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Aura Environmental Research and Consulting Ltd.

Mai 2016

Étude de l’évaluation des effets cumulatifs appliquée dans le cadre de l’évaluation environnementale de projets : le territoire de la Baie James

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Étude de l’évaluation des effets cumulatifs appliquée dans le cadre de l’évaluation environnementale de projets : le territoire de la Baie James

Préparée pour le Comité consultatif pour l’environnement de la Baie James Bram Noble, PhD, Université de la Saskatchewan Jackie Martin, MA, Aura Environmental Research and Consulting Ltd. Ayodele Olagunju, doctorant, Université de la Saskatchewan Mai 2016

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TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE EXÉCUTIF LISTE DES ACRONYMES 1. INTRODUCTION

1.1 Raison d’être et portée 2. ÉVALUATION DES EFFETS CUMULATIFS 3. CONCEPTION DE L’ÉTUDE

3.1 Phase 1 : Examen des directives des études d’impact 3.2 Phase 2 : Examen des études d’impact 3.3 Phase 3 : Examen des documents décisionnels 3.4 Cadre conceptuel

4. CYCLE DE VIE DE LA PRISE EN COMPTE DES EFFETS CUMULATIFS 5. DIRECTIVES POUR LES ÉTUDES D’IMPACT DU CHAPITRE 22

5.1 Dispositions et exigences de base pour l’évaluation des effets cumulatifs 5.2 Instructions visant à déterminer la portée de l’ÉEC et l’évaluation des conditions de référence 5.3 Instructions pour l’analyse ou la prévision des effets cumulatifs 5.4 Précisions sur la gestion des effets cumulatifs ou les exigences en matière de suivi 5.5 Portée des lignes directrices ou des termes de référence fédéraux pour les effets cumulatifs

6. EXAMEN DES EFFETS CUMULATIFS DANS LES ÉTUDES D’IMPACT

6.1 Identification de la portée des pratiques 6.2 Analyse rétrospective 6.3 Analyse prospective 6.4 Importance et gestion des effets cumulatifs

7. EXAMEN DES EFFETS CUMULATIFS DANS LES AUTORISATIONS ET LES CONDITIONS

7.1 Eastmain 1-A 7.2 Mine d’or Éléonore 7.3 Mine d’or du lac Bachelor 7.4 Exploration uranifère Matoush 7.5 Projet diamantifère Renard 7.6 Extension de la route 167N 7.7 Mine de spodumène Whabouchi

8. CONCLUSION 9. RÉFÉRENCES

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SOMMAIRE EXÉCUTIF

Les effets cumulatifs sont des changements subis par l’environnement en raison d’une action combinée à d’autres actions passées, présentes et futures. Traditionnellement, l’évaluation d’effets cumulatifs au Québec, et ailleurs au Canada, a mis l’accent sur les impacts individuels et supplémentaires des projets de développement combinés à ceux d’autres actions notées dans l’environnement local et régional de ces projets. Cependant, la pratique visant à évaluer les effets cumulatifs au cas par cas a été identifiée comme causant plus de tort que de bien (par exemple : évaluer les impacts des projets indépendamment d’autres activités et conclure qu’il est peu probable que de tels projets causent des effets cumulatifs; comparer l’amplitude des impacts supplémentaires d’un projet aux effets totaux de toutes les autres perturbations dans l’environnement régional du projet; ne fournir qu’une analyse superficielle des effets cumulatifs tout en négligeant d’effectuer un suivi pour en déterminer les résultats réels). Les promoteurs de projets ne sont pas entièrement à blâmer puisqu’ils n’ont qu’à faire ce qui est explicité dans les lois ou les règlements ou ce qui est exigé d’eux dans la directive ou les termes de référence du projet. La présente étude examine l’application de l’évaluation des effets cumulatifs dans le cadre de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ). Elle a été commandée par le Comité consultatif pour l’environnement de la Baie James (CCEBJ) en décembre 2015 à la suite de préoccupations concernant les effets cumulatifs de multiples projets de développement qui ont été, sont, ou pourraient être, mis en œuvre sur le Territoire. L’étude fait partie d’efforts continus déployés par le CCEBJ pour mieux se préparer à conseiller les signataires de la CBJNQ sur l’évaluation des effets cumulatifs effectuée lors des évaluations environnementales de projets. L’étude fait état d’une analyse de sept évaluations environnementales commencées et complétées entre 2002 et 2015, nommément : centrale Eastmain 1-A et dérivation Rupert; mine d’or Eleonore, mine d’or du lac Bachelor, exploration uranifère Matoush, projet diamantifère Renard, extension de la route 167 N vers les monts Otish, et mine de spodumène Whabouchi. L’analyse s’intéresse principalement à la nature et à la qualité des instructions et des conseils prodigués aux promoteurs des projets pour la mise en place de leurs évaluations des effets cumulatifs; à la façon dont ces effets cumulatifs furent traités par chacun des promoteurs; et si (et comment) les exigences concernant les effets cumulatifs identifiés dans les directives et les études d’impact furent reflétées dans les décisions et les conditions d’autorisation des projets. Les résultats de l’étude suggèrent que la qualité des évaluations d’effets cumulatifs sur le Territoire de la Baie James reflète les normes et les pratiques identifiées dans les directives du projet ou les termes de référence. Toutefois, les instructions et les conseils fournis aux promoteurs du projet sont souvent insuffisants pour promouvoir une évaluation des effets cumulatifs selon des pratiques exemplaires et pour soutenir une compréhension et une gestion à plus long terme des effets cumulatifs. De plus, il existe une grande variabilité entre la façon dont sont traités les effets cumulatifs dans les études d’impact. En général, ces effets ne sont pas suffisamment traités et semblent faire l’objet d’analyses limitées; les évaluations sont souvent déficientes quant aux preuves pouvant soutenir les conclusions avancées sur les effets cumulatifs. Finalement, bien que l’étude des effets cumulatifs soit une exigence dans les directives émises aux promoteurs des projets, bien peu de conditions sont habituellement explicitées, lors de l’autorisation, concernant la gestion ou le suivi des effets cumulatifs du projet, malgré les préoccupations concernant l’état de la pratique dans les rapports des organismes d’examen. Les résultats avancés dans ce rapport ne représentent pas forcément toutes les pratiques d’évaluation environnementale sur le territoire de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, mais ils suggèrent qu’il y a encore de grandes possibilités d’amélioration de l’état actuel de l’évaluation des effets cumulatifs.

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LISTE DES ACRONYMES

ACÉE Agence canadienne d’évaluation environnementale

CBJNQ Convention de la Baie James et du Nord québécois

CCEBJ Comité consultatif pour l’environnement de la Baie James

COMEV Comité d’évaluation

COMEX Comité provincial d’examen

COFEX-Sud Comité fédéral d’examen (Sud)

CV Composante valorisée

EC Effets cumulatifs

ÉEC Évaluation des effets cumulatifs

ÉIE Évaluation des impacts environnementaux

LCÉE Loi canadienne sur l’évaluation environnementale

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1. INTRODUCTION

En décembre 2015, CCEBJ a fait appel à Aura pour concevoir et mettre en place une étude visant à examiner l’application de l’évaluation des effets cumulatifs (ÉEC) dans le cadre des évaluations environnementales menées sur le Territoire de la Baie James. Le CCEBJ souhaite procéder à cette étude à la suite de préoccupations quant aux effets cumulatifs découlant de multiples projets de développement passés, présents et futurs sur le Territoire. Grâce à cette étude, le CCEBJ sera mieux outillé pour conseiller les parties signataires sur les ÉEC effectuées pendant les évaluations environnementales de projets en vertu du chapitre 22 de la CBJNQ. 1.1 Raison d’être et portée L’étude comporte trois objectifs, qui sont :

i. Examiner et évaluer les instructions et les orientations prodiguées aux promoteurs pour l’élaboration de leurs ÉEC.

ii. Déterminer comment les effets cumulatifs furent traités par les promoteurs dans un échantillon d’études d’impact.

iii. Établir comment les conclusions sur les effets cumulatifs dans les études d’impact ont influencé les décisions concernant les projets.

Il fut impossible de réaliser le troisième objectif de cette étude à partir de l’information fournie pour l’examen; il faudrait effectuer des entrevues avec les décideurs des organismes de réglementation pour ce faire. Aucune relation de cause à effet, et aucune influence n’ont pu être identifiées à partir d’une comparaison des données contenues dans les études d’impact et dans les décisions et conditions applicables aux projets. Nous avons plutôt procédé à une analyse des décisions sur les projets ou des autorisations pour voir si, et comment, les exigences ou les enjeux entourant les effets cumulatifs identifiés dans les directives des projets et dans les études d’impact étaient reflétés dans les décisions et les conditions d’autorisation des projets. 2. ÉVALUATION DES EFFETS CUMULATIFS Les effets environnementaux cumulatifs sont définis en termes généraux comme des changements environnementaux causés par une action combinée à d’autres actions passées, présentes et futures. La notion d’effet environnemental cumulatif se base sur l’idée que chaque perturbation ou impact, pris individuellement, et indépendamment de son ampleur, peut représenter un coût marginal élevé pour l’environnement. Reconnaître qu’un effet nuisible important peut s’accumuler avec le temps à la suite d’une succession d’actions individuelles pouvant parfois sembler insignifiantes est à la base de la gestion des effets cumulatifs (Conseil américain pour la qualité de l’environnement, 1996). En principe, l’ÉEC met l’accent sur une évaluation des conditions de récepteurs environnementaux (ainsi que la nature et la qualité des relations qu’ils ont entre eux); l’ÉEC détermine aussi si les effets totaux des stresseurs de la zone d’étude d’un projet sont acceptables, y compris l’éventuel stress supplémentaire causé par le projet proposé (Canter et Ross 2010; Duinker et Greig 2006; Ross 1994). En préparant une telle évaluation, on conseille habituellement aux promoteurs de tenir compte des effets pouvant possiblement résulter de leur projet en combinaison avec d’autres activités physiques qui ont été ou qui seront mises en œuvre. L’ÉEC jouit d’une longue tradition de pratique et de recherche au Canada (CEARC 1988). Les principes fondateurs de l’ÉEC furent élaborés dans les années 1980 grâce au travail de Beanlands et Duinker (1983), et élargis dans les années 1990 par des chercheurs de divers domaines de la science et de la pratique. Ceci dit, l’ÉEC est aussi l’un des aspects les plus contestés des études d’impact, et elle est souvent l’arme de choix pour ceux qui s’opposent au développement de projets (Noble 2015). Au fur et à mesure de l’évolution de la recherche et de la pratique en ÉEC, un des thèmes récurrents était le défi que représente l’évaluation et la gestion des effets cumulatifs dans un cadre réglementaire fondé sur l’évaluation de projets individuels.

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Bon nombre de chercheurs et de groupes d’intérêt ont demandé un cadre plus régional et stratégique pour évaluer et gérer les effets cumulatifs, et des efforts sont en cours dans certaines juridictions pour faire avancer ces encadrements à l’échelle d’une région ou d’une province (notons, par exemple, l’évaluation régionale dans les sables bitumineux du sud de l’Athabaska, et le cadre d’évaluation des effets cumulatifs appliqué à l’ensemble de la Colombie-Britannique). Toutefois, en faisant avancer ces initiatives régionales et stratégiques, il ne faudrait pas perdre de vue la pratique réglementaire. Bien qu’il soit nécessaire de faire avancer les initiatives régionales d’ÉEC, et que cela ajoutera une valeur aux évaluations en cours basées sur des projets, les promoteurs doivent toujours, dans le cadre réglementaire en place, évaluer les effets cumulatifs de leurs projets. Ainsi, ce qui est possible dans le cadre d’une évaluation basée sur un projet, et ce qui représente une norme raisonnable en pratique d’ÉEC pour les promoteurs, doit être étudié et examiné davantage par les chercheurs, les praticiens et les instances réglementaires. 3. CONCEPTION DE L’ÉTUDE Le projet a mis l’accent sur un examen des directives (par le Québec et le fédéral), des études d’impact, et des documents décisionnels (autorisations, conditions) pour sept évaluations environnementales identifiées par le CCEBJ (Tableau 1). L’échantillon des évaluations environnementales n’avait pas comme objectif de représenter la pratique dans le domaine, mais plutôt d’offrir une perspective des évaluations environnementales de façon à tirer des observations préliminaires sur l’état de la pratique en ÉEC dans la région de la Baie James. Cette étude consiste en trois phases d’examen décrites plus bas. Tableau 1. Projets inclus dans l’examen

Projet Date de dépôt

Émission des directives

des ÉE Dépôt de l’ÉIE Certificat d’autorisation /

Décision

Centrale Eastmain 1-A et dérivation Rupert

2002 COMEV 2003 Fédéral 2004

2004 2006 Québec 2007 Fédéral

Mine d’or Éléonore 2007 COMEV 2008 2010 2011 (2013*, 2014*, 2015*) Québec

Mine d’or du lac Bachelor 2007 COMEV 2007 2011 2012 (2013*) Québec Exploration uranifère Matoush 2008 COMEV 2009

Fédéral 2009 2009 2012 Fédéral+

Projet diamantifère Renard COMEV 2010

Fédéral 2010 (2011*)

