Bernard WARY
Service Régional de Soins Palliatifs
CHR Metz-Thionville
34 èmes Journées annuelles SFGG
Novembre 2014, Paris
Formation DPC
Douleur - Evaluation
Déclaration de liens d’intérêt
Je déclare n’avoir aucun lien d’intérêt.
Si la considération de la douleur chez la
personne âgée est relativement bonne aujourd’hui,
cette reconnaissance n’est pas encore partagée
par tout le monde et les progrès dans sa prise
en charge sont récents.
Premières recommandations nationales officielles
en 2000 ( ANAES).
Premier plan douleur intégrant les spécificités
gériatriques en 2006.
On est enfin passé du « c’est normal d’avoir mal quand
on est vieux » à une prise en charge scientifique et
plurifocale, d’où ce titre « la douleur dans tous ses états »
Une prévalence considérable
Prévalence de la douleur chez la personne âgée:
50% douleurs chroniques à domicile
70% douleurs chroniques en institution
Plus de 80% en fin de vie.
Constamment suspecter la douleur
Démarche non pas compassionnelle mais scientifique et humaine : Evaluer, classer, traiter, ré-évaluer…
Ce sont toutes ces étapes qui vont être développées
par mes collègues cette après-midi…
Des étiologies nombreuses et intriquées
Aux pathologies articulaires, rhumatismales,
neurologiques, cutanées, virales et métaboliques
viennent se rajouter fréquemment des pathologies
cancéreuses, associant:
- des douleurs aiguës
- des douleurs chroniques
- des douleurs nociceptives
- des douleurs neuropathiques
Une analyse rigoureuse s’impose...
III- Une fréquence accrue des douleurs mixtes
Nociception et neuropathie
souvent associées
pas toujours diagnostiquées
trop souvent mal prises en charge
Savoir utiliser les antidépresseurs
et les anti-épileptiques, mais également
-les topiques locaux (Emla, Versatis,Capsaïcine)
-la neurostimulation transcutanée
Tenir compte du poids et des
modifications pharmacologiques
liées au vieillissement,ainsi
qu’aux pathologies associées
Attention au rein...
Une nécessité accrue de recours à l’’hétéro-évaluation
-Grand âge
-Polypathologie
-Troubles cognitifs
-Dépression masquée
-Troubles sensoriels
-Troubles du
comportement
diminution des
possibilités
d’auto-évaluation
5 échelles existent en français, dont
4 présentent de bonnes qualités de
fiabilité et de validité:
DOLOPLUS – ALGOPLUS – ECPA - PACSLAC
Seules Doloplus et ECPA sont reconnues à ce jour
par la Haute Autorité de Santé ( Algoplus en cours).
Sur le plan international, ce sont les échelles
DOLOPLUS et PACSLAC qui sont recommandées.
Les qualités psychométriques de ces échelles sont
comparées mais chacun prône évidemment pour sa chapelle...
Ce qui est intéressant, c’est que le concept initialement
critiqué est reconnu aujourd’hui comme incontournable...
Plusieurs articles récents en témoignent, (Zwakhalen S. Hamers J.P., Abu-Saad H. - 2006)
dont la dernière publication d’un collectif
de 24 experts de renommée internationale dans
le Clinical Journal of Pain de janvier 2007.
(Gibson S., Parmelee P., Ferrel B., Gagliese L., Hadjistavropoulos T.,....)
1- Prendre en compte l’histoire du patient,
l’interroger et l’examiner
2- Associer auto et hétéro-évaluation
lorsque c’est possible
3- Utiliser l’EVS chez les personnes âgées
ayant des fonctions cognitives de
conservées à modérément altérées
4- A ce jour, les outils d’évaluation sont
sous utilisés, mais aucune échelle particulière
ne fait l’unanimité
5- Les échelles PACSLAC et DOLOPLUS
semblent être les plus prometteuses, mais
davantage d’études comparatives des différentes
échelles doivent être menées.
