Vive les REQUINS - ASPAS

48
Vive les REQUINS ! ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES LONGITUDE 181

Transcript of Vive les REQUINS - ASPAS

Page 1: Vive les REQUINS - ASPAS

Vive lesREQUINS !

ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES

LONGITUDE 181

Page 2: Vive les REQUINS - ASPAS

www.aspas-nature.org

l'Association pour la protection

des animaux sauvagesL’ASPAS est une association pour la protection des animaux sauvages, reconnue d’utilitĂ© publique, 100% indĂ©pendante financiĂšrement et politiquement. Elle achĂšte des espaces naturels pour les prĂ©server de toute exploitation mercantile.

L'ASPAS sensibilise l’opinion publique sur l’aberration du classement des « nuisibles », mĂšne des actions pour une meilleure connaissance et une meilleure protection des loups, des amphibiens, des blaireaux, des renards, des requins...

En 2012, l’ASPAS rejoint Shark Alliance, coalition d’ONG internationales se consacrant Ă  la restauration et Ă  la conservation des populations de requins en essayant de faire Ă©voluer la politique commune de la pĂȘche de l’Union EuropĂ©enne.

En partenariat avec Longitude 181 et Sea Shepherd France, l’ASPAS s’est Ă©galement mobilisĂ©e pour agir juridiquement Ă  plusieurs reprises contre des arrĂȘtĂ©s dĂ©posĂ©s par le prĂ©fet de La RĂ©union, puis par le dĂ©putĂ© maire de Saint Leu, autorisant des prĂ©lĂšvements « prĂ©ventifs » de requins, notamment des requins bouledogues au sein de la RĂ©serve Naturelle Marine de La RĂ©union. Le tribunal administratif a donnĂ© raison aux associations, soulignant d’une part l’incompĂ©tence du dĂ©putĂ© maire de Saint-Leu pour dĂ©roger au rĂ©gime de protection de la rĂ©serve et, d’autre part, le caractĂšre inappropriĂ© et disproportionnĂ© de la mesure.

Avec prĂšs de 3000 procĂ©dures engagĂ©es devant les tribunaux depuis plus de 30 ans, l’ASPAS Ɠuvre efficacement pour le respect et l’évolution du droit de l’environnement, et a dĂ©jĂ  sauvĂ© des centaines de milliers d’animaux sauvages.

L’ASPAS, une association libre pour des animaux libres !

Association pour la protection des animaux sauvages BP 505 - 26401 CREST Cedex - FranceTĂ©l. 04 75 25 10 00 - Fax. 04 75 76 77 58 - [email protected]

© T

end

ua -

Myr

iam

Dup

uis

Requin océanique(Carcharhinus longimanus)

Page 3: Vive les REQUINS - ASPAS

SO

MM

AI

RE

Rédaction en chef : Anne Fourier et Marc Giraud Contributions : Myriam Dupuis - Anne Fourier - Marc Giraud - Véronique Sarano - François SaranoTémoignages : Yves Paccalet - Yann Perras - Debbie Salamone - François Sarano - Bernard Seret

Relecture scientifique : François Sarano - Bernard Séret / Relectures : Ariane Ambrosini - Manon Chalindar Céline Hernandez - Brigitte Sanne - Véronique Sarano / Traduction de D. Salamone : AdÚle Marchal

Coordination : Madline Reynaud / Direction artistique, maquette : Marion Sarano / Iconographie : Rémi Collange Anne Fourier / Photographiques couvertures © : Pascal Kobeh. Galatée films - Jamieragen - François Sarano

Photographiques © : Alvesgaspar - Frédéric Bassemayousse - Beverly Cabellan - Candiche - Rémi Collange - Mark Conlin Zach Dischner - Kate Dixon - Eazy traveler - Grolltech - Hermés - Denise Meertens - Tendua. Myriam Dupuis - Thierry Peres

Tybo.wikimedia commons - François Sarano - Véronique Sarano - Shark Attack Survivors for Shark Conservation - Tomasz Sienicki Wikimedia commons - Xvic.wikimedia commons. Illustrations : Marc Giraud - Gilles Macagno - Pascal Robin - Marion Sarano

© ASPAS - juillet 2015 - Tous droits de reproduction réservés.Imprimé par Impressions Modernes

B ienvenue chez les squales ......................................p.04-08

TÉMOIGNAGE : BERNARD SÉRET .....................................p.09

Les requins de France ....................................................p.10-15

TÉMOIGNAGE : YVES PACCALET ......................................p.16-17

La pĂȘche dans le monde ..................................................p.18-23

TÉMOIGNAGE : FRANÇOIS SARANO ................................p.24-25

L’hystĂ©rie anti-requins ................................................p.26-28

TÉMOIGNAGE : DEBBIE SALAMONE ................................p.29

La « crise requin » à La Réunion .................................p.30-36

Qu'en est-il de la protection des requins ? ........p.37-38

TÉMOIGNAGE : YANN PERRAS ..........................................p.39

Et vous, que pouvez-vous faire ? ........................p.40-41

Ils agissent pour les requins et l’ocĂ©an .......p.42-43

Les requins et le loup : la force fragile ...........p.44-45

BIBLIOGRAPHIE ......................................................................p.46

Association pour la protection des animaux sauvages BP 505 - 26401 CREST Cedex - FranceTĂ©l. 04 75 25 10 00 - Fax. 04 75 76 77 58 - [email protected]

3

Page 4: Vive les REQUINS - ASPAS

Des poissons particul iers

Ces animaux font partie d'un immense groupe ( les Ă©lasmobranches ) comprenant 530 espĂšces diffĂ©-rentes de requins et quelques 750 espĂšces de raies. Les poissons cartilagineux n’ont aucun rapport avec ceux qui pos-sĂšdent un squelette osseux.

Les poissons osseux, comme la sardine ou le thon,

sont gĂ©nĂ©tiquement plusproches de l’ĂȘtre humain qu’ils ne le sont des requins !

Le terme mĂȘme de « poisson » n’a d’ailleurs plus beaucoup de signifi-cation au regard de la classification actuelle du vivant.Les requins se caractĂ©risent par un squelette entiĂšrement cartilagineux, mais aussi par 5 Ă  7 fentes bran-chiales latĂ©rales selon l’espĂšce, et par 2 nageoires dorsales, exceptĂ© chez certains requins « primitifs » ( c’est-Ă -dire proches de l’ancĂȘtre ). Les poissons osseux, quant Ă  eux, sont dotĂ©s d’un squelette plus ou moins ossifiĂ© et n’ont, de chaque cĂŽtĂ© de la tĂȘte, qu’une seule ouver-ture branchiale appelĂ©e « ouĂŻe ».

Il existe des requins d’eau douce, des requins rikiki, de pacifiques gĂ©ants et des petits « parasites », des espĂšces tropicales ou arctiques, et d’autres qui s’ébattent prĂšs des plages de la France mĂ©tropolitaine. Que cela ne vous empĂȘche pas de vous baigner en toute tranquillitĂ© : ce qui est gĂ©nĂ©ralement colportĂ© sur ces animaux est entachĂ© d'erreurs et de prĂ©jugĂ©s.

B i envenue chez

Les requins sont des poissons au squelette cartilagineux, comme les raies et les chimĂšres.

Requin-marteau halicorne(Sphyrna lewini)

4

Page 5: Vive les REQUINS - ASPAS

Dauphin ( 1 nageoire dorsale )Requin ( 1 nageoire dorsale et 1 nageoire caudale )

Sur les 530 espĂšces de requins prĂ©-sentes dans le monde, prĂšs de la moitiĂ© ne dĂ©passe pas 1 mĂštre et prĂšs des trois quarts n’atteignent pas 1,60 m. La taille varie de 15 cm

RUSE DE PRO : REQUIN OU DAUPHIN ? En surface, la nageoire dorsale et la nageoire caudale des requins dĂ©passent de l’eau, ce qui permet de les diffĂ©rencier immĂ©diatement des dauphins dont l’unique nageoire dorsale Ă©merge. La nageoire caudale verticale propulse le requin grĂące Ă  un mouvement latĂ©ral de droite Ă  gauche, alors que la nageoire caudale horizontale du dauphin suit un mouvement ondulatoire de haut en bas.

les squales . . .

© M

arc

Gira

ud

© Xvic - wikimedia commons

pour le requin-lanterne nain ( Squalio-lus laticaudus ), qui tient dans la main, Ă  plus de 14 m pour le requin-baleine ( Rhincodon typus ).

Écrite en collaboration avec des spĂ©cialistes renommĂ©s, cette brochure est destinĂ©e Ă  mieux faire connaĂźtre les requins, et Ă  sensibiliser sur l’urgence de leur protection. En effet, ces prĂ©dateurs nĂ©cessaires Ă  la vie marine sont en train de se rarĂ©fier Ă  une vitesse inquiĂ©tante. " Les requins protĂšgent nos ocĂ©ans, protĂ©geons-les. "

Page 6: Vive les REQUINS - ASPAS

Ampoules de LorenziniPerception des champs Ă©lectriques(sous la tĂȘte)

Ligne latéralePerception des ondes de pression

Fossettes sensoriellesAnalyse de l'eau

Narines - Saveurs

Yeux - Vue

DES SENS INSENSÉSLes requins ont une perception remarquable de leur environnement et disposent de sens que nous humains ne possĂ©dons pas. Ainsi, les am-poules de Lorenzini, une multitude de cellules sensorielles qui s’ouvrent par de minuscules orifices sur le museau, permettent aux requins de percevoir les micro-champs Ă©lectriques. GrĂące Ă  elles, un requin est capable de repĂ©-rer une proie cachĂ©e dans le sable.

Le requin possÚde sur les flancs d'autres cellules sensorielles qui réa-gissent aux variations de pression : elles forment la ligne latérale. Ainsi il perçoit la moindre vibration émise par ce qui bouge alentour.

Les «fossettes» sensorielles dispersĂ©es sur l’ensemble du corps, plus particu-liĂšrement le dos, analysent la compo-sition chimique de l’eau et sa salinitĂ©.

Ainsi certains requins

« goĂ»tent » l’eau avec leur dos !

Les narines du requin ne jouent aucun rĂŽle dans la respiration. IndĂ©pen-dantes l’une de l’autre, elles dĂ©tectent les moindres saveurs ( odeur sexuelle, sang, putrĂ©faction )


Comme le chien qui remonte la piste grĂące Ă  son flair, le requin remonte le courant de « saveurs ». Il balance sa tĂȘte de droite Ă  gauche pour mieux cerner ce courant et se diriger vers sa source, zone de concentration la plus forte.

Dernier sens : les papilles gusta-tives qui tapissent non seulement la bouche mais Ă©galement l’Ɠsophage !

© Marion Sarano

6

Page 7: Vive les REQUINS - ASPAS

DES AMOURS MORDANTESChez les requins, la fĂ©condation est interne et nĂ©cessite un accouple-ment, comme chez les mammifĂšres. Le mĂąle est pourvu de deux organes copulateurs, les ptĂ©rygopodes, mais un seul d’entre eux pĂ©nĂštre la femelle. L’accouplement est parfois brutal, car le mĂąle maintient sa partenaire en la mordant et peut la blesser.

Certains squales pondent des Ɠufs comme les oiseaux, d’autres ont une gestation interne et donnent nais-sance Ă  des petits semblables aux adultes. Bref, ces poissons ont « in-ventĂ© » la maternitĂ© ! Mais dans tous les cas, les requins nouveau-nĂ©s sont

immédiatement autonomes et ne re-çoivent aucun soin parental.

