Zipangu : Le japon à travers les collections audomaroises

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Le livret

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Livret de l'exposition - Zipangu : le japon a travers les collections audomaroises , visible à la bibliothèque d'agglomération de Saint-Omer du 11 janvier au 27 mars 2013.

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Le livret

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INTRODUCTION

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Cette exposition propose d’explorer

ce que nos collections nous disent du Pays

du Soleil Levant. Compte tenu de l’origine

religieuse de la grande majorité des livres

conservés dans les collections

patrimoniales de la Bibliothèque de

l’Agglomération, le Japon y est

principalement évoqué sous le regard des

missionnaires, et en particulier des

Jésuites qui se sont chargés d’évangéliser

ces îles entre 1549 et 1650, durant le

« siècle chrétien » du japon.

C’est donc une littérature relativement mé-

connue du grand public, et très orientée

dans son contenu que vous pourrez décou-

vrirà travers quelques belles éditions, dont

les plus anciennes remontent au XVIe

siècle, et sont contemporaines des pre-

mières missions.

En avançant dans l’histoire, une autre thé-

matique se fait jour parmi les ouvrages

traitant du Japon conservés en salle patri-

moniale. Ce sont les explorations des

XVIIe, XIXe siècles et du début du XXe

siècle. Ces livres témoignent souvent d’un

regard plus curieux que posent les

occidentaux, qui découvrent là une culture

radicalement différente de la leur, mais

qu’ils cherchent un peu plus à comprendre

et non plus à convertir à leurs propres

usages.

Pour compenser cette littérature conqué-

rante et souvent à sens unique d’un point

de vue culturel, nous vous présentons en

parallèle quelques splendides pièces de la

collection d’art japonais que le Dr. Pley,

originaire de Saint-Omer, a légué au Mu-

sée Sandelin en 1932. Ces œuvres apparte-

nant elles-aussi à une collection audoma-

roise, témoignent ainsi de l’autre regard

que l’Occident a porté sur le pays du soleil

levant. Un regard d’émerveillement devant

la richesse d’une culture millénaire dont le

raffinement fascine par sa complexité et sa

délicatesse.

Luis de Guzman, Historia de las missiones que

han hecho los religiosos de la Compañia de

Jesus para predicar el sancto Evangelio en los

reynos de Japon, Alcala, J. Gracian, 1601.

BASO Inv. 2997

J. A. Buchon, dir., Histoire universelle des religions, Paris,

administration de librairie, 1845

Baso Inv. 9058

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Ignace de Loyola et

L’ordre des jésuites

L’ordre des Jésuites, à qui fut confiée en premier l’évangélisation de l’Asie, est fondé par Ignace de Loyola (1491-1556).

Issu de la petite noblesse il est d’abord destiné à une carrière militaire. Il entre dans l’armée du vice-roi de Navarre en 1517, après quelques années de service à la cour. Grièvement blessé en 1521 lors du siège de Pampelune que l’armée franco-navarraise reprend aux Espagnols, il rentre en convalescence au château familial, il a trente ans. Faute de lecture romanesque ou divertissante, il entame la lecture de la Vie de Jésus et de la Légende dorée de Jacques de Voragine. Ces lectures vont profondément le marquer et il songe alors à suivre les préceptes des saints et à se convertir à la vie religieuse.

De mars 1522 à février 1523, Ignace vit en ermite à Manrèse (Catalogne) et pratique l’ascèse (discipline rigoureuse du corps et de l’esprit). En 1523, il séjourne à Jérusalem, puis retourne à Barcelone où il étudie la grammaire, le latin, la philosophie et la théologie. Il intègre ensuite l’université de Salamanque, puis le collège Montaigu à Paris.

C’est au collège Sainte-Barbe qu’Ignace de Loyola rencontre Pierre Fabre et François Xavier, ses premiers compagnons et fu-tures co-fondateurs de l’ordre Jésuite. Le 15 août 1534, dans la crypte de N o t r e - D a m e d e Montmartre, Ignace et six compagnons

prononcent les vœux de pauvreté, de chas-

teté, et de se rendre à Jérusalem pour y c o n v e r t i r l e s i n f i d è l e s . En 1538, Le pape Paul III reçoit Ignace et ses compagnons, et leur demande

d’œuvrer à Rome. Dès lors, les

comp ag n on s d éter mi n en t l e u r s actions : devoir d’obéissance, missions, rôle de l’éducation, prières collectives, mortification…

Le 27 septembre 1540, Paul III signe la bulle d’approbation du nouvel institut dénommé La Compagnie de Jésus.

