Vie et œuvre de E.-Paul GRABER - RERO DOC · tour inopiné vers la capitale lémanique provoqua le...

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Willy Schüpbach Vie et œuvre de E.-Paul GRABER (30 mai 1875 – 30 juillet 1956) Février 2007 1

Transcript of Vie et œuvre de E.-Paul GRABER - RERO DOC · tour inopiné vers la capitale lémanique provoqua le...

  • Willy Schpbach

    Vie et uvre de

    E.-Paul GRABER(30 mai 1875 30 juillet 1956)

    Fvrier 2007

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  • Le premier exemplaire de Vie et uvre de E.-Paul Graber,les photographies et autres documents originaux annexs,

    sont destins au Fonds E.-Paul Graber, constitu la Bibliothque de la ville de La Chaux-de-Fonds,

    selon conventions conclues avec le Conseil communal le 5 octobre 2001.

    2007 Willy SchpbachContact : chemin de la Rpaz 8, 1038 Bercher

    tl. 021 887 70 26courriel : [email protected]

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  • En souvenir de mes parents,Laure et Ernest, militantssocialistes, syndicalisteset cooprateurs

    Avec laccord bienveillantet laide apprcie de Rene,mon pouse

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  • Je remercie P. A. Schpbach de la correction, de la mise enpage et de limpression ainsi que des mille conseils prodigus,sans lesquels cette ralisation et t impossible.

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    Je tiens exprimer ma reconnaissance :

    Au Conseil communal de la Ville de La Chaux-de-Fonds,pour sa dcision opportune de constituer un fonds spcialintitul Fonds E.-Paul Graber ;

    la Direction et au Personnel de la Bibliothque de la villede La Chaux-de-Fonds, en gnral, Sylvie Bguelin,conservatrice des fonds spciaux, en particulier, pour leuraimable disponibilit ;

    Pierre et Rene Graber, Lausanne, pour leurs encourage-ments, leurs remarques critiques et pertinentes, leur aidesubstantielle et la mise disposition de prcieux documents ;

    Werner Blum challens, John Clerc, Fribourg, RogerDuvoisin, Bonvillars, Frdric Gonseth, La Croix sur Lutry,Philippe Graber, Vallorbe, Willy Kurz, La Chaux-de-Fonds,Charles-F. Pochon, Berne, Margherita et Vital Sermier-Simoni, Lausanne, pour leurs dons photographiques ou autresdocuments ;

    Fernand Donz, Neuchtel, ancien directeur de laBibliothque de la Ville, pour son aide et ses conseils amicaux.

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  • Vie et uvre de

    E.-Paul GRABER

    Premire partie

    1. Avant-propos, 2. Travers, 3. Les Bayards,4. La Chaux-de-Fonds, 5. Berne, 6. Neuchtel,

    du 30 mai 1875 au 21 novembre 1935

    1. Avant-propos

    1.01 Des raisons de combler une lacune

    E.-Paul Graber [E.-P.G. par la suite !] a commenc de rdiger les Mmoiresdun tmoin dune poque de transition : 1875-1956 le jour de son 72e anniversaire,le 30 mai 1947 Champex. Llan et lenthousiasme dont il fit preuve dans la d-fense de ses causes les plus chres syndicalisme, socialisme, coopratisme navaient pas disparu ; peut-tre, taient-ils attnus par le manque de flammequil dplorait chez certains de ses successeurs !

    Le manuscrit des Mmoires a t dcouvert tardivement. Pierre Graber ditapour les parents et amis un rsum, comprenant la reproduction de quelquespages manuscrites, intitul E.-P. Graber 1875-1956 Mmoires.

    Jai honte de mtre content trop longtemps du rsum, alors que je dis-posais dune photocopie du Manuscrit. Certes, je ne suis pas historien et lescontraintes dune retraite active dcouverte du monde et du jardinage, re-trouvailles avec les forts de sapins et la flore des Montagnes neuchteloises dema jeunesse, difficult dcrocher de mes activits syndicales et politiques r-siduelles, connivence de lcriture avec lordinateur et, last but not least, ap-prentissage tardif de lart dtre grand-pre mont fait prendre un retard cou-pable dans la connaissance plus prcise des origines du mouvement ouvrier et desluttes de nos pres et grands-pres. Tandis que lnonc des avances sociales ethumaines spectaculaires des dbuts du XXe sicle stait rvl exemplaire danslexercice de mon activit syndicale professionnelle.

    Enfin, 125 ans aprs la naissance de lauteur, je me suis promen sur les 133pages de son Manuscrit. Jy ai cueilli renseignements prcieux et citations enthou-siastes avec la dlectation qui me guide encore travers les hauts lieux de ma jeu-nesse. Tout simplement, parce que les rigueurs de lhiver 1998-99 eurent raison delamour de Pierre Graber pour le rude paysage et la tranquillit de Savigny. Le re-tour inopin vers la capitale lmanique provoqua le tri puis le placement dar-chives. En procdant au regroupement de prcieux souvenirs, les peintures et des-

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  • sins du pre de lancien Prsident de la Confdration me furent confis. Cettemarque de confiance, ressentie comme un honneur, me combla de joie. Puis, en en-visageant de les rapatrier La Chaux-de-Fonds, naquit lide de joindre dautresdocuments capables de rappeler la mmoire de lenseignant, matre de dessin puisdfenseur des familles ouvrires, mais aussi de la ville de La Chaux-de-Fonds, engnral, devenue rapidement sienne, comme elle restera mienne.

    Dans ces circonstances, je pris connaissance des trop rares crits sur le mou-vement ouvrier des Montagnes neuchteloises et du Manuscrit de son animateurde premier plan. Ainsi, remonta la surface le souvenir dvnements vcus encompagnie quotidienne de La Sentinelle depuis mes premiers balbutiements jus-qu son arrt de mort. Parmi ces vnements, daucuns massaillent encore sansmnagement :

    Funrailles de Charles Naine, dcembre 1926 ; Krach boursier, 1929, dbut de la grande crise horlogre des annes trente ; Adhsion, 1930, aux Avant-Coureurs socialistes ; organisation de camps de vacances pour en-

    fants de chmeurs avec lappui de lUnion ouvrire et de luvre suisse dentraide ouvrire(OSEO) ;

    Dfense hroque de Vienne-la-Rouge, 1934, contre la dictature Dollfuss ; Difficults financires dues au chmage massif dans la rgion horlogre, 1930-1936 ; Monte du nazisme en Allemagne, ouverture, 1933, du camp de concentration dOranienburg

    pour dmocrates, rouges et moins rouges ; Victoire du Front populaire en France et action du Gouvernement Lon Blum, 1936 ; Dvaluation du franc suisse, septembre 1936 ; Assassinat de la Rpublique et guerre dEspagne, 1936-1939 ; Aide dcisive dE.-P.G. dans lobtention de mon premier emploi, 1938, la sortie de lcole de

    Commerce ; Mobilisation, 1939-1945, La Sentinelle en bandoulire ; Adhsions, 1942, la Jeunesse ouvrire socialiste, au Parti socialiste et au Syndicat, aprs avoir

    mordu belles dents (ds les premires) dans le pain de la Coop.

    Au fur et mesure de mes lectures, je constatai, non sans tristesse, que leshistoriens qui tentrent de reconstituer les origines, luttes, victoires et dfaites dumouvement ouvrier ne mentionnrent que trs occasionnellement le nom et en-core moins lactivit pourtant dcisive dE.-P.G. Sans tenter de dceler leurs inten-tions ni de mimproviser historien, je souhaite exposer, en toute humilit, les r-sultats de mes recherches et cogitations afin de combler une grave lacune.

    Jai ainsi lhonneur, mais aussi le plaisir, de remettre la Direction de la Bibliothque de la Ville de La Chaux-de-Fonds Vie et uvre de E.-Paul Graber,constitu, bout bout, dextraits de lectures, darticles de La Sentinelle, de docu-ments indits de Pierre Graber et de mes parents militants syndicalistes, socia-listes et cooprateurs de la premire heure le tout entreml de souvenirs etcommentaires personnels ravivs par ltude du manuscrit E.-Paul Graber.

    Bercher, le 31 aot 2001 Willy Schpbach

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  • 1.02 72 ans, E.-P.G. inaugure Champex les Mmoires dun tmoin dune poque de transition

    Pouvais-je rver un cadre plus beau ? Ce matin, 30 mai 1947, tout semblait vouloir participer cette fte defamille. Les premiers rayons, l-haut sur le Grand Plan, la Breya et sur leshauts pturages des Bovines ; les forts, ces forts fortes, fires, vibrantes,parlantes, de la haute montagne o se mlent les sapins, les pins et les m-lzes et o perce la roche et brillent les pturages ; les trois ruisseaux de laDranse plus vivants, plus bruyants, plus capricieux, plus gais dun inalt-rable optimisme chantaient leur sonate immuable ; et dans les prs une fe-rie florale comme seules les basses rgions alpestres peuvent en offrir avecleurs anmones soufres, leurs grandes gentianes et leurs primevres fari-neuses. Quelle noblesse et quelle fiert dans cette flore du printemps en noshautes rgions.

    Pouvais-je, pour fter un 72e anniversaire, rver un cadre plus beau, plusrconfortant aussi, un cadre mieux fait pour nous parler de vie, deconfiance, de foi, de grand optimisme?

    Manuscrit E.-P.G., page 1.

    Annexe No 1 : Photo Paul et Blanche Graber, devant le chalet Le Clotzi, Champex den Haut.

    1.03 Son dessein : Faire vivre deux poques profondment diffrentes

    Il ne sagit pas dune biographieEssayer dvoquer cette priode ds 1880 et cela dans un village du paysde Neuchtel. Passer de l, avec mes souvenirs, jusquau temps prsent enprenant comme cadre notre pays tout entier et mme de nombreux paystrangers o ma destine mamena et opposer ce temps prsent celui demes premires annes : tel est mon dessein. On le voit, il ne sagit pas dunebiographie, il ne sagit pas de la vie dun homme. Il sagit essentiellementde faire vivre deux poques qui me paraissent si profondment diffrentesquil vaut la peine de jeter quelques rayons de lumire sur elles traversmes souvenirs.

    Manuscrit E.-P.G., page 3.

    Annexe No 2 : Photo encadre, E.-P.G. lpoque du dbut de ses mmoires, Salon amricain,Genve. ( noter que le photographe est un rfugi juif allemand.)

    1.04 Larbre gnalogique de la famille des poux Hans Jakob Graber et Elisabeth Gammenthaler

    Larbre gnalogique, mis jour vers la fin du XXe sicle, permet au lecteur demieux situer la descendance de la Famille Graber, compte tenu des neuf garonsvivants, issus du mariage de 1863. Il est remarquer que les prnoms Hans Jakobet Elisabeth ont t franciss en Jean-Jacques, respectivement lise !

    Annexe No 3 : Reproduction de lArbre gnalogique de la Famille Graber, mis jour vers la findu XXe sicle. Don de Philippe Graber, Vallorbe (petit-fils de Robert Graber, Nyon, frre de E.-P. G).

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  • 2. TRAVERS 1875-1893

    2.01 La Famille Graber vers 1890

    La Famille Graber se compose de neufs garons, le 10e nayant pas vcu. Cesont :

    Adolphe 1864-1948, Horloger Sharpsville, PA, USA;

    mile 1866-1948, Sertisseur, La Chaux-de-Fonds ;

    Otto 1867-1941, Tapissier, mcanicien-dentiste, Travers ;

    Arthur 1868-1936, Pierriste, tapissier, Travers ;

    Hermann 1870-1908, Sertisseur, sellier-tapissier, Travers ;

    Csar 1872-1942, Sertisseur, Tavannes, La Chaux-de-Fonds ;

    Robert 1873-1957, Tapissier, Neuchtel, Nyon ;

    E.-Paul 1875-1956, Instituteur, rdacteur et directeur de La Sentinelle, D-put au Grand Conseil, Prsident du Conseil national,Les Bayards, La Chaux-de-Fonds, Berne, Neuchtel, LaChaux-de-Fonds et Lausanne ;

    Achille 1879-1962, Mcanicien, administrateur de La Sentinelle, secrtaire syndical, La Chaux-de-Fonds et Berlin, rdacteur bi-lingue ATS, Berne.

