveau du bâtiment, le
musée est forcé de fermer en 1971. Devant l’engouement du public pour la
présentation des collections de costume depuis les années 50, l’ouverture d’un espace
spécialement dédié à la mode et au costume est inéluctable dans les années 70. La
Ville de Paris envisage alors d’installer la collection entamée au début du siècle par
Maurice Leloir puis enrichie au fil des ans, au Palais Galliera.
Le parcours a donc été long depuis la constitution d’une collection de
vêtements appartenant au patrimoine de la couture parisienne jusqu’à l’établissement
d’un lieu d’exposition pour les vêtements de mode.
b) Le Palais Galliera : le musée de la mode de Paris
Le musée Galliera devient le principal musée de la mode à Paris en 1977. Ce
Palais a été construit entre 1878 et 1894 et était destiné à l’origine, à recevoir la
collection d’œuvre d’art de Marie Brignole-Sale, duchesse de Galliera. La structure
du Palais est donc parfaite pour accueillir les collections de la SHC. En changeant
d’adresse, le musée du Costume devient le musée de la Mode et du Costume. De
même la Société de l’Histoire du Costume devient : "Société de l'Histoire du
Costume-Amis du musée Galliera". L’intégralité de la collection de costumes et
accessoires jusqu’alors conservée au musée du Carnavalet est transférée au Palais
Galliera. Le musée rejoint ainsi les 14 musées de la Ville de Paris et son conservateur
en chef est Madeleine Delpierre111.
En 1984, le musée de la mode et du costume se modernise en créant deux
nouveaux départements: le Cabinet des Arts Graphiques et celui de la Création 111 Site du Palais Galliera <http://www.palaisgalliera.paris.fr> (consulté le 10 mars 2014).
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contemporaine en 1987. Guillaume Garnier est alors le nouveau conservateur au
début des travaux de restauration du Palais.
Après son ouverture en 1978, les legs redeviennent nombreux et agrandissent
considérablement les collections. En 1998, la collection du musée atteint
50,000 pièces, datant du début du XVIIIe siècle à nos jours. On y trouve notamment
des garde-robes très complètes du XIXe siècle. Pour le XXe siècle le musée a tenté
d’acquérir un maximum de pièces de créateur datant d’après les années 1970.
L’étendu d’une telle collection au sein d’un musée permet de montrer au public la
richesse du patrimoine français en matière de création de mode. Le musée Galliera
obtient, en 2002, le label « Musée de France ».
Cependant, à l’instar de nombreuses institutions muséales, le musée Galliera
va rencontrer de nombreuses difficultés au cours des années 90. Tout d’abord, le
musée doit faire face à la diminution des dons. Les dons privés vont en s’amenuisant
étant donné que le nombre de famille possédant des pièces de haute couture sont de
moins en moins nombreuses à mesure que l’on s’éloigne de l’âge d’or de la haute
couture des années 1920. Les donations des maisons sont elles aussi de moins en
moins importantes. Cela s’explique par le fait que les maisons de couture n’offrent
plus si volontiers des modèles emblématiques de leur collection. Elles préfèrent
conserver ces pièces uniques pour leurs propres archives. Il en va de même pour la
jeune génération des créateurs qui conservent les pièces de leurs collections pour les
présenter à travers des expositions ou des rétrospectives de la marque. Les dons et les
legs allant en s’amenuisant, le musée doit alors acheter aux maisons et aux couturiers
les œuvres destinées à rejoindre la collection112. Anne Hidalgo et Christophe Girard
s’accordent cependant à dire que la situation du musée s’est améliorée depuis la
nomination de Olivier Saillard au poste de conservateur en chef du patrimoine, en
2010.
Il apparaît donc que le musée Galliera est devenu l’un des principaux musées
consacrés à la mode à Paris (avec le musée des Arts Décoratifs). Il donne à voir au
public la collection exceptionnelle représentative de la richesse de la création
112 Davray-Piékolek, Renée, art.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
67
française. Néanmoins, le Palais Galliera se heurte depuis une vingtaine d’années à
l’explosion des expositions de mode privée.
B) « Des podiums au musée »113
a) La proximité entre l’art et la mode
Les couturiers ont toujours entretenu une relation particulière avec les arts.
Andy Warhol avait déclaré « un jour, tous les grands magasins seront des musées et
les musées des grands magasins »114. Il semble qu’il ait su déceler les intentions des
couturiers.
En 1874 déjà, Louis Vuitton reçoit chez lui Monnet, Renoir ou Cézanne.
Louise Pommery, créatrice de la marque champagne éponyme quant à elle achète
Les Glaneuses de Millet pour en faire donc à l’Etat115. Dans les années 1920, on a vu
les couturiers parisiens se rapprocher des peintres de leur temps et s’inspirer pour
créer leurs pièces de mode. Paris est alors une ville cosmopolite où couturiers,
peintres, poètes et mondains se rencontrent. Les fructueuses collaborations d’Elsa
Schiaparelli avec Salvador Dali et les surréalistes, la robe Mondrian et la veste Van
Gogh de Yves Saint Laurent116, ou encore les robes tableaux de Jean-Charles De
Castelbajac en sont les plus illustres exemples. Plus récemment c’est le japonais
Takashi Murakami qui réinvente le logo de Louis Vuitton avec des couleurs pop,
façon manga.
Il semble donc que les couturiers aient cherché à se rapprocher de la peinture
pour s’en servir comme caution intellectuelle à leur activité117. « Si les maison de
113 Bizet, Carine, « Des podiums au musée », dans M Style, Le monde, le 3 décembre 2012, <http://www.lemonde.fr/style/article/2012/12/03/des-podiums-au-musee_1799232_1575563.html>, (consulté le 22 novembre 2013). 114 Fabi, Tiziana, « Musée- Plus fort qu’Andy Warhol », dans le Point.fr, le 19 janvier 2012, <http://www.lepoint.fr/arts/musee-plus-fort-qu-andy-warhol-19-01-2012-1422432_36.php>, (consulté 19 octobre 2013) 115 Azmi, Roxana, « Art et Luxe, noces d'argent », dans Cahier du Monde n°20780, page 2, le 12 novembre 2011. 116 Illustration 15, annexe page 123. 117 Bizet, Carine, « La mode se donne des arts », dans M Style, Le monde, le 11 octobre 2013, <http://www.lemonde.fr/mode/article/2013/10/11/pfw-la-mode-se-donne-des-arts_3493243_1383317.html>, (consulté le 18 novembre 2013).
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
68
luxe s’intéressent à l’art de leur temps c’est que les deux univers sont connexes. L’art
contemporain est une source d’inspiration pour les designers afin de sentir les
mutations profondes au niveau formel »118, explique Catherine Tsékénis, directrice de
la fondation d’entreprise Hermès. En effet la proximité établie entre art et mode
s’intensifie lorsque des grands noms de la mode et du luxe se mettent à investir dans
l’art contemporain au tournant des années 80. En 1984, c’est la maison de bijouterie
Cartier qui pour la première fois, intègre le monde de l’art en créant la fondation
Cartier pour l’Art Contemporain. Autre mécène François Pinault, propriétaire du
groupe Kering achète en 2005 le palais Grassi de Venise afin d’y exposer des œuvres
de sa collection privée. Pour Christophe Rioux, professeur du pôle luxe et création de
l’ISC Paris, il y a dans l’art contemporain une forme de cure de jouvence. Selon lui
l’association de certaines vieilles maisons avec l’art contemporain permet de
dépoussiérer l’image de la marque119. Il n’est alors pas étonnant de voir les vieilles
maisons de luxe se passionner pour le marché de l’art.
Les frontières entre mode et art semblent donc bel et bien gommées aussi
bien par les couturiers qui s’inspirent des artistes, que par les grands groupes qui
investissent dans l’art. Ce rapprochement stratégique tend à faire entendre au public
que l’art et la mode se confondent. Et si la mode est un art, alors le vêtement de
mode est une œuvre d’art digne d’exposition.
b) Les expositions de mode
Les expositions de mode ne sont pas si différentes des expositions d’œuvres
d’art. Il s’agit dans les deux cas d’exposer aux yeux du public le travail d’un artiste.
Dans le cas d’une exposition de mode, en l’occurrence les œuvres présentées sont
des vêtements de couturiers. Ce phénomène a démarré dans les années 80. A cette
époque, Diana Vreeland, rédactrice en chef du Vogue US décide d’organiser des
expositions de mode dans les musées new yorkais afin d’attirer un plus large public
et donner aux musées une seconde jeunesse. En 1983 elle organise une exposition sur
le couturier parisien du moment Yves Saint Laurent, qui fera date dans l’histoire de
118 Azmi, Roxana, « Art et Luxe, noces d'argent », art.cit. 119 Id.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
69
l’exposition de mode. Florence Müller, historienne du costume et conservatrice
d'expositions confie :
« A cette époque, les expositions se développaient à l'initiative des musées qui avaient des pièces de mode dans leurs réserves et voulaient les montrer. A la fin des années 1980 et au début des années 1990, les marques ont commencé à constituer leurs archives et à faire un travail sur leur passé, car ces expositions avaient déclenché chez elles une prise de conscience"120.
En effet, les expositions de mode à Paris se sont mises à refléter l’histoire des
maisons et des couturiers, conscient de l’attractivité que représentaient leurs
archives. Cependant les expositions de mode peuvent être de nature très différentes
en fonction de l’objectif fixé. D’après David Zajtmann, on peut dire qu’il existe trois
grandes catégories d’exposition de mode. Tout d’abord il y a d’abord la décision
personnelle du conservateur. Par exemple lors de la réouverture du musée Galliera, le
conservateur Olivier Saillard, a choisi de consacrer la première exposition à
Azzedine Alaïa121. Ce dernier a alors eu la liberté de la scénographie. A l’extrême
opposé il y a possibilité de louer des espaces comme par exemple le Grand Palais
pour organiser une exposition. Dans ce cas, l’exposition est alors organisée par la
marque dans le but de promouvoir son image. C’est le cas de l’exposition « La petite
veste noire »122 par la maison Chanel, ou encore de l’exposition « Miss Dior »123 par
la maison Dior, toutes deux organisées au Grand Palais. L’objectif de ces expositions
grandioses est alors purement commercial, c’est la promotion d’une pièce (la veste
Chanel) ou d’un produit (le parfum Dior) de la marque. Dans le cadre de ces
expositions, les conservateurs sont choisis par la marque. Enfin il existe aussi existe
un entre deux, c’est-à-dire la collaboration. La collaboration entre un conservateur et
une marque est le gage d’une certaine intégrité qui permet de donner à l’exposition
un axe pédagogique. C’est le cas de l’exposition « Paris Haute Couture » organisée à
l’Hôtel de Ville de Paris124. Le commissaire de cette exposition n’est autre que le
conservateur du musée de la mode de la ville de Paris, Olivier Saillard. Dans une
interview vidéo, il expose la démarche qui a conduit à exposer plus de 100 ans de
haute couture.
120 Bizet, Carine, « La mode se donne des arts », art.cit. 121 Exposition « Alaïa », du 26 septembre 2013 au 26 janvier 2014, au Palais Galliera. 122 Exposition « La petite veste noire », un classique de chanel revisité, du 10 novembre au 25 novembre 2012, à l’Hôtel de Ville. 123 Exposition « Miss Dior », du 13 au 25 novembre 2013, au Grand Palais. 124 Exposition « Paris Haute couture », du 2 mars au 6 juillet 2013, à l’Hôtel de Ville, Paris.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
70
« C’est une manière pour nous d’offrir aux parisiens et de manière étendue à tous ceux qui se trouvent en visite à Paris, un patrimoine qui a été largement constitué par les parisiens eux-mêmes. Par des dons, par des acquisitions. Donc c’est une possibilité qui nous rend très fiers. Nous sommes aussi très touchés puisque l’expo est gratuite, de pouvoir ré offrir ce patrimoine pour tous »125.
Les expositions de mode peuvent être de différentes natures, mais on a vu que
depuis les années 80, la mode a investi les musées. Les vêtements de couturiers
présentés dans ces expositions sont élevés au rang d’œuvre d’art. Bien que certaines
expositions aient une fonction purement commerciale, à l’inverse certaines
expositions gratuites comme « Paris Haute Couture » permettent aux parisiens de se
réapproprier ce patrimoine qui est le leur.
En servant de décor à la mode, aussi bien en photographie qu’en cinéma,
Paris est parvenu à imposer au monde entier une image chic et élégante dans
l’immédiat après guerre. Les maisons parisiennes semblent depuis se servir de
l’iconographie de la capitale pour valoriser leurs produits. A partir des années 80, la
patrimonialisation et la muséification de la mode par la politique et la ville de Paris
ont permis de renforcer les liens qui unissent la Ville-Lumière à la mode. Mais il se
trouve qu’aujourd’hui Paris n’est plus la seule à briller sur la planète mode. L’image
chic est élégante de la mode parisienne subit quelques peu les effets du temps et des
villes comme New York ou Londres n’ont pas de mal à paraître plus jeunes, plus
dynamiques. Paris serait-elle en train de perdre son statut de capitale de la mode ?
125 Saillard, Olivier, Exposition Haute Couture à l’Hôtel de Ville, Paris.fr, <http://www.dailymotion.com/video/xxtr12_exposition-haute-couture-a-l-hotel-de-ville_creation#from=embediframe>, (consulté le 20 février 2014).
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
71
Chapitre 3. Paris Capitale de la mode, une hégémonie menacée ?
Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, Paris s’aperçoit à mesure que le
monde s’ouvre qu’il existe ailleurs d’autres villes, d’autres capitales et surtout
d’autre manière de créer des vêtements. La haute couture sort vieillie de sa rencontre
avec la création industrielle que l’on peut également appeler le prêt-à-porter. Paris va
devoir s’adapter à la concurrence et trouver de nouvelles stratégies pour conserver le
précieux titre de capitale de la mode. La globalisation de la mode des années 90 va
brouiller les frontières entre les pays, il n’y a plus de Français, d’Anglais, d’Italiens,
il n’y a que des créateurs talentueux, des vieilles maisons qui sortent de leur torpeur
et des capitales dynamiques. Il s’agira d’étudier tout au long de ce dernier chapitre
les stratégies mises en place par Paris pour conserver son titre de capitale de la mode
malgré les contraintes de la mondialisation.
I- Paris face à la globalisation
Après 1945, Paris doit faire face à l’émergence d’une concurrence
internationale jusqu’alors insoupçonnée. Les Italiens, les Anglais et les Américains
vont confronter leur façon de faire de la mode avec celle des Français. Paris ne peut
pas perdre la face, elle va donc essayer de tirer profit du talent des étrangers pour
renouveler le bijou parisien qu’est la haute couture.
1. La remise en jeu du titre de capitale de la mode
Paris doit faire face à la montée de la concurrence étrangère. Le titre de
capitale de la mode ne peut plus lui appartenir totalement.
A) Les concurrents historiques de la France
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
72
a) Le luxe italien
L’Italie possède une puissante industrie du luxe capable de faire trembler la
France. En effet nous avons déjà évoqué la force de l’industrie italienne du bassin du
piémont.
A l’instar de la France, il existe en Italie d’anciennes maisons de luxe datant
du début du siècle, des artisans experts dans leur domaine qui fournissent à leur
client des produits de grande qualité et qui vont comme les entreprises de luxe
françaises, transmettre leur savoir-faire et devenir incontournables dans leur secteur.
Lorsqu’elle ouvre ses portes à Florence en 1921, Gucci est une petite maison de
maroquinerie. Ferragamo en 1928 n’est qu’un modeste bottier florentin. Prada a
commencé son activité de maroquinerie et de bagagerie en 1913. La maison Fendi
quant à elle a été fondée en 1925 et était spécialisée dans la vente de fourrures et de
chaussures. Toutes ces vieilles maisons italiennes ont perduré pour arriver jusqu’à
aujourd’hui sans descendre en gamme. Mais avant les années 50, on ne parle pas de
encore de mode italienne. L’homme qui a créé l’appellation « made in Italy » c’est
Giovanni Battista Giorgini. Il organise en 1951 dans sa villa de Florence, une soirée
à laquelle il convie des acheteurs étrangers et il demande à toutes les femmes
présentes de porter de la couture italienne126. La plus part de ces femmes n’avaient
jamais porté de vêtement couture de toute leur vie, mais la fiction fonctionne. Cette
soirée marque le début de la légende de la mode italienne.