En 1541, Ignace de Loyola accepte la charge de Préposé Général. Ignace

prêche, confesse, et crée des œuvres pour

les prostituées, les prisonniers, les convertis. De nombreux missionnaires p a r c o u r e n t l ’ E u r o p e , d ’ a u t r e s évangélisent les peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique, et créent ainsi un réseau d’écoles, de collèges et séminaires. Ignace de Loyola décède à Rome le 31 juillet 1556. Il est béatifié en 1609, et canonisé le 12 mars 1622.

Ignace de Loyola

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L’implantation des Jésuites à Saint-Omer

Nombre de livres qui sont présentés ici proviennent des bibliothèques des deux collègues de jésuites de Saint-Omer, car c’est à cet ordre qu’appartiennent les premiers occidentaux à mettre le pied au Japon. Mais avant d’évoquer le contenu de cette littérature, il convient de rappeler les raisons de la présence de cet ordre et de ses livres dans nos murs.

La volonté de réformer le clergé chrétien existe depuis la création de l’Église. Il y a toujours eu des dissidents pour dénoncer la corruption au sein du clergé et pour prêcher le retour à l’idéal de pauvreté supposé des premières communautés apostoliques. Ces mouvements réformateurs sont généralement motivés par les abus, la vie parfois dissolue des ecclésiastiques, les écarts disciplinaires. Le trafic des bénéfices et des indulgences font aussi régulièrement scandale. Et, au début du XVIe siècle, la diffusion des livres religieux en langue vernaculaire bouleverse également les croyances et seront à l’origine du mouvement de protestation mené entre autre par les réformateurs que sont Luther (1483-1546) et Calvin (1509-1564).

En 1521, l’empereur Charles Quint, qui souhaite contrer la propagation des doctrines réformées, promulgue l’édit de Worms : la possession, la diffusion, la lecture de livres interdits sont passibles de poursuites. En 1529, la répression se durcit : un placard prescrit la mort des hérétiques. Bannissement, mutilation et bûcher sont les sorts réservés aux dissidents. En 1555, Charles Quint abdique mais son fils Philippe II poursuit la politique répressive.

Le 12 mai 1559, le pape Paul IV autorise la fraction des cinq immenses diocèses des Pays-Bas, et, en 1561, le vaste diocèse des Morins est divisé en trois : Boulogne, Ypres et Saint-Omer accèdent alors au rang d’évêché après la destruction de Thérouanne. Philippe II espère ainsi faire administrer plus facilement ces domaines ecclésiastiques, mais principalement contenir et combattre la Réforme.

En 1563, l’abbé de Saint-Bertin, Gérard d’Haméricourt, est nommé évêque de Saint-Omer.

Ce prélat, soucieux de subvenir aux besoins pécuniaires et spirituels des jeunes gens, créé dès 1561 le Collège des pauvres boursiers de Saint-Bertin. Malgré la répression, le calvinisme s’implante en Flandre et en Artois et certains professeurs des pauvres boursiers se convertissent au protestantisme. L’évêque, souhaitant mettre à temps ordre à de telles calamités, fait venir des religieux de la Compagnie de Jésus qui seront tout d’abord chargés d’éduquer les boursiers de Saint-Bertin. Mais les Jésuites, suivant le règlement de leur ordre, souhaitent vivre en communauté. Gérard d’Haméricourt prend alors tous les arrangements possibles pour la fondation des Jésuites. En 1571, le pape Pie V congratule l’évêque pour ses deux fondations, et lui témoigne son contentement du maintien de l’orthodoxie et de l’instruction dispensée aux jeunes gens. Les Révérends Pères se révèleront d’excellents prédicateurs, professeurs et éducateurs.

