Vico

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The Project Gutenberg EBook of Principes de la Philosophie de l'Histoire, by Giambattista Vico This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org/license Title: Principes de la Philosophie de l'Histoire traduits de la 'Scienza nuova' Author: Giambattista Vico Translator: Jules Michelet Release Date: July 26, 2013 [EBook #43307] Language: French Character set encoding: ISO-8859-1 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE *** Produced by Mireille Harmelin, Christine P. Travers and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE, TRADUITS DE LA SCIENZA NUOVA DE J. B. VICO, ET PRÉCÉDÉS D'UN DISCOURS SUR LE SYSTÈME ET LA VIE DE L'AUTEUR, PAR JULES MICHELET, PROFESSEUR D'HISTOIRE AU COLLÈGE DE SAINTE-BARBE. À PARIS, CHEZ JULES RENOUARD, LIBRAIRE, RUE DE TOURNON, N o 6. 1827. AVIS DU TRADUCTEUR. pag. I XLIX 1 5 24 75 81 93 101 108 125 168 174 186 221 231 233 235 239 247 249 252 258 260 264 268 274 278 283 287 291 296 299 309 321 334 342 355 357 362 371 376 389 The Project Gutenberg e-Book of Principes de la Philosophie de l'Histoire; Author: J. B. Vico. http://www.gutenberg.org/files/43307/43307-h/43307-h.htm 1 de 96 11/08/15 00:55

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The Project Gutenberg EBook of Principes de la Philosophie de l'Histoire, by Giambattista VicoThis eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and withalmost no restrictions whatsoever.You may copy it, give it away orre-use it under the terms of the Project Gutenberg License includedwith this eBook or online at www.gutenberg.org/licenseTitle: Principes de la Philosophie de l'Histoire traduits de la 'Scienza nuova'Author: Giambattista VicoTranslator: Jules MicheletRelease Date: July 26, 2013 [EBook #43307]Language: FrenchCharacter set encoding: ISO-8859-1*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE ***Produced by Mireille Harmelin, Christine P. Travers andthe Online Distributed Proofreading Team athttp://www.pgdp.net (This file was produced from imagesgenerously made available by the Bibliothque nationalede France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)PRINCIPESDELA PHILOSOPHIEDE L'HISTOIRE,TRADUITS DE LA SCIENZA NUOVADE J. B. VICO,ET PRCDS D'UN DISCOURS SUR LE SYSTME ET LA VIE DE L'AUTEUR,PAR JULES MICHELET,PROFESSEUR D'HISTOIRE AU COLLGE DE SAINTE-BARBE. PARIS,CHEZ JULES RENOUARD, LIBRAIRE,RUE DE TOURNON, No 6.1827.AVISDU TRADUCTEUR.pag. I XLIX15 24 75 81 93 101 108 125 168 174 186 221 231 233 235 239 247 249 252 258 260 264 268 274 278 283 287 291 296 299 309 321 334 342 355 357 362 371 376 389The Project Gutenberg e-Book of Principes de la Philosophie de l'Histoire; Author: J. B. Vico. http://www.gutenberg.org/les/43307/43307-h/43307-h.htm1 de 96 11/08/15 00:55Les Principes de la Philosophie de l'Histoire dont nous donnons une traduction abrge, ont pour titre original: Cinq Livres sur lesprincipes d'une Science nouvelle, relative la nature commune des nations, par Jean-Baptiste Vico, ouvrage ddi S. S. (Clment XII).Trois ditions ont t faites du vivant de l'auteur, dans les annes 1725, 1730, et 1744. La dernire est celle qu'on a rimprime le plussouvent, et que nous avons suivie.Ce livre, disait Monti, est une montagne aride et sauvage qui recle des mines d'or. La comparaison manque de justesse. Si l'onvoulait la suivre, on pourrait accuser dans la Science nouvelle, non pas l'aridit, mais bien un luxe de vgtation. Le gnie imptueux deVico l'a surcharge chaque dition d'une foule de rptitions sous lesquelles disparat l'unit du dessein de l'ouvrage. Rendre sensiblecette unit, telle devait tre la pense de celui qui au bout d'un sicle venait offrir un public franais un livre si loign par la singularitde sa forme des ides de ses contemporains. Il ne pouvait atteindre ce but qu'en supprimant, abrgeant ou transposant les passages qui enreproduisaient d'autres sous une forme moins heureuse, ou qui semblaient appels ailleurs par la liaison des ides. Il a fallu encore carterquelques paradoxes bizarres, quelques tymologies forces, qui ont jusqu'ici dcrdit les vrits innombrables que contient la Sciencenouvelle. Maisonaindiqudansl'appendicedudiscoursprliminairelespassagesdequelqueimportancequi ont tabrgsouretranchs. Le jour n'est pas loin sans doute o, le nom de Vico ayant pris enn la place qui lui est due, un intrt historique s'tendra surtout ce qu'il a crit, et o ses erreurs ne pourront faire tort sa gloire; mais ce temps n'est pas encore venu.On trouvera dans le discours et dans l'appendice qui le suit une vie complte de Vico. Le mmoire qu'il a lui-mme crit sur sa vie neva que jusqu' la publication de son grand ouvrage. Nous avons abrg ce morceau, en laguant toutes les ides qu'on devait retrouverdans la Science nouvelle, mais nous y avons ajout de nouveaux dtails, tirs des opuscules et des lettres de Vico, ou conservs par latradition.Plusieurs personnes nous ont prodigu leurs secours et leurs conseils. Nous regrettons qu'il ne nous soit pas permis de les nommertoutes.M. le chevalier de Angelis, auteur de travaux indits sur Vico, a bien voulu nous communiquer la plupart des ouvrages italiens quenous avons extraits ou cits; exemple trop rare de cette libralit d'esprit qui met tout en commun entre ceux qui s'occupent des mmesmatires. On ne peut reconnatre une bont si dsintresse, mais rien n'en efface le souvenir.Des avocats distingus, MM. Renouard, Curet de Saint-George et Foucart, ont clair le traducteur sur plusieurs questions de droit.Mais il a t principalement soutenu dans son travail par M. Poret, professeur au collge de Sainte-Barbe. Si cette premire traductionfranaise de la Science nouvelle, rsolvait d'une manire satisfaisante les nombreuses difcults que prsente l'original, elle le devrait engrande partie au zle infatigable de son amiti.DISCOURSSURLE SYSTME ET LA VIE DE VICO.Dans la rapidit du mouvement critique imprim la philosophie par Descartes, le public ne pouvait remarquer quiconque restait horsde ce mouvement. Voil pourquoi le nom de Vico est encore si peu connu en-de des Alpes. Pendant que la foule suivait ou combattaitla rforme cartsienne, un gnie solitaire fondait la philosophie de l'histoire. N'accusons pas l'indiffrence des contemporains de Vico;essayonspluttdel'expliquer, etdemontrerquelaSciencenouvellen'atsi ngligependant lederniersiclequeparcequ'elles'adressait au ntre.Telle est la marche naturelle de l'esprit humain: connatre d'abord et ensuite juger, s'tendre dans le monde extrieur et rentrer plus tarden soi-mme, s'en rapporter au sens commun et le soumettre l'examen du sens individuel. Cultiv dans la premire priode par lareligion, par la posie et les arts, il accumule les faits dont la philosophie doit un jour faire usage. Il a dj le sentiment de bien desvrits, il n'en a pas encore la science. Il faut qu'un Socrate, un Descartes, viennent lui demander de quel droit il les possde, et que lesattaques opinitres d'un impitoyable scepticisme l'obligent de se les approprier en les dfendant. L'esprit humain, ainsi inquit dans lapossession des croyances qui touchent de plus prs son tre, ddaigne quelque temps toute connaissance que le sens intime ne peut luiattester; mais ds qu'il sera rassur, il sortira du monde intrieur avec des forces nouvelles pour reprendre l'tude des faits historiques: encontinuant de chercher le vrai il ne ngligera plus le vraisemblable, et la philosophie, comparant et rectiant l'un par l'autre le sensindividuel et le sens commun, embrassera dans l'tude de l'homme celle de l'humanit tout entire.Cette dernire poque commence pour nous. Ce qui nous distingue minemment, c'est, comme nous disons aujourd'hui, notre tendancehistorique. Dj nous voulons que les faits soient vrais dans leurs moindres dtails; le mme amour de la vrit doit nous conduire enchercher les rapports, observer les lois qui les rgissent, examiner enn si l'histoire ne peut tre ramene une forme scientique.Ce but dont nous approchons tous les jours, le gnie prophtique de Vico nous l'a marqu long-temps d'avance. Son systme nousapparat au commencement du dernier sicle, comme une admirable protestation de cette partie de l'esprit humain qui se repose sur lasagesse du pass conserve dans les religions, dans les langues et dans l'histoire, sur cette sagesse vulgaire, mre de la philosophie, ettrop souvent mconnue d'elle. Il tait naturel que cette protestation partt de l'Italie. Malgr le gnie subtil des Cardan et des JordanoBruno, le scepticisme n'y tant point rgl par la Rforme dans son dveloppement, n'avait pu y obtenir un succs durable ni populaire.Le pass, li tout entier la cause de la religion, y conservait son empire. L'glise catholique invoquait sa perptuit contre les protestans,et par consquent recommandait l'tude de l'histoire et des langues. Les sciences qui, au moyen ge, s'taient rfugies et confonduesdans le sein de la religion, avaient ressenti en Italie moins que partout ailleurs les bons et les mauvais effets de la division du travail; si laplupart avaient fait moins de progrs, toutes taient reste unies. L'Italie mridionale particulirement conservait ce got d'universalit,qui avait caractris le gnie de la grande Grce. Dans l'antiquit, l'cole pythagoricienne avait alli la mtaphysique et la gomtrie, lamorale et la politique, la musique et la posie. Au treizime sicle, l'ange de l'cole avait parcouru le cercle des connaissances humainespour accorder les doctrines d'Aristote avec celles de l'glise. Au dix-septime enn, les jurisconsultes du royaume de Naples restaientseuls dles cette dnition antique de la jurisprudence: scientia rerum divinarum atque humanarum. C'tait dans une telle contreThe Project Gutenberg e-Book of Principes de la Philosophie de l'Histoire; Author: J. B. Vico. http://www.gutenberg.org/les/43307/43307-h/43307-h.htm2 de 96 11/08/15 00:55qu'on devait tenter pour lapremire foisde fondre toutes les connaissancesquiontl'homme pour objet dans unvastesystme,quirapprocherait l'unedel'autrel'histoiredesfaitset celledeslangues, enlesclairant toutesdeuxparunecritiquenouvelle, et quiaccorderait la philosophie et l'histoire, la science et la religion.Nanmoins, on aurait peine comprendre ce phnomne, si Vico lui-mme ne nous avait fait connatre quels travaux prparrent laconception de son systme (Vie de Vico crite par lui-mme). Les dtails que l'on va lire sont tirs de cet inestimable monument; ceux quine pouvaient entrer ici ont t rejets dans l'appendice du discours.JEAN-BAPTISTE VICO, n Naples, d'un pauvre libraire, en 1668, reut l'ducation du temps; c'tait l'tude des langues anciennes, de lascholastique, de la thologie et de la jurisprudence. Mais il aimait trop les gnralits, pour s'occuper avec got de la pratique du droit. Ilne plaida qu'une fois, pour dfendre son pre, gagna sa cause, et renona au barreau; il avait alors seize ans. Peu de temps aprs, lancessit l'obligea de se charger d'enseigner le droit aux neveux de l'vque d'Ischia. Retir pendant neuf annes dans la belle solitude deVatolla, il suivit en libert la route que lui traait son gnie, et se partagea entre la posie, la philosophie et la jurisprudence. Ses matresfurent les jurisconsultes romains, le divin Platon, et ce Dante avec lequel il avait lui-mme tant de rapport par son caractre mlancoliqueet ardent. On montre encore la petite bibliothque d'un couvent o il travaillait, et o il conut peut-tre la premire ide de la