La longĂ©vitĂ© des requins peut aller de 4 Ă  70 ans ( pour le grand requin blanc ). À cette durĂ©e de vie importante, s’as-socient une maturitĂ© sexuelle tardive ( entre 2 et 20 ans selon les espĂšces ), une gestation lente ( le requin-lĂ©zard Chlamydoselachus anguineus a la pĂ©riode de gestation la plus longue des vertĂ©brĂ©s : elle pourrait atteindre 3 ans et demi ! ) et une faible fĂ©conditĂ© ( peu de petits par portĂ©e ). Ce renou-vellement lent des individus rend les populations de requins particuliĂšre-ment vulnĂ©rables.

DANS TOUTES LES MERS DU MONDELes requins sont présents dans toutes les mers et océans, y compris dans les régions glacées avec pour exemple les laimargues du Groenland (Somniosus microcephalus).

Certaines espĂšces apprĂ©cient l’eau douce. Elles peuvent remonter les fleuves sur plusieurs

centaines de kilomĂštres et vont jusque dans les lacs, tels les requins bouledogues

(Carcharhinus leucas).

Les squales sont capables de par-courir des distances trĂšs importantes lors de leurs migrations Ă  la recherche de nourriture ou pour se reproduire.

Les requins occupent Ă©galement toute la colonne d’eau, certaines espĂšces sont plus actives en surface, tandis que d’autres se cantonnent dans les plus grands fonds marins. Habitant des profondeurs, le requin grande gueule ( Megachasma pelagios ) n’a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ© Ă  la science qu’en 1976. Depuis l'an 2000, plus d’une centaine d’espĂšces nouvelles ont Ă©tĂ© dĂ©cou-vertes. Le monde des requins reste cependant largement mĂ©connu.

Grand requin blanc (Carcharodon carcharias)

7

Page 8: Vive les REQUINS - ASPAS

UN RÉGIME ALIMENTAIRE VARIÉ

ESSENTIELS AUX ÉCOSYSTÈMES MARINS

Certaines espĂšces ont des prĂ©fĂ©-rences, comme le requin-pĂšlerin (Cetorhinus maximus) et le requin- baleine (Rhincodon typus), qui se nourrissent de petits poissons et de plancton. D’autres sont capables d’attraper des oiseaux, des dauphins ou des phoques.

Les requins sont trĂšs Ă©clectiques.Ce sont principalement

des mangeurs de poissons, qui diversifient leurs menus

avec des invertébrés (mollusques, crustacés).

Le squalelet fĂ©roce (Isistius brasiliensis) a le rĂ©gime alimentaire le plus original. C'est un petit prĂ©dateur d’environ 50 centimĂštres. Avec ses lĂšvres qui

font ventouse, le squalelet fixe ses mĂąchoires sur ses victimes, puis il leur arrache un morceau de chair ! Ses cibles sont les requins, les thons, les es-padons, mais aussi les phoques, dau-phins, baleines
 et parfois le caout-chouc des sonars des sous-marins. Ce petit « parasite » se rencontre dans les mers tropicales et tempĂ©rĂ©es, y compris en MĂ©diterranĂ©e.

Les requins sont des « superprĂ©-dateurs » qui ont des relations avec de trĂšs nombreuses espĂšces. À ce titre, ils ont une place trĂšs importante

dans les milieux qu’ils occupent.

Acteurs dominants de la chaßne alimentaire, les superprédateurs sont pourtant trÚs fragiles, à cause de leur faible fécondité et de leur maturité sexuelle tardive.

PrĂ©sents depuis400 millions d’annĂ©es,les requins ont survĂ©cu

Ă  5 extinctions massives !

Or, leur Ă©limination par la pĂȘche entraĂźne des change-ments radicaux pour toutes les espĂšces qui Ă©taient en relation avec eux, et en cascade des bouleversements profonds des Ă©cosystĂšmes marins.

© Marc Giraud

Le squalelet est petit,et il se nourrit d'une drĂŽle de maniĂšre...

© T

end

ua -

Myr

iam

Dup

uis

Requin gris de récif (Carcharhinus amblyrhynchos)

Page 9: Vive les REQUINS - ASPAS

Les hommes prĂ©fĂšrent les gros poissons ! En un siĂšcle, leurs stocks (thons, mĂ©rous et requins) ont chutĂ© de 2/3. La pĂȘche tend Ă  cibler ces « gros poissons » car ils sont relative-ment plus faciles Ă  capturer, et surtout parce qu’ils ont une meilleure valeur marchande. Selon les statistiques « officielles » de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), la production mon-diale de requins a triplĂ© en 50 ans, passant de 250 000 tonnes en 1960 Ă  presque 900 000 tonnes en 2002 ; mais

depuis 2003 cette production baisse ! La production rĂ©elle, incluant les captures non dĂ©clarĂ©es et les rejets, serait d’environ 1,6 millions de tonnes, dont 400 000 pĂȘchĂ©s uniquement pour les ailerons ! En quelques dĂ©cennies, de nombreuses populations de ces re-quins « commerciaux » ont fortement diminuĂ©, certaines jusqu’à 90 % de leur biomasse initiale. Dans un Ă©co-systĂšme Ă©quilibrĂ©, les prĂ©dateurs sont diversifiĂ©s et abondants, ils contrĂŽlent naturellement les populations de petits poissons et d’invertĂ©brĂ©s. En

Peut-on imaginer une mer sans requin ?Ne laissons pas disparaĂźtre le Grand Blanc du Grand Bleu !

Océanographe biologiste, spécialiste des poissons cartilagineux, Bernard Séret est consultant en Ichtyologie marine aprÚs

40 années passées dans la recherche scientifique publique.

TĂ©mo ignageB E R N A R D S É R E T

© Z

ach

Dis

chne

r

exploitant prioritairement ces prĂ©da-teurs, la pĂȘche modifie les « rapports de force » entre les diffĂ©rents Ă©che-lons des chaĂźnes alimentaires : la diminution des prĂ©dateurs « supĂ©rieurs » favorise les populations des poissons intermĂ©diaires : l’écosystĂšme se trans-forme. Pour maintenir sa rentabilitĂ©, la pĂȘche exploite alors ces Ă©chelons intermĂ©diaires, puis les Ă©chelons de plus en plus bas dans les chaĂźnes alimentaires. À terme, il ne subsiste que des petits poissons et des invertĂ©brĂ©s
 dont les mĂ©duses ! L’écosystĂšme est appauvri.

Certains requins, comme les roussettes, rĂ©sistent plutĂŽt bien Ă  l’exploitation, mais d’autres doivent ĂȘtre prĂ©servĂ©s ( avec des mesures de gestion durable ) ou mĂȘme protĂ©gĂ©s ( interdits Ă  la pĂȘche ).

Une mer sans requin est Ă  craindre si nous ne freinons pas leur exploitation sans discernement. De « nuisibles », les requins sont dĂ©sormais reconnus comme utiles, non seulement pour la bonne santĂ© des Ă©cosystĂšmes marins, mais aussi Ă  l’homme, car des Ă©cosys-tĂšmes sains sont producteurs de res-sources pour l’ĂȘtre humain.

Page 10: Vive les REQUINS - ASPAS

PETITS ET GRANDS REQUINS DE MÉTROPOLEEn plongĂ©e, on peut croiser de petits requins qui vivent prĂšs du fond : la petite roussette ( Scyliorhinus canicula ), la grande roussette ( Scyliorhinus stellaris ) ou l’émissole ( Mustulus mustulus ). HĂ©las pour elles, les roussettes sont trop exploitĂ©es, notamment en MĂ©diterranĂ©e, et commercialisĂ©es sous le nom de saumonette.

La roussette pond une vingtaine d’Ɠufs tout en nageant. L'embryon est protĂ©gĂ© par une capsule cornĂ©e rectangulaire dont les coins sont pro-longĂ©s de filaments torsadĂ©s. Ces filaments qui s'accrochent aux aspĂ©-ritĂ©s fixent la capsule sur le fond. Ainsi fixĂ©s au substrat, le petit et son ber-ceau ne dĂ©rivent pas.

Les requ ins de France

Savez-vous que l’on mange encore quotidiennement des requins en France mĂ©tropolitaine, et qu’une espĂšce gĂ©ante vient rĂ©guliĂšrement se nourrir dans les eaux de Bretagne ?

© Marc Giraud

RUSE DE PRO :CAPSULES D’ƒUFS

On trouve rĂ©guliĂšrement sur nos plages des capsules d’Ɠufs de raies et de petits requins : les roussettes. Ces prĂ©cieux indices tĂ©moignent de la prĂ©sence de ces poissons cartilagi-neux prĂšs de nos cĂŽtes.

Capsule d’Ɠuf de roussette

Capsule d’Ɠuf de raie

© Mark ConlinRequin peau bleue (Prionace glauca)

10

Page 11: Vive les REQUINS - ASPAS

Requin-pÚlerin de belle taille comparé à une plongeuse. Celle-ci ne risque rien


© M

arc

Gira

ud

L’embryon, visible par transparence, se dĂ©veloppe jusqu'Ă  ce que, totale-ment autonome, il sorte de sa cap-sule. On trouve parfois des capsules vides Ă©chouĂ©es sur les plages. Beiges ou brunes, les capsules de la petite roussette mesurent de 4 Ă  6 cm. Celles de la grande roussette sont deux fois plus grandes.

Plus impressionnant, le requin-pĂšlerin

adulte peut mesurer plus de 12 m

pour un poids de 6 tonnes.

C’est le deuxiĂšme plus gros "poisson" aprĂšs le requin-baleine. Bien qu’il soit protĂ©gĂ©, ce gĂ©ant est en voie de disparition, notamment Ă  cause du commerce des ailerons. Les passionnĂ©s de l’Apecs ( Association pour l’étude et la conservation des sĂ©laciens ) Ă©tudient ses dĂ©placements et tentent d'estimer leur nombre dans les eaux de Bretagne. Au printemps et en Ă©tĂ©, le requin-pĂšlerin (Cetorhinus maximus) vient se nourrir de planc-ton au large du sud du FinistĂšre et en mer d’Iroise. La grosse bĂȘte est inoffensive. En mer d’Irlande, oĂč un rassemblement exceptionnel de 500

requins-pÚlerins a été observé, des sorties en mer sont organisées pour que le public les rencontre dans leur milieu naturel.

Le requin-taupe commun ( Lamna nasus) ainsi que le requin-renard (Alopias vulpinus) se rencontrent plus au large au niveau de la pente continentale. Avec le requin peau bleue ( Prionace glauca ), ce sont

des espĂšces pĂ©lagiques (qui vivent en plein eau). En Ă©tĂ©, les plus jeunes individus peuvent s’approcher des cĂŽtes et ĂȘtre aperçus en surface par les plaisanciers.

TrĂšs rare aujourd’hui, le « grand blanc » est de temps en temps pĂȘchĂ© en MĂ©diterranĂ©e. Il n’y a pas de quoi en faire un film d’angoisse, mais cer-tainement un excellent documentaire


11

Page 12: Vive les REQUINS - ASPAS

5

1

3

2

4

On estime qu’une cinquantaine d’espĂšces nagent dans les eaux mĂ©tropolitaines. Voici quelques-unes de celles que l'on observe le plus couramment.

REQUINS DE MÉTROPOLE

DANS

LES EAUX

TEMPÉRÉES

...