Saint-Omer, BASO, ms. 755, f. 69v. : Gérard

d’Haméricourt

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Saint-Omer, BASO, ms. 755, f. 69v. : Gérard

d’Haméricourt

Bibliothèque numérique de la

bibliothèque d’agglomération

lien vers l’ouvrage numérisé :

Les abbés de Saint-Bertin

Ms. 755

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« CLX. — Ci devise de l'île de Çipingu Çipingu est une île au Levant, qui est en haute mer, à mille cinq cents milles des terres. Elle est très grandissime. Les gens sont blancs, de belles manières et beaux. Ils sont idolâtres et se gouvernent eux-mêmes, et ne sont sous la seigneurie de nuls autres hommes, sinon d'eux-mêmes. Et vous dis aussi qu'ils ont or en grandissime abondance, parce qu'on en trouve outre mesure en ce pays. Et vous dis qu'aucun homme n'emporte d'or hors de cette île, parce que nul marchand, ni autre homme, n'y va depuis la terre ferme. Car elle est trop loin-taine, et d'ailleurs, des vaisseaux y vont rarement d'autres pays, parce qu'elle abonde en toutes choses. Et vous dis donc qu'ils ont tant d'or que c'est chose merveilleuse, comme je vous l'ai dit, et qu'ils ne savent qu'en faire. Aussi vous conterai une grande merveille d'un palais du seigneur de cette île, selon ce que disent les hommes qui connaissent le pays. Je vous dis tout vraiment qu'il a un grandissime palais tout couvert de plaques d'or fin. Tout comme nous couvrons notre maison de plomb, et notre église, de même ce palais est couvert d'or fin, ce qui vaut tant qu'à peine se pourrait compter, et qu'il n'est personne dans le monde qui le pourrait racheter. Et encore vous dis que tout le pavage des chambres, dont il y a bon nombre, est lui aus-si d'or fin épais de bien plus de deux doigts. Et toutes les autres parties du palais et les salles, et les fenêtres, sont aussi ornées d'or. Je vous dis que ce palais est d'une richesse si démesurée, que serait trop grandissime merveille si quelqu'un pouvait en dire la valeur Ils ont perles en abondance, qui sont rouges, très belles et rondes et grosses et d'aussi grande valeur que les blanches et plus. En cette île certains sont inhumés quand ils sont morts, et certains autres incinérés, mais dans la bouche de tous ceux qu'on enterre, on met une de ces perles : telle est la coutume parmi eux. Ils ont aussi maintes autres pierres précieuses en bonne quantité. C'est une île si riche que nul n'en pourrait compter les richesses ». (trad. de Louis Hamis, Marco Polo, Le devisement du monde, Paris, Découverte, p. 397 ).

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ZIPANGU

L’une des plus anciennes et des plus longues mentions du Japon que l’on trouve dans la littérature d’Occident apparait dans le livre de Marco Polo, Le devisement du monde, que l’on retrouve aussi sous le titre de Livre des merveilles du monde, ou Il Milione.

Le riche marchand vénitien Marco Polo (vers 1254-1324), entreprit vers 1274 de prendre la route de la soie. Lors de son périple, il est admis à la cour de l’Empereur Mongol Kubilaï Khan, au service duquel il reste pendant près de 17 ans. Durant son séjour, il parcourt l’extrême Orient en tant qu’ambassadeur, légat, inspecteur des finances, etc. Bien que n’ayant pas mis lui-même les pieds au Japon, il en entend parler et consigne ces informations. Il revient à Venise en 1295, et arrive en plein conflit entre Venise et Gênes et est fait prisonnier. C’est en prison qu’il dicte son livre à Rustichello de Pise, qui le termine en 1298. Ce dernier a eu une fortune considérable, il est traduit en de nombreuses langues et connait plusieurs éditions. C’est donc dans le livre de Marco Polo qu’apparait la première « description » du Japon en Occident, qui y est mentionné sous le nom de Zipangu. Ce nom vient de l’expression Chinoise Je-Pen Kouo qui signifie « Pays du Soleil Levant ». La description qu’en fait Marco Polo présente ces îles comme riches en or, c’est ce qui incite Christophe Colomb à en faire la première destination de son voyage.

Pierre Bergeron, éd., Voyages faits principalement

en Asie dans les XII, XIII, XIV et XV siècles, La

Haye, Jean Neaulme, 1735.

La BASO en conserve une édition contenue dans

un recueil composé par Pierre Bergeron, et édité

à Paris chez Jean Naulme en 1735. Ce recueil

rassemble les principaux textes anciens et

modernes sur les expéditions d’Occidentaux en

Orient (moyen et extrême). Cette belle édition est

accompagnée de plusieurs cartes de l’Asie

dessinées d’après les données de ces

explorateurs.

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Pierre Bergeron, éd., Voyges faits principalement en

Asie dans les XII, XIII, XIV et XV siècles, La Haye,

Jean Neaulme, 1735.