Sciencenouvelle.Lorsque Vico revint Naples (c'est lui-mme qui parle), il se vit comme tranger dans sa patrie. La philosophie n'tait plus tudieque dans les Mditations de Descartes, et dans son Discours sur la mthode, o il dsapprouve la culture de la posie, de l'histoire et del'loquence. Le platonisme, qui au seizime sicle les avait si heureusement inspires, qui pour ainsi dire, avait alors ressuscit la Grceantique en Italie, tait relgu dans la poussire des clotres. Pour le droit, les commentateurs modernes taient prfrs aux interprtesanciens. La posie corrompue par l'affterie, avait cess de puiser aux torrens de Dante, aux limpides ruisseaux de Ptrarque. On cultivaitmme peu la langue latine. Les sciences, les lettres taient galement languissantes.C'est que les peuples, pas plus que les individus, n'abdiquent impunment leur originalit. Le gnie italien voulait suivre l'impulsionphilosophique de la France et de l'Angleterre, et il s'annulait lui-mme. Un esprit vraiment italien ne pouvait se soumettre cette autreinvasion de l'Italie par les trangers. Tandis que tout le sicle tournait des yeux avides vers l'avenir, et se prcipitait dans les routesnouvelles que lui ouvrait la philosophie, Vico eut le courage de remonter vers cette antiquit si ddaigne, et de s'identier avec elle. Ilferma les commentateurs et les critiques, et se mit tudier les originaux, comme on l'avait fait la renaissance des lettres.Forti par ces tudes profondes, il osa attaquer le cartsianisme, non-seulement dans sa partie dogmatique qui conservait peu decrdit, mais aussi dans sa mthode que ses adversaires mme avaient embrasse, et par laquelle il rgnait sur l'Europe. Il faut voir dans lediscours o il compare la mthode d'enseignement suivie par les modernes celle des anciens[1], avec quelle sagacit il marque lesinconvniensdelapremire. Nullepartlesabusdelanouvellephilosophien'onttattaqusavecplusdeforceetdemodration:l'loignement pour les tudes historiques, le ddain du sens commun de l'humanit, la manie de rduire en art ce qui doit tre laiss laprudence individuelle, l'application de la mthode gomtrique aux choses qui comportent le moins une dmonstration rigoureuse, etc.Mais en mme temps ce grand esprit, loin de se ranger parmi les dtracteurs aveugles de la rforme cartsienne, en reconnat hautementle bienfait: il voyait de trop haut pour se contenter d'aucune solution incomplte: Nous devons beaucoup Descartes qui a tabli le sensindividuel pour rgle du vrai; c'tait un esclavage trop avilissant, que de faire tout reposer sur l'autorit. Nous lui devons beaucoup pouravoir voulu soumettre la pense la mthode; l'ordre des scolastiques n'tait qu'un dsordre. Mais vouloir que le jugement de l'individurgne seul, vouloir tout assujtir la mthode gomtrique, c'est tomber dans l'excs oppos. Il serait temps dsormais de prendre unmoyen terme; de suivre le jugement individuel, mais avec les gards dus l'autorit; d'employer la mthode, mais une mthode diverseselon la nature des choses.[2]Celui qui assignait la vrit le double criterium du sens individuel et du sens commun, se trouvait ds-lors dans une route part. Lesouvrages qu'il a publis depuis, n'ont plus un caractre polmique. Ce sont des discours publics, des opuscules, o il tablit sparmentles opinions diverses qu'il devait plus tard runir dans son grand systme. L'un de ces opuscules est intitul: Essai d'unsystmedejurisprudence, danslequel ledroit civil desRomainsserait expliquparlesrvolutionsdeleurgouvernement. Dansunautre, ilentreprend de prouver que la sagesse italienne des temps les plus reculs peut se dcouvrir dans les tymologies latines. C'est un traitcomplet demtaphysique, trouvdans l'histoired'unelangue[3]. Onpeut nanmoins fairesur ces premiers travauxdeVicouneobservation qui montre tout le chemin qu'il avait encore parcourir pour arriver la Science nouvelle: c'est qu'il rapporte la sagesse de lajurisprudence romaine, et celle qu'il dcouvre dans la langue des anciens Italiens, au gnie des jurisconsultes ou des philosophes, au lieude l'expliquer, comme il le t plus tard, par la sagesse instinctive que Dieu donne aux nations. Il croit encore que la civilisation italienne,que la lgislation romaine, ont t importes en Italie, de l'gypte ou de la Grce.Jusqu'en 1719, l'unit manqua aux recherches de Vico; ses auteurs favoris avaient t jusque-l Platon, Tacite et Bacon, et aucun d'euxne pouvait la lui donner: Le second considre l'homme tel qu'il est, le premier tel qu'il doit tre; Platon contemple l'honnte avec lasagessespculative, Taciteobservel'utileaveclasagessepratique. Baconrunitcesdeuxcaractres(cogitare, videre). MaisPlatoncherche dans la sagesse vulgaire d'Homre, un ornement plutt qu'une base pour sa philosophie; Tacite disperse la sienne la suite desvnemens; Bacondanscequi regardelesloisnefait pasassezabstractiondestempset deslieuxpouratteindreauxplushautesgnralits. Grotius a un mrite qui leur manque; il enferme dans son systme de droit universel la philosophie et la thologie, en lesappuyant toutes deux sur l'histoire des faits, vrais ou fabuleux, et sur celle des langues.La lecture de Grotius xa ses ides et dtermina la conception de son systme. Dans un discours prononc en 1719, il traita le sujetsuivant: Les lmens de tout le savoir divin et humain peuvent se rduire trois, connatre, vouloir, pouvoir. Le principe unique en estl'intelligence. L'il de l'intelligence, c'est--dire la raison, reoit de Dieu la lumire du vrai ternel. Toute science vient de Dieu, retourne Dieu, est en Dieu[4]. Et il se chargeait de prouver la fausset de tout ce qui s'carterait de cette doctrine. C'tait, disaient quelques-uns,promettre plus que Pic de la Mirandole, quand il afcha ses thses de omni scibili. En effet Vico n'avait pu dans un discours montrer quela partie philosophique de son systme, et avait t oblig d'en supprimer les preuves, c'est--dire toute la partie philologique. S'tant misainsidansl'heureusencessitd'exposertoutessesides, ilnetardapaspublierdeuxessaisintituls:Unitdeprincipedudroituniversel, 1720;Harmonie de la science du jurisconsulte (de constanti jurisprudentis), c'est--dire, accord de la philosophie et de laphilologie, 1721. Peu aprs (1722) il t paratre des notes sur ces deux ouvrages, dans lesquels il appliquait Homre la critique nouvelledont il y avait expos les principes.Cependant ces opuscules divers ne formaient pas un mme corps de doctrine; il entreprit de les fondre en un seul ouvrage qui parut, enThe Project Gutenberg e-Book of Principes de la Philosophie de l'Histoire; Author: J. B. Vico. http://www.gutenberg.org/les/43307/43307-h/43307-h.htm3 de 96 11/08/15 00:551725, sous le titre de: Principes d'une science nouvelle, relative la nature commune des nations, au moyen desquels on dcouvre denouveaux principes du droit naturel des gens. Cette premire dition de la Science nouvelle, est aussi le dernier mot de l'auteur, si l'onconsidre le fond des ides. Mais il en a entirement chang la forme dans les autres ditions publies de son vivant. Dans la premire, ilsuit encore une marche analytique[5]. Elle est inniment suprieure pour la clart. Nanmoins c'est dans celles de 1730 et de 1744 quel'on a toujours cherch de prfrence le gnie de Vico. Il y dbute par des axiomes, en dduit toutes les ides particulires et s'efforce desuivre une mthode gomtrique que le sujet ne comporte pas toujours. Malgr l'obscurit qui en rsulte, malgr l'emploi continuel d'uneterminologie bizarre que l'auteur nglige souvent d'expliquer, il y a dans l'ensemble du systme, prsent de cette manire, une grandeurimposante, et une sombre posie qui fait penser celle de Dante. Nous avons traduit en l'abrgeant l'dition de 1744; mais, dans l'exposdu systme que l'on va lire, nous nous sommes souvent rapprochs de la mthode que l'auteur avait suivie dans la premire, et qui nous aparu convenir davantage un public franais.Dans cette varit innie d'actions et de penses, de murs et de langues que nous prsente l'histoire de l'homme, nous retrouvonssouvent les mmes traits, les mmes caractres. Les nations les plus loignes par les temps et par les lieux suivent dans leurs rvolutionspolitiques, dans celles du langage, une marche singulirement analogue. Dgager les phnomnes rguliers des accidentels, et dterminerles lois gnrales qui rgissent les premiers; tracer l'histoire universelle, ternelle, qui se produit dans le temps sous la forme des histoiresparticulires, dcrirelecercleidal danslequel tournelemonderel, voill'objet delanouvellescience. Elleest tout -la-foislaphilosophie et l'histoire de l'humanit.Elle tire son unit de la religion, principe producteur et conservateur de la socit. Jusqu'ici on n'a parl que de thologie naturelle; laScience nouvelle est une thologie sociale, une dmonstration historique de la Providence, une histoire des dcrets par lesquels, l'insudes hommes et souvent malgr eux, elle a gouvern la grande cit du genre humain. Qui ne ressentira un divin plaisir en ce corps mortel,lorsque nous contemplerons ce monde des nations, si vari de caractres, de temps et de lieux, dans l'uniformit des ides divines?Lesautressciencess'occupent dedirigerl'hommeet deleperfectionner; maisaucunen'aencorepourobjet laconnaissancedesprincipes de la civilisation d'o elles sont toutes sorties. La science qui nous rvlerait ces principes, nous mettrait mme de mesurer lacarrire que parcourent les peuples dans leurs progrs et leur dcadence, de calculer les ges de la vie des nations. Alors on connatraitles moyens par lesquels une socit peut s'lever ou se ramener au plus haut degr de civilisation dont elle soit susceptible, alors seraientaccordes la thorie et la pratique, les savans et les sages, les philosophes et les lgislateurs, la sagesse de rexion avec la sagesseinstinctive; et l'on ne s'carterait des principes de cette science de l'humanisation, qu'en abdiquant le caractre d'homme, et se sparant del'humanit.La Science nouvelle puise deux sources: la philosophie, la philologie. La philosophie contemple le vrai par la raison; la philologieobserve le rel; c'est la science des faits et des langues. La philosophie doit appuyer ses thories sur la certitude des faits; la philologieemprunter la philosophie ses thories pour lever les faits au caractre de vrits universelles ternelles.Quelle philosophie sera fconde? celle qui relvera, qui dirigera l'homme dchu et toujours dbile, sans l'arracher sa nature, sansl'abandonner sa corruption. Ainsi nous fermons l'cole de la Science nouvelle aux stociens qui veulent la mort des sens, aux picuriensqui font des sens la rgle de l'homme; ceux-l s'enchanent au destin, ceux-ci s'abandonnent au hasard; les uns et les autres nient laProvidence. Ces deux doctrines isolent l'homme, et devraient s'appeler philosophies solitaires. Au contraire, nous admettons dans notrecole les philosophes politiques, et surtout les platoniciens, parce qu'ils sont d'accord avec tous les lgislateurs sur nos trois principesfondamentaux: existence d'une Providence divine, ncessit de modrer les passions et d'en faire des vertus humaines, immortalit del'me. Ces trois vrits philosophiques rpondent autant de faits historiques: institution universelle des religions, des mariages et desspultures. Touteslesnationsontattribucestroischosesuncaractredesaintet;elleslesontappeleshumanitatiscommercia(Tacite), et par une expression plus sublime encore, fdera generis humani.La philologie, science du rel, science des faits historiques et des langues, fournira