    Jean-Jacques Graber est n Langenbruck (Ble-Campagne) au lieu-dit Illisgra-ben, origine probable du nom Graber, tandis qulise Gammenthaler est origi-naire de Sumiswald (Berne).

    Annexe No 4 : photo dintrieur de la famille Graber (23.3 x 17.5 cm) ; assis : Jean-Jacques Gra-ber (1827-1905) et lise ne Gammenthaler (1842-1910) avec 8 de leurs 9 fils. Adolphe, lan, estparti 17 ans (1882) aux tats-Unis.

    2.02 1874Les Lacherelles E.-P.G. y voit le jour le 30 mai 1875

    En 1874, la famille Graber abandonne la maison de Ferdinand Blancet le village de Travers. Parce que le loyer est trop lourd, elle sen va auxLacherelles, modeste hameau sur le flanc sud-est du vallon, au pied mmede la montagne domine par le Soliat, cest--dire la cime du Creux-du-Van. L-haut, la vie est meilleur march et plus favorable au ramassagede bois mort, la cueillette de petits fruits et la culture dun grand jardinpotager. En outre, latmosphre est mieux adapte au travail intense dupre. Ce dernier avait fait un apprentissage de polier-fumiste. Dans sonvillage, il sintressa beaucoup la musique et au chant. Jeune ouvrier, ilvoyagea et se fixa Fleurier. Ses amis horlogers lui apprirent le pivotage,lachevage dchappement et le sertissage.

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  • cest l [aux Lacherelles] que le 30 mai 1875, je naquis. Jtais le hui-time fils ! Cela commenait devenir encombrant. Mes parents ntaientcependant pas gens sembarrasser pour si peu. Une vieille malle garniede paille me servit de berceau (8)

    Un jour, les parents estiment que les Lacherelles sont trop loignes de lcole duvillage o doivent se rendre les ans.

    Je nen ai pas conserv beaucoup de souvenirs, puisque je ntais pas en-core g de cinq ans, quand nous revnmes demeurer au village. (9)

    2.03 1879-1880Retour au village, tout au bout du village, direction Noiraigue

    Un brave propritaireCe fut un trs brave homme, le juge de paix, Alphonse Grisel, qui malgrles neuf bambins, neuf, car entre-temps tait n le dixime : Achille Julestant mort en naissant eut le vertueux courage de nous louer un rez-de-chausse dans une maison sise tout au bout du village en direction de Noi-raigue. (13)

    Ce fut l une existence presque pastorale pour moi. Trop jeune pour aller lcole, je passais mon temps au jardin, dans les champs, au bord duruisseau (15)

    Les garons jouent bois culot, aux marbres, en lanant sur le jeu des bou-lets de fer reliquat de lentre aux Verrires de larme du Gnral Bourbaki (1-3 fvrier1871) cou, cheval mal mont, au jeu de barres. Le soir, entre chienet loup, cest le moment des rondes avec les filles : Sur le pont dAvignon, on ydanse, on y danse ou Nous nirons plus au bois, les lauriers sont coups

    Mais qui nous rendra latmosphre entourant ces jeux et que le tempssemble avoir dtruite ? Non, ce nest plus la mme lumire, non ce nest plusle mme air o passait lodeur des tables voisines ou des foins ou des blsen train de scher, ou des troupeaux qui venaient des champs avec leurssonnettes ! Il y a l un monde qui a disparu sous la pousse du progrs. (18)

    La ferme des parrains Fritz et Marie Perrinjaquet lattire. Il va voir traire,prparer la litire ou nettoyer le btail, grands coups de brosse et dtrille. Lecoq et les poules perchs ici et l dans ltable ne lui inspirent pas confiance avecleurs vols si brusques et leur tapage.

    deux minutes du domicile, il y a la laiterie-fromagerie. Cest l que les paysansde la rgion amnent leur lait. Il en suit avec attention toutes les oprations detransformation en beurre ou en fromage.

    En hiver, il ny a que trois distractions : la descente de la rue Bachmann sur lesglisses bien ferres, les batailles de boules de neige et les rouleaux de neige par-tir du haut dune pente.

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  • 2.04 Un tournant : de la Chorale du Grtli celle de la Croix-Bleue

    Trs musicien, le pre, qui chante bien et sait dchiffrer la musique, est ap-pel diriger la chorale du Grtli qui se runit au caf Fritz Gerber. Malheureu-sement, tant les ftes de tir que le Grtli lentranent boire un verre de trop etcela cote. Les frres ans, qui en souffrent, et qui sont passs de lUnion chr-tienne la Croix-Bleue, sengagent dans labstinence, ce qui est pourtant trs malvu lpoque. Un jour, le pre dcide de suivre leur exemple. Au lieu daller aucaf, il suit les runions de la Temprance puis cre un chur mixte pour lgliseallemande, tout en chantant galement la Croix-Bleue. Toute la famille parti-cipe ces runions comme celles de lUnion cadette.

    Les occupations, moins rcratives la belle saison, consistent sarcler le jardin, soigner les cultures de lgumes et de pommes de terre, puis, larrire-automne, prparer la choucroute. La Fte de Nol se droule au Temple pour les coles dudimanche. Pour les Ftes de lan, malgr toutes les difficults, la confection destaillaules reprsente la grande vogue au village. Il nen reste pas moins que, dslge de huit ans, il faut donner un coup de main la cuisine, essuyer la vaisselle,brosser le plancher, faire lescalier, donner manger aux lapins et aux poules, ci-rer les souliers. Mais bien davantage, il faut remplir le galetas de lourdes chargesde bois et de sacs de pives, quil est ncessaire daller chercher souvent assez loin.

    2.05 Du bout du village la rue de lAbbaye

    Le dmnagement et linstallation reprsentent une dure journe, terminepar un souper fastueux : le plat de rsti. La grande chambre, avec ses deux fe-ntres, permet linstallation de trois tablis dhorloger, pour le pre avec son burinfixe, pour la mre, do elle surveille les trois plus jeunes, pour mile, devenu ser-tisseur limage du pre.

    Si mon pre tait n mcanicien, il tait aussi n pdagogue. Pas un denous nentra lcole sans savoir lire et sans savoir faire les quatre rglessimples : addition, soustraction, multiplication et division et sans savoirson livret jusquau 12. (29)

    Quand nous arrivions en classe 7 ans, nous servions de moniteurs ceux qui ne savaient rien. (29)

    Notre passe-temps tait de faire du calcul mental quand nous tions au-tour de la table du souper ou de rsoudre des problmes particulirementdifficiles (30)

    2.06 1882cole primaire Dpart du frre an pour les tats-Unis

    la suite de ses ans, il fait ses classes primaires chez MademoiselleLouisa Egger, M. Paul Droz puis dans la premire classe de M. Franois Miville.

    Ctait lge hroque, car le matre nous traitait un peu la grecque, sibien que nous tions la fois fiers et tremblants. Fiers davoir un tel matre

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  • la rputation dindpendance farouche bien tablie et qui, sil avait lamain rapide et lourde pour flanquer des claques et pour manier fort vigou-reusement la frule, savait nous intresser en sortant de la ligne rigide duprogramme pour ouvrir de nouveaux horizons. (34)

    Le souvenir le plus brlant que jaie est celui du dpart de mon frreAdolphe pour lAmrique o notre oncle Rodolphe Gammenthaler lui offritune place dapprenti horloger en lui laissant entrevoir un avenir intres-sant Mon pre fit tablir une montre cl car il navait pas confiancedans les remontoirs de choix, avec botier or. Ctait l un luxe inou quinous tint sous son charme durant tous les derniers jours. (33)

    Annexe No 5 : 2 cartes postales des 19 septembre et 23 octobre 1899, du frre an Adolphe, deSharpsville, Pa, USA, ses parents, adresses Jacob Graber, Travers (curieux messages 2tages et 2 couleurs !).

    2.07 cole secondaire, Fleurier Un jour et aprs de laborieuses discussions en famille, il fut dcid quejirais en secondaire Fleurier. Mon pre, appuy par mes ans qui semontrrent trs chics, fit des dmarches linstigation du pasteur alle-mand Comme les cours taient commencs depuis un mois dj, il y eutquelques difficults qui finirent par saplanir. (35)

    Labonnement (au Rgional) tait bon march, mais encore dans notrebudget, cela comptait ainsi que lachat des livres et des cahiers. Ctait unlourd sacrifice et, aujourdhui encore, jen prouve de la reconnaissancepour mes ans qui, hlas, navaient pas eu cette chance de faire destudes. (36)

    Mais voil, trois annes, cest vite pass. Que faire ensuite ? Nous son-gions lcole normale de Neuchtel, mais encore comment faire face auxdpenses : ltat accordait des bourses dtudes, mais encore ctait large-ment insuffisant pour vivre un an Neuchtel. Une voisine que nous appe-lions la vieille rentire fit preuve lgard de ma famille embarrassedune gnrosit que jamais je noublierai : elle nous prta 600 francs. (38)

    2.08 Descriptions de lpoque et des lieuxCe qui donnait du ton aux villages de cette poque, ctait bien les vieux.Beaucoup plus que les jeunes. (39)

    Suivent ainsi :

    Les portraits pittoresques de personnages ou familles ayant marqu la vie deTravers : Les Bachmann, Jeanneret, Blanc, Pellaton, Schoepfer, Delachaux, Grisel,Gerber, Vautravers, Waldsburger, Ingold, Jeanrenaud, Miville, etc.

    La description dinnovations gnralement bien accueillies : Leau sous pression jusqu lvier, qui fait pourtant bondir la grand-maman Bachmann

    scriant : Ce que les gens sont devenus paresseux ! Ils ne peuvent mme plus aller chercherleau la fontaine !

    La lumire lectrique qui remplace les fumeuses et nausabondes lampes ptrole en met-tant fin la carrire de lallumeur de rverbres, comme llectricit met fin celle du sonneur decloches de midi.

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  • Les vlocipdes gants, les bicyclettes pneus pleins puis, un beau jour, une voiture mo-teur. Les bicyclettes et les automobiles en se multipliant provoquent la raret puis la disparitiondes breaks en mme temps que le bruit des grelottires.

    Cest toute une tradition, toute une poque qui prenait fin. Quand donc en1892 je quittai mon village pour me rendre Neuchtel, ce ntait djplus le village de mon enfance ! (42)

    Instituteur aux Bayards puis La Chaux-de-Fonds, E.-P.G. reviendra maintesfois Travers afin dy revoir ses parents et les frres qui navaient pas migr.Comme le prouve dailleurs la carte postale annexe.

    Annexe No 6 : Carte-vue de Travers, rue de la Gare, adresse le 13 aot 1904 par P et B (Paul et Blanche Graber) Mademoiselle Laure Wuilleumier, p.a. M. Paul Graber, Progrs3, La Chaux-de-Fonds.

    voir : les portraits dlise et Jean-Jacques Graber, dessins par leur fils E.-P.G.

    2.09 1892cole Normale, Neuchtel

    Lcole normale est en ce moment une des sections du Gymnase cantonal eten partage les locaux avec lUniversit. Il y rencontre de charmants camaradesdont Henri Spinner. Parmi les professeurs, M. Charles Knapp, qui est lme mmede lcole, joue magnifiquement le rle dentraneur. Dcid obtenir son brevetdinstituteur au bout dun an, il travaille beaucoup, darrache-pied, comme disaitM. Knapp.

    Il est clair que jamais je ne songeai abandonner lUnion chrtienne.Bien plus, jy entranai mon frre Robert (ouvrier tapissier Neuchtel quivint partager et ma chambre et mes repas) qui, Travers, avait plus lha-bitude daller, avec ses amis, jouer aux cartes au restaurant, ce qui me cha-grinait fort. Quelle joie jprouvai quand je pus lentraner lUnion chr-tienne. Il en devint un si fidle partisan quaujourdhui encore, soixanteans plus tard, sa foi religieuse est lessentiel de sa vie, tandis que moi(46)

    Lanne vite coule, il faut affronter les heures dcisives des Examens dtat. Cefurent trois journes qui comptrent le plus dans ma vie. Ces examens publicsprovoquent beaucoup dinquitude chez le timide quil est. Bref, il russit si bienquil sort le premier de sa vole !