Les maisons italiennes les plus anciennes comme Gucci, Prada ou Fendi se
sont diversifiées dans les années 70-80, pour se mettre à produire du prêt-à-porter de
luxe. A ce moment-là, de nouvelles marques sont apparues sur le marché de la mode
dans ce secteur. C’est le cas du géant Versace, lancé par Gianni Versace en 1978, du
célèbre duo Dolce & Gabanna fondé en 1985, ou encore de l’empire Giorgio
Armani. Le paysage de la mode italienne est donc riche. Rome, Florence et Milan se
sont longtemps disputé le titre de capitale de la mode italienne. Aujourd’hui, il
apparait toute fois que la concurrente italienne de Paris, c’est Milan. “Ce qui rend
126 Zajtmann, David, Op.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
73
notre pays si important sur la planète mode, ce n’est pas seulement ce mélange
inégalé de créativité, de savoir-faire et de qualité. C’est aussi le fait que tout est
regroupé dans un des centres d’affaires et de commerce les plus importants” déclare
Franca Sozzani, rédactrice en chef du Vogue Italie127. Les couturiers milanais sont
pour la plus part d’origine modeste. Leur succès est du à un mélange de savoir-faire
et de créativité qu’on ne peut apprendre sur les bancs des écoles de mode. Cité
fiévreuse et en perpétuelle activité, Milan est désormais devenue une ville étape au
moment de la fashion week. Chaque saison Milan offre aux professionnels du monde
entier le spectacle d’une Italie créative et fière de son patrimoine culturel128.
La mode italienne, présentée dans la ville de Milan et incarnée par des
maisons de renommées internationales, apparaît donc comme une sérieuse
concurrence à la mode parisienne. La ville fonde sa réputation en matière de mode
sur un luxe hérité des générations de confectionneurs et l’Italie demeure une
référence en matière d’esthétique.
b) Le ready-to-wear américain
Les Américains ont longtemps été les premiers clients de la haute couture
parisienne. De manière générale, les Etats-Unis sont jusqu’aux années 50 sous
l’influence des modes européennes, qu’elle soit italienne, anglaise ou française. Plus
avancés d’un point de vue technologie que le vieux continent, les Américains au
début du XXème siècles se contentent d’acheter des droits à reproduire aux maisons
françaises, comme Dior par exemple. Les patrons étaient donc vendus aux
Américains qui produisaient alors des robes au style français pour les vendre dans les
department store new yorkais, l’équivalent des grands magasins parisiens.
Dans les années 1960, les Américains sortent de leur isolationnisme sur le
plan politique, économique et culturel. Ils ont à cœur de faire de la mode un aspect
de la culture américaine. En 1962 est créé le Council of Fashion Designers of
127 McDowell, Colin, « L’ADN de la mode italienne », dans M Style, Le monde, le 7 avril 2014, <http://businessoffashion.blog.lemonde.fr/2014/04/07/ladn-de-la-mode-italienne/>, (consulté le 10 avril 2014). 128 Id.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
74
America, le CFDA, une institution destinée à soutenir les créateurs de mode
américains et à organiser la profession. Les années 60 aux Etats-Unis ont vu naitre
les couturiers qui fondent actuellement la réputation de la mode américaine. Oscar
De la Renta commence sa carrière en 1963 en se détournant de la marque Dior-New
York, Ralph Lauren et Calvin Klein créent respectivement leur maison en 1967 et
1968. La date qui permet de comprendre l’émergence d’une identité américaine en
matière de mode, c’est 1973 selon Pamela Golbin, conservatrice en chef du Musée
de la Mode et du Textile du Louvre.
"En 1973, cinq créateurs venus des Etats-Unis, dont Oscar de la Renta, Bill Blass et Halston, sont invités à défiler au château de Versailles en même temps que Pierre Cardin, Hubert de Givenchy, Yves Saint Laurent. Cette date marque la reconnaissance sur la scène internationale d'une nouvelle génération américaine qui apporte au sportswear ses lettres de noblesse"129 .
Le style américain, c’est le ready-to-wear, le prêt-à-porter. Moins pédant que
la luxueuse et onéreuse haute couture, le RTW américain s’adresse à une population
plus large conformément à un certain idéal égalitaire si prégnant outre-Atlantique. Le
jean, le tee-shirt, le sportswear incarnent à eux tous le dynamisme de la mode
américaine. Le luxe n’est cependant pas absent puisque les marques comme Ralph
Lauren ou Tommy Hilfiger revendiquent une allure preppy (c’est-à-dire Bon Chic
Bon Genre), mais typiquement américaine, voire new yorkaise. Car en effet, c’est à
New York que la mode américaine s’incarne. Cosmopolite et dynamique, la ville est
à l’image du ready-to-wear et représente alors une sérieuse concurrente pour Paris.
New York est devenue la Mecque des jeunes créateurs désireux de lancer leur
marque. Alexander Wang, Tom Ford ou encore Marc Jacobs sont de purs produits
new yorkais qui font aujourd’hui les beaux jours du prêt-à-porter américain130.
La mode américaine semble donc avoir aujourd’hui rattrapé son retard sur la
haute couture en proposant un dynamisme et une accessibilité inédite. New York,
eldorado de toute une génération parvient donc par moment à éclipser Paris.
129 Brunel, Charlotte, « Aux sources de la mode américaine », dans l’Express.fr, le 3 novembre 2008, <http://www.lexpress.fr/styles/mode/aux-sources-de-la-mode-americaine_667808.html>, (consulté le 24 mars 2014). 130 AFP, « Pourquoi New York est devenue un centre de la mode », dans Challenges.fr, le 11 février 2014, <http://www.challenges.fr/entreprise/20140211.CHA0310/pourquoi-new-york-est-elle-devenue-une-capitale-de-la-mode.html>, (consulté le 12 avril 2014).
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
75
B) L’émergence de nouvelles places de mode à travers le monde
a) Les capitales de la mode
Paris n’est plus l’unique ville à incarner la mode. Deux fois par an Paris,
Milan, Londres et New York deviennent le temps d’une semaine la capitale de la
mode à tour de rôle.
Une bataille éclate alors entre les quatre grandes villes, chacune espérant à la
fin de la saison obtenir le précieux titre de capitale de la mode. Pour Gilles Denis,
journaliste pour le journal les Echos, l’enjeu de la querelle entre les villes est de
taille. Il s’agit d’un marché qui aurait généré en 2013 environ 50 milliards d’euros
sur le prêt-à-porter masculin et féminin sans compter les accessoires131. La dimension
économique d’une Fashion Week est souvent gommée par le glamour des podiums.
Cependant c’est à l’occasion de ces semaines d’exposition médiatique extrême que
les capitales rivalisent de leurs atouts pour se tailler la part du lion. On pourrait
penser que Paris est toujours la capitale de la mode puisque dans les faits, c’est à elle
que revient le privilège d’ouvrir le temps des présentations de collection en
présentant la Fashion Week Homme et la haute couture, en juin et en juillet. Cette
place dans le calendrier permet de donner le ton de la saison à venir. Si l’on devait
établir un classement, Paris reste premier avec 98 défilés, contre 92 à New York, 66
à Milan et 58 à Londres132.
Cependant lorsque commencent les présentations des collections prêt-à-
porter, c’est New York qui reprend la tête et inaugure le calendrier au mois de
septembre et de janvier. La capitale de la mode américaine bénéficie d’une
couverture médiatique extrêmement bien développée, notamment grâce au soutien de
131 Denis, Gilles, Warnet, Michèle, « Fashion week : la guerre sans merci des capitales », Les échos.fr, <http://videos.lesechos.fr/news/eclairage-redac/fashionweek-la-guerre-sans-merci-des-capitales-3157065691001.html>, (consulté le 20 février 2014). 132 Lorenzo, Sandra, « La fashion week de New York fait elle couler Paris », dans Huffingtonpost.fr, le 6 février 2014, <http://www.huffingtonpost.fr/2014/02/06/fashion-week-new-york-couler-paris_n_4730090.html?utm_hp_ref=france>, (consulté le 6 février 2014).
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
76
la puissante Anna Wintour, rédactrice en chef du Vogue Américain. Une étude de
l’agence américaine « Global Language Monitor » révèle également que la Fashion
Week de New York serait la plus suivie sur le web133. Londres arrive en deuxième
position dans le calendrier des présentations de collection. L’attractivité de la
Fashion Week Londonienne réside dans la réputation que s’est forgée la mode
anglaise. Londres est la capitale de l’excentricité en matière de mode et de création.
La ville anglaise bénéficie elle aussi de soutiens, majoritairement politiques puisqu’il
s’agit du 10 Downing Street, du Prince de Galles et de la mairie de Londres. En 2012
c’est Londres qui avait été déclaré capitale de la mode par « Global Language
Monitor »134. Milan ne bénéficie pas de tant de soutien politique mais peut compter
sur le poids de ses empires familiaux de luxe. Un poids économique et publicitaire
qui lui permet de se maintenir au niveau des autres concurrents en terme de
popularité et d’attractivité. Milan joue également sur son statut de capitale mondiale
du prêt-à-porter pour Homme ce qui fait d’elle une étape clé du calendrier de la
mode135.
Entre les quatre grandes, difficile donc de déterminer qui est la nouvelle
capitale de la mode. Paris n’est plus la seule à dominer, on pourrait alors parler de
capitale de la mode au pluriel.
b) Les Fashion Weeks parallèles
Il n’y a pas que les grandes capitales françaises, américaines, italiennes et
anglaises à prétendre au titre de capitale de la mode. Partout dans le monde, d’autres
pays et d’autres villes organisent en parallèle des quatre grandes leur propre fashion
week, pour prouver leur place dans l’univers de la création.
133 Id. 134 D, Louise, « Paris n’est plus la seule à briller », dans Jolpress.fr, le 20 janvier 2014, <http://www.jolpress.com/paris-capitale-mode-haute-couture-defiles-chanel-interview-article-824024.html>, (consulté le 20 janvier 2014). 135 De Gasquet, Pierre, « Fabiana Giacomotti "New York n'est pas en compétition avec Milan et Paris », dans Les échos.fr, le 6 février 2014, <http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/grande-consommation/actu/0203295050360-f-abiana-giacomotti-new-york-n-est-pas-vraiment-en-competition-avec-milan-et-paris-648373.php>, (consulté le 9 février 2014).
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
77
Lorsqu’on demande à Jean-Jacques Picart, ancien associé et fondateur de la
maison Christian Lacroix d’expliquer l’apparition de nouvelles Fashion Weeks celui-
ci répond :
« Tokyo, Barcelone, Madrid, Rio ont leur Fashion Week. Elles ont pour but de promouvoir la créativité des créateurs et des industriels de ���leur pays respectif et de développer l'exportation de leurs collections. Pour ��� moi une Fashion Week est intéressante quand pendant une Semaine et presque une centaine de défilés, la créativité, l'émotion, la surprise, l'excitation et l'adrénaline sont au rendez-vous. Si on parle de Mode et c'est ce que je fais, les idées nouvelles, les sources d'inspiration fraîches, les envies, le désir de changement (donc de consommation) se doivent d'être fortement ressenties »136.
Essayer de capter les nouvelles tendances en matière de mode, c’est ce que
tente de faire l’agence « Global Language Monitor » en établissant tous les ans une
liste des capitales de la mode. L’agence n’a pas limité son analyse à Londres, Paris,
Milan et New York, elle a établi un classement de 55 villes à travers le monde qui
peuvent prétendre au titre de capitale de la mode. Dans le top 10 de 2012, Londres
arrive en tête et Barcelone est 3ème avant Paris qui obtient la 4ème place. Après Paris
on retrouve Madrid, Sao Paulo, Milan, Los Angeles et Berlin. Le groupe fait
également le classement des villes les plus influentes par région du monde. Selon
eux, Londres et Barcelone auraient donc une influence supérieure à Paris qui
n’obtient que la 3ème place du classement de l’influence sur la mode européenne. Los
Angeles talonne New York pour l’Amérique du nord137. Les villes africaines sont les
grandes absentes de ce classement alors que des pays comme l’Egypte ou le Malawi
organisent leur Fashion Week. En Afrique du sud de nombreuses villes du pays ont
développé leurs propres Fashion Weeks. C’est le cas de Pretoria, Johannesburg, Cape
Town ou encore Durban.
Jouissant d’une position confortable dans le classement des capitales de
mode, Paris décline le concept de semaine de la mode et organise en 2012 la
première « Black Fashion Week » de son histoire. Certains jugent la manifestation
sectaire, à l’instar de Jean-Jacques Picart qui déclare «Pour moi, le talent n'a ni
couleur ni nationalité »138. Adama Ndiaye, l’organisatrice, répond à ses détracteurs
136 D, Louise, « Paris n’est plus la seule à briller », art.cit. 137 Site de l’agence Global Language Monitor <http://www.languagemonitor.com>, (consulté le 29 octobre 2013). 138 AFP, « Paris accueille sa première Black Fashion Week », dans M Style, Le monde, le 5 octobre 2012, <http://www.lemonde.fr/style/article/2012/10/05/paris-accueille-sa-premiere-black-fashion-week_1770946_1575563.html>, (consulté le 9 novembre 2013).
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
78
que la Fashion Week de Paris est majoritairement « White ». C’est une mode faite
par les blancs pour les blancs. Son initiative permet à des créateurs africains de
promouvoir leur travail car il est difficile pour eux d’atteindre le marché international
sans visibilité.
De nouvelles places de mode ont donc fait leur apparition dans l’ombre des
« quatre grandes ». Sur tous les continents, des capitales font valoir la valeur de leur
mode. Dans ce monde globalisé, Paris n’est peut-être plus la seule capitale de la
mode à compter mais en autorisant l’organisation d’une Black Fashion Week à Paris,
elle prouve son amour indéfectible pour la mode et envoie ainsi un message fort
d’ouverture d’esprit au reste du monde en matière de création.
2. Le renouvellement de la mode parisienne par les puissances étrangères
La mode parisienne actuelle ne serait pas ce qu’elle est si elle n’avait pas fait
appel au talent de couturiers étrangers pour dynamiser ses maisons.
A) Des créateurs étrangers dans les maisons parisiennes
a) Une stratégie créative : l’exemple des créateurs anglais
Dans les années 90, la haute couture parisienne végète. Elle est devenue
rigide et poussiéreuse car il ne sort plus des écoles de mode que des élèves formatés
à faire des vêtements destinés à la vente. La créativité et la folie disparaissent peu à
peu des collections. Les créateurs anglais vont représenter à ce moment de l’histoire
de la haute couture française, le salut de nombreuses maisons parisiennes en
sommeil.
Selon David Zajtmann, il faut remonter à la révolution industrielle pour
comprendre d’où vient la créativité des stylistes anglais qui permettront à la mode
parisienne de surmonter une crise d’inspiration. L’Angleterre était le premier pays à
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
79
faire sa révolution industrielle et ce dans le domaine textile notamment. Le besoin de
former des ouvrières textiles s’est fait rapidement sentir et les Anglais ont créé des
écoles dans toute l’Angleterre afin de former ces ouvrières. Ces écoles n’ont pas été
fermées après la révolution industrielle et ont été rattachées à des universités et sont
devenues des écoles de mode. C’est le cas de la célèbre Saint Martin School, produit
de la fusion de la Central School of Art and Design, fondée en 1896, et de la Saint
Martins School of Art, fondée en 1854139.
