Pertinence des soins concepts et enjeux
Pr Leïla Moret
Pôle Hospitalo-universitaire Santé Publique, Santé au travail et Pharmacie Service d’Evaluation Médicale et d’Epidémiologie - CHU Nantes
Réseau Qualisanté
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Les concepts Eléments de définition
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Définir la « pertinence des soins » ?-1
• 1986 : RAND Corporation (University of California, Los Angeles)
• Une procédure est pertinente d’un point de vue médical si, pour un patient :
• le bénéfice attendu lié à cette procédure (gain d’espérance de vie, amélioration de la qualité de vie, soulagement de la douleur, réduction de l’anxiété,…)
• dépasse les conséquences négatives attendues (morbidité, mortalité, anxiété, douleur, temps perdu …)
• avec une marge suffisante • Limites de la définition :
• Pas de référence au coût : s’applique à un individu en dehors du jugement de la société
• Point de vue technique : avis des professionnels ne tenant pas compte du jugement du patient
• Pas de prise en compte de la qualité de la procédure réalisée
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Procédure : admission, journée d’hospitalisation, exploration invasive, geste chirurgical, prescription médicamenteuse…
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Définir la « pertinence des soins » ?-2
• 1993 : NHS (National Health Service) Définition élargie • « Nous estimons qu’il manque deux dimensions importantes à la définition de la
pertinence par la RAND Corporation »
• l’individualité du patient concerné
• la disponibilité des ressources de santé
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« Pertinent, pour un soin, signifie qu’il a été choisi parmi l’ensemble des interventions disponibles qui ont démontré leur efficacité pour une affection, comme étant le plus vraisemblablement à même de produire les résultats attendus pour un patient donné. Une intervention ne peut être pertinente que si certaines conditions sont satisfaites :
• Les compétences techniques et les autres ressources nécessaires à l’intervention doivent être disponibles, en sorte
qu’il puisse être dispensé selon les bons standards
• L’intervention doit être réalisée d’une manière telle qu’elle soit acceptable pour le patient
• Les patients doivent recevoir une information adéquate au sujet de toutes les interventions potentiellement
efficaces. Leurs préférences sont centrales dans la détermination de quelle intervention sera pertinente parmi celles
dont l’efficacité est connue. Leurs préférences seront indicatives non seulement de l’objectif principal qu’ils espèrent
atteindre, mais aussi de leurs perceptions des effets secondaires qui pourraient advenir.
• La pertinence des interventions de santé doit également être considérée dans le contexte social et culturel actuel, et
au regard de la justice de la répartition des ressources de santé. »
• 2013 HAS (site internet)
• Dimensions à prendre en considération pour l’analyse de la pertinence d’une intervention de santé : • la balance entre les bénéfices et les risques • la probabilité pour l’intervention d’aboutir aux résultats attendus
(par comparaison avec d’autres traitements)
• la qualité de l’intervention de santé (au regard de standards)
• la prise en compte des préférences des patients (ce qui implique une information appropriée)
• la prise en compte du contexte social, culturel et de la disponibilité des ressources de santé
• 2014 HAS (Fiche méthode DPC Mai 2014)
• « La bonne intervention de santé, au bon moment, au bon endroit, pour le bon patient »
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Définir la « pertinence des soins » ?-3
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Intervention de santé : activité cherchant à préserver ou améliorer la santé d’une population, promotion de la santé, prévention, action diagnostique, action thérapeutique, …
En pratique…
• La bonne intervention de santé, au bon moment, au bon endroit, pour le bon patient • Bénéfice attendu supérieur au risque • Dépenses à bon escient et équitables
• Ni trop (surutilisation - overuse) : risque de iatrogénie patient + surcoût société
• Ni trop peu (sous-utilisation - underuse) : perte de chance patient + potentiel
surcoût
• Ni mal (mauvaise utilisation – misuse) : risque infini si acte inutile
• Respect des 4 principes éthiques fondamentaux (Beauchamp et Childress)
• Bienfaisance : efficacité et utilité • Non malfaisance : iatrogénie et inutilité • Autonomie des patients : information et décision partagée • Justice sociale : soutenabilité et égalité d’accès aux soins
• Notion évolutive car un soin pertinent hier peut ne plus l’être aujourd’hui du fait de l’évolution des connaissances, des techniques et de l’organisation des soin
• « [La pertinence] est la base de la médecine sobre qui dans une approche humaniste soigne mieux au meilleur coût. » (René Mornex Académie de Médecine 2013)
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Les constats Historique et état des lieux
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Les constats
• De fortes hétérogénéités de pratiques intra et inter territoires
• Objectivées dès les années 70 aux USA • Procédures chirurgicales, Journées d’hospitalisation, Admissions hospitalières
• Dans un contexte de maîtrise de l’évolution des dépenses de santé
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Projet d’atlas des variations de pratiques médicales
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Etude des variations régionales • Site « Wennberg International Collaborative » :
>6000 articles sur le sujet
• Plusieurs pays ont publié un atlas de variations de pratiques médicales
• Royaume-Uni, Allemagne, Australie, Canada, Espagne, États-Unis, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas
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Etude des variations internationales
• Rapport OCDE 2014 • Variations des taux de recours chirurgicaux dans 13 pays
• Pour 7 interventions (angioplastie, PTG, césarienne…)
2 décembre 2016
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Rapport de l’OCDE - septembre 2014
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Et en France ?