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  • 3. LES BAYARDS 1893-1901

    3.01 1893En tte de liste, mais pas radical

    Le succs et la joie dans la famille ne lui assurent point encore une placedinstituteur. Il faut attendre la mise au concours de la premire classe mixte desBayards. Lexamen consiste donner quelques leons cinq ou six lves puis enune rdaction sur le thme Comment emploierai-je mon temps hors des leons? Cette rdaction est lue haute voix par son auteur devant linspecteur cantonal,la Commission scolaire et le public.

    Jarrivais en tte de liste daprs les notes obtenues. Mais javais dans lacommission, et sans que je men doute, un adversaire dclar, un certainLouis Jornod Ce radical troit en voulait ma famille parce que noustions de La Croix-Bleue, tout dabord, mais surtout parce que mes anspenchaient vers le socialisme dont on commenait parler. (47)

    L. Jornod fait tant et si bien que Charles Peter est nomm. Malgr lopposition delInspecteur cantonal, le prsident fait procder un second tour. E.-P.G. est luhaut la main, ce qui provoque lallgresse dans toute sa famille.

    Le 15 septembre, je devais inaugurer mes fonctions devant les lves, gar-ons et filles, dont les plus gs avaient plus de 15 ans, alors que je navaisque quelques mois de plus que 18 Mme Vuilleumier tenait la premireclasse primaire. Ctait la sur du pasteur Parel de Mtiers. Elle avaitreu une brillante culture et dtenait un brevet pour lenseignement encole secondaire. Comme son frre, elle avait une prodigieuse mmoire, al-lie une magnifique intelligence. Elle eut le malheur dpouser PaulVuilleumier qui, aprs lui avoir donn quatre enfants, finit par labandon-ner. Seule, elle eut la charge de la niche et pour cela reprit lenseignement,mme en cette modeste classe primaire, ce qui lui permit de vivoter bienchichement, on le comprend. (48)

    3.02 Linstituteur doit aussi diriger le chant

    Linstituteur est charg de diriger le chant aux cultes de lglise nationale etde lire les dix commandements.

    Je navais gure de confiance en moi en ce qui concerne le chant. Quand jedus le conduire pour la premire fois, deux de mes frres vinrent me rendrevisite et, en bons chanteurs, me soutinrent quand jentonnai le cantique.(49)

    Mais linstituteur doit galement diriger le chur mixte.

    Ctait une autre chanson ! Quand je me rencontrai en face deux, jeleur dis tout de go : Vous savez, nattendez pas grand-chose de moi, je nesuis pas musicien. Cest sur vous que je compte ! (49)

    Chaque anne le chur mixte faisait une course ; a, a entrait dans mescordes et jen organisai qui eurent un rel succs (50)

    Il reste fidle lUnion chrtienne, de mme qu lglise nationale, bien que seulau milieu de fervents indpendants. Ce qui fait dire Mme Michelin :

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  • On ny comprend rien avec M. Graber, il est national, il frquente les in-dpendants, il reoit les officires de lArme du Salut en passage, il nestpas radical, il nest pas libral ! (50)

    M. Albert Piaget, un artiste horloger, comme on en trouve quelques-uns dans cevillage retir et tranquille, linvite un jour dner chez lui et lui dit :

    Je veux vous donner un bon conseil dami. Je suis libral, chacun le sait.Je ne vous demande pas de vous rattacher notre parti, mais je vousconseille de vous rattacher soit au parti radical, soit au parti libral, afinde pouvoir vous appuyer sur quelquun. Eh ! oui, dis-je, je ne puis faire nilun, ni lautre, je suis socialiste ! La foudre tombant sur la maison nauraitpu causer une stupfaction plus grande. (50)

    la Socit lmulation, linstituteur prpare le programme de la soire r-crative, runissant chaque hiver des reprsentants des deux partis politiques etdes deux glises. La notorit du rgent en dpend. Ce dernier dirige encore lescours de prparation la rforme, destins aux jeunes gens de son ge. Les prome-nades dans la nature reprsentent lessentiel de ses loisirs.

    3.03 1895Une recrue fidle ses principes au chteau de Colombier

    Je ntais pas fru de militarisme, tant sen faut. Cependant jtais rsolu faire mon devoir avec bonne volont si ce nest avec zle. (62)

    Lcole de recrues se droule sans trop dincidents prire genoux au pieddu lit ; quelques loques au tir lui valent de porter des lunettes ; refus de se cou-cher dans lherbe dtrempe, craignant le long retour la caserne en habitsmouills ; refus de toute boisson fermente lui vaut dtre trait de femmelette,alors que le gringalet abstinent, au cours dune longue marche, porte le havresaccharg du costaud qui lavait ainsi qualifi. Il termine sans avoir fait preuve dezle ni de mauvaise volont, mais il na pas flchi en face de son devoir. Il reprendsa classe tenue, en son absence, par un camarade de Normale : Alfred Guinchard.

    3.04 De lapparition dappareils feriques la mtamorphose de laffection en amour

    Jtais aux Bayards depuis 2 ou 3 ans dj quand on y installa lH-tel de Ville le premier tlphone. Je navais encore jamais vu fonctionnerun tel appareil ferique. (53)

    La seconde apparition fut celle du cinmatographe. On avait connu lalanterne magique et les images projetes sur lcran. Mais ces images r-sultaient de dessins ou de photographies inanims. Mais voici quon nousannonait des images vivantes. (54)

    Annexe No 7 : 2 cartes postales USA originales. 1) Le 20 dcembre 1895, Adolphe, lan desfrres Graber, crit de Sharpsville Paul, Les Bayards. 2) Le 28 septembre 1896, Maud crit Adolphe, son mari en visite Travers.

    Labsence dcole secondaire aux Verrires rend difficile les tudes des jeunes. Lepasteur et Madame Vuilleumier ont chacun une fille qui souhaite devenir institu-

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  • trice. la demande des parents, E.-P.G. leur donne les leons qui leur permettentde passer avec succs lexamen dentre lcole normale. Aprs deux ans, ellesobtiennent leur brevet denseignement. Blanche Vuilleumier est appele tenir laclasse de La Chaux. Cest E.-P.G. qui laccompagne, le dimanche soir, depuis lesBayards, o elle passe le week-end. Les liens damiti qui les unissent se dvelop-pent en affection puis en amour, tel point quils deviendront, en 1903 LaChaux-de-Fonds, mari et femme.

    Annexe : No 8 : reproduction dune photo de famille (31.5 x 21.5 cm) prise Travers en 1896, lorsde la visite du frre an parti aux tats-Unis lge de 16 ans. Cette photo a paru dans une re-vue fminine avec la lgende suivante :

    Envoi de M. Charles Steudler, aux Ponts-de-Martel ; cest une photo de1900-1905. Elle intressera de nombreuses lectrices de votre revue, car ilsagit de la famille Graber devant les Lacherelles, prs de Travers (Neu-chtel).

    Debout droite se trouve E. Paul Graber, ancien conseiller national ;ctait le pre de Pierre Graber, prsident de la Confdration. Juste ct de lui, le grand-pre entour de ses sept garons et de leur famille.Tout gauche, on distingue le petit char qui servait de poussette cettepoque !

    Ma mre, ge de 95 ans, est la doyenne des Ponts-de-Martel. Elle tientbeaucoup cette photo et demande quon la lui retourne aprs parution,car ces personnages taient pour elle des amis denfance.

    La photo date certainement de 1896, cest--dire de lpoque o E.-P.G.tait encore au Val de Travers ; on y reconnat notamment, de gauche droite, debout : Achille, Adolphe (en visite des USA), le pre Jean-Jacques et E.-P. G ; au milieu : Otto, devant lui sa femme Emma et lamre ; devant : Arthur et Robert avec chapeau. Deux des neuf garonsmanquent au rendez-vous : Hermann et Csar.

    3.05 1898Et les ftes du Cinquantenaire de la Rpublique neuchteloise ?

    Ce sont des vnements qui ne retiennent pas lattention dE.-P.G. dans sesMmoires. Certainement se tient-il lcart des grandes manifestations organi-ses proximit des Bayards, la Cte-aux-Fes les 9 et 10 juillet 1898, sonavis, des occasions de (trop) boire. Il colle davantage la ralit quau pays desfes, ft-il de la fe verte ! La Cte-aux-Fes, un des premiers villages proclamerla Rvolution, le 29 fvrier 1848, a acquis le droit de commmorer !

    Annexe No 9 : Affiche rouge-blanche-verte Ftes du Cinquantenaire des 9 & 10 juillet La Cte-aux-Fes, (65 cm/1 mtre de haut) Fleurier.- Imp. & Lith. Montandon.

    La commmoration cantonale officielle et le cortge du Cinquantenaire se d-roulent Neuchtel, le lundi 11 juillet dcrt fri. Les festivits offrent simul-tanment au chef-lieu loccasion dinaugurer le monument de la Rpublique etdorganiser le Tir fdral.

    Le grand spectacle, Neuchtel suisse, a t crit par Philippe Godet surune musique de Joseph Lauber. Il sagissait dune suite de 12 tableaux re-prsentant des scnes historiques de lhistoire neuchteloise

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  • Le monument lev sur la place A.-M. Piaget Neuchtel, est une ralisa-tion du Zurichois August Heer et du Blois Adolf Meyer. Personnage prin-cipal : le peuple neuchtelois sous les traits dun jeune homme tenant lefaisceau de licteur, symbole de lunion et de la force. Derrire lui la Rpu-blique, symbolise par une jeune paysanne, et Helvtia, mre bien-veillante

    Une rente de 150 360 francs par an fut verse aux acteurs vtrans de1848 tombs dans le besoin.

    RGT Engagement total pour lunit en 1898, LExpress/LImpartial,Histoire : 1898-1948, samedi 28 fvrier 1998.

    *

    En octobre 1898, le Conseil dtat ne compte que des radicaux ; les lec-teurs, trois ans plus tt, ont envoy 68 radicaux, 34 libraux et 16 so-cialistes au Grand Conseil Pour la majorit, la commmoration du1er Mars 1848 doit montrer clairement que le canton de Neuchtel a saplace dans la Confdration et que son rgime rpublicain est dfiniti-vement acquis. Il sagit dune clbration des grands souvenirs et dunecampagne dducation populaire. On veut consolider !

    HDW, LImpartial, 10 janvier 1998.

    Annexe No 10 : Plan du cortge du Cinquantenaire de la Rpublique neuchteloise, le11 juillet 1898. Ordre de rassemblement des Invits et des Districts ; Ordre pour la marche ducortge, linauguration du Monument ; Ordre pour vacuer la Place A.-M. Piaget (80 cm/63,5 cmde haut).

    3.06 Formation continue : Mathmatiques ou Thologie ? Dessin !

    Jprouvais trs vivement le besoin de sortir de lornire. Javais song faire des mathmatiques, mais je dus me convaincre que seul et sansmatre, je ne pouvais aborder ltude des mathmatiques suprieures. (59)

    Mes ides religieuses me firent songer la thologie Je me lanai dansltude du latin et dans celle dun cours dapologie chrtienne Hlas, cene fut pas concluant. Je ne trouvais aucun charme dcliner ou rosa oupuer et la grammaire ne mavait jamais attir. Quant lapologtique, cefut une catastrophe. Avec quelle foi et quelle joie jabordai les preuves duchristianisme. Mais je le fis avec le mme esprit de logique qui me russis-sait si bien en mathmatique. Et ce fut ma perte. (59)

    Quand il se lance dans lhistoire des religions, cest le bouquet. Plus il tourneautour des Veda, plus certaines analogies le troublent. Non, dcidment la tholo-gie nest pas sa voie.