L’autre moment charnière de l’histoire des écoles de mode anglaises, c’est
que dans les années 60 les autorités réclament l’ouverture de département d’art, au
sein de écoles de mode londoniennes. Dès cet instant, les élèves dans leurs travaux
n’ont plus la contrainte de faire des vêtements qui doivent pouvoir être vendus, ou
portés, ils peuvent laisser libre court à leur imagination lorsqu’ils créent des
vêtements. Ce qui sort des écoles de mode françaises à l’époque semble donc plutôt
ennuyeux aux yeux des observateurs internationaux. C’est cette créativité exacerbée
que viennent chercher les Français à Londres dans les années 1990140. Les maisons
françaises envoient des observateurs à Londres, chargés de repérer les nouveaux
talents aux défilés de fin d’études organisés par les écoles. Repéré à sa sortie de la
Saint Martin School en 1984, John Galliano se verra confier le prêt-à-porter et la
haute couture de la maison française Givenchy en 1995. Et un an plus tard, c’est le
mastodonte Dior qui est confié à John Galliano. Alexander McQueen lui, quitte les
bancs de l’école en 1992 et remplace John Galliano à la tête de la maison Givenchy
au moment du départ de ce dernier et ce jusqu’en 2001. John Galliano et Alexander
McQueen ont eu en commun un destin plutôt tragique, et un certain génie créatif qui
a permis de renforcer l’image de ces maisons françaises. L’excentrique couturier
originaire de Gibraltar va réveiller la belle endormie. En effet les années Galliano
chez Dior ont été les plus extravagantes de l’histoire de la marque. Enfin Stella
McCartney finit son cursus à la Saint Martins en 1995 et est recrutée deux ans plus
tard, en 1997 pour diriger la maison Chloé en perte de vitesse depuis que Karl
Lagerfeld l’a quitté pour Chanel. Stella McCartney redonne alors une impulsion
féminine à Chloé qui renouera alors avec le succès dès la première collection. 139 Dormoy, Géraldine, « Central Saint Martins : l’aimant à talent », dans L’express.fr, <http://www.lexpress.fr/styles/mode/central-saint-martins-l-aimant-a-talents_981449.html>, (consulté le 12 décembre 2013). 140 Zajtmann, David, Op.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
80
Phoebe Philo, une autre ancienne de Saint Martin prendra la suite de Stella
McCartney au moment du départ de celle-ci de la maison.
Il semble donc qu’avoir engagé des jeunes couturiers anglais dès leur sortie
de la Central Saint Martins ait permis de redynamiser d’illustres maisons françaises
en période de page blanche.
b) Les chaises musicales des créateurs dans les maisons françaises
Il n’y a pas que les Anglais à avoir été placés à la tête de grandes maisons de
luxe et de mode. La globalisation a poussé les maisons parisiennes à se tourner vers
les nouveaux talents de la mode quelles que soient leurs origines. Pour Christophe
Girard il ne faut pas oublier les logiques commerciales qui sous-tendent le processus
de création. Le mouvement des directeurs artistiques dans les maisons est, à son sens,
parfaitement normal141.
Les directeurs artistiques se suivent mais ne se ressemblent pas. C’est une
chaine sans fin dont il ne faut pas perdre le fil. Le premier créateur étranger à
reprendre la direction artistique d’une vieille maison française, c’est Karl Lagerfeld
chez Chanel. Après avoir travaillé pour la maison Chloé, il reprend Chanel en 1983,
12 ans après le décès de Gabrielle Chanel. Le propriétaire de la marque Chanel
propose à Lagerfeld de reprendre la maison et de « voir s’il peut en tirer quelque
chose ». Et il se trouve qu’il y est parvenu. Celui que l’on appelle désormais le
« Kaiser », (l’empereur en français) va permettre la renaissance de la maison
Chanel142. C’est alors le début d’une ère nouvelle pour les maisons de mode
parisiennes, celle du ballet des directeurs artistiques étrangers.
Gianfranco Ferré, un styliste italien quitte la direction artistique de Dior pour
laisser sa place à John Galliano. Alexander McQueen remplace Galliano à la tête de
Givenchy en 1996 quand ce dernier est embauché chez Dior. Le Belge Raf Simons
prend la tête de Dior à la place de Galliano en 2012. En 2013 le Français Nicolas
141 Girard, Christophe, Op.cit. 142 Nicklaus, Olivier, Fashion! , Arte, 2012
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
81
Ghesquière quitte Balenciaga pour prendre la place de Marc Jacobs chez Vuitton.
C’est alors le New yorkais Alexander Wang qui prend alors la direction artistique
chez Balenciaga. L’Américain Tom Ford cumulera des fonctions en même temps
chez Gucci et chez Yves Saint Laurent. Albert Elbaz, un Israelo-américain occupait
le post de Tom Ford chez Yves Saint Laurent Rive Gauche avant de revenir chez
Lanvin au début des années 2000. Hedi Slimane, Franco-tunisien avait fait les beaux
jours de Yves Saint Laurent homme entre 1997 et 2000, avant d’être envoyé à la
direction de Dior Homme jusqu’en 2007. L’Allemande Lydia Maurer quant à elle va
remplacer Manish Arora chez Paco Rabanne, elle avait auparavant fait ses armes
chez Yves Saint Laurent et Givenchy143.
Ces changements de directeurs artistiques sont la preuve que la stratégie des
maisons en débauchant les talents étrangers chez la concurrence est purement
commerciale. Les maisons ne regardent plus la nationalité mais la personnalité. En
embauchant un directeur artistique connu, elles font appliquer chez elles les recettes
qui ont fonctionné dans les maisons précédentes. Ces nouveaux directeurs artistiques
doivent être capables de capter l’esprit d’une maison sans la dénaturer. Alexander
McQueen par exemple ne parviendra jamais à adhérer avec l’esprit de la maison
Givenchy et n’exprimera pleinement son génie qu’à la tête de sa propre maison.
Donc si l’on peut déplorer l’absence de directeurs artistiques français à la tête
des grandes maisons françaises, il faut comprendre les enjeux commerciaux qui
expliquent ce jeu de chaises musicales des créateurs étrangers. Le jeune Nicolas
Ghesquière fait cependant encore les beaux jours de maisons françaises comme
Balenciaga qu’il a ressuscité et Louis Vuitton chez qui il prend la suite de l’illustre
Marc Jacobs avec succès.
143 Auteur inconnu, « Le bal des directeurs artistiques » dans, Paris Match.fr, le 27 décembre 2012, <http://www.parismatch.com/Vivre/Mode/Raf-Simons-chez-Dior-453295#453299>, (consulté le 18 octobre 2013).
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
82
B) L’attractivité de Paris pour les maisons étrangères
a) Des artistes étrangers à Paris, une tradition ancienne
L’attractivité de Paris auprès des artistes étrangers est difficile à dater. Ce qui
explique aujourd’hui la présence de couturiers étrangers et de maisons étrangères à
Paris c’est qu’il existe à Paris une tradition d’accueil des artistes étrangers.
Au début du XXème, la capitale est la destination préférée des avant-gardes
esthétiques étrangères et devient alors le centre du monde aux yeux des artistes. La
capitale accueille des peintres Italiens comme Modigliani, Espagnols comme Picasso
ou Dalí, Biélorusses comme Soutine, ou Allemands comme Max Ernst. Elle est
également la ville d’adoption du photographe américain Man Ray, des musiciens
russes Stravinsky et Prokofiev, des écrivains américains Hemingway et Miller, du
sculpteur Roumain Brancusi et du sculpteur suisse Giacometti. « J’ai deux amours,
mon pays et Paris » chantait Joséphine Baker en 1931. La célèbre danseuse
américaine est tombée amoureuse de la France en vivant à Paris pendant les années
folles et ira même jusqu’à intégrer la Résistance pour défendre la capitale par amour
pour elle.
Le cosmopolitisme de la ville de Paris plait aux artistes et l’attractivité
créative de la capitale n’épargne pas les créateurs de mode. Charles Frederick Worth,
le père de la haute couture est né en Angleterre. Lady Duff Gordon a qui l’on doit
l’invention du défilé de mode est canadienne. Bien avant l’intérêt des maisons
françaises pour les créateurs étrangers, ce sont des immigrés eux-mêmes qui vont
faire la mode française. C’est le cas de Elsa Schiaparelli, amie des surréalistes qui
partage avec eux un amour pour la capitale française. « L’Italienne qui fait des
robes »144 comme la surnomme jalousement Chanel, marquera la mode française par
son excentricité et son audace à partir de 1927. La seconde figure de la mode
française d’origine immigrée, c’est l’Espagnol Cristóbal Balenciaga. Celui que l’on
144 Carreira, Serge, Op.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
83
surnomme « le couturier des couturiers » s’installe à Paris en 1937. A compter de
cette date il n’aura de cesse jusqu’à sa mort d’incarner l’élégance parisienne dans des
robes chics, cousues à la perfection. Plus récemment, le tunisien Azzedine Alaïa s’est
installé à Paris à la fin des années 50. Il travaillera cinq jours chez Dior avant d’être
renvoyé sous prétexte qu’il est étranger et qu’il n’a pas de papier. Par la suite, Alaïa
se fera d’abord aimer des parisiennes avant d’être reconnu comme un grand couturier
de tradition française par la mode internationale145.
Le fait d’accueillir des artistes étrangers à Paris n’est donc pas un phénomène
récent. Au même titre qu’en peinture, en sculpture ou en écriture, la haute couture
parisienne a bénéficié de l’apport créatif d’artistes étrangers, artistes qui font
désormais partie intégrante du patrimoine de la mode française.
b) Ces maisons étrangères qui choisissent de défiler à Paris
Certaines maisons de mode étrangères ont fait un choix qui peut paraître
curieux, celui de garder leur nationalité mais de défiler à Paris. Le prestige et la
visibilité qu’apporte un défilé à Paris n’ont cessé d’attirer les créateurs étrangers.
Peut-on laisser des étrangers défiler à Paris ? C’est la question que s’est posée la
chambre syndicale de la couture parisienne en 1912 quand Lady Duff Gordon avait
demandé à être incluse au calendrier des défilés146.
L’organisation de la chambre syndicale de la couture accepte de laisser la
Canadienne défiler à Paris. La Chambre prévoit dans son organisation la possibilité
pour les créateurs étrangers qui en feraient la demande de défiler dans la capitale aux
côtés des maisons françaises. C’est l’une des spécificités de la Fédération Française
de la Couture, du Prêt-à-Porter des Couturiers et des Créateurs de Mode, elle compte
parmi ses membres des sociétés japonaises, italiennes et belges. Il y a possibilité
pour les artistes étrangers d’intégrer le calendrier des défilés parisiens. En effet, en
plus des membres permanents de la Chambre, qui vont défiler lors de la Fashion
Week il existe un statut de membre correspondant, c’est-à-dire des membres
145 Nicklaus, Olivier, Fashion! , Arte, 2012. 146 Zajtmann, David, Op.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
84
étrangers qui sont autorisés à défiler ponctuellement à Paris. C’est le cas des Italiens
Versace, Valentino ou encore Giorgio Armani. Le statut de membre invité, créé par
la Chambre en 1998 permet d’inviter des couturiers à défiler à Paris le temps d’une
saison. Ces membres ne sont pas toujours étrangers, ce titre de membre invité est
souvent une anti-chambre avant que la maison ne soit intégrée à la liste des membres
permanents. Il faut cependant défiler deux ans de suite comme membre invité avant
d’espérer pouvoir rejoindre les membres permanents.
Certaines maisons, alors que leur ville accueille une fashion week choisissent
malgré tout de défiler à Paris. C’est le cas des Anglaises Stella McCartney et
Vivienne Westwood ou encore des Japonais Miu Miu et Kenzo. Didier Grumbach
explique cela par le fait que la Fashion Week de Paris est la plus tournée vers
l’internationale et qu’elle permet donc d’obtenir une meilleure visibilité pour les
marques. Les commandes de vêtements seront plus importantes si les défilés ont lieu
à Paris que si les défilés avaient eu lieu à Londres ou à Tokyo. Défiler à Paris pour
ces maisons c’est acquérir une légitimité sur le marché international. L’entrée dans
le calendrier parisien reste cependant très réglementée, « Dans le calendrier officiel,
on s'attache à présenter des marques qui ont un discours spécifique et qui font
avancer l'histoire du costume »147. Au contraire, pour une maison qui souhaiterait se
lancer, il est beaucoup moins difficile d’intégrer le calendrier de la Fashion Week de
New York que celui de Paris.
Il apparaît donc que de nombreuses marques étrangères, qu’elles soient bien
établies ou encore balbutiantes choisissent de défiler à Paris pour s’assurer le prestige
de présenter leur collection dans la capitale de la mode, la visibilité qu’offre la
Fashion Week de Paris et le succès commercial correspondant.
147 Lasjaunias, Aude « Didier Grumbach :"Paris est clairement la capitale de la création », art.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
85
II- Les stratégies de la France pour que sa capitale conserve sa position hégémonique
La mondialisation n’est pas parvenue à tout à fait destituer Paris de son statut
de capitale de la mode. Cependant, Paris a gagné bien des batailles mais n’a pas
encore gagné la guerre. La capitale doit s’appuyer sur les avantages comparatifs que
possède la France dans les domaines du luxe, du textile et du tourisme pour tenter de
conserver sa position hégémonique.
1. La fusion du luxe et de la mode, une particularité française
A Paris, la frontière entre mode et luxe est ténue. Le luxe est cependant une
activité française qui lorsqu’elle se rapproche de la mode permet encore à Paris de
briller.
A) Les stratégies du luxe pour intégrer la mode
a) Le parfum et la mode
La mode a su très tôt utiliser l’outil de la diversification afin de créer des
produits dérivés et ainsi pénétrer le domaine du luxe. La création de cosmétique et
notamment de parfum est un outil bien connu des maisons de couture pour diffuser
leur image, mais également faire du profit. Lorsque la haute couture n’est pas assez
rentable, il faut trouver un moyen qui permette aux individus pour qui la haute
couture est inaccessible, de pouvoir s’offrir un produit de la marque de mode. Ce
moyen d’amener le public à aimer les maisons de mode, c’est le parfum.
Le parfum, pour une maison de haute couture est le garant de la bonne santé
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
86
financière de la griffe. Il existe deux possibilités lorsqu’une maison de haute couture
sort un parfum. Soit la gestion de la fabrication de ce parfum est intégrée à une
division de la maison, soit le parfum peut être exploité au même titre qu’un contrat
de licence, c’est à dire que les droits de production sont cédés à une société
extérieure. L’utilisation de contrat de licence avait été inventée et démocratisée par
Christian Dior. Seulement quand Bernard Arnault rachète le groupe Boussac il hérite
de la maison Dior. Il décide alors de rompre les contrats de licences qui autorisaient
des sous-traitants à produire du Dior et rachète également Dior Parfum afin de
recentraliser la production de la maison dans une même entreprise. Aujourd’hui le
modèle dominant c’est qu’une maison de haute couture peut s’en sortir
financièrement en lançant un parfum, que l’on possède ou que l’on vend par
licence148. C’est le cas du créateur Thierry Mugler qui lance sa marque de vêtements
dans les années 80 et se rapproche du parfumeur Clarins pour créer un parfum pour
sa maison. Le produit de cette collaboration sera le célèbre parfum Angel.
Cependant, les maisons de couture qui parviennent à fusionner leurs activités dans
une structure unique, trouvent leurs forces démultipliées. Les parfums des maisons
de mode doivent être des succès. Selon une formule de Didier Grumbach « Les
maisons de couture adossées à leur parfum peuvent prétendre à l'éternité »149.
En effet, quelques fragrances mondialement célèbres ont participé au succès
et à la popularité de certaines maisons. C’est Paul Poiret qui le premier invente en
1911 le concept de « parfum de couturier » avec la sortie de la collection « Les
parfums de Rosine ». Il faut attendre dix ans avant la sortie du mythique Chanel N°5,
qui mêle pour la première fois plusieurs fragrances. Le nom et le cartonnage ne
ressemblent à rien de ce qui a été fait avant, le parfum colle parfaitement avec
l’esprit de la maison et va alors dès cet instant incarner Chanel. La liste des parfums
à succès est longue, Joy de Jean Patou (1930), Femme de Marcel Rochas (1944),
L'air du temps de Nina Ricci (1948), Opium de Yves Saint Laurent (1977), parfum
sulfureux par son nom, son jus et son conditionnement. Les couturiers les plus
remuants des années 80 ont également sorti des parfums à succès : Kenzo, Jean Paul
Gaultier ou encore Thierry Mugler. Il existe une exception dans cette histoire du
parfum de couturier. Pour Christian Lacroix, le lancement de son parfum en 2004 148 Zajtmann, David, Op.cit. 149 Grumbach, Didier, Op.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
87
sera un échec commercial qui entrainera la fermeture de sa maison moins d’un an
plus tard. La raison de cet échec est que la démarche de création du parfum aurait été
trop élitiste et ne serait pas parvenue à toucher le plus grand nombre.