• Plusieurs rapports analysant des taux de recours (DGOS,CNAMTS, ATIH, HAS, FHF) issus des données du PMSI depuis 5 ans
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• Objectifs du guide méthodologique (instruction DGOS février 2013)
• Identifier les enjeux régionaux d’amélioration de la pertinence des soins
• Mettre en place un plan d’amélioration régional de la pertinence des soins sur les thématiques identifiées lors du diagnostic
• Mobiliser les équipes pour la mise en œuvre des actions et suivre l’avancement et les résultats de la démarche
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Prothèses de genou
Prothèses de hanche
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- Un des plus faibles niveaux de recours aux soins de ville et hospitaliers de MCO par habitant (à structure d’âge comparable)
- Un indice global de recours aux services de soins MCO < moyenne nationale Mais : - un taux de recours à la chirurgie supérieur au taux national (84,98 séjours /1.000
habitants contre 81,82 séjours au niveau national) - 6ème position en termes de consommation
Région Pays de la Loire
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5 Axes de travail prioritaires • La pertinence des séjours • La pertinence des modes de
prise en charge • La pertinence des actes et des
pratiques • La pertinence d’utilisation des
produits de santé • La pertinence des parcours de
santé
PROJET REGIONAL DE SANTE Objectif 18 : Garantir le juste soin
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• Décret du 19 novembre 2015 relatif à la promotion de la pertinence des actes, des prestations et des prescriptions en santé
• Plan d’actions pluriannuel régional d’amélioration de la pertinence des soins (PAPRAPS) : 18 chantiers d’amélioration
• Instance régionale chargée de l’amélioration de la pertinence des soins (IRAPS)
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• 5 domaines d’action prioritaires
• Pertinence des modes de prise en charge (chirurgie ambulatoire)
• Pertinence des actes et des pratiques (recours, qualité et sécurité des soins)
• Pertinence des séjours
• Pertinence des prescriptions
• Pertinence des parcours de soins (HAD)
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• Novembre 2016 : Premier atlas français des variations de pratiques médicales (préfacé par Wennberg et
Godmann !)
• 10 thèmes parmi 33 priorités nationales
• Amygdalectomie
• Appendicectomie
• Césarienne
• Chirurgie bariatrique
• Chirurgie de la tumeur bénigne de la prostate
• Chirurgie du syndrome du canal carpien
• Cholécystectomie
• Hystérectomie
• PTG
• Thyroïdectomie
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Les enjeux Que faire de cette connaissance ?
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• Comment interpréter ces disparités et ces écarts? • Dus aux praticiens ? A l’offre de soins ? Aux caractéristiques de la
population soignée ?…
• Comment réduire les variations de pratiques médicales ? • Qu’en pensent les tutelles, les professionnels, les patients/usagers ?
• Comment mieux faire participer les patients ?
• De quels outils a-t-on besoin pour analyser, pour évaluer, pour réguler ?
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Les raisons de la disparité ?