    Annexe No 11 : carte postale de linstituteur E.-P.G., Ble le 9.9.99 (1899) Laure Vuilleumier,Les Bayards, sur de Blanche sa future pouse. Texte : 9.9.99. Vu larticle 119 de la Loi rgis-sant les rapports entre frres et surs, parents et amis, le soussign prsente demoiselleLaure Vuilleumier, originaire de La Sagne et Tramelan ses meilleures salutations. Ainsi vu etcertifi par le Chancelier de la Rpublique et Canton de Ble. E.-Paul Graber.

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  • 3.07 Davril juillet 1900Dessin lcole des Arts et Mtiers, Fribourg

    Cest alors que souvre Fribourg un cours normal pour lenseignement dudessin artistique. Moyennant un subside communal, il passe quatre mois en cechef-lieu qui tait un cadre admirable pour linitiation aux beauts de lar-chitecture mdivale.

    Annexe No 12 : photo des participants au cours de dessin artistique Fribourg, avec leurs signa-tures (28 x 23.5 cm). 2e dition : dessin E.-P.G.

    Annexe No 12a : carte postale du Grand St-Bernard Centenaire du passage des Alpes par Bonaparte et larme de rserve, adresse Paul Graber, Fribourg, 20 mai 1900.

    Premier en dessin Je fus enthousiasm par ce que jappris et me montrai si appliqu qulexamen final, appuy par une exposition de nos uvres, je sortis pre-mier.

    Ce fut pour moi une magnifique claircie et jen revins enchant et tout en-thousiasm par lenseignement du dessin. (60)

    Voir, selon Recensement des peintures et dessins E.-P.G. :53 esquisses et dessins raliss lcole des Arts et Mtiers de Fribourg;une peinture Vieilles fermes avec toit de bardeaux, Les Bayards.

    3.08 1901Le pasteur cre lincident et linstituteurquitte les Bayards

    Au cours de lexamen de fin danne, les reprsentants de la Commission sco-laire sont flanqus du nouveau pasteur national, M. John Matthey-Doret, invit.Aprs la rponse dun lve une question du matre, linvit lance dun air iro-nique et devant tout le monde : Ce ntait vraiment pas difficile pour un lve decette classe.

    Les radicaux naiment pas les unionistesParbleu, autant me dire que je les favorisais et ne me montrais pas assezexigeant. Et ce fut l lincident qui me dcida quitter les Bayards ojavais pass tant de belles annes et o je laissais de prcieux souvenirs. (61)

    Deux places furent mises au concours Neuchtel. Je me prsentai etpassai lexamen. En arrivant dans la salle je rencontrai Daniel Liniger qui et ctait particulirement gentil de sa part se pencha vers moi et memontrant linsigne des Unions chrtiennes que je portais au revers de monhabit, me dit : votre place je lenlverais. Cest mal vu ici. Il faut savoirquil y avait comme dlgus de la commission tout une lite de radicaux etque ceux-ci naimaient pas du tout les unionistes. Je remerciai Daniel Liniger qui plus tard devint un de mes trs bons amis pour cette dli-cate attention tout en lui disant : Tant pis ! je voudrais bien tre nommmais pas au prix de ce que je considre comme une lchet. Est-ce causede mon insigne, est-ce parce que je navais pas brill durant lexamen, je nesais, mais jarrivai troisime il y avait deux places repourvoir derrire

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  • Daniel Liniger et Jean Wenger de La Chaux-de-Fonds qui, lui aussi, plustard devint un ami et camarade puisque je les retrouvai tous les deuxparmi les membres du Parti socialiste neuchtelois. Je ne regrettai pasbeaucoup cet chec car peu aprs il y eut un concours La Chaux-de-Fondso je fus reu et pilot par un ami des Unions chrtiennes, Fritz Vuilleu-mier. Ici les radicaux ntaient plus matres et seigneurs puisque je fusnomm. Je considrai cela comme une chance providentielle. (61 et 62)

    Annexe No 13 : carte postale adresse le 09.12.1900 par deux des frres Graber (dont Achille) deFrankfurt a/Main E.-P.G., instituteur aux Bayards. La photo reprsente le Prsident Krger,homme politique sud-africain, prsident du Transvaal et dirigeant de la guerre des Boers contrela Grande-Bretagne. Mort Clarens en 1904 o il stait retir.

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  • 4. LA CHAUX-DE-FONDS 1901-1919

    4.01 1901-1903Instituteur aux Joux Derrire et lve lcole dArt

    Nomm instituteur La Chaux-de-Fonds, il lui est attribu la classe de LaSombaille aux Joux Derrire, une bonne demi-heure de la ville. Il prend ses re-pas dix minutes de l, chez Mme Grossenbacher dont les enfants sont ses lves.La rgion se prte bien aux promenades vers Pouillerel, Les Planchettes, voiredans les Ctes du Doubs.

    Tous les jours, aprs la classe, je descendais en ville et me rendais lcole dArt dont le directeur, M. William Aubert, mavait ouvert lesportes. De 4h et demie 6h et demie, je travaillais tout seul parfois avecles conseils du professeur douard Kaiser Le soir, nous suivions lescours donns aux lves des classes suprieures qui faisaient du modlevivant. (66)

    Dans ces classes, E.-P.G. apprend connatre, entre autres, Georges Aubert qui sefera un nom Genve, douard Jeanneret qui deviendra Le Corbusier, JustinGuinand, un joaillier au got trs sr. Le mrite en revient un professeur, artistese distinguant en peinture, en fresque et en sculpture, Charles Lplattenier(1874-1946).

    Cest que Lplattenier ntait point un de ces professeurs comme on entrouve la douzaine. Dans son enseignement, il restait artiste. Tempra-ment tonnamment robuste et souple, il sest affirm tour tour, et sou-vent tout la fois, peintre, sculpteur, architecte. Il est de la race de cesmatres duvre du Moyen Age, qui menaient ensemble la constructionet lornementation, tout en laissant aux peintres et aux sculpteurs quitravaillaient sur leur domaine, la plus grande libert.

    W. Matthey-Claudet, 1915, Plaquette Charles Lplattenier publie pourlexposition commmorative organise loccasion du centenaire de lanaissance de lartiste du 6 avril au 16 juin 1974 La Chaux-de-Fonds.

    La Chaux-de-Fonds Ce grand et beau village Toujours, malgr les droits

    Appel, Chaux-de-Fonds, Quen douane lon rencontre,

    Est par son outillage Cest chez nous que la montre

    Semblable ces grands monts, Se fera pour les rois.

    Qui dominent lespace, Jamais la concurrence

    Et semblent affronter Ici, ne prvaudra

    Louragan qui dplace, Nayant que lapparence

    Ce quil veut emporter ! Elle scroulera.

    Albert Lplattenier, Paris 1900.

    E.-P.G. travaille en compagnie de Charles Rossel, galement instituteur ; aprs unexamen pass Neuchtel, ils obtiennent ensemble le brevet pour lenseignementdu dessin artistique.

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  • Voir, selon Recensement des peintures et dessins E.-P.G. :20 dessins raliss lcole dart de La Chaux-de-Fonds, 1901-1902 ;les peintures ralises aux environs des Joux Derrire pendant les mmes annes.

    4.02 1903Mariage Installation en ville, rue du Doubs 5

    Le 1er mai 1903, Travers, E.-P.G. pouse Blanche Vuilleumier, quil avaitconnue aux Bayards. Cet vnement concide avec sa nomination dinstituteur auVieux-Collge. La noce a lieu Travers o se runissent tous les membres desdeux familles.

    E.-P.G. sloigne de lglise, en conservant des convictions religieuses

    Comme je mtais loign des glises tout en conservant des convictionsreligieuses, nous trouvmes une lgante solution : Le pasteur Charlesmery consentit bnir notre mariage en une crmonie prive et celadans la chapelle de Rochefort o toute la noce stait rendue en break. (69)

    lisabeth Vuilleumier, dite Zabe, la belle-sur du mari, qui reste pour la nuit Travers, alors que la place fait dfaut, dort dans le mme lit que la marie, tandisque E.-P.G. est relgu dans une mansarde o loge dailleurs un pensionnaire ! Lelendemain les malles sont prpares et, le dimanche soir, les jeunes maris arri-vent avec armes et bagages et leurs magnifiques espoirs La Chaux-de-Fonds osouvre une des phases les plus dcisives de leur vie.

    4.03 Voici les jeunes,antimilitaristes et antialcooliques

    Au dbut, je menais encore de front mon activit extrascolaire, celle delUnion chrtienne, celle de la Croix-Bleue et celle du Groupe dtudes duParti socialiste. lUnion chrtienne qui a ft son 50e anniversaire en1902 o nous attirait une personnalit remarquable, Paul Pettavel, nousnous rfugions dans le Groupe dhistoire, en abandonnant de plus enplus les runions religieuses. (70)

    En 1901, E.-P.G. retrouve Charles Naine, camarade dcole de Travers quiavait abandonn son activit de technicien-mcanicien et tudi le droit. Aprs unan pass Paris, il revient La Chaux-de-Fonds en nophyte ardent du so-cialisme. E.-P.G. et Charles Naine, partageant les mmes convictions, crent unGroupe de Jeunesse socialiste. Les hommes qui sy rvlent, souvent des institu-teurs, joueront un rle en vue : Maurice Maire, la tte des coopratives Ble,Francis Barbier et Fritz Eymann, dans les coopratives rgionales, CharlesSchrch au secrtariat de lUnion syndicale suisse Berne, Hermann Guinand, lexcutif de la ville, puis Prsident du Conseil communal.

    Aux lections de 1903, E.-P.G. figure dj sur la liste de la Ligue du bien socialavec 23 autres candidats. Cette liste ne recueille que 297 suffrages. lissue deslections, Jacob Schweizer devient le premier Conseiller communal socialiste.

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  • En 1907, Jean Jaurs prononce deux confrences au Temple communal ; il estquestion de J.-J. Rousseau et de la Rvolution franaise, mais aussi du socialismeet du syndicalisme. En quelque sorte un vnement marquant qui concrtise lac-tion ouvrire.

    Annexe No 13a : change pistolaire entre Hermann Guinand et Achille Graber (1959) proposde lexposition commmorative du centenaire de la naissance de Jean Jaurs et rappelant sonpassage La Chaux-de-Fonds en 1907.

    Lantimilitarisme prn par les socialistes est d aux menaces de conflit arm quipsent sur lEurope au dbut du sicle. Aussi, la manifestation du 1er mai viseavant tout combattre le militarisme et soutenir les efforts de paix.

    Au sein des organisations ouvrires, Charles Naine et E.-P. G sopposent lha-bitude assez gnrale de trop boire et sefforcent de soutenir les efforts des ou-vriers visant crer des syndicats professionnels, comme le prvoit le programmesocialiste.

    Abord dabord sous langle moral, lalcoolisme est envisag dans uneperspective conomique et sociale par les socialistes du dbut du sicle.

    4.04 1819-1903Le Dr P. Coullery, mdecin des pauvres, est le premier reprsentant des ouvriers dans un parlement cantonal

    Au dbut du sicle, parler de socialisme, cest voquer la figure de PierreCoullery, le mdecin des pauvres, se dpeignant comme suit :

    Je suis le fils dun homme nayant rien, ou presque rien, quun corps uspar le travail

    6 ans jtais bouvier, 13 jtais domestique, 14 jtudiais au collge,de 1842 1848 jtais aux universits de Munich, de Paris et de Berne.Jusquau moment o jai quitt ma patrie, jai employ tous les loisirs travailler la campagne Pour tudier, jai donn des leons, et par cetravail jai gagn ma vie et pay mes tudes ; je nai dpens largent depersonne, mes parents ne pouvaient pas maider. Depuis deux ans jcrisle jour, la nuit ; cest un mtier dlicieux, mais qui ne rapporte rien. Sijavais de largent pour vivoter, je me remettrais ltude et ferais mesexamens le plus tt possible ; si javais eu trois cents francs, il y a troisans, jexercerais la mdecine depuis longtemps

    Je dois dire aussi que plus de cent fois dans ma vie jai t 24 heures etplus sans rien manger. Cette cole-l ma fait tudier la socit, je laconnais. Jen maudis les institutions et travaillerai jusqu ma mort lesrformer. Cette cole ma attendri le cur et ma fait lami de tout ce quisouffre ; je dfendrai donc toujours louvrier et le pauvre.