Il apparaît donc que le parfum est une stratégie inventée par les maisons pour
investir le domaine du luxe en offrant au plus grand nombre un parfum dérivé de la
griffe, précieux mais accessible. Ce parfum, vendu en très grand nombre à grand
renfort de publicité, participe à améliorer l’image de la marque et permet une sécurité
commerciale non négligeable pour les maisons.
b) Le business model des produits « lude »
La mode et le luxe au premier abord semblent voisins. De plus, la mode est
souvent le « cœur de métier » d’entreprises de luxe comme Chanel, Dior ou Lanvin.
Cependant les deux activités en terme d’identité de produit, de stratégie, de
production, de distribution et de clientèle sont radicalement différentes. Il s’agit de
bien distinguer les deux types de produits.
Un produit de luxe se caractérise par une faible valeur de la fonctionnalité du
produit par rapport à son prix et une forte valeur de l’image du produit par rapport à
son prix. Pas plus utile, mais plus cher et plus prestigieux, le produit de luxe permet
de recréer une forme de stratification sociale effacée par la Révolution selon
Weber150. A l’inverse, le produit de mode ne signifie par forcément qu’il existe une
hiérarchie sociale en terme de stratification, mais plutôt en terme d’appartenance à
un groupe, à une communauté si l’on réfléchit en terme d’uniformisation de la
société. Les produits de luxe se caractérisent par une très longue durée de vie, ils sont
indémodables contrairement au produit de mode dont la viabilité est éphémère.
Cependant plutôt que de dissocier les produits de luxe des produits de mode,
les maisons parisiennes choisissent de créer des produits pouvant prétendre aux deux
catégories151. C’est la stratégie de maisons de haute couture française comme
150 Agogué, Marine, Nainville, Guillaume, La haute couture aujourd’hui : comment concilier le luxe et la mode, Gérer et comprendre, Mars 2010, n°99. 151 Agogué, Marine, Op.cit.
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Christian Dior Couture, Lanvin ou Givenchy. Ces maisons anciennes ont dû
développer de nouveaux business model pour s’adapter à la demande de la clientèle
en terme de produit tout en continuant leur activité de couture. La marque de luxe
doit capitaliser son succès en offrant des produits classiques, iconiques, à une
clientèle fidèle tout en dynamisant les ventes de la marque avec un produit nouveau,
le produit de mode pour toucher une nouvelle clientèle. Le lancement d’un nouveau
produit coute cependant très cher. Les marques de luxe doivent donc vendre en
masse des produits classiques avant de pouvoir se permettre financièrement de
développer des produits de mode. Une fois qu’elles ont le financement nécessaire, les
maisons peuvent se lancer dans la commercialisation de produits « lude »,
contraction de luxe et mode.
Certaines maisons comme Armani séparent les activités de luxe et de mode
en plusieurs griffes indépendantes. Armani Collezioni étant une marque de luxe
proposant des produits classiques tandis qu’Emporio Armani propose des produits
comme des jeans et s’adresse donc à une clientèle mode plus jeune, plus branchée. A
l’inverse, une maison comme Christian Dior Couture choisit de garder sous le même
nom la commercialisation de différents produits. Chez Dior, plus que chez Chanel ou
Hermès, la primauté est donné à l’innovation de produit. Les sacs Dior sont des
produits de mode, plus que de luxe, mais ils réinterprètent tout de même certains
codes. A l’inverse, chez Vuitton les produits classiques, de luxe donc, bénéficient des
innovations incrémentales, c’est-à-dire d’améliorations pour créer de nouveaux
Illustration 7 - Matrice BCG théorique des produits proposés par une maison de haute couture.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
89
produits. La présence du monogramme est un invariant de la maison Vuitton par
exemple.
Il apparaît donc que les maisons de couture françaises soient parvenues à
créer des produits classiques de luxe tout en produisant également des nouveautés
appartenant à l’univers de la mode. Cela permet à certaines maisons de mode
parisiennes d’être en bonne place dans l’univers du luxe sans que cela soit leur
activité principale.
B) La guerre du luxe en France
a) Le groupe LVMH, numéro un mondial du luxe
Le groupe LVMH est le 1er groupe de luxe au monde. Le géant français
atteignait en 2013 un chiffre d’affaires de 29,1 milliards d’euros. Il représente à lui
seul la puissance française dans le domaine du luxe. Il livre une guerre sans merci à
son concurrent principal, le groupe Kering (anciennement PPR) dans le domaine de
la mode et du luxe parisien.
Tout commence quand la société de champagne Moët et Chandon fusionne
avec le Cognac Hennessy en 1971. Le groupe LVMH qui signifie Louis Vuitton,
Moët et Hennessy est né de la fusion opérée entre le luxe et le spiritueux en 1987.
L’homme qui incarne désormais le luxe à la française, c’est Bernard Arnault,
propriétaire du groupe. Aujourd’hui LVMH représente un portefeuille d’environ 60
marques, réparties dans les cinq pôles d’activités de la marque : Mode et
Maroquinerie, Montres et Joaillerie, Parfums et Cosmétiques, Vins et Spiritueux et
Distribution sélective. C’est cependant dans les trois premières branches Mode et
Maroquinerie, Montres et Joaillerie et Parfums et Cosmétiques que Bernard Arnault
fonde sa réussite. A elles trois, ces branches génèrent 57% de son chiffre d’affaires
soit plus de 11.5 milliards d’€ et prés de 70% du résultat du groupe152.
152 Site du groupe LVMH <http://www.lvmh.fr>, (consulté le 13 décembre 2013).
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Au début de l’histoire du groupe, Bernard Arnault est soucieux de faire
rentrer dans le capital de LVMH les marques françaises de luxe les plus
prestigieuses. Il acquiert la maison Christian Lacroix en 1987, mais son appétit ne
s’arrête pas là. Il achète les maisons Dior, Givenchy et Céline. Misant pour chaque
acquisition sur la mythologie du prestige à la française, il va accumuler les maisons
de joaillerie et de parfum. Il possède notamment les parfums de Dior, Givenchy,
mais aussi Guerlain. Et pour parfaire le tout, il accompagne sa réussite des meilleurs
champagnes, Ruinart, Don Perignon, Moët et Chandon153. Le succès du groupe
LVMH en mode est en partie dû à l’implication de Bernard Arnault qui possède un
certain flair quand il s’agit de faire des affaires. Assez présent médiatiquement, c’est
sur son initiative qu’il place John Galliano, Alexander McQueen ou Marc Jacobs à la
tête de ses maisons. Il leur permet de donner un coup de jeune à ses maisons
vieillissantes. Sentant l’échec de la maison arriver, c’est également lui qui ordonne à
LVMH de se délester de la maison Christian Lacroix en 2005, maison dont il avait
pourtant encouragé la création. Le fait que le groupe LVMH soit le premier groupe
de luxe au monde participe à véhiculer l’idée que la France est le pays du luxe. Le
propriétaire est français et la marque la plus importante du groupe Louis Vuitton, est
l’archétype de la maison de luxe parisienne. Le monogramme de la marque de
maroquinerie est le plus connu du monde. Aujourd’hui, le groupe se lance à la
conquête de l’Asie, conscient du potentiel commercial de pays comme la Chine ou la
Corée.
Il apparaît donc que le groupe LVMH soit le plus puissant du monde dans le
domaine du luxe. Cependant s’il est le plus important en terme de chiffre d’affaires
et qu’il possède plus de marques que les autres, il n’est pas le seul groupe de luxe
influent sur le marché français. C’est sans compter sur son rival historique, Kering.
153 Nicklaus, Olivier, Fashion! , Arte, 2012.
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b) Le groupe Kering, de la distribution au luxe
Kering, c’est le nouveau nom du groupe de luxe Pinault-Printemps-Redoute,
plus connu comme le groupe PPR. Le groupe PPR n’apparaît sous cet acronyme
qu’en 2005, il est issu du seul groupe Pinault S.A créé en 1961 par l’ex-président de
Kering, François Pinault.
Bien qu’il n’atteigne pas les sommets de son concurrent, avec un chiffre
d’affaires de 9,7 milliards d’euros en 2013, Kering bénéficie d’une visibilité certaine
dans le milieu du luxe154. Tout comme son adversaire LVMH, c’est sur les plus
prestigieuses maisons de mode parisiennes que PPR a fondé son empire. A l’origine,
le groupe de François Pinault prospère dans le domaine du bois et des matériaux de
construction. Il faut attendre 1992 pour que le groupe s’essaye à la distribution en
faisant l’acquisition du groupe Printemps et la Redoute, le groupe est alors rebaptisé
Pinault-Printemps-Redoute. Au même moment, François Pinault s’offre le groupe la
Fnac.
C’est en 1999 que le groupe PPR fait une offensive fracassante dans l’univers
de la mode. Pour 18 milliards de francs, François Pinault s’offre le groupe Gucci.
C’est un véritable affront pour LVMH qui domine jusqu’ici le secteur. Les deux
grands groupes étaient sur les rangs en même temps pour acheter Gucci mais si Tom
Ford a préféré rejoindre PPR, c’est parce que ce dernier vient de racheter une illustre
maison parisienne, Yves Saint Laurent. François Pinault propose alors de confier les
collections de prêt-à-porter à Tom Ford qui se laisse séduire et accepte l’offre. La
guerre est alors déclarée entre les deux géants du luxe français. Car Pinault ne va pas
s’arrêter à une acquisition dans le secteur du luxe. Profitant des contacts de Tom
Ford, il va parvenir à attirer dans son groupe de nouveaux créateurs talentueux. Il
débauche Stella McCartney chez Chloé (qui appartient au groupe Richemont) et va
même jusqu'à débaucher Alexander McQueen chez LVMH. Il offre au couturier qui
ne peut exprimer pleinement sa créativité chez Givenchy, sa propre maison au sein
du groupe PPR. Et il aura encore du flair concernant une maison oubliée dirigée par
un jeune homme alors inconnu. Il s’agit en fait de Balenciaga qu’il achète en 2001
154 Site du groupe Kering <http://www.kering.com>, (consulté le 13 décembre 2013).
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avec à sa tête Nicolas Ghesquière155. PPR devient alors en 3 ans un groupe de luxe
solide capable de rivaliser avec LVMH. François Pinault complètera son secteur luxe
en faisant l’acquisition de la maison de joaillerie française Boucheron. Depuis 2005,
François Pinault a confié les rênes de son groupe à son fils François-Henri Pinault.
Le groupe PPR est donc parvenu à intégrer le milieu du luxe international en
achetant de prestigieuses maisons parisiennes. Kering devient un sérieux concurrent
de LVMH. On peut cependant se réjouir du fait que les plus prestigieuses maisons
parisiennes dans le domaine de la mode, du champagne, de la haute joaillerie
appartiennent à deux groupes français, qui au-delà de leurs rivalités se montrent
soucieux de valoriser le patrimoine français en la matière.
2. Les ressources de la mode française
La mode française possède des ressources qu’elle peut encore exploiter pour
affirmer et confirmer sa place de capitale de la mode.
A) La haute couture, vivier créatif inépuisable pour Paris
a) Le paysage actuel de la haute couture
La haute couture parisienne est le bijou le plus précieux de la mode française.
La France est le seul pays au monde à posséder un tel savoir-faire. Des maisons
anciennes continuent d’exister à Paris et travaillent quasiment avec les mêmes gestes
qu’il y a cent ans. Paris continue de valoriser ce secteur créatif qui fait d’elle la
capitale de la mode.
On compte aujourd’hui à Paris quatorze maisons qui bénéficient de
l’appellation protégée de « haute couture ». Le titre est accordé par le ministère de
l'industrie sur recommandation d'une commission dépendant de la Fédération
155 Nicklaus, Olivier, Fashion! , Arte, 2012.
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française de la couture. Pour intégrer le club très fermé des maisons de haute couture,
chaque nouvelle maison doit être parrainée par deux autres noms de la couture156. Les
maisons actuelles de haute couture sont : Alexis Mabille et Maison Martin Margiela
depuis 2012, Atelier Gustavo Lins, Giambattista Valli et Christophe Josse depuis
2011, Anne-Valérie Hash depuis 2008, Adeline André et Frank Sorbier depuis 2005,
et aussi Chanel, Christian Dior, Givenchy et Jean Paul Gaultier. La dernière maison à
avoir obtenu le titre tant convoité c’est la maison Bouchra Jarrar en décembre 2013.
Malgré l’obtention du titre de maison de haute couture, la réalité économique
pour les maisons est souvent difficile. Cette activité demande un savoir-faire
exceptionnel mais est gourmande en investissements sans toujours être rentable. Les
collections de haute couture servent surtout de vitrine à la marque, dans le but de
drainer leurs ventes sur une gamme de produits plus abordables comme le prêt-à-
porter, les sacs à mains ou les parfums. De prestigieuses maisons parisiennes comme
Yves Saint Laurent, Torrente, Balmain, Carven ou encore Courrèges ont dû arrêter
leurs collections de haute couture faute de moyens 157 . Pour les maisons qui
conservent leur activité de haute couture, la seule solution est de dessiner des lignes
de prêt-à-porter en parallèle des collections haute couture. Plus faciles à vendre, les
recettes des ventes de prêt-à-porter permettent aux maisons de financer leur ligne
haute couture.
Il faut toute fois garder en tête qu’au-delà de ce qui est portable ou abordable,
la haute couture reste un laboratoire où la création est sans limites. La haute couture
pour les couturiers est un vrai territoire de liberté. Ils peuvent créer sans tenir compte
des coûts ou des contraintes de commercialisation. La couture reste un générateur de
rêve et de poésie inépuisable. C’est ce que confie la talentueuse créatrice Yiqing
Yin :
156 Neuville, Julien, « Les nouveaux venus de la haute couture », dans M Style, Le monde, le 31 janvier 2014, <http://www.lemonde.fr/mode/article/2014/01/31/les-nouveaux-venus-de-la-haute-couture_4356963_1383317.html >, (consulté le 1er février 2014). 157 Chapuis, Dominique, « La haute couture met en avant ses jeunes griffes », dans Les échos.fr, le 19 janvier 2014, <http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/grande-consommation/actu/0203253505695-la-haute-couture-met-en-avant-ses-jeunes-griffes-643906.php>, (consulté le 20 janvier 2014).
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"La couture est un territoire de liberté, où l'émotion et le rêve sont plus présents, un laboratoire d'expérimentation. On essaie de dépasser les limites de chaque technique, le drapé, le plissé, la broderie. C'est aussi une superbe vitrine médiatique et elle m'apporte énormément de collaborations »158.
Il est vrai que la haute couture permet d’acquérir une renommée
internationale immédiate pour ceux qui s’y essayent. Les collections de haute couture
défilent uniquement à Paris et à un rythme moins effréné que le prêt-à-porter, elles
sont donc mieux mises en valeur. Cette audience internationale permet de remplir le
carnet de commandes et permet ainsi de valoriser l’image de la marque.
La haute couture parisienne se porte toujours bien malgré les contraintes
financières qui pèsent sur elle. Les couturiers qui bénéficient de l’appellation haute
couture entretiennent la magie créative qui entoure les collections couture et ils
reçoivent en retour l’adhésion des professionnels du milieu et les commandes de
clientes particulières.
b) La cliente haute couture aujourd’hui
Si la haute couture parvient à être rentable malgré la faible demande c’est
qu’il reste encore dans le monde quelques riches privilégiés qui peuvent s’offrir des
pièces de haute couture. Autrefois réservée à l’aristocratie et à la bourgeoisie, des
clients contemporains continuent de faire vivre cette industrie. Il s’agit donc de
découvrir qui sont ces clients.
On ne peut réduire la haute couture à la part de rêve qu’elle procure au
moment des défilés. David Zajtmann rappelle que ce qui importe avant toute chose
dans la mode, aujourd’hui comme il y a cent ans, c’est la facturation. On peut alors
se demander qui achète de la haute couture ? L’identité des mystérieuses clientes des
maisons est certainement le secret le mieux gardé de la haute couture. On connaît le
nom de certaines illustres clientes comme Marella Agnelli, Mouna Al-Yaoub ou
158 AFP, « La haute couture est une vitrine exceptionnelle », dans L’express.fr, le 23 janvier 2014, <http://www.lexpress.fr/styles/mode/defiles-fashion-week/defiles/la-haute-couture-une-vitrine-exceptionnelle_1316680.html>, (consulté le 1er février 2014).