6- Utiliser le test thérapeutique antalgique.
7- Une bonne évaluation de la douleur devrait
aussi inclure une évaluation des autres fonctions
telles la qualité de vie, l’humeur, les ressources
personnelles, l’environnement social.
8- Solliciter l’aide des soignants connaissant bien
le patient âgé dément en question.
9- La plupart des échelles d’hétéro-évaluation
sont des outils de dépistage et en tant que tels,
ils ne peuvent être considérés comme des
indicateurs absolus de la douleur.
Notre expérience nous a appris à conjuguer auto et hétéro-évaluation,
à utiliser systématiquement un outil validé, à ne pas tout attendre des
échelles et à recourir au test thérapeutique antalgique, laissant
toujours le bénéfice du doute au malade.
Et rien n’empêche que l’on soit
âgé,en fin de vie, douloureux,
dément et dépressif...
Travailler en équipe Utiliser des outils d’évaluation Personnaliser les traitements
MMS
HAD
Malaise et comportements inadaptés des soignants
Altération des
fonctions
cognitives
Fin de vie
Pas de fatalisme... Pas de réactions défensives inappropriées
« Il existe encore souvent un profond mépris autours des déments,
surtout en phase avancée. Ce mépris trouve son origine dans
l’ignorance et la peur. Sorte de mise à distance défensive, il est
agissant tant dans le public que chez les soignants. »
Renée Sebag-Lanoë
Principales pathologies associées à la démence
au cours du dernier mois de la vie
INFECTIONS 95 %
DÉNUTRITION 80 %
ESCARRES 40 %
CANCER 30 %
Symptômes
associés
DOULEUR 100 %
ENCOMBREMENT 75 %
REFUS DE SOINS 30 %
RIGIDITÉ MUSCUL 20 % Lopez-Tourres F., Lefebvre-Chapiro S. NPG - 2010
Réunion pluridisciplinaire/multiprofessionnelle
Outils d’évaluation
Outils d’aide à la décision
Décision collégiale
Soutien des soignants
Soutien des familles
POUR Y ARRIVER…
Intégrer la prise en charge de la douleur
dans une démarche plus globale
Il persiste des préjugés tenaces et des réactions de transfert.
Florine ROSATI et Otman EDBAIECH parlent de
« seuil de tolérance à la douleur »
Pourquoi tant de difficultés pour les soignants formés
à l’évaluation de la douleur à mettre en place des
outils qu’ils jugent intéressants et reconnus ?
Il n’y a pas à proprement parler de déni de la douleur
mais plutôt une modification du comportement du
soignant face à la douleur, qui tolère un seuil de douleur
avant de la prendre réellement en charge.
Autre comportement
inapproprié…
Tout se résume finalement dans ce seuil de
douleur à atteindre, qui va dépendre:
- de la durée de la douleur
- de la visualisation de la douleur
- de la résistance du médecin
- de la crédibilité du malade
- de la gravité du diagnostic
- de l’importance des lésions
Si évaluer c’est reconnaître la douleur,
c’est surtout s’exposer à sa prise en charge...
Vaincre ses résistances par rapport aux morphiniques,à l’engagement dans
les techniques psychocomportementales, à l’écoute de la souffrance, etc..
Modifications pratiques dans les propositions de traitement
1-Tenir compte des modifications pharmacologiques
liées au vieillissement et aux pathologies associées
▲masse grasse
▼eau corporelle
▼clearance rénale
▼clearance hépatique
Polymédicamentation
Automédication
Pathologies associées «Start low and go slow »
être prudent
mais pas frileux...
2- Oser remettre en question
certaines règles d’or...
la voie orale n’est pas forcément la voie royale
Savoir passer d’une voie à l’autre Transdermique, sous cutanée, sublinguale, veineuse...
Respecter les équi-analgésies
Recourir à la rotation des voies d’administration
Recourir à la rotation des médicaments
Avoir le matériel adéquat et savoir s’en servir Pousse-seringues électriques, pompes à morphine...