© P

asca

l Rob

in

12

Page 13: Vive les REQUINS - ASPAS

7

9

6

8

1 Requin-pĂšlerin ( Cetorhinus maximus )

‱ Émissole lisse ( Mustelus mustulus )

2 Grande roussette ( Scyliorhinus stellaris )

‱ Requin-taupe bleu ( Isurus oxyrinchus )

‱ Requin-taupe commun ( Lamna nasus )

3 Grand requin blanc ( Carcharodon carcharias )

MER MÉDITERRANÉE & OCÉAN ATLANTIQUE NORD-EST :

Ces requins emblématiques fréquentent autant les eaux atlantiques que méditerranéennes.

‱ Requin gris ( Carcharhinus plumbeus )

4 Émissole tachetĂ©e ( Mustelus asterias )

‱ Aiguillat commun ( Squalus acanthias )

5 Grand requin-marteau ( Sphyrna mokarran )

‱ Requin-taureau ( Carcharias taurus )

6 Sagre commun ( Etmopterus spinax )

7 Requin peau bleue ( Prionace glauca )

‱ Requin-hñ ( Galeorhinus galeus )

8 Petite roussette ( Scyliorhinus canicula

‱ Requin-renard de mer commun ( Alopias vulpinus )

9 Requin soyeux ( Carcharhinus falciformis )

‱ Squale-chagrin commun ( Centrophorus granulosus )

13

Page 14: Vive les REQUINS - ASPAS

1

6

‱ Requin gris de rĂ©cif ( Carcharhinus amblyrynchos )

‱ Requin gris ( Carcharhinus plumbeus )

1 Requin-bouledogue ( Carcharhinus leucas )

‱ Requin-tigre ( Galeocerdo cuvier )

2 Requin pointe blanche du récif ( Carcharhinus albimarginatus )

3 Requin pointe noire ( Carcharhinus melanopterus )

4 Requin-corail ( Triaenodon obesus )

‱ Requin-nourrice fauve ( Nebrius ferrugineus )

‱ Requin citron ( Negaprion brevirostris )

‱ Requin de rĂ©cif ( Carcharhinus perezii )

‱ Requin-tigre ( Galeocerdo cuvier )

‱ Requin-nourrice ( Ginglymostoma cirratum )

‱ Requin-taupe bleu ( Isurus oxyrinchus )

1 Requin-bouledogue ( Carcharhinus leucas )

MER DES CARAÏBES ( Guadeloupe, Martinique
 )

OCÉAN PACIFIQUE ( PolynĂ©sie, Nouvelle CalĂ©donie
 )

‱ Requin ocĂ©anique ( Carcharhinus longimanus )

‱ Grand requin-marteau ( Sphyrna mokarran )

5 Requin soyeux ( Carcharhinus falciformis )

‱ Requin-marteau halicorne ( Sphyma lewini )

6 Grand requin blanc ( Carcharodon carcharias )

REQUINS DES OUTRE-MER

Les espÚces des territoires d'Outre-Mer sont plus abondantes que celles des cÎtes métropolitaines. Ces requins des mers tropicales sont plus souvent en contact avec les riverains.

14

Page 15: Vive les REQUINS - ASPAS

3

2

5

4

‱ Requin gris de rĂ©cif ( Carcharhinus amblyrynchos )

‱ Requin gris ( Carcharhinus plumbeus )

1 Requin-bouledogue ( Carcharhinus leucas )

‱ Requin-tigre ( Galeocerdo cuvier )

2 Requin pointe blanche du récif ( Carcharhinus albimarginatus )

3 Requin pointe noire ( Carcharhinus melanopterus )

OCÉAN INDIEN ( La RĂ©union, Mayotte )

4 Requin-corail ( Triaenodon obesus )

‱ Requin nourrice fauve ( Nebrius ferrugineus )

‱ Requin ocĂ©anique ( Carcharhinus longimanus )

‱ Grand requin-marteau ( Sphyrna mokarran )

5 Requin soyeux ( Carcharhinus falciformis )

‱ Requin-marteau halicorne (Sphyma lewini )

DANS LES EAUXTROPICALES...

© P

asca

l Rob

in

15

Page 16: Vive les REQUINS - ASPAS

Mission en PolynĂ©sie, aux Ăźles Tuamotu
 Au cƓur du lagon de Rangiroa, surprise ! Des enfants se baignent ; mais pas tout seuls. Ils s’amusent avec des requins ! Ils barbotent au milieu des « Dents de la mer » 
 Une douzaine de squales vont et viennent dans un

enclos de corail. Les enfants jouent avec eux. Ils poursuivent les gros poissons dans l’eau peu profonde. Ils les attrapent par la queue ou les nageoires, ils les chevauchent et se laissent traüner par eux dans l’onde. Nulle crainte. Juste le plaisir de se divertir


Les peuples du Pacifique affirment qu’ils ont l’« esprit requin ».Nous autres, Occidentaux, nous avons l’« esprit anti-requin ».

Philosophe, écrivain, journaliste, naturaliste, scénariste, Yves Paccalet a accompagné Jacques-Yves Cousteau pendant

prĂšs de 20 ans et a signĂ© avec lui de nombreux livres. En 2014, ce passionnĂ© de nature publie « Éloge des mangeurs

d’hommes », vouĂ© Ă  la dĂ©fense des animaux prĂ©dateurs, rĂ©putĂ©s « dangereux » et mal-aimĂ©s.

TĂ©mo ignageY V E S P A C C A L E T

Or, il ne s’agit nullement de petits animaux dans le style des requins-chats ou des roussettes. Ce sont de « vrais » squales, des gros, des sauvages, de 1,50 Ă  2 mĂštres de longueur. Corps puissant, grande bouche et dents acĂ©rĂ©es
 Ces animaux appartiennent Ă  deux espĂšces : celle que les PolynĂ©siens nomment mauri, c’est-Ă -dire le requin Ă  pointes noires ( Carcharhinus melanopterus ) ; et celle qu’ils baptisent mamaru ou

torire selon son Ăąge : le requin de corail ( Triaenodon obesus ).

Les enfants s’ébattent sans crainte avec ceux dont la rĂ©putation, ailleurs sur la planĂšte, s’écrit en lettres de sang Ă  la « une ». Leurs pĂšres et leurs grands-pĂšres leur ont appris Ă  cĂŽtoyer les « monstres ». Ils leur ont montrĂ© comment les approcher, les amadouer, les toucher, prĂ©voir leurs rĂ©actions, bref comment vivre avec eux. Les anciens leur ont

Page 17: Vive les REQUINS - ASPAS

© A

lves

gasp

ar

surtout enseigné le sens du mot « respect ».

Dans la tradition polynĂ©sienne, jamais un pĂȘcheur ne doit revenir Ă  terre sans avoir jetĂ© plusieurs poissons Ă  la mer en offrande aux squales qui suivent sa pirogue. On dit, aux Tuamotu, que le corps des requins sert de refuge Ă  l’ñme des humains morts.

Pour les PolynĂ©siens, sous la peau rugueuse du squale, se dissimule l’esprit d’un ancĂȘtre. Les peuples du Pacifique affirment qu’ils ont l’« esprit requin ». Nous autres, Occidentaux, nous avons l’« esprit anti-requin ». Plus gĂ©nĂ©ralement, antinature. Nous refusons de nous couler au creuset de la mer, de la terre, du ciel et de la vie. Nous ne voulons pas entendre ce que les autres crĂ©atures ont Ă  nous dire. Nous y perdons le meilleur de nous-mĂȘmes. Nous y Ă©garons notre aptitude Ă  comprendre et Ă  ressentir l’harmonie de la nature, avant de nous y fondre


17

Page 18: Vive les REQUINS - ASPAS

Depuis 30 ans, l’explosion de la pĂȘche des requins a mis en danger la survie de la plupart des espĂšces, car leur faible fĂ©conditĂ© et leur maturitĂ© sexuelle tardive les rendent particuliĂšrement vulnĂ©rables Ă  une exploitation intensive.

LA PĂȘCHE DANS LE MONDE

UN MASSACRE GÉNÉRAL

Selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), environ 800 000 tonnes de requins sont pĂȘchĂ©es chaque annĂ©e dans le monde. Tou-tefois, entre les pĂȘches non dĂ©cla-rĂ©es et les requins capturĂ©s puis re-jetĂ©s Ă  l’eau, aprĂšs que les ailerons ont Ă©tĂ© prĂ©levĂ©s, la quantitĂ© rĂ©elle de requins tuĂ©s chaque annĂ©e serait de 1,6 million de tonnes, soit en rap-portant ce nombre au poids moyen

L’HOMME RESPONSABLE DE LA DISPARITION DES REQUINS

© Véronique Sarano

© M

ario

n S

aran

o -

D'a

prĂš

s IF

RE

ME

R

d’un requin, environ 100 millions de requins. Selon l’UICN (Union Inter-nationale pour la Conservation de la Nature),

1/3 des espĂšces de requins sont

menacĂ©es de disparition ! L’IndonĂ©sie, l’Espagne, l’Inde, les USA et TaĂŻwan sont les pays qui pĂȘchent le plus de requins. Viennent ensuite, en Europe, la France et le Portugal.

La pĂȘche aux requins s’est considĂ©rablement accrue au dĂ©but des annĂ©es 1990, lorsque la demande et le coĂ»t des ailerons ont brutalement augmentĂ©.

LA SENNE TOURNANTE encercle les bancs de thons et capture les requins qui les suivent : peau bleue, mako, requin soyeux.

1.

2.

Requin gris (carcharhinus plumbeus)

18

Page 19: Vive les REQUINS - ASPAS

PÊCHE CIBLÉE ET PÊCHE ACCESSOIRE

Les requins sont recherchĂ©s spĂ©cifiquement pour leur chair et pour leurs ailerons, mais ils sont aussi capturĂ©s accidentellement par des engins de pĂȘche qui ne leur sont pas destinĂ©s. AppelĂ©es "cap-tures accessoires",

ces captures accidentelles, représentent un nombre considérable de requins.

Les captures accessoires sont sur-tout faites par les engins de pĂȘche dirigĂ©s vers les grands poissons

pĂ©lagiques (thons et espadons) : les sennes tournantes et les longlines. Mais elles sont aussi rĂ©alisĂ©es par d’autres engins trĂšs peu sĂ©lectifs comme le chalut de fond et la pa-langre de fond.

Enfin, bien qu’ils soient interdits au niveau mondial, les grands filets maillants dĂ©rivants sont malheu-reusement toujours utilisĂ©s dans les nombreux pays oĂč la rĂ©glementa-tion n'est pas appliquĂ©e. Ils causent alors des dĂ©gĂąts considĂ©rables chez toutes les espĂšces qui vivent prĂšs de la surface, requins compris.

1.LE PALANGRE DE FOND Les hameçons appùtés destinés aux prédateurs qui vivent sur le fond prennent aussi les requins profonds comme le griset et le chien de mer.

2.LE CHALUT DE FOND Racle le fond des océans et emporte tout : les jeunes de nombreuses espÚces de requins, sur le plateau continental ; les requins profonds à croissance trÚs lente dans les grandes profondeurs.

3.LE FILET MAILLANT DÉRIVANT Les nappes de filet font des barriùres de plusieurs km de long qui capturent tout ce qui vit prùs de la surface : tortues, oiseaux et requins.

4.LA LONG LINE Les lignes appùtées destinées aux thons et espadons capturent aussi requins marteaux, soyeux, longimane, peau bleue, mako


1.

2.

3.4.

© M

ario

n S

aran

o -

D'a

prĂš

s IF

RE

ME

R

19

Page 20: Vive les REQUINS - ASPAS

La pĂȘche pour se nourrir est une chose,

le massacre pour le plaisir de tuer ou pour satisfaire un

caprice de gourmets est insupportable !