2011 2013 Fédéral 2014 Québec

Extension de la route 167 N vers les monts Otish

2010 2010 2011 Québec 2012 Fédéral

Mine de spodumène Whabouchi

2011 2012 2013 (2014*, 2015*)

2015 Fédéral 2015 Québec

* indique des amendements ou des modifications + aucune autorisation n’a été émise pour le projet par le Québec 3.1 Phase 1 : Examen des directives des études d’impact La phase 1 mettait l’accent sur la portée des orientations fournies dans les directives des études d’impact pour vérifier si ces exigences étaient suffisantes pour assurer une pratique exemplaire. Notre examen s’est basé sur une liste minimale de critères de pratique exemplaire tirés de publications savantes et de divers documents d’orientation en matière d’ÉEC, à savoir si ces directives contenaient des exigences ou des dispositions spécifiques voulant que le promoteur :

tienne compte des actions et effets en combinaison avec d’autres actions passées, présentes et futures; tienne compte de l’impact biophysique et socioéconomique; tienne compte des perturbations naturelles comme effet cumulatif;

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identifie des limites spatiales basées sur la distribution ou les caractéristiques des composantes valorisées1;

identifie certaines composantes valorisées dont le promoteur devrait tenir compte dans son ÉEC; identifie des limites ou des seuils pour les composantes valorisées; identifie ou cartographie des caractéristiques, impacts et autres utilisations des terres dans les conditions

de référence; établisse des tendances ou des changements dans l’état des composantes valorisées dans le temps; identifie des facteurs d’atténuation ou de suivi pour traiter les effets du projet; identifie des facteurs d’atténuation ou de suivi pour traiter les effets cumulatifs; décrive ces mesures d’atténuation et de suivi; et identifie les indicateurs de suivi pour chacune des composantes valorisées dont le promoteur doit tenir

compte dans son ÉEC. 3.2 Phase 2 : Examen des études d’impact La phase 2 avait pour but d’analyser comment les promoteurs traitaient les effets cumulatifs dans un échantillon d’études d’impact. La portée de cette étude ne contenait pas d’examen exhaustif de toute l’étude d’impact et des rapports techniques connexes. Un examen fut effectué en se basant sur les chapitres pertinents seulement. Le chapitre ou la partie de chapitre concernant les ÉEC, dans chaque étude d’impact, fut examiné par une approche d’analyse du contenu (Creswell 2003) basée sur une série de questions ou de critères d’examen. L’attention a d’abord été concentrée sur le chapitre ou la section touchant l’ÉEC pour identifier les composantes valorisées. Pour chaque composante, la portée, les conditions de référence, l’analyse des impacts de même que les mesures d’atténuation et de suivi furent examinées. Ces renseignements furent ensuite revus à la lumière des orientations spécifiques fournies dans les directives, le cas échéant. Ainsi, notre analyse n’a ciblé que les composantes valorisées ou les préoccupations identifiées dans le chapitre des ÉEC plutôt que celles traitées dans d’autres parties de l’étude d’impact. Pour certaines composantes valorisées, nous avons aussi utilisé les rapports du Comité d’examen (COMEX) et des commissions fédérales pour valider davantage nos constatations. L’examen a été guidé par une série de critères d’évaluation établissant les pratiques exemplaires en matière d’ÉEC et identifiant les critères en matière de portée, de rétrospective, de potentialité et de gestion des effets cumulatifs (Noble 2015; Dube et al 2013; Gunn et Noble 2012; Baxter et al. 2001) (Tableau 2). Ces critères furent compilés par Aura, utilisés dans des études précédentes et approuvés par le CCEBJ le 30 novembre 2015. Ces critères identifient ce qui est considéré comme des pratiques « exemplaires » en matière d’ÉEC et représentent une norme raisonnable de pratique pour l’évaluation environnementale de projets. Les critères furent identifiés à la suite d’un examen de diverses sources, y compris le Guide du praticien sur l’évaluation des effets cumulatifs (Hegmann et al. 1999) publié par le gouvernement fédéral, les orientations techniques pour l’évaluation des effets cumulatifs dans la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (ACEE, 2012)2, la recherche universitaire et les orientations provenant d’importantes publications internationales sur l’évaluation environnementale (Environmental Impact Assessment Review, Impact Assessment and Project Appraisal, Journal of Environmental Assessment Policy and Management) ainsi que des guides de pratiques exemplaires sur l’ÉEC mis à la disposition du public canadien (p. ex. : Bureau des pratiques forestières de la Colombie-Britannique 2011; Beanlands et Duinker 1983). Il est possible que l’on ne puisse pas identifier dans quelle mesure chaque critère a été atteint au moyen de cette approche, puisqu’il se peut que les effets des projets sur certaines composantes valorisées soient suffisamment atténués et ainsi, qu’ils ne soient pas comptabilisés dans les effets cumulatifs. De plus, des 1 Les composantes valorisées (CV) sont des aspects ou des caractéristiques de l’environnement (biophysique ou humain) identifiées comme étant importantes pour les populations autochtones, les agences gouvernementales, les promoteurs ou le public, et pouvant être affectées directement ou indirectement par un projet. L’importance accordée aux CV peut avoir une signification scientifique, écologique, culturelle, économique, historique, archéologique ou esthétique. 2 Bien que le présent rapport fasse souvent état des orientations techniques en place dans le document de l’ACEE de 2012, les principes et orientations dont il est fait état sont semblables à ceux en place dans le Guide du praticien de 1999, qui date d’avant la première étude d’impact incluse dans le présent document.

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renseignements supplémentaires étaient peut-être contenus dans des rapports techniques préparés pour soutenir l’évaluation des effets cumulatifs, et non dans l’étude d’impact. Tableau 2. Critères d’examen des évaluations des effets cumulatifs (ÉEC)

Détermination de la portée des effets cumulatifs Évaluation rétrospective (conditions de référence) L’ÉEC tient compte tous les types de stresseurs (projets,

perturbations naturelles) pouvant affecter les composantes valorisées (CV)

CV écologiques et socioéconomiques incluses dans l’EEC Raisonnement avancé pour le choix des CV en lien avec

les effets cumulatifs Les limites de l’ÉEC reflètent la distribution naturelle ou

les modèles de répartition des CV Les perturbations ou les développements passés ou

présents sont inclus dans l’ÉEC Les perturbations ou les développements futurs sont

inclus dans l’ÉEC

Les conditions passées et présentes identifiées pour chaque CV sont incluses dans l’ÉEC

Les conditions de référence établissent des tendances dans les effets cumulatifs sur les CV; les indicateurs évoluent dans le temps

Les conditions de référence établissent des relations entre les effets cumulatifs sur les CV, l’état des indicateurs, les changements et les facteurs clés

Les seuils des effets cumulatifs sur les CV (c.-à-d. les cibles, les limites, et autres) sont établis dans l’évaluation des conditions de référence

Analyse prospective (avenir, prévisions) Importance, gestion et suivi des effets cumulatifs Les prévisions, scénarios ou état des effets cumulatifs

sont identifiés pour les CV affectées ou les indicateurs Les tendances et les liens dans l’analyse des conditions

de référence sont utilisés pour établir les conditions futures ou les prévisions

Les outils et techniques utilisés sont appropriés pour identifier et analyser les effets cumulatifs et les incertitudes des conditions futures

Une analyse et des preuves suffisantes sont fournies pour appuyer les conclusions concernant les effets cumulatifs

Les prévisions et les évaluations des effets cumulatifs mettent l’accent sur l’effet global sur les CV et la contribution supplémentaire du projet à ces effets

Les effets cumulatifs et leurs changements sont évalués à la lumière de repères ou de conditions de référence pour les CV touchées

Les seuils, les limites ou les cibles réglementaires sont utilisés pour évaluer l’importance des effets cumulatifs

La contribution supplémentaire des effets cumulatifs du projet est clairement identifiée

L’importance des effets cumulatifs est basée sur la santé ou l’état des CV (face à l’importance de l’impact du projet)

Les mesures d’atténuation sont identifiées pour les effets cumulatifs

Les mesures de gestion adaptative sont identifiées pour les effets cumulatifs incertains

Les mesures de suivi sont identifiées pour les effets cumulatifs

3.3 Phase 3 : Examen des documents décisionnels La phase 3 s’est avérée un examen des autorisations de projets (recommandations et conditions), faisant suite aux évaluations environnementales, à la lumière des effets cumulatifs identifiés soit dans les directives, les termes de référence ou les études d’impact. L’examen des recommandations et des conditions d’autorisation des projets a permis d’étudier la question des effets cumulatifs dans les processus décisionnels ainsi que leur cycle de vie des directives aux études d’impact, puis aux autorisations de projets.

3.4 Cadre conceptuel

Les résultats de notre analyse sont présentés en quatre chapitres, commençant par une brève analyse des tendances que nous avons observées dans le cycle de vie des évaluations environnementales en ce qui a trait aux effets cumulatifs (Illustration 1). L’analyse verticale a permis d’examiner comment les normes ou les attentes

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identifiées dans les directives se reflètent dans les études d’impact et, éventuellement, jusqu’à l’étape de la décision. Cette analyse n’avait pas pour but de vérifier la performance de chaque évaluation environnementale par rapport aux directives, ou même si elle pouvait être considérée comme une évaluation adéquate répondant aux enjeux et aux préoccupations soulevés. L’analyse et les résultats présentés ici sont des observations générales. L’analyse verticale est suivie par trois chapitres dont chacun fait état des trois principaux objectifs de l’étude. Il s’agit de mettre l’accent sur des enjeux communs ou des tendances identifiés dans les évaluations de projets, critère par critère, afin de présenter un aperçu de l’état de la pratique des ÉEC, y compris les forces et les limites qu’elles ont en commun.

EIS : Environmental Impact Statement (étude d’impact) CEA : Cumulative Effects Assessment (évaluation des effets cumulatifs) Illustration 1. Cadre conceptuel pour l’analyse de l’état de la pratique

4. CYCLE DE VIE DE LA PRISE EN COMPTE DES EFFETS CUMULATIFS Une série d’observations générales a découlé de l’échantillon des évaluations environnementales quant au traitement des effets cumulatifs, des directives jusqu’à l’autorisation en passant par les études d’impact. Ces observations illustrent des enjeux majeurs concernant le cycle de vie des effets cumulatifs tout au long du processus d’évaluation environnementale.

La portée et le contenu des ÉEC furent en bonne partie déterminés par les directives ou les termes de référence. La qualité des ÉEC fut donc surtout le reflet de la qualité et de la portée des instructions ou des attentes établies dans la directive. L’étude d’impact reflétait généralement ce qui avait été établi dans la directive, c’est-à-dire, dans la plupart des cas, une approche étroite des ÉEC;

La directive identifiait les composantes valorisées à inclure dans l’ÉEC, et ces composantes étaient habituellement prises en considération par le promoteur, mais ce dernier dépassait rarement la portée des exigences;

Si la directive n’exigeait pas que le promoteur traite explicitement des programmes d’atténuation et de suivi des effets cumulatifs, ces aspects n’étaient pas inclus dans l’étude d’impact;

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La directive n’exigeait pas explicitement que le promoteur effectue une analyse des effets cumulatifs distincte de celle des impacts spécifiques du projet, et habituellement l’étude d’impact ne distinguait pas les effets cumulatifs des impacts propres au projet;

Une attention explicite fut portée à la qualité des données et à l’analyse factuelle dans la directive; cette même attention était habituellement portée à l’étude d’impact, particulièrement aux impacts spécifiques au projet. Toutefois, cette analyse factuelle ne s’étendait pas à l’évaluation des effets cumulatifs;

La directive exigeait une description (incluant une cartographie) des conditions de référence, sans toutefois exiger une analyse des tendances dans ces conditions. L’évaluation des conditions de référence, dans l’étude d’impact, présentait ainsi les conditions courantes sans toutefois examiner les tendances et les changements touchant les composantes valorisées dans le temps;

La directive exigeait que le promoteur base son ÉEC sur les conditions de référence du milieu. Le promoteur a adopté la pratique, mais l’évaluation restreinte des conditions de référence contenait peu d’information pouvant appuyer l’analyse des effets cumulatifs;

Les exigences visant à identifier les limites ou les seuils, lorsqu’elles étaient identifiées dans la directive, s’étendaient habituellement à l’étude d’impact, mais seulement pour les composantes valorisées pour lesquelles des critères sont établis (p. ex. : les normes en matière de qualité de l’air ou de l’eau); toutefois, ces limites ou ces seuils étaient rarement utilisés pour évaluer l’importance des effets cumulatifs.

