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La politique des langues, RC 50 AISP-IPSA 2014 Congrès mondial, Montréal, Canada
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Communication présentée avec le soutien de l’Association belge francophone de science
politique
Version du 15.07.2014
Bruxelles : concurrence des parcours d’intégration et bataille pour la
langue
Catherine XHARDEZ1
Pays de clivages et de divisions, en proie depuis les années 70 à un
fédéralisme de dissociation, la Belgique présente la particularité d’être un Etat
plurinational dominé par deux grandes communautés nationales : les Flamands et
les francophones. C’est également un Etat polyethnique – selon l’expression de
Kymlicka (1995) – avec plus de 10 % de sa population qui n’a pas la nationalité
belge et une société de plus en plus diversifiée. En effet, l’Etat belge est aujourd’hui
confronté à la gestion d’un double phénomène migratoire. D’une part, malgré l’arrêt
officiel de toute nouvelle immigration de travailleurs étrangers depuis 1974, le pays
reste soumis à des flux migratoires importants. Au sein de ceux-ci, le profil de la
population a fortement évolué depuis les premières vagues migratoires. Surtout,
l’immigration qui était dans un premier temps conjoncturelle est devenue structurelle
et la Belgique est devenue « terre d’immigration ». D’autre part, les autorités
politiques doivent également prendre en compte le phénomène de l’« après-
migration » car les populations issues de vagues migratoires antérieures sont
maintenant implantées de manière définitive et permanente (Martiniello Perrin 2012 :
75). Ainsi, l’établissement des immigrés et de leurs descendants a fortement
contribué à diversifier la société belge (Martiniello Rea 2012 : 54), déjà très clivée, et
leur présence définitive a conduit à la mise en place de politiques d’intégration
différenciées selon les entités fédérées.
Ce double phénomène est d’autant plus patent que, à Bruxelles, capitale du
pays et creuset de la mixité, ces proportions sont multipliées par deux ou par trois
par rapport aux autres Régions. La politique d’intégration des primo-arrivants y est
un enjeu particulièrement sensible. En outre, des entités fédérées et des institutions
différentes, et en conséquence, concurrentes, sont compétentes en matière
d’intégration. Les politiques à l’attention des migrants se trouvent de facto
cadenassées par un paysage institutionnel complexe et dédoublé. Le résultat est
interpellant : deux parcours d’intégration civique sont proposés, un flamand et – très
récemment – un francophone. L’enjeu linguistique est énorme : à Bruxelles, région
officiellement bilingue mais en réalité majoritairement francophone, les Flamands,
bien que majoritaires à l’échelle du pays, se trouvent en position minoritaire. Dans
1 Doctorante en science politique, Université Saint-Louis – Bruxelles (CReSPo), Boulevard du Jardin
Botanique 43, 1000 Bruxelles. www.crespo.be
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ces conditions, l’intégration des personnes d’origine étrangère vient compliquer la
donne et les immigrés sont invités à « choisir leur camp », et, ainsi également leur
langue.
Le cas bruxellois se distingue par l’ampleur de l’enjeu de l’intégration mais
aussi par la présence de deux communautés vivant ensemble sur le même territoire
avec une relation inverse au poids démographique existant dans le cadre national
(Jacobs 2000). Surtout, ce cas n’a été que peu investigué pour l’instant (Jacobs
2000, Adam 2013). Ce papier se concentre sur un type particulier de politique à
savoir les politiques d’intégration à l’attention des primo-arrivants et/ou des
personnes d’origine bruxelloise. Nous nous concentrerons en particulier sur
l’émergence, dans les deux communautés, d’un parcours d’intégration civique (ou
parcours d’accueil). Cette politique est particulièrement intéressante car elle agit
comme révélateur de tensions sous-jacentes, en particulier en ce qui concerne la
place de la langue dans la Capitale. Les questions suivantes seront explorées :
Quelles sont les caractéristiques des parcours d’intégration mis en place en
Région bruxelloise ? Quelles sont les différences dans les voies choisies par les
entités francophone et flamande ? Comment le design institutionnel bruxellois
contraint-il les acteurs politiques ? Et avec quelles conséquences en termes
d’identité ethnolinguistique des nouveaux arrivants ?
La première partie s’intéressera à l’Etat fédéral belge en général car on ne
peut ignorer la configuration toute particulière de ce petit pays afin de s’intéresser
plus spécifiquement à une de ses régions. Un préalable d’autant plus important que
ce cas est travaillé par des dynamiques, linguistiques et institutionnelles,
contradictoires et complexes.
Ensuite, l’intégration « à la belge » sera présentée afin de comprendre le
traitement de la compétence de l’intégration selon les entités fédérées. Il s’agira de
comprendre le contexte institutionnel et de présenter, brièvement, les parcours
d’intégration flamand et wallon avant d’entrer de plein pied dans la problématique
bruxelloise.
Le découpage institutionnel bruxellois sera ensuite présenté afin d’envisager
la double voie de l’intégration qui s’est mise en place à Bruxelles. Ces
développements seront l’objet de la troisième partie et présenterons les
caractéristiques et les différences des parcours d’intégration mis en place.
La quatrième partie se concentrera sur l’analyse des contraintes
institutionnelles qui limitent le choix des acteurs politiques et leurs conséquences par
rapport à la fixation des identités ethnolinguistiques.
Finalement, la conclusion sera l’occasion de proposer quelques pistes de
réflexion et d’envisager les possibles développements politiques des prochains mois,
suite au nouvel accord de gouvernement qui fait actuellement l’objet de négociations
politiques entre les nouveaux membres de la majorité.
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1. L’Etat fédéral belge : un cas compliqué et exemplaire
La Belgique est un petit Etat fédéral de près de onze millions d’habitants, situé
au cœur de l’Europe, qui s’étend sur une surface à peine égale à 30.500 km2. Ce
pays, qui fut autrefois constitué en Etat unitaire, est dominé par deux grandes
communautés nationales : les Flamands et les francophones. La Belgique est
également un Etat « polyethnique » puisque plus de 10 % de la population de la
Belgique n’est pas de nationalité belge2. La Belgique s’apparente à une mosaïque de
peuples et de cultures, un microcosme du monde (Martiniello Rea 2001 : 11). Dans
cette configuration, le cas de la Belgique est à la fois compliqué et exemplaire.
Compliqué, car il s’inscrit dans un cadre binational, fortement polarisé, dont
certains pensent qu’il est en déliquescence. Une lecture essentialiste de la culture
politique belge a d’ailleurs pu conduire une auteure américaine à caractériser ainsi la
Belgique :
« particularisme, pluralisme, verzuiling3, petits chemins, splitsing4, fusion,
immobilisme, cumul, (...). Vues comme un ensemble, ces phrases constituent un
commentaire codé ininterrompu sur les caractéristiques cardinales de la société
belge qui ne sont que rarement analysées par ses propres citoyens de manière
explicite5 » (Fox 1978 : 226).
En réalité, ces constantes, que l’on prend pour acquises, relèvent moins d’une
quelconque essence belge que de dynamiques contradictoires et subtiles qui
nécessitent une capacité de lecture à foyers multiples (Bousetta Martiniello 2007 :
372). La diversité des phénomènes politiques, sociaux, institutionnels qui constituent
l’ossature complexe belge ne rendent pas cette tâche aisée6.