Gallica : lien vers l’ouvrage numérisé :

Pierre Bergeron, éd., Voyages faits principalement

en Asie dans les XII, XIII, XIV et XV siècles, La

Haye, Jean Neaulme, 1735.

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L’arrivée des Jésuites

C’est dans un climat de soupçons et avec beaucoup de retenue que le Japon s’ouvre au christianisme et à ses messagers au milieu du XVIe siècle. Pour les Japonais, les missionnaires chrétiens sont les espions d’un Occident dont ils se méfient, sans pour autant refuser certains apports techniques ou soutiens diplomatiques.

Le premier missionnaire chrétien au Japon est François-Xavier, un des fondateurs des Jésuites. Il y arrive le 15 août 1549 et re-çoit l'autorisation de prêcher librement par le dirigeant local, ce qu’il fait sitôt après s’être initié à la langue japonaise. Il reste dans le pays jusqu’en 1551. Sa façon de prêcher en prenant en considération les coutumes du pays lui permet des nouer des contacts importants avec le clergé local. Il parvient même à convertir le daimyo (noble de très haut rang) de Bungo ainsi que de

nombreux autochtones.

Pendant 30 ans le christianisme se diffuse lentement en raison de la rareté des mis-sionnaires (à peine 6 en 1570), de l’hostilité des bouddhistes, et du manque de moyens. Ils bénéficient néanmoins de l’intérêt de plusieurs sei-gneurs qui voient en eux un moyen d’attirer les commerçants portugais qui leurs ven-dent des armes a feu.

Avec Alessandro Valignano, la mission jé-suite au Japon connait une avancée impor-tante. Il arrive au japon en 1579 et dé-couvre que Cabral, le supérieur de l’ordre oblige les catéchistes ou dôjuku à adopter les habitudes européennes sans égard pour celles du Japon. Valignano dé-cide alors d’appliquer à cette mission les théories de l'« adaptation ». Il rédige un code de comportement à tenir vis-à-vis des cou-tumes locales et préconise une organisation hié-rarchique calquée sur celle du boud-dhisme zen. Ses idées amènent à la créa-tion rapide d'un clergé chrétien japonais. Dès 1580, il créé deux séminaires dont les candidats sont pris parmi les fils de samu-rai dès l'âge de douze ans, et portent le crâne tondu comme les moines boud-dhistes. Il installe une imprimerie sur place, et institue un noviciat et un collège. Les premiers Jésuites japo-nais sont ordonnés en 1601.

Afin de faire connaître les résultats de son travail, Valignano envoie quatre jeunes nobles âgés de quinze ans et étudiants au collège, en visite à la cour d’Espagne et à Rome. Ils quittent Nagasaki en 1582, pour atteindre Lisbonne en août 1584. Ils sont reçus en audience à Madrid par Philippe II, et à Rome par Grégoire XIII le 23 mars 1585, à qui ils demandent l'érection d'un diocèse au Japon.

Ils rentrent après avoir vu Venise où le Tin-toret réalise leur portrait, et sont de retour à Na-gasaki en 1590 ; dès 1588, Sixte V a érigé le diocèse de Funai. Sébastien de Morales est choisi comme premier évêque du

Japon.

La Vie de S. François Xavier de la compagnie de

Jésus, Lyon, Jean Goy, 1688.

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Gallica : lien vers l’ouvrage numérisé :

d’une édition de 1852 chez l’éditeur Mame :

Vie de Saint François Xavier de la Compagnie

de Jésus, apôtre des Indes et du Japon, l'an

1552 / par D. S.

La Vie de S. François Xavier de la compagnie de

Jésus, Lyon, Jean Goy, 1688.

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La première ambassade Japonaise en Europe : de haut en bas et de gauche a dreoite : Julião Nakaura, Père Mesquita,

Mancio Ito, Martinão Hara, Miguel Chijiwa, gravure sur bois en impression, encre sur papier, Augsbourg, Michael Manger,

1586

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Une époque troublée

L’arrivée des Jésuites au Japon se fait durant une période de trouble résultant de la tentative d’unification du pays par Toyotomi Hideyoshi nommé kampaku ou Régent par l’Empereur en 1585. Dans un premier temps, le régent ne semble pas défavorable aux missionnaires européens. Mais l'île la plus occidentale du Japon est la proie de guerres civiles importantes qui gêne la progression des missions Occidentales et incite le P. Coelho à faire appel à Hideyoshi. Ce dernier envoie une armée dont les vêtements et les bannières portent des croix.