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encore Nan Kempner. Aujourd’hui, la cliente haute couture « fait sa mue »159. Plus
seulement Européennes ou Américaines, les clientes haute couture sont également
Moyen-orientales, Russes, Chinoises ou Indiennes. Femmes actives ou femmes de
riches businessmans, elles achètent régulièrement de la haute couture. Une ou
plusieurs pièces par saison, confient-elles. La cliente haute couture s’est donc
mondialisée160. Pendant toute la première moitié du XXème siècle, les clientes se
rendaient à Paris, deux à trois fois par an pour faire les traditionnels essayages dans
les salons cossus des maisons parisiennes. Aujourd’hui, ce sont les maisons elles-
mêmes qui vont aux clientes. Chez Dior, l'équipe rencontre ses clientes à New York
deux fois par an. Chez Chanel, on fait défiler la collection de haute couture en face
des clients, comme l’année dernière à Tokyo en présence de son créateur Karl
Lagerfeld. Des sessions de rendez-vous spéciaux ont également été organisées à
Shanghaï, Hong-Kong, New York et Los Angeles161. Une fois que la cliente émet le
souhait de passer commande, commence alors une étroite collaboration entre la
maison et sa cliente. Les vêtements sont réalisés aux mesures exactes de la cliente,
qui peut demander des variations de style à condition que les modifications ne
dénaturent pas l’œuvre du créateur.
Cette excellence a un prix. Seule une centaine de femmes dans le monde
peuvent s’offrir un vêtement de la collection de luxe italienne Armani Privé162. Pour
une robe haute couture, comptez environ trois séances d’essayage et trois à quatre
mois de confections qui nécessitent dix ouvrières. Il faut compter 200 heures de
travail pour un tailleur Chanel et jusqu’à 600 heures de broderie sur une robe de
cocktail Dior. Pour ce même tailleur Chanel, l’addition s’élève à 30 000 euros. Ce
montant comprend la main d’œuvre, la griffe et le service d’exception. Les clientes
de la haute couture reçoivent en plus de leur commande des cadeaux de la maison,
comme par exemple à Noël où le dernier it bag de la saison leur sont offerts par les
159 Merle, Sandrine, « A Paris, la cliente haute couture fait sa mue », dans Les échos.fr, le 24 janvier 2014, <http://www.lesechos.fr/economie-politique/regions/idf/0203263629007-a-paris-la-cliente-haute-couture-fait-sa-mue-645378.php >, (consulté le 28 janvier 2014). 160 Grumbach, Didier, Op.cit. 161 Bizet, Carine, « Haute couture, les mystérieuses clientes », dans M Style, Le monde, le 1er février 2013, <http://www.lemonde.fr/style/article/2013/02/01/haute-couture-les-mysterieuses-clientes_1825251_1575563.html>, (consulté le 8 février 2014). 162 Agogué, Marine, Op.cit.
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maisons. Malgré ce prix, ce qui plait à ces clientes privilégiées c’est le prestige de
porter de la haute couture. Porter une robe couture est une expérience, une émotion et
un héritage précieux puisque la plupart des robes de haute couture confectionnées
sont transmises par les clientes à leurs enfants. Le privilège le plus ultime pour les
clientes étant de rencontrer le créateur163.
Les clientes de la haute couture bien qu’étant anonymes, témoignent de la
vitalité de ce secteur. Et même si ces clientes ne se déplacent plus à Paris pour
essayer leurs robes, il n’y a qu’à Paris qu’elles peuvent trouver ce savoir-faire et elles
en sont très conscientes.
B) Des secteurs porteurs à valoriser
a) Le prêt-à-porter moyen et haut de gamme à valoriser
La mode ne se limite pas à la haute couture ou au prêt-à-porter des couturiers.
Si la France est situation de quasi monopole en ce qui concerne la haute couture, il
existe également en France un marché de moyen et haut de gamme mais il est peu
valorisé à l’international et le prêt-à-porter de couturier, dans le secteur de
l’habillement la France a pris du retard.
A titre de comparaison, le géant mondial du secteur de l’habillement c’est le
Suédois H&M, avec un chiffre d’affaires de 16,3 milliards d’euros en 2012. Juste
après lui, avec un chiffre d’affaires de 15,9 milliards d’euros on trouve le groupe
espagnol Inditex, propriétaire de Zara. L’Américain Gap atteint quant à lui 11,5
milliards et le groupe japonais Fast Retailing derrière lequel se cache la chaine
Uniqlo atteint les 9,2 milliards d’euros en 2012. Le premier groupe français du
classement, Vivarte propriétaire de chaines comme Naf Naf ou la Halle, atteint un
chiffre d’affaires de 3,1 milliards d’euros. Cet écart s’explique par des raisons
historiques. Les chaînes de prêt-à-porter françaises sont sorties tardivement de leurs
163 Merle, Sandrine, « A Paris, la cliente haute couture fait sa mue », art.cit.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
97
frontières. Par exemple, chez Etam, 75% du chiffre d’affaire européen est réalisé par
la France. La deuxième raison de ce retard, c’est qu’avec l’arrivée en France de
magasins de type H&M, les marques françaises continuent de vendre en boutique et
faute de place, elles ont développé des gammes mono genres (presque exclusivement
spécialisées dans le vêtement féminin), la où leurs concurrents comme H&M ou Zara
ont développé des gammes pour toute la famille (Homme, femme et enfant).
L’externalisation d’un seul style vestimentaire est alors plus lente et plus risquée164.
Les enseignes françaises ont donc gravement souffert de l’arrivée sur le marché de
groupe comme H&M ou Zara. Mais selon Dominique Jacomet, directeur général de
l’institut français de la mode, il n’est pas étonnant que des marques comme H&M
soient aujourd’hui leader mondial sur le marché de la mode à petits prix. En effet
cela dépend de la taille du marché domestique, un groupe suédois doit
obligatoirement s’internationaliser pour exister car le marché de l’habillement
suédois est relativement petit. Toujours selon Dominique Jacomet, la France n’est
pas si mal placée sur le marché de la mode à petit prix.
Les marques françaises plus haute gamme se portent quant à elles très bien.
Positionnées sur le créneau dit du « luxe accessible », Sandro, Maje et Claudie
Pierlot (SMCP) comme elles sont appelées dans le secteur, ont réussi à attirer de
nombreux investisseur avant de céder 65 % de leur capital à l'Américain KKR165.
Tout n’est cependant pas perdu pour les enseignes françaises. Le secteur de la mode
à petit prix français n’a pas dit son dernier mot et se modernise pour faire face aux
assauts des étrangers. Justement Marc Lelandais, à la tête du groupe Vivarte depuis
juillet 2012 a pour projet la refonte totale de l'enseigne française La Halle. En mars
2013 ont été inauguré deux magasins parisiens de 2 700 et 3 000 m2, boulevards
Montmartre et Haussmann à deux pas d'Uniqlo, H & M et de Zara166. Pour dynamiser
le secteur du prêt-à-porter, les dirigeants français appliquent les recettes de la haute
164 Garnier, Juliette, Thibault Arold, Vulser, Nicole, « Mode : La France bousculée », dans Le monde / dossier Eco & entreprise, n°21404, page 6, le 12 novembre 2013. 165 Cathala, Anne-Sophie, « Les marques de prêt-à-porter françaises attirent les investisseurs étrangers », dans le Figaro.fr, le 28 mai 2013, <http://www.lefigaro.fr/societes/2013/05/26/20005-20130526ARTFIG00158-les-marques-francaises-seduisent-les-investisseurs-etrangers.php>, (consulté le 27 décembre 2013). 166 Rousseau, Caroline, Pêcheur, Julie, « La mode de rue à la française », dans M Style, Le monde, le 28 février 2014, <http://www.lemonde.fr/mode/article/2014/02/28/la-mode-de-rue-a-la-francaise_4374511_1383317.html>, (consulté le 3 mars 2014).
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couture. La marque Kiabi a par exemple confié son nouveau concept à Hubert De
Malherbe, un designer connu pour avoir participé à la création des stands Dior. Etam
partage depuis quelques saisons, le mannequin Natalia Vodianova avec la maison
Guerlain, dont elle est également égérie.
Paris peut donc également compter sur les efforts du marché du moyen-
gamme et le succès des marques haut de gamme de prêt-à-porter pour conserver son
titre de capitale de la mode.
b) Le tourisme de la mode à Paris
Si Paris est la capitale de la mode, la mode doit être visible pour les touristes
étrangers ou provinciaux et pas seulement dans les vitrines des grands magasins
parisiens. Le tourisme de la mode et du luxe permet à la capitale française de
conserver sa réputation de capitale de la mode. Et du shopping.
En 2012, 29 millions de personnes ont visité la capitale française et depuis
quelques années il semble qu’en plus de la richesse culturelle de la ville ce soit le
shopping qui s'impose comme l’un des attraits principaux de la capitale aux yeux des
étrangers167. Pour 15 % des étrangers en visite à Paris, le shopping est la raison
principale de leur venue alors que près de 34 % d’entre eux ne feraient pas le voyage
s'ils ne pouvaient pas s'adonner aux achats. Certains touristes ne viendraient même à
Paris que pour faire des courses, puisque les touristes originaires du Moyen-Orient
consacrent 74 % de leur temps dans la capitale au shopping et 61 % pour les Japonais
! Les touristes français ne sont pas en reste car ils sont 27 % à déclarer avoir fait du
shopping lors de leur visite à Paris tandis que 10 % affirmaient que le shopping
faisait partie de leurs motivations de voyage.
L’initiative de la capitale pour que les visiteurs profitent à la fois des
monuments parisiens et de la mode française, c’est de créer des zones de
concentration commerciales autour des lieux touristiques. Cette alternance
167 Basse, Nicolas, « Le shopping, clé du tourisme à Paris », dans Le point.fr, le 8 janvier 2014, <http://www.lepoint.fr/economie/le-shopping-cle-du-tourisme-a-paris-08-01-2014-1777962_28.php>, (consulté le 19 février 2014).
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visites/magasins est d'ailleurs la clé de certains lieux très populaires, à l'image de la
rue de Rivoli qui se trouve dans une zone du Louvre qui reste le musée le plus visité
au monde avec un total de 9,720,260 visiteurs en 2012.
Afin de rester à la pointe du luxe et de la création de multiples boutiques
voient le jour régulièrement à Paris168. Balenciaga s’installe rue Saint-Honoré, Louis
Vuitton, place Vendôme, Cartier boulevard des Capucines et Azzedine Alaïa rue de
Marignan. Le parfumeur Guerlain s’installe aux Champs Elysées avec une boutique
de 1 800 m2, c’est le plus grand magasin du monde dédié à une marque de
cosmétiques. Des boutiques de créateurs plus pointus s’ouvrent également comme
Stella Cadente, Jérôme Dreyfuss et Enfants par Marc Jacobs au Palais-Royal. Et pour
que les touristes étrangers puissent aussi retrouver leurs marques préférées, il existe
une boutique Shang Xia, une marque de luxe issue de l’artisanat chinois, rue de
Sèvres; un corner Tops-shop vient d’être inauguré aux Galeries Lafayette et on
attend l’ouverture prochaine de Urban Outfitters et Primark à Paris.
Paris fait donc son possible pour que les touristes étrangers la considèrent
comme la capitale du shopping et donc par extension de la mode. Les grands
magasins attirent chaque année plus de clients étrangers qui essayent d’acheter un
petit bout de l’élégance française.
Il semble que la globalisation ne permette plus d’affirmer que Paris est
l’unique capitale de la mode. De nombreuses autres places dans le monde veulent
être considérées comme capitale de la mode. La haute couture parisienne a eu besoin
de la créativité de directeurs artistiques étrangers pour dynamiser certaines de ses
maisons en sommeil et on a vu défiler à Paris certaines maisons étrangères. La
mondialisation n’est donc pas une menace pour l’hégémonie de la capitale, au
contraire c’est peut-être sa force. La mode de Paris peut aussi compter sur la
puissance du secteur du luxe français pour dominer et doit également exploiter des
ressources comme le moyen et bas de gamme et le tourisme de la mode à Paris pour
conserver son titre de capitale de la mode.
168 Chambre de Commerce et de l’Industrie, Maire de Paris, Office du tourisme de Paris, Shopping à Paris, dossier de presse 2013-2014.
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
100
Conclusion :
Il s’agissait tout au long de ce travail de recherche de répondre à la question :
Dans quelle mesure peut-on dire que Paris est la capitale de la mode ?
Nous avons vu dans le premier chapitre que Paris est incontestablement la
capitale de la mode puisqu’il n’y a qu’à Paris que l’on peut trouver un savoir-faire
comme celui de la haute couture. Ces gestes artisanaux ont été transmis de
génération en génération dans les maisons et qui demeurent aujourd’hui intacts. La
haute couture s’est distinguée de la confection et s’est hissée au sommet du secteur
de la couture. La haute couture a connu des heures sombres en traversant deux
graves crises qui l’ont conduit au déclin. Paris a du reconnaître après la guerre
l’existence d’autres formes de fabrication textile, mais l’apparition du prêt-à-porter
n’est pas parvenue à abattre la haute couture qui devient à son contact d’autant plus
noble. La noblesse du métier et du geste, c’est que ce les institutions parisiennes de
la mode ont farouchement pris soin d’encadrer. Le président actuel de la Chambre
Syndicale, Didier Grumbach est le gardien d’un savoir-faire centenaire. La Chambre
Syndicale organise aussi la Fashion Week de Paris. Inventée à Paris par une
Canadienne, la présentation de collection est une institution de la mode parisienne au
sens ou c’est le moment qui permet la facturation. La réputation internationale de la
PFW fait de cette semaine de la mode la plus prestigieuse et la plus attendue du
calendrier de la mode. On peut donc conclure, à la lecture du premier chapitre que
Paris est bien la capitale de la mode.
Le deuxième chapitre était destiné à démontrer que c’est en partie grâce à
l’aura et au rayonnement exercé par la Ville-Lumière sur le reste du monde que Paris
conserve son titre de capitale de la mode. La cartographie des maisons de couture
dans Paris prouve la mode vit réellement au cœur de la ville, évoluant des les
quartiers de la capitale en fonction de l’air du temps. Paris abrite des maisons à
l’épreuve du temps qui font vivre la mémoire des couturiers créateurs parisiens.
Après 1945, la photographie et le cinéma américain en immortalisant la mode dans la
capitale, ont créé une iconographie glamour qui va finir d’associer Paris à la mode.
Les maisons Parisiennes n’ont pas hésité à utiliser les monuments de la ville pour
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
101
évoquer Paris dans leur publicité et ainsi mieux vendre leur produit « Made in
Paris ». Les maisons ont aussi utilisé la figure fantasmée de la parisienne, allégorie
de l’élégance pour susciter chez leur cliente l’envie de lui ressembler. Dans les
années 80, la reconnaissance de la valeur patrimoniale de la mode par les hommes
politiques conduira les gouvernements à encourager le développement de la mode à
Paris. La volonté ancienne de conserver et protéger les vêtements de mode conduira
à la muséification de la mode. La mode par sa proximité avec l’art finit par rentrer au
musée et devient objet d’exposition.
Le dernier chapitre interrogeait la menace qui planait sur Paris. La Ville-
Lumière ne serait plus la capitale de la mode. La mondialisation a révélé l’émergence
de nouvelles façons de faire de la mode comme à New York ou à Milan. Partout dans
le monde, d’autres villes revendiquent le statut de capitale de la mode. Paris ne peut
conserver ce titre pour elle seule et doit le partager avec des villes comme Los
Angeles ou Berlin. Mais la mondialisation a permis à Paris d’engager des directeurs
artistiques étrangers à un moment où la haute couture était en perte d’inspiration. La
ville aura recours au talent de créateurs anglais comme Galliano ou McQuenn pour
réveiller d’anciennes maisons en sommeil. D’autres étrangers joueront eux aussi au
jeu des chaises musicales des directeurs artistiques. Des artistes étrangers, Paris en a
accueilli beaucoup au début du siècle lorsque les avant-gardes d’Europe et d’ailleurs
venaient puiser leur inspiration dans la capitale française. Aujourd’hui d’importantes
maisons étrangères comme Kenzo ou Stella McCartney choisissent de défiler à Paris
ce qui prouve l’attractivité renouvelée de la capitale. Pour conserver son titre de
capitale de la mode, Paris utilise aussi le secteur du luxe français dont les deux
grands LVMH et Kering illustrent la vitalité. En 2014, la haute couture se porte
plutôt bien. Même si d’un point de vue commercial elle peine à se maintenir, il existe
à travers le monde plusieurs femmes privilégiées qui peuvent acheter des pièces de
haute couture. La facturation est donc au rendez-vous ce qui permet à la haute
couture de demeurer une industrie du rêve et de la créativité. La Ville-Lumière a
cependant des efforts à faire sur certains secteurs. La France doit dynamiser le
secteur de l’habillement moyen et bas de gamme pour pouvoir rivaliser avec ses
concurrents suédois et espagnols, mais aussi tout miser sur le tourisme de la mode à
Paris, qui attire chaque année plus de touristes dans la capitale.