les matriaux la science du vrai, la philosophie.Mais le rel, ouvrage de la libert de l'individu, est incertain de sa nature. Quel sera le criterium, au moyen duquel nous dcouvrironsdans sa mobilit le caractre immuable du vrai?... le sens commun, c'est--dire le jugement irrchi d'une classe d'homme, d'un peuple,de l'humanit; l'accord gnral du sens commun des peuples constitue la sagesse du genre humain. Le sens commun, la sagesse vulgaire,est la rgle que Dieu a donne au monde social.Cette sagesse est une sous la double forme des actions et des langues, quelque varies qu'elles puissent tre par l'inuence des causeslocales, et son unit leur imprime un caractre analogue chez les peuples les plus isols. Ce caractre est surtout sensible dans tout ce quitouche le droit naturel. Interrogez tous les peuples sur les ides qu'ils se font des rapports sociaux, vous verrez qu'ils les comprennenttous de mme sous des expressions diverses; on le voit dans les proverbes qui sont les maximes de la sagesse vulgaire. N'essayons pasd'expliquer cette uniformit du droit naturel en supposant qu'un peuple l'a communiqu tous les autres. Partout il est indigne, partout ila t fond par la Providence dans les murs des nations.Cetteidentitdelapensehumaine, reconnuedanslesactionset danslelangage, rsout legrandproblmedelasociabilitdel'homme, qui a tant embarrass les philosophes; et si l'on ne trouvait point le nud dli, nous pourrions le trancher d'un mot: Nullechose ne reste long-temps hors de son tat naturel; l'homme est sociable, puisqu'il reste en socit.Dans le dveloppement de la socit humaine, dans la marche de la civilisation, on peut distinguer trois ges, trois priodes; ge divinou thocratique, ge hroque, ge humain ou civilis. cette division rpond celle des temps obscur, fabuleux, historique. C'est surtoutdans l'histoire des langues que l'exactitude de cette classication est manifeste. Celle que nous parlons a d tre prcde par une languemtaphorique et potique et celle-ci par une langue hiroglyphique ou sacre.Nous nous occuperons principalement des deux premires priodes. Les causes de cette civilisation dont nous sommes si ers, doiventtre recherches dans les ges que nous nommons barbares, et qu'il serait mieux d'appeler religieux et potiques; toute la sagesse dugenre humain y tait dj, dans son bauche et dans son germe. Mais lorsque nous essayons de remonter vers des temps si loin de nous,que de difcults nous arrtent! La plupart des monumens ont pri, et ceux mmes qui nous restent ont t altrs, dnaturs par lesprjugs des ges suivans. Ne pouvant expliquer les origines de la socit, et ne se rsignant point les ignorer, on s'est reprsent labarbarie antique d'aprs la civilisation moderne. Les vanits nationales ont t soutenues par la vanit des savans qui mettent leur gloire reculer l'origine de leurs sciences favorites. Frapp de l'heureux instinct qui guida les premiers hommes, on s'est exagr leurs lumires,et on leur a fait honneur d'une sagesse qui tait celle de Dieu. Pour nous, persuads qu'en toute chose les commencements sont simples etThe Project Gutenberg e-Book of Principes de la Philosophie de l'Histoire; Author: J. B. Vico. http://www.gutenberg.org/les/43307/43307-h/43307-h.htm4 de 96 11/08/15 00:55grossiers, nous regarderons les Zoroastre, les Herms et les Orphes moins comme les auteurs que comme les produits et les rsultats dela civilisation antique, et nous rapporterons l'origine de la socit paenne au sens commun qui rapprocha les uns des autres les hommesencore stupides des premiers ges.Les fondateurs de la socit sont pour nous ces cyclopes dont parle Homre, ces gants par lesquels commence l'histoire profane aussibien que l'histoire sacre. Aprs le dluge, les premiers hommes, except les patriarches anctres du peuple de Dieu, durent revenir lavie sauvage, et par l'effet de l'ducation la plus dure, reprirent la taille gigantesque des hommes ant-diluviens. (Nudi ac sordidi in hosartus, in hc corpora, qu miramur, excrescunt. TACITI Germania.)Ils s'taient disperss dans la vaste fort qui couvrait la terre, tout entiers aux besoins physiques, farouches, sans loi, sans Dieu. En vainla nature les environnait de merveilles; plus les phnomnes taient rguliers, et par consquent dignes d'admiration, plus l'habitude lesleur rendait indiffrents. Qui pouvait dire comment s'veillerait la pense humaine?... Mais le tonnerre s'est fait entendre, ses terribleseffets sont remarqus; les gants effrays reconnaissent la premire fois une puissance suprieure, et la nomment Jupiter; ainsi dans lestraditions de tous les peuples, Jupiter terrasse les gants. C'est l'origine de l'idoltrie, lle de la crdulit, et non de l'imposture, commeon l'a tant rpt.L'idoltrie fut ncessaire au monde, sous le rapport social: quelle autre puissance que celle d'une religion pleine de terreurs, auraitdompt le stupide orgueil de la force, qui jusque-l isolait les individus?sous le rapport religieux: ne fallaitil pas que l'homme passtpar cette religion des sens, pour arriver celle de la raison, et de celle-ci la religion de la foi?Mais comment expliquer ce premier pas de l'esprit humain, ce passage critiqu de la brutalit l'humanit? Comment dans un tat decivilisationaussiavancquelentre, lorsquelesespritsontacquisparl'usagedeslangues, del'critureetducalcul, unehabitudeinvincible d'abstraction, nous replacer dans l'imagination de ces premiers hommes plongs tout entiers dans les sens, et comme ensevelisdans la matire? Il nous reste heureusement sur l'enfance de l'espce et sur ses premiers dveloppemens le plus certain, le plus naf detous les tmoignages: c'est l'enfance de l'individu.L'enfant admiretout, parcequ'il ignoretout. Pleindemmoire, imitateur auplushaut degr, sonimaginationest puissanteenproportion de son incapacit d'abstraire. Il juge de tout d'aprs lui-mme, et suppose la volont partout o il voit le mouvement.Tels furent les premiers hommes. Ils rent de toute la nature un vaste corps anim, passionn comme eux. Ils parlaient souvent parsignes; ils pensrent que les clairs et la foudre taient les signes de cet tre terrible. De nouvelles observations multiplirent les signes deJupiter, et leur runion composa une langue mystrieuse, par laquelle il daignait faire connatre aux hommes ses volonts. L'intelligencede cette langue devint une science, sous les noms de divination, thologie mystique, mythologie, muse.Peu--peu tous les phnomnes de la nature, tous les rapports de la nature l'homme, ou des hommes entre eux devinrent autant dedivinits. Prter la vie aux tres inanims, prter un corps aux choses immatrielles, composer des tres qui n'existent compltement dansaucune ralit, voil la triple cration du monde fantastique de l'idoltrie. Dieu dans sa pure intelligence, cre les tres par cela qu'il lesconnat; les premiers hommes, puissans de leur ignorance, craient leur manire par la force d'une imagination, si je puis le dire, toutematrielle. Poteveut direcrateur; ilstaient doncpotes, et tellefut lasublimitdeleursconceptionsqu'ilss'enpouvantrenteux-mmes, et tombrent tremblans devant leur ouvrage. (Fingunt simul creduntque. TACITE.)C'est pour cette posie divine qui crait et expliquait le monde invisible, qu'on inventa le nom de sagesse, revendiqu ensuite par laphilosophie. En effet la posie tait dj pour les premiers ges une philosophie sans abstraction, toute d'imagination et de sentiment. Ceque les philosophes comprirent dans la suite, les potes l'avaient senti; et si, comme le dit l'cole, rien n'est dans l'intelligence qui n'aitt dans le sens, les potes furent le sens du genre humain, les philosophes en furent l'intelligence.[6]Les signes par lesquels les hommes commencrent exprimer leurs penses, furent les objets mmes qu'ils avaient diviniss. Pour direla mer, ils la montraient de la main; plus tard ils dirent Neptune. C'est la langue des dieux dont parle Homre. Les noms des trente milledieux latins recueillis par Varron, ceux des Grecs non moins nombreux, formaient le vocabulaire divin de ces deux peuples.Originairement la langue divine ne pouvant se parler que par actions, presque toute action tait consacre; la vie n'tait pour ainsi direqu'une suite d'actes muets de religion. De l restrent dans la jurisprudence romaine, les acta legitima, cette pantomime qui accompagnaittoutes les transactions civiles. Les hiroglyphes furent l'criture propre cette langue imparfaite, loin qu'ils aient t invents par lesphilosophespourycacherlesmystresd'unesagesseprofonde. Touteslesnationsbarbaresonttforcesdecommencerainsi, enattendant qu'elles se formassent un meilleur systme de langage et d'criture. Cette langue muette convenait un ge o dominaient lesreligions; elles veulent tre respectes, plutt que raisonnes.Dans l'ge hroque, la langue divine subsistait encore, la langue humaine ou articule commenait; mais cet ge en eut de plus une quilui fut propre; je parle des emblmes, des devises, nouveau genre de signes qui n'ont qu'un rapport indirect la pense. C'est cette langueque parlent les armes des hros; elle est reste celle de la discipline militaire. Transportedanslalanguearticule, elledutdonnernaissance aux comparaisons, aux mtaphores, etc. En gnral la mtaphore fait le fond des langues.Le premier principe qui doit nous guider dans la recherche des tymologies, c'est que la marche des ides correspond celle deschoses. Or les degrs de la civilisation peuvent tre ainsi indiqus: Forts, cabanes, villages, cits ou socits de citoyens, acadmies ousocits de savans; les hommes habitent d'abord les montagnes, ensuite les plaines, enn les rivages. Les ides, et les perfectionnemensdu langage ont d suivre cet ordre. Ce principe tymologique suft pour les langues indignes, pour celles des pays barbares qui restentimpntrables aux trangers, jusqu' ce qu'ils leur soient ouverts par la guerre ou par le commerce. Il montre combien les philologues onteu tort d'tablir que la signication des langues est arbitraire. Leur origine fut naturelle, leur signication doit tre fonde en nature. Onpeut l'observer dans le latin, langue plus hroque, moins rafne que le grec; tous les mots y sont tirs par gures d'objets agrestes etsauvages.Lalanguehroqueemployapournomscommunsdesnomspropresoudesnomsdepeuples. LesanciensRomainsdisaient unTarentin pour un homme parfum. Tous les peuples de l'antiquit dirent un Hercule pour un hros. Cette cration des caractres idauxqui semblerait l'effort d'un art ingnieux, fut une ncessit pour l'esprit humain. Voyez l'enfant; les noms des premires personnes, despremires choses qu'il a vues, il les donne toutes celles en qui il remarque quelqu'analogie. De mme les premiers hommes, incapablesde former l'ide abstraite du pote, du hros, nommrent tous les hros du nom du premier hros, tous les potes, etc. Par un effet denotre amour instinctif de l'uniformit, ils ajoutrent ces premires ides des ctions singulirement en harmonie avec les ralits, etpeu--peu les noms de hros, de pote, qui d'abord dsignaient tel individu, comprirent tous les caractres de perfection qui pouvaientThe Project Gutenberg e-Book of Principes de la Philosophie de l'Histoire; Author: J. B. Vico. http://www.gutenberg.org/les/43307/43307-h/43307-h.htm5 de 96 11/08/15 00:55entrer dans le type idal de l'hrosme, de la posie. Le vrai potique, rsultat de cette double opration, fut plus vrai que le vrai rel;quel hros de l'histoire remplira le caractre hroque aussi bien que l'Achille de l'Iliade?Cette tendance des hommes placer des types