2 Au 1er janvier 2013, 1.195.122 personnes n’ayant pas la nationalité belge habitaient en Belgique (ce
qui correspond à 10,7 % de la population totale), sans compter le registre d’attente. Le cap du million
d’étrangers vivant en Belgique avait été franchi fin 2008. Il est important de souligner et de garder à
l’esprit que les chiffres présentés ne prennent pas en compte les étrangers qui résident illégalement
en Belgique ou les Belges d’origine étrangère, c’est-à-dire les personnes qui ont acquis la nationalité
belge. De ce fait, la composante de la population d’origine étrangère est sensiblement sous-
représentée. Il serait possible d’estimer par projection qu’environ un quart de la population a des
racines migratoires récentes en additionnant la population des étrangers, des Belges nés étrangers et
la deuxième génération d’immigrants. Pour le dire autrement, au moins un Belge sur quatre a, d’ores
et déjà, un ou deux parents nés étrangers. On peut supposer que cette proportion ne va faire
qu’augmenter dans les années à venir, même si les flux migratoires restent stables. Rapport
statistique et démographique 2010, Centre pour l’égalité des chances. 3 A traduire par « pilarisation ». Le système politique belge repose, comme aux Pays-Bas par exemple, sur des « piliers » qui sont de grandes familles à finalité politique unies autour d’une identité religieuse ou laïque. Ils incluent diverses organisations (partis, syndicats, mutuelles, associations culturelles, réseaux scolaires, etc.) et rendent des services à la population. La société belge est divisée en trois « piliers » : catholique, libéral et socialiste (voir Javeau 2012). 4 A traduire par « scission ». Ce mot a souvent été utilisé par les séparatistes flamands, particulièrement par ceux du Vlaams Belang (parti d’extrême droite, anciennement Vlaams Blok), pour revendiquer la scission de l’Etat belge sous le slogan « splits België ! » (« scindez la Belgique ! »). 5 « Viewed as an ensemble, these phrases constitute a coded (…) running commentary on the cardinal features of Belgian society that are only rarely explicitly analyzed by its own citizens » (Fox 1978 : 226). 6 Un livre entier ne suffit d’ailleurs pas à en rendre compte… Cependant, pour une étude détaillée de la Belgique dans différents domaines (institutionnel, politique, économique, international, etc.), voir von Busekist 2012.
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Exemplaire, car comme dans un laboratoire de tous les possibles, chaque
phénomène se trouve exacerbé et donne lieu à des configurations inédites, parfois
peu lisibles, mais particulièrement fécondes et intéressantes. Après avoir volé à l’Irak
le record du plus grand nombre de jours sans gouvernement avec 540 jours de crise
(Xhardez 2012), l’Etat belge doit plus que jamais composer avec la charge
conflictuelle des oppositions communautaires. Actuellement, les négociations battent
leur plein en vue de la constitution d’un nouveau gouvernement au niveau fédéral
suite aux élections du 25 mai 2014. L’exemplarité belge provient en partie de son
fédéralisme particulier et de la superposition d’un principe de personnalité (via les
Communautés) et de territoire (via les Régions).
En effet, d’un point de vue institutionnel, la Belgique, l’un des régimes
parlementaires les plus anciens d’Europe, a inventé un mode particulier de
coexistence de différentes nations au sein d’une même structure politique. Ce ne
sont pas tant les premiers pas de la Belgique, et sa Constitution libérale de 1831, qui
paraissent cruciaux pour comprendre la question migratoire en Belgique que la
fédéralisation, entamée dans les années 1970 et qui, tel un coureur de fond, ne
semble pas pressée d’arriver à la ligne d’arrivée – le deuxième volet de la sixième
réforme de l’Etat vient d’entrer en vigueur le 1er juillet 20147. Une particularité
essentielle du fédéralisme en Belgique tient au fait qu’il est la résultante de la logique
de division communautaire entre les francophones et les Flamands8. L’inclusion des
communautés étrangères d’origine immigrée sera interprétée de facto par cet axe de
tension permanent de la société belge. De la même manière, l’histoire des politiques
d’intégration des immigrés est intimement liée à l’évolution des structures du
système politique belge. Pour mieux comprendre l’origine des politiques menées en
faveur des immigrés depuis les années 1960, il faut survoler le contexte dans lequel
a débuté la réforme des institutions de l’Etat belge unitaire. Dès le milieu des années
1960, les revendications des mouvements flamands et wallons ont abouti à des
négociations qui ont débouchées sur un réaménagement substantiel des structures
de l’appareil de l’Etat. Ce fédéralisme s’inscrit dans une logique graduelle et
progressive dont les étapes sont formées par un régionalisme préparatoire au début
des années 1970, puis par une régionalisation plus approfondie en 1980 et 1988,
avant d’aboutir à un fédéralisme pur et simple en 1993-1994.
De manière pratique, alors que l’Etat unitaire ne connaissait que trois niveaux
d’organisation politique et administrative décentralisés (la commune, la province et
l’Etat), la Belgique fédérale propose une architecture asymétrique complexe
comprenant deux niveaux de pouvoir supplémentaires : la Région et la
Communauté. Dans les grandes lignes, cette architecture est dite asymétrique parce
que les institutions ne correspondent pas à la même réalité de part et d’autre de la
7 Pour plus d’informations sur le contexte et le contenu de cette dernière réforme institutionnelle, voir : http://www.belgium.be/fr/la_belgique/connaitre_le_pays/histoire/la_belgique_a_partir_de_1830/constitution_de_l_etat_federal/sixieme_reforme_etat/ 8 Ainsi, selon J. Poirier, la Belgique et le Canada se distinguent par la trajectoire qui a conduit à l’émergence du fédéralisme (dissociation vs. une combinaison d’agrégation et de dissociation), voir sur ce sujet : Fournier Reuchamps 2009.
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frontière linguistique. La Belgique est composée de trois Régions (la Région
wallonne, la Région flamande et la Région bilingue de Bruxelles-Capitale) et de trois
Communautés (la Communauté flamande, la Communauté française et la
Communauté germanophone). Chacune de ces Régions et Communautés dispose
d’une assemblée (appelée « Parlement ») et d’un exécutif élu en son sein (appelé
« gouvernement »). Soulignons également que la Constitution parle de quatre
régions linguistiques, dont trois régions linguistiquement homogènes : la région de
langue néerlandaise, la région de langue française, la région de langue allemande et
la région bilingue de Bruxelles-Capitale. Les régions linguistiques ne sont pas des
collectivités politiques, contrairement aux Régions et aux Communautés. Au final,
toutes les réformes de l’Etat ont eu pour objet de transférer des compétences au
profit des Régions et Communautés selon une démarche centrifuge quasi
exclusivement. On voit bien ici que l’enjeu du consensus recherché autour du
système d’organisation politique consiste à circonscrire la dynamique de conflit et de
compétition qui a opposé les grandes communautés nationales de manière
récurrente depuis le 19ème siècle (Dumont 2012).
2. L’intégration « à la belge »
LLEE DDEESSTTIINN DDIIFFFFEERREENNCCIIEE DDEESS IIMMMMIIGGRREESS AAUU NNOORRDD EETT AAUU SSUUDD DDUU PPAAYYSS
Bien cerner les politiques d’intégration en Belgique n’est pas chose aisée. En
effet, le paysage institutionnel complexe a pour conséquence de fortement
différencier le destin des immigrés au Nord et au Sud du pays. Dans le système
fédéral belge, la politique d’immigration est restée une compétence fédérale alors
que la politique à l’intention des immigrants entre plutôt dans le domaine des
compétences des Communautés, des Régions et des Villes. Ainsi, le niveau fédéral
reste compétent pour plusieurs matières qui ont un impact important sur l’intégration
des immigrés (entrée et séjour, accès à la nationalité, droits politiques, etc.) mais la
politique d’intégration (en ce compris l’éducation, la langue, les matières liées à la
religion) sont toutes des compétences gérées au niveau des Régions et/ou
Communautés9. En ce sens, les politiques d’intégration que nous allons considérer
dans le cadre de cette recherche sont régionales et non locales, nationales ou supra-
nationales. Le terme de « politique régionale », bien que couramment utilisé en
sciences politiques, peut porter à confusion dans le cadre institutionnel belge vu
l’existence de deux types d’entités fédérées, les Communautés et les Régions. En
outre, la compétence spécifique en matière d’intégration a été attribuée, en premier
lieu aux Régions (1974), puis aux Communautés10 (1980), pour ensuite être
transférée, en Belgique francophone seulement, de la Communauté française à la
9 Pour comprendre l’évolution de la répartition des compétences en matière d’immigration et d’intégration, voir : Adam Ilke, Les entités fédérées belges et l’intégration des immigrés, Editions de l’Université de Bruxelles, 2013. 10 Du côté flamand, il est important de souligner que Communauté et Région ont fusionné pour ne former qu’une seule entité, avec un seul Parlement et un seul gouvernement.