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Malgré les crises et les menaces, il semble donc que Paris parvienne à
conserver son titre de capitale de la mode. Si on ne peut pas affirmer qu’elle est
l’unique capitale de la mode dans un monde globalisé, il est cependant incontestable
que la mode française et que la ville de Paris continue de fasciner le monde entier. La
France semble donc conserver une partie de sa magie mais ne domine plus dans de
nombreux secteurs contrairement à ce qu’on pourrait penser.
L’industrie du tourisme se porte moins bien qu’elle n’y paraît, en 10 ans elle
a perdu des parts de marché. En 2013 quand la France accueille 107 étrangers,
l’Espagne en reçoit 127 et l’Allemagne 160. Même au niveau du tourisme local, la
France est en perte de vitesse de 0,4% quand ce chiffre augmente partout ailleurs en
Europe. En Janvier 2014, Paris était à deux doigts de perdre sa place de ville la plus
visitée du monde au profit de Londres. Les touristes visitent moins en France mais
surtout, dépensent moins. Selon l’agence Alliance 46 2 ; un groupe composé de 19
entreprises leader dans le secteur du tourisme, si chaque touriste dépensait autant en
France qu’en Espagne, le pays engrangerait 24,6 milliards d’euros supplémentaires.
Le secteur touristique français est donc rattrapé par des pays comme l’Espagne ou les
Etats-Unis. En 2014, le classement établissant la liste des meilleurs restaurants du
monde place le premier restaurant français à la 11e place. Le meilleur restaurant du
monde étant situé selon ce palmarès au Danemark. Bien que ce classement ait été
désavoué par la profession, il n’en reste pas moins que la France sur le plan de la
gastronomie aussi semble un peu dépassée. Dans le secteur de la production de vin,
si cher au pays, l’Italie a dépassé la France en 2013 et est désormais le premier
producteur mondial de vin.
Il semble donc que la France soit en perte de vitesse dans les secteurs qui ont
pourtant fait sa renommée. On peut se demander si le pays n’a pas tendance à se
reposer sur ses lauriers dans les secteurs où elle pense dominer. Comme la haute
couture a un moment de son histoire, les secteurs français du vin, de la gastronomie
et du tourisme semblent en crise aujourd’hui. Une crise identitaire qui touche au
fondement du patrimoine immatériel de la France.
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Malgré tout, la France ne s’avoue pas vaincue. Ce que les étrangers appellent
la French Touch continue de séduire. En effet, les étrangers semblent toujours
fascinés par la culture française et recherchent à tout prix à adopter ce « je ne sais
quoi » qui caractérise les Français. Selon une enquête de la banque Natixis, le
Français sera la langue la plus parlée du monde d’ici à 2050, devant l’Anglais et le
Mandarin. A New York, des clubs de dégustation de fromages français poussent
comme des champignons (de Paris). Des voyages sont régulièrement organisés par
ces clubs pour visiter les caves de Roquefort et déguster sur place ce que la France
fait de meilleur en matière de fromage. Autre tendance, deux aristocrates françaises
Marie de Tilly et Nadine de Rothschild dispensent désormais des cours d’étiquette
aux étrangers désireux de s’imprégner de bonnes manières à la française. Du Japon à
la Russie, du Moyen-Orient aux Etats-Unis, les cours affichent complet. Marie de
Tilly apprend à ses élèves comment se comporter en société, quelles conversations
aborder, comment se tenir à un diner mais aussi parfois que porter en fonction de la
situation. Le succès de ces cours prouve que tant qu’il existera à travers le monde des
amoureux de la France, Paris continuera à briller dans la culture, les arts et la mode.
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I- Chronologie du sujet
II- Questionnaire de l’entretien avec David Zajtmann
III- Questionnaire de l’entretien avec Christophe Girard
IV- Liste des entretiens non réalisés
V- Corpus de Presse
VI- Classement de l’Agence « Global Language Monitor » des
capitales de la mode 2012
VII- Illustrations
Annexes
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I- Chronologie du sujet :
1858 : Ouverture de la maison Worth Bobergh 1868 : Création de la Chambres Syndicale de la couture et de la confection pour Dames et fillettes 1872 : 684 maisons de couture et 307 maisons de confections au Bottin de Paris. 1895 : Mort de Charles Frederick Worth. 1907 : Création de la Société de l’Histoire du Costume 1909 : Paul Poiret quitte le quartier de l’Opéra pour celui des Champs Elysées, c’est le début de la « Conquête de l’Ouest » 1910 : Dissolution de la Chambre syndicale de la couture, des confectionneurs et des tailleurs pour Dames 1911 : Ouverture d’une boutique Lucille à Paris par Lady Duff Gordon 1925 : La couture représente 15% des exportations globales françaises 1929 : Krach boursier qui va précipiter le déclin de la haute couture 1935 : Guerre italo-éthiopienne 1936 : Accords de Matignon. Obligation pour les maisons de couture de salarier ses ouvriers et de leur offrir des congés payés 1940 : Projet de transfert des industries de haute couture à Berlin et à Vienne par les autorités allemandes 1941 : Obtention d’une dérogation pour 85 maisons de couture parisienne de se fournir en matières premières 1943 : Organisation la première « Press week » par Eleanor Lambert 1944 : Réduction du nombre de maisons autorisées à 79 1945 : Décret fixant les critères objectifs d’attribution de l’appellation « haute couture » 1946 : Paris compte 106 maisons de haute couture 1950 : Création du prêt-à-porter de luxe
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1952 : Paris compte 60 maisons de haute couture 1954 : Création du Comité Colbert 1954 : Création du premier musée du costume 1956 : Paris compte 38 maisons de haute couture 1965 : Ouverture de la boutique Saint Laurent Rive Gauche 1967 : Paris compte 19 maisons de haute couture 1972 : Robert Ricci fait défiler en même temps haute couture et prêt-à-porter. 1973 : Création de la Fédération Française de la Couture, du Prêt-à-porter des Couturiers et des créateurs de Mode 1977 : Ouverture du Musée Galliera 1982 : Ouverture de la Cour carrée du Louvre aux défilés par Jack Lang et François Mitterrand. 1987 : Création du groupe LVMH 1989 : Création de l’ANDAM, (Association nationale pour le développement des arts de la mode) 1991 : Obtention de l'extension du crédit impôt-recherche aux frais de collection pour les entreprises de l’habillement par Dominique Strauss-Kahn. 1992 : Création du groupe PPR (Kering) 1998 : Election de Didier Grumbach à la présidence de la Fédération Française de la Couture, du Prêt-à-porter des Couturiers et des créateurs de Mode 2001 : Assouplissement des critères objectifs d’attribution de l’appellation « haute couture » par le ministère de l’Industrie 2006 : Début du partenariat entre Chanel et le Grand Palais 2008 : Obtention de l’appellation « haute couture » par la maison Bouchra Jarrar 2010 : Nomination d’Olivier Saillard au poste de conservateur du Musée Galliera 2012 : Organisation à Paris de la première « Black Fashion Week » 2013 : Exposition « Paris haute couture » 2014 : Paris compte 14 maisons de haute couture
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II- Questionnaire de l’entretien avec David Zajtmann : David Zajtmann a été élève à Sciences Po Paris et à l’Institut Français de la mode. Titulaire d’un DEA d’Economie Industrielle de l’Université Paris Dauphine, David Zajtmann a été chargé de mission au conseil supérieur de l’ordre des experts comptables. Doctorant en sciences de gestion à l’IAE- Université Paris 1, il poursuit des recherches sur la légitimité en s’appuyant sur les stratégies des entreprises de couture et de prêt-à-porter. A l’IFM il assure la coordination pédagogique du programme Postgraduate de management : Mode, Design et Luxe, et est en charge des enseignements liés aux marchés internationaux et à la stratégie.
-‐ David Zajtmann, pour vous Paris est-elle toujours capitale de la mode ? SI OUI :
-‐ Qui est la nouvelle capitale de la mode si Paris ne l’est plus ? New York ? Londres ? Milan ?
-‐ Si Paris n’est plus capitale de la mode, quand peut-on dire que Paris a perdu
sa première place ? Est-ce que ce moment correspond à celui de l’apparition du prêt à porter ?
-‐ Est-ce que Paris a perdu sa place de capitale de la mode en se reposant sur sa
gloire passée ? SI NON :
-‐ Quels sont les fondements historiques, culturels et industriels qui permettent
une telle affirmation ?
-‐ La mode française est-elle à part ou est-ce une mode parmi les autres ?
-‐ La France et Paris c’était surtout la haute couture. Aujourd’hui la haute couture est un secteur peu rentable d’un point de vue commercial, dans ce cas qu’est-ce qui définit la mode française ?
-‐ Pourquoi la mode française fait-elle toujours rêver ? Est-elle plus innovante,
plus créative ou c’est le mythe qui fait parler ?
-‐ Quels sont les efforts de la ville de Paris pour valoriser son titre de capitale de la mode ? (au niveau des politiques publiques, des bâtiments prêtés aux maisons pour leurs défilés)
-‐ Et au contraire, comment les grandes maisons de mode françaises exploitent-
elles le patrimoine de Paris ? (La tour Eiffel dans la publicité de la Petite Robe Noire, le parfum Parisienne)
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-‐ La parisienne, est-elle une figure allégorique ou existe-t-elle ?
-‐ Quelle est la stratégie de globalisation du luxe français ?
-‐ Qu’est-ce qui différencie les stratégies de la mode françaises des stratégies américaines, italiennes ou japonaises ?
-‐ A ce propos, le luxe est-il français ? Selon vous, existe-t-il un secteur du luxe
américain par exemple ?
-‐ Les vieilles maisons françaises ont presque toutes fait appel à des talents étrangers à un moment de leur histoire, Karl Lagerfeld, John Galliano ou Marc Jacobs par exemple pour ne citer qu’eux. Sont-ce des stratégies commerciales ou bien n’y a-t-il pas assez de jeunes créateurs français talentueux ?
-‐ De nombreuses rétrospectives ont été organisé sous forme d’exposition ? (La
petite robe noire, l’exposition Dior) Est-ce pour valoriser l’héritage de ces maisons et donner à voir le patrimoine de la France en matière de mode ou y’a-t-il derrière ces expositions des logiques purement commerciales ?
-‐ Pensez-vous qu’un client étranger quand il achète du Dior ou du Vuitton,
essaye-t-il d’acheter un peu de France ?
-‐ Le savoir faire français en matière de luxe est-il toujours le même ?
-‐ La mode est à cheval entre le mode de l’art et de l’industrie, dans quelle mesure peut-on qualifier la mode d’industrie culturelle ?
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III- Questionnaire de l’entretien avec Christophe
Girard : C’est à Tokyo que Christophe Girard fait la connaissance de Pierre Bergé et Yves Saint Laurent en 1976. Il intègre la maison YSL en 1978 dans laquelle il gravit des échelons jusqu’à devenir directeur général en 1997. En 1999 Christophe Girard rejoint le groupe LVMH en tant que directeur de la stratégie mode. Il devient membres des Verts en 1998 et rejoint la liste de Daniel Cohn-Bendit aux élections européennes de 1999. En 2001, après l’élection de Bertrand Delanoë, Christophe Girard est nommé adjoint au maire de Paris chargé de la culture. Il occupera ce poste en même temps que ses fonctions chez LVMH. Homme de culture, on doit à Christophe Girard de nombreuses initiatives culturelles dans les capitale comme Les Nuits Blanches.
-‐ Christophe Girard, pour vous Paris est-il toujours capitale de la mode ?
SI NON :
-‐ Vous avez déclaré : « La France n’est ni un musée, ni un cimetière ». Est-ce que selon vous, Paris a perdu sa place de capitale de la mode en se reposant sur sa gloire passée ? SI OUI :
-‐ Quels sont les efforts de la ville de Paris pour valoriser son titre de capitale de
la mode ? (au niveau des politiques publiques, des bâtiments prêtés aux maisons pour leurs défilés)
-‐ La Fashion Week de Paris est la plus attendue du calendrier de la mode.
Quelle est l’importance d’un événement comme la Fashion Week de Paris pour la capitale ?
-‐ Comment les grandes maisons de mode françaises exploitent-elles le
patrimoine de Paris ? (La tour Eiffel dans la publicité de la Petite Robe Noire, le parfum Parisienne)
-‐ La parisienne est-elle une figure allégorique ou existe-t-elle ?
-‐ Quels liens unissent la politique et la mode en France ?
-‐ Les musées de la ville de Paris organisent régulièrement des expositions consacrées à la mode. (La petite robe noire, l’exposition Dior) Quelles sont les logiques derrières ces expositions ? Sont-elles pédagogiques ou commerciales ?
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-‐ Etes-vous pour une démocratisation de la mode, pour un meilleur accès du
public à l’univers de la mode ? Comment cette démocratisation pourrait-elle se concrétiser ?
-‐ Que pensez vous des efforts de la France en matière de patrimonialisation de
la mode ? Ces efforts sont-ils suffisants ?
-‐ La mode et le luxe français sont des secteurs industriels qui se portent relativement bien dans un climat industriel plutôt morose. Pensez-vous que ces secteurs doivent être plus valorisés par la politique ?
-‐ La mode fait partie d’un certain « art de vivre » qui participe largement au
rayonnement de la France. Mais comment expliquer que le théâtre ou encore le cinéma français soient subventionnés et pas la mode ?
-‐ Dans quelle mesure peut-on qualifier aujourd’hui la mode d’industrie
culturelle selon vous ?
-‐ Diriez-vous que la mode française se porte bien en 2014 ? Si non, quelles sont les difficultés que rencontre le secteur actuellement ?
-‐ Pensez-vous que l’achat des maisons de mode par des grands groupes de luxe
constitue un danger pour la liberté créative de la mode ?
-‐ Les vieilles maisons françaises ont presque toutes fait appel à des talents étrangers à un moment de leur histoire, (Karl Lagerfeld, John Galliano ou Marc Jacobs par exemple pour ne citer qu’eux). Sont-ce des stratégies commerciales ou bien n’y a-t-il plus assez de jeunes créateurs français talentueux ?
-‐ La globalisation peut-elle tuer la mode française ?
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IV- Liste des entretiens non réalisés :
Cette liste comprend les noms des personnes sollicitées pour un entretien mais qui n’ont pas donné suite. Certains de leur témoignage auraient pu constituer une source précieuse pour ce mémoire. Il aurait été particulièrement intéressant pour moi de recueillir l’opinion d’une femme sur le sujet car je n’ai eu l’occasion de rencontrer que des hommes.