    Charles Thomann, Pierre Coullery le Mdecin des Pauvres, 1956

    P. Coullery est non seulement un des pionniers du socialisme suisse et le fon-dateur du parti socialiste neuchtelois, mais il fut, en 1849, le premier repr-sentant des travailleurs nomm dput dans un canton suisse (Berne, districtlectoral de Porrentruy).

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  • Arnold Bolle se souvient quenfant il faisait ses devoirs de lcole primaire lalueur de la lampe ptrole et allait chercher leau la fontaine ou au puits. Dansun volume qui contient quelques notations du pass, il sexprime comme suit propos du Dr Coullery :

    Cest en 1855 quil stablit La Chaux-de-Fonds o, adhrant au partiradical, il ne tarda pas tre lu dput de ce parti au Grand Conseil neu-chtelois. Les travailleurs formaient laile gauche du parti radical. Maisses ides y rendirent rapidement sa situation intenable. Il fut en fait lundes pionniers les plus entranants et les plus intelligents du socialisme enSuisse

    Ayant moi-mme publi un ouvrage prconisant la Communaut profes-sionnelle, je dcouvris avec une nette satisfaction cette vue prophtiquede Pierre Coullery quant lorganisation du travail : Chaque travailleur,pour exercer son mtier, adhrerait une organisation professionnelle, etun jour viendrait o chacun serait syndiqu. Les syndicats patronaux etouvriers formeraient une chambre syndicale mixte, prside ventuelle-ment par un membre de lAutorit judiciaire.

    Arnold Bolle, Le Nid de la Cit La Chaux-de-Fonds dautrefois, 1970.

    La Chaux-de-Fonds, le Dr Coullery est lu juge de paix en 1866. Cette fonctionlui permet de vrifier ce que le mdecin avait constat, cest--dire le pauprismeet la souffrance dune partie de la population. En 1889, rassemblant 2000 lec-teurs, il est lu dput au Grand Conseil neuchtelois et impose la reprsentationproportionnelle. Le parti socialiste simplante dfinitivement au lgislatif canto-nal. Il est rlu avec 2464 voix. Les buts du coullerysme se rsument ainsi :cration de syndicats obligatoires, mancipation de la femme, application de ladoctrine du Christ et non de la religion officielle, asservissement du capital au tra-vail, action lectorale et respect de la proprit prive.

    Lorsque Coullery entrait dans un caf lheure de labsinthe, il tapait de sacanne et commandait : Un verre de lait ! Les cafetiers ne laimaient gure. chaque apparition, il leur supprimait de la clientle.

    4.05 Lutte entre modrs, autoritaires et anarchistes Du coullerysme dcoule le socialisme de Naine, Petttavel et Graber

    De lanarchisme au socialismeNos anarchistes jurassiens, de qui procdrent les mouvements coopra-tifs, syndical et socialiste dans notre rgion furent essentiellement desantiautoritaires et sopposrent, en pense et en acte, toute violence.Leur doctrine exprima la fraternit, lgalit, la libert sous une forme la fois antireligieuse et presque tendrement vanglique La lutte essen-tielle qui connut son apoge dans le Jura et dtermina les directivesdans lesquelles allait sengager le mouvement ouvrier, opposa la doctrinecollectiviste, antiautoritaire, antitatiste, du prince russe Michel Bakou-nine celle, collectiviste, autoritaire, tatiste, tout au moins dans sa pre-mire phase, de Karl Marx, reprise et incarne dans lhistoire par Lnine.Un troisime interlocuteur stait prsent, La Chaux-de-Fonds, en lapersonne du Dr Pierre Coullery, des ides duquel dcoula bientt le socia-lisme plus vigoureux et plus ralisateur des Naine, Pettavel et Graber.Cest Coullery qui avait cr, en 1865, La Chaux-de-Fonds, au Locle,

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  • Saint-Imier, Sonvilier, Bienne et jusqu Boncourt, les premires sectionsjurassiennes de lInternationale socialiste, fonde elle-mme Londres enseptembre 1864.

    Jean-Marie Nussbaum, Suite jurassienne, Histoire dun mouvement ou-vrier, pages 83/4/5. Esprit Cahiers Suisses. la Baconnire.1951.

    Si Coullery, Naine et Graber ne sont pas proprement parler les inventeurs du so-cialisme dmocratique, comme lcrit Jean Liniger dans lintroduction de Mmoires et Rflexions du moins en ont-ils t de trs ardents propagateurs dansle Jura et toute la Suisse romande.

    L o lentente de ces trois pionniers tait parfaite, ctait dans laf-firmation que le socialisme est une morale et presque une religion autantquune doctrine politique et conomique

    Le dernier avatar du socialisme jurassien ne pouvait souhaiter avoir demeilleurs parrains, un mdecin (Coullery) pour veiller sur sa naissancelaborieuse, un avocat (Naine) pour attester sa parfaite lgitimit socia-liste et dmocratique et linstituteur Graber pour lui dispenser le meilleurdes enseignements.

    Jean Liniger, introduction de Mmoires et Rflexions, Pierre Graber, di-tions 24 Heures, 1992.

    Entre 1900 et 1910, lUnion ouvrire engage une lutte ouverte

    contre le mouvement libertaire et les anarchistes Le succs des modrs est partout acquis en 1912. Aprs avoir soutenude nombreuses grves, lUnion ouvrire de La Chaux-de-Fonds et le Partisocialiste neuchtelois refusent dappuyer un nouveau mouvement reven-dicatif des maons et manuvres qui se terminera vite et sans gloire, r-vlant la faiblesse des anarchistes.

    Jacques Ramseyer, Les anarchistes de La Chaux-de-Fonds (1880-1914),Muse neuchtelois No 1, janvier-mars 1985.

    Lauteur prcit note encore quun grand dbat contradictoire avait oppos auCercle ouvrier, le 6 mai 1910, le leader socialiste E.-P.G. et linfatigable propa-gandiste libertaire Sbastien Faure. Alors que Graber condamnait lusage de laviolence, Faure rpondait en fustigeant larrivisme des lus ouvriers.

    En outre, lUnion ouvrire se proccupe dj de la cration dun secrtariat perma-nent et dune Maison du Peuple. Tandis que le premier sera cr en 1919, la se-conde ne verra le jour quen 1924. En 1905, lUnion ouvrire regroupe 25 syndicatsavec environ 3000 membres ; en 1912, ils sont 19 syndicats avec 3900 membres.

    Annexe No 14 : Le peuple btira sa Maison, Carte officielle Maison du Peuple, Cortge allgo-rique, La Chaux-de-Fonds, septembre 1912.

    4.06 la Socit Pdagogique, de membre actif prsident

    La Socit pdagogique runit peu prs tous les instituteurs et institutricesde la commune. Les sances au collge primaire sont bien frquentes. Un groupede jeunes, au sein duquel se retrouvent les animateurs du Groupe de la jeunesse

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  • socialiste, sinitie aux tendances pdagogiques nouvelles inspires par lcole ddouard Claparde de Genve. Un foss se creuse entre les anciens et les nou-veaux et des divergences saffirment au cours des confrences officielles de dis-trict. Dans lenseignement de lhistoire,

    la vieille cole sen tenait essentiellement aux faits quillustraient les ba-tailles, aux faits guerriers et hroques. Il sagissait avant tout de galvani-ser le sentiment patriotique. La nouvelle cole, elle, entendait mettre aupremier plan le dveloppement de la civilisation et particulirement lvo-lution conomique et sociale. Elle mettait les philanthropes, les philo-sophes, les savants, les ducateurs, les inventeurs au premier plan, au-des-sus des hros militaires Aprs une discussion au cours de laquelle lesjeunes saffirmrent, on vit la majorit leur donner raison. (71bis)

    Les jeunes doivent accepter de lourdes responsabilits et E.-P.G. choit la pr-sidence. Le professeur Brunot, de Paris, donne une srie de confrences sur len-seignement du franais. Des semaines pdagogiques puis des voyages dtudessont organiss en Suisse Gruyre, Lucerne, Suisse centrale, Valais, Tessin et ltranger Paris, Vienne, Prague. Ds 1913-14, il est introduit un enseignementantialcoolique.

    Annexe No 14a : Photocopie de la lettre du 18 juin 1912, adresse du Conseil national, par E.-P.G., Gaston Sandoz, instituteur, Promenade 10, La Chaux-de-Fonds.

    4.07 Llan socialiste supple petit petit les convictions religieuses

    Mes convictions religieuses, dj fortement entames par mes lecturesapologtiques, historiques et philosophiques, finirent au contact du mondereligieux par smousser tel point quil me devint impossible de continuer participer quelque culte ou quelque runion que ce ft. Et cette volu-tion se fit sans que la moindre animosit ne mait jamais anim lgarddes croyants. (76)

    E.-P.G. est de plus en plus attir par le mouvement socialiste et ses multiplesactivits. Le Groupe de jeunesse, ou Groupe dtudes, qui connat un re-tentissement grandissant, est lme du Cercle ouvrier tabli dans lancienne syna-gogue rue de la Serre 35a puis la rue du 1er mars 15, lorsque les locaux de-viennent trop exigus.

    Cette magnifique priode voit se succder des discussions enflammes, dessances pathtiques, des soires thtrales et musicales

    4.08 1904Naissance dune petite Blanche Aime

    En mon foyer, jtais heureux tant laffection qui nous unissait tait pro-fonde et vibrante Une petite fille nous vint et lillumina davantage en-core : Aime Blanche se rtablit rapidement et devint une maman affec-tueuse, vigilante et attentive. Cest ainsi que sa fille fut entoure des soinsles plus intelligents. Quelle fte quand elle commena nous raconter deshistoires Nous tions au septime ciel ! Il est clair que sa grand-mamanVuilleumier ne tarda pas venir contempler notre petite merveille. (78)

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  • Annexe No 15 : photo (A. Werner, rue de la Paix 55bis, La Chaux-de-Fonds) Laure AmandaVuilleumier ne Parel et Blanche Graber ne Vuilleumier tenant la petite Aime Graber ne le29 aot 1904, fille de E.-Paul et Blanche Graber. 1904-1905.

    Annexe No 16 : photo la famille E.-P.G., 1907.

    4.09 1908puis dun petit Pierre Paul, rue du Nord 17

    Lappartement de la rue du Doubs 5 savrant trop exigu et peu confortable,la Famille Graber dmnage, le 10 juillet 1907, au 3e tage de la rue du Nord 17.Cest dans le nouvel appartement que nat Pierre, le 6 dcembre 1908.

    Pierre tait n trs chtif Sur lavis du docteur, il fallut lui administrerchaque jour des bains et lui faire des frictions. Ce fut ma tche durant plu-sieurs annes. Au-dessous demeurait la famille mile Schaad-Hirschy.Pierre se lia dune forte amiti avec le cadet, Sami. Celui-ci tait plusjeune et Pierre avait pour lui des soins paternels. Ctait touchant (79)

    propos du domicile Nord 17 et de lamiti entre Pierre Graber et SamiSchaad, Philippe Graber (1931) de Vallorbe, petit-fils de Robert Graber(frre dE.-P.G.) fait observer que les familles Schaad et Graber eurent undestin commun en ce sens que la sur du petit Sami prcit, Marie-Louise Schaad, devint sa mre (de Philippe), aprs avoir pous Paul Gra-ber, fils de Robert, Nyon. En outre Jean Hirschy, frre de sa grand-mrematernelle, devint directeur de lcole dart de La Chaux-de-Fonds.

    Annexe No 17 : Photo de famille, 1911. On reconnat sur la moiti gauche, debout : E.-P.G. exhibant La Sentinelle ; devant lui, assise : Blanche Graber ; tout gauche, assis :Pierre ; au centre devant, accroupie : Aime.