LE FINNING, UNE PRATIQUE BARBARE

La plupart des requins ne sont pas capturĂ©s pour leur chair, mais uni-quement pour leurs nageoires. On parle alors de finning ou dĂ©coupe des nageoires. On mutile le requin de ses nageoires et on le rejette Ă  la mer, parfois encore vivant, oĂč il va longuement agoniser.

POTAGE À LA SOUFFRANCE

Les nageoires sĂ©chĂ©es servent pour faire de la « soupe d’ailerons » que certains sont prĂȘts Ă  payer fort cher.

Cette mode gastronomique est à l’origine

d’un Ă©norme trafic dans lequel les nageoires sont ven-dues Ă  prix d’or sur les marchĂ©s asiatiques : Taiwan, Chine, CorĂ©e. Mais aussi sur le marchĂ© amĂ©ricain qui reste l’un des plus demandeurs, tant la communautĂ© asiatique y est prĂ©sente. Ce fructueux trafic a fait exploser la pĂȘche des requins dans le monde entier : navires industriels ou embarcations artisanales, tous sont attirĂ©s par l’appĂąt du gain.

Dans les ailerons, c’est le cartilage qui donne la texture spĂ©cifique de la soupe. Le parfum vient des autres ingrĂ©dients. Les ailerons peuvent donc ĂȘtre remplacĂ©s par
 du cartilage de porc !

© E

azy

trav

eler

20

Page 21: Vive les REQUINS - ASPAS

L'orgueilleuse ignominie des concours de pĂȘche au requin.

Le finning désigne la découpe des nageoires figurées en rose.

Ils emploient des flĂšches Ă  tĂȘte ex-plosive pour massacrer les squales les plus curieux qui s’approchent innocemment de leur fusil !

© F

ranç

ois

Sar

ano

© Gro

lltech

DES MASSACRES INDIGNES

Bien qu’elle soit anecdotique en tonnage, la pĂȘche sportive pour amuser les plus riches doit ĂȘtre dĂ©noncĂ©e.

La « pĂȘche rĂ©crĂ©ative au requin »

est un hobby d’un autre ñge.

Elle n’a plus sa place au XXIeme siĂšcle, alors que les populations de tous les grands prĂ©dateurs sont en chute libre. Elle a fait des dĂ©gĂąts considĂ©rables dans toutes les populations de re-quins qui vivent Ă  proximitĂ© de la surface des ocĂ©ans, en particulier le requin peau bleue (photo), le requin mako et le requin renard. Pire encore, certains clubs de pĂȘche organisent de scandaleux concours de pĂȘche aux requins !

ÉGOÏSTES ET NUISIBLES :

Certains chasseurs sous-marins, qui ont probable-ment trop vu le film « Les Dents de la mer », consi-dĂšrent encore qu’il est de salut public de tuer les requins.

LES CHASSEURS SOUS-MARINS

Requin peau bleue(Prionace glauca)

Page 22: Vive les REQUINS - ASPAS

UN CONCENTRÉ DE TOXIQUES

Le requin fait partie des grands prĂ©-dateurs, il est en bout de chaĂźne ali-mentaire. À ce titre, il accumule tous les polluants persistants qui ont Ă©tĂ© ingĂ©rĂ©s par les poissons dont il se nourrit, notamment les pesticides et les mĂ©taux lourds (plomb, cad-mium, mercure). Il concentre ainsi le mercure sous sa forme la plus toxique, le mĂ©thylmercure, Ă  raison de 0,5 g Ă  1 g par kilo d’ailerons.

Dans certaines rĂ©gions tropicales, le requin concentre de la mĂȘme ma-niĂšre des toxines, les carchatoxines et ciguatoxines. Ces derniĂšres sont contenues dans une micro algue, la Gambierdiscus toxicus, qui est ingĂ©rĂ©e par les poissons herbivores.

Par bioaccumulation le long de

la chaĂźne alimentaire, ces toxines se concentrent.

Elles atteignent chez les requins, prĂ©dateurs supĂ©rieurs, des taux qui provoquent la ciguatera, maladie qui peut ĂȘtre mortelle, chez ceux qui les consomment. L’Institut Pasteur de Madagascar a ainsi recensĂ© une quinzaine de morts depuis 2013.

Les requins tigres et les bouledo-gues pĂȘchĂ©s Ă  La RĂ©union peuvent ainsi contenir des ciguatoxines qu’ils ont accumulĂ©es lors de leurs migrations en se nourrissant dans des rĂ©gions infestĂ©es de l’ocĂ©an Indien.

VENDUS POUR LEUR CHAIR.. .Plusieurs espĂšces de requins sont exploitĂ©es pour leur chair. En Europe, ce sont surtout la petite et la grande roussette (vendues sous le nom de saumonette), l’émissole tachetĂ©e, l’aiguillat commun et le requin-hĂą. MalgrĂ© les quotas de pĂȘche censĂ©s les protĂ©ger, ces espĂšces sont gĂ©nĂ©ralement surexploitĂ©es, voire en danger comme l’aiguillat.

© B

ever

ly C

abel

lan

Requin peau bleue (Prionace glauca)

22

Page 23: Vive les REQUINS - ASPAS

L’HUILE DU FOIE POUR DES CRÈMES DE BEAUTÉ

Le squalane, extrait de l’huile de foie de requin, est un composĂ© hydratant non gras et trĂšs soluble. Ses propriĂ©tĂ©s en font un produit recherchĂ©

pour la fabrication

de crĂšmes hydratantes et autres produits

cosmĂ©tiques. En 2012, entre 3 et 6 millions de re-quins des profondeurs ont Ă©tĂ© tuĂ©s pour rĂ©pondre Ă  la demande inter-nationale en squalane. De fait, sur 72 crĂšmes Ă©chantillonnĂ©es, l’asso-ciation Bloom a dĂ©couvert qu’une crĂšme sur 5 contient du squalane de requin. L’Espagne occupe une place centrale dans le nĂ©goce d’huile de foie de requin.

LE CARTILAGE DES CHARLATANS

Parmi les molĂ©cules extraites du cartilage de requin, certaines sti-muleraient le systĂšme immunitaire, d’autres inhiberaient la croissance de nouveaux vaisseaux sanguins alimentant les cellules cancĂ©reuses, ou seraient antiasthmatiques. Mais les effets secondaires sont parfois problĂ©matiques et les Ă©tudes cli-niques contradictoires : certaines ont montrĂ© qu’il n’y avait aucune diffĂ©rence entre les patients ayant reçu le « mĂ©dicament » et ceux ayant reçu le placebo.

MAIS AUSSI POUR DES SOUS-PRODUITS FUTILESDans la plupart des cas, les requins ne sont pas pĂȘchĂ©s pour leur chair mais pour des utilisations futiles : dents pour les bijoux, huile de foie pour les crĂšmes de beautĂ©, cartilage supposĂ© Ă  tort soigner diffĂ©rentes maladies, ou peau pour la maroquinerie de luxe.

© G

illes

Mac

agno

© w

ikim

edia

com

mon

s

Huile de foie de requins

23

Page 24: Vive les REQUINS - ASPAS

Pourquoi prĂ©server les requins, et plus gĂ©nĂ©ralement la vie sauvage ? Il y a des raisons biologiques
 Chaque animal, chaque espĂšce a une place dans l’écosystĂšme. Cette place est dĂ©finie par les relations que l’espĂšce tisse avec les autres ĂȘtres vivants et le milieu physique. Plus l'ĂȘtre est complexe, plus ses relations sont nombreuses et com-

plexes. Par consĂ©quent, plus la disparition de cette espĂšce a des consĂ©quences sur les autres es-pĂšces et sur l’écosystĂšme. Les requins sont des animaux trĂšs complexes, leurs relations sont im-portantes et nombreuses ; leur dis-parition affectera l’écosystĂšme en profondeur et, ne nous y trompons pas, nous ne serons pas Ă©pargnĂ©s

François Sarano est docteur en océanographie, plongeur professionnel, chef d'expédition et ancien conseiller scientifique du Commandant Cousteau. Plongeur, conseiller

scientifique et co-scénariste du film Ωcéans réalisé par Jacques Perrin et Jacques Cluzaud, il est également cofondateur

de l'association Longitude 181 Nature.

TĂ©mo ignageF R A N Ç O I S S A R A N O

car nous faisons intimement partie de l’écosystĂšme global.

Nous devons prĂ©server les requins aussi pour des raisons philoso-phiques. L’élimination des espĂšces par cupiditĂ©, ou simplement parce qu’elles entravent la rĂ©alisation de nos caprices, renforce la prise de contrĂŽle de l’homme sur le monde. Ce contrĂŽle nous emprisonne en nous sĂ©curisant dans un univers de plus en plus artificiel, aseptisĂ©,

uniforme et virtuel. Cette domina-tion sans partage rĂ©trĂ©cit irrĂ©mĂ©dia-blement notre univers qui devient Ă©touffant, carcĂ©ral. Au contraire, les requins indomptĂ©s, libres, sym-boles de la vie sauvage, Ă©largissent notre horizon en nous offrant leur imprĂ©visibilitĂ©. Ils nous ouvrent une fenĂȘtre sur le merveilleux. Que se-rait un monde sans requins ? Sans Ă©lĂ©phants ? Sans gorilles ? Sans vie sauvage ? C’est un peu comme si vous demandiez que serait un

24

Page 25: Vive les REQUINS - ASPAS

Trouver comment vivre harmonieusement avec les requins donne sens Ă  notre HumanitĂ© ! Respecter les requins, c’est

nous respecter nous, les Êtres humains !

© w

ikim

edia

com

mon

s

monde sans Mozart, sans Rem-brandt ?

C’est la diversitĂ© du vivant ainsi que la diversitĂ© culturelle qui font la richesse de notre Terre. L’unifor-mitĂ©, c’est la fin du monde ! Perdre une espĂšce, c’est comme perdre un chef-d’Ɠuvre. Au fond direz-vous, ce n’est pas si grave, nous conti-nuerons Ă  survivre ! Et pourtant confusĂ©ment, nous ressentons Ă  quel point c’est fondamentalement grave, car c’est une part de notre HumanitĂ© que nous perdons.

Si nous jugeons le vivant Ă  l’aune de l’utile et du rentable pour juger de ce qui doit ĂȘtre conservĂ© ou pas, oĂč placer le curseur ? Qui garder ? Le requin ? Les dauphins ? Pas plus utiles ! Moi-mĂȘme, suis-je utile ? Serais-je conservĂ© ? Et puis, les normes changent avec le temps, l’espace et les traditions culturelles, les philosophies
 En revanche, si je sais faire de la place aux requins qui nous dĂ©rangent, Ă  la baleine bleue et Ă  tous les encombrants, si je sais faire de la place Ă  tous les insignifiants, aux espĂšces que je ne connaĂźtrai peut-ĂȘtre jamais, alors je saurai faire de la place Ă  chacun d’entre nous avec ses diffĂ©rences, ses richesses.

L’élimination des requins par caprice, par cupiditĂ©, pose une autre question : quel HUMAIN voulons-nous ĂȘtre ? En effet, n’est-ce pas au Respect que nous marquons envers les autres, envers nos « coloca -Terres » que nous mesurons notre « HumanitĂ© », notre diffĂ©rence d’avec les autres espĂšces ? C’est ce respect qui nous construit, qui nous dĂ©finit, qui dĂ©finit notre Huma-nitĂ©. En revanche, l’élimination des requins, comme celle d'une autre espĂšce, est une indignitĂ© qui nie ce que nous aspirons Ă  ĂȘtre : humain.