Le rapport de la commission fédérale d’examen (lorsqu’applicable) a soulevé d’importantes questions quant à la qualité de l’ÉEC effectuée par le promoteur, particulièrement en ce qui a trait au manque de preuves fournies pour appuyer l’ÉEC et pour soutenir les conclusions du promoteur quant aux effets cumulatifs. Le rapport a ensuite présenté ses propres conclusions, qui étaient habituellement que le projet ne devrait pas causer d’effets cumulatifs négatifs, mais la commission a fait la même erreur que le promoteur, c’est-à-dire en fournissant aucune ou peu de preuve analytique pour appuyer cette conclusion;

Les évaluations environnementales tendent à refléter un cycle d’attention aux enjeux qui atteint son

point culminant lors de la remise du rapport d’examen. Voici ce qui fut observé de façon générale : la directive exigeait une analyse des effets cumulatifs, mais donnait peu de précisions à cet effet; le promoteur a fourni une évaluation laissant à désirer, qui était souvent peu étayée, mais conforme à la directive; le rapport de la commission fédérale notait de graves préoccupations quant aux effets cumulatifs, mais concluait qu’ils n’étaient probablement pas significatifs; l’autorisation du projet, y compris les conditions, ne faisait aucunement référence aux effets cumulatifs;

La prise en considération des effets cumulatifs n’était pas facile à suivre durant le processus d’évaluation environnementale, c’est-à-dire des directives aux décisions finales. Les effets cumulatifs sont cités dans les directives et traités dans les études d’impact, mais ils sont rarement mentionnés dans les conditions d’autorisation des projets.

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5. DIRECTIVES POUR LES ÉTUDES D’IMPACT DU CHAPITRE 22

Toutes les directives du Québec exigeaient de tenir compte des effets cumulatifs, mais ces exigences n’étaient pas toutes cohérentes avec les pratiques exemplaires, et n’avaient pas toutes pour objectif de s’assurer que le promoteur fasse le nécessaire pour mettre en place une analyse suffisante des effets cumulatifs. Des orientations étaient habituellement fournies pour ce qui devait être pris en considération, mais les directives n’étaient pas normatives quant à l’approche que le promoteur devait retenir pour l’ÉEC. Nos conclusions principales tirées de l’échantillon des directives provenant du Québec sont explicitées plus bas; elles sont suivies d’une comparaison entre les directives fournies par le Québec et celles fournies par le gouvernement fédéral. 5.1 Dispositions et exigences de base pour l’évaluation des effets cumulatifs Les sept directives émises en vertu du chapitre 22 faisaient explicitement référence aux effets cumulatifs; cinq d’entre elles contenaient des sections touchant spécifiquement les exigences de l’ÉEC. Le principe de base de cette évaluation est l’attention qu’il faut porter aux effets du projet combinés à ceux d’activités passées, présentes et dans un avenir raisonnablement prévisible (Hegmann et al. 1999). Les résultats font voir une variation dans la portée et peut-être même dans la compréhension de ce principe de base de l’ÉEC (Tableau 3). Deux directives ne concernaient que les considérations présentes et futures dans l’orientation qu’elles donnaient quant aux ÉEC; une directive (lac Bachelor) ne se penche que sur les effets du projet combinés à des infrastructures existantes dans l’environnement du projet (principalement l’infrastructure associée au projet lui-même). Tableau 3. Chapitre 22 - Dispositions et exigences de base des ÉEC dans les directives des évaluations environnementales Exigences des évaluations des effets cumulatifs (ÉEC)

Eastmain 1-A

Mine d’or Éléonore

Mine d’or du lac Bachelor

Exploration uranifère Matoush

Mine diamantifère

Renard

Extension de la route

167 N

Mine de spodumène Whabouchi

L’ÉEC doit tenir compte des effets/actions combinés aux autres passés, présents et futurs

Passé Présent

Futur

Présent Futur

Présent

Présent Futur

Passé Présent

Futur

Passé Présent

Futur

Passé Présent

Futur

L’ÉEC doit tenir compte des impacts biophysiques et socioéconomiques

L’ÉEC doit tenir compte des perturbations naturelles comme effet cumulatif

[site

d’incendie]

[site

d’incendie]

Un projet (Eastmain 1-A), la plus ancienne directive incluse dans l’échantillon) contenait des orientations spécifiques pour le promoteur quant aux périodes définies par les termes « travaux existants ou réalisés » et « raisonnablement prévisibles », notant une période de 30 ans pour tenir compte des perturbations passées et une période de 10 ans pour la projection dans l’avenir (ch. 10.2). Cette pratique n’est pas usuelle puisqu’habituellement c’est le promoteur qui détermine la période couverte par l’ÉEC. Toutefois, la mise en place de périodes minimales donne au promoteur des orientations beaucoup plus claires pour le cadre de l’ÉEC. Dans ce cas, cette spécificité est probablement due à l’historique des opérations d’Hydro-Québec dans la région, à la disponibilité de données pertinentes et de plans de développement dans le secteur hydroélectrique, et s’avère le reflet des préoccupations du public concernant les effets cumulatifs de développements multiples dans le secteur du projet3.

3 La directive pour l’étude d’impact du projet Eastmain 1-A a été préparée dans le cadre d’une entente de coordination entre le Québec, l’Agence canadienne d’évaluation environnementale et l’Administration régionale crie afin d’obtenir une seule et même série de directives. L’ébauche du texte de ces directives fut affichée pour consultation publique et il en a résulté un texte final contenant la rétroaction du public

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Toutes les directives du chapitre 22 exigeaient que le promoteur présente des composantes et des effets environnementaux et socioéconomiques dans la portée de son ÉEC. Cette exigence est importante puisque la plupart des études savantes et des analyses de la pratique telle qu’elle se fait ailleurs indiquent que les facteurs socioéconomiques et culturels sont beaucoup moins pris en compte que les facteurs environnementaux dans l’évaluation des effets cumulatifs potentiels (Weber et al. 2012; Parkins 2011; Callahan et Sector 2007; Olsson et al. 2004). Les exigences pour l’examen des perturbations naturelles comme possible effet cumulatif n’étaient pas cohérentes dans toutes les directives du chapitre 22. Seules deux d’entre elles spécifiaient que les perturbations naturelles devaient être examinées et faisaient spécifiquement référence à des sites d’incendie. Le fait de savoir si un promoteur devrait inclure dans l’ÉEC tous les types de perturbations naturelles (ou de désastres), comme de grandes inondations ou des feux de forêt, ou si ceci fait plutôt partie d’une évaluation plus large des risques, est souvent matière à débat. Cependant, l’on s’attend généralement, dans les ÉEC, à ce que les promoteurs examinent ces perturbations naturelles (p. ex. : feux de forêt et superficies brûlées) pouvant affecter les mêmes composantes valorisées que celles touchées par les actions du projet. L’échantillon des directives étudiées s’est révélé assez pauvre à cet effet. L’examen d’interactions possibles d’un projet avec des perturbations naturelles est identifié comme une pratique devant être améliorée dans les Orientations techniques de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale concernant les effets cumulatifs (ACÉE 2014). 5.2 Instructions visant à déterminer la portée des ÉEC (« scoping ») et l’évaluation des conditions de référence Les exigences des directives concernant la portée des ÉEC et des conditions de référence différaient d’une étude d’impact à l’autre (Tableau 4). Ce n’est pas le cas des orientations quant aux limites de la zone d’étude et la description de l’état de référence du milieu, puisque celles-ci étaient raisonnablement cohérentes dans toutes les directives. Par exemple, dans toutes les directives émises en vertu du chapitre 22, sauf une, le promoteur devait délimiter la zone d’étude en tenant compte de la distribution ou des caractéristiques des composantes valorisées, des utilisations des terres causant des préoccupations ainsi que des effets directs et indirects du projet. Toutes les directives exigeaient que le promoteur décrive l’état de référence du milieu et l’utilisation des terres dans la zone d’étude et, le cas échéant, fournisse une cartographie de la répartition de ces caractéristiques. Les orientations quant au choix des composantes valorisées étaient aussi raisonnablement cohérentes. L’identification de composantes valorisées communes dans les directives ou les termes de référence du projet est importante pour permettre de comprendre, à l’échelle régionale, des changements et de possibles effets cumulatifs touchant les conditions de référence des principales composantes valorisées dans le temps. Ceci assure une meilleure compréhension des effets cumulatifs à l’échelle de la région et à l’échelle du projet. Ainsi, Ball et al. (2013) suggèrent qu’il existe dans toutes les régions en développement un besoin, pour les autorités réglementaires ou les agences de planification territoriale, de déterminer une série de priorités minimales en matière de composantes valorisées (et d’indicateurs) à considérer dans les études d’impact. Nous avons remarqué que cinq des directives identifiaient un ensemble cohérent de composantes valorisées dont le promoteur devait tenir compte dans son ÉEC. Par exemple, les directives des projets Eastmain 1-A, Matoush, Renard, route 167 Nord et Whabouchi exigeaient toutes que le promoteur tienne au moins compte des aspects suivants dans leurs évaluations des effets cumulatifs :

utilisation des terres par les Cris conditions socioéconomiques

espèces menacées (faune et flore) faune (terrestre, aquatique)

dans les instructions finales fournies au promoteur. Les termes de référence préparés pour la commission fédérale d’examen par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale ont aussi été assujettis à une consultation publique avant d’être publiés.

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habitat faunique (terrestre, aquatique) récréotourisme (pêche et chasse sportives) Tableau 4. Chapitre 22 – Orientations dans les directives visant à soutenir la portée des ÉEC et l’évaluation des conditions de référence des évaluations environnementales Indications ou orientations fournies à l’appui des ÉEC

Eastmain 1-A

Mine d’or Éléonore

Mine d’or du lac Bachelor

Exploration uranifère Matoush

Projet diamantifère

Renard

Extension de la route

167 N

Mine de spodumène Whabouchi

Exige des limites spatiales basées sur la distribution des CV ou leurs caractéristiques

Identifie certaines CV prioritaires dont le promoteur devrait tenir compte dans son ÉEC

Exige l’identification de limites ou de seuils pour les CV

Exige des conditions de référence identifiant ou cartographiant des caractéristiques, des impacts et autres utilisations des terres

Exige des conditions de référence déterminant des tendances ou des changements dans l’état des CV dans le temps

Les plus récentes de ces quatre directives (Matoush, Renard, route 167 Nord et Whabouchi) présentent des instructions quasi identiques, ce qui suggère que l’on ait atteint un certain niveau de cohérence dans les dernières années en matière des composantes valorisées prioritaires à prendre en considération dans les ÉEC sur le Territoire de la Baie James. Dans le cas du projet Eastmain 1-A, les mêmes types de composantes valorisées furent identifiés, mais la directive contenait des instructions plus contextualisées en matière d’inclusion des composantes valorisées; elle exigeait aussi que l’on tienne compte de certains cours d’eau présentant des concentrations plus élevées de mercure dans les poissons, et que certaines espèces animales, y compris le caribou forestier, le canard arlequin et les oiseaux migrateurs, soient évaluées. La directive du projet Eastmain 1-A exigeait aussi que le promoteur tienne compte de la qualité de vie et de la santé des Cris, et de la transmission et de l’utilité des connaissances traditionnelles cries concernant les cours d’eau du Territoire suite au détournement de certaines rivières dans les trente dernières années. Ce détail peut, en partie, être attribué à l’historique d’Hydro-Québec dans la région, et à l’accès à des données sur la nature et les types d’impacts ainsi que des préoccupations associées aux projets précédents. Quatre des directives du chapitre 22, surtout les plus récentes, exigeaient que le promoteur identifie des seuils pertinents pour les composantes valorisées ou des conditions de référence. Les renseignements tirés des conditions de référence sont peu utiles pour les ÉEC, à moins qu’on puisse les comparer à des normes, des cibles ou des seuils (Dube et al. 2013). Ces seuils peuvent être établis sur des réponses ou sur des effets (p. ex. : paramètres de qualité de l’eau, niveaux de population des espèces) ou des stress (p. ex. : exigences minimales

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pour l’habitat) qui sont en relation directe avec l’état des composantes valorisées. Les seuils basés sur le stress mettaient l’accent sur les stress découlant des projets, comme les normes en matière d’émission ou les taux de rejet de l’effluent, et sont utiles pour atténuer les effets d’un projet; ils sont toutefois d’une moindre valeur lorsque l’on souhaite évaluer les effets cumulatifs sur les composantes valorisées ou les changements les touchant. Dans les quatre directives qui spécifiaient des seuils, l’accent a toujours été placé sur l’identification de seuils pour aider à mieux comprendre l’état des composantes valorisées, donnant ainsi une orientation utile pour évaluer l’importance des effets cumulatifs potentiels. Ainsi :

Directive du lac Bachelor : Le promoteur est encouragé à établir des seuils ou des niveaux d’acceptabilité des effets pour mieux comprendre leur intensité ou leur importance (ch. 4) ainsi que des seuils d’irréversibilité pour les impacts sur l’environnement biophysique (ch. 4.1).

Directive du projet Matoush : Le promoteur doit établir des seuils ou des niveaux d’acceptabilité lors de l’évaluation des impacts, y compris les impacts cumulatifs (ch. 3.5).

Directive du projet Renard : Le promoteur doit déterminer des seuils d’irréversibilité pour tous les impacts

identifiés dans l’étude d’impact (p. 16).

Directive du projet Whabouchi : Le promoteur doit déterminer des seuils d’irréversibilité pour tous les impacts identifiés dans l’étude d’impact (p. 13).