Personnalités Date de
demande d’entretien
Motif du refus Intérêt de l’entretien
Colombe Pringle Rédactrice en chef de ELLE de 1982 à 1986 Rédactrice en chef de VOGUE paris en 1987 à 1996
20 janvier 2014
Emploi du temps chargé. Plus vraiment engagée dans la mode depuis qu’elle est à la direction du journal « Point de vue »
Avis d’une femme journaliste, rédactrice de deux grands magazines féminins Français sur le sujet de Paris Capitale de la mode
Mode à Paris Fédération française de la couture et du prêt à porter
19 décembre 2013
Pas de réponse Organisme qui régit les métiers de la mode à Paris qui aurait pu donner des informations sur la réglementation pour les maisons de haute couture
Laurianne Meulière Rédactrice Mode Glamour Paris
28 janvier 2014 Pas de réponse Avis d’une chroniqueuse mode pour un magazine féminin sur le sujet de paris Capitale de la mode
Catherine Zeitoun Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent
5 février 2014 La fondation est devenue un musée d’art contemporain sans rapport direct avec la mode
Avis d’un membre de la fondation pour éclairer les questions de patrimonialisation et de muséification de la mode
Loïc Prigent
Réalisateur spécialiste de la mode. Auteur de plusieurs documentaires sur la mode
12 Janvier 2014
D’accord pour me recevoir mais jamais la rencontre ne s’est fait. Emploi du temps plus que chargé au moment des Fashion Weeks
Avis d’un réalisateur spécialiste de la mode, qui connaît bien les rouages de la mode parisienne au moment de la Fashion Week de Paris
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V – Corpus de Presse :
Ces articles ont permis l’éclairage du sujet « Paris Capitale de la mode ». Bien que tous n’aient pas été utilisés dans le corps du mémoire, ils font partie du corpus de ce travail de recherche. Ces articles viennent majoritairement de journaux de la presse nationale, de blogs ou de sites internet. Auteurs Titres Journal / site Date de
publication Leloup, Michèle Patrimoine: n'oublions pas le Xxème
siècle L'express.fr 07-sept-00
Tavoillot, Pierre-henri Gilles Lipovetski: Qu'est-ce que le luxe
Le point.fr 09-mai-03
Pouliquen, Katel Histoire de(s) défilés L'express.fr 02-mars-06 Benhamou, Françoise Haute Couture: Derrière la vitrine
chic une industrie de masse Rue 89.fr 08-juin-08
Relaxnews Semaine de la mode à Paris: les créateurs investissent des lieux prestigieux et insolites de la capitale
Le parisien.fr 29-févr-12
Jacob, Yvane (étudiante à l'IFM)
Le défilé de mode est-il un spectacle archaïque ?
M Style, Le monde
06-sept-12
Lasjaunias, Aude Didier Grumbach :"Paris est clairement la capitale de la création
M Style, Le monde
26-sept-12
Bizet, Carine Les enjeux de la mode spectacle M Style, Le monde
03-oct-12
? Paris accueille sa première Black Fashion Week
M Style, Le monde
05-oct-12
? La fashion week en 3 questions M Style, Le monde
09-oct-12
Chassat, Sophie La barbe ne fait pas le philosophe… le défilé de mode si
M Style, Le monde
22-janv-13
Peyrel Benjamin La parisienne existe-t-elle toujours ? L'express.fr 26-janv-13 Leboucq, Valérie Fashion Week à Paris, place aux
créateurs managers Les échos 26-févr-13
? Hotel de ville: paris célèbre un siècle de haute couture
Culture Box.fr 28-févr-13
Laurent, Annabelle Le clip pour le numéro 5 de Chanel, une pub vraiment ?
Rue 89.fr 19-mai-13
Labatut, Camille Chanel et Dior, marque de maquillage préféré des françaises
L'express.fr 23-mai-13
Von Bardeleben, Elvire La presse mode revue et corrigée Libération next 05-juin-13 Bizet, Carine Paris capitale de l'exception culturelle M Style, Le
monde 29-juin-13
Dormoy, Géraldine Chanel rhabille la FIAC L'express.fr 01-oct-13 Santucci, Françoise-Marie, Ghys, Clément et Von Bardeleben, Elvire
La mode reprend des forces Libération next 04-oct-13
MCdowell, Colin Pour une presse libre M Style, Le monde
09-oct-13
AFP Entre mythe et réalité, le chic de la parisienne séduit toujours
La croix. fr 16-oct-13
De Tarlé, Sophie Trois niches pour entrer dans le luxe L'express.fr 16-oct-13
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
113
Fitzpatrick, Tommye Anatomie du son des défilés de mode M Style, Le monde
28-oct-13
Garnier, Juliette; Thibault, Arold, Vulser, Nicole
Mode: La France bousculée Le monde / dossier Eco & entreprise
12-nov-13
Bizet, Carine La mode se donne des arts M Style, Le monde
11-oct-13
Neuville, Julien Examen de passage M Style, Le monde
11-oct-13
Bizet, Carine La mode se donne en spectacle M Style, Le monde
02-oct-13
Boinet, Carole Oscar de la Renta dénonce le "cirque" de la Fashion week de New York
Les Inrocks. Fr 04-sept-13
Azmi, Roxana Art et Luxe, noces d'argent Cahier du Monde 12-nov-11 Ulmann, Fabienne l'art et la mode DiverCité printemps
2013 Savignon, Jeromine "Massart a inventé le 'dream show'" M Style, Le
monde
Cauvin, Jean-Paul Fashion week: Paris confirme sa première place
Prestigium.com 05-mars-09
Relaxnews Direction dallas pour le défilé des métiers d'art de Chanel
M Style, Le monde
09-déc-13
Relaxnews Le défilé des métiers d'art de Chanel débarque à Dallas
Le parisien.fr 09-déc-13
Chapuis, Dominique La haute couture met en avant ses jeunes griffes
Les échos.fr 19-janv-14
Tronchu, Emilie l'art et la mode dans l'air du temps Evene.fr 02-févr-09 Desnos, Marie Quand la mode et la politique se
rencontrent ParisMatch.fr 26-janv-10
Michel, Louise D Mode: Paris n'est plus la seule ville à briller
Jolpress.com 20-janv-14
Hindin-Miller, Isaac Paris, melting pot mondial de la mode
M Style, Le monde
16-janv-14
Merle, Sandrine A Paris, la cliente haute couture fait sa mue
Les échos.fr 24-janv-14
/ Avec sa créatrice chinoise, Léonard veut séduire l'Asie
Les échos.fr 21-janv-14
Leboucq, Valérie "Fashion week", le business avant le glamour
Les Echos n° 21132 du 27 février 2012 • page 11
2012
Chapuis, Dominique Les grands du luxe parient sur les jeunes créateurs
Les échos.fr 21-oct-13
Neuville, Julien Les nouveaux venus de la haute couture
M Style, Le monde
31-janv-14
Gardin, Mathilde La haute couture, un club très privé Le point.fr 29-juin-08 Bizet, Carine L'épure au service de la couture M Style, Le
monde 23-janv-14
AFP La haute couture est une vitrine exceptionnelle
L'express.fr 23-janv-14
Lorenzo, Sandra Et si la fashion week de New York fait elle couler Paris ?
Huffington post.fr 06-févr-14
Bizet, Carine Haute couture, les mystérieuses clientes
M Style, Le monde
01-févr-13
Lorenzo, Sandra A quoi sert la haute couture Huffington post.fr 20-janv-14 M Style, Le
monde
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
114
De Gasquet, Pierre Fabiana Giacomotti "New York n'est pas en compétition avec Milan et Paris
Les échos.fr 06-févr-14
Giorgio Armani présente One Night Only à Paris
Vogue.fr 20-janv-14
Lasjaunias, Aude La fashion week de Londres célèbre la création internationale
M Style, Le monde
18-févr-14
Reuters Calendrier Fashion Week, Paris, New York, Milan, Londres
L'express.fr 24-févr-14
Laurelli, Mathilde Calendrier Fashion Week, Paris Automne Hiver 2014-2015
L'express.fr 12-févr-14
Rousseau, Caroline Julie Pêcheur, Julie
La mode de rue à la française M Style, Le monde
28-févr-14
Groppo, Pierre Entretien avec Anne Hidalgo Vogue.fr Bizet, Carine Haute couture: le triomphe des petites
mains M Style, Le monde
12-juil-13
La nouvelle liste des maisons de haute couture
Challenges.fr 12-janv-13
Relax News Haute couture: les monuments parisiens se transforment en catwalk géantes
La dépêche.fr 16-janv-14
Relax News Fashion week: les lieux parisiens les plus insolites se transforment en écrin de mode
La dépêche.fr 25-juin-12
? Yves Saint Laurent: Un parfum haute couture
Le parisien.fr 06-nov-10
Quilleriet, Anne-Laure Saint Laurent Forever L'express.fr 05-juin-08 Bougère, Marie Caroline Aurélie Filippetti: la mode est aussi
une pratique culturelle L'express.fr 05-oct-12
Bizet, Carine Des podiums au musée M style le monde 03-déc-12 Hammem, Emilie La mode au musée, deux expositions Strabic.fr ? Fabi, Tiziana Musée- Plus fort qu'Andy Warhol Le point.fr 19-janv-12 McDowell, Colin L'ADN de la mode italienne M style le monde 07-avr-14 Brunel, Charlotte Aux sources de la mode américaine L'express.fr 03-nov-11 AFP Pourquoi New York est devenue un
centre de la mode ? Challenge.fr 11-févr-14
Dormoy, Géraldine Central Saint Martins: l'aimant à talent
L'express.fr 11-avr-11
Dromard Thiébault LVMH et Kering s'arrachent les start-up de la mode
Challenge.fr 23-sept-13
? Les guerres du luxe Challenge.fr 02-févr-11 Cathala, Anne-Sophie Les marques françaises de prêt-à-
porter séduisent les investisseurs étrangers
Le figaro.fr 28-mai-13
Basse, Nicolas Le shopping, clé du tourisme à Paris Le point.fr 08-janv-14
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
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VI- Classement de l’Agence « Global Language
Monitor » des capitales de la mode 2012 :
1. London 2. New York 3. Barcelona 4. Paris 5. Madrid 6. Rome 7. Sao Paulo 8. Milano 9. Los Angeles 10. Berlin 11. Antwerp 12. Hong Kong 13. Buenos Aires 14. Bali 15. Sydney 16. Florence 17. Rio de Janeiro 18. Johannesburg 19. Singapour 20. Tokyo 22. Shanghai 23. Caracas 24. Las Vegas 25. Monaco 26. Santiago 27. Amsterdam
28. Dubaï 29. Bangkok 30. Copenhagen 31. Vancouver 32. Stockholm 33. Krakow 34. Seoul 35. Moscow 36. Frankfurt 37. Vienna 38. Mumbai 39. Miami 40. Abu Dhabi 41. San Francisco 42. Austin 43. Warsaw 44. Boston 45. Prague 46. Dallas 47. Mexico City. 48. New Delhi 49. Houston 50. Chicago 51. St. Petersburg 52. Montreal 53. Toronto 54. Cape Town 55. Atlanta
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VII – Illustrations
Illustration 1 : Le Grand Palais transformé en jardin à la française pour un défilé Chanel.
Illustration 2 : Entrée du chapiteau de la Mercedes-Benz Fashion Week, à Manhattan.
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Illustration 3 : Publicité pour le parfum « Miss Dior Chérie », Dior.
Illustration 4 : Publicité pour le parfum « Parisienne » avec Kate Moss, Yves Saint Laurent.
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Illustration 5 : Publicité pour le sac « Lady Dior » avec Marion Cotillard, Dior.
Illustration 6 : Publicité pour le sac « French légèreté » avec Isabelle Adjani, Lancel.
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Illustration 7 : Publicité pour le parfum « Very Irrésistble » avec Liv Tyler, Givenchy.
Illustration 8 : Publicité pour le parfum « Trésor » avec Kate Winslet, Lancôme.
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Illustration 9 : Photographie de Jean Moral.
Illustration 10 : Photographie de Erwin Blumenfeld.
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Illustration 11 : Audrey Hepburn et Fred Astaire dans le film « Funny Face ».
Illustration 12 : Anna Wintour et Christian Estrosi lors de leur rencontre en 2010.
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Illustration 13 : Carla Bruni Sarkozy (à droite) en présence de Yves Saint Laurent.
Illustration 14 : Aurélie Filippetti ministre de la culture à la sortie du défilé Chanel.
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Illustration 15 : Robe Mondrian et veste Van Gogh par Yves Saint Laurent.
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I- Sources
A) Sources imprimées : - Ouvrages :
-‐ Saillard, Olivier, Zazzo, Anne, Paris haute couture, Skira Flammarion, 2012
- Etudes :
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l’Institut Français de la Mode, Editions du Regard, 2005.
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-‐ Chambre de Commerce et de l’Industrie, Maire de Paris, Office du tourisme de Paris,
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-‐ Azmi, Roxana, « Art et Luxe, noces d'argent », dans Cahier du Monde n°20780, page 2, le
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Corpus
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le 5 octobre 2013.
B) Sources en ligne :
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octobre 2012, <http://www.lemonde.fr/style/article/2012/10/05/paris-accueille-sa-premiere-black-fashion-week_1770946_1575563.html>, (consulté le 9 novembre 2013)
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16 octobre 2013, <http://www.la-croix.com/Culture/Actualite/Entre-mythe-et-realite-le-chic-de-la-Parisienne-seduit-toujours-2013-10-16-1043627>, (consulté le 7 novembre 2013)
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février 2014, <http://www.challenges.fr/entreprise/20140211.CHA0310/pourquoi-new-york-est-elle-devenue-une-capitale-de-la-mode.html>, (consulté le 12 avril 2014)
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-‐ Bizet, Carine, « Haute couture, les mystérieuses clientes », dans M Style, Le monde, le 1er
février 2013, <http://www.lemonde.fr/style/article/2013/02/01/haute-couture-les-mysterieuses-clientes_1825251_1575563.html>,(consulté le 8 février 2014)
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-‐ Auteur inconnu, « Le bal des directeurs artististiques » dans, Paris Match.fr, le 27 décembre
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-‐ Zajtman, David, 1858-1929 : l’âge d’or de la haute couture en France, ifm paris, blog Le monde, le 7 février 2013. <http://ifmparis.blog.lemonde.fr/2013/02/07/1858-1929-lage-dor-de-la-haute-couture-en-france/> (consulté le 17 mars 2014)
Sources web :
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-‐ Site mode à paris <http://www.modeaparis.com/fr>, (consulté le 19 octobre 2013)
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-‐ Site de l’exposition Paris Haute couture <http://www.paris.fr/haute-couture>, (consulté le 14 février 2014)
-‐ Site du Palais Galliera <http://www.palaisgalliera.paris.fr>, (consulté le 10 mars 2014)
-‐ Site du Musée des Arts Décoratifs <www.lesartsdécoratifs.fr>, (consulté le 7 février 2014)
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-‐ Site du groupe Kering <http://www.kering.com>, (consulté le 13 décembre 2013)
C) Sources audio-visuelles : Sources orales :
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l’IFM, entretien à Paris (1h30) le 22 janvier 2014
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-‐ Girard, Christophe, maire du IVème arrondissement, consultant pour LVHM, entretien à
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-‐ Denis, Gilles, Warnet, Michèle, Fashion week : la guerre sans merci des capitales, Les échos.fr, <http://videos.lesechos.fr/news/eclairage-redac/fashionweek-la-guerre-sans-merci-des-capitales-3157065691001.html>, (consulté le 20 février 2014)
-‐ Vogue, Louis Vuitton place Vendôme célèbre Paris, Vogue.fr
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Expositions :
-‐ « Paris Haute couture », du 2 mars au 6 juillet 2013, à l’Hôtel de Ville, Paris.
-‐ « Roman d’une couturière, le chic d’une Parisienne de la Belle Epoque aux années 30 », du 17 octobre 2013 au 16 mars 2014, Musée du Carnavalet, Paris.
-‐ « Paris vu par Hollywood », du 18 septembre au 15 décembre 2012, à l’Hôtel de Ville, Paris.