Mais à l'étonnement général, le 25 juillet 1587, le Régent victorieux promulgue un décret de bannissement des missionnaires, probablement sous l’influence du bonze Seiyakuin Hoin, qui accuse les généraux chrétiens d'avoir détruit des autels shintô et des temples bouddhistes et les Portugais de se livrer au trafic d'esclaves. Coelho est interrogé mais l'édit est maintenu et de 1587 à 1598, les missionnaires sont bannis.

Hideyoshi accepte toutefois la présence de quelques religieux s’ils portent un kimono ordinaire à la place de leur soutane. En 1590, il accepte de recevoir Valignano au titre d'ambassadeur et l’autorise à se déplacer librement. Et en 1596, le premier évêque du japon, Martinez, est reçu solennellement par Hideyoshi.

Mais à partir de cette date, les incidents avec les occidentaux se multiplient et se cristallisent souvent sur les chrétiens, comme c’est le cas dans l’affaire du San Felipe. Ce galion espagnol s'échoue à la côte du Japon. Le seigneur local fait alors jouer son « droit de prise » (droit de piller l'épave, qui existe à la même époque en Europe). Le capitaine furieux réplique que son roi, Philippe II, est le plus puissant du monde et qu'il viendra sous peu soumettre le Japon, et qu’il a d'ailleurs déjà sur place ses meilleurs agents, les Jésuites ! Hideyoshi et son entourage, se sentent confortés dans leurs idées sur les religieux chrétiens et cela entraîne une vague d'exécution de chrétiens à

Nagasaki.

L'arrivée des franciscains espagnols entraîne aussi des perturbations. En principe, la mission du Japon est confiée aux seuls jésuites par le bref Ex pastoralis officio de Grégoire XIII (1585). Mais ceux-ci ayant été bannis, les franciscains décident de les remplacer. Les premiers frères arrivent en 1595, mais circulent dans le costume de leur ordre sans prendre la moindre précaution. En réaction, les autorités arrêtent 26 chrétiens étrangers et japonais, qui sont crucifiés sur la colline de Tateyama, près de Nagasaki, le 5 février 1597. Un mois plus tard, un nouveau décret de Hideyoshi oblige tous les missionnaires à quitter le pays.

Histoires des choses plus mémorables advenues tant en

Indes Orientales que autres païs de la descouverte

des Portugais, en l'establissement et progrez de la

foy chrestienne et catholique, et principalement de

ce que les religieux de la Compagnie de Jésus y ont

faict et enduré pour la mesme fin, depuis qu'ils y

sont entrés jusques à l'an 1600 [-1611]. Le tout

recueilly... et mis en ordre par le P. Pierre Du

Jarric,... .- Bourdeaus : S. Millanges, 1608-1614

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La fermeture au XVIIIe siècle

Hideyoshi meurt le 16 septembre 1598, mais Hideyori son successeur n’a que six ans. Tokugawa Ieyasu prend alors la régence. En 1603, Ieyasu obtient de l'empereur le titre de shôgun et en 1605 il transfère sa résidence à Yedo (l'actuelle Tokyo) qui devient le centre du gouvernement. Les relations de Ieyasu avec les Hollandais et les Espagnols démarrent plutôt bien avec la signature de l’accord de 1608 qui ouvre le port d’Uraga aux Espagnoles.

Mais tout s’écroule un an plus tard avec l'affaire du Madre de Deus. En 1608 une rixe mortelle éclate à Macao entre les marins d’un daimyô chrétien et les hommes du gouverneur de la ville, Andrès Pessoa. Lorsque Pessoa se rend à Nagasa-ki sur le Madre de Deus en 1609, le gouverneur japonais de Nagasaki le rend personnellement responsable de l'incident. L'affaire remonte au shôgun qui ordonne de capturer Pessoa. Celui-ci cherche à fuir, mais il est intercepté et fait sauter son bâtiment avec la cargaison pour ne pas être pris. Ieyasu est furieux et interdit le commerce régulier entre Macao et Nagasaki.

Dans l'ensemble, le shôgun Tokugawa Ieyasu reste relativement tolérant, et les années 1601-1613 voient même une véritable expansion de l'Église. Or ce développement du catholicisme au Japon explique certains mouvements d'hostilité. A cette époque le bouddhisme reprend de l’importance et ses représentants s’opposent de plus en plus aux missionnaires catholiques. Les missionnaires doivent également compter avec l'influence du néoconfucianisme dont les philosophes, valorisant la loyauté et la piété filiale, reprochent aux missionnaires d’abandonner leurs familles et d'encourager au célibat.