Nous avons remarqué une limite, dans toutes les directives sauf une, concernant la nécessité pour le promoteur de décrire et de cartographier les conditions en cours dans l’environnement du projet. Les directives n’exigeaient toutefois pas d’identifier les conditions passées, d’établir des tendances ou de discerner, lorsque possible, des relations potentielles entre les facteurs de changements et les changements observés dans l’état des composantes valorisées. Par exemple, la directive du chapitre 22 pour le projet de la mine d’or Éléonore demande au promoteur de « décrire l'état de l'environnement tel qu'il se présente dans la zone d'étude avant la réalisation du projet. À l'aide d'inventaires tant qualitatifs que quantitatifs, il doit décrire de la façon la plus factuelle possible les composantes des milieux biophysique et humain susceptibles d'être touchées par la réalisation du projet » (ch. 2.4.2.). Le promoteur n’est pas tenu d’examiner les conditions passées ou les changements survenus dans le temps. Dans un même ordre d’idées, pour le projet Renard, le promoteur doit décrire les utilisations actuelles et planifiées du territoire dans la zone d’étude, mais n’a pas à tenir compte des utilisations passées et de leur évolution dans le temps, ou comment ces changements ont affecté l’état des composantes valorisées. Dans la plupart des cas, les directives ne demandaient pas que le promoteur évalue les conditions de référence de façon à appuyer une bonne ÉEC. La portée appropriée pour mesurer l’importance des effets cumulatifs est cette période passée durant laquelle une composante valorisée était plus abondante ou moins perturbée — il faut, pour cela, tenir compte des conditions passées et obtenir une évaluation rétrospective (McCold et Saulsbury 1996). Toutes les directives des ÉEC devraient exiger que le promoteur identifie les changements dans l’état des composantes valorisées dans le temps (p. ex. : les populations de caribous, les données sur l’habitat, la qualité de l’eau), et si possible, qu’il identifie aussi les principaux facteurs de ce changement (p. ex. : utilisations des terres) pour pouvoir établir des tendances, une base de connaissances et la compréhension nécessaire pour prévoir et évaluer l’importance des impacts cumulatifs potentiels d’un projet (Noble 2015b)4.

4 Le critère de pratique exemplaire retenu pour déterminer la portée et l’analyse rétrospective suggère que l’étude des conditions de référence qui appuient l’évaluation des effets cumulatifs tienne compte des conditions et des perturbations passées; cette étude doit évaluer aussi, dans la zone touchée par le projet, les changements dans l’état des composantes valorisées dans le temps. Cependant, dans certains cas, comme pour certains projets dans le cadre de cette étude, un projet est proposé dans une région qui n’a pas encore fait l’objet de développement. Les promoteurs peuvent alors se fier aux connaissances traditionnelles ou à d’autres sources d’information (p. ex. : les rapports de recherche) pour mieux comprendre les conditions et perturbations passées (naturelle ou anthropogéniques), et pour identifier les seuils ou les limites du changement. Toutefois, les données pour alimenter les modèles pour les analyses spatiales ou temporelles des effets cumulatifs peuvent être limitées. Il peut alors être raisonnable que la directive et l’étude d’impact mettent davantage l’accent sur l’évaluation de conditions de référence en cours comme repère pour mesure le changement. Ceci ne limite aucunement la possibilité d’effectuer une véritable ÉEC pour le

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Le projet Eastmain 1-A fut la seule directive à exiger explicitement du promoteur, au niveau des conditions de référence, « (…) de présenter les meilleures données disponibles sur les caractéristiques biophysiques de ces écosystèmes et, lorsque pertinent, décrire les tendances ou les extrêmes sur une période de temps significative. » (ch. 8.1). En ce qui a trait aux questions biophysiques, le promoteur devait se pencher sur l’évaluation des conditions de référence par une approche écosystémique (ch. 8.1) afin de caractériser les composantes affectées. Lorsque pertinent, il devait aussi décrire les tendances ou les situations extrêmes dans le temps, y compris une explication des relations et des interactions entre les diverses composantes de l’environnement (ch. 8.1). La directive exige aussi, en ce qui a trait aux conditions de référence socioéconomiques (par ex. : la cohésion sociale, l’environnement culturel, l’emploi) que le promoteur prenne « (…) la mesure des transformations ou continuités survenues en ce domaine depuis les 30 dernières années » (ch. 9.4) et qu’il identifie, à l’égard des conditions de référence, « Les facteurs permettant d’expliquer cette situation, déterminée par des facteurs historiques (…) » (ch. 9.1, 9.2, 9.4). 5.3 Instructions pour l’analyse ou la prévision des effets cumulatifs Toutes les directives du chapitre 22 exigeaient que le promoteur explique et justifie les méthodes utilisées pour prévoir les impacts potentiels du projet sur l’environnement, y compris les incertitudes, dans son étude d’impact. Bien que ce ne soit pas spécifique aux ÉEC, cette pratique est, en fait, une pratique exemplaire. Peu d’indications ont été fournies sur la façon dont le promoteur doit effectuer son ÉEC. En ce qui a trait à la prévision des impacts en général, les orientations communes présentées dans les directives veulent que le promoteur identifie et évalue l’impact par rapport au chapitre « Description de l’environnement » de l’étude d’impact. Toutefois, comme mentionné plus haut, les indications fournies pour la « Description de l’environnement » (c’est-à-dire les conditions de référence) mettent l’accent sur la description et la cartographie des conditions courantes, plutôt que sur l’identification des changements ou des tendances dans l’état des composantes valorisées en appui à l’ÉEC. Trois directives contiennent des orientations sur l’évaluation ou l’analyse de l’impact, même si elles sont peu élaborées et traitent davantage des questions dont les promoteurs devraient tenir compte, plutôt que de fournir des indications quant à l’ÉEC elle-même :

Directive du projet Matoush : Le promoteur doit déterminer les impacts cumulatifs en s’appuyant « (…) sur les cas vécus et documentés ailleurs au Canada ou dans le monde pour des projets de cette nature » (ch. 3.5.3).

Directive du projet Éléonore : Il existe une exigence générale, qui n’est pas spécifique aux ÉEC, voulant que le promoteur étudie des projets comparables dans le Nord-du-Québec, et qu’il utilise spécialement l’expérience acquise dans la phase d’exploration du projet (ch. 2.5).

Directive du projet Renard : En ce qui a trait aux impacts sociaux, le promoteur doit spécifiquement tenir compte d’autres projets de nature similaire dans le Nord-du-Québec. Il doit aussi décrire les effets que l’ouverture de nouveaux secteurs dans le cadre du projet aura sur l’arrivée d’autres projets de développement des ressources. À noter toutefois, ceci n’est pas une exigence des ÉEC.

projet avant son approbation. Cela signifie aussi qu’il est nécessaire d’avoir des directives claires et des engagements envers un suivi environnemental, et ce avant, pendant et après le projet pour pouvoir évaluer les changements cumulatifs et s’assurer qu’il y ait suffisamment de données disponibles pour les évaluations d’effets cumulatifs de développements futurs dans la région.

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5.4 Précisions sur la gestion des effets cumulatifs ou les exigences en matière de suivi Les exigences en matière d’atténuation et de suivi des effets cumulatifs étaient peu élevées dans tout l’échantillon (Tableau 5). Une seule directive, celle du projet Eastmain 1-A, contenait des exigences spécifiques pour l’atténuation et le suivi d’effets cumulatifs potentiels et ce, même si toutes les directives exigeaient que les effets cumulatifs soient pris en considération dans l’évaluation. La directive du projet Eastmain 1-A, la plus ancienne de l’échantillon, contient une série d’éléments de pratiques exemplaires établissant des normes appropriées d’atténuation et de suivi des effets cumulatifs; celles-ci font défaut dans les autres directives. Par exemple, les directives du projet Eastmain 1-A exigent que le promoteur :

décrive les mesures d’atténuation pour les effets cumulatifs, y compris l’importance de ces effets cumulatifs et, le cas échéant, les mesures de compensation (ch. 10.2);

évalue l’efficacité des mesures mises en place pour atténuer les impacts cumulatifs (ch. 10.2);

mette en place des efforts pour travailler avec d’autres promoteurs ou d’autres parties pour s’assurer de la gestion à long terme des effets cumulatifs, et qu’il fournisse un résumé des discussions qui ont eu lieu;

étudie la nécessité de mettre en place un programme de suivi pour vérifier l’exactitude de l’évaluation ou pour dissiper l’incertitude entourant l’ÉEC.

Tableau 5. Orientations dans les directives pour les études d’impact concernant la gestion et le suivi des effets cumulatifs

Directives sur l’atténuation et le suivi

Eastmain 1-A

Mine d’or

Éléonore

Mine d’or du lac

Bachelor

Exploration uranifère Matoush

Mine diamantifère

Renard

Extension de la route

167 N

Mine de spodumène Whabouchi

Exigences spécifiques pour identifier les mesures d’atténuation ou plans de suivi des effets cumulatifs

Exigences générales pour l’atténuation ou le suivi des impacts du projet

Description des exigences générales d’atténuation ou de suivi des impacts du projet

Identification des indicateurs de suivi pour chacune des CV dont le promoteur doit tenir compte dans son ÉEC

La seule autre directive faisant référence à l’atténuation des effets cumulatifs est celle du projet Éléonore où l’on indique au promoteur de tenir compte des impacts cumulatifs et de leur atténuation dans le contexte des projets hydroélectriques La Grande et Eastmain 1-A. Toutes les directives contenaient des exigences générales quant à l’atténuation et au suivi des impacts. De plus, toutes les directives exigeaient que le promoteur spécifie la fréquence et les méthodes d’échantillonnage devant

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être utilisées pour le suivi, de même que les paramètres spécifiques à analyser. Toutefois, aucun indicateur spécifique n’était identifié, dans les directives, pour expliquer au promoteur ce qui devait être suivi (ou évalué) pour les composantes valorisées (p. ex. : utilisations des terres par les Cris, habitats fauniques, activités récréatives), tel qu’exigé dans l’ÉEC. Si les directives identifient des composantes valorisées communes, comme c’est le cas dans cinq directives de l’échantillon, il est alors important de préciser la nature ou les types d’indicateurs à utiliser pour évaluer les effets cumulatifs touchant ces composantes valorisées. Pareillement, les directives doivent apporter des précisions concernant la conception et la mise en œuvre des programmes de suivi. Ceci permettra une approche commune pour évaluer les composantes valorisées prioritaires et faire le suivi des changements dans l’espace et le temps, à l’échelle régionale, sur le Territoire de la Baie James. 5.5 Portée des lignes directrices ou termes de référence fédéraux pour les effets cumulatifs L’échantillon des lignes directrices du gouvernement fédéral (Tableau 6) était trop petit pour en tirer des conclusions valables. Il a aussi été difficile de comparer les directives du chapitre 22 à celles du gouvernement fédéral puisque les ÉEC dans le cadre de la loi fédérale relèvent, en partie, d’un guide du praticien distinct (Hegmann et al. 1999); ACÉE 2014). Les ÉES fédérales relèvent également de l’Énoncé de politique opérationnelle de l’ACÉE sur les ÉEC selon les lois canadiennes sur l’évaluation environnementale de 1992 et de 2012. À cet effet, les lignes directrices ou les termes de référence du gouvernement fédéral ne contiennent que peu de détails sur l’approche spécifique face aux ÉEC; il est sous-entendu que le promoteur doit consulter l’Énoncé et les orientations pertinentes en matière d’ÉEC fournies par l’ACÉE. L’Énoncé et le guide du praticien (ou les orientations techniques) donnent beaucoup plus de détails sur l’approche et les attentes face aux ÉEC que ne le font les directives du chapitre 22. Les quatre lignes directrices fédérales étudiées dans l’échantillon présentaient des différences en matière de portée et d’intention. Ainsi, pour le projet Whabouchi (préparé selon la LCÉE de 2012), l’objectif déclaré des lignes directrices est d’« établir les exigences en matière de renseignements pour la préparation d’une étude d’impact environnemental [incluant] la nature, la portée et l'étendue des renseignements requis » (lignes directrices de l’étude d’impact, page 1). Des instructions spécifiques suivent ensuite sur la façon d’évaluer les impacts ainsi que les grilles à utiliser pour la présentation des résultats de l’évaluation; il n’y a cependant que peu d’indications pour les ÉEC puisque le promoteur est invité à consulter l’Énoncé de politique opérationnelle de l’Agence et les Orientations techniques pour les ÉEC. Par contre, l’objectif déclaré des orientations du gouvernement fédéral fournies pour le projet de la route 167, dans le cadre de l’ancienne loi (1992), est de « présenter au public le cadre du processus d’étude approfondie établie en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (la Loi) » et de décrire « le processus fédéral d’évaluation environnementale, les diverses occasions qui seront offertes pour la participation du public, ainsi que la portée de l’évaluation environnementale fédérale. » (Document d’information sur le projet, nov. 2010, p. 3). Peu de détails sont fournis sur l’approche et le contenu préconisés de l’étude d’impact, et le texte ne fait référence qu’en termes généraux aux exigences de l’ÉEC. Les attentes (présumées) sont que l’ÉEC sera effectuée en se basant sur l’Énoncé de politique opérationnelle et sur les orientations contenues dans le guide du praticien (Hegmann et al. 1999). Les orientations pour le projet Renard, qui sont aussi placées sous l’égide de l’ancienne loi, ont pour but de « faire connaître au promoteur les informations nécessaires pour la préparation de l’étude d’impact environnemental (…) qui sera évalué dans le cadre du processus d’étude approfondie conformément à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale » (Portée de l’évaluation environnementale fédérale – Mise à jour, juin 2011, p. 1). Bien que le projet Eastmain 1-A soit assujetti à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, une seule directive conjointe fut émise pour la préparation de l’étude d’impact et ce, par l’entremise d’une entente administrative signée par le gouvernement du Québec, l’Agence canadienne d’évaluation environnementale et l’Administration régionale crie. Les résultats de notre analyse sont donc semblables à ceux de l’analyse de la

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directive émise en vertu du chapitre 22. La seule directive fédérale émise pour le projet concernait les termes de référence de la commission fédérale d’examen et donnait des instructions pour son processus d’examen public. Celui-ci fut aussi préparé en tenant compte de l’entente administrative. Cela dit, il existe de grandes différences entre l’échantillon de lignes directrices fédérales et celui des directives émises en vertu du chapitre 22 :

Les lignes directrices fédérales exigeaient toujours, concernant l’ÉEC, de tenir compte des actions ou des effets passés, présents et dans un avenir raisonnablement prévisible, combinés aux effets du projet proposé. Les directives du chapitre 22 étaient moins cohérentes à cet effet puisque seulement quatre d’entre elles, sur sept, exigeaient de tenir compte des actions passées, présentes et futures.