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Région wallonne et à la Commission communautaire française de la Région de
Bruxelles-Capitale (1993).
Tableau 1 : Historique de la compétence en matière de politique d’accueil et d’intégration des immigrés (Adam 2010 : 15)
Pour résumer, il y a une politique fédérale d’immigration et d’asile; et il y a des
politiques d’intégration qui sont flamande, bruxelloise ou wallonne. En l’occurrence,
dans le sillage d’autres pays européens, les différentes entités fédérées ont mis en
place des parcours d’intégration civique (également dénommés « parcours
d’accueil »). Pour mieux comprendre l’intégration « à la belge », il convient de
parcourir, bien qu’elles ne soient pas l’objet direct de ce papier, les politiques
implantées au niveau flamand et wallon car elles permettent de mieux comprendre le
cas bruxellois, qui fait l’objet d’une analyse plus détaillée par la suite.
LLAA FFLLAANNDDRREE EETT LLAA «« CCIITTOOYYEENNNNIISSAATTIIOONN »»
Sous l’influence de ses voisins néerlandais, la Flandre a mis en place, depuis
200411, un parcours d’intégration civique (inburgering12) basé sur trois axes
principaux. En premier lieu, le participant devra suivre des cours d’orientation
sociale. Ces leçons portent sur les connaissances élémentaires qui sont supposées
permettre à chacun de participer activement à la société flamande. Il s’agit surtout de
présenter la société au sens large, dans un éventail qui va des institutions publiques
jusqu’aux questions pratiques13. Ces cours comportent également un aspect culturel
puisque les valeurs et les normes en vigueur dans la société flamande sont
également enseignées14. En second lieu, le programme comprend des cours
élémentaires de néerlandais : la langue est considérée comme un facteur capital
d’intégration dans la société. La durée de ces cours dépend du niveau de scolarité et
11 Décret de la Communauté flamande du 28 février 2003 relatif à la politique flamande d’intégration civique, M.B., 8 mai 2003. Le décret est entré en vigueur le 1er avril 2004. 12 Terme qui pourrait se traduire, littéralement, par « citoyennisation » ou encitoyennement ». 13 Par exemple : Comment utiliser les transports en commun ? Où trouver une aide médicale ? Quelles sont les possibilités d’accueil pour les enfants ? 14 « Ce n’est pas tout d’avoir des connaissances et des compétences ; les valeurs et les normes occupent elles aussi une place centrale. Il est essentiel que les intégrants connaissent les valeurs et les normes sur lesquelles repose la société flamande et belge dans toute sa diversité » (Inburgering : les cours d’intégration en Flandre et à Bruxelles, 2010, p. 6).
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des facultés d’apprentissage des participants et oscille entre 90 et 600 heures. Ces
parties du cycle de formation (orientation sociale et néerlandais) ne donnent pas lieu
à un examen final sur l’acquisition des compétences. La seule obligation du
participant est d’être présent à au moins 80 % des séances. Troisièmement, les
intégrants bénéficient d’une aide personnalisée en matière d’orientation de carrière.
Au terme de ce parcours, l’intégrant recevra une attestation d’intégration civique.
Il s’agit d’une politique d’envergure avec un groupe-cible particulièrement
étendu et inclusif. En effet, le décret fondateur a été modifié en 2006 afin que
l’inburgering ne se limite plus aux nouveaux arrivants mais qu’il soit ouvert à tous les
étrangers et Belges d’origine étrangère inscrits en Région flamande ou bruxelloise,
qu’ils soient primo-arrivants ou « anciennement arrivés ». De plus, au sein de cette
population, la législation définit deux groupes cibles, à savoir ceux qui ont droit à un
tel parcours et ceux qui doivent suivre un tel programme15. Enfin, une nouvelle
mouture du décret a été adoptée en juin 201316, celui-ci prévoit, en substance, la
gestion conjointe des compétences d’intégration et de cohésion sociale. D’un point
de vue quantitatif, l’inburgering flamand a pris une ampleur considérable. Le nombre
de personnes qui ont suivi un parcours d’intégration n’a fait qu’augmenter depuis
2004 au fil des élargissements du public-cible17 et des dizaines de millions d’euros
sont investis chaque année dans ce programme18.
LLEE VVOOLLTTEE--FFAACCEE DDEE LLAA WWAALLLLOONNIIEE
Historiquement, la politique d’intégration en Wallonie a été plutôt orientée vers
l’action sociale en général et vers la lutte contre l’exclusion sociale en particulier. Les
politiques spécifiques y ont toujours été relativement marginales, les mesures
adoptées se voulant universalistes (par exemple, fondées sur des critères sociaux)
(Rea 2007 : 136). Ces mesures pragmatiques sont inspirées par un modèle sous-
jacent plus républicain : les Wallons sont ceux qui vivent sur le territoire et tous
doivent jouir des mêmes droits. Cependant, la déclaration gouvernementale de 2009
affirmait une volonté de mettre « en place un véritable parcours d’accueil et
d’insertion des primo-arrivants combinant des cours de français ou d’alphabétisation,
un module d’initiation à la citoyenneté et à la vie pratique et un module d’orientation
socioprofessionnelle ». Il s’agit en un sens d’une sorte de révolution copernicienne
tant l’inburgering a fait polémique du côté francophone, notamment en raison de sa
dimension potentiellement assimilationniste, en particulier d’un point de vue culturel.
Tous les partis se sont néanmoins accordés sur la nécessité de mettre en
place un parcours d’intégration. Les débats entre majorité et opposition ont surtout
15 Notons que les ressortissants de l’Union européenne ne peuvent y être contraints. Pour les personnes qui tenteraient se soustraire à l’obligation, des amendes administratives allant de 50 à 5.000 euros sont prévues. 16 Décret de la Communauté flamande du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d’intégration et d’inburgering, M.B., 26 juillet 2013. 17 18.761 personnes ont signé un contrat d’intégration entre le 1er septembre 2011 et le 31 août 2012. 18 L’inburgering coûtait 8,85 millions d’euros en 2004 ; 26,8 millions d’euros en 2008 et 57,9 millions en 2013 (chiffres provenant de l’Administration des Affaires intérieures flamandes).
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concerné les modalités pratiques, en particulier le caractère obligatoire ou non de ce
parcours. En mars 2014, le décret relatif au parcours d’accueil pour le primo-arrivant
souhaitant s’installer durablement en Wallonie a été voté par le Parlement wallon.
Celui-ci sera organisé par les 8 Centres régionaux d’intégration (CRI) et comprendra
quatre aspects, dont seul le premier sera obligatoire : le module d’accueil (avec une
information sur les droits et devoirs ainsi qu’un bilan des acquis et diplômes), une
formation à la langue française, un module de formation à la citoyenneté et une
orientation socioprofessionnelle. Cette politique doit maintenant être traduite
concrètement par des arrêtés et implémentée sur le terrain afin de voir, in concreto,
quels en seront les modalités pratiques et les résultats.
3. L’imbroglio bruxellois : la concurrence des parcours d’intégration
LL’’AARRCCHHIITTEECCTTUURREE IINNSSTTIITTUUTTIIOONNNNEELLLLEE EETT LLAA RREEAALLIITTEE BBRRUUXXEELLLLOOIISSEE
Une architecture institutionnelle complexe s’est développée à Bruxelles au fil
des accords institutionnels noués lors des précédentes réformes de l’Etat. Bruxelles
est en effet la pierre d’achoppement sur laquelle buttent tant la conception flamande
d’un Etat fédéral composé d’entités territoriales linguistiquement déterminées (qui
divise le territoire en trois Régions) que la conception francophone d’un Etat fédéral
où les différentes communautés linguistiques peuvent gérer leurs administrés, peu
importe le territoire où ceux-ci habitent (avec une division en trois Communautés).