idaux sous des noms propres, a rempli de difcults et de contradictions apparentes lescommencemens de l'histoire. Ces types ont t pris pour des individus. Ainsi toutes les dcouvertes des anciens gyptiens appartiennent un Herms; la premire constitution de Rome, mme dans cette partie morale qui semble le produit des habitudes, sort tout arme de latte de Romulus; tous les exploits, tous les travaux de la Grce hroque composent la vie d'Hercule; Homre enn nous apparat seul surle passage des temps hroques ceux de l'histoire, comme le reprsentant d'une civilisation tout entire. Par un privilge admirable, ceshommes prodigieux ne sont pas lentement enfants par le temps et par les circonstances; ils naissent d'eux-mmes, et ils semblent crerleur sicle et leur patrie. Comment s'tonner que l'antiquit en ait fait des dieux?Considrez les noms d'Herms, de Romulus, d'Hercule et d'Homre, comme les expressions de tel caractre national telle poque,comme dsignant les types de l'esprit inventif chez les gyptiens, de la socit romaine dans son origine, de l'hrosme grec, de la posiepopulaire des premiers ges chez la mme nation, les difcults disparaissent, les contradictions s'expliquent; une clart immense luitdans la tnbreuse antiquit.Prenons Homre, et voyons comment toutes les invraisemblances de sa vie et de son caractre deviennent, par cette interprtation, desconvenances, des ncessits. Pourquoi tous les peuples grecs se sont-ils disput sa naissance, l'ont-ils revendiqu pour citoyen? c'est quechaque tribu retrouvait en lui son caractre, c'est que la Grce s'y reconnaissait, c'est qu'elle tait elle-mme Homre.Pourquoidesopinions si diverses sur le temps o il vcut? c'est qu'il vcut en effet pendant les cinq sicles qui suivirent la guerre de Troie, dans laboucheet danslammoiredeshommes.Jeune, il composal'Iliade.... LaGrce, jeunealors, touteardentedepassionssublimes,violentes, mais gnreuses, t son hros d'Achille, le hros de la force. Dans sa vieillesse, il composa l'Odysse... La Grce plus mre,conut long-temps aprs le caractre d'Ulysse, le hros de la sagesse.Homre fut pauvre et aveugle.... dans la personne des rapsodes,qui recueillaient les chants populaires, et les allaient rptant de ville en ville, tantt sur les places publiques, tantt dans les ftes desdieux. Alors comme aujourd'hui les aveugles devaient mener le plus souvent cette vie mendiante et vagabonde; d'ailleurs la supriorit deleur mmoire les rendait plus capables de retenir tant de milliers de vers.Homre n'tant plus un homme, mais dsignant l'ensemble des chants improviss par tout le peuple et recueillis par les rapsodes, setrouve justi de tous les reproches qu'on lui a faits, et de la bassesse d'images, et des licences, et du mlange des dialectes. Qui pourraits'tonner encore qu'il ait lev les hommes la grandeur des dieux, et rabaiss les dieux aux faiblesses humaines? le vulgaire ne fait-ilpas les dieux a son image?Le gnie d'Homre s'explique aussi sans peine; l'incomparable puissance d'invention qu'on admire dans ses caractres, l'originalitsauvage de ses comparaisons, la vivacit de ses peintures de morts et de batailles, son pathtique sublime, tout cela n'est pas le gnie d'unhomme, c'est celui de l'ge hroque. Quelle force de jeunesse n'ont pas alors l'imagination, la mmoire, et les passions qui inspirent laposie?Les trois principaux titres d'Homre sont dsormais mieux motivs: c'est bien le fondateur de la civilisation en Grce, le pre despotes, lasourcedetouteslesphilosophiesgrecques. Lederniertitremriteuneexplication:lesphilosophesnetirrentpointleurssystmes d'Homre, quoiqu'ils cherchassent les autoriser de ses fables; mais ils y trouvrent rellement une occasion de recherches, etune facilit de plus pour exposer et populariser leurs doctrines.Cependant on peut insister: en supposant qu'un peuple entier ait t pote, comment put-il inventer les artices du style, ces pisodes,ces tours heureux, ce nombre potique....? et comment et-il pu ne pas les inventer? les tours ne vinrent que de la difcult de s'exprimer;les pisodes de l'inhabilet qui ne sait pas distinguer et carter les choses qui ne vont pas au but. Quant au nombre musical et potique, ilest naturel l'homme; les bgues s'essaient parler en chantant; dans la passion, la voix s'altre et approche du chant. Partout les versprcdrent la prose.Passer de la posie la prose, c'tait abstraire et gnraliser; car le langage de la premire est tout concret, tout particulier. La posieelle-mme, quoiqu'elle sortt alors de l'usage vulgaire, reut aussi les expressions gnrales; aux noms propres, qui, dans l'indigence deslangues, lui avaient servi dsigner les caractres, elle substitua des noms imaginaires, et conut des caractres purement idaux; ce futl le commencement de son troisime ge, de l'ge humain de la posie.L'originedelareligion, delaposieet deslanguestant dcouverte, nousconnaissonscelledelasocitpaenne. Lespomesd'Homre en sont le principal monument. Joignez-y l'histoire des premiers sicles de Rome, qui nous prsente le meilleur commentairede l'histoire fabuleuse des Grecs; en effet Rome ayant t fonde lorsque les langues vulgaires du Latium avaient fait de grands progrs,l'hrosme romain jeune encore, au milieu de peuples dj mrs, s'exprima en langue vulgaire, tandis que celui des Grecs s'tait exprimen langue hroque.Le commencement de la religion fut celui de la socit. Les gans, effrays par la foudre qui leur rvle une puissance suprieure, serfugient danslescavernes. L'tat bestial nit avecleurscoursesvagabondes; ilss'assurent d'unasilergulier, ilsyretiennent unecompagne par la force, et la famille a commenc. Les premiers pres de famille sont les premiers prtres; et comme la religion composeencore toute la sagesse, les premiers sages; matres absolus de leur famille, ils sont aussi les premiers rois; de l le nom de patriarches(pres et princes). Dans une si grande barbarie, leur joug ne peut tre que dur et cruel; le Polyphme d'Homre est aux yeux de Platonl'image des premiers pres de famille. Il faut bien qu'il en soit ainsi pour que les hommes dompts par le gouvernement de la famille setrouvent prpars obir aux lois du gouvernement civil qui va succder. Mais ces rois absolus de la famille sont eux-mmes soumis auxpuissances divines, dont ils interprtent les ordres leurs femmes et leurs enfans; et comme alors il n'y a point d'action qui ne soitsoumise un Dieu, le gouvernement est en effet thocratique.Voil l'ge d'or, tant clbr par les potes, l'ge o les dieux rgnent sur la terre. Toute la vertu de cet ge, c'est une superstitionbarbare qui sert pourtant contenir les hommes, malgr leur brutalit et leur orgueil farouche. Quelque horreur que nous inspirent cesreligions sanguinaires, n'oublions pas que c'est sous leur inuence que se sont formes les plus illustres socits du monde; l'athisme n'arien fond.Bientt la famille ne se composa pas seulement des individus lis par le sang. Les malheureux qui taient rests dans la promiscuitdes biens et des femmes, et dans les querelles qu'elle produisait, voulant chapper aux insultes des violens, recoururent aux autels desThe Project Gutenberg e-Book of Principes de la Philosophie de l'Histoire; Author: J. B. Vico. http://www.gutenberg.org/les/43307/43307-h/43307-h.htm6 de 96 11/08/15 00:55forts, situs sur les hauteurs. Ces autels furent les premiers asyles, vetus urbes condentium consilium, dit Tite-Live. Les forts tuaient lesviolens et protgeaient les rfugis. Issus de Jupiter, c'est--dire, ns sous ses auspices, ils taient hros par la naissance et par la vertu.Ainsi se forma le caractre idal de l'Hercule antique; les hros taient hraclides, enfans d'Hercule, comme les sages taient appelsenfans de la sagesse, etc.Les nouveauxvenus, conduits dans lasocitpar l'intrt, nonpar lareligion, nepartagrent pas les prrogatives des hros,particulirement celle du mariage solennel. Ils avaient t reus condition de servir leurs dfenseurs comme esclaves; mais, devenusnombreux, ils s'indignrent de leur abaissement, et demandrent une part dans ces terres qu'ils cultivaient. Partout o les hros furentvaincus, ils leur cdrent des terres qui devaient toujours relever d'eux; ce fut la premire loi agraire, et l'origine des clientelles et desefs.Ainsi s'organisa la cit: les pres de famille formrent une classe de nobles, de patriciens, conservant le triple caractre de rois de leurmaison, de prtres et de sages, c'est--dire, de dpositaires des auspices. Les rfugis composrent une classe de plbiens, compagnons,cliens, vassaux, sans autre droit que la jouissance des terres, qu'ils tenaient des nobles.Les cits hroques furent toutes gouvernes aristocratiquement; les rois des familles soumirent leur empire domestique celui de leurordre. Les principaux de l'ordre hroque furent appels rois de la cit, et administrrent les affaires communes, en ce qui touchait laguerre et la religion.Ces petites socits taient essentiellement guerrires (!"#$%, !'(&%). tranger (hostis), dans leur langage, est synonyme d'ennemi.Les hros s'honoraient du nom de brigands (Voy. Thucydide), et exeraient en effet le brigandage ou la piraterie. l'intrieur, les citshroquesn'taient pasplustranquilles. Lesanciensnobles, dit Aristote(Politique), juraient uneternelleinimitiauxplbiens.L'histoire romaine nous le conrme: les plbiens combattaient pour l'intrt des nobles, leurs propres dpens, et ceux-ci les ruinaientpar l'usure, les enfermaient dans leurs cachots particuliers, les dchiraient de coups de fouets. Mais l'amour de l'honneur, qui entretientdans les rpubliques aristocratiques cette violente rivalit des ordres, cause en rcompense dans la guerre une gnreuse mulation. Lesnoblessedvouent ausalut delapatrie, auquel tiennent touslesprivilgesdeleurordre; lesplbiens, pardesexploitssignals,cherchent se montrer dignes de partager les privilges des nobles. Ces querelles, qui tendent tablir l'galit, sont le plus puissantmoyen d'agrandir les rpubliques.Pour complter ce tableau des ges divin et hroque, nous rapprocherons l'histoire du droit civil de celle du droit politique. Dans lapremire, nous retrouvons toutes les vicissitudes de la seconde. Si les gouvernemens rsultent des murs, la jurisprudence varie selon laforme du gouvernement. C'est ce que n'ont vu ni les historiens, ni les jurisconsultes; ils nous expliquent les lois, nous en rappellentl'institutionsansenmarquer lesrapportsaveclesrvolutionspolitiques; ainsi ilsnousprsentent lesfaitsisolsdeleurscauses.Demandez-leur pourquoi la jurisprudence antique des Romains fut entoure de tant de solennits, de tant de mystres; ils ne saventqu'accuser l'imposture des patriciens.Au premier ge, le droit et la raison, c'est ce qui est ordonn d'en haut, c'est ce que les dieux ont rvl par les auspices, par les oracleset autres signes matriels. Le droit est fond sur une autorit divine. Demander la moindre explication serait un blasphme. Admirons laProvidence qui permit qu' une poque o les hommes taient incapables de discerner le droit, la raison vritable, ils trouvassent dansleur erreur un principe d'ordre et de conduite. La jurisprudence, la science de ce droit divin, ne pouvait tre que la connaissance des ritesreligieux; la justice tait tout entire dans l'observation de certaines pratiques, de certaines crmonies. De l le respect superstitieux desRomains pour les actalegitima; chezeux, les noces, letestament taient dits justa, lorsqueles crmonies requises avaient taccomplies.Le premier tribunal fut celui des dieux; c'est eux qu'en