L'édit du 27 janvier 1614 a pour but la suppression pure et simple du catholicisme. Il explique que les chrétiens importent de mauvaises lois au japon et constituent donc un danger pour l'État. Les dirigeants locaux renvoient tous les

missionnaires, et les chrétiens japonais doivent abjurer et retourner aux religions nationales. Les chrétiens qui n’obéissent pas sont condamnés aux travaux forcés ou exécutés.

Il faut attendre l’arrivée au pouvoir du huitième shôgun, Tokugawa Yoshimune (1716-1745) pour que le Japon s’ouvre à nouveau.

Crasset, Histoire de l'église du Japon, 2e éd., A Paris,

François Montalant, 1715.

Crasset, Histoire de l'église du Japon, 2e éd., A Paris, François

Montalant, 1715.

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Histoire de l'église du Japon / par le R.P. Crasset.-

Paris : chez François Montalant, 1715

Google Books :

lien vers l’ouvrage numérisé :

Histoire de l'église du Japon / par le

R.P. Crasset.- Paris : chez

François Montalant, 1715

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Un regard nouveau au XVIIIe et XIXe siècles. La réouverture progressive du Japon aux étrangers dans la seconde moitié du XVIIIe siècle va permettre aux Occidentaux De poser un regard nouveau sur ce pays et sa culture.

L’un des premiers à s’y rendre pour autre chose que le commerce ou l’évangélisation est le botaniste suédois Ch.-P. Thunberg. Ce disciple de Karl von Linée obtient le grade de docteur en médecine et en histoire naturelle en 1767. Après un séjour en France et en Hollande, il se propose d’embarquer sur un bateau de la Compagnie des Indes Orientales pour aller étudier la flore de leurs colonies et du Japon. Il profite de son voyage pour apprendre le hollandais afin de passer pour l’un des leurs auprès des Japonais encore méfiant. Il séjourne dans les îles

japonaises de 1775 à 1776, et en profite pour étudier la flore. Il publie le résultat de ses recherches en 1784 sous le titre de Flora Japonica. Il a toutefois donné l'épithète de japonica à de nombreuses espèces qui provenaient en fait de Chine et avaient été importées au Japon pour orner les jardins. On voit également apparaitre des chapitres consacrés à l’histoire du Japon dans les grandes rétrospectives historiques comme l’Histoire moderne des Chinois, des Japonnois, etc. Pour servir de suite à l'Histoire ancienne de M. Rollin, continuée par M. Richer, depuis le douzieme volume, paru chez Desaint & Saillant à Paris en 1754. L’intégralité du second tome est l’histoire du Japon et couvre tous les domaines de la culture avec un souci manifeste d’objectivité bien que les sources soient encore souvent issues de la littérature jésuite. Au XIXe siècle, la littérature tend à devenir plus scientifique, et certains auteurs diversifient leurs sources. Le traducteur néerlandais Édouard Fraissinet contribue ainsi à faire connaître en français les travaux sur le Japon du médecin allemand Philipp Franz von Siebold. Et en 1857, il publie Le Japon contemporain (L. Hachette, 1857), rédigé principalement à partir de documents de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. Il s'agit du premier ouvrage en français sur le Japon postérieur à l'ouverture de l'Archipel aux vaisseaux américains et anglais. Il porte un regard assez neutre sur la culture japonaise mais en traduit mal la subtilité en décrivant son fonctionnement dans des termes occidentaux. Georges Bousquet (1846-1936), séjourne quatre ans au Japon en qualité de conseiller juridique (il y fonde une école de droit). Il écrit pour la Revue des deux mondes, et consigne dans ses deux volumes sur Le Japon de nos jours et les échelles de l’extrême orient, ses observations sur cette « civilisation beaucoup plus ancienne, aussi raffinée et non moins mûre que la nôtre » (I, p. 3).

Claude Gaudon, Le Japon du XVIIIe siècle vu par un

botaniste suédois Ch.-P. Thunberg, traduction de L Langles,

Paris, Calmann-Lévy, 1966.

Page 19: Zipangu : Le japon à travers les collections audomaroises

Caroli Petri Thunberg... Flora Japonica :

sistens plantas insularum japonicarum ;

secundus systema sexuale emendatum

redactas...- Lipsiae : in bibliopolio J. G.