Les réformes de l’Etat successives ont donc abouti à des compromis entre ces deux
visions, avec, selon les compétences et les accords, des accents plus régionalistes
ou plus communautaires19. De plus, la politique d’accueil des primo-arrivants est un
enjeu particulier à Bruxelles : région urbaine, elle possède le plus grand nombre de
personnes étrangères et d’origine étrangère du pays (voir tableaux 2 et 3 et figure 1).
La Ville-Région connaît par ailleurs, à l’image des autres grandes villes d’Europe, un
récent et spectaculaire accroissement de sa population : en dix ans, si la tendance
se confirme, elle accueillera 15 % d’habitants en plus. La majorité de ces nouveaux
habitants sont d’origine étrangère et s’installent dans la Région en raison des
politiques de regroupement familial.
19 Il s’agit d’une étude qui dépasse le cadre d’analyse de ce travail. Voir sur le sujet : …
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Tableau 2 : Répartition et évolution de la population belge et étrangère en Belgique, par région, entre 2003 et 201320
BELGES ÉTRANGERS BELGES ET ETRANGERS
LIEU DE
RESIDENCE
2003 2013 2003 % 2013 % 2003 2013
Région
flamande
5.714.810 5.913.977 280.743 4,6% 467.882 7,3% 5.995.553 6.381.859
Région de
Bruxelles-
Capitale
731.772 772.864 260.269 26% 381.771 33% 992.041 1.154.635
Région
wallonne
3.059.185 3.217.591 309.065 9,1% 345.469 9,7% 3.368.250 3.563.060
Belgique 9.505.767 9.904.432 850.077 8,2% 1.195.122 10,7% 10.355.844 11.099.554
Tableau 3 : Nombre de primo-arrivants par région au 1er janvier 201021
Figure 1 : Evolution du nombre de primo-arrivants dans la Région de Bruxelles-Capitale aux
1er janvier 1995, 2000, 2005 et 201022
D’un point de vue institutionnel, si la politique d’intégration est initialement une
compétence des Communautés, les francophones l’ont transférée depuis 1993 à la
20 Source : Registre national, Calculs : DG SIE (Direction générale Statistique et Information économique). 21 Source : registre national-IWEPS ; traitement des données Cytise-DEMO-UCL. Ansay, Eggerickx, Martin, Schoonvaere, Unger, Etat des lieux de la situation des primo-arrivants en Région de Bruxelles-Capitale, CBAI-UCL, novembre 2012 22 Ibidem.
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Région wallonne et à la Commission communautaire française (COCOF) à Bruxelles.
Il n’existe pas à proprement parler d’équivalent pour les néerlandophones Bruxellois :
c’est la Communauté flamande qui exerce encore et toujours ces compétences. Tout
ceci s’inscrit dans la volonté historique et politique en ce qui concerne cette Région
de ne pas créer des sous-nationalités. Ceci a nécessité la mise en place d’un
système particulièrement complexe qui se réfère aux institutions plutôt qu’aux
personnes dans le cas des matières qui appartiennent aux deux communautés,
compétentes sur un même territoire (matières dites personnalisables), sauf cas
précis. Ainsi, trois entités23 distinctes sont susceptibles d’intervenir sur le territoire de
la Région bruxelloise.
D’une part, deux entités fédérées sont compétentes vis-à-vis des institutions
actives en matière d’intégration :
o la Commission communautaire française (COCOF), qui depuis 1993,
dispose d’un pouvoir législatif dans les matières qui lui ont été
transférées par la Communauté française (politiques d’action sociale,
dont l’intégration des immigrés). Cette entité est particulière car,
contrairement à son homologue flamand (la VGC, voir ci-dessous), il
s’agit d’une composante disposant d’un véritable pouvoir décrétal
(législatif) en la matière. Elle peut donc développer des politiques ad
hoc, spécifiquement destinées aux institutions francophones à
Bruxelles.
o la Commission communautaire flamande (Vlaamse
Gemeenschapcommissie, VGC) qui est le relais des politiques
flamandes menées par la Communauté flamande. Contrairement à la
COCOF, cette entité fédérée a gardé son mode de fonctionnement
initial (à savoir être l’interlocuteur et l’exécutant des politiques
communautaires flamandes à Bruxelles) et n’a pas bénéficié d’un
transfert de compétences. Elle ne possède dès lors pas de pouvoir
décrétal pour développer des politiques publiques spécifiques. En
matière d’intégration, c’est donc la Communauté flamande qui est
toujours à la barre et la VGC pourrait être considéré comme son « bras
armé » à Bruxelles.
D’autre part, une entité est compétente, pour les institutions bilingues et les
personnes dans certains cas :
o La commission communautaire commune (COCOM) : compétente 1) à
l’égard de toutes les institutions qui s’occupent de matières
« personnalisables » et qui, du fait de leur organisation bilingue, ne
relèvent ni de la Communauté française, ni de la Communauté
flamande, 2) à l’égard des matières personnalisables non dévolues aux
Communautés française et flamande, avec une possibilité
23 Ces commissions comprennent chacune une assemblée ainsi un exécutif (le collège), composé par les élus et ministres de la Région bruxelloise qui appartiennent au régime linguistique concerné.
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d’intervention directe auprès des personnes, entraînant dans le chef de
celles-ci des droits ou des obligations.
INSTITUTION FONCTION
COCOF
= Commission communautaire
française
Relais de la Communauté française à Bruxelles.
Depuis 1993, pouvoir législatif propre dans certaines
matières (qui ne dépendent plus de la Communauté
française, autonomisation).
VGC
= Commission communautaire
flamande
Satellite de la Communauté flamande à Bruxelles.
COCOM
= Commission communautaire
commune
Entité bilingue, en charge des institutions bilingues et
de certaines matières personnalisables non-
attribuées.
En conclusion, ce découpage institutionnel complexe à multiples niveaux a
engendré des conséquences importantes et limite fortement la marge de manœuvre
des acteurs. De fait, ils vont devoir composer avec les limites institutionnelles et
politiques de cette répartition des compétences (voir point 4).
LLAA DDOOUUBBLLEE VVOOIIEE DDEE LL’’IINNTTEEGGRRAATTIIOONN
Pendant des années, la seule offre disponible en matière de parcours
d’intégration à Bruxelles était flamande. En effet, comme nous avons pu le souligner,
la Communauté flamande proposait dans la Capitale le même parcours d’intégration
qu’en Flandre via un service flamand (BON24) chargé d’implémenter l’inburgering à
Bruxelles. Une différence est néanmoins notable : les autorités flamandes ne
peuvent contraindre les Bruxellois à suivre l’inburgering car ils n’en ont pas la
compétence (voir l’architecture institutionnelle, ci-dessus). Le public-cible est
composé des personnes venant d’autres pays que la Belgique et autorisées à
séjourner pour une longue durée en Belgique mais également des Belges nés à
l’étranger et donc au moins un des deux parents est également né à l’étranger. Le
parcours possède les mêmes volets qu’en Flandre (orientation sociale, cours de
base intensif en néerlandais, accompagnement individuel). Il faut néanmoins
souligner que BON s’est, jusqu’à présent, relativement singularisé par rapport aux
autres organismes d’intégration présents en Flandre. De fait, comme l’atteste les
documents publiés par ce service, ils revendiquent leur caractère pluraliste et le
statut particulier de la Région bruxelloise : (extraits du rapport annuel25)
« Bon est une organisation bruxelloise pluraliste qui tient pleinement compte du statut bilingue et de la réalité plurilingue de la Région de Bruxelles-Capitale » (p. 5) ; « le fonctionnement de Bon est en grande partie tributaire du contexte bruxellois
24 « Het Brusselse Onthaalbureau voor anderstalige Nieuwkomers », soit « Le bureau d’accueil bruxellois pour nouveaux arrivants allophones ». 25 Source : rapport annuel 2013 (http://www.bonrapportannuel.be/fr/over-dit-jaarverslag ), déclarations et interviews du directeur.