appelaient ceux qui recevaient quelque tort, ce sont eux qu'ils invoquaientcomme tmoins et comme juges. Quand les jugemens de la religion se rgularisrent, les coupables furent dvous, anathmatiss; surcette sentence, ils devaient tre mis mort. On la prononait contre un peuple aussi bien que contre un individu; les guerres (pura et piabella) taient des jugemens de Dieu. Elles avaient toutes un caractre de religion; les hrauts qui les dclaraient, dvouaient les ennemis,et appelaient leursdieuxhorsdeleursmurs; lesvaincustaient considrscommesansdieux; lesroistransderrirelechardestriomphateurs romains taient offerts au Capitole Jupiter Frtrien, et del immols.Les duels furent encore une espce de jugement des dieux. Les rpubliques anciennes, dit Aristote dans sa Politique, n'avaient pas delois judiciaires pour punir les crimes et rprimer la violence. Le duel offrait seul un moyen d'empcher que les guerres individuelles nes'ternisassent. Les hommes, ne pouvant distinguer la cause rellement juste, croyaient juste celle que favorisaient les dieux. Le droithroque fut celui de la force.La violence des hros ne connaissait qu'un seul frein: le respect de la parole. Une fois prononce, la parole tait pour eux sainte commela religion, immuable comme le pass (fas, fatum, de fari). Aux actes religieux qui composaient seuls toute la justice de l'ge divin, etqu'on pourrait appeler formules d'actions, succdrent des formules parles. Les secondes hritrent du respect qu'on avait eu pour lespremires, et la superstition de ces formules fut inexible, impitoyable: Uti lingu nuncupassit, ita jus esto (douze tables): Agamemnon aprononc qu'il immolerait sa lle; il faut qu'il l'immole. Ne crions pas comme Lucrce, tantum relligio potuit suadere malorum!... Ilfallait cette horrible dlit la parole dans ces temps de violence; la faiblesse soumise la force avait craindre de moins ses caprices.L'quit de cet ge n'est donc pas l'quit naturelle, mais l'quit civile; elle est dans la jurisprudence ce que la raison d'tat est enpolitique, un principe d'utilit, de conservation pour la socit.La sagesse consiste alors dans un usage habile des paroles, dans l'application prcise, dans l'appropriation du langage un but d'intrt.C'est l la sagesse d'Ulysse; c'est celle des anciens jurisconsultes romains avec leur fameux cavere. Rpondre sur le droit, ce n'tait poureux autre chose que prcautionner les consultans, et les prparer circonstancier devant les tribunaux le cas contest, de manire que lesformules d'actions s'y rapportassent de point en point, et que le prteur ne pt refuser de les appliquer.Imites des formules religieuses,les formules lgales de l'ge hroque furent enveloppes des mmes mystres: le secret, l'attachement aux choses tablies sont l'me desrpubliques aristocratiques.Les formules religieuses, tant toutes en action, n'avaient rien de gnral; les formules lgales dans leurs commencemens n'ont rapportqu' un fait, un individu; ce sont de simples exemples d'aprs lesquels on juge ensuite les faits analogues. La loi, toute particulireencore, n'a pour elle que l'autorit (dura est, sed scripta est); elle n'est pas encore fonde en principe, en vrit. Jusque-l, il n'y a qu'undroit civil; avec l'ge humain commence le droit naturel, le droit de l'humanit raisonnable. La justice de ce dernier ge considre leThe Project Gutenberg e-Book of Principes de la Philosophie de l'Histoire; Author: J. B. Vico. http://www.gutenberg.org/les/43307/43307-h/43307-h.htm7 de 96 11/08/15 00:55mrite des faits et des personnes; une justice aveugle serait faussement impartiale; son galit apparente serait en effet ingalit. Lesexceptions, les privilges sont souvent demands par l'quit naturelle; aussi les gouvernemens humains savent faire plier la loi dansl'intrt de l'galit mme. mesure que les dmocraties et les monarchies remplacent les aristocraties hroques, l'importance de la loi civile domine de plus enplus celle de la loi politique. Dans celles-ci tous les intrts privs des citoyens taient renferms dans les intrts publics; sous lesgouvernemenshumains, et surtout souslesmonarchies, lesintrtspublicsn'occupent les esprits qu'propos des intrts privs;d'ailleurs les murs s'adoucissant, les affections particulires en prennent d'autant plus de force, et remplacent le patriotisme.Sous les gouvernemens humains, l'galit que la nature a mise entre les hommes en leur donnant l'intelligence, caractre essentiel del'humanit, est consacre dans l'galit civile et politique. Les citoyens sont ds-lors gaux, d'abord comme souverains de la cit, ensuitecomme sujets d'un monarque qui, distingu seul entre tous, leur dicte les mmes lois.Dans les rpubliques populaires bien ordonnes, la seule ingalit qui subsiste est dtermine par le cens: Dieu veut qu'il en soit ainsi,pour donner l'avantage l'conomie sur la prodigalit, l'industrie et la prvoyance sur l'indolence et la paresse.Le peuple pris engnral veut la justice; lorsqu'il entre ainsi dans le gouvernement, il fait des lois justes, c'est--dire gnralement bonnes.Mais peu--peu les tats populaires se corrompent. Les riches ne considrent plus leur fortune comme un moyen de supriorit lgale,maiscommeuninstrument detyrannie; lepeuplequi souslesgouvernemenshroquesnerclamait quel'galit, veut maintenantdominer son tour; il ne manque pas de chefs ambitieux qui lui prsentent des lois populaires, des lois qui tendent enrichir les pauvres.Les querelles ne sont plus lgales; elles se dcident par la force. De l des guerres civiles au-dedans, des guerres injustes au-dehors. Lespuissans s'lvent dans le dsordre; et l'anarchie, la pire des tyrannies, force le peuple de se rfugier dans la domination d'un seul. Ainsile besoin de l'ordre et de la scurit fonde les monarchies. Voil la loi royale (pour parler comme les jurisconsultes) par laquelle Tacitelgitime la monarchie romaine sous Auguste: Qui cuncta discordiis fessa sub imperium unius accepit.Fondes sur la protection des faibles, les monarchies doivent tre gouvernes d'une manire populaire. Le prince tablit l'galit, aumoins dans l'obissance; il humilie les grands, et leur abaissement est dj une libert pour les petits. Revtu d'un pouvoir sans bornes, ilconsulte non la loi, mais l'quit naturelle. Aussi la monarchie est-elle le gouvernement le plus conforme la nature, dans les temps de lacivilisation la plus avance.Les monarques se glorient du titre de clmens, et rendent les peines moins svres; ils diminuent cette terrible puissance paternelledes premiers ges. La bienveillance de la loi descend jusqu'aux esclaves; les ennemis mme sont mieux traits, les vaincus conserventdes droits. Celui de citoyen, dont les rpubliques taient si avares, est prodigu; et le pieux Antonin veut, selon le mot d'Alexandre, quele monde soit une seule cit.Voil toute la vie politique et civile des nations, tant qu'elles conservent leur indpendance. Elles passent successivement sous troisgouvernemens. La lgislation divine fonde la monarchie domestique, et commence l'humanit; la lgislation hroque ou aristocratiqueforme la cit, et limite les abus de la force; la lgislation populaire consacre dans la socit l'galit naturelle; la monarchie enn doitarrter l'anarchie, et la corruption publique qui l'a produite.Quand ce remde est impuissant, il en vient invitablement du dehors un autre plus efcace. Le peuple corrompu tait esclave de sespassions effrnes; il devient esclave d'une nation meilleure qui le soumet par les armes, et le sauve en le soumettant. Car ce sont deuxlois naturelles: Qui ne peut se gouverner, obira,et, aux meilleurs l'empire du monde.Que si un peuple n'tait secouru dans ce misrable tat de dpravation ni par la monarchie ni par la conqute, alors, au dernier desmaux, il faudrait bien que la Providence appliqut le dernier des remdes. Tous les individus de ce peuple se sont isols dans l'intrtpriv; on n'en trouvera pas deux qui s'accordent, chacun suivant son plaisir ou son caprice. Cent fois plus barbares dans cette dernirepriode de la civilisation qu'ils ne l'taient dans son enfance! la premire barbarie tait de nature, la seconde est de rexion; celle-l taitfroce, mais gnreuse; un ennemi pouvait fuir ou se dfendre; celle-ci, non moins cruelle, est lche et perde; c'est en embrassant qu'elleaime frapper. Aussi ne vous y trompez pas; vous voyez une foule de corps, mais si vous cherchez des mes humaines, la solitude estprofonde; ce ne sont plus que des btes sauvages.Qu'elle prisse donc cette socit par la fureur des factions, par l'acharnement dsespr des guerres civiles; que les cits redeviennentforts, quelesfortssoient encorelerepairedeshommes, et qu'forcedesicles, leur ingnieusemalice, leur subtilitperversedisparaissent souslarouilledelabarbarie. Alorsstupides, abrutis, insensiblesauxrafnemensqui lesavaient corrompus, ilsneconnaissent plus que les choses indispensables la vie; peu nombreux, le ncessaire ne leur manque pas; ils sont de nouveau susceptiblesde culture; avec l'antique simplicit l'on verra bientt reparatre la pit, la vracit, la bonne foi, sur lesquelles est fonde la justice, etqui font toute la beaut de l'ordre ternel tabli par la Providence.C'est aprs ces purations svres que Dieu renouvela la socit europenne sur les ruines de l'empire romain. Dirigeant les choseshumaines dans le sens des dcrets ineffables de sa grce, il avait tabli le christianisme en opposant la vertu des martyrs la puissanceromaine, les miracles et la doctrine des pres la vaine sagesse des Grecs; mais il fallait arrter les nouveaux ennemis qui menaaient detoutes parts la foi chrtienne et la civilisation, au nord les Goths ariens, au midi les Arabes mahomtans, qui contestaient galement l'auteur de la religion son divin caractre.On vit renatre l'ge divin et le gouvernement thocratique. On vit les rois catholiques revtir les habits de diacre, mettre la croix surleurs armes, sur leurs couronnes, et fonder des ordres religieux et militaires pour combattre les indles. Alors revinrent les guerrespieuses de l'antiquit (pura et pia bella); mmes crmonies pour les dclarer: on appelait hors des murs d'une ville assige les saints,protecteurs de l'ennemi; et l'oncherchait drober leurs reliques.Les jugemens divins reparurent sous le nomde purgationscanoniques; les duels en furent une espce, quoique non reconnue par les canons.Les brigandages et les reprsailles de l'antiquit, laduret des servitudes hroques se renouvelrent, surtout entre les indles et les chrtiens.Les asiles du monde ancien se rouvrirentchez les vques, chez les abbs; c'est le besoin de cette protection qui motive la plupart des constitutions de efs. Pourquoi tant de lieuxescarps ou retirs portent-ils des noms de saints? c'est que des chapelles y servaient d'asiles.L'ge muet des premiers temps du mondese reprsenta, les vainqueurs et les vaincus ne s'entendaient point; nulle criture en langue vulgaire. Les signes hiroglyphiques furentemployspourmarquerlesdroitsseigneuriauxsurlesmaisonsetsurlestombeaux, surlestroupeauxetsurlesterres. Ainsi, nousThe Project Gutenberg e-Book of Principes de la Philosophie de l'Histoire; Author: J. B. Vico. http://www.gutenberg.org/les/43307/43307-h/43307-h.htm8 de 96 11/08/15 00:55retrouvons au moyen ge la plupart des caractres observs dj dans la plus haute antiquit.Quandtouteslesobservationsqui prcdent sur l'histoiredugenrehumain, neseraient point appuyes par letmoignagedesphilosophes et des historiens, des grammairiens et des jurisconsultes, ne nous conduiraient-elles