Notre relation avec les requins pose la question du monde dans lequel nous voulons vivre. Un monde contrĂŽlĂ©, aseptisĂ© et uniformisĂ©, un monde sans rien qui nous Ă©chappe, sans vie sauvage ? Un monde oĂč les derniers survivants de chaque espĂšce seraient prĂ©servĂ©s dans des aquariums gĂ©ants, des zoos, tristes arches de NoĂ©, ersatz d’une richesse Ă©vanouie. J’aurais honte de dire Ă  mes enfants : « J’ai ren-contrĂ© les requins ; ils m’ont Ă©bloui, ils m’ont donnĂ© des joies immenses, ils m’ont offert des moments de paix bouleversants. Par insouciance, par caprice
 je n’ai pas su vous les transmettre ! »

25

Page 26: Vive les REQUINS - ASPAS

L’hystĂ©r ie anti-requins

Dans la culture occidentale, les requins sont synonymes de danger

et de mort...

... et le film « Les Dents de la mer » (Steven Spielberg, 1975), qui a déformé la réalité avec beaucoup

d’efficacitĂ©, n’a pas amĂ©liorĂ© leur rĂ©putation. Plus tard, l’auteur du roman dont est tirĂ© le film, Peter Benchley, a regrettĂ© l’impact nĂ©gatif de

son Ɠuvre. Fervent dĂ©fenseur des Ă©cosystĂšmes marins, il s’est amĂšrement repenti dans son livre « Shark Trouble » (2003) et au cours de nombreuses confĂ©rences. Mais cela n’a pas suffi Ă  changer les mentalitĂ©s.

La peur des prĂ©dateurs est due Ă  la mĂ©connaissance de leurs mƓurs. Entretenue par certains mĂ©dias, cette terreur pousse Ă  des rĂ©actions irrationnelles, des massacres insensĂ©s, des destructions sans mesure.

Alors qu’aucun accident mortel n’a Ă©tĂ© enregistrĂ© en MĂ©diterranĂ©e depuis plus de 100 ans, l'observation d'un aileron de requin, ou de poisson lune, suscite toujours la panique et des rĂ©actions disproportionnĂ©es.

Trop de journalistes font des « unes » racoleuses et anxiogĂšnes. Durant l’étĂ© 2014, un petit requin peau bleue qui s’aventure rarement prĂšs des cĂŽtes de Corse, est observĂ© prĂšs d'une plage. Les drapeaux rouges sont aussitĂŽt hissĂ©s pour interdire la baignade... alors que l'animal est inoffensif.

© Rémi Collange

PLUS UN ÉVÉNEMENT SORT DE L’ORDINAIRE ET PLUS IL FRAPPE L’IMAGINATION

0

10

2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

20

30

40

50

60

70

80

90

Nombre d’accidents liĂ©s aux requins par an dans le monde

Nombre d’accidents mortels liĂ©s aux requins par an dans le monde

Source : International Shark Attack File at the Florida Museum of Natural History

0

10

2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

20

30

40

50

60

70

80

90

Nombre d’attaques de requins par an dans le monde

Nombre d’attaques mortelles de requins par an dans le monde

Source : International Shark Attack File at the Florida Museum of Natural History

0

10

2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

20

30

40

50

60

70

80

90

Nombre d’attaques de requins par an dans le monde

Nombre d’attaques mortelles de requins par an dans le monde

Source : International Shark Attack File at the Florida Museum of Natural History

0

10

2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

20

30

40

50

60

70

80

90

Nombre d’accidents liĂ©s aux requins par an dans le monde

Nombre d’accidents mortels liĂ©s aux requins par an dans le monde

Source : International Shark Attack File at the Florida Museum of Natural History

26

Page 27: Vive les REQUINS - ASPAS

L’ANIMAL LE PLUS DANGEREUX

EST MINUSCULE Alors que, selon l'International Shark Attack File, les requins sont responsables d'une dizaine d'accidents mortels par an ( graphique ci-contre ),

les moustiques, vecteurs du chikungunya, de la dengue,

du paludisme et de tant d’autres maladies,

font chaque année 1,5 million de morts.

Les abeilles et les frelons tuent 400 humains par an, les mĂ©duses, une cinquantaine. Et le « meilleur ami de l’homme » ? Le chien est responsable de 25 000 dĂ©cĂšs chaque annĂ©e ( essentiellement en transmettant le virus de la rage, dans les pays n’ayant pas de

traitement vaccinal ).

LE REQUIN N’EST PAS UN MANGEUR D’HOMMESIl ne s’agit pas de nier les accidents liĂ©s aux requins - nous publions ici deux tĂ©moignages de victimes - mais de les replacer dans leur contexte, pour en prendre l’exacte mesure. Quotidiennement, des millions de personnes se baignent sur les territoires des requins. Si nous Ă©tions Ă  leur menu, il y aurait des centaines d'accidents chaque jour et nous ne pourrions pas mettre un orteil dans l’eau. On a plus de chance de gagner le gros lot au Loto Âź ( une sur 14 millions ) que de se faire mordre par un requin !

DÉCÈS D’HUMAINS PAR AN

DANS LE MONDE

Moustiques : 1 500 000Serpents : 100 000

Chiens : 25 000Abeilles / frelons : 400

MĂ©duses : 50Requins : 10

Céphée ( Cephea cephea )

27

Page 28: Vive les REQUINS - ASPAS

DES DANGERS RÉELS ?La pollution de l’air tue chaque annĂ©e 7 millions d’humains ; le tabac, 6 millions ; les accidents de la route, 1,3 millions ; les guerres
 plus de 500 000 ; les crimes de sang font 200 000 morts.

Il y a 1,3 milliard de fumeurs dans le monde.

PrÚs de 10 millions mourront chaque année de leur funeste habitude,

soit 1 milliardau XXIe siĂšcle...

Soit un million de fois plus que par morsure de requin, Ă  supposer qu’il reste des squales Ă  la fin du XXIe siĂšcle ! C'est ce que nous rappelle Yves Paccalet dans son ouvrage « Éloge des mangeurs d’hommes ».

SE SOUCIE-T-ON VRAIMENT

© Tom

asz Sienicki

28

Page 29: Vive les REQUINS - ASPAS

« Il m’a attrapĂ©e ! » ai-je criĂ© pendant que je me dĂ©battais Ă  coups de pieds pour me libĂ©rer des mĂąchoires d’un requin. Cela se passe en 2004 au large de la cĂŽte Est de la Floride, Ă  moins de 16 mĂštres du rivage. Se rendant compte que je n’étais pas le poisson qu’il espĂ©rait chasser, le requin lĂącha soudainement prise, mais aprĂšs m’avoir dĂ©chiquetĂ© le pied et sectionnĂ© le tendon d’Achille.

Je me suis rendue compte que j’étais particuliĂšrement lĂ©gitime pour

dĂ©fendre les crĂ©atures marines - y compris les requins. J’ai laissĂ© tomber mon job de journaliste et j’ai commencĂ© Ă  travailler pour « The Pew Charitable Trust » ( page 42 ), organisation non gouvernementale de protection des requins, oĂč j’ai fondĂ© « Shark Attack Survivors for Shark Conservation ». Le groupe est composĂ© de survivants d’attaques du monde entier - certains ayant perdu des bras ou des jambes - qui savent pertinemment que les

Mordue par un squale, la journaliste amĂ©ricaine Debbie Salamone a fondĂ© une association de dĂ©fense des requins avec d’autres victimes d’attaques. Porte-parole de son association,

elle tĂ©moigne pour l’ASPAS.

TĂ©mo ignageD E B B I E S A L A M O N E

Bien que cela m’ait pris des mois pour pouvoir Ă  nouveau marcher, j’ai fini par rĂ©aliser que mon amour

des ocĂ©ans n’avait, lui, pas Ă©tĂ© atteint.©

Alv

esga

sparrequins ont plus à craindre de l’humain que l’humain des requins.

Ensemble, nous avons contribuĂ© Ă  Ă©tablir et renforcer l’interdiction de la pĂȘche aux ailerons de requins ( shark finning ) adoptĂ© par l’ONU ( page 23 ). Nos militants ont interpellĂ© l'ONU afin de promouvoir une plus grande protection des Ă©changes commerciaux, d'interdire la pĂȘche d'espĂšces vulnĂ©rables et de limiter la pĂȘche aux requins en fonction des

ressources disponibles. Ils ont aussi soutenu les efforts de l’ONG « Pew » pour la crĂ©ation de 10 sanctuaires, Ă©parpillĂ©s dans le monde entier, oĂč la pĂȘche commerciale de requins est interdite ; ces sanctuaires reprĂ©sentent au total prĂšs de 13 millions de kmÂČ.

À terme, les survivants d’attaques espĂšrent parvenir Ă  renforcer la population de requins pour assurer le bien-ĂȘtre des Ă©cosystĂšmes marins.

Page 30: Vive les REQUINS - ASPAS

Panneau de la Réserve Naturelle Marine, criblée de plombs par les opposants à la Réserve

la «cr ise requ in» à la réun ion

DES ACCIDENTS

À La RĂ©union, les accidents mortels par morsure de requin ne sont pas nouveaux : 10 entre 1990 et 2000, 3 pour la dĂ©cennie suivante et 7 depuis 2011, ce qui est dans la moyenne mondiale : 10 accidents mortels par an, avec de fortes variations : 1 seul en 2007, mais 13 en 2011.

La majorité des accidents touchent des surfeurs,

le soir dans l’eau trouble aprùs les pluies.

Les plongeurs et apnĂ©istes, qui sont tous les jours dans l’eau, ne sont en revanche pas importunĂ©s et voient trĂšs rarement des requins.

Ces accidents impliquent des requins bouledogues ( Carcharhinus leucas ), trĂšs rarement des requins tigres ( Galeocerdo cuvier ).

DES PROGRAMMES SCIENTIFIQUES

L'Institut de Recherche et de DĂ©veloppement ( IRD ) a donc menĂ© le programme CHARC : Connaissances de l’écologie et de l’HAbitat de deux espĂšces de requins CĂŽtiers sur la cĂŽte ouest de La RĂ©union.

CHARC et d’autres Ă©tudes montrent que le requin tigre n’est pas sĂ©dentaire. Il se dĂ©place dans tout l’ocĂ©an Indien, au moins jusqu’au nord de Madagascar et jusqu’aux cĂŽtes du Mozambique. Le requin bouledogue est lui aussi un migrateur qui viendrait prĂšs des cĂŽtes rĂ©unionnaises, plutĂŽt entre mars et juin, pour se reproduire dans les eaux dessalĂ©es des ravines. La population n’est pas en augmentation.

LA SITUATION ET LES FAITS

© Thierry Peres

Depuis fĂ©vrier 2011, 17 accidents impliquant des requins, dont 7 mortels, ont dramatiquement endeuillĂ© l’üle de La RĂ©union.

Ces accidents ont provoqué une psychose et des réactions hors de proportions que les médias ont appelé « La crise requin ».

30

Page 31: Vive les REQUINS - ASPAS

Blanchiment et mort des coraux aprÚs que les violentes pluies tropicales ont emporté les eaux

usées dans le lagon.

© Rémi Collange

EAUX USÉES ET DÉCHETS

Depuis les annĂ©es 1990, l’urbanisa-tion a explosĂ© sur la cĂŽte ouest de La RĂ©union. Mais la capacitĂ© de traitement des dĂ©chets et des eaux usĂ©es n’a pas augmentĂ© en consĂ©-quence.

Des déchets organiques se déversent massivement

en mer Ă  chaque grosse pluie,

contribuant Ă  attirer les requins dans les zones de baignade et de surf.

Cette pollution, associĂ©e Ă  la surpĂȘche et au braconnage, a provoquĂ© la destruction de l’écosystĂšme corallien.