La prise en considération des perturbations naturelles dans les ÉEC selon les directives du chapitre 22 était variable. Mais cette exigence n’était pas présente du tout dans les lignes directrices fédérales, à l’exception de la directive du projet Eastmain 1-A préparée conjointement par le COMEV et l’ACÉE. La portée limitée des lignes directrices fédérales, concernant les perturbations naturelles, n’est pas surprenante. En effet, la loi fédérale met l’accent sur les effets des perturbations ou des dangers naturels sur le projet. Par exemple, pour le projet Whabouchi, l’étude d’impact « devra prévoir la façon dont les conditions locales et les risques naturels, comme des conditions météorologiques particulièrement mauvaises ou exceptionnelles et des événements extérieurs (…), pourraient nuire au projet et comment ces conditions pourraient, à leur tour, entraîner des effets sur l'environnement (p. ex. des conditions environnementales extrêmes occasionnant des défaillances et des accidents » (ch. 7.1.3). L’accent n’est pas mis sur la façon dont les effets du projet pourraient interagir de façon cumulative avec les perturbations naturelles et causer de possibles impacts négatifs sur les composantes valorisées.

Quatre des directives du chapitre 22 exigeaient que le promoteur spécifie les seuils de composantes valorisées pour contribuer à l’évaluation des effets -- un aspect important en vue de déterminer l’importance de possibles effets cumulatifs (Dube et al. 2013; Beanlands et Duinker 1986). De telles exigences n’étaient pas incluses dans les lignes directrices fédérales, sauf pour encourager le promoteur à se référer aux normes et aux guides pertinents.

Les directives du chapitre 22, de même que les lignes directrices et les termes de référence du fédéral, présentaient une lacune concernant l’évaluation des tendances ou des changements dans les conditions de référence dans le temps, ceci en appui à une ÉEC fondée sur des données factuelles. Cependant, il est possible que les lignes directrices fédérales s’appuient sur le guide du praticien ou les orientations techniques (p. ex. : Hegmann et al. 1999) pour fournir cette orientation. Sauf pour le projet Eastmain 1-A (directive conjointe), seules les lignes directrices du projet Whabouchi, en vertu de la LCÉE de 2012, faisaient explicitement référence à l’évaluation du changement.

Les directives du chapitre 22 fournissaient une portée plus large concernant la prise en compte des effets cumulatifs à la fois biophysiques et socioéconomiques. Les exigences pour l’évaluation des effets socioéconomiques cumulatifs dans le cadre des lignes directrices fédérales étaient limitées par la définition d’un « effet environnemental » selon la Loi. Par exemple, dans les termes de référence du gouvernement fédéral pour le projet de la route 167, on peut lire que : « la Loi ne permet pas d’évaluer les effets économiques et sociaux directs du projet » (page 9). La seule exception à ce chapitre fut le projet Eastmain 1-A.

Toutes les directives du chapitre 22 exigeaient que le promoteur explique et justifie les méthodes utilisées

dans leurs études d’impact pour prévoir les impacts potentiels du projet sur l’environnement, y compris les incertitudes. Bien que ceci ne concerne pas l’ÉEC spécifiquement, c’est une exigence générale dans les études d’impact. À l’exception du projet Eastmain 1-A, cette exigence n’était pas dans les lignes directrices fédérales, mais c’est un élément notoire des pratiques exemplaires en ÉEC dans les guides du praticien (ACEE 2014; Hegmann et al. 1999). Ceci dit, à la lumière de notre analyse des études d’impact

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(voir chapitre 6.3), les promoteurs n’ont généralement pas justifié leurs méthodes d’ÉEC et n’ont pas fourni de soutien analytique pour la plupart des composantes valorisées examinées.

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Tableau 6. Analyse des dispositions et des exigences concernant les ÉEC dans les lignes directrices et les termes de référence du fédéral

Eastmain

1-A1 Mine

diamantifère Renard

Extension de la route

167 N

Mine de spodumène Whabouchi

Exigences de base des ÉEC L’ÉEC doit tenir compte des effets et actions du projet, combinés à tous les effets passés, présents et futurs

Passés Présents

Futurs

Passés Présents

Futurs

Passés Présents

Futurs

Passés Présents

Futurs L’ÉEC doit tenir compte des impacts biophysiques et socioéconomiques 1 2 2 2

L’ÉEC doit tenir compte des perturbations naturelles à titre d’effet cumulatif

[sites

d’incendie]1

Indications ou orientations fournies pour appuyer les ÉEC Requiert que les limites spatiales soient basées sur la distribution ou les caractéristiques des composantes valorisées

Identifie certaines composantes valorisées prioritaires dont le promoteur doit tenir compte dans l’ÉEC 3

Requiert l’identification de limites ou de seuils pour les composantes valorisées

Requiert une condition de référence pour identifier ou cartographier les caractéristiques, les impacts et les autres utilisations des terres

Requiert des conditions de référence pour déterminer des tendances ou des changements dans les conditions des composantes valorisées dans le temps

Instructions pour l’analyse ou les prévisions des effets cumulatifs Le promoteur doit identifier et justifier les méthodes utilisées pour prévoir les effets cumulatifs

Indications données sur la façon d’effectuer l’ÉEC 4 4 4 4 Directives pour l’atténuation et la surveillance et le suivi

Exigence spécifique pour identifier des plans d’atténuation ou de suivi des effets cumulatifs

Exigence générale pour l’atténuation ou le suivi des effets du projet

Exigence générale de description des mesures d’atténuation ou de suivi pour traiter des effets du projet

Identification des indicateurs de suivi pour chaque CV dont le promoteur doit tenir compte dans son ÉEC

1La directive examinée pour le projet Eastmain 1-A était formulée conjointement par le COMEV et l’ACÉE. La portée des facteurs étudiés répond aux exigences de la LCÉE et du chapitre 22. 2Les effets pour les populations autochtones, ou si les effets sont causés par suite d’un changement dans les conditions biophysiques, tel que spécifié dans les lois fédérales sur l’évaluation environnementale actuelle et passée. Les autres impacts socioéconomiques ne sont pas dans la portée de la loi. 3L’exigence implicite, étant donné l’assujettissement à la LCÉE de 2012, concerne les composantes valorisées sous compétence fédérale et les effets spécifiques sur les populations autochtones. 4Pour les ÉEC effectuées en vertu de la LCÉE de 2012 et en vertu de l’ancienne loi fédérale, il est implicite que l’évaluation adopte les principes de l’Énoncé de politique opérationnelle de l’ACÉE et qu’elle se réfère au Guide du praticien sur les effets cumulatifs (ancienne loi) et aux Orientations techniques pour l’ÉEC (loi courante). Ces guides et instructions spécifiques sont souvent absents des lignes directrices spécifiques aux projets.

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6. EXAMEN DES EFFETS CUMULATIFS DANS LES ÉTUDES D’IMPACT Nous avons observé beaucoup de variabilité dans la prise en compte des effets cumulatifs dans les études d’impact. Nous avons découvert que dans toutes les études d’impact, on ne portait que peu d’attention aux effets cumulatifs et que ceux-ci n’étaient l’objet que d’analyses limitées. La preuve étayant les conclusions sur les effets cumulatifs, lorsque ces derniers étaient pris en compte, était faible ou absente des études d’impact pour beaucoup de composantes valorisées. Les conclusions sur les effets cumulatifs, pour les composantes valorisées, étaient difficiles à discerner pour l’ensemble des projets. Le Tableau 7 ci-dessous affiche nos principales conclusions concernant l’échantillon des études d’impact. Nous ne formulons pas d’explication quant à savoir pourquoi certaines pratiques ou certaines approches furent adoptées (p. ex. : pourquoi des conditions de référence ou des tendances ne furent pas établies, ou pourquoi certains outils ou certaines techniques furent utilisés et d’autres pas), puisque cette information ne peut pas être identifiée facilement dans les études d’impact. 6.1 Pratiques d’identification de la portée (« scoping ») Identifier la portée de l’ÉEC exige de tenir compte des composantes valorisées pouvant possiblement subir des effets cumulatifs dans la zone d’étude du projet, de même que des autres activités pouvant affecter ces composantes valorisées (Baxter et al. 2014). La plupart des études d’impact de l’échantillon établissent la portée de l’ÉEC en considérant le projet ainsi que d’autres développements et activités dans la zone d’étude (Tableau 7). Certaines évaluations avaient une portée restrictive. Par exemple, l’étude d’impact du projet Matoush a tenu compte d’autres projets, mais pas des autres utilisations des terres; l’étude d’impact du projet Éléonore a tenu compte des autres projets, pour ensuite en exclure un certain nombre de l’ÉEC en raison des limites spatiales et temporelles (restrictives). Pour sa part, l’étude d’impact du projet du lac Bachelor a identifié d’autres projets et activités (par ex. : industrie forestière, télécommunications), mais ne contenait pas d’analyse appuyant l’ÉEC. Les perturbations naturelles sont une considération importante en matière d’identification de la portée de l’ÉEC, particulièrement si l’on tente de comprendre les changements aux conditions de référence dans le temps, et les menaces présentes et futures touchant les composantes valorisées ou la viabilité des écosystèmes (Baxter et al. 2001; ACEE 2014). L’exigence de tenir compte des perturbations naturelles n’a été remarquée que dans les directives du chapitre 22 pour le projet Eastmain 1-A et pour le projet Matoush. Seule l’étude d’impact du projet Eastmain 1-A faisait explicitement référence aux perturbations naturelles dans son ÉEC. L’étude d’impact du projet Renard fut la seule autre à mentionner explicitement les perturbations naturelles comme source ou facteur de possibles changements cumulatifs. Toutes les directives du chapitre 22 exigeaient que le promoteur inclue à la fois les composantes et les effets biophysiques, socioéconomiques et culturels dans la portée de leur ÉEC. Dans les études d’impact des sept projets, nous avons identifié 15 groupes de composantes valorisées (34 composantes valorisées au total) identifiés dans les sections ou les chapitres sur l’ÉEC. Parmi eux, trois groupes de composantes valorisées (10 composantes valorisées au total) étaient socioéconomiques. Deux études d’impact ne contenaient pas de composantes valorisées socioéconomiques dans l’ÉEC. Pour les études d’impact qui contenaient des composantes valorisées socioéconomiques dans l’ÉEC, l’utilisation des terres par les Cris (accès, chasse, trappe et pêche) fut toujours prise en considération, le tout suivi des facteurs socioéconomiques (emplois, opportunités économiques) (Tableau 8).

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Une explication claire pour le choix des composantes valorisées incluses dans les ÉEC n’a été fournie que dans quatre des sept études d’impact. Le projet Eastmain 1-A n’a identifié que trois composantes valorisées dans son ÉEC, mais celles-ci furent choisies en se basant sur une série de critères clairement définis et appliqués à toutes les composantes valorisées de l’étude d’impact. Voici ces critères : (i) il doit être possible d’évaluer les effets cumulatifs, sur la composante, résultant de la combinaison ou de l’interaction dans le temps d’impacts directs ou indirects découlant d’une série d’interventions; (ii) il doit être possible de mesurer ou d’anticiper les effets cumulatifs sur un grand territoire et une longue période de temps; et (iii) des données fiables doivent exister sur la composante au cours des 30 dernières années. Déterminer si ces critères étaient raisonnables ou s’ils excluaient des composantes valorisées approchant déjà des seuils critiques ou à haut risque de subir un effet cumulatif, même en l’absence du projet, s’est avéré hors de la portée de notre analyse. Les effets cumulatifs n’ont pas émergé des études d’impact à titre de critère clé dans la détermination de la portée ou le choix des composantes valorisées. Cependant, dans la plupart des cas, en ce qui a trait aux limites spatiales, les effets cumulatifs se sont avérés une considération implicite. L’établissement de la portée des études d’impact en fonction des composantes valorisées était habituellement de rigueur – par exemple, les limites de la zone d’étude sont habituellement établies en fonction de la répartition spatiale des composantes valorisées – ceci est une pratique exemplaire (Beanlands et Duinker 1986). Deux exceptions furent notées toutefois : l’étude d’impact du lac Bachelor, qui n’a pas délimité d’ÉEC pour les composantes valorisées, et l’étude d’impact de la route 167. Dans ce dernier cas, le chapitre concernant l’identification de la portée des conditions de référence présente un corridor de 300 kilomètres, y compris des bancs d’emprunts situés hors de ce corridor, « délimitée de façon à pouvoir caractériser les composantes valorisées de l’environnement, puis circonscrire les effets directs et indirects du projet retenu » (Étude d’impact, page 27). La limite pour l’ÉEC semble cependant avoir été réduite à un corridor de 70 kilomètres de largeur en fonction des sites de perturbations (c’est-à-dire l’emplacement du projet et des autres activités dans la région) (Étude d’impact, page 312), plutôt qu’en fonction de la répartition des composantes valorisées affectées.