Mülleriano, 1784

Google Books :

lien vers l’ouvrage numérisé :

Caroli Petri Thunberg... Flora Japonica : sistens

plantas insularum japonicarum ; secundus systema

sexuale emendatum redactas...- Lipsiae : in bibliopolio

J. G. Mülleriano, 1784

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Les livres du Baron Du Teil Désormais rouvert aux occidentaux, des explorateurs européens vont l’intégrer à leurs périples mondiaux, et lui consacrer des récits plus ou moins pittoresques. C’est le cas de la comtesse Marguerite du Bourg de Bozas qui accompagne son mari dans son tour du monde d’exploration débuté en 1900. Le développement de la photographie lui permet d’illustrer son récit de voyages de clichés pris par ses soins. La BASO en conserve un exemplaire provenant de la bibliothèque du Baron du Teil, et qui porte la dédicace de l’auteur à la femme du Baron : Jeanne Marie Chaix d’Est-Ange.

Le Baron du Teil s’est vu pour sa part dédicacer par son auteur les trois volumes sur l’histoire et la civilisation du Japon écrits par le Marquis de la Mazelière (1864-1937). Ce grand voyageur et spécialiste de l'Extrême-Orient et plus particulièrement du Japon, rapporte de ses voyages de nombreux documents qui lui permettent d'écrire une histoire du Japon. Sa collection de 982 volumes (livres anciens, romans illustrés, ouvrages d'art, livres japonais), estampes japonaises, aquarelles, albums de photographies, manuscrits, gravures est actuellement conservée à la bibliothèque départementale des Hautes-Alpes.

Le Baron Joseph du Teil est né à Paris le 5 novembre 1863 et décède en 1918. Il fut Maire de Saint-Momelin, chevalier de la Légion d’honneur, membre de très

nombreuses sociétés savantes. Il épouse en 1890, Jeanne Marie Chaix d’Est-Ange, fille de député et petite-fille de sénateur. Il écrivit plusieurs ouvrages et, en grand bibliophile, se constitua une riche bibliothèque.

En 1921, la baronne du Teil décide de faire don de sa collection de tableaux (aujourd’hui conservée au Musée Sandelin) et de la bibliothèque des du Teil à la ville de Saint-Omer. A sa mort en 1933, elle lègue le reste de la bibliothèque et les archives privées à la ville de Saint-Omer. La bibliothèque d’agglomération de Saint-Omer conserve aujourd’hui cette collection de près de 1100 volumes et qui portent pour la plupart l’ex-libris armorié de la famille du Teil.

Plaque commémorative de la donation de la Baronne du Teil

Chaix-d ’Est-Ange, BASO, marbre doré à l’or fin, 60 x 40 cm.

Leroux (d’après), portait en pied du Baron du Teil,

BASO, huile sur toile, 90 x 60 cm..

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L’art Japonais au Musée Sandelin :

la collection du Dr. Pley

Eugène Julien Omer Pley (Saint-Omer, 1863-1932) est le fils d’Omer Pley, manufacturier de drap, et de Françoise Cortyl. Son grand-père et son père sont de fervents défenseurs du patrimoine de la ville. Le premier fait partie des membres fondateurs de la Société des Antiquaires de la Morinie et est quelque temps président de la Société d’Agriculture qui gère le fonctionnement du musée. Son père, Omer Inglebert, est également membre de ces deux sociétés. Musicien et artiste peintre, il compte parmi les généreux donateurs qui contribueront à enrichir les collections du musée.

Eugène Pley hérite donc des goûts artistiques et intellectuels de ses parents. En 1898, il est docteur en médecine et praticien à la clinique ophtalmologique de l’Hôtel-Dieu à Paris. Dès 1908, Eugène Pley dispense gratuitement des soins aux hospices de Saint-Omer, sa ville natale dans laquelle il revient s’établir peu de temps avant la Grande Guerre.

Demeurant et travaillant à Paris, Eugène Pley a probablement acquis certaines estampes japonaises chez des marchands d’art japonais réputés tels que Tadamasa Hayashi et Siegfried Bing. Il développe une véritable passion pour l’art japonais. L’un de ses collègues, le docteur Dervaux, écrira : « Avec sa sensibilité exquise, il était un grand poète et un grand artiste (…) mais ce qu’il aimait par-dessus tout, c’était l’art de l’Orient Extrême, cet art fait de probité, d’une science exquise du beau, de la grâce, du mouvement (…) ».