pas reconnatre dans ce monde lagrande cit des nations fonde et gouverne par Dieu mme?On lve jusqu'au ciel la sagesse lgislative des Lycurgue, des Solon, etdesdcemvirs, auxquelsonrapportelapolicetantclbredestroisplusglorieusescits, desplussignalesparlavertucivile; etpourtant combien ne sont-elles pas infrieures en grandeur et en dure la rpublique de l'univers!Le miracle de sa constitution, c'est qu' chacune de ses rvolutions, elle trouve dans la corruption mme de l'tat prcdent les lmensde la forme nouvelle qui peut la sauver. Il faut bien qu'il y ait l une sagesse au-dessus de l'homme....Cette sagesse ne nous force pas par des lois positives, mais elle se sert pour nous gouverner des usages que nous suivons librement.Rptons donc ici le premier principe de la Science nouvelle: les hommes ont fait eux-mmes le monde social, tel qu'il est; mais cemonde n'en est pas moins sorti d'une intelligence, souvent contraire, et toujours suprieure aux ns particulires que les hommes s'taientproposes. Ces ns d'une vue borne sont pour elle les moyens d'atteindre des ns plus grandes et plus lointaines. Ainsi les hommesisols encore veulent le plaisir brutal, et il en rsulte la saintet des mariages et l'institution de la famille;les pres de famille veulentabuser de leur pouvoir sur leurs serviteurs, et la cit prend naissance;l'ordre dominateur des nobles veut opprimer les plbiens, et ilsubit laservitudedelaloi, qui fait lalibertdupeuple;lepeuplelibretendsecouerlefreindelaloi, et il est assujti unmonarque;le monarque croit assurer son trne en dgradant ses sujets par la corruption, et il ne fait que les prparer porter le jougd'un peuple plus vaillant;enn quand les nations cherchent se dtruire elles-mmes, elles sont disperses dans les solitudes.... et lephnix de la socit renat de ses cendres.Tel est l'expos bien incomplet sans doute de ce vaste systme; nous l'abandonnons aux mditations de nos lecteurs. Il serait trop longde suivre Vico dans les applications ingnieuses qu'il a faites de ses principes. Nous ajouterons seulement quelques mots pour faireconnatre quel fut le sort de l'auteur et de l'ouvrage.La Science nouvelle eut quelque succs en Italie, et la premire dition fut puise en trois ans. Plusieurs grands personnages, entreautres le pape Clment XII, crivirent Vico des lettres atteuses. Des savans de Venise qui voulaient rimprimer la Science nouvelledans cette ville, lui persuadrent d'crire lui-mme sa vie pour qu'on l'insrt, dans un Recueil des Vies des littrateurs les plus distingusde l'Italie. Mais dans le reste de l'Europe le grand ouvrage de Vico ne produisit aucune sensation. Leclerc qui avait rendu compte du livrede uno universi juris principio dans la Bibliothque universelle, ne parla point de la Science nouvelle. Le journal de Trvoux en t unesimple mention. Le journal de Leipsik insra un article calomnieux qui lui avait t envoy de Naples.Employ frquemment par les vice-rois espagnols ou autrichiens composer des discours, des vers, des inscriptions pour les occasionssolennelles, Vico n'en resta pas moins dans l'indigence o il tait n. Il ne supplait l'insufsance des appointemens de la chaire derhtorique qu'il occupait l'universit de Naples, qu'en donnant chez lui des leons de langue latine. Au moment mme o il achevait laScience nouvelle, il concourut pour une chaire de droit, et il choua.Dans cette position pnible, il faisait toute sa consolation du soin d'lever ses deux lles, qu'il aimait beaucoup, et dont l'ane russitdans la posie italienne. C'tait, dit l'diteur des opuscules de Vico, auquel un ls du grand homme a transmis ces dtails, c'tait unspectacle touchant de voir le philosophe jouer avec ses lles aux heures que lui laissaient d'ennuyeux devoirs. Un ami qui le trouvait unjour avec elles, ne put s'empcher de rpter ce passage du Tasse: C'est Alcide qui, la quenouille en main, amuse de rcits fabuleux leslles de Monie. Ce bonheur domestique tait lui-mme ml d'amertume. Un de ses enfans fut atteint d'une maladie longue et cruelle.Un autre devint par sa mauvaise conduite la honte de sa famille, et Vico fut oblig de demander qu'il ft enferm. l'avnement de la maison de Bourbon, sa condition sembla s'amliorer, il fut nomm historiographe du roi, et obtint que son ls,GennaroVico, dont onconnaissait lemriteet laprobit, lui succdt commeprofesseur; maiscesfaveursvenaient bientard. Illanguissait dj sous le poids de l'ge et des plus douloureuses inrmits. Enn ses forces diminuant tous les jours, il resta quatorze moissans parler et sans reconnatre ses propres enfans. Il ne sortit de cet tat que pour s'apercevoir de sa mort prochaine, et, aprs avoir remplile devoir d'un chrtien, il expira en rcitant les psaumes de David, le 20 janvier 1744. Il avait 76 ans accomplis.Ne quittons point cet homme rare sans apprendre de lui-mme comment il supporta ses malheurs: Qu'elle soit jamais loue, dit-ildans une lettre, cette Providence qui, lors mme qu'elle semble nos faibles yeux une justice svre, n'est qu'amour et que bont. Depuisque j'ai fait mon grand ouvrage, je sens que j'ai revtu un nouvel homme. Je n'prouve plus la tentation de dclamer contre le mauvaisgot du sicle, puisqu'en me repoussant de la place que je demandais, il m'a donn l'occasion de composer la Science nouvelle. Ledirai-je? je me trompe peut-tre, mais je voudrais bien ne pas me tromper: la composition de cet ouvrage m'a anim d'un esprit hroquequi me met au-dessus de la crainte de la mort et des calomnies de mes rivaux. Je me sens assis sur une roche de diamant, quand je songeau jugement de Dieu qui fait justice au gnie par l'estime du sage!.... 1726.Nous rapporterons encore, quoi qu'il en cote, les dernires lignes qui soient sorties de sa plume: Maintenant Vico n'a plus rien esprer au monde. Accabl par l'ge et les fatigues, us par les chagrins domestiques, tourment de douleurs convulsives dans les cuisseset dans les jambes, en proie un mal rongeur qui lui a dj dvor une partie considrable de la tte, il a renonc entirement aux tudes,et a envoy au pre Louis-Dominique, si recommandable par sa bont et par son talent dans la posie lgiaque, le manuscrit des notessur la premire dition de la Science nouvelle, avec l'inscription suivante:AU TIBULLE CHRTIENAU PRE LOUIS DOMINIQUEJEAN BAPTISTE VICOPOURSUIVI ET BATTUPAR LES ORAGES CONTINUELS D'UNE FORTUNE ENNEMIEENVOIE CES DBRIS INFORTUNS DE LA SCIENCE NOUVELLEPUISSENT ILS TROUVER CHEZ LUI UN PORT UN LIEU DE REPOS[Aprsavoirrappellesobstacles, lescontradictionsqu'il rencontra, il ajoutecequi suit:]Vicobnissait cesadversitsqui leramenaient ses tudes. Retir dans sa solitude comme dans un fort inexpugnable, il mditait, il crivait quelque nouvel ouvrage, et tiraitune noble vengeance de ses dtracteurs. C'est ainsi qu'il en vint trouver la Science nouvelle.... Depuis ce moment il crut n'avoir rien The Project Gutenberg e-Book of Principes de la Philosophie de l'Histoire; Author: J. B. Vico. http://www.gutenberg.org/les/43307/43307-h/43307-h.htm9 de 96 11/08/15 00:55envier ce Socrate, dont Phdre disait:L'envie le condamna vivant, mais sa cendre est absoute. Que l'on m'assure sa gloire, et je ne refuse point sa mort![7]APPENDICE DU DISCOURS.Cet appendice renferme la vie de Vico, la liste de tous ses ouvrages et celle des auteurs qui l'ont imit, attaqu, ou simplement mentionn;enn l'indication des principaux ouvrages qui ont t crits sur la philosophie de l'histoire.Nous ne rpterons pas ici les dtails relatifs la vie de Vico, que nous avons dj donns au commencement et la n du discours.Vico naquit en 1668, et non en 1670, comme on le lit dans sa Vie crite par lui-mme. L'diteur de ses Opuscules a recti cette dated'aprs les registres de naissance. l'ge de sept ans, il perdit beaucoup de sang par suite d'une chute, et le chirurgien dcida qu'ilmourrait ou resterait imbcille; la prdiction ne fut point vrie. Cet accident ne t qu'altrer son humeur, et le rendit mlancolique etardent, caractre ordinaire des hommes qui unissent la vivacit d'esprit et la profondeur. Aprs avoir fait ses humanits et surpass sesmatres, il se livra avec ardeur la dialectique; mais les subtilits de la scholastique le rebutrent: il faillit perdre l'esprit, et demeuradcourag pour dix-huit mois.Un jour qu'il tait entr par hasard dans une cole de droit, le professeur louait un clbre jurisconsulte; ce moment dcida de sa vie.....Ds ces premires tudes, Vico tait charm en lisant les maximes dans lesquelles les interprtes anciens ont rsum et gnralis lesmotifsparticuliersdulgislateur. Il aimait aussi observer lesoinaveclequel lesjurisconsultespsent lestermesdesloisqu'ilsexpliquent. Il vit ds-lors dans les interprtes anciens les philosophes de l'quit naturelle; dans les interprtes rudits les historiens dudroit romain: double prsage de ses recherches sur le principe d'un droit universel, et du bonheur avec lequel il devait clairer l'tude dela jurisprudence romaine par celle de la langue latine.Il nous a fait connatre la marche de ses tudes pendant les neuf annes qui suivirent cette poque. Ce n'est point ici un de ces romanso les philosophes exposent leurs ides dans une forme historique; la route de Vico est trop sinueuse pour qu'on puisse la supposer traced'avance.D'abord la ncessit d'embrasser toute la science qu'il enseignait, l'obligea de s'occuper du droit canonique. Pour mieux comprendre cedroit, il entra dans l'tude du dogme; cette tude devait le conduire plus tard chercher un principe du droit naturel qui pt expliquer lesorigineshistoriquesdudroit romainet engnral dudroit desnationspaennes, et qui, souslerapport moral, n'enft pasmoinsconforme la saine doctrine de la Grce.Vers le mme temps, la lecture de Laurent Valla, qui accuse de peu d'lgance les jurisconsultes romains, celle d'un autre critique quicomparait la versication savante de Virgile avec celle des modernes, le dterminrent se livrer l'tude de la littrature latine qu'ilassocia celle de l'italienne. Il lisait alternativement Cicron et Boccace, Dante et Virgile, Horace et Ptrarque. Chaque ouvrage tait lutrois fois; la premire pour en saisir l'unit, la seconde pour en observer la suite et pour tudier l'artice de la composition, la troisimepour en noter les expressions remarquables, ce qu'il faisait sur le livre mme.Lisant ensuite, dans l'Art potique d'Horace, que l'tude des moralistes ouvre la posie la source de richesses la plus abondante, il s'ylivra avec ardeur, en commenant par Aristote, qu'il avait vu citer le plus souvent dans les livres lmentaires de droit. Dans cette tude,il observa bientt que la jurisprudence romaine n'tait qu'un art de dcider les cas particuliers selon l'quit, art dont les jurisconsultesdonnaient d'innombrables prceptes conformes la justice naturelle, et tirs de l'intention du lgislateur; mais que la science du justeenseigne par les philosophes est fonde sur un petit nombre de vrits ternelles, dictes par une justice mtaphysique qui est commel'architecte de la cit; qu'ainsi l'on n'apprend dans les coles que la moiti de la science du droit.La morale le ramena la mtaphysique; mais comme il tirait peu de prot de celle d'Aristote, il se mit lire Platon, sur sa rputationde prince des philosophes. Il comprit alors pourquoi la mtaphysique du premier ne lui avait servi de rien pour appuyer la morale. Celledu second conduit reconnatre pour principe physique l'ide ternelle qui tire d'elle-mme et cre la matire. Conformment cettemtaphysique, Platon donne pour base sa morale