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spécifique » et « Bruxelles est une région bilingue/multilingue où le néerlandais est une langue minoritaire et où l’intégration civique n’est pas encore obligatoire » (p. 20)
BON adoptait une démarche tout à fait particulière par rapport à ses homologues
flamands. Cependant, après dix ans d’existence et suite à la dernière modification du
décret flamand sur l’inburgering, ce service d’accueil va être absorbé par une
« super-agence » flamande. De fait, tous les bureaux d’accueil et les centres
d’intégration flamands doivent se retrouver dans une agence qui sera responsable
pour l’ensemble de la politique à l’attention des minorités en Flandre et à Bruxelles.
Cette centralisation forcée va faire perdre une autonomie importante à cet acteur
bruxellois (voir point 4).
Du côté francophone, un décret de 2004 portait sur la cohésion sociale26. Ce
décret proposait diverses mesures mais ces dernières n’étaient pas destinées
spécifiquement aux primo-arrivants et s’appuyaient essentiellement sur les initiatives
existantes au niveau local et associatif. Initiatives qui se déployaient les unes
indépendamment des autres, sans cohérence et sans une dispersion équilibrée sur
le territoire de la Région. Le concept de cohésion sociale était supposé recouvrir les
clivages socio-économiques et culturels au sein de la ville (Rea 2007 : 136). La
priorité était donc donnée, comme au niveau wallon, à la lutte contre l’exclusion
sociale, aux cours d’alphabétisation ou de français langue étrangère… Il n’existait
par contre aucun cours de citoyenneté, à l’exception de quelques initiatives
marginales d’associations de terrain.
Cependant, récemment, une étape décisive vient d’être franchie à Bruxelles.
En effet, si pendant des années, seul un inburgering était proposé, la COCOF vient
de voter en juillet 2013 un décret qui prévoit l’instauration d’un parcours d’accueil
francophone pour les primo-arrivants27. Le parcours est structuré autour de deux
étapes. D’une part, un volet primaire avec des bureaux d’accueil (BAPA) qui doivent
réaliser une évaluation des besoins et des acquis, un bilan social, fournir une
information sur les droits et devoirs et réaliser différents tests de positionnement
(langue française, alphabétisation, etc.). D’autre part, un volet secondaire, suite au
diagnostic et formalisé par une convention d’accueil, articulé autour des droits et
obligations des parties, qui prévoira les différentes formations : langue française,
citoyenneté, orientation socio-professionnelle. Ce programme sera accessible
gratuitement aux personnes de nationalité étrangère de plus de 18 ans séjournant
légalement en Belgique depuis moins de 3 ans et disposant d’un titre de séjour de
plus de 3 mois. C’est une première différence à relever : dans le cas bruxellois, le
groupe-cible est relativement restreint par rapport à la Flandre puisque seuls les
primo-arrivants peuvent suivre le parcours – et parmi ceux-ci, des publics-prioritaires
doivent encore être définis. Ensuite, deuxième point à noter, le parcours n’est pas
obligatoire. Bien qu’à la fois majorité et opposition aient souligné à de nombreuses
26 Décret du 30 avril 2004 relatif à la cohésion sociale, M.B., 23 mars 2005. 27 Décret de la Commission Communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale du 18 juillet 2013 relatif au parcours d’accueil pour primo-arrivants en Région de Bruxelles-Capitale, M.B., 18 septembre 2013.
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reprises la nécessité de le rendre obligatoire, c’est en l’état impossible – tout comme
cela l’a été durant les dix dernières années pour les Flamands (voir point 4). Enfin,
dernier point, des arrêtés d’exécution doivent encore dans les prochains mois pour
définir les volets primaire (procédure au bureau d’accueil) et secondaire (projet
individualisé) du parcours ainsi qu’identifier des groupes prioritaires. Néanmoins, des
budgets importants devront être dégagés28 – la COCOF compte sur le transfert des
moyens prévu par la sixième réforme de l’État. À ce stade, un seul bureau d’accueil
devrait être financé en 2014. Le chantier est immense29 !
Lorsque le parcours francophone aura été mis en place, deux parcours
d’intégration seront donc proposés sur un même territoire (voir figure 2). Ces deux
parcours seront susceptibles d’entrer en concurrence. Des contraintes
institutionnelles fortes agissent sur les acteurs et qui, à l’heure actuelle, bloquent la
situation et les options disponibles.
Figure 2 : Comparaison des parcours d’intégration en Belgique : public, caractère, budget,
sanctions.
Communauté flamande - VG
Parcours flamand BON
Parcours francophone
COCOF
Région wallonne – RW
Plus seulement les primo-arrivants mais tous les étrangers (anciennement arrivés) + Belges d’origine étrangère. Pas citoyens UE.
• Les personnes venant d’autres pays que la Belgique
• Les Belges nés à l’étranger et dont au moins un des parents est également né à l’étranger
Les primo-arrivants (et donc également, les membres de l’UE : « On a voulu un dispositif aussi large que possible » (Rudi, Vervoort – Ministre) + groupes-cibles
Personnes nationalité étrangère en Belgique depuis moins de trois ans et permis de séjour de plus de trois mois (primo-arrivants). Pas citoyens UE.
OBLIGATOIRE pour deux groupes cibles (présence 80%)
NON OBLIGATOIRE NON OBLIGATOIRE OBLIGATOIRE (premier volet)
2013 : 57,9 millions + 5 millions
1,4 millions en 2014 (sur un budget total estimé à min. 12 millions)
2,5 millions à ce stade
<2006 : amendes administratives de 50 à 5.000 euros – effectives depuis le 1er mars 2009.
Défaut ou absence injustifiée lors de l’accueil = amendes administratives (100 euros – 2.500 euros)
28 Le budget de 12 millions est un minimum, avec un public-cible très restreint. Une étude actualisée, sur base de nouveaux chiffres, a été commandée par le gouvernement bruxellois (en attente). 29 Négociations actuelles à la COCOF, intéressant d’étudier l’accord de gouvernement lorsqu’il aura été mis en place. Voir quelle sera la place accordée à cette politique par la nouvelle majorité
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4. Les contraintes institutionnelles et leurs conséquences
A Bruxelles, le design institutionnel complexe et rigide a fortement conditionné les
options des acteurs politiques. En effet, bien que ceux-ci aient, dans leurs
déclarations et discours, exprimé une série de souhaits ou d’intentions, ils se sont
trouvés fortement limités sur deux volets. D’une part, par l’impossibilité de rendre un
parcours d’intégration ou d’accueil obligatoire sur le territoire bruxellois. D’autre part,
par une série de difficultés importantes rendant la coopération entre les différentes
entités fédérées très ardue.
N.B. : Cette partie n’est qu’une ébauche d’une analyse plus détaillée qui doit être réalisée
dans le cadre de la thèse (le point 4 est au stade de brouillon). Les sources (débats
parlementaires, déclarations gouvernementales, interviews, littérature grise, programmes
des partis) doivent encore être détaillées et exploitées afin de démontrer les deux thèses.
D’un point de vue théorique, afin d’analyser l’action publique, il s’agira notamment de
mobiliser les approches néo-institutionnalistes, qui tiennent compte de ces contraintes
institutionnelles fortes (par exemple, le fédéralisme) qui pèsent sur les acteurs. Nous
attacherons une importance particulière au « discursive institutionnalism », qui porte
spécifiquement son attention sur les discours et programmes des élites politiques (Schmidt
2008).
PPRREEMMIIEERREE CCOONNTTRRAAIINNTTEE :: LL’’IIMMPPOOSSSSIIBBIILLIITTEE DDEE RREENNDDRREE LLEESS PPAARRCCOOUURRSS OOBBLLIIGGAATTOOIIRREESS AA
BBRRUUXXEELLLLEESS
En raison de l’organisation des compétences et de l’interdiction des sous-
nationalités à Bruxelles, Flamands et francophones ont buté sur la même difficulté :
l’impossibilité de rendre obligatoire leur parcours d’intégration. La Communauté
flamande, pionnière en la matière, a été la première à mettre en œuvre ce caractère
obligatoire (seulement en Flandre dès lors). Cependant, cette disposition n’a été
prévue qu’après une longue phase de test et les sanctions sont elles-mêmes
arrivées dans un troisième temps. En effet, sous l’influence des voisins néerlandais,
en 1999, le gouvernement flamand lance l’idée de l’inburgering (de Cuyper et al.