UNE RÉSERVE MARINE

Pour tenter de rĂ©tablir l’équilibre de l’écosystĂšme cĂŽtier ravagĂ© par l’homme, une rĂ©serve marine de 35 km 2 a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en 2007.RĂ©ellement efficace Ă  partir de 2011, la rĂ©serve peine Ă  amĂ©liorer la situation, car la pĂȘche y est autorisĂ©e partout, sauf dans les 5 % de la rĂ©serve strictement protĂ©gĂ©s.

L'EXPLOSION DES LOISIRS NAUTIQUES

Les activitĂ©s nautiques ont, elles aussi, explosĂ© multipliant les risques de rencontres avec les re-quins. Plus grave, certains pratiquants ne connaissent pas la mer ou, pire, refusent d’en apprendre les rĂšgles. Ils s’approprient certaines « va-gues » en niant l’existence de l’écosystĂšme global. PlutĂŽt que de prendre la responsabilitĂ© de leur ac-tivitĂ©, ils demandent Ă  l’État de sĂ©cu-

riser le terrain de jeux qu’ils se sont attribuĂ©s pour satisfaire leur caprice.

31

Page 32: Vive les REQUINS - ASPAS

DES PÊCHES PUNITIVES

Pour rĂ©pondre Ă  la demande de vengeance, des pĂȘches punitives sont organisĂ©es aprĂšs chaque acci-dent afin de « chĂątier le coupable ». Ces pĂȘches absurdes mas-sacrent, au hasard, les requins qui passent et n’ont jamais permis de cap-turer le requin cause de l’accident, ni Ă  La RĂ©union, ni dans les autres rĂ©gions du monde oĂč ces reprĂ©sailles moyenĂągeuses ont Ă©tĂ© abandon-nĂ©es


LA RÉSERVE MARINE ATTAQUÉE

Certains surfeurs remettent violem-ment en cause (menaces physiques, cocktail Molotov
) l’existence de la RĂ©serve Naturelle Marine, l’accu-sant de provoquer « des dĂ©sordres Ă©cologiques en Ă©tant le garde-man-ger des requins ». Or la RĂ©serve,

LA PROBLÉMATIQUE

L’État finance Ă  coup de millions d’euros l’élimination des requins et la destruction de l’écosystĂšme marin afin que quelques dizaines de surfeurs puissent satisfaire leur caprice sportif.

soumise Ă  une forte pression de pĂȘche, est toujours trĂšs pauvre en poissons. Elle ne constitue pas un attrait pour les requins.

ÉLIMINATION DES REQUINS, ABSURDE, DANGEREUSE

Des surfeurs exigent de l’État qu’il sĂ©cu-

rise leur terrain de jeu en éli-minant les requins. Pour justifier cette destruction, le CRPM a pro-posé une pseu-

d o - re c h e rc h e scientifique, Cap

Requin, dont il refuse de donner le

protocole et que les scien-tifiques de l’IRD ont refusĂ© de cau-

tionner. Cette volontĂ© d’éradiquer les requins, plutĂŽt que d’apprendre les risques, est absurde car il est impossible et inadmissible de sup-primer les requins de l’ocĂ©an Indien pour « sĂ©curiser » les plages rĂ©unionnaises.

Les autres usagers de la mer qui respectent les rĂšgles Ă©lĂ©mentaires de sĂ©curitĂ© ne sont pas importunĂ©s par les requins. L’utilisation opaque des subventions par le ComitĂ© RĂ©gional des PĂȘches Maritimes de La RĂ©union ( CRPM ) finance une usine de transformation des requins
 en engrais !

Requin corail( Trianodon obesus )

32

Page 33: Vive les REQUINS - ASPAS

Pire, le CRPM a proclamĂ© avoir in-ventĂ© un engin de pĂȘche capable « d’effaroucher les requins » : le « smart drumline », qui n’est autre qu’une ligne appĂątĂ©e ordinaire... Cette affirmation est pathĂ©tique, et on en rirait si elle n’était aussi cri-minelle ! Car, en faisant croire qu’il allait « sĂ©curiser la mer », le ComitĂ© des pĂȘches suggĂšre que les rĂšgles les plus Ă©lĂ©mentaires de prudence peuvent ĂȘtre oubliĂ©es, encoura-geant ainsi les usagers Ă  diminuer leur vigilance.

Les pĂȘches menĂ©es par le CRPM ont peut-ĂȘtre

favorisé les derniers accidents mortels.

En effet, en plaçant des appĂąts dans les lieux de baignade et d’activitĂ©s nautiques, le CRPM attire, au milieu des baigneurs, les requins du large qui ne seraient jamais venus si prĂšs des rivages, renforçant considĂ©ra-blement les risques d’accidents. Sa responsabilitĂ© est engagĂ©e.

SUBVENTIONS À LA DESTRUCTION DE L’ÉCOSYSTÈME MARIN

La responsabilitĂ© de l’État français est, elle aussi, engagĂ©e. Car il finance sciemment, Ă  coup de millions d’euros, un systĂšme aveu-glĂ©ment destructeur qui condamne la RĂ©serve marine nationale. Il sub-ventionne un massacre totalement inefficace car, aprĂšs plus d’un an, les accidents n’ont malheureusement pas cessĂ©.

Le CRPM et quelques pĂȘcheurs se gavent de cet argent public. DĂ©jĂ  675 000 € allouĂ©s en 2011- 2015, 4 millions € prĂ©vus pour 2015 - 2020.

Pour justifier massacre et dépenses,

l'État pourrait subventionner une usine de transformation

des requins en engrais ! Scandale encore plus insupportable car cette usine ( capacitĂ© minimum 3000 t /an ) ne pourrait fonctionner qu’en important massivement du poisson puisque toute la pĂȘche rĂ©unionnaise, requins et autres poissons, n’excĂšde pas 1000 t.

DÉMOCRATIE BAFOUÉE

Les tenants de l’élimination des requins n’autorisent aucune autre expression : scientifiques, reprĂ©-sentants de la RĂ©serve marine et reprĂ©sentants des associations sont rĂ©guliĂšrement calomniĂ©s, molestĂ©s et mĂȘme menacĂ©s de mort ! La mafia dicte les rĂšgles par la violence physique.

© Tybo wikimedia commons

33

Page 34: Vive les REQUINS - ASPAS

Depuis 2012, l’ASPAS, Longitude 181 et les 6 associations du Collectif * tentent de restaurer un « vivre ensemble » entre activitĂ©s aquatiques, Ă©cosystĂšme rĂ©cifal et requins. Cette harmonie passe nĂ©cessairement par l’apprentissage de la mer, dans les Ă©coles comme sur les plages, et par le respect de rĂšgles simples de sĂ©curitĂ©.

ACTIONS ET SOLUTIONS

Appelée par les clubs de plongée, par la Réserve marine et les Réu-nionnais qui n'osaient pas s'expri-mer, Longitude 181 s'est rendue à La Réunion dÚs 2012. Avec l'ASPAS, elle a invité sans succÚs le grand public et les élus à plonger pour

voir la réalité de terrain et se faire une opinion afin que la raison

prenne le pas sur la rumeur

Face au colportage de rumeurs irra-tionnelles, aux menaces physiques et aux insultes les plus graves, associations métropolitaines et réunionnaises se sont constituées en Collectif * ( page 43 ).

Aux cĂŽtĂ©s de l'ASPAS, elles ont menĂ© avec succĂšs des recours juridiques contre les pĂȘches abusives de requins. Depuis 2013, elles tentent d’obtenir des Ă©claircissements sur les programmes Cap Requins et Valo Requins, notamment les protocoles scientifiques suivis et la rĂ©partition des subventions de l’État.

Le Collectif tente, d’autre part, de faire entendre la voix de la « majoritĂ© silencieuse » des RĂ©unionnais qui commence Ă  oser s’exprimer : sites internet, pĂ©titions contre les mas-sacres et pour la RĂ©serve, ou lettre ouverte de la mĂšre de la jeune Talon Bishop, tuĂ©e en fĂ©vrier 2015 (voir biblio).

* Le Collectif d’associations : ASPAS, Longitude 181, Sea Shepherd, Fondation Brigitte Bardot, Tendua, Requin IntĂ©gration, Vagues, Sauvegarde des Requins.

DES ASSOCIATIONS QUI AGISSENT

© Thierry Peres

Manifestation pour la préservation de la Réserve Naturelle Marine de La Réunion le 25 avril 2015

34

Page 35: Vive les REQUINS - ASPAS

COMMENT RÉDUIRE LES RISQUES ?

Nous rĂ©affirmons avec force que, dans les circonstances ordinaires, les requins ne sont pas dangereux et que l’on peut pratiquer toutes les activitĂ©s nautiques en leur prĂ©sence.

Il y a des situations dangereuses

qui multiplient les risques d’accidents.

Il faut donc renoncer à son activité le soir et lorsque les pluies diluviennes ont troublé l'eau de mer.

On apprend Ă  respecter le code de la route et de la circulation en ville, milieu autrement plus dangereux que la mer. Pourquoi, Ă  La RĂ©union, refuse-t-on l’apprentissage de la mer ? Pourquoi refuse-t-on de respecter les quelques rĂšgles simples de sĂ©curitĂ© ?

PRATIQUER SON ACTIVITÉ EN SPORTIF RESPONSABLE

Chaque accident mortel est intolĂ©rable, et chacun veut tout mettre en Ɠuvre pour les Ă©viter
 Pourtant, il n’y a que lors des accidents de requins que l’on exige de l’État de supprimer le « facteur naturel ». Dans le cadre des autres activitĂ©s de nature (ski, plongĂ©e, spĂ©lĂ©o, parapente
), demande-t-on aprĂšs chaque accident la suppression des courants et des mĂ©duses, des grottes et montagnes, de la neige et des tourbillons de vent ? Non, on demande aux sportifs de respecter les rĂšgles du milieu naturel. Il en va de mĂȘme des surfeurs.

Celui qui pratique une activité nautique devrait

« apprendre la mer »,prendre la mesure des risques

naturels et renoncer à son activité lorsque les conditions

sont défavorables.

Dans le cas contraire, il devrait assumer les conséquences en ADULTE RESPONSABLE.

Car, quelles que soient les mesures prises, il y aura toujours des risques à pratiquer une activité en milieu naturel peuplé de prédateurs sauvages.

Requin pointe blanche du récif (Carcharhinus albimarginatus)

Page 36: Vive les REQUINS - ASPAS

S’il Ă©tait rĂ©servĂ© Ă  :

‱ Renforcer la protection de la RĂ©serve marine pour rĂ©tablir l’équilibre Ă©cologique dĂ©truit,

‱ Augmenter et moderniser le systĂšme d’assainissement des eaux usĂ©es,

‱ Enseigner « la mer » dans les Ă©coles comme dans les lieux publics, en expliquant les risques et les rĂšgles Ă  respecter, comme dans toute activitĂ© de nature,

‱ Renforcer la signalisation sur les plages et les lieux d’activitĂ©s aquatiques.

L’ARGENT PUBLIC ALLOUÉ SERAIT BIEN MIEUX DÉPENSÉ

Apprendre et respecter, seul moyen de retrouverune harmonie entre activité balnéaire

et vie sauvage marine.