Eugène Pley décède en 1932. Il lègue sa collection d’estampes, tsuba (garde de sabre) et divers objets au musée Sandelin. L’Indépendant détaille la liste des objets légués. En 2007, le musée Sandelin et le musée des Beaux-Arts et de la Dentelle de Calais collaborent à l’exposition d’une sélection d’estampes et peintures japonaises. Plaisirs d’Edo permet ainsi au public de découvrir la variété et la richesse des fonds, mais aussi les prestigieux auteurs qui marqueront les peintres français dans la seconde moitié du XIXe

siècle. C’est dans la continuité de cette exposition que nous vous proposons une sélection des œuvres de la collection de

cet esthète audomarois amoureux du Japon.

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L’estampe Japonaise

La plupart des œuvres de la collection

d’Eugène Pley sont des estampes ou

Ukiyo-e, un art qui se développe

principalement durant l’époque d’Edo

(1603-1868). Le terme japonais évoque,

d’après le philosophe Asai Ruôi (1612 ? –

1691) : « vivre uniquement le moment

présent, se livrer tout entier à la contem-

plation de la lune, de la neige, de la fleur de

cerisier et de la feuille d’érable […] , ne

pas se laisser abattre par la pauvreté et ne

pas la laisser transparaître sur son visage,

mais dériver comme une calebasse sur la

rivière, c’est ce qui s’appelle ukiyo ».

C’est vers 1680 que le terme ukyio est

employé pour la première fois dans un

contexte pictural, dans la préface rédigée

par l’écrivain Ankei d’un livre illustré par le

fondateur de l’Ukiyo-e, Hishikawa

Moronobu, où qualifie cet artiste de

« peintre d’un monde flottant ». Dans le

bouddhisme du XVIIe siècle japonais, le

terme uki renvoie à l’idée d’évanescence,

de plaisir superficiel et immédiat de la vie.

Autant d’éléments qui décrivent à la fois la

technique et les sujets de ces

« impressions » sur papier, qui figurent

souvent des scènes de la vie quotidienne,

érotiques, ou du monde du spectacle.

La technique employée est celle de

l’impression à partir de gravure sur bois en

relief, une technique venue de Chine et

développée au Japon d’abord dans un but

de promotion publicitaire : pour des

produits ou des artistes qui diffusent leur

portrait reproduit par cette technique. Ce

n’est qu’avec l’ukyio-e que l’estampe

devient un art à part entière.

L’art de l’estampe résulte de la

collaboration de quatre artisans : l’éditeur

-qui finance et coordonne le travail -, le

dessinateur, le graveur et l’imprimeur. Le

dessinateur produit le dessin sur une

feuille presque transparente que le

graveur encolle ensuite sur une planche de

bois avant de la tailler en relief s’aidant du

dessin visible en transparence. Une fois la

planche de dessin réalisée, il l’encre et en

imprime autant d’exemplaires qu’il y aura

de couleurs. Puis il réalise une série de

planches, une par couleur, chacune ne

comprenant que les détails correspondant

à sa couleur. L’imprimeur ayant reçu les

instructions de l’artiste concernant les

effets de couleurs choisis, peut produire

les exemplaires demandés en imprimant

successivement les différentes planches

de traits colorées.

En France, l’un des premiers à s’intéresser

à cette technique et à en écrire une

« histoire » n’est autre qu’Edmond de

Goncourt, qui s’en extasie en ces termes

dans la monographie qu’il consacre à

Outamaro, le Peintre des maisons vertes

[p. 116] : « et qu’on regarde, chez M. Gillot

[collectionneur], toutes ces surprenantes

épreuves, où il y a un si doux

évanouissement de la couleur, une

diffusion si tendre des tons, qu’ils nous

apparaissent, ainsi que des colorations

d’une aquarelle baignant un moment dans

l’eau […] les verts qui font mal aux yeux,

les bleus durs, les rouges noirs, les jaunes

vilainement couleur d’ocre, les violets de

cotonnade ! Quel contraste entre leur

transparence et le ton mat, sans

profondeur de ces images […] ». La

Bibliothèque d’agglomération de Saint-

Omer possède également le livre qu’il a

écrit sur Hokousaï ; et l’une des princi-

pales références de Goncourt : L’art

japonais par Louis Gonse (Paris, 1886).

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Livret de l’exposition réalisé par l’équipe patrimoniale de la

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Bibliothèque d’agglomération de Saint-Omer - Janvier 2013