2010 : 1). Entre 1999 et 2003, le gouvernement se lance dans une phase
expérimentale de l’inburgering en mettant différentes « Maisons du Néerlandais »
(Huizen van het Nederlands) en place. Enfin, le 28 février 2003, le décret de
l’inburgering est adopté au Parlement flamand et entre en vigueur le 1er avril 200430.
Cette date est généralement retenue comme référence, puisqu’elle marque la mise
en place d’un parcours d’accueil uniformisé à l’échelle de l’ensemble de la
Communauté flamande. La législation définit deux groupes cibles, à savoir ceux qui
ont droit à un tel parcours et ceux qui doivent suivre un tel programme. De manière
globale, le groupe-cible qui a droit à ce programme est large puisqu’il concerne
30 Décret de la Communauté flamande du 28 février 2003 relatif à la politique flamande d’intégration civique, M.B., 8 mai 2003.
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toutes les personnes étrangères majeures vivant en Flandre ou à Bruxelles depuis
moins d’un an et désirant y rester. Concernant l’obligation, fait marquant de cette
politique, elle ne concerne qu’une partie du public visé. Si les autorités flamandes ont
d’abord souhaité viser un public aussi large que possible, elles ont dû reculer devant
la législation européenne qui ne permet pas d’imposer un tel programme
d’intégration civique aux ressortissants de l’Espace Economique Européen (EEE)31.
Par ailleurs, une révision du décret en 2006 a prévu la mise en place d’amendes
allant de 50 à 5.000 euros pour les personnes qui tenteraient de se soustraire à leurs
obligations citoyennes. Ce n’est que depuis le 1er mars 2009 que ces amendes sont
effectives envers les personnes qui ne respectent pas les dispositions de
l’inburgering.
Du côté francophone, l’idée d’un parcours d’intégration s’est développée de
manière très lente et progressive pour finalement s’imposer comme un consensus
entre l’ensemble des partis suite à l’accord de gouvernement de 2009. En effet, si
l’opposition (le parti libéral – MR) avait déjà eu l’occasion de déposer plusieurs
propositions en ce sens, pour la première fois les partis plus à gauche de l’échiquier
politique et aux commandes de l’exécutif (PS, Ecolo, cdH) mettaient cette politique à
leur agenda. Deux éléments sont à souligner. D’une part, il convient de remarquer
qu’il s’agit d’une révolution copernicienne dans la philosophie francophone de
l’intégration, basée traditionnellement sur un modèle républicain32. Ce consensus a
été extrêmement rapide et assumé. Plusieurs circonstances sont à prendre en
compte pour bien envisager ce changement de positionnement : le pourcentage de
plus en important d’immigrés, le manque de coordination des politiques
francophones, l’influence des pays européens qui se sont également dotés de
parcours d’intégration civique33, etc. Si l’idée d’un parcours avait fait son chemin, la
majorité des oppositions et des tensions se sont concentrées sur le caractère
obligatoire ou non. (à développer : la chronologie et les exemples de déclarations
dans les débats parlementaires). Au final, les élites politiques se sont accordées sur
la volonté de rendre ce parcours obligatoire (étant tout à fait conscientes que l’état
actuel des choses ne leur permettait pas d’agir en ce sens). Cette position est
d’autant plus remarquable qu’elle concerne aussi bien les partis de gauche, du
centre et de droite – bien que les argumentaires varient en fonction des sensibilités
politiques. L’analyse des arguments démontre que, si un consensus s’est dégagé sur
le caractère impératif du parcours, les différences entre les positionnements des
31 L’EEE comprend, outre les 27 membres de l’Union européenne, la Norvège, l’Islande et le Lichtenstein. Les ressortissants suisses sont également exempts de l’obligation en matière d’inburgering. 32 Jacobs Dirk, Rea Andrea, « The End of National Models? Integration Courses and Citizenship Trajectories in Europe », International Journal on Multicultural Societies, 2007, vol. 9, n° 2, pp. 264-283 ; Martiniello Marco, « Philosophies de l’intégration en Belgique », Hommes et Migrations, n° 1193, 1995, pp. 24-29. 33 Des parcours d’intégration civique à destination des immigrés ont été mis en place dans un nombre important de pays européens (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, France, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède) (Michalowski 2011). Ce type de politique invite, ou oblige, les nouveaux arrivants à suivre des cours de langue, d’histoire des institutions et/ou de citoyenneté après l’entrée dans le pays d’accueil (les Pays-Bas, pionniers en la matière, les ont même prévus avant).
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partis politiques se sont concentrées sur les possibles sanctions et sur le contenu du
volet obligatoire (plus ou moins englobant).
Il est important de noter que si la volonté de rendre le parcours obligatoire
devait se concrétiser, il faudrait alors faire intervenir la Cocom, seule compétente
pour créer des droits et devoirs au niveau des individus (voir ci-dessus) et, par
conséquent, s’accorder entre francophones et Flamands sur le contenu et
l’organisation du parcours. De plus, « cette solution supposerait que la Communauté
flamande abandonne ou adapte sa politique d’inburgering à Bruxelles, dans la
mesure où il n’est pas réaliste d’envisager que les personnes soumises à un
parcours d’intégration imposé par la COCOM suivent également une formation du
même type proposée par la Communauté flamande » (de Jonghe Doutrepont 2012).
DDEEUUXXIIEEMMEE CCOONNTTRRAAIINNTTEE :: LLEESS MMUULLTTIIPPLLEESS EEMMBBUUCCHHEESS DDEE LLAA CCOOOOPPEERRAATTIIOONN
(brouillon)
Asymétrie des acteurs compétents et de leurs poids politiques respectifs. ° Du
côté flamand : Communauté flamande (qui a fusionné avec la Région), acteur
politique unique et fort, avec un Ministre en charge de l’inburgering. ° Du côté
francophone : différence entre les acteurs bruxellois + wallons + Communauté
française, nombre d’interlocuteurs élevé avec éparpillement des compétences
liées à l’intégration. A Bruxelles : COCOF, entité fédérée dotée d’un pouvoir
législatif dans le cadre de l’intégration mais sous-financement important. En
attente d’un refinancement et d’un élargissement des compétences suite à la
6e réforme de l’Etat. ° Si intervention de la COCOM : du côté flamand, élites
politiques bruxelloises, souvent en porte-à-faux par rapport à leurs
homologues flamands (ex : formation de l’exécutif bruxellois). Nécessité de
coopération et suspension du parcours flamand à Bruxelles.
Emergence d’une nouvelle institution du côté flamand. Tous les bureaux
d’accueil et les centres d’intégration flamands doivent se retrouver dans une
agence (EVA) qui sera responsable pour l’ensemble de la politique à
l’attention des minorités à Bruxelles et en Flandre. Structure centrale
(++centralisation), qui oriente les services d’intégration civique et d’intégration.
Exceptions pour Gand et Anvers dans cette fusion de grande échelle. Brigitte
Grouwels (CD&V - VGC-collegelid voor minderhedenbeleid – membre du
collège de la commission communautaire flamande pour la politique des
minorités) avait plaidé pour un statut d’exception pour : « Brussel heeft een
specifieke situatie. Vijftig procent van de Brusselaars heeft een
migratieachtergrond, Brussel is een tweetalige stad. Een apart beleid is dan
ook op zijn plaats34 ». Elle souhaitait que la VGC soit l’instance qui prenne en
charge cette politique. + souhait de BON (indépendance, travail particulier).
34 Notre traduction : « Bruxelles est dans une situation particulière. 50% des Bruxellois ont un passé migratoire et Bruxelles est une ville bilingue. Une politique spécifique est donc aussi nécessaire ».
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Finalement : Bruxelles n’a pas droit à une position d’exception en dehors de
l’EVA (comme c’est le cas pour Anvers ou Gand) mais obtient un statut
particulier et un rôle de régisseur pour la VGC. « Le futur dira comment tout
cela se met en place de façon concrète ». !! différence du statut des
interlocuteurs : ce ne sera plus BON mais une agence flamande autonome,
centralisée pour l’ensemble de la Flandre et de Bruxelles.