LES RÈGLES DE SÉCURITÉ À SUIVRESi ces consignes Ă©lĂ©mentaires avaient Ă©tĂ© respectĂ©es, au moins 6 des 7 accidents mortels advenus depuis fĂ©vrier 2011 n’auraient pas eu lieu ! Il ne faut pas aller Ă  l’eau :

Tard le soir ou tĂŽt le matin,

AprÚs les pluies, lorsque les ravines se sont déversées en mer, apportant des odeurs fortes qui attirent les requins,

En cas de forte houle qui trouble l’eau de mer,

En dehors des zones autorisées à la baignade,

Chaque fois que le drapeau rouge est hissé,

PrĂšs des zones portuaires oĂč sont jetĂ©s des appĂąts et des dĂ©chets de pĂȘche.

36

Page 37: Vive les REQUINS - ASPAS

À l’aube des annĂ©es 2000, des associations luttent contre la surexploitation des requins et lancent une large sensibilisation auprĂšs du grand public.

En 2003, Longitude 181 demande Ă  la PolynĂ©sie française de prĂ©server les requins du finning qui se dĂ©ve-loppe. Son action aboutit en 2007 : une loi de pays interdit la pĂȘche dans toute la Zone Economique Exclusive (ZEE) polynĂ©sienne qui va jusqu’à 200 milles des cĂŽtes, l’une des plus vastes du monde.

Longitude 181 puis l’ASPAS re-joignent ensuite la coalition Shark Alliance (page 42) pour

Qu’en est- il de la protect iondes requ ins ?

Depuis quelques annĂ©es, des mesures conservatoires viennent s’opposer Ă  l’anarchie dĂ©vastatrice de la pĂȘche aux requins.

DES AVANCÉES GRÂCE AUX ASSOCIATIONS

demander l’interdiction du finning

sur les bateaux de pĂȘche europĂ©ens

(qui fournissaient 1/3 des ailerons sur le marchĂ© de Hong-Kong). AprĂšs un long combat, le Parlement europĂ©en vote en 2012 l’obligation, pour tous les navires europĂ©ens, de dĂ©barquer les requins avec leurs ailerons attachĂ©s. Les carcasses encombrantes ne valant rien, les pĂȘcheurs hĂ©sitent Ă  pĂȘcher les re-quins. Toutefois, la faiblesse des moyens de surveillance rend difficile l’application de cette lĂ©gislation.

© Tendua - Myriam DupuisRequin à pointes noires (Carcharhinus melanopterus)

37

Page 38: Vive les REQUINS - ASPAS

LA PROTECTION PROMULGUÉE PAR CERTAINS ÉTATS

Certains pays sensibilisĂ©s par ces actions dĂ©cident de protĂ©ger les requins dans leur ZEE. Ainsi, dans l’ocĂ©an Pacifique, toute pĂȘche est dĂ©sormais strictement interdite dans les Ăźles Palau, Cook, Marshall, Tokelau, en Nouvelle CalĂ©donie et dans le sanctuaire de Malpelo (Colombie).

D’autre pays prennent des mesures de protection spĂ©cifique. Le grand requin blanc est protĂ©gĂ© depuis 1991 en Afrique du Sud, 1993 en Namibie, 1997 aux Etats-Unis, 1998 en Australie, 2000 Ă  Malte et 2007 en Nouvelle ZĂ©lande.

Enfin, de plus en plus de pays instaurent des quotas (quantitĂ©s maximales) sur la pĂȘche aux requins (roussette, Ă©missole
), voire des interdictions totales. Ainsi la pĂȘche au requin-taupe a Ă©tĂ© interdite en Europe en 2010 par l’Union EuropĂ©enne.

CONVENTIONS INTERNATIONALES FAUSSEMENT RASSURANTES

Aucun rĂšglement ne protĂšge les requins Ă  l’échelle internationale ! Contrairement Ă  une idĂ©e reçue, les conventions ne font qu’inscrire certains requins particuliĂšrement menacĂ©s dans la « Liste des

espĂšces protĂ©gĂ©es ». Mais elles n’interdisent pas leur pĂȘche. Ainsi, la CITES (Convention sur le commerce international des espĂšces de faune et de flore sauvages menacĂ©es d'extinction) a bien inscrit 8 des 530 espĂšces Ă  son Annexe II : requin baleine (Rhincodon typus), requin pĂšlerin (Cetorhinus maximus), grand requin blanc (Carcharodon carcharias), requin ocĂ©anique Ă  pointes blanches ou longimane (Carcharhinus longimanus), requin marteau halicorne (Sphyma lewini), grand requin marteau (Sphyrna mokarran), requin marteau commun (Sphyrna zygaena) et requin taupe bleu (Isurus oxyrynchus). Mais cette inscription correspond seulement Ă  l’interdiction du commerce international de ces espĂšces.

La CITES n’interdit ni la pĂȘche, ni la vente Ă  l’intĂ©rieur du pays oĂč les requins

ont Ă©tĂ© pĂȘchĂ©s.

Une transition vers la durabilitĂ© est en marche, mais elle sera longue, car il existe encore beaucoup de pĂȘcheurs / pilleurs en activitĂ© dans le monde.

38

Page 39: Vive les REQUINS - ASPAS

2003 : El Yaque au Venezuela, paradis pour vĂ©liplanchiste. J’accomplis mon rĂȘve. Alors que je suis dans l’eau, je descends de ma planche pour effectuer des rĂ©glages, je sens que mon pied est pris dans un Ă©tau. Gravement mordu par un requin, je me dĂ©fends. Je serai secouru grĂące Ă  un concours de circonstances incroyable.

AmputĂ© d’une jambe, je refuse de laisser ma tragĂ©die personnelle alimenter la peur infondĂ©e de ces

animaux. Au contraire, je veux mettre en lumiĂšre des pratiques de pĂȘche Ă  la fois cruelles et destructrices. Mon tĂ©moignage a pour objectif d’alerter les consciences, en plaidant en faveur de l'arrĂȘt du finning, et de l'Ă©tablissement de quotas de pĂȘche.

La surpĂȘche est l’une des menaces les plus graves sur les Ă©cosystĂšmes, parce qu’elle modifie les Ă©quilibres naturels, et notamment le haut de la chaĂźne des grands prĂ©dateurs. Un des moyens les plus efficaces

AmputĂ© d’une jambe, je refuse de laisser ma tragĂ©die personnelle alimenter la peur infondĂ©e des requins.

VĂ©liplanchiste, Yann Perras a Ă©tĂ© victime d’un accident de requin. Conscient des enjeux de l’écologie, cet amoureux des mers garde un admirable esprit sportif et part en guerre, non pas

contre les requins, mais contre ceux qui les détruisent.

TĂ©mo ignageY A N N P E R R A S

© D

enis

e M

eert

ens

pour lutter contre cette pression est de créer un réseau de grands sanctuaires qui seront interdits aux activités extractives industrielles et commerciales. PEW, avec son programme Global Ocean Legacy (page 42), a pour but de créer de 15 à 20 grandes réserves hautement protégées dans les 3 océans majeurs de la planÚte. Ainsi, il participe activement au programme Global Shark.

La rĂ©action Ă  La RĂ©union d’autoriser la pĂȘche de 90 requins n’est, Ă 

mon sens, non seulement pas une dĂ©cision rationnelle et utile, mais elle va Ă  l’encontre mĂȘme du message que je souhaite vĂ©hiculer : le requin n’est Ă  la base pas un animal dangereux. Seules, certaines circonstances peuvent ĂȘtre dangereuses. Il appartient donc Ă  l’humain de respecter les consignes pour assurer des baignades en sĂ©curitĂ©. Faut-il rappeler que le nombre d’accidents par noyade est sans aucune commune mesure avec les accidents impliquant des requins ?

Page 40: Vive les REQUINS - ASPAS

En tant que consom-mateur, refusez d’acheter du requin, ne serait-ce que pour votre propre

santé et celle de vos enfants (page 22). Sachez que « la saumonette » ou « le chien de mer » sont les noms commerciaux utilisés pour désigner plusieurs espÚces de petits requins (roussettes, aiguillats communs, émissoles) souvent proposées en

restauration collective. Et « le veau de mer » désigne en réalité le requin-taupe bleu.

Ainsi, boycottez le steak de requin et la soupe d’ailerons, ainsi que les res-taurants qui en proposent.

La pĂȘche pour les ailerons dĂ©cime les requins par millions et ne res-pecte aucune Ă©thique en perpĂ©tuant des pratiques brutales et illĂ©gales, le Shark Finning (page 20).

Ne consommez pas de plat Ă  base de requin

Une crĂšme de beautĂ© sur 5 contient du squalane de requin extrait de l’huile de son foie. Les gĂ©lules Ă  base de cartilage de requin, utilisĂ©es pour les problĂšmes articulaires et contre le cancer, perpĂ©tuent une pratique sans Ă©thique, sans respect et sans validation scientifique.

En France, comme partout dans le monde, boycottez les produits dĂ©rivĂ©s issus des requins (page 23). De mĂȘme, n’achetez ni dent, ni mĂąchoire de requin en guise de souvenirs pour ne pas encourager ce marchĂ©.

CHAIR DE REQUIN

PRODUITS DÉRIVÉSN’achetez pas de produits dĂ©rivĂ©s issus des requins

Chacun de nous peut Ɠuvrer Ă  son Ă©chelle pour la protection des requins. D’abord, en n’encourageant pas leur destruction, en privilĂ©giant des achats responsables. Les plus motivĂ©s peuvent agir plus concrĂštement encore.

Et vous , que pouvez-vous fa ire ?

© CandicheRequin-pÚlerin (Cetorhinus maximus)

40

Page 41: Vive les REQUINS - ASPAS

Le Shark Feeding est une activité touristique qui consiste à attirer les requins en les nourrissant pour les voir de plus prÚs. Cette pratique modifierait le comportement des squales et rapprocherait des

espĂšces vivant au large, prĂšs des cĂŽtes. Elle est Ă©galement risquĂ©e car elle peut gĂ©nĂ©rer des accidents pour les plongeurs (les requins affamĂ©s peuvent ĂȘtre agressifs).

Ne participez pas aux activités de Shark Feeding

Longitude 181 nature a lancé la Charte internationale du plongeur responsable pour mieux préserver les richesses de la mer et pour les partager plus équitablement (page 47).

La protection des requins passe aussi

par l’information au grand public, aux employĂ©s de magasins, aux responsables d’enseignes, aux restaurations collectives scolaires, Ă  vos proches... Le dĂ©pliant « Les requins protĂšgent les ocĂ©ans,

protĂ©geons les requins » est disponible gratuitement, sur simple demande auprĂšs de l’ASPAS et de Longitude 181. Un tract Ă  destination des restaurants qui servent de la viande de requin et des magasins qui vendent des produits dĂ©rivĂ©s issus du requin est inclus dans le dĂ©pliant.

Vous pouvez Ă©galement soutenir financiĂšrement les associations qui

agissent en faveur des requins en y adhérant ou en participant aux frais engagés pour cette campagne : les lobbies favorables à la destruction

des requins sont bien plus riches et puissants que nous !

Enfin, vous pouvez rejoindre une association, en devenir un membre actif, et participer Ă  des manifestations.

SHARK FEEDING

Devenez un plongeur responsable

Distribuez les dépliants et les tracts

PLONGEUR RESPONSABLE

DIFFUSEZ L’INFORMATION

SOUTENEZSoutenez les défenseurs des requins

N’hĂ©sitez pas Ă  le photocopier et Ă  le distribuer autour de vous.