l'idal de la justice; et c'est de l qu'il part pour fonder sa rpublique, sa lgislationidales. LalecturedePlatonveilladansl'esprit deVicolapremireconceptiond'undroit idal ternel, envigueur danslacituniverselle, qui est renferme dans la pense de Dieu, et dans la forme de laquelle sont institues les cits de tous les temps et de tous lespays. Voil la rpublique que Platon devait dduire de sa mtaphysique; mais il ne le pouvait, ignorant la chute du premier homme.Les ouvrages philosophiques de Platon, d'Aristote et de Cicron, dont le but est de diriger l'homme social, l'loignrent galement etdes picuriens, toujours renferms dans la molle oisivet de leurs jardins, et des stociens qui, tout entiers dans les thories, se proposentl'impassibilit; ce sont morales de solitaires. Mais il admira la physique des stociens qui composent l'univers de points, comme lesplatoniciens le composent de nombres. Il rejeta galement les physiques mcaniques d'picure et de Descartes. La physiqueexprimentale des Anglais lui parut devoir tre utile la mdecine; mais il se garda bien de s'occuper d'une science qui ne servait de rien la philosophie de l'homme, et dont la langue tait barbare.Comme Aristote et Platon tirent souvent leurs preuves des mathmatiques, il tudia la gomtrie pour les mieux entendre; mais il nepoussa pas loin cette tude, pensant qu'il sufsait de connatre la mthode des gomtres; pourquoi mettre dans de pareilles entraves unesprit habitu parcourir le champ sans bornes des gnralits, et chercher d'heureux rapprochemens dans la lecture des orateurs, deshistoriens et des potes?De retour Naples, Vico y trouva cette dcadence universelle dont on a vu le tableau. Combien il se flicita de n'avoir pas eu de matredont lesparolesfussent pour lui deslois; combienil remercialasolitudedesesforts, oil avait pusuivreunecarriretouteindpendante! Voyant qu'on ngligeait surtout la langue latine, il se dtermina en faire un des principaux objets de ses tudes; pourmieux s'y livrer, il abandonna le grec, et ne voulut jamais apprendre le franais. Il croyait avoir remarqu que ceux qui savent tant delangues, n'en possdent jamais une parfaitement. Il abandonna les critiques, les commentateurs, et ferma mme les dictionnaires. Lespremiersn'arrivent guresentirlesbeautsd'unelanguetrangre, parl'habitudequ'ilsont decherchertoujourslesdfauts. LaThe Project Gutenberg e-Book of Principes de la Philosophie de l'Histoire; Author: J. B. Vico. http://www.gutenberg.org/les/43307/43307-h/43307-h.htm10 de 96 11/08/15 00:55dcadence de la langue latine date de l'poque ocommencrent paratre les seconds. Il ne conserva d'autre lexique que leNomenclateur de Junius pour l'intelligence des termes techniques. Il lut les auteurs dans des ditions sans notes, en cherchant pntrerdans leur esprit avec une critique philosophique. Aussi ses amis l'appelaient-ils, comme on nommait autrefois picure,)*+&,$,-./)#&%, le matre de soi-mme.On commenait ds-lors connatre son mrite, et les thatins cherchaient le faire entrer dans leur ordre; comme il n'tait pointgentilhomme, ils offraient de lui obtenir une dispense du pape. Vico refusa, et se maria, ce qu'il parat, peu de temps aprs. Vers lamme poque, la chaire de rhtorique tant venue vaquer, il refusait de concourir, parce qu'il avait chou peu auparavant dans lademande d'une autre place; mais ses amis se moqurent de sa simplicit dans les choses d'intrt; il concourut et russit (1697 ou 98).Cette place lui donna l'occasion d'exposer partiellement, dans une suite de discours d'ouverture, les ides qu'il devait runir dans songrand ouvrage (1699-1720). Ce sont toujours des sujets gnraux o la philosophie descend aux applications de la vie civile; il y traitedu but des tudes et de la mthode qu'on doit y suivre, des ns de l'homme, du citoyen, du chrtien.Cesdiscours,gnralementadmirablesparlahauteurdesvues, ontune formeparadoxaleetquelquefoisbizarrementdramatique.L'homme, dit-il dans celui de 1699, doit embrasser le cercle des sciences; qui ne le fait pas, ne le veut pas srieusement. Nous ignoronstoute la puissance de nos facults. De mme que Dieu est l'esprit du monde, l'esprit humain est un dieu dans l'homme. Ne vous est-il pasarriv de faire, dans l'lan d'une volont forte, des choses que vous admiriez ensuite, et que vous tiez tents d'attribuer un dieu pluttqu' vous-mmes?Dans le discours de 1700, Dieu, juge de la grande cit, prononce cette sentence dans la forme des lois romaines:L'homme natra pour la vrit et pour la vertu, c'est--dire pour moi; la raison commandera, les passions obiront. Si quelque insens, parcorruption, par ngligence ou par lgret, enfreint cette loi, criminel au premier chef, qu'il se fasse lui-mme une guerre cruelle.....puis vient la description pathtique de cette guerre intrieure.1701. Tout artice, toute intrigue doivent tre bannis de la rpublique des lettres, si l'on veut acqurir de vritables lumires.1704.Quiconque veut trouver dans l'tude le prot et l'honneur, doit travailler pour la gloire, c'est--dire pour le bien gnral.1705. Lespoques de gloire et de puissance pour les socits, ont t celles o elles ont euri par les lettres.1707. La connaissance de notrenature dchue doit nous exciter embrasser dans nos tudes l'universalit des arts et des sciences, et nous indiquer l'ordre naturel danslequel nous les devons apprendre.Les discours de 1699 et de 1700 sont les seuls qu'on ait conservs en entier; ils se trouvent dans lequatrime volume du recueil des Opuscules de Vico.Nous avons parl dj de deux discours plus remarquables encore (De nostri temporis studiorum ratione, 1708.Omnis divin atquehuman eruditionis elementa tria, nosse, velle, posse, etc. 1719). Le second a t fondu par Vico dans son livre sur l'Unit de principe dudroit, qui lui-mme a fourni les matriaux de la Science nouvelle.Le premier ouvrage considrable de Vico, est le trait: De antiquissim Italorum sapienti ex lingu latin originibus eruend, 1710.La lecture du trait plus ingnieux que solide de Bacon, De sapienti veterum, lui t natre l'ide de chercher les principes de la sagesseantique, non dans les fables des potes, mais dans les tymologies de la langue latine, comme Platon les avait cherchs dans celles de lalangue grecque (Voy. le Cratyle). Ce travail devait avoir deux parties, l'une mtaphysique, l'autre physique. La premire seule a timprime, sous le titre indiqu ci-dessus. Vico parat n'avoir pas achev la seconde; il dit seulement en avoir ddi Aulisio un morceauconsidrable, intitul: De quilibrio corporis animantis. Il y traitait de l'ancienne mdecine des gyptiens. Je n'ai pu me procurer cetopuscule, qui peut-tren'apastimprim. Danslepeuqu'il encite, onvoit qu'il avait souponnl'analogieducaloriqueet dumagntisme.Le livre De antiquissim Italorum sapienti, est de tous les ouvrages de Vico celui dont il a le moins prot dans la Science nouvelle.Rien de plus ingnieux que ses rexions sur la signication identique des mots verum et factum dans l'ancienne langue latine, sur le sensd'intelligere, cogitare, dividere, minuere, genus et forma, verum et quum, causa et negotium, etc. Nous avons fait connatre dans Vico lefondateur de la philosophie de l'histoire; peut-tre, dans un second volume, montrerons-nous en lui le mtaphysicien subtil et profond,l'antagoniste du cartsianisme, l'adversaire le plus clair et le plus loquent de l'esprit du dix-huitime sicle. La traduction de l'ouvragedont nous venons de parler entrerait dans cette nouvelle publication.Vico s'occupa bientt d'un travail tout diffrent. Le duc de Traetto, Adrien Caraffe, le pria de se charger d'crire la vie du marchalAntoine Caraffe, son oncle, d'aprs les Mmoires qu'il avait laisss. Il y consacra une partie de ses nuits pendant deux ans et s'efforad'y concilier le respect d aux princes avec celui que rclame la vrit. L'ouvrage parut en un volume, 1716, et concilia l'auteurl'estime et l'amiti de Gravina, avec lequel il entretint ds-lors une correspondance assidue. Nous n'avons pu trouver ni l'histoire ni leslettres.Pour se prparer crire cette vie, Vico lut le grand ouvrage de Grotius. Nous avons vu quelle rvolution cette lecture opra dans sesides. On lui avait demand des notes pour une nouvelle dition du Droit de la guerre et de la paix, et il en avait dj crit sur le premierlivreetsurlamoitidusecond, lorsqu'ils'arrta, rchissantqu'ilconvenaitpeuuncatholiqued'ornerdenotesl'ouvraged'unhrtique.[8]Lorsque Vico eut fait paratre ses deux ouvrages, de uno universi juris principio, et de constantia jurisprudentis (1721), l'importancede ces travaux et son anciennet dans l'universit de Naples, l'encouragrent concourir pour une chaire de droit qui se trouvait vacante.Plusieurs de ses adversaires comptaient bien qu'il vanterait longuement ses services envers l'universit; plusieurs espraient qu'il s'entiendrait l'rudition vulgaire des principaux auteurs qui avaient trait la matire; d'autres, qu'il se jetterait sur ses principes du droituniversel. Il les trompa tous: aprs une invocation courte, grave et touchante, il lut le commencement de la loi, et suivit une mthodefamilire aux anciens jurisconsultes, mais toute nouvelle dans les concours. Les applaudissemens unanimes de l'auditoire lui faisaientcroire qu'il avait russi; il en fut autrement. Mais voici ce qui prouve que Vico est n pour la gloire de Naples et de l'Italie; il venait deperdre tout espoir d'avancement dans sa patrie; un autre aurait dit adieu aux lettres, se serait repenti peut-tre de les avoir cultives; pourlui il ne songea qu' complter son systme.Nous ajouterons peu de choses ce que nous avons dit sur les dernires annes de Vico, et sur les malheurs qui attristrent la n de sacarrire. Une seule anecdote montrera l'tat de gne o il se trouvait, et l'indiffrence de ses protecteurs. On a trouv la note suivante audos d'une lettre adresse Vico par le cardinal Laurent Corsini, son Mcne, depuis pape sous le nom de Clment XII. Rponse de Sonminence le cardinal Corsini qui n'a pas eu le moyen de m'aider imprimer mon ouvrage. Ce refus m'a forc de penser ma pauvret. Ila fallu que j'employasse le prix d'un beau diamant, que je portais au doigt, payer l'impression et la relire. J'ai ddi l'ouvrage auThe Project Gutenberg e-Book of Principes de la Philosophie de l'Histoire; Author: J. B. Vico. http://www.gutenberg.org/les/43307/43307-h/43307-h.htm11 de 96 11/08/15 00:55seigneur cardinal, parce que je l'avais promis. L'amiti d'un simple gentilhomme, nomm Pietro Belli, fut plus utile Vico, qui reconnutses bienfaits en mettant une prface sa traduction de la Siphilis de Frascator.Dans une situation si pnible, il ne laissait chapper aucune plainte. Seulement il lui arrivait quelquefois de dire un ami quelemalheur lepoursuivrait jusqu'autombeau. Cette triste prophtie fut ralise. sa mort, les professeurs de l'universit s'taientrassembls chez lui, selon l'usage, pour accompagner leur collgue sa dernire demeure. La confrrie de Sainte-Sophie, laquelle tenaitVico, devait porter le corps. Il tait dj descendu dans la cour et expos. Alors commena une vive altercation entre les membres de lacongrgation et les professeurs, qui prtendaient galement au droit de porter les coins du drap mortuaire. Les deux partis s'obstinant, lacongrgationseretiraet laissalecadavre. Lesprofesseursnepouvant l'enterrer seuls, il fallut leremonter danslamaison. Sonmalheureux ls, l'me navre, s'adressa au chapitre de l'glise mtropolitaine, et le t enterrer enn dans l'glise des pres de l'Oratoire(detta