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Tableau 7. Pratiques d’identification de la portée des effets cumulatifs dans les études d’impact5

Critère d’examen Eastmain 1-A Mine d’or

Éléonore Mine d’or du lac

Bachelor Projet uranifère

Matoush

Projet diamantifère

Renard

Extension de la route 167 N

Mine de spodumène Whabouchi

L’ÉEC tient compte de tous types de stresseurs (projets, pertur-bations) affectant les CV

Projets, modifications des cours d’eau, lignes électriques, feux de forêt, chasse et pêche sportives

Projets, listes d’autres projets aussi identifiés, qui sont exclus des ÉEC par suite de limites spatiales et temporelles

Aucune ÉEC spécifique dans l’étude d’impact, mais le texte fait référence à d’autres projets y compris foresterie, mines et télécommunications

Projets Projets, aménagement forestier, activités autochtones traditionnelles, incendies

Projets, foresterie Projets, utilisation des terres, espaces protégés, plans de gestion de la faune

CV environ-nementales et socioécono-miques incluses dans les ÉEC

Mercure dans les poissons et consommation de poisson; chasse, pêche et trappe chez les Cris, et navigation récréative

Qualité des eaux de surface, poissons et habitat du poisson, utilisation des terres et des ressources, aspects socioéconomiques

Aucune CV pour l’ÉEC identifiée dans l’étude d’impact

Végétation, faune et qualité de l’eau

Qualité de l’air, qualité des sols, eaux souterraines, eaux de surface, faune aquatique et terrestre et leurs habitats, végétation, milieux humides, conditions socioéconomiques, utilisation des terres

Conflits dans les listes de CV – une liste de 10 CV retenue, suivie par une liste finale de 6 CV: milieux humides, caribou, orignal, emplois et utilisation des terres par les Cris

Qualité de l’air, bruit, qualité de l’eau, poissons et habitat du poisson, milieux humides, caribou, petite chauve-souris brune, utilisation des terres (chasse, pêche, trappe), aspects socioéconomiques

Justification pour la sélection des CV pour les effets cumulatifs

Directive du projet, valeur commu-nautaire, caractère mesurable des effets cumulatifs, données disponibles, etc.

Oui, selon les pré-occupations des parties prenantes, études d’impact pour projets similaires et directives du MDDEP

Aucune CV pour l’ÉEC identifiée dans l’étude d’impact

Oui – les CV sensibles aux effets résiduels et touchés par d’autres projets passés, présents et futurs

Aucune explication clairement définie; semble basée sur des questions clés et préoccupations clés durant les consultations

Aucune justification claire n’a été trouvée

Oui – effets résiduels; valeurs et préoccupations exprimées durant la consultation du projet

Limites de l’ÉEC reflétant la répartition ou les tendances des CV

Oui, basé sur les CV et le territoire de la Municipalité de Baie-James

Oui, basé sur répartition des CV (mais la portée temporelle est restreinte)

Aucune CV pour l’ÉEC identifiée dans l’étude d’impact

Limites établies dans un rayon de 100 km du projet, mais aucune limite propre à chaque CV

Les limites varient selon les CV étudiées

Limites basées sur les perturbations (corridor de 70 km) et non les CV

Zones d’étude locale et régionale - définies en fonction des CV

Perturbation ou développement passés ou existants inclus dans l’ÉEC

Comprend projets hydro, feux de forêt, routes, dérivation de rivières, lignes électriques, chasse et pêche

Comprend projets hydro, lignes de transmission, mines

Aucune CV pour l’ÉEC identifiée dans l’étude d’impact

Comprend les projets d’exploration minière, les grandes routes et les sites d’enfouissement

Comprend les mines, la foresterie, les activités traditionnelles, les feux de forêt et autres

Mines, exploration, aménagement forestier

Comprend les routes, les centrales électriques, les lignes de transmission et les autres mines

Perturbations ou développements futurs inclus dans l’ÉEC

Non spécifié Comprend les mines et les camps permanents

Aucune CV pour l’ÉEC identifiée dans l’étude d’impact

Parc national et prolongement de la route 167

Mines, foresterie,routes, lignes électriques, centrales électriques, récréotourisme

Comprend mines, foresterie, pourvoiries et création du parc

Autres activités minières, pourvoiries, activités dans l’aire protégée

5 Vert : critère satisfait; jaune : critère partiellement satisfait; rouge : critère non satisfait

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Tableau 8. Composantes valorisées par type ou groupe identifié dans les chapitres de l’ÉEC des études d’impact

Eastmain 1-A Mine d’or Éléonore Mine d’or du lac Bachelor

Exploration uranifère Matoush

Mine de diamant Renard

Extension de la route 167 N

Mine de spodumène Whabouchi

CV b

ioph

ysiq

ues

mercure dans les poissons

qualité de l’eau qualité de l’eau qualité de l’eau qualité de l’eau quantité de l’eau quantité des eaux

souterraines

qualité des eaux souterraines

poissons et habitat du poisson

poissons et habitat du poisson

poissons et habitat du poisson

faune terrestre (p. ex. : orignal, ours) et

habitats

faune terrestre (p. ex. : caribou,

orignal) et habitats

faune terrestre (p. ex. : caribou, orignal)

et habitat

faune terrestre (p. ex. : caribou, petite

chauve-souris brune) et habitats

oiseaux, oiseaux aquatiques et

habitats

qualité de l’air qualité de l’air végétation végétation milieux humides milieux humides qualité et intégrité

du sol

bruit

CV so

cioé

cono

miq

ues

utilisation des terres par les Cris (p. ex. : chasse, pêche, trappe)

utilisation des terres par les Cris (p. ex. : chasse, pêche, trappe)

utilisation des terres par les Cris (p. ex. :

chasse, pêche, trappe)

utilisation des terres par les Cris (p. ex. :

chasse, pêche, trappe)

utilisation des terres par les Cris (p.

ex. : chasse, pêche, trappe)

facteurs socioéconomiques

(p. ex. : emploi)

facteurs socioéconomiques

(p. ex. : emploi)

facteurs socioéconomiques

(p. ex. : emploi)

facteurs socioéconomiques (p.

ex. : emploi) navigation récréative

(p. ex. : canotage)

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6.2 Analyse rétrospective

« [Les évaluations des effets cumulatifs] sont souvent plus exigeantes que les évaluations des impacts directs. Une des raisons pour lesquelles les effets cumulatifs ne sont probablement pas traités plus efficacement est qu’ils ne sont pas pris en compte suffisamment tôt dans le processus d’évaluation. » (McCold et Holman 1995).

Une bonne évaluation des conditions de référence, pour les besoins de l’ÉEC et du suivi, repose sur l’identification et l’analyse des conditions dans l’espace et dans le temps pour déterminer les changements, les tendances, les modèles ou les limites (Noble 2015b). Cependant, dans les cas où les composantes valorisées ou les indicateurs ne permettent pas d’évaluer les changements ou les tendances, l’information sur les conditions passées peut être utilisée en conjonction avec l’information sur les conditions courantes à titre de limites ou d’étalonnage sur lesquels on peut fonder l’ÉEC. Notre analyse des évaluations des conditions de référence dans l’échantillon des études d’impact ne s’est penchée que sur les composantes valorisées identifiées en lien avec les effets cumulatifs. Nous avons découvert que les évaluations des conditions de référence étudiées reflétaient largement ce que l’on exigeait dans les directives, c’est-à-dire une approche descriptive mettant principalement l’accent sur la description des conditions courantes des composantes valorisées, la cartographie des sites ou la répartition des composantes valorisées ainsi que l’identification des sources potentielles de changements dans l’environnement local et régional du projet (Tableau 9). Pour la plupart des composantes valorisées, seules les conditions de référence actuelles furent décrites. L’étude d’impact du projet Whabouchi avait établi un état de référence ambitieux, soit l’année 1975, contre lequel les changements et les impacts seraient mesurés. Cependant, pour les composantes valorisées propres aux effets cumulatifs, aucune condition de référence de 1975 ne fut décrite. La seule exception fut l’utilisation des terres, pour laquelle certaines descriptions qualitatives de l’utilisation et de l’accès passés étaient présentées. Nous avons observé des pratiques semblables dans la plupart des composantes valorisées propres aux effets cumulatifs; aucune perturbation des conditions de référence précédentes n’était décrite. Les seules exceptions concernent certains indicateurs socioéconomiques de composantes valorisées, nommément les données démographiques des communautés, où des analyses quantitatives étaient souvent présentées et les changements identifiés du passé au présent. L’étude d’impact du projet Eastmain 1-A fut l’exception à la pratique observée : les conditions de perturbations passées et les changements dans les conditions entre le passé et le présent furent identifiés dans l’évaluation des conditions de référence pour chacune des composantes valorisées incluse dans l’ÉEC. L’identification de tendances (et de modèles spatiaux) dans l’évaluation des conditions de référence d’un projet, même si elles ne sont que de nature générale ou qualitative (par ex. : l’état d’une composante valorisée qui s’améliore ou se dégrade), est importante pour appuyer une bonne ÉEC. Les évaluations des conditions de référence doivent mesurer ou qualifier les changements dans les conditions des composantes valorisées dans le temps ou dans l’espace relativement à un état de référence. Ces changements peuvent ensuite être liés à des pressions clés ou à des développements (p. ex. : feux de forêt, perturbations, changements dans l’accès au territoire, etc.); les relations ainsi établies, même s’il s’agit d’associations qualitatives, soutiennent les prévisions et les évaluations d’effets cumulatifs (Dube et al. 2013). Nous avons trouvé que ces tendances ou ces modèles n’étaient pas habituellement identifiés pour appuyer les prévisions de l’ÉEC; les références spatiales ne furent identifiées que pour un nombre limité de composantes valorisées (par exemple, la qualité de l’eau) pour appuyer le suivi de changements cumulatifs dans l’avenir. C’est peut-être parce que les données n’étaient pas fiables dans bien des cas, ou parce qu’elles n’étaient tout simplement pas disponibles dans

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certaines régions jusqu’ici peu exposées au développement. Lorsque des tendances étaient identifiées cependant, spécifiquement pour l’utilisation des terres et leur accès, elles étaient la plupart du temps de nature qualitative et fournissaient peu d’information pour évaluer les changements cumulatifs potentiels. La collecte de données et d’information pour l’ÉEC a peu de valeur à moins de comparer cette information à une certaine mesure d’étalonnage ou à une cible (Noble 215b; Dube et al. 2013). Aucun seuil ne fut trouvé dans l’étude d’impact du lac Bachelor pour les composantes valorisées propres aux effets cumulatifs, même si la directive du chapitre 22 enjoignait le promoteur à établir des seuils d’acceptabilité ou des limites pour comprendre l’intensité et l’importance des effets. Dans le même ordre d’idées, aucun seuil ou aucune limite n’ont été trouvés pour les composantes valorisées propres aux effets cumulatifs dans l’étude d’impact du projet de la route 167. Quand des seuils étaient identifiés pour les composantes valorisées d’effets cumulatifs, c’étaient habituellement des seuils ou des limites définis dans les règlements ou les guides, comme les normes provinciales de qualité de l’air et de l’eau, ou les lignes directrices du Conseil canadien des ministres de l’environnement (CCME) pour la protection de la vie aquatique. Dans d’autres instances, les seuils identifiés étaient associés aux stresseurs ou aux émissions du projet, sans toutefois mentionner les composantes valorisées affectées. Par exemple, le projet Éléonore identifie beaucoup de seuils ou de normes pour les rejets d’effluents, et ces seuils sont utilisés pour calculer les risques potentiels pour les systèmes aquatiques en fonction de concentrations estimées d’éléments majeurs dans les effluents miniers (Étude d’impact, page 3-27, tableau 4.2.1, tableau 8.3-4). Ces observations sont cohérentes avec les analyses de la pratique d’ÉEC dans d’autres régions où les seuils identifiés sont typiquement ceux associés aux lignes directrices reconnues à l’échelle nationale (p. ex. : le CCME) ou aux seuils établis par la loi (Ball et al. 2013). Pour les autres composantes valorisées, il n’y a que peu ou pas de référence à des seuils ou à des limites pour aider à une analyse subséquente basée sur les effets. Pour le projet de la route 167, en ce qui a trait aux impacts résiduels sur le caribou forestier, l’étude d’impact met l’accent sur les raisons pour lesquelles les seuils ne peuvent pas être établis: « Les recherches scientifiques sur l’étude des seuils en regard du caribou forestier en sont à leurs débuts mais démontrent clairement la susceptibilité du caribou forestier face aux perturbations anthropiques (…). Dans ce contexte, prévoir comment et à quel degré le caribou forestier sera touché par le présent projet devient hasardeux, voire impossible » (Étude d’impact, p. 287). L’accent était ainsi mis sur l’effet du projet plutôt que sur les effets cumulatifs pour l’habitat du caribou forestier dans la région – ce qui pourrait être exploré en utilisant un modèle basé sur le risque pour examiner la perte cumulative d’habitat et la fragmentation du paysage de façon à modéliser les réponses possibles de l’espèce.