41

Page 42: Vive les REQUINS - ASPAS

SEA SHEPHERD CONSERVATION SOCIETY :

Créée en 1977 par le capitaine Paul Watson, Sea Shepherd est une organisation internationale sans but lucratif qui a pour mission de mettre fin au massacre de la faune sauvage marine et à la destruction de ses habitats dans tous les océans de la planÚte.

www.seashepherd.fr

TENDUA :

Créée en 2008 par Myriam Dupuis, TENDUA est une association de sauvegarde de la biodiversité qui soutient des initiatives de conservation de la faune et de la flore. Elle défend la cause des requins depuis 2010 en organisant des conférences et en animant un blog à destination de tous dans le but de changer la perception du public.

www.tendua.org / www.protection-requins.org

SHARK ALLIANCE :

Coalition d’ONG dĂ©diĂ©e Ă  la restauration et Ă  la conservation des populations de requins en amĂ©liorant les politiques de conservation (active

de 2006 Ă  2012). En 2012, elle obtient une lĂ©gislation europĂ©enne interdisant le finning en Europe. Shark Alliance a Ă©tĂ© menĂ©e par la Pew Charitable Trusts, ONG internationale ayant pour but d’amĂ©liorer la politique publique et l’information au grand public.

www.pewtrusts.org/en

De nombreuses associations locales, nationales et internationales se mobilisent pour la protection de la vie marine, et notamment des requins. Voici les principales.

Ils ag issent pour les requ ins et l ’ocĂ©an

© Thierry Peres

42

Page 43: Vive les REQUINS - ASPAS

SHARK ATTACK SURVIVORS FOR SHARK CONSERVATION :

L'association protĂšge les populations dĂ©croissantes et menacĂ©es de requins. Ses membres sont des surfeurs, nageurs et autres personnes venant du monde entier, qui, bien qu’ayant Ă©tĂ© victimes d’attaques terrifiantes et de blessures graves, reconnaissent que ces prĂ©dateurs sont en danger d’extinction, et que cette situation met en pĂ©ril les ocĂ©ans et l’ensemble des Ă©cosystĂšmes marins.

www.facebook.com/SharkAttackSurvivors

BLOOM : FondĂ©e par Claire Nouvian en 2004, BLOOM a pour mission de changer de paradigme Ă©conomique afin d’optimiser l’exploitation du bien commun universel qu’est

la biodiversitĂ© marine. Elle met en place des pratiques limitant les impacts sur les espĂšces non-ciblĂ©es et les habitats, la crĂ©ation d’emplois grĂące au dĂ©veloppement du secteur de la pĂȘche artisanale et une meilleure rĂ©partition des subventions publiques françaises et europĂ©ennes, aujourd’hui captĂ©es par le lobby de la pĂȘche industrielle.

www.bloomassociation.org

COLLECTIF D’ASSOCIATIONS POUR UNE COHABITATION HARMONIEUSE AVEC LES REQUINS À LA RÉUNION

© Shark Attack Survivors for Shark Conservation

Survivants d'un accident liĂ© Ă  un requin en visite Ă  l'ONU en 2010 pour demander de mettre fin Ă  la pĂȘche des espĂšces de requins vulnĂ©rables.

Depuis 2013, un collectif de 8 asso-ciations s’est rassemblĂ© pour pro-tĂ©ger les requins Ă  La RĂ©union. Il regroupe 2 associations locales, Vagues et Requin IntĂ©gration, et 6 associations nationales et inter-nationales : l’ASPAS, Longitude 181 Nature, Sea Shepherd France, Fondation Brigitte Bardot, Ten-

dua et Sauvegarde des requins. Le collectif s’oppose fermement Ă  tous les prĂ©lĂšvements de requins, punitifs ou prĂ©ventifs, pratiquĂ©s « au hasard », sans arguments scien-tifiques dĂ©montrant que l’élimination des requins rĂ©duirait le risque d’acci-dents, lors de la pratique d’activitĂ©s balnĂ©aires.

Page 44: Vive les REQUINS - ASPAS

Un cocktail Molotov a Ă©tĂ© dĂ©couvert devant les locaux de la RĂ©serve marine de La RĂ©union ! StĂ©phane Girard, responsable local de Sea Shepherd, a dĂ» quitter l’üle Ă  cause de cette violence.

En mĂ©tropole, mĂȘme bru-talitĂ© de la part des anti-loups. Deux gardes du Parc du Mercantour se font atta-quer Ă  coups de pioche par un Ă©leveur, les locaux d’une a s s o c i a t i o n naturaliste sont saccagĂ©s par des reprĂ©sentants de syndicats de l’élevage ovin, un administrateur de l’ASPAS se fait molester Ă  la sortie d’une rĂ©union.

Partout fusent des menaces de mort

de plus en plus virulentes : s’occuper de biodiversitĂ©

est devenu risqué.

Comme les requins, le loup est un

superprédateur dans la nature, mais menacé et fragilisé par les activités humaines. Les requins et le loup occupent une place étrangement comparable dans nos imaginaires, nos fantasmes et nos terreurs pro-

fondes. Or, la peur et l’igno-rance sont les sƓurs de la

haine. Elles provoquent des réflexes, mais

pas de réflexion.

Le plus prĂ©occu-pant, c’est que les ministres et leurs administra-tions soutiennent

généralement les casseurs. Ainsi

confortés dans leurs actions, les anti-nature

instaurent une situation à haut risque de dérapage. Les

décideurs choisissent donc une im-probable « paix sociale », contre la sécurité des habitants, ignorant les spécialistes qui proposent des solu-tions à long terme.

Merci donc d’avoir acquis cette bro-chure, de soutenir ceux qui Ɠuvrent pour l’avenir. Les requins et le loup ont besoin de vous.

Les requins et le loup : la force fragile

Les anti-requins et les anti-loups se montrent de plus en plus violents contre les animaux, mais aussi contre ceux qui les protÚgent. Les autorités laissent faire.

44

Page 45: Vive les REQUINS - ASPAS

Les requins protÚgent nos océans, protégeons-les !

© T

end

ua -

Myr

iam

Dup

uis

Requin pointe blanche du récif (Carcharhinus albimarginatus)

45

Page 46: Vive les REQUINS - ASPAS

BI

BL

IO

Études sc ient if iquesSUR L’ÉTAT DES POPULATIONS ET LEUR SUREXPLOITATION

Dulvy et al. « Extinction risk and conservation of the world’s sharks and rays, eLife », 2014

Ferretti F. et al., « Loss of larger predatory sharks from the Mediterranean Sea », 2008

Rapport de Traffic « Into the deep : implementing cites measures for commercialy-valuable sharks and manta rays », 2013

Rapport de l'UICN « Liste rouge des espÚces menacées en France », 2013

Rapport de la FAO « la situation des pĂȘches et de l’aquaculture », 2014

Rapport de la CITES « EntrĂ©e en vigueur des amendements Ă  l’Annexe II pour 5 espĂšces de requins », 2014

Worms B. et al., « Global catches, exploitation rates, and rebuilding options for sharks marine policy », 2013

SUR LE SQUALANE

EnquĂȘte de Bloom « Le prix hideux de la beautĂ©. Une enquĂȘte sur le marchĂ© de l’huile de foie de requin profond », 2012

Étude de Bloom « La belle et la bĂȘte, du requin dans nos crĂšmes de beautĂ© », 2015

Ouvrages CALCAGNO Robert, «Requins au-delà du malentendu»,

Éd. du Rocher, 2013, (144 p.)

GIRAUD Marc, « Calme plat chez les soles », Éd. Robert Laffont, 2007,

(352 p.)

MOJETTA Angelo, « Les Requins », Éd. GrĂŒnd, 1998, (167 p.)

PACCALET Yves, « La vie secrĂšte des requins », Éd. l’Archipel, 2003, (298 p.)

PACCALET Yves, « Éloge des Mangeurs d’hommes, loups, ours, requins
 sauvons-les ! », Ed. Arthaud, 2014, (213 p.)

SARANO François, « Rencontres Sauvages », RĂ©flexions sur 40 annĂ©es d’observations sous-marines, Éd. gap, 2011, (256 p.)

SUR LA RÉUNION

Rapport scientifique final du programme CHARC « Étude du comportement des requins bouledogue (Carcharhinus leucas) et tigre (Galeocerdo cuvier) Ă  La RĂ©union », avril 2015.

SUR LA TOXICITÉ

Les intoxications par Consommation d’Animaux Marins (ICAM) dans l’OcĂ©an Indien, ARVAM, 2000

Recommandation d’un comitĂ© des Nations Unies sur la dose maximale de mercure admissible dans l’alimentation, OMS, 2003

Contamination des requins, notamment tigre et bouledogue, par des ciguatoxines : occurrence, mĂ©thodes analytiques, cas humains rapportĂ©s et Ă©lĂ©ments d’éthologie, Avis de l’ANSES - rapport d’expertise collective, AoĂ»t 2014

S ites internet http://www.traffic.org/home/2013/7/30/new-study-gets-its-teeth-into-shark-trade-regulations.html

http://www.fao.org/3/a-i3720f.pdf

http://www.iucn.org/?3362/2/Un-tiers-des-

http://www.liberation.fr/terre/2013/08/02/protection-des-requins-certains-pecheurs-se-contenteront-de-debarquer-leurs-prises-ailleurs_922402

http://www.liberation.fr/terre/2013/07/30/indonesie-inde-et-espagne-en-tete-des-pays-pecheurs-de-requins_921655

http://www.liberation.fr/terre/2012/08/27/aux-surfeurs-et-a-ceux-qui-veulent-eliminer-les-requins_842169

http://rue89.nouvelobs.com/2015/06/12/a-reunion-les-pro-anti-requins-dechirent-259722

http://reunion.la1ere.fr/2014/09/17/la-viande-de-requin-reste-interdite-la-consommation-188632.html

http://www.flmnh.ufl.edu/fish/sharks/statistics/statsw.htm

http://reunion.la1ere.fr/2015/04/29/la-lettre-emouvante-de-la-mere-de-talon-bishop-victime-d-une-attaque-de-requin-l-etang-sale-251901.html

requins-de-haute-mer-sont-menaces-dextinction

46

Page 47: Vive les REQUINS - ASPAS

www.longitude181.org

Longitude 181 agit pour la protection du milieu marin et le partage Ă©quitable de ses ressources. Elle a pour objectif d’aller Ă  la dĂ©couverte de la nature, Ă  la rencontre des hommes et de leurs traditions.

Elle a mis en place, en 2002, La Charte Internationale du Plongeur Responsable, aujourd’hui traduite en 22 langues. Actuellement, les structures ambassadrices de cette Charte sont rĂ©parties sur 20 pays en plus de la France MĂ©tropolitaine et de ses Outremers. Depuis 2003, Longitude 181 mĂšne des campagnes pour la prĂ©servation des requins et a participĂ© trĂšs activement Ă  la fondation de Shark Alliance. Elle a notamment obtenu leur protection dans l’immense ZEE de la PolynĂ©sie française (en 2007) et Ă  bord de tous les navires de l’U.E. (en 2012, dans le cadre de Shark Alliance). Elle poursuit cette action avec un programme scientifique international d’étude des requins de MĂ©diterranĂ©e, dont le mythique grand requin blanc.

En 2012, Longitude 181 rejoint l’ASPAS et Sea Shepherd France dans les dĂ©pĂŽts de plainte contre les dĂ©cisions abusives des Ă©lus locaux pour la destruction infondĂ©e des requins sur l’üle de La RĂ©union. Depuis, elle mĂšne une action assidue Ă  la RĂ©union pour parvenir Ă  une cohabitation harmonieuse avec les requins.

Longitude 181 nature

Longitude 181 Nature12, rue La Fontaine 26000 Valence - France

Mail. [email protected]

© T

end

ua -

Myr

iam

Dup

uis

Requin pointe blanche du récif (Carcharhinus albimarginatus)

Page 48: Vive les REQUINS - ASPAS