de' Gerolamini), qu'il frquentait de son vivant, et qu'il avait choisie lui-mme pour le lieu de sa spulture.Les restes de Vico demeurrent ngligs et ignors jusqu'en 1789. Alors son ls Gennaro lui t graver, dans un coin cart de l'glise,une simple pitaphe. L'Arcadie de Rome, dont Vico tait membre, lui avait rig un monument. Le possesseur actuel du chteau deCilento, amisuneinscriptionsammoiredansunebibliothquepeuconsidrableducouvent deSainte-MariedelaPiti, oiltravaillait ordinairement pendant son sjour Vatolla.Nous avons parl du peu d'impression que produisit sur le public l'apparition du systme de Vico. Lorsque parurent les livres De unojuris principio et De constanti jurisprudentis, l'ouvrage, dit-il lui-mme, n'prouva qu'une critique, c'est qu'on ne le comprenait pas.Cependant le fameux Leclerc le comprit, car il crivit l'auteur une lettre atteuse, et tmoigna une haute estime pour l'ouvrage, dans laBibliothque ancienne et moderne, 2e partie du volume XVIII, article 8.LorsquelesidesdeVicos'tendirent, etqu'ilsentitlancessitderunirlesdeuxouvragespourlesappuyerl'unparl'autre, ilentreprit d'abord d'tablir son systme en montrant l'invraisemblance de tout ce qu'on avait dit sur le mme sujet; l'ouvrage devait avoirdeux volumes in-4o. Mais il sentit les inconvniens de cette mthode ngative: d'ailleurs un revers de fortune l'avait mis hors d'tat defairedesfraisd'impressionsiconsidrables. Ilconcentratoutessesfacultsdanslamditationlaplusprofondepourdonnersonouvrage une forme positive, et le rduire de plus troites proportions. Le rsultat de ce nouveau travail fut la premire dition de laScience nouvelle, qui parut en 1725.La Science nouvelle fut attaque par les protestans et par les catholiques. Tandis qu'un Damiano Romano, accusait le systme de Vicod'trecontrairelareligion, lejournal deLeipsiginsrait unarticleenvoyparunautrecompatriotedeVico, danslequel onluireprochait d'avoir approprisonsystme augot de l'glise romaine. Vicoaccepte ce dernier reproche, mais il ajoute unmotremarquable: N'est-ce pas un caractre commun toute religion chrtienne, et mme toute religion, d'tre fonde sur le dogme de laProvidence. Recueil des Opuscules, t. 1, p. 141.L'accusation de Damiano a t reproduite en 1821, par M. Colangelo.[9]On a vu dans le discours, comment Vico abandonna la mthode analytique qu'il avait suivie d'abord pour donner son livre une formesynthtique. Dans la seconde dition (1730), il part souvent des ides de la premire comme de principes tablis, et les exprime enformules qu'il emploie ensuite sans les expliquer.Dansladerniredition(1744), l'obscuritet laconfusionaugmentent. Onnepeut s'entonnerlorsqu'onsait comment ellefutpublie. L'auteur arrivait au terme de sa vie et de ses malheurs; depuis plusieurs mois il avait perdu connaissance. Il parat que son lsGennaro Vico rassembla les notes qu'il avait pu dicter depuis l'dition de 1730, et les intercala la suite des passages auxquels elles serapportaient le mieux, sans entreprendre de les fondre avec le texte auquel il n'osait toucher.La plupart des retranchemens que nous nous sommes permis, portent sur ces additions.Quoique nous n'ayons point traduit le morceau considrable, intitul: Ide de l'ouvrage, et que nous ayons abrg de moiti la Tablechronologique, nous n'avons rellement rien retranch du 1er livre. Tout ce que nous avons pass dans la table, se trouve plac ailleurs, etplus convenablement. Quant l'Ide de l'ouvrage, Vico avoue lui-mme, en tte de l'dition de 1730, qu'il y avait mis d'abord une sortedeprfacequ'il supprima, et qu'il crivit cetteexplicationdufrontispicepour remplir exactement lemmenombredepages. Cefrontispice est une sorte de reprsentation allgorique de la Science nouvelle. Debout sur le globe terrestre, la Mtaphysique en extasecontemple l'il divin dans le mystrieux triangle; elle en reoit un rayon qui se rchit sur la statue d'Homre (des pomes duquell'auteur doit tirer une grande partie de ses preuves). Le globe pose sur un autel qui porte aussi le feu sacr et le bton augural, la torchenuptialeetl'urnefunraire, symbolesdespremiersprincipesdelasocit. Surledevant, letableaudel'alphabet, lesfaisceaux, lesbalances, etc., dsignent autant de parties du systme.C'est sur le second livre que portent les principaux retranchemens. Le plus considrable des morceaux que nous n'avons pas cru devoirtraduire, est une explication historique de la mythologie grecque et latine. Il comprend, dans le deuxime volume de l'dition de Milan(1803), les pages 101-107, 120-138, 147-156, 159, 165-171, 179, 182-185, 216-223, 235-238, 239-240, 254-268. Nous en avons rejetl'extrait la n de la traduction. Pour ne point juger cette partie du systme avec une injuste svrit, il faut se rappeler qu'au temps deVico, la science mythologique tait encore frappe de strilit par l'opinion ancienne qui ne voyait que des dmons dans les dieux dupaganisme, ourenfermedanslesystmepresqueaussi infconddel'apothose. Vicoest undespremiersqui aient considrcesdivinits comme autant de symboles d'ides abstraites.Les autres retranchemens du livre II, comprennent les pages 7-12, 40-46, 49, 69-71, 90-92, 188-192, 210, et en grande partie 286-288.Ceux des derniers livres ne portent que sur les pages 78-9, 81-2, 84, 133, 138-140, 143-4.Nousavonsmentionn, l'poquedeleurpublication, touslesouvragesimportansdeVico. 1708. Denostri temporisstudiorumratione.1710. De antiquissim Italorum sapienti ex originibus lingu latin eruend; trad. en italien, 1816, Milan.1716. Vita diMarcescialloAntonioCaraffa.1721. Deunojurisuniversi principio. Deconstantijurisprudentis.EnnlestroisditionsdelaScienza nuova, 1725, 1730, 1744. La premire a t rimprime, en 1817, Naples, par les soins de M. Salvatore Galotti. La dernire l'at, en 1801, Milan; Naples, en 1811 et en 1816, ou 1818? 1821? Elle a t traduite en allemand par M. W. E. Weber, Leipsig,1822.Pourcompltercetteliste, nousn'auronsqu'suivrel'diteurdesOpusculesdeVico. M. CarlantoniodeRosa, marquisdeVilla-Rosa, les a recueillis en quatre volumes in-8o (Naples, 1818). Nous n'avons trouv qu'une omission dans ce recueil. C'est celle dequelques notes faites par Vico sur l'Art potique d'Horace. Ces notes peu remarquables ne portent point de date. Elles ont t publiesThe Project Gutenberg e-Book of Principes de la Philosophie de l'Histoire; Author: J. B. Vico. http://www.gutenberg.org/les/43307/43307-h/43307-h.htm12 de 96 11/08/15 00:55rcemment.Les pices indites publies, en 1818, par M. Antonio Giordano, se trouvent aussi dans le recueil de M. de Rosa.Le premier volume du recueil des Opuscules contient plusieurs crits en prose italienne. Le plus curieux est le mmoire de Vico sur savie. L'estimable diteur, descendant d'un protecteur de Vico, y a joint une addition de l'auteur qu'il a retrouve dans ses papiers, et acomplt la vie de Vico d'aprs les dtails que lui a transmis le ls mme du grand homme. Rien de plus touchant que les pages XV et158-168decevolume. Nousenavonsdonnunextrait. Lesautrespicessont moinsimportantes.1715. Discourssurlesrepassomptueux des Romains, prononc en prsence du duc de Medina-Celi, vice-roi.Oraison funbre d'Anne-Marie d'Aspremont, comtessed'Althann, mre du vice-roi. Beaucoup d'originalit. Comparaison remarquable entre la guerre de la succession d'Espagne et la secondeguerrepunique.1727. Oraisonfunbred'AngiolaCimini, marquisedelaPetrella. L'argument est trsbeau: Elleaenseignparl'exemple de sa vie la douceur et l'austrit (il soave austero) de la vertu.Le second volume renferme quelques opuscules et un grand nombre de lettres, en italien. Le principal opuscule est la Rponse unarticle du journal littraire d'Italie. C'est l qu'il juge Descartes avec l'impartialit que nous avons admire plus haut. Dans deux lettresque contient aussi ce volume (au pre de Vitr, 1726, et D. Francesco Solla, 1729), il attaque la rforme cartsienne, et l'esprit du 18esicle, souvent avec humeur, mais toujours d'une manire loquente.Deux morceaux sur Dante ne sont pas moins curieux. On y trouvel'opinion reproduite depuis par Monti, que l'auteur de la divine Comdie est plus admirable encore dans le purgatoire et le paradis quedans cet enfer si exclusivement admir.1730. Pourquoi les orateurs russissent mal dans laposie.Delagrammaire.1720.Remercment un dfenseur de son systme. Dans cette lettre curieuse, Vico explique le peu de succs de la Science nouvelle. On ytrouve le passage suivant: Je suis n dans cette ville, et j'ai eu affaire bien des gens pour mes besoins. Me connaissant ds ma premirejeunesse, ils se rappellent mes faiblesses et mes erreurs. Comme le mal que nous voyons dans les autres nous frappe vivement, et nousreste profondment grav dans la mmoire, il devient une rgle d'aprs laquelle nous jugeons toujours ce qu'ils peuvent faire ensuite debeau et de bon. D'ailleurs je n'ai ni richesses ni dignit; comment pourrais-je me concilier l'estime de la multitude? etc.1725. Lettredans laquelle il se flicite de n'avoir pas obtenu la chaire de droit, ce qui lui a donn le loisir de composer la Science nouvelle (Voy.l'avant-dernire page du discours.)Lettre fort belle sur un ouvrage qui traitait de la morale chrtienne, Mgr. Muzio Gata.Lettre aumme, dans laquelle il donne une ide de son livre De antiqu sapienti Italorum. Il y a quelques annes que j'ai travaill un systmecomplet demtaphysique. J'essayaisd'ydmontrerquel'hommeest Dieudanslemondedesgrandeursabstraites, et queDieuestgomtre dans le monde des grandeurs concrtes, c'est--dire dans celui de la nature et des corps. En effet, dans la gomtrie l'esprithumain part du point, chose qui n'a point de parties, et qui, par consquent, est innie; ce qui faisait dire Galile que quand noussommes rduits au point, il n'y a plus lieu ni l'augmentation, ni la diminution, ni l'galit... Non-seulement dans les problmes, maisaussi dans les thormes, connatre et faire, c'est la mme chose pour le gomtre comme pour Dieu.Les rponses des hommes de lettres auxquels crit Vico, donnent une haute ide du public philosophique de l'Italie cette poque. Lesprincipauxsont MuzioGata, archevquedeBari; unprdicateur clbre, Michelangelo, capucin; NicolConcina, del'ordredesPrcheurs, professeur de philosophie et de droit naturel, Padoue, qui enseignait plusieurs parties de la doctrine de Vico; TommasoMarin Alfani, du mme ordre, qui assure avoir t comme ressuscit aprs une longue maladie, par la lecture d'un nouvel ouvrage deVico; le duc de Laurenzano, auteur d'un ouvrage sur le bon usage des passions humaines; enn l'abb Antonio Conti, noble vnitien,auteur d'une tragdie de Csar, et qui tait li avec Leibnitz et Newton. Vico tait aussi en correspondance avec le clbre Gravina, avecPaolo Doria, philosophe cartsien, et avec ce prodigieux Aulisio, professeur de droit, Naples, qui savait neuf langues, et qui crivit surla mdecine, sur l'art militaire et sur l'histoire. D'abord ennemi de Vico, Aulisio se rconcilia avec lui aprs la lecture du discours Denostri temporis studiorum ratione. Nous n'avons ni les lettres qu'il crivit ces trois derniers ni leurs rponses.Dans le troisime volume des Opuscules, Vico offre une preuve nouvelle que le gnie philosophique n'exclut point celui de la posie.Ainsi sont dranges sans cesse les classications rigoureuses des modernes. Quoi de plus subtil, et en mme temps de plus potique quele gnie de Platon? Vico prsente, par ce double caractre, une analogie remarquable avec l'auteur de la Divine comdie.Mais, c'est dans sa prose, c'est dans son grand pome philosoph