Les moyens à dégager sont particulièrement importants dans le cas bruxellois.
Qui débloquera le budget nécessaire ? Si coopération entre deux acteurs,
quels seront les prorata des contributions à la coopération ? Un des buts de
l’EVA est de diminuer les coûts de cette politique par une série d’économie
d’échelle. La COCOF compte sur les moyens supplémentaires qui devraient
découler de la 6ème réforme de l’Etat mais les plans budgétaires restent flous à
l’heure actuelle.
PPRREEMMIIEERREE CCOONNSSEEQQUUEENNCCEE :: LLEESS IIMMMMIIGGRREESS NNEE SSOONNTT PPLLUUSS LLEESS DDEERRNNIIEERRSS BBEELLGGEESS
Dans la Belgique d’aujourd’hui, on ne peut être à la fois flamand et à la fois
wallon. Si les premières générations d’immigrants qui rejoignent massivement la
Belgique n’ont pas fait l’objet de pression importantes pour s’intégrer, aujourd’hui,
leurs enfants et les nouveaux arrivants sont appelés à « choisir un champ ». En
1998, Morelli et Schreiber avaient posé la question de savoir si les immigrants ne
seraient pas les derniers Belges35, en écho à une situation potentiellement
paradoxale où le nombre d’étrangers qui seraient nostalgiques d’une Belgique
unitaire dépasserait celui des citoyens (1998 : 252). Pourquoi ? Car ces étrangers
refuseraient d’endosser une des catégories ethnolinguistiques qui prennent
l’ascendant sur les principaux clivages politiques. Cependant, la différenciation des
intentions au Nord et au Sud du pays, et l’extrême sensibilité flamande à préserver le
néerlandais, ont mené à une configuration où les nouveaux arrivants doivent
« choisir leur camp ». En l’occurrence, les étrangers passent le test du choix de la
langue officielle qu’ils adopteront pour eux-mêmes et leurs enfants. Pour être exact,
ce n’est pas tout à fait un choix depuis que les deux principales régions (Flandre et
Wallonie) sont officiellement unilingues. L’idée d’envoyer son enfant dans une école
néerlandophone en Wallonie ne viendrait jamais à l’idée d’un immigrant. En Flandre,
la situation est moins claire en raison de la forte concentration de francophones dans
la périphérie et du fait que les étrangers sont suspectés d’avoir une préférence pour
le français, spécialement ceux qui viennent de pays avec des traditions francophiles.
Finalement, Bruxelles est la seule région où les immigrants sont appelés à faire un
véritable choix linguistique ‒ d’où les attentions particulières du gouvernement
flamand qui pourrait y voir une opportunité de renforcement de la langue de Vondel
dans la Capitale (Jacobs 2000). Ainsi, en raison de l’absence d’identité nationale
forte, des efforts de la part de la Flandre pour développer une identité (sous-
35 Le titre de l’article est « Are the Immigrants the Last Belgians ? ».
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)nationale, de l’obligation pour les immigrants de choisir un camp, si les étrangers ont
pu un jour être nostalgiques de la « Belgique de papa », ils sont aujourd’hui
définitivement intégrés dans la dynamique de construction d’identités régionales. Les
immigrants ne sont plus les derniers Belges, mais deviendraient Flamands, Wallons
ou …. Bruxellois ? Si les immigrés ne sont plus les derniers Belges, que deviennent-
ils ? La question se pose évidemment avec d’autant plus d’acuité à Bruxelles, que le
catégorie « bruxellois » n’est pas offerte étant donné que l’immigré devra choisir
entre une offre flamande, bien organisée et rodée, et une offre francophone qui doit
encore être mise sur les rails. Surtout, ce choix s’apparente aussi à un choix
linguistique. Sur quels critères ce dernier sera-t-il basé : la langue la plus rentable ?
la plus pratique ? Ces questions se posent avec davantage d’acuité que des
avantages extra-sociaux pourraient y être associés (par exemple, une place dans
une crèche36).
DDEEUUXXIIEEMMEE CCOONNSSEEQQUUEENNCCEE :: LLAA BBAATTAAIILLLLEE PPOOUURR LLAA LLAANNGGUUEE
Nous l’avons vu, pendant leur parcours d’intégration, les nouveaux citoyens
doivent acquérir une connaissance du néerlandais ou du français. La maîtrise d’une
langue nationale (plutôt régionale dans notre cas d’étude) semble indispensable en
vue de permettre une participation à la société civile et au marché du travail (Seglow
2007 : 151). D’ailleurs, selon un Eurobaromètre (mai 2011), à la fois les immigrants
non-européens et le reste de la population jugent que parler une langue commune
est le facteur le plus important en vue de faciliter l’intégration. Selon Carens, il est
raisonnable, dans la plupart des cas, que les membres de la société d’accueil
attendent que les immigrés s’adaptent à leur langue, au moins au fil du temps, mais,
il est tout aussi important que la société en question facilite leur adaptation dès la
première génération, et continue pour les suivantes afin d’accroître l’égalité des
chances (2005 : 45). S’interrogeant sur les possibilités de construction d’une identité
collective, Joppke remarque que l’option basée sur une langue commune est
souvent écartée en raison de la faiblesse intrinsèque de cette marque d’identité
(2010 : 133). En réalité, ce n’est que dans des contextes particuliers, le plus souvent
au sein d’Etats multinationaux comme le Canada ou la Belgique, que la langue est
un véritable marqueur d’identité. Dans la plupart des autres pays, obliger les
immigrants ou les candidats à la citoyenneté à apprendre une langue nationale est
une exigence pratique, pas identitaire (Joppke 2010 : 134). Si nous prenons le cas
de la France et de ses contrats d’accueil et d’intégration, la préoccupation relative à
la langue est moins liée à l’identité qu’à l’ajustement social, en particulier sur le
marché du travail. De plus, la langue est d’autant moins une préoccupation en
France, où la plupart des immigrants proviennent d’Afrique francophone (un
raisonnement analogue peut être tenu pour la Wallonie ou Bruxelles), que par
exemple en Allemagne, où la plupart des immigrants, même ceux qui arrivent sous
36 Développer la polémique sur les places néerlandophones réservées dans les crèches flamandes de Bruxelles : …
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crédit de descendance ethnique, ne parlent pas du tout allemand à leur arrivée.
Ainsi, en général et en dehors des Etats multinationaux, la langue est moins
comprise en termes d’identité que comme une capacité fonctionnelle d’adaptation du
nouvel arrivant – avec ou sans l’aide de l’Etat. En Belgique, encore une fois, les
choses se complexifient, détaillons la situation.
L’Etat belge est un cas fascinant concernant les enjeux linguistiques et les
politiques de langue (voir von Busekist 1997). En effet, la nation flamande, bien que
puissante sur la plan politique, conserve encore des réflexes de nation minoritaire.
Les partis politiques flamands cherchent en conséquence à pousser toujours plus
loin l’exigence d’homogénéité linguistique territoriale en Flandre, quitte à remettre en
causes des « acquis » francophones provenant de compromis politiques déjà
sensibles. Aujourd’hui, les flux migratoires mettent à mal, par leur diversité, le mythe
de l’homogénéité linguistique et culturelle des différentes régions belges (Hambye
2009 : 39). En l’occurrence, face à ce melting-pot linguistique et aux risques qu’il
peut faire courir à un discours d’idéologie nationale (qui met en avant l’identité
culturelle et linguistique de la nation), les Flamands et les francophones réagissent
de façon contrastée. Comme nous l’avons montré, le gouvernement flamand a pris
un ensemble de mesures qui visent à favoriser l’intégration des immigrants par
l’apprentissage du néerlandais. D’ailleurs, même au-delà des politiques d’intégration,
le gouvernement flamand a adopté d’autres mesures qui vont dans ce sens de la
préservation linguistique, comme le wooncode (Code du logement). Ce dernier
impose aux candidats à un logement social de démontrer qu’ils savent parler le
néerlandais ou de s’engager à l’apprendre. Depuis son adoption, le Décret du
wooncode37 n’a cessé d’attiser le débat communautaire entre francophones et
néerlandophones. Le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la
discrimination a d’ailleurs fait état de sa « préoccupation » à propos du décret du
wooncode. Selon le Comité, la Belgique doit « veiller à ce que les exigences
linguistiques ne conduisent pas à une discrimination indirecte exercée en raison de
l'origine nationale ou ethnique38 ». Bien que cette mesure ne fasse pas l’objet de
notre champ d’étude, elle est révélatrice de la sensibilité particulière dont les
Flamands font preuve concernant la protection du néerlandais.