    4.10 1903-1916Du Vieux-Collge La Charrirepuis au Collge Primaire, innovations pdagogiques

    Pour se rendre la Charrire, le chemin dE.-P.G. est aussi accident quecourt. Il y retrouve un ancien des Bayards, des voisins et des collgues de lutte.Les innovations pdagogiques le tentent beaucoup.

    Cest ainsi que javais introduit une sorte denseignement par lespritdobservation que je considrais comme fondamental QuandM. douard Wasserfallen, directeur mon ancien professeur de secon-daire Fleurier entra un jour dans ma classe au milieu dune leon exp-rimentale et de tout le beau dsordre qui en rsultait, il fut quelque peusurpris mais comprit bien vite la haute valeur pdagogique du procdet approuva. (81)

    Il est ensuite appel diriger au Collge primaire une classe suprieure dlvesdestins au Gymnase. Il pensait poursuivre sa carrire dinstituteur, lorsque lesvnements, en 1916, lobligent en dcider autrement.

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  • 4.11 Dbuts du mouvement coopratif : La Mnagre (1904)La Cooprative des Syndicats, avec 3 magasins (1907) puis Les Coopratives Runies (1914)

    Les ouvriers, qui staient regroups en syndicats pour obtenir de meilleuresconditions de travail et de salaire, comprennent la ncessit de se constituer en co-opratives pour amliorer leurs conditions gnrales dexistence.

    picerie Aux deux buffets du Cercle ouvrier depuis 1896, dans les locaux delancienne synagogue, rue de la Serre 35a o, le mercredi et le samedi soirs, il estpossible dacheter quelques denres alimentaires, succde la reprise du magasindune demoiselle Calame, rue de la Serre 43 immeuble occup ensuite par les bu-reaux des Coopratives runies, puis aujourdhui, par limposant Centre Coop.Lonard Daum, un vieux, un fidle, devient grant du premier magasin de la So-cit cooprative La Mnagre ouvert en fvrier 1904.

    Un magasin? Quelle audace ! Nous prouvmes autant de surprise quede haute joie, quand nous constatmes que la clientle grandissait de se-maine en semaine. (83)

    Aprs le refus de la Socit de consommation S.A. de se transformer en coopra-tive ouverte tous, lUnion ouvrire fait adopter les statuts dune nouvelle So-cit. Francis Barbier, citoyen franais n La Chaux-de-Fonds, quitte son mtierde graveur pour assumer la grance de la Cooprative des Syndicats qui com-mence son activit le 1er novembre 1907 avec 3 magasins. Le nombre des maga-sins passe 10 au cours de la 6e anne dactivit, en 1912-1913, alors que lechiffre daffaires passe de 205000 francs 1,186 million de francs.

    Boulangerie Une boulangerie cooprative est cre en1898 dj, rue de laSerre 90, sous limpulsion de Jacob Schweizer.

    Notre audace nous poussa prendre en main la boulangerie cooprativequi pitinait et se heurtait des difficults. Ce fut Maurice Maire qui eut lebeau courage dabandonner son poste dinstituteur pour la prendre enmain. (83)

    Laiterie La laiterie cooprative date de 1906 :Tout aussi modestes et tout aussi difficiles furent les dbuts de la laiteriecooprative. L tout tait crer. Ce fut une hausse de 1 centime du prix dulait qui nous stimula. Contre cette hausse, les organisations ouvrires or-ganisrent des manifestations sur la place publique. Et ce fut un autre ins-tituteur, un autre fidle de notre Groupe dtudes inspir par CharlesNaine, qui soffrit en holocauste : Fritz Eymann. (84)

    Ds 1905, Fritz Eymann, instituteur, entre ses heures de classe, tient les compteset fait tous les travaux administratifs et de propagande de cette socit avec lap-pui de membres trs dvous.

    Pharmacie Ds 1903 dj, il existe une pharmacie cooprative.

    Librairie Une librairie, dabord la rue de la Balance 16, est transfre en sep-tembre 1910 la rue Lopold-Robert 43. Elle fusionne en juillet 1912 avec la Co-oprative des syndicats.

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  • Imprimerie Limprimerie, cre en 1912, nentre dans les Coopratives Runiesquen 1916.

    Non seulement les magasins se multiplient, mais les dirigeants comprennent queles coopratives doivent se grouper. Leur fusion donne ainsi naissance, en 1914,aux Coopratives Runies qui stendent non seulement en ville, mais au Val-de-Ruz, au Locle et dans les Franches Montagnes.

    4.12 1904 et 1911Grves des maons et manuvres (1904)puis des faiseuses daiguilles (1911)Le mouvement syndical et la solidarit se dveloppent

    Les dbuts faits dhrosme, dexpriences, de sacrifices et de mille tton-nements taient passs au pays des souvenirs, puisque, comme susmentionn, lessyndicats sont lorigine de toutes les coopratives.

    Charles Naine et E.-P.G. ne restent pas insensibles la grve dclenche le18 juillet 1904 par 1600 maons et manuvres nayant pu sentendre avec les en-trepreneurs. Il sagit daugmenter les salaires horaires de quelques centimes, afinde les faire passer 35, 45 et 55 centimes pour les porte-mortier, respectivementles manuvres et les maons. Le Conseil dtat, craignant les agitateurs tran-gers, proclame ltat de sige et fait occuper militairement La Chaux-de-Fonds. LaSentinelle publie des protestations indignes ; un de ses articles dbute par cesmots : Ainsi, La Chaux-de-Fonds est conquise par les troupes neuchteloises.Les ouvriers du btiment, efficacement soutenus par syndicats et socialistes, ne serendent coupables daucun drapage. Nanmoins, des grvistes sont expulss etcertaines revendications restent insatisfaites lors de la reprise du travail, le7 aot.

    Dans les conclusions de ltude que Marc Perrenoud consacre La Grve des ma-ons et manuvres en 1904 La Chaux-de-Fonds, il est intressant de relever lepassage suivant :

    Finalement, ltude de cette grve permet de tenter de rpondre unequestion importante pour lhistoriographie politique neuchteloise : com-ment expliquer une certaine spcificit du socialisme rgional, savoirune idologie pacifiste et antimilitariste qui le marquera profondmentpendant la premire moiti de ce sicle et dont Charles Naine, puis PaulGraber ont t les porte-parole les plus en vue ? On a dj soulign ladouble origine idologique de ce mouvement : des lments de la traditionchrtienne et de lhritage anarchiste Il semble quun troisime facteurpuisse tre mis en exergue : lindustrie horlogre, si dterminante pourlensemble de la rgion, dpend essentiellement du march mondial et esttrs sensible au resserrement de ses dbouchs commerciaux. Avant lapremire guerre mondiale, les conflits militaires figurent en bonne placeparmi les causes de baisse de la demande Ceci expliquerait limpactspcifique de lidologie pacifiste dans de larges milieux

    Avec loccupation de La Chaux-de-Fonds par la troupe, cest un quatrimefacteur qui entre en jeu et qui accrditera, aux yeux de beaucoup, lideque larme est du ct des gros contre les petits

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  • Marc Perrenoud, La Grve des maons et manuvres en 1904 La Chaux-de-Fonds, Muse neuchtelois No 1 janvier-mars 1985.

    Comme Anne-Lise Grobty a le mrite de le rappeler dans Rouges et BlanchesFlammes ! La Chaux-de-Fonds au tournant du sicle :

    Dans les fabriques aussi, le progrs se fait attendre. Les ouvrires lesplus mal payes de tout le secteur horloger sont les faiseuses daiguilles.En septembre 1911, elles se rebiffent et font la grve. Par bonheur, cestun vaste mouvement de solidarit de lensemble des syndicats qui sou-tient leurs revendications On dfile dans les rues, le monde du travailfait bloc. Et cest cette dtermination qui va contraindre la direction dugroupe Universo rehausser les salaires des faiseuses daiguilles de dixpour cent

    Grvistes, chmeuses, le dfil des vexations, fatigue, angoisse face auterme du loyer payer, au dmnagement peut-tre, au logement impos-sible retrouver, journes qui se prolongent devant les viers, longue,longue est la route ! On se dfoule parfois en chantant ses misres.

    Anne-Lise Grobty, La Chaux-de-Fonds, XXe sicle, pages 25/26, ditionsdEn Haut SA, La Chaux-de-Fonds. 1993.

    4.13 1911lection de Charles Naine (1874-1926)au Conseil national

    Lactivit politique, qui comprend le parti, la cooprative et les syndicats,prend des proportions sans cesse plus importantes.

    Charles Naine, jeune avocat, reprend ladministration et la rdaction de La Senti-nelle qui vivote, en paraissant trois fois par semaine. Anim dun vritable espritde sacrifice, il gagnait juste de quoi payer son eau et non sans avoir repouss cer-taines offres pleines de sduction pour tout autre que lui. Stant mari, il vit mi-srablement. Aussi accepte-t-il, en 1910, loffre du mcne socialiste Anton Sutterqui consiste, tout dabord, prendre la responsabilit de lorganisation des coop-ratives et du parti socialiste Lausanne puis participer au lancement du Droitdu Peuple. Charles Naine, fix Lausanne, continue de suivre de trs prs le mou-vement chaux-de-fonnier. tel point que le Parti socialiste neuchtelois dcide departiciper aux lections du Conseil national, en dcembre 1911, en portantCharles Naine sur sa liste. Son lection fut un triomphe et une rcompense pourlintense activit de propagande et denrlement dploye pendant 10 ans.

    Ce fut une bataille homrique sur les places publiques de la Gare, delHtel de Ville, du March Ah ! non, on ne retrouvera jamais cetteatmosphre, cet lan, cette fougue de nos cortges conduits par la fanfareouvrire Des crises avaient secou si fortement lapathie des masses queleur rveil fut irrsistible. (87)

    Annexe No 18 : photo-carte postale Place du March, Charles Naine, sur le podium, succde La Persvrante, fanfare ouvrire. Vraisemblablement 1911, lection du Conseil national.

    Annexe No 18a : Photocopie de larticle, sign P.F., LImpartial du 05.11.1986 : Charles Naine en-trait au Conseil national il y a 75 ans, avec reproduction du Bulletin de lImpartial du05.11.1911, dimanche de llection de Charles Naine, lors du scrutin de ballottage.

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  • 4.14 1912E.-P.G. rejoint Charles Naine au Conseil nationalMajorit socialiste La Chaux-de-Fonds et au Locle

    En avril 1912, llection au Conseil fdral de M. Louis Perrier, conseiller na-tional, provoque une lection complmentaire. Au premier tour de scrutin, E.-P.G.sort en tte avec 6 824 voix. Le radical et le libral recueillent respectivement 6258 et 4151 voix. Au second tour, E.-P.G. est lu avec 10010 voix. Ainsi rejoint-ilCharles Naine sur les bancs du Conseil national quelques mois seulement aprsllection du premier socialiste neuchtelois.

    Annexe 18b : Photocopie du tableau Les reprsentants de la classe ouvrire lAssemble f-drale 1911/1914, Cent ans de Parti socialiste suisse 1888-1988, page 32. ditions den bas, Lau-sanne, 1988.

    Le 12 mai, le canton de Neuchtel procde au renouvellement de ses autoritscommunales. Le renversement de majorit est net au Locle : sur 40 conseillers g-nraux, les socialistes en lisent 23, les radicaux 12 et les libraux 5. La Chaux-de-Fonds, la situation est inextricable : 20 socialistes et 20 bourgeois. Dans lim-possiibilit dlire le Conseil communal, les partis sentendent au moins sur larptition du scrutin. Avec 3 536 bulletins (1er tour: 2 847) les socialistes obtien-nent 21 conseillers gnraux contre 19 aux partis bourgeois. Lexcutif de 7membres est prsid par Justin Stauffer, le premier prsident socialiste de la ville.Ds 1913, une dlgation de la police communale participe avec la bannire com-munale en tte du cortge du 1er mai.