II- Bibliographie : Sources imprimées :
-‐ Fouchard, Gilles, Idées reçues : la mode, le Cavalier Bleu Editions, 2004
-‐ Grau, François-Marie, La haute couture, P.U.F « Que sais-je ? », 2000
-‐ Grumbach, Didier, Histoires de la mode, Paris, Edition du Regard, 2008
-‐ O'hara Callan, Georgina, Dictionnaire de la mode, Thames & Hudson, 2009
-‐ Seeling, Charlotte, Mode 150 ans d’histoire, h.f.ulmann 2011 Sources en ligne : - Larousse.fr - Chenoune, Farid, « haute couture, repères chronologiques », Encyclopédie Universalis, <http://universalis.pontil.rennes.iep.fr/encyclopedie/haute-couture-reperes-chronologiques/>, (consulté le 10 novembre 2013) - Davray-Piékolek, Renée, « MODE, musée de la, Paris », Encyclopédie Universalis, <http://www.universalis.fr/encyclopedie/musee-de-la-mode-paris/>, (consulté le 10 mars 2014)
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- Garnier, Guillaume, « Charles Frederick Worth », « Jacques Doucet » Encyclopédie Universalis, <http://universalis.pontil.rennes.iep.fr/encyclopedie/les-worth/>, (consulté le 19 mars 2014) - Ormen, Catherine, « prêt-à-porter », Encyclopédie Universalis, <http://universalis.pontil.rennes.iep.fr/encyclopedie/pret-a-porter/>, (consulté le 3 avril 2014) Sources vidéo :
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-‐ Prigent, Loïc, Habillé pour l’été, Canal +, 2014
-‐ Prigent, Loïc, Habillé pour l’hiver, Canal +, 2014 Autres sources :
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A Aghion, Gaby, 28, 61 Agnelli, Marella, 94 Alaïa, Azzedine, 44, 69, 83, 99 Alleaume, Alice, 43 Al-Yaoub, Mouna, 94 André, Adeline, 93 Armani, 72, 84, 88, 95 Arnault, Bernard, 86, 89, 90 Arora, Manish 81 Assouly, Olivier, 8, 124 Astaire, Fred, 54
B Baker, Joséphine 82 Balenciaga, 28, 81, 82, 91, 99 Balmain, 28, 93 Bardot, Brigitte, 28 Barrère, Christian 52, 58, 124 Beer, Martial & Armand, 43 Bergé, Pierre 59, 61, 128 Bertin, Rose 10 Blum, Léon 24 Blumenfeld, 54 Bobergh, Otto Gustav, 17, 105 Boucher, François, 64 Boucheron, 10, 92 Boué, Sœurs, 43 Boussac, 86 Brancusi, 20, 82
C Callot Sœur, 20 Cartier, 10, 22, 68, 99 Carven, 93 Céline, 2, 90 Chalyan, Hussein, 51 Chanel, Gabrielle, 12, 22, 28, 44, 47, 49, 51, 52, 53, 56, 63, 69, 79, 80, 82, 86, 87, 88, 93, 95 Chéruit, 43 Chloé, 28, 61, 79, 80, 91 Claudie Pierlot, 97 Coco, 53, 56 Colbert, 58, 128 Cotillard, Marion, 49 Courrèges, André, 93
D Dalí, 82 De Castelbajac, Jean-Charles, 67 De la Fressange, Inès, 57 De la Renta, Oscar, 74 De Malherbe, Hubert, 98 Deneuve, Catherine 56 Denis, Gilles, 75, 129 Dior, Christian, 12, 28, 44, 49, 51, 60, 69, 73, 74, 79, 80, 81, 83, 86, 87, 88, 90, 93, 95, 98, 128 Doeuillet, 30 Dolce & Gabanna, 72 Don Perignon, 90 Donen, Stanley,54 Douanier Rousseau, 20 Doucet, Jacques, 18, 20, 43, 52, 130 Duff Gordon, Lucy, 35, 36, 82, 83
E Elbaz, Albert, 81 Elias, Norbert, 9 Ernst, 54, 82 Estrosi, Christian, 61 Etam, 97, 98
F Fast Retailing, 96 Fath, Jacques, 26 Fendi, 72 Ferragamo, 72 Ferré, 80 Filipetti, Aurélie 62 Ford, Tom, 74, 81, 91
G Gagelin, 17 Galliano, John, 79, 80, 90, 101 Gap, 96 Gaultier, 48, 53, 86, 93 Gerber, 30 Ghesquière, Nicolas, 81, 92 Giacometti, 82 Giorgini, Giovanni Battista, 72 Girard, 2, 14, 46, 56, 62, 66, 80, 104, 109, 129 14, 104, 109 Givenchy, 29, 44, 51, 54, 56, 74, 79, 80, 81, 88, 90, 91, 93 Golbin, Pamela, 74 Goosens, 22 Grau, François-Marie, 12, 31, 129 Gros, 55 Grumbach, Didier, 12, 17, 18, 19, 22, 23, 25, 26,28, 30, 32, 34, 35, 36, 39, 84, 86, 95, 100, 127, 129
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Gucci, 72, 81, 91 Guerlain, 10, 21, 58, 90, 98, 99 Guillet, 22
H H&M, 96 Hash, Anne Valérie 93 Heim, Jacques, 28 Hemingway, 82 Hennessy, 4, 89 Hepburn, Audrey, 54, 56 Hermès, 10, 12, 21, 51, 59, 68, 88 Hidalgo, Anne, 62, 63, 66, 126 Hilfinger, Tommy, 74 Hollande, François, 63
I Inditex, 96
J Jacobs, Marc 74, 81, 90, 99 Jacomet, Dominique 97 Jarrar, Bouchra, 34, 93 Jérôme Dreyfuss, 99 Josse, 46, 93
K Kayrouz, Rabih, 48 Kempner, Nan, 95 Kenzo, 84, 86, 101 Kering, 68, 89, 90, 91, 92, 101, 128 Kiabi, 98 KKR, 97 Klein, Calvin 74
L Lacroix, Christian, 38, 55, 77, 86, 90, 125 Lagerfeld, Karl, 9, 47, 51, 80, 95 Lambert, Eleanor, 38 Lancel, 49 Lancôme, 50 Lang, Jack, 46, 60, 62 Lanvin, Jeanne, 20, 26, 43, 51, 52, 81, 87, 88 Lauren, Ralph, 74 Leborgne, Dominique, 43 Lelandais, 97 Leloir, Maurice 64, 65 Lelong, Lucien 25, 30 Lemarié, 22 Leroy, 10 Lesage, 22 Lins, Gustavo, 46, 93 Longchamp, 12 Louis XIV, 9 Louis XVI, 10 Lubitsch, Ernst, 54 Lucile, 20, 35 LVMH, 4, 14, 62, 89, 90, 91, 92, 101, 128
M
Mabille, Alexis 46, 93 Maje, 97 Man Ray, 82 Massart, Olivier 39, 125 Maurer, 81 McCartney, Stella, 79, 84, 91, 101 McQueen, Alexander, 79, 80, 81, 90, 91 Michel, 22 Miller, 82 Millet, 67 Mitterrand, François, 60 Miu Miu, 84 Modigliani, 82 Moral, Jean, 54 Mugler, Thierry, 45, 46, 62, 86 Müller, Florence, 69 Murakami, Takeshi, 67 Mussolini, Benito 27
N Naf Naf, 96 Napoléon III, 18 Ndiaye, Adama, 77
O O’Callan, Georgina, 16
P Paquin, Jeanne, 20, 30, 43 Patou, Jean, 20, 86 Philo, Phoebe, 80 Picart, 38, 77 Picasso, 20, 82 Pinault, François, 4, 68, 91 Poiret, Paul, 20, 42, 43, 52, 86 Pommery, 67 Prada, 72 Prigent, Loïc, 2, 12, 130 Primark, 99 Prokofiev, 82 Puiforcat, 21
R Rabanne, Paco, 61, 81 Redfern, 20 Réverdot, Léon, 30 Ricci, Nina, 28, 44, 86 Rioux, Paul, 68 Rochas, Marcel, 26, 86 Rolland, Stéphane, 46 Rouff, Maggy, 25, 43 Rousseau, 10 Ruinart, 90
S Saillard, Olivier, 20, 22, 28, 42, 43, 46, 54, 66, 69, 70, 124, 129 Saint Laurent, Yves, 3, 14, 29, 44, 45, 49, 53, 56, 59,61, 62, 67, 68, 74, 81, 86, 91, 93, 106, 109, 111, 117, 122, 123, 127, 128
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Sandro, 97 Schall, Roger, 54 Schiaparelli, Elsa, 44, 45, 51, 67, 82 Sicard, Marie-Claude, 59 Simons, Raf, 80, 81, 128 Slimane, Hedi 81 Sorbier, Frank, 93 Soutine, 82 Sozzani, Franca, 73 Stella Cadente, 99 Strauss-Kahn, Dominique 61 Stravinsky, 82
T Tautou, Audrey, 56 Teil, Geneviêve, 8 Toledano, 32 Torrente, 93 Toudouze, George-Gustave, 64 Tsékénis, Catherine, 68
U Uniqlo, 96, 97 Urban Outfitters, 99
V Valentino, 46, 84 Vallaud-Belkacem, Najat 62 Valli, Giambattista, 93 Vauthier, Alexandre, 46 Versace, 72, 84 Vionnet, Madeleine, 20, 43, 51, 52 Vivarte, 96, 97
Vodianova, Natalia, 98 Vogel, Lucien, 25 Voltaire, 10 Vreeland, Diana, 68 Vuitton, Louis, 4, 10, 12, 22, 43, 45, 51, 59, 67, 81, 88, 89, 90, 99, 129
W Wang, Alexander, 74, 81 Warhol, Andy, 67, 126 Westwood, Vivienne, 84 Winslet, Kate, 50 Wintour, Anna, 61, 76 Worth, Charles Frederick, 16, 17, 18, 19, 20, 30, 35, 43, 52, 58, 82, 105, 130
X Xia, Shang 99
Y Yamamoto, Yoji, 62 Yin, Yiqin 46, 93
Z Zajtmann, David, 2, 14, 21, 24, 27, 36, 37, 45, 59, 60, 62, 69, 72, 78, 79, 83, 86, 107, 128 Zara, 96, 97 Zazzo, Anne, 13, 20, 22, 28, 42, 43, 46, 54, 124
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Remerciements ............................................................................................................. 2 Tables des illustrations ................................................................................................ 3 Tables des sigles et abréviations ................................................................................. 4 Sommaire ..................................................................................................................... 5 Introduction : ............................................................................................................ 6
Chapitre 1. Paris Capitale de la mode, une hégémonie fondée sur la haute couture 16 I- La haute couture, un savoir faire artisanal constitutif de la domination de Paris ...... 16
1. Portrait de la haute couture .................................................................................................. 16 A) La haute couture, le luxe du vêtement ........................................................................... 17
a) Charles Frederick Worth un Anglais père de la haute couture .................................. 17 b) La distinction entre confection, couture et haute couture .......................................... 18
B) La domination de Paris en matière de haute couture ..................................................... 20 a) Des maisons de confections parisiennes à la réputation internationale ..................... 20 b) Un savoir-faire artisanal d’exception ........................................................................ 21
2. La mode française actuelle légitimée en tant qu’héritière de la Haute couture ................. 23 A) Des crises constitutives de la mode française moderne ................................................ 23
a) La crise de 29, la fin de l’âge d’or de la haute couture .............................................. 23 b) La Seconde Guerre mondiale : la haute couture parisienne menacée ....................... 24
B) Le prêt-à-porter, la solution des couturiers face au déclin de la haute couture ............. 26 a) Le prêt-à-porter, l’opposition radicale à la haute couture .......................................... 26 b) L’alliance du prêt-à-porter et de la haute couture, une exception parisienne ............ 27
II- Une mode parisienne légitimée par la vigueur de ses institutions ........................... 29 1. La conservation d’un savoir-faire français par un encadrement rigide ............................... 29
A) Les prémices de la Chambre syndicale : la nécessaire protection de la haute couture . 29 a) Les Chambres syndicales de la couture parisienne .................................................... 30 b) Les critères d’attribution du statut de haute couture ................................................. 31
B) L’encadrement actuel de la haute couture ..................................................................... 32 a) La Fédération Française de la Couture, du Prêt-à-Porter des Couturiers et des Créateurs de Mode ......................................................................................................... 32 b) Les règles actuelles pour les maisons de haute couture ............................................ 33
2. La Fashion Week de Paris : lieu d’institutionnalisation pour la mode française ................ 34 A) La Fashion Week de Paris, de la présentation de collection à la semaine de la mode .. 35
a) Lady Duff Gordon, à l’origine de la première Fashion week ................................... 35 b) Un lieu de facturation essentiel au développement de la mode française ................. 36
B) Le rayonnement de la Fashion Week de Paris ............................................................... 37 a) Présentation du concept de « Fashion Week » .......................................................... 37 b) Statut privilégié de la Fashion Week de Paris ........................................................... 39
Chapitre 2. Paris Capitale de la mode, une hégémonie construite sur l’aura de la Ville-Lumière .................................................................................................................... 41
I- Paris, un écrin d’exception pour la mode .................................................................. 41 1. La mode au cœur de la ville ................................................................................................ 41
A) Cartographie du Paris de la Haute couture .................................................................... 42 a) De la rue de la Paix à la « ruée vers l’Ouest » ........................................................... 42 b) Les stratégies d’implantation des maisons de couture .............................................. 43
B) L’exploitation de l’architecture parisienne par la mode française ................................ 45 a) L’investissement des monuments parisiens par la mode ........................................... 46 b) Les symboles de Paris utilisés comme stratégie marketing ....................................... 48
2. La part de rêve véhiculée par Paris dans l’imaginaire de la mode internationale .............. 50 A) L’existence de maisons et de personnalités parisiennes emblématiques ...................... 50
Table des matières
Paris capitale de la mode Delphine Barthier Demph
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a) Des maisons historiques à l’épreuve du temps .......................................................... 50 b) La figure du couturier créateur Parisien .................................................................... 52
B) L’exploitation du passé de Paris, ville du chic .............................................................. 53 a) La construction d’une image glamour par la photographie et le cinéma ................... 53 b) La figure de la parisienne .......................................................................................... 55
II- La patrimonialisation de la mode par la capitale française ...................................... 57 1. La reconnaissance patrimoniale de la mode ........................................................................ 57
A) La reconnaissance de la mode comme produit culturel ................................................ 57 a) La mode comme objet patrimonial ............................................................................ 57 b) La constitution d’un patrimoine de marque par les maisons ..................................... 59
B) La reconnaissance politique ........................................................................................... 60 a) La mode comme objet d’attention de la classe politique ........................................... 60 b) Le rapport des hommes et femmes politiques à la mode parisienne ......................... 62
2. L’effort de conservation et de représentation de la mode ................................................... 63 A) Une volonté ancienne de protéger les vêtements de mode ............................................ 64
a) La conservation, l’objectif de la Société de l’Histoire du Costume .......................... 64 b) Le Palais Galliera : le musée de la mode de Paris ..................................................... 65
B) « Des podiums au musée » ............................................................................................ 67 a) La proximité entre l’art et la mode ............................................................................ 67 b) Les expositions de mode ........................................................................................... 68
Chapitre 3. Paris Capitale de la mode, une hégémonie menacée ? ............................. 71
I- Paris face à la globalisation ....................................................................................... 71 1. La remise en jeu du titre de capitale de la mode ................................................................. 71
A) Les concurrents historiques de la France ...................................................................... 71 a) Le luxe italien ............................................................................................................ 72 b) Le ready-to-wear américain ....................................................................................... 73
B) L’émergence de nouvelles places de mode à travers le monde ..................................... 75 a) Les capitales de la mode ............................................................................................ 75 b) Les Fashion Weeks parallèles ................................................................................... 76
2. Le renouvellement de la mode parisienne par les puissances étrangères ............................ 78 La mode parisienne actuelle ne serait pas ce qu’elle est si elle n’avait pas fait appel au talent de couturiers étrangers pour dynamiser ses maisons. ............................................... 78 A) Des créateurs étrangers dans les maisons parisiennes ................................................... 78
a) Une stratégie créative : l’exemple des créateurs anglais .......................................... 78 b) Les chaises musicales des créateurs dans les maisons françaises ............................. 80
B) L’attractivité de Paris pour les maisons étrangères ....................................................... 82 a) Des artistes étrangers à Paris, une tradition ancienne ................................................ 82 b) Ces maisons étrangères qui choisissent de défiler à Paris ......................................... 83
II- Les stratégies de la France pour que sa capitale conserve sa position hégémonique85 1. La fusion du luxe et de la mode, une particularité française ............................................... 85
A) Les stratégies du luxe pour intégrer la mode ................................................................. 85 a) Le parfum et la mode ................................................................................................. 85 b) Le business model des produits « lude » ................................................................... 87
B) La guerre du luxe en France .......................................................................................... 89 a) Le groupe LVMH, numéro un mondial du luxe ........................................................ 89 b) Le groupe Kering, de la distribution au luxe ............................................................. 91
2. Les ressources de la mode française .................................................................................... 92 A) La haute couture, vivier créatif inépuisable pour Paris ................................................. 92
a) Le paysage actuel de la haute couture ....................................................................... 92 b) La cliente haute couture aujourd’hui ......................................................................... 94
B) Des secteurs porteurs à valoriser ................................................................................... 96 a) Le prêt-à-porter moyen et haut de gamme à valoriser ............................................... 96 b) Le tourisme de la mode à Paris .................................................................................. 98
Conclusion ............................................................................................................... 100 Annexes .................................................................................................................... 104 Corpus ..................................................................................................................... 124
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Index........................................................................................................................ 131 Table des matières .................................................................................................... 134
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