L’appréciation des risques et de l’inconfort
est primordiale... Qui souffre dans cette situation ?
Le malade, le médecin, le soignant, la famille?
Et de quoi souffre-t-il ?
Le taux d’hémoglobine , d’albumine ou d’urée
gène-t-il le patient ou le médecin ?
3- Utiliser des galéniques adaptées
Observance et tolérance sont les garants
d’un traitement efficace
Adapter la galénique avec le malade
(ou consensus d’équipe) si l’on veut éviter: Que les gouttes arrosent le sol
Que les grosses gélules passent par la fenêtre
Que les patchs tapissent les draps
Personnaliser les traitements et recourir aux formes les plus appropriées
Pour respecter l’adage « Start low and go slow », on peut par exemple
utiliser les gouttes d’ORAMORPH pour instituer une morphinothérapie
4- Utiliser davantage les traitements
non médicamenteux
Tout le monde est d’accord sur le principe...
Mais le recours aux techniques de physiothérapie,
relaxation, massages, toucher relationnel,
musicothérapie, hypnose, arthérapie, etc.
reste largement sous utilisé.
Ainsi, les personnes âgées atteintes de démence
par exemple, peuvent bénéficier de nombreuses
approches comportementales qui valoriseront par
ailleurs le travail des soignants et réconforteront
également les familles
Sur un plan purement physiopathologique, l’effet de
ces techniques sur la douleur s’explique par:
- l’activation du contrôle inhibiteur périphérique
- la modulation de l’intégration du message
nociceptif au niveau cérébral ( aires associatives)
5- Mieux prévenir les douleurs induites
Les douleurs induites sont souvent des douleurs indues...
La multiplicité des handicaps et des
pathologies implique souvent des
mobilisations et des soins douloureux qui
rajoutent une couche de douleur supplémentaire...
Fatalisme et minimisation sont trop fréquents.
Evelyne Malaquin-Pavan a bien démontré que si les
médicaments étaient utiles, c’est toute la philosophie
et l’organisation des soins qu’il fallait repenser.
Prévenir avant:
entourer le soin pour limiter l’appréhension
( écoute, collaboration, organisation du soin)
Prévenir pendant :
assurer le confort du soignant et du soigné
(installation, matériel, travail en binôme, détournement
de l’attention, verbalisation,
terminer par qq chose d’agréable)
Prévenir après :
donner les résultats du soin, le critiquer…
Nous avons voulu insister ici sur le savoir être et le savoir faire des soignants, mais il va de soi que les protocoles médicamenteux restent incontournables:
Prescription d’un antalgique adapté
une heure avant le geste ou le soin:
-Tramadol 50mg à lib.immédiate ,
-Morphine (1/6 à 1/10 ème dose 24h)
-MEOPA
-Midazolam (HYPNOVEL) si soin anxiogène
-Lidocaïne-prilocaïne en applic. locale
Prévenir les dérives éthiques
Est-ce la douleur que l’on veut faire taire
ou le malade et ce qu’il nous renvoie ?
COCKTAILS LYTHIQUES COCKTAILS ÉTHIQUES
DOUBLE-EFFET DOUBLE INTENTIONNALITÉ
Ne pas laisser l’euthanasie clandestine
s’inviter sous couvert de soins palliatifs...
- Abstentions contestables
DÉNONCER LES DÉRIVES
Avant de parler d’excès de soins,
s’assurer qu’il n’y a pas défaut de soins…
- Sédations abusives Sédation, réponse bien cadrée aux souffrances non jugulées en SP
Sédation terminale : euthanasie qui n’ose pas dire son nom !
Sous prétexte de non obstination déraisonnable
se camouflent des abstentions contestables, le défaut de soins
CONCLUSION
Dépister, évaluer, classer
Traiter et ré évaluer…
Personnaliser le prendre soin
Ecouter et analyser
en équipe, ne pas rester figés
dans nos protocoles
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