    Mais nous comprmes bien vite quun tel essor ne pourrait tre soutenu sinous ne disposions pas dun journal quotidien Ma chre femme qui sedonnait cur pour nos entreprises, avait pris en main les comptes de LaSentinelle et avait recueilli 5 000 francs. Ctait nos yeux une fortune etnous dcidmes de la sacrifier pour lancer un quotidien. (88)

    Le 24 novembre 1912, la IIe Internationale runit un congrs extraordinaire Ble. Il prend la forme dune Manifestation pour la paix au cours de laquelle re-tentit dans la cathdrale de Ble la voix de Jean Jaurs : Le monde est au bord delabme, il faut substituer la rvolution proltarienne la guerre.

    Annexe No 19 : Photo Jean Jaurs (1859-1914) Format largeur 39 x hauteur 49 cm. Au verso, voirtimbre : Contrle militaire des informations, 3.8.45 !

    Annexe No 19a : Congrs de lInternationale socialiste pour la paix, Ble, 24-26 novembre 1912.

    4.14.1 1900-1914 lcole dart Le grand chambardement De brillant tudiant, E.-P.G. devient en 1912, au changement de majorit politique communale,un membre influent de sa Commission

    LArt nouveau Style sapin

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  • Au cours des annes 2005-2006, la Ville de La Chaux-de-Fonds dvoile sestrsors travers une multitude dexpositions et dvnements artistiques, maisaussi historico-juridico-politiques. Il sagit de revisiter lArt nouveau qui prit ra-cine la fin du XIXe sicle. LArt nouveau tait compos de tendances souvent re-groupes par nation. Le style sapin sappliquait la tendance chaux-de-fonnire.Les lves de lcole dart dvelopprent ce style sous linfluence de CharlesLplattenier, professeur, initiateur, en 1905, du Cours suprieur dart et de dco-ration.

    90 ans plus tard un tribunal est charg de se prononcer sur les causes de la mort du Style sapin

    Le style sapin mourut en 1914. Charles Lplattenier avait dmissionn de lcoledart sur un fond de querelles plus politiques quartistiques. Daucuns, digrantmal le changement de majorit politique de 1912, accusaient simplement les so-cialistes, notamment un de leurs leaders : Paul Graber, nouveau membre de laCommission de lcole dart, de stre mu en anti-Lplattenier, afin de mettre unterme son cours suprieur. Dautres, en revanche, souhaitaient tout aussi sim-plement, le retour de la paix lcole dart. En effet, labsence de concertation puisla nomination prcipite de trois professeurs aux cts de Lplattenier, pour for-mer ce qui allait devenir, partir de 1912, la Nouvelle Section de lcole dart, pro-voqurent une crise majeure au sein de ltablissement et une division du corpsenseignant en deux clans inconciliables.

    Revisiter lArt nouveau signifiait galement revisiter les causes de la disparition,en mars 1914, de la Nouvelle section de lcole dart. Aussi, procda-t-on la dsi-gnation dun tribunal constitu de Raymond Spira, prsident, ancien juge fd-ral, et de Mesdames Anouk Hellmann et Catherine Corthsy afin de statuer dansla cause Charles Lplattenier et consorts contre E.-Paul Graber et ses camaradessocialistes. Aprs cinq audiences qui ont connu une belle affluence de curieux etdamateurs dhistoire locale, tenues entre les automnes 2005 et 2006, le tribunala rendu son verdict.

    La prparation de lopinion publique

    Lcrivain et journaliste, J.-B. Vuillme, charg de prparer lopinion publique envue du droulement de ce procs, raconta, sa faon, lpisode de Lart nouveausous la forme dune srie de dix-sept articles parus dans LImpartial, entre no-vembre 2004 et avril 2006. Larticle du 13 dcembre 2005, qui tait cens tirer leportrait de Paul Graber, illustr dune magnifique photo extraite du fonds spcialde la Bibliothque de la Ville, portait le titre ostentatoire de Un anti-Lplatte-nier . Larticle tait lavenant ! Mais quavait Paul Graber contre cet artiste etprofesseur entour dadmiration ? se demande navement lauteur qui posedautres questions encore, toutes aussi dplaces les unes que les autres :

    Aurait-il t moqu pour son attitude conservatrice en matire dart ?

    Llve Graber aurait-il subi une blessure damour-propre et fait 27 ans le deuil de ses ambi-tions artistiques face au matre Lplattenier ?

    Serait-il anim par la dception dun rve de jeunesse inassouvi ?

    Ne serait-il pas confusment jaloux?

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  • Et, pour couronner le tout, le journaliste fait endosser E.-P.G. larticulet frocenon sign, intitul Sculpteurs de Panurge, paru dans La Sentinelle du 23 aot1911.

    Le journaliste en question ne pouvait pas mieux prouver sa mconnaissance delhomme dont il prtendait tirer le portrait, provoquer mon ire et minciter t-moigner afin de tenter de rendre Paul Graber ce qui lui tait propre !

    Il ne ma pas t particulirement difficile de jouer le tmoin lors de la dernireaudience du procs. Proche descendant des assassins socialistes de 1912 [leProcureur dixit], il me suffit dextraire des Mmoires manuscrites de Paul Gra-ber lintressant dialogue quil eut en 1903 avec le directeur M. W. Aubert, pourprouver combien les accusations prcites taient loignes de la ralit :

    Quand vint la fin de notre dernire anne lcole dart, le directeur, M.W. Aubert, mappela et me dit :

    Dites-moi Graber, songez-vous aller vous perfectionner en suivantlcole des Beaux-arts Paris ?

    Moi, et pourquoi me demandez-vous cela ?

    Cest que, selon les notes obtenues vous sortez le premier et Lon Perrin lesecond. Celui-ci aimerait beaucoup obtenir une bourse pour se rendre Pa-ris, mais daprs le rglement pour lobtenir il faut tre sorti le premier.

    Et qu cela ne tienne. Je serais ravi de voir Lon Perrin qui a du temp-rament se rendre Paris pour se perfectionner.

    Cela ne vous ferait donc rien que nous le classions premier et vous se-cond?

    Mais non, jen serais ravi et je suis sr quil bnficiera largement de len-seignement quil recevra l (67)

    Annexe No 19b : Sculpture de neige, Lon Perrin.

    Jai donc pu ainsi tmoigner que

    primo, Paul Graber disposait de qualits professionnelles, artistiques et pdagogiques suffi-santes pour porter un jugement sur les travaux de lcole dart et

    secundo, quil ntait pas jaloux, navait subi aucune blessure damour-propre, que son rve dejeunesse inassouvi ne pouvait tre que celui visant linstauration dun vritable rgime dmo-cratique sur les plans politique et conomique, avec en prime la disparition de la misre !

    Le verdict du tribunal

    Les trois juges du tribunal ont estim que le conflit trouvait son origine dansla dcision de la Commission de lcole dart de ddoubler le Cours suprieur dartet de dcoration et den confier la direction Charles Lplattenier. Dautres l-ments, en particulier les dissentiments entre le matre et ses disciples et le peudintrt rencontr par lenseignement de la Nouvelle Section auprs des matresdapprentissage de la rgion, ont fini par avoir raison de cette institution, ainsique des Ateliers dart runis qui en taient lmanation. En revanche, malgr lavivacit du dbat politique provoqu par ce conflit de 1911 1914, les trois jugesont t davis que le procs navait pas permis dtablir lexistence dun lien de cau-salit entre le comportement dErnest-Paul Graber et de ses camarades socia-listes, majoritaires depuis juillet 1912 dans les autorits communales de la Villede La Chaux-de-Fonds, et la fin de la Nouvelle Section, en mars 1914.

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  • Tout est bien qui finit bien. Merci au Tribunal de ses conclusions, aprs avoir ex-pos les faits de la cause sur plus de 70 pages !

    Annexe No 19c : Le tribunal, larrire plan : un tmoin attend son tour ! LImpartial, lundi 19juin 2006.

    4.15 18 dcembre 1912La Sentinelle, Organe des socialistes du Jura, parat dornavant tous les jours, except le dimanche

    Paraissant depuis 1890, avec une interruption de 1906 1909, La Sentinelledevient quotidienne ds le No 54 du mercredi 18 dcembre 1912. Auguste Bippert,qui devait en devenir le rdacteur, se tue peu auparavant, au cours dun vol aveclaviateur Cobioni.

    Aprs lexprience de Planeyse vint celle de Cobioni aux platures Bip-pert, invit par laviateur ne put rsister une aventure qui correspondaitsi bien son temprament. Mais peine lappareil avait-il dpass le col-lge de la Charrire quune aile se brisa, lavion scroula dans un champet le malheureux Bippert fut tu. Ctait pour nous une catastrophe. (90)

    Annexe No 20 : photo-carte postale (ditions art Perrochet & David, La Chaux-de-Fonds Lau-sanne) Auguste Bippert, passager de Cobioni, mort avec lui dans une chute effroyable daro-plane le 15 octobre 1912.

    Ds lors, il est fait appel un rdacteur franais, Louis Roya, dont la plume fine etlgante connat un beau succs. la une de La Sentinelle du 18 dcembre 1912,il signe un article Du haut de Sirius faisant suite larticle de Charles NaineEn avant !

    Dans le supplment du mme No 54, E.-P.G. intitule son article Le Coin :

    La masse frappe sur le coin qui semble ne pouvoir pntrer dans le troncdur et noueux, puis tout coup, celui-ci clate.

    Pour lheure, la fraction socialiste frappe coups redoubls sur le coin dela justice. Le bloc bourgeois se carre en la puissance rable. Laissez faire,laissez frapper. Ce nest pas en vain, un jour quelque chose clatera

    On dmontre aux Bourgeois articles du colonel Wille en mains que desconomies sont faisables dans le budget militaire.

    Peu leur chaut !

    On leur dmontre que le 75 % des jeunes gens sont dclars propres au ser-vice et que cette exagration vidente pse lourdement sur notre budget. Leministre de la guerre semble approuver cette critique.

    Peu leur chaut !

    Il faut avant tout et toujours faire front lennemi, aux socialistes.

    Le peuple y gagnera, parce quil aura devant lui une situation claire. Il luisera facile de choisir.

    E.-P.G., Supplment de La Sentinelle No 54, 18 dcembre 1912.

    propos de larticle prcit, je me permets dobserver que la signification de labrve phrase Le bloc bourgeois se carre en la puissance rable reste assez incom-prhensible, mme aprs consultation de dictionnaires de lpoque et de franaisnon conventionnel.

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  • 4.16 26 dcembre 1912E.-P.G. signe son premier article de fonddans La Sentinelle quotidienne

    Ce nest que dans La Sentinelle du 26 dcembre 1912 voir colonne degauche de la premire page annexe quE.-P.G. signe son premier article de fondintitul :

    Remettez ette ! Quel cauchemar a treint les curs depuis quelques mois ! LEurope, cepremier foyer de la civilisation moderne, ce chantier fcond et merveilleuxtournait en camp retranch

    La rivalit conomique de la Serbie et de lAutriche, la ncessit pour laBulgarie, encercle entre des concurrents, de trouver un libre passage jus-qu la Mditerrane, avaient pouss les sculaires asservis des Balkans coaliser leurs efforts

    Tous les drapeaux flambrent, tous les tats-majors se draprent en leurstuniques chamarres, et tous les plans de mobilisation furent rviss mi-nutieusement. Des millions dhommes furent sous les drapeaux, prs dunmillion camprent sur les bords de la Save

    Il reste deux lments et cest ces deux que nous accordons le plus de cr-dit. Le premier est le sentiment de rpulsion que les peuples ressententpour toute guerre Heurter ce sentiment, cest risquer gros et peut-tre fa-voriser le mouvement rvolutionnaire. Et justement nous rencontrons icile deuxime lment le proltariat organis soit dix millions dhommes a tenu Ble des assises qui ont eu un retentissement mondial

    Cet acte de solidarit, de fraternit et de virile protestation fut certai-nement dcisif. Les hommes responsables hsitants et craintifs dj, ledevinrent davantage encore

    Remettez ette ! ordonnent enfin les tats-majors ! Tous ceux qui avaientt anxieux peuvent jeter un regard reconnaissant vers Ble.