• L’offre de soins • Nb de séances de kiné après PTH varie en fonction de la densité de kinés (CNAMTS)
• Les pratiques de dépistage des K de la prostate et le devenir de ces patients
• 1 patient >65 ans a 30% de chance de plus d’être hospitalisé dans les zones denses en lits (HSR 2000)
• Plus de césariennes dans les hôpitaux privés
• Les effets d’école / engouement pour certains techniques / formation des étudiants • 3 techniques différentes pour la chirurgie de l’obésité
• Les facteurs socio-démographiques • Taux d’admission en UK corrélés avec prévalence des maladies chroniques et
précarité sociale
• Plus de césariennes chez les femmes à niveau socio-économique élevé
• Moins d’interventions cardiaques chez les patients précaires (All)
Déterminants très dépendants du contexte+++
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Les stratégies pour agir-1
• Du point de vue des tutelles • Dispositif d’amélioration de la pertinence des soins de la DGOS (33
priorités) • Pertinence des actes inscrite dans la Loi de Financement de la Sécurité
Sociale (LFSS) • Procédure de mise sous accord préalable (MSAP) de la CNAMTS pour
certains actes de chirurgie ambulatoire • CPOM Etat-ARS et ARS-établissement • Rémunération sur objectifs (ROSP, IFAQ…) • Décret du 19 novembre 2015 relatif à la promotion de la pertinence des
actes, des prestations et des prescriptions en santé • Programme de travail de la HAS
• Développement de référentiels de pratiques • Certification des établissements de santé • Accréditation des professionnels de santé • Intégration de la pertinence des soins dans les orientations nationales du
DPC
• …
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• Du point de vue des professionnels de santé
• Mieux suivre les recommandations de bonnes pratiques médicales de la HAS +++
• Environ 30 à 40 % des patients reçoivent un traitement non conforme aux données actuelles de la science (Grol R,
Grimshaw J. Lancet 2003)
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Les stratégies pour agir-2
Résultats enquête TNS réalisée par Internet pour la
FHF en 2012 auprès d’un échantillon de 803
médecins (402 MH, 201 MSL et
200 MGL)
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L’Évidence ne suffit pas à provoquer le changement-1 (Kitson A 1998 ; Garfield 2000…)
• Caractéristiques des Recommandations de Bonnes Pratiques (RPC) • Les cliniciens pensent que la source des RPC n’est pas crédible…
• Les RPC ne sont pas facile à lire, peu applicables dans la vraie vie…
• La durée de vie des RPC peut être très courte
• Les RPC peuvent être discordantes, notamment entre pays
D’où réflexe de singularité, accentué par le fait qu’on pense son malade singulier alors que les essais thérapeutiques s’adressent à des patients standards…
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• Caractéristiques des professionnels • Les professionnels pensent que la pratique actuelle est de qualité
suffisante (résistance au changement)
• La place de la formation initiale (notamment clinique ) et continue (DPC…)
• Sous-utilisation des soins par inertie clinique (manque de temps, manque de formation…) : erreurs par omission+++
• Sur-utilisation des soins : erreurs par commission+++
• Le non-faire ne rapporte pas, incitation à faire du volume en France
• Le danger du sur-diagnostic
• La place de la médecine défensive
• …
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L’Évidence ne suffit pas à provoquer le changement-2 (Kitson A 1998 ; Garfield 2000…)
La médecine défensive (https://www.prevention-medicale.org/)
• Définition : La prescription d’actes inutiles à la seule fin de se couvrir vis à vis de possibles plaintes des patients et l’évitement d’actes qui apparaîtraient à forts risques d’échecs ou de mauvais résultats (ce qui conduit à récuser ces patients)
• Ampleur du phénomène considérable / En augmentation constante
• Source d’évènements indésirables graves :
• 0,4% des cancers aux USA dus aux examens d’imagerie trop nombreux (2004), plutôt de l’ordre de 1,5 à 2% en extrapolation 2014…
• 91% (de 1500 MG et MS) reconnaissent leur pratique de médecine défensive, et leur intention de continuer
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Les stratégies pour agir-3
• Du point de vue des patients/usagers • Formes de non pertinence : inégalité de traitement, perte de
chance, éducation thérapeutique inadéquate, absence d’information, réclamations non prise en compte, etc.
• Variabilité des pratiques = risque de perte de chance (en termes de qualité/sécurité et en termes économiques)
• Enjeux éthiques
• Favoriser l’implication du patient
• Dans la prise de décision partagée (participation aux RCP ?)
• Dans la coordination de son parcours
• Dans la gestion de son traitement
• Dans l’information délivrée : ‘Patients speak up !’ (docteur est-ce bien nécessaire ?)
• Mieux prendre en compte les souhaits des patients et de leur entourage
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Conclusion
• 3 catégories de soins selon Wennberg
• 1. Les soins efficients • Un rapport bénéfice-risque largement favorable • Ne pas garantir cette catégorie de soins à toute la population concernée
relève d’une sous-utilisation des services de santé
• 2. Les soins relevant de choix et de préférences • S’il existe plusieurs options pour une même indication • Le taux d’utilisation de ces soins peut varier selon l’éclairage du choix du
patient • Favoriser la voix du patient
• 3. Les soins liés au niveau de l’offre disponible • Fréquence des soins très corrélée à la quantité d’offre de soins disponible • Sans lien entre le niveau de consommation et les résultats de santé • Amener les cliniciens à mieux suivre les RPC de la HAS
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