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Tableau 9. Analyse rétrospective (conditions de référence) des effets cumulatifs dans les études d’impact6,7

Critères d’examen Eastmain 1-A Mine d’or Éléonore Mine d’or du

lac Bachelor

Exploration uranifère Matoush

Mine diamantifère

Renard

Extension de la route 167 N

Mine de spodumène Whabouchi

Conditions passées et présentes identifiées pour chaque CV incluse dans l’ÉEC

L’analyse des conditions de référence pour chaque CV identifiait les conditions et les effets passés et présents, y compris les conditions et les niveaux de mercure avant les perturbations

L’accent sur la description des conditions courantes pour les CV biophysiques. Un certain contexte historique et une partie des données présentées pour les CV socioéconomiques, y compris les changements de conditions dans le temps

Pas d’ÉEC dans l’étude d’impact et pas de CV d’effet cumulatif identifiées au-delà de l’évaluation des effets du projet

Seule la condition actuelle est décrite pour les CV d’effets cumulatifs; aucun facteur de changement identifié dans la zone (sauf feux de forêt)

Conditions passées et présentes décrites pour des CV choisies où des données sont disponibles; attention principalement mise sur la description des conditions actuelles

Aucune délimitation claire entre les conditions passées et présentes; accent mis sur la description des conditions actuelles; exceptions : emploi et utilisation des terres

1975 identifiée comme mesure d’étalonnage passée pour l’évaluation des impacts et des changements; aucune condition de CV décrite concernant les effets cumulatifs pour cette période; exception : description qualitative de l’utilisation des terres et de l’accès dans le passé

Les conditions de référence établissent les tendances dans les effets cumulatifs sur les CV ou les indicateurs d’état changent avec le temps

Tendances dans les effets cumulatifs sur les CV identifiés quantitativement et qualitativement, allant des conditions passées aux conditions actuelles

Aucun changement de tendances ou de conditions identifié pour les effets cumulatifs sur les CV, à l’exception des indicateurs pour certaines CV socio-économiques, mais celles-ci ne sont pas utilisées dans les ÉEC

Pas d’ÉEC dans l’étude d’impact et aucun effet cumulatif sur les CV identifiées pour une analyse au-delà de l’évaluation des effets du projet

Aucun changement de tendances ou de conditions identifié

Conditions de référence passées mentionnés lorsque les données sont disponibles, mais les tendances dans les conditions ne sont pas identifiées aux fins d’extrapolation dans l’ÉEC

Analyse limitée des conditions sur les CV et les tendances dans le temps; exceptions : description qualitative des changements d’utilisation des terres et des données de l’emploi et des revenus

Analyse limitée des conditions et tendances des CV dans le temps; accent sur les conditions actuelles pour établir des mesures d’étalonnage pour les impacts; exceptions : anciennes études sur les caribous et données démographiques

Les conditions de référence établissent des relations entre les effets cumulatifs sur les CV, l’état des indicateurs, des changements et des facteurs clés

Tentatives faites, pour chaque CV, pour établir des changements de conditions et identifier les causes

Accent mis sur la description des conditions actuelles seulement. Description de la relation présumée entre les CV socioéconomiques identifiées et les facteurs de changement (p. ex. : multiplication des routes, changements dans les sentiers de trappe)

Aucune ÉEC dans l’étude d’impact et aucun effet cumulatif sur les CV identifiées pour l’analyse au-delà de l’évaluation des effets du projet

Projets présents et passés identifiés; relation avec les CV non quantifiée

Projets passés et présents identifiés et description des relations avec les CV (p. ex. : secteur perturbé). Élaboration de tendances (spatiales et temporelles) pour l’extrapolation non évidentes

Accent mis sur la description du projet en cours et des impacts futurs

Les relations soupçonnées entre des CV choisies dans l’ÉEC et les facteurs de changement (passés, présents et futurs) sont identifiés

6 L’analyse n’est pas exhaustive et ne contient pas toutes les CV identifiées dans l’évaluation des conditions de référence de l’étude d’impact. L’analyse des conditions de référence des CV ne met l’accent que sur les CV identifiées dans les sections ou le chapitre sur l’ÉEC dans l’étude d’impact 7 Vert : critère satisfait; jaune : critère partiellement satisfait; rouge : critère non satisfait

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Critères d’examen Eastmain 1-A Mine d’or Éléonore Mine d’or du

lac Bachelor

Exploration uranifère Matoush

Mine diamantifère

Renard

Extension de la route 167 N

Mine de spodumène Whabouchi

Les seuils d’effets cumulatifs sur les CV (p. ex. : les cibles, les limites, etc.) établis dans l’évaluation des conditions de référence

Seuils réglementaires ou guides identifiés pour certaines CV (p. ex. : lignes directrices du CCME, eaux de surface au Québec); autres CV comparées aux conditions de référence comme cibles

Seuils réglementaires ou guides identifiés pour certaines CV (p. ex. : lignes directrices du CCME, eaux de surface au Québec); aucune cible ou limite établie hors de celles des règlements ou des politiques

Pas d’ÉEC dans l’étude d’impact et pas d’effets cumulatifs sur les CV identifiées pour fins d’analyse au-delà de l’évaluation des effets du projet

Seuils réglementaires ou guides identifiés pour certaines CV (p. ex. : lignes directrices du CCME, réglemen-tation pour la qualité de l’eau potable (c. Q-2,r.40)); aucune cible ou limite établie hors de celles des règlements ou des orientations des politiques

Réfère à la directive 019 pour l’industrie minière, au CCME et d’autres lignes directrices ou règlements; aucune cible ou limite établie hors de celles des règlements ou des politiques

Aucun seuil ou aucune cible identifiés pour les effets cumulatifs sur les CV

Seuils réglementaires ou guides identifiés pour certaines CV (p. ex. : lignes directrices du CCME, réglementation pour la qualité de l’eau potable (c. Q-2,r.40)); aucune cible ou limite établie hors de celles des règlements ou des politiques

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6.3 Analyse prospective L’analyse prospective est la phase analytique de l’ÉEC. Les données sur l’état des composantes valorisées identifiées pendant l’évaluation, ainsi que les connaissances et les hypothèses concernant le projet et d’autres possibles perturbations futures, sont utilisées pour évaluer la contribution du projet aux effets sur les composantes valorisées en combinaison avec les effets causés par d’autres projets, activités et perturbations. L’analyse prospective peut inclure un sommaire des effets individuels afin de pouvoir analyser le total des effets sur composantes valorisées et de les résumer sous forme de tendances. Celles-ci mettent l’accent sur les enjeux environnementaux de la région de façon à établir si l’état des composantes valorisées s’améliorera ou se détériorera. L’analyse prospective permet aussi d’étudier les effets des agents de changement régionaux, comme les perturbations de surface, sur les composantes valorisées. Ces perturbations sont, par définition, cumulatives et donnent la mesure de l’état de santé des écosystèmes (Gunn et Noble 2012). Dans certains cas, les données peuvent être limitées et les tendances quantitatives difficiles à établir. Les données scientifiques devraient donc être appuyées par des connaissances provenant d’autres régions présentant des conditions comparables ainsi que les savoirs des communautés et les savoirs traditionnels autochtones. La quantification est souhaitable bien qu’elle ne soit pas toujours possible. Dans tous les cas, une bonne analyse prospective des effets cumulatifs doit être fondée sur les faits, et l’argumentaire de la prévision des effets cumulatifs ou des résultats anticipés doit être clairement défini, de même que les hypothèses divulguées. La phase analytique de l’ÉEC s’est révélée faible dans tout l’échantillon des études d’impact (Tableau 10). De possibles effets cumulatifs étaient souvent identifiés, mais sans être décrits ou appuyés par des preuves. Il y a bien eu quelques exceptions, particulièrement pour le projet Eastmain 1-A. L’ÉEC du projet est étayée par l’information sur les tendances et les conditions touchant les composantes valorisées, de même les données des conditions de référence. Cette démarche a permis d’appuyer les prévisions et d’établir les effets totaux sur les composantes valorisées. Pour la plupart des projets, cependant, le niveau de précision de l’analyse des effets cumulatifs, et la preuve avancée pour valider les résultats de l’évaluation, se sont avérés faibles. Le Guide du praticien en ÉEC (Hegmann et al. 1999) et les orientations techniques actuelles pour les ÉEC dans le cadre de la LCÉE 2012 (ACEE 2014) sont clairs : il existe de nombreuses approches pour appuyer une ÉEC, y compris des modèles d’impact, des analyses spatiales, des indicateurs de changement à l’échelle du paysage et la modélisation numérique. Il ne faut pas toujours utiliser la même approche, et il n’y a pas nécessairement un type d’approche pour un effet spécifique, mais les types d’outils utilisés pour appuyer l’analyse des effets cumulatifs doivent être identifiés dans l’étude d’impact. De plus, un compte rendu des hypothèses et des données, de même que le degré de confiance qu’on peut leur attribuer, sont nécessaires pour justifier les conclusions et présenter une analyse défendable des effets cumulatifs. Le jugement professionnel ou les affirmations semblaient être le principal outil pour l’identification de possibles effets cumulatifs dans l’échantillon des études d’impact analysées. Nombre d’outils techniques et de méthodes d’analyse furent utilisés pour évaluer des effets spécifiques des projets sur les composantes valorisées et pour définir les conditions de référence, mais ces outils ne semblent pas avoir été utilisés pour appuyer l’analyse des effets cumulatifs. À la base, il n’y a rien de mal à utiliser son jugement professionnel pour prévoir et évaluer des effets cumulatifs. Ce jugement professionnel doit toutefois être distingué de conclusions fondées sur une analyse et des données spécifiques; les hypothèses, leurs limites et le degré de confiance dans la prévision devraient être clairement expliqués. La plupart des directives du chapitre 22 contenaient cette exigence (voir ch. 4.2.3), mais l’approche spécifique pour la prévision des effets cumulatifs et la confiance dans ces prévisions faisait défaut dans presque toutes les ÉEC de l’échantillon des études d’impact. Nous avons observé, dans les études d’impact, peu de preuves ou d’analyse pour appuyer bon nombre d’observations ou de conclusions concernant les effets cumulatifs. Les évaluations des conditions de référence étaient de nature descriptive, selon les orientations présentées dans les directives. Lorsque des tendances étaient identifiées ou modélisées, l’information n’était pas utilisée pour prévoir ou modéliser des effets cumulatifs possibles. L’étude d’impact du projet Eastmain 1-A s’est avérée la seule exception. Pour les sections sur l’ÉEC des

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autres études d’impact, nous avons trouvé peu de preuves d’analyse de tendances, d’extrapolations, d’établissement de liens entre les stresseurs et les réponses, ou de modélisation des conditions futures de composantes valorisées. Dans la plupart des cas, les ÉEC se limitaient à une description qualitative avec peu d’analyse pour appuyer les observations formulées. Par suite d’une analyse limitée ou manquante, nombre de prévisions touchant les effets cumulatifs ou l’état des composantes valorisées étaient des déclarations qualitatives, souvent vagues ou imprécises, non étayées par des preuves. Il manquait une explication du processus utilisé pour en venir à une conclusion, la modélisation des données ou encore des tendances visant à appuyer la conclusion. Par exemple :

ÉEC de la route 167 : En ce qui a trait au caribou forestier, « Compte tenu de la dimension de la zone considérée, les emprises linéaires actuelles et projetées ne devraient pas, à elles seules mettre en péril la population de caribous forestiers mais elles contribueront possiblement à l’accroissement du taux de mortalité en raison de l’augmentation de la prédation par les loups et du braconnage » (Étude d’impact, page 325). Il n’y a aucune quantification ou caractérisation spatiale ou temporelle de l’étendue possible des effets cumulatifs pour le caribou forestier en lien avec les conditions de référence, et aucune limite de confiance (quantitative ou qualitative) associée à la possibilité d’effets cumulatifs.

ÉEC de la mine Renard : En ce qui a trait à l’environnement aquatique, « La pression supplémentaire

exercée sur les ressources en eau douce due au captage de l'eau pour les projets peut contribuer à une réduction de la recharge lors de la période de débit intermédiaire à bas » (Étude d’impact, Vol. 1, p. 10-37). Il n’y a aucune quantification des effets cumulatifs possibles, ni analyse de l’ampleur et de la durée de l’effet, ni qualification de la probabilité d’un tel effet.

En général, en ce qui a trait aux prévisions d’effets cumulatifs : « Dans une perspective d’évaluation des effets cumulatifs du projet Renard, en conjonction avec les autres projets passés, actuels et futurs, il est très difficile d’en effectuer une estimation juste, plusieurs facteurs indépendants du projet Renard lui-même étant ici mis en cause. » (Étude d’impact, pages 10-54). Cela est effectivement vrai, mais c’est à la base de la préparation d’une ÉEC.