Comme nous l’avons relevé tout se passe comme si les néerlandophones se
trouvaient encore aujourd’hui en contexte minoritaire, c’est-à-dire dans une situation
où la langue et la culture du groupe sont perpétuellement menacées par des
pratiques linguistiques et culturelles socialement plus attractives. Extrêmement
sensibles à tout ce qui constitue une exception au principe d’homogénéité
linguistique, les Flamands, bien moins que les francophones, se voient crispés par
les bouleversements qu’engendre la mondialisation, en ce sens qu’elle affaiblit le
pouvoir de l’Etat à construire son propre marché linguistique, c’est-à-dire l’édifice
central autour duquel toute la logique nationaliste du groupe minorisé est construite
37 Décret du Parlement flamand du 15 décembre 2006 portant modification du décret du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du logement, M.B., 19 février 2007. 38 Rapport final de la 72e session que le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a tenue à Genève du 18 février au 7 mars 2008.
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(Hambye 2009 : 43). Comme l’a montré Heller (2006), les minorités ont tendance à
reproduire le discours qui est souvent à la base de leur oppression et qui fait de
l’homogénéité linguistique, culturelle et identitaire, le garant de la survie de la nation.
Hambye (2009) juge à ce sujet que la survie de la nation, et par-delà de sa langue,
est aujourd’hui largement assurée, et que si cela reste une préoccupation en
Flandre, c’est parce que les inquiétudes à cet égard sont alimentées par la
surenchère politique. Nous ne partageons pas entièrement ce diagnostic. En effet,
de récentes études montrent que le néerlandais fait face à des difficultés
grandissantes dans certaines zones. Par exemple, la population de la périphérie
flamande de Bruxelles continue de s’internationaliser, ce qui entraîne un recul de la
pratique du néerlandais. Au 1er janvier 2011, la périphérie était peuplée de 108.000
étrangers, représentant 114 nationalités différentes, soit 27 % de la population – le
double d’il y a vingt ans selon une étude du gouvernement flamand (Le Soir, 26 avril
2012). L’emploi des langues en périphérie s’en ressent puisque, par exemple, 28 %
des élèves de l’enseignement néerlandophone ne parlent pas le néerlandais à la
maison. Le ministre Geert Bourgeois (du parti nationaliste flamand, la N-VA), en
charge de la périphérie flamande mais aussi de l’intégration, attribue cette évolution
à la proximité de Bruxelles « où 61,6 % de la population est d’origine étrangère »
selon lui. Cependant, selon le ministre, cette évolution ne peut justifier une rupture du
caractère néerlandophone de la périphérie, dont la préservation doit rester un «
axiome » de la politique flamande (Le Soir, 26 avril 2012). Autre illustration de ces
nouveaux dangers, l’enquête « Expat Survey » sur le comportement linguistique des
expatriés en Belgique, montre que ceux-ci n’adoptent pas le néerlandais, mais plutôt
l’anglais (96,7 %) et le français (65,9 %) à Bruxelles et en périphérie dans leurs
relations avec leurs amis ou voisins Le rejet du néerlandais pourrait avoir comme
cause, selon Janssens39, la volonté d’imposer le néerlandais dans certaines
communes de la périphérie, ce qui générerait des réactions négatives chez les
expatriés, notamment quand ils croisent des inscriptions « Hier spreekt men
Nederlands » (« Ici, on parle le néerlandais ») dans les maisons communales
(Agence Belga, 3 mai 2012).
Enfin, comme conclusion de ce volet linguistique, nous pouvons fournir
quelques constatations intéressantes, issues de l’enquête de la Fondation Roi
Baudouin (mai 2012), sur les pratiques linguistiques des immigrants. Ainsi, on
apprend que les immigrants sont, dès le départ, très fréquemment polyglottes et
qu’ils parlent, en général, plus de langues que les nationaux. L’enquête montre
également qu’ils apprécient les cours de langue, qu’ils soient obligatoires ou non,
puisque, dans les deux cas, leur taux de satisfaction est identique. Les participants
expliquent leur valorisation des cours de langue par la nécessité d’une intégration
socio-économique réussie.
Conclusion
39 Rudi Janssens (VUB) est chercheur au Brio (Brussel information en onderzoek centrum).
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RESUMES DU PROJET DE THESE – Catherine XHARDEZ
Les politiques d'intégration des immigrés au service du nationalisme minoritaire ? Analyse comparée des parcours d'intégration en Flandre, au Québec et à Bruxelles.
Cette recherche comparative analyse la façon dont, dans des démocraties
multinationales, le phénomène nationaliste affecte – directement ou indirectement – la conception et la mise en œuvre des politiques d’intégration des immigrés. Il s’agit en particulier de comprendre comment les élites politiques engagées dans un processus de formation d’une conscience (sous)nationale envisagent l’intégration. Confrontées à un dilemme, celles-ci doivent opérer des choix politiques difficiles quant au traitement à réserver aux nouveaux venus et à leurs descendants. D’une part, leur inclusion serait susceptible d’affaiblir le processus d’homogénéisation culturelle et identitaire à l’œuvre dans la formation de la nation. D’autre part, a contrario, les inclure (sous réserve de conditions à remplir) permettrait éventuellement de renforcer la présence, démographique et politique, du groupe.
La question de recherche est la suivante : Quelles tensions entre les processus de formation d’une conscience (sous-)nationale et la politique d’intégration des immigrés ? En la matière, plusieurs stratégies sont susceptibles d’être adoptées par les acteurs : l’exclusion, l’inclusion stratégique ou l’inclusion tolérante. Le but de la recherche est de déterminer le positionnement des élites politiques (quelle stratégie est prônée par qui et quand) et de comprendre – au travers de l’étude de documents officiels, débats parlementaires, littérature grise, entretiens – pourquoi telle ou telle stratégie est préférée. Cette thèse s’inscrit à la croisée de l’analyse de l’action publique et de la théorie politique. D’une part, il s’agit notamment de mobiliser les approches néo-institutionnalistes. D’autre part, l’ambition est également de questionner les positions des acteurs et leurs arguments grâce aux outils de la théorie politique. Trois cas d’étude seront analysés : la Flandre, le Québec et les institutions compétentes à Bruxelles.
Do migrant integration policies support nationalist aspirations? A comparative analysis of integration programmes in Flanders, Quebec, and Brussels.
This comparative research will focus on how nationalism affects - directly or indirectly
- the design and implementation of migrant integration policies in multinational democracies. It aims at understanding how political elites, involved in a process of building (sub) national consciousness, consider integration. Indeed, they face a dilemma and have to make difficult political choices about the treatment of newcomers and their descendants. On the one hand, their inclusion could weaken the homogenisation of culture and identity that are at work in the process of nation formation. On the other hand, a contrario, their inclusion (with specific conditions to be fulfilled) could possibly enhance the group’s demographic and political strength.
Our research question is: What are the tensions between the process of building (sub) national consciousness and migrant integration policies? Several strategies may be adopted by the actors in this matter: exclusion, strategic inclusion or tolerant inclusion. The purpose of the research is to identify the positioning of political elites (what strategy is promoted by whom, and when?) and to understand - via the study of official documents, parliamentary debates, grey literature, interviews - why a given strategy is preferred.
This PhD lies at the crossroads between public policy analysis and political theory. On the one hand, it adopts a neo-institutionalist approach. On the other, it also questions the stakeholders’ positions and their arguments by using the tools of political theory. Three case studies will be discussed: Flanders, Quebec and Brussels.