    E.-P.G., La Sentinelle, jeudi 26 dcembre 1912. (N.B. : Remettez ette ! signifie Remettez la baonnette dans le fourreau ! )

    Annexe No 20a : La Sentinelle du 26.12.1912, lre page avec lart. E.-P.G. Remettezette

    Peut-tre trop profondment franais, Louis Roya ne peut sassimiler au genre devie de la rgion ; en 1916, il finit par dcider de retourner dans son pays.

    Annexe No 21 : la carte-postale La Sentinelle, Organe socialiste du Jura, Quotidien 5 cent., LaChaux-de-Fonds. On remarque sur la dernire page de La Senti les pubs pour la Librairie et laBoulangerie coopratives. Coopratives, Syndicats, Socialisme, mme combat !

    4.17 1914-1915La Sentinelle, son directeur politique E.-P.G. et sonrdacteur Gustave Neuhaus devant le Tribunal militaire

    En octobre 1914, comparaissent devant le juge dinstruction militaire, G. Neuhaus, rdacteur, et E.-P.G., directeur politique de La Sentinelle, pour y r-pondre de diffrents dlits dinjures larme. Quelques semaines aprs le pre-mier interrogatoire, Neuhaus et E.-P.G. comparaissent nouveau. Finalement, en

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  • janvier 1915, la justice militaire rdige un acte daccusation, duquel il ressort queles rdacteurs et directeur prcits sont accuss de calomnies graves ladressedu bataillon 20 et de larme suisse, parce quils ont publi, dans La Sentinelle du12 octobre 1914, sous le titre : Souscription permanente pour couvrir le dficit etpour lancer les six pages, un avis annonant la souscription dun groupe de bour-geois du bataillon 20, en protestation de lattitude du major Sunier, 100 francs et,respectivement du 23 octobre 1914 sous le mme titre : loccasion du discours dumajor Sunier, srement inspir par lapproche des lections fdrales, don dungroupe de bourgeois du bataillon 20 88 francs, et parce quils ont ainsi fausse-ment imput des soldats du bataillon 20 des actes dinsubordination dune ex-trme gravit, des crimes militaires de nature jeter le discrdit sur la troupe etsur larme dans laquelle ils ont t commis. Dans son rquisitoire, lauditeur, ca-pitaine de Weck, de Fribourg, conclut en requrant une peine de 25 jours de pri-son.

    Aprs les plaidoiries de Naine et Brstlein, le tribunal reconnat, parmi de trslongs considrants, la ralit des souscriptions, en consquence prononce lac-quittement de Neuhaus et E.-P.G. et met les frais la charge de la Confdration.

    Cet acquittement est acclam publiquement et la plaidoirie de Charles Naine, di-te sous forme de brochure, est largement diffuse

    Annexe No 22 : La Sentinelle devant le tribunal militaire ; Plaidoirie de Charles Naine, Lausanne25 janvier 1915, Tribunal territorial IIa. La Chaux-de-Fonds, Imprimerie cooprative 1915.

    4.18 1914Action syndicale Action cooprative Action politique

    Le socialisme est un mouvement universel tendant mettre fin un mal uni-versel aussi : le capitalisme. Ainsi dbute la brochure parue au cours du premiersemestre 1914, intitule Le Socialisme, Renseignements lusage des militantsdu Parti socialiste et traitant de la situation politique et conomique sur le planfdral, neuchtelois et de La Chaux-de-Fonds. On y reconnat la svrit de lacritique dE.-P.G., sa faon de traiter simultanment de la situation sur les triplesplans fdral, cantonal et communal et dinsister sur le devoir des ouvriers dagiraux trois niveaux syndical, coopratif et politique.

    Par laction syndicale, les producteurs se groupent, sorganisent, for-ment une puissance internationale de plus de 10 millions dhommes.Cette puissance dfend le travailleur contre les dangers qui menacent sabourse, sa sant et sa dignit.

    Par laction cooprative, les consommateurs sassocient pour chapper lexploitation des intermdiaires et la mauvaise foi des commerants. Ilsgardent pour eux le bnfice, crent des rserves qui garantissent lave-nir, constituent des capitaux inalinables et indivisibles, proprit detous.

    Par laction politique, les citoyens appartenant la classe ouvrire sasso-cient pour dfendre leurs droits et empcher la classe bourgeoise dabuserdu pouvoir en sa faveur. Les ouvriers en butte aux atteintes du capita-lisme doivent lutter pour obtenir des lois protectrices, dassurance-vieillesse, -chmage, -maladie et accidents, des retraites.

    Le Socialisme, pages 1, 2 et 3.

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  • Annexe No 23 : Le Socialisme, Renseignements lusage des militants du Parti socialiste, bro-chure parue vraisemblablement lImprimerie cooprative en 1914.

    4.19 1914-1918La guerre et son cortge de misresPerte (1915) et reconqute (1918) de la majorit socialiste

    Ds 1907 apparat nouveau la controverse entre la dialectique qui donne lapaix comme rplique la guerre et celle qui lui donne la rvolution.

    Nous avions conquis deux siges au Conseil national, la majorit laCommune et une forte influence au Grand Conseil. Quand survint laguerre ! et cela pas trs longtemps aprs lmotionnant discours de Jaurs la cathdrale de Ble, o il prophtisa la paix. Et ce fut durant quatreans une terrible preuve pour nous qui voyions scrouler des pans entiersde nos rves les meilleurs. Et il fallait tenir cependant, car nous pressen-tions un tournant historique. (98)

    Le flchissement qui suit le dclenchement de la guerre saffirme lors des lectionscommunales de 1915 qui font perdre la majorit au parti socialiste, alors que sontinaugures les premires maisons communales, rue Ph.-Hri Mathey 23 31 etrue du Commerce 95 105. En bref, les partis bourgeois simposent pour troisans. Paul Mosimann, prsident de la ville de 1894 1912, assume nouveau cettecharge en 1916 et 1917 et Louis Vaucher en 1918.

    Mon pre a pouss la brouette o jai tir mon premier ptit char

    (Extrait de Lettres Julie)

    Pourquoi ne lavouerais-je pas ? La simple vocation de Ph.-Hri Mathey qui lgua sa fortune diverses uvres, en stipulant notamment : Jelgue ma maison avec ce quelle contient pour fonder un tablissementdans lequel on enseignera lhorlogerie aux enfants pauvres me rem-more avec joie les souvenirs encore vivaces de mon enfance et de ma jeu-nesse. Si je suis toujours trs fier davoir pass mes jeunes annes dansles communales, comme on disait Ph.Hri Mathey 31 puis 29, ralisa-tions de la premire commune socialiste 1912-1915 je le suis davantageencore depuis que jai compris que mon pre, comme botier en chmage,avait travaill sur le chantier de leur dification, en octobre 1914.

    w.s., 1er extrait de Lettres Julie.

    Annexe No 24 : 2 photos dun chantier de chmage, octobre 1914. Maisons communales ruePh.-Hri Mathey 23, 25, 27 (1re photo) 27, 29 et 31 (seconde photo).

    Annexe No 24a : Lassurance contre le chmage, Expos des motifs de la motion socialiste,adopte par les Chambres fdrales en t 1913, prsent par Howard Eugster ; Imprimerie delUnion Berne (cooprative), 1913.

    Aux lections communales de mai 1918, la majorit bourgeoise est renverse unenouvelle fois au profit des socialistes. Justin Stauffer, qui avait prsid la ville aucours des trois premires annes de majorit socialiste (1912-1915), assume nou-veau la prsidence pendant deux lgislatures.

    Annexe No 25 : Le Drapeau rouge, son origine, sa signification, Samuel Jeanneret, dit par leParti socialiste, La Chaux-de-Fonds.

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  • 4.20 1908-1916Aprs avoir rdig diverses publications syndicales, linstituteur devient rdacteur en chef de La SentinelleLa famille sinstalle la rue Numa-Droz 178

    Lorsquil est appel devenir le rdacteur en chef de La Sentinelle, E.-P.G.nen est pas son coup dessai. En effet, il a dj rdig et administr diversesfeuilles syndicales, entre autres Solidarit Horlogre Organe officiel de la Fd-ration des Ouvriers de lindustrie horlogre (F.O.I.H) :

    Ce sont les ouvriers monteurs de botes qui ont cr le premier journal.Il prit le nom de Solidarit et parut pour la premire fois le jeudi7 avril 1887. douard Droz, de La Chaux-de-Fonds, en fut le premier r-dacteur. Deux ans plus tard, le 1er janvier 1889, paraissait lOuvrier hor-loger, rdig par G. Reimann, de Bienne En fusionnant en juillet 1893,La Solidarit et LOuvrier horloger donnaient le jour la Solidarit horlo-gre La tche de G. Reimann au journal cessa le 26 septembre 1896, dufait de sa nomination au secrtariat ouvrier suisse Berne.Son successeur fut Louis Egger, ancien ouvrier monteur de botes, rdac-teur ds le 7 novembre 1896. Quatre ans plus tard, la rdaction passaitentre les mains dmile Hof, ouvrier monteur de botes Genve. Appel Ble, lUSC, il dmissionna pour le 4 juillet 1908Le 11 juillet 1908, on nommait un nouveau rdacteur, et cette foisun instituteur. E.-Paul Graber, de La Chaux-de-Fonds, allait don-ner la Solidarit horlogre une impulsion nouvelle, une vie plusfrache, plus vigoureuse, en traitant plutt les ides que les faitssyndicaux. Union syndicale suisse 1880-1930, publication de lUSS loccasion de son50e anniversaire, Imprimeries populaires, Genve, pages 696/98.

    E.-P.G. a tout dabord rdig Lbauche, Organe officiel de la Fdration des ou-vriers et ouvrires sur bauches, Assortiments, Mcanismes, Finissages, Pignons,etc., dont le numro du 1er mai 1908 reste le fidle tmoin :

    Le Premier MaiCamarades, une triple vision simpose nous en ce jour.

    La vision du pass qui nous montre travers les ges des classes trompes,exploites, dupes et laissant leur suite des fleuves de sang et de larmes

    La vision du prsent nous fait voir cette mme classe, encore tyrannise,encore exploite, encore dupe, mais dsormais non rsigne son sort. Il ya dans son exaltation de lespoir

    La vision de lavenir ? Oh quelle est rconfortante. Aprs lorage qui achass les impurets couvrant de leur sculaire pourriture le sol social, uneaube nouvelle se lve, point idale encore, mais combien meilleure ! La so-lidarit, lunion, la coopration, ont remplac les anciennes forces socialesqui sappelaient la concurrence, la lutte, la rapine, la haine, la violence,lenvie, la jalousie

    Camarades, une triple vision simpose nous et nous crie : Hier, lhorreur !Aujourdhui, la lutte ! Demain, la paix.

    E.-P. GRABER, Lbauche, No. 18, vendredi 1er mai 1908.

    E.-P.G. reprend donc son domicile, rue du Nord 17, la rdaction de lhebdoma-daire Solidarit horlogre, partir du No 27 du samedi 11 juillet 1908. Voici, unextrait de sa prsentation aux lecteurs par le Comit directeur :

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  • Celui qui est appel succder E. Hof la rdaction, nest pas un in-connu. Instituteur La Chaux-de-Fonds, il est ml au mouvement ou-vrier depuis nombre dannes. Il fut un correspondant rgulier de La Sen-tinelle, puis a rdig le journal Lbauche ds sa fondation. Il vit aumilieu du mouvement quil suit dans tous ses dtails. Sorti lui-mmedune famille ouvrire, il connat les aspirations et les besoins de saclasse. ducateur de la jeunesse, il deviendra lducateur des adultes, ou-vriers de lindustrie horlogre. Nous avons la conviction davoir t bieninspirs en faisant appel E.-P. Graber pour la rdaction de notre organe.Cest avec confiance que nous lui souhaitons la bienvenue au sein de lagrande famille ouvrire horlogre.

    Comit directeur, Partants et Arrivants, Solidarit horlogre No 27,11 juillet 1908.