ÉEC de la mine Matoush : L’étude d’impact contient une ÉEC de 3 pages (Étude d’impact, Vol. 1, ch. 7) sans analyse ou preuve à l’appui.

En ce qui a trait à la faune, « Dans le cas où l’interaction humain-faune deviendrait problématique, un impact potentiel cumulatif pourrait en découler. Toutefois, compte tenu des mesures préventives en place et à venir, un impact potentiel associé au besoin de relocaliser ou tuer des animaux est négligeable » (Étude d’impact, Vol. 1, p. 248). Il n’y a aucune qualification de l’impact ou de ce qui constituerait un niveau problématique d’interaction ou de conflit. «La combinaison de ces projets pourrait potentiellement augmenter l’impact sur la végétation et augmenter la perte ou la fragmentation d’habitats de la faune terrestre. Cependant, cet effet est négligeable considérant que ces projets, à l’exception de la route quatre saisons, sont tous situés à plus de 35 km du site. Même entres-eux, ces projets sont trop peu nombreux et trop distancés pour avoir un effet notable sur la végétation ou la faune. Dans le cas où un impact cumulatif survenait, il serait possiblement plus associé à une redistribution de la faune qu’à un abaissement de sa population » (Vol. 1, p. 248). Aucune donnée n’a pu être trouvée dans la documentation de l’étude d’impact pour appuyer ces prévisions ou ces caractérisations.

ÉEC de la mine Éléonore : En ce qui a trait à la qualité des eaux de surface, «La proximité des centrales

Eastmain-1-A et La Sarcelle et la construction des lignes de transport d'électricité Sarcelle–Eastmain-1 (315 kV) et du site Éléonore (120 kV) pourraient aussi modifier la qualité de l’eau de surface du réservoir

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Opinaca, principalement en y augmentant la turbidité » (Étude d’impact, Vol. 1, page 10-9). Le fait que le défrichage tout près d’un plan d’eau représente un risque d’accroissement de la turbidité est intuitif; il n’y a aucune analyse de l’étendue d’un possible effet cumulatif ou de la probabilité qu’un effet survienne, et si oui, de sa durée.

En ce qui a trait aux effets cumulatifs sur les composantes valorisées socioéconomiques, «Tous les projets précités et le projet Éléonore pourraient produire des effets cumulatifs sur les aspects socioéconomiques (positifs et négatifs). Ceux-ci se traduiront probablement par un accroissement des impacts mentionnés dans le chapitre 9 et les mêmes mesures d'atténuation et de bonification s’appliqueront. La meilleure façon d’accroître les effets positifs et de réduire les effets négatifs est de consulter les communautés au préalable et de faire les ajustements requis » (Étude d’impact, Vol. 1, ch. 10.6.4). Le potentiel d’effets cumulatifs est identifié, mais les effets ne sont pas caractérisés et il n’y a pas de preuve à l’appui.

ÉEC du lac Bachelor : Aucune analyse d’effets cumulatifs n’est présentée dans l’étude d’impact. Le chapitre 8.1.3 mentionne simplement, au chapitre des impacts du projet : « L’intensité de l’impact prend aussi en compte les effets cumulatifs, synergiques ou différés qui, au-delà de la simple relation de cause à effet, peuvent amplifier la perturbation d’un élément lorsque le milieu est particulièrement sensible ». Aucune distinction entre les effets cumulatifs ni analyse n’ont été fournies.

À plusieurs reprises, l’approche visant à identifier et analyser les effets cumulatifs ne pouvait pas être distinguée de l’approche utilisée pour analyser les impacts du projet. La majeure partie de l’information véhiculée sur les effets cumulatifs était basée sur des affirmations pour lesquelles nous n’avons pas trouvé d’analyse dans l’étude d’impact. Les descriptions qualitatives des effets cumulatifs sont toujours utiles dans les ÉEC, mais seulement si elles s’appuient sur une analyse défendable. Il est possible que les analyses concernant l’ÉEC aient été présentées ailleurs, dans des rapports techniques préparés pour appuyer l’étude d’impact, mais nous n’avons vu aucune analyse de ce genre dans les sections de l’étude d’impact touchant l’ÉEC, ni aucune référence à de tels rapports.

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Tableau 10. Analyse prospective des effets cumulatifs dans l’échantillon des études d’impact8

Critère d’examen Eastmain 1-A Mine d’or Éléonore Mine d’or du lac Bachelor

Exploration uranifère Matoush

Mine diamantifère Renard

Extension de la route 167 N

Mine de spodumène Whabouchi

Prévisions, scénarios ou conditions des EC identifiés pour les CV ou les indicateurs

Oui, et les changements possibles de conditions y sont souvent quantifiés pour chaque CV ou indicateur

Oui, mais les prévisions sont qualitatives et ne contiennent ni l’ampleur ni la quantification des changements

Aucun chapitre de l’étude d’impact n’est dédié aux EC

Oui, mais les prévisions ne sont ni quantifiées ni appuyées par une analyse ou des preuves

Les conditions futures des CV sont résumées sur des tableaux spatiaux et temporels, mais ne contiennent aucun soutien analytique

Oui, les conditions futures des CV sont décrites et qualifiées

Oui, déclarations qualifiées pour la plupart des CV concernant les interactions avec différentes activités

Tendances et liens dans l’analyse des conditions de référence utilisés pour étayer les conditions futures ou les prévisions

Oui, les tendances et les liens sont utilisés en appui aux prévisions d’EC pour la plupart des CV et des indicateurs

Non. Les données des conditions de référence ou des tendances ne sont pas utilisées dans les prévisions d’EC

Aucun chapitre de l’étude d’impact n’est dédié aux EC

Aucune analyse ni recours aux tendances ou changements dans les conditions de référence pour prévoir les CV

Non. Les interactions des CV avec le projet sont identifiées, mais aucune tendance ne l’est pour lier les CV aux EC.

Aucune analyse des tendances et des conditions de référence ou d’autres liens en appui aux prévisions d’EC

Aucune analyse des tendances et des conditions de référence en appui aux prévisions d’EC; affirmations qualitatives

Outils et techniques appropriés pour évaluer les EC et les incertitudes concernant les conditions futures

Outils de soutien identifiés pour différentes CV, y compris des modèles de prévision lorsque pertinent

Analyse professionnelle et données de terrain pour les conditions de référence, mais pas d’outils identifiés en appui à l’ÉEC

Aucun chapitre de l’étude d’impact n’est dédié aux EC

Aucun outil ou technique de soutien identifiés pour les prévisions d’EC

Outils de collecte de données et approches pour les conditions de référence, mais aucun outil identifié pour les prévisions d’EC

Aucun outil pour l’analyse des EC; outils de soutien pour caractériser les CV dans les conditions de référence

Outils identifiés pour les CV du projet, mais aucun outil pour les prévisions d’EC

Analyse et preuves suffisantes pour appuyer les conclusions quant aux EC

Impacts appuyés par une preuve empirique typiquement quantifiable citant les tendances dans les conditions de référence

L’analyse des CV pour les EC est vague et ne contient aucune donnée à l’appui

Aucun chapitre de l’étude d’impact n’est dédié aux EC

ÉEC basée sur les conclusions d’experts avec peu de données à l’appui. Non-étayé par les données des conditions de référence

Jugement professionnel et affirmations qualitatives. Un peu d’analyse pour le passé et le présent, mais prévisions peu appuyées

Expériences ou leçons tirées d’ailleurs, mais peu de preuve ou d’analyse pour appuyer les conclusions quant aux EC

Jugement et affirmations, basés sur l’état des connaissances. Aucun modèle, tendance ou comparaison avec des projets similaires

Prévisions et ÉEC mettant l’accent sur les effets totaux sur les CV et la contribution supplémentaire du projet

Effets totaux sur les CV décrits et effets supplémentaires souvent quantifiés

Non, les effets totaux ne sont pas évalués ni pris en considération

Aucun chapitre n’est dédié aux EC

Analyse insuffisante pour déterminer les effets totaux ou la contribution du projet

Résumé qualitatif des effets totaux sur les CV, mais aucune quantification de l’impact supplémentaire du projet

Effets individuels des projets sur les CV décrits, mais pas les effets totaux ou les EC

Effets totaux sur les CV explicités dans le temps et l’espace. Contribution supplémentaire du projet non mesurée

8. Vert : critère satisfait; jaune : critère partiellement satisfait; rouge : critère non satisfait.

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6.4 Importance et gestion des effets cumulatifs La phase de gestion de l’ÉEC comprend l’identification d’effets cumulatifs potentiellement importants, l’identification des mesures de gestion de ces effets et la mise en place de programmes de suivi. Ceci exige d’abord une évaluation des effets totaux sur les composantes valorisées, y compris les effets du projet et ceux causés par d’autres sources. La gestion implique également une évaluation des effets cumulatifs à la lumière de seuils, de cibles ou de limites maximales permissibles de changements identifiés durant les étapes de rétrospective ou de détermination de la portée visant à identifier le niveau de changement cumulatif acceptable dans les composantes valorisées. Des mesures de gestion viables sont ensuite proposées, qui prennent en considération l’éventail possible des résultats futurs ou les conditions des composantes valorisées. Notre analyse indique que l’importance des effets cumulatifs, de même que les besoins en atténuation et en suivi, n’ont reçu que peu d’attention dans l’échantillon des études d’impact (Tableau 11). Ceci peut être dû au fait que les études d’impact n’identifiaient que peu d’impacts résiduels pouvant se traduire par d’importants effets cumulatifs négatifs; mais pour les effets cumulatifs évalués, la pratique était variable. L’échantillon des études d’impact était faible en ce qui concerne l’établissement de mesures d’étalonnage ou de conditions de référence pour évaluer l’importance des effets cumulatifs, et faible dans le recours à des limites explicites ou des seuils pour déterminer l’ampleur des effets. L’ÉEC du projet Eastmain 1-A a identifié les conditions de référence (ou une année repère) et les conditions des composantes valorisées contre lesquelles la plupart des effets furent mesurés. Pour les autres études d’impact toutefois, l’importance des effets cumulatifs fut soit non évaluée (Bachelor, Matoush), tournée seulement vers certaines composantes valorisées (par ex. : qualité de l’eau – Éléonore), axée sur les perturbations cumulatives, mais sans condition de référence (p. ex. : route 167) ou décrite qualitativement, au point où les changements par rapport à l’état de référence ou la mesure d’étalonnage ne pouvaient pas être établis. Dans le cas du projet Renard, une pratique discutable fut adoptée pour évaluer l’importance des effets cumulatifs du projet sur l’utilisation des terres, particulièrement en ce qui a trait aux aires de piégeage. Les effets cumulatifs du projet furent jugés négligeables lorsque comparés à l’ampleur des effets d’autres projets, au lieu d’être évalués à la lumière des composantes valorisées. Par exemple, en ce qui a trait à l’utilisation des terres par les Cris, les effets du projet Renard furent évalués comme étant : « (…) très limités, si on les compare aux effets induits par le complexe hydroélectrique La Grande (environ 40 terrains de trappage concernés), le projet hydroélectrique de l’Eastmain-1-ASarcelle-Rupert (36 terrains) et les routes d’accès à la Baie-James » (Étude d’impact, Vol. 1, p. 10-55). Ceci est considéré comme une pratique médiocre en ÉEC (Gunn et Noble 2012; Duinker et Greig 2006). Outre la qualité de l’eau (lignes directrices du CCME), et des autres composantes valorisées visées par des mesures réglementaires (par ex. : le bruit), nous n’avons vu que peu de preuve de l’usage de seuils pour l’évaluation des effets cumulatifs. Les directives du chapitre 22 pour les projets du lac Bachelor, Matoush, Renard et Whabouchi incitaient le promoteur à établir des seuils ou des limites d’acceptabilité pour comprendre l’intensité et l’importance des effets, mais la plupart des seuils ou des limites identifiés dans l’étude d’impact n’ont pas été utilisés

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dans l’ÉEC. La directive pour le projet Matoush incitait spécifiquement le promoteur à établir des seuils ou des niveaux d’acceptabilité au moment d’évaluer les effets cumulatifs (directive de l’étude d’impact, ch. 3.5), mais l’ÉEC du projet Matoush ne fait aucune référence à de tels seuils. Dans les ÉEC, l’attention était habituellement centrée sur les stresseurs du projet, et dans certains cas, sa perturbation cumulative ou son impact supplémentaire, mais l’importance des effets cumulatifs en fonction de l’état de la composante valorisée (c’est-à-dire son caractère fonctionnel, sa viabilité) n’était pas suffisamment documentée. Tel que mentionné précédemment, une seule directive émise en vertu du chapitre 22 contenait une exigence spécifique pour l’atténuation et le suivi des effets cumulatifs. Nous ne sommes donc pas surpris de voir que l’atténuation (incluant le suivi) ne fut pas traitée pour la plupart des effets cumulatifs identifiés dans l’échantillon des études d’impact. Deux exceptions cependant : le projet Eastmain 1-A, qui a identifié les mesures d’atténuation et de suivi des effets cumulatifs, et le projet Éléonore, qui a fait de même pour les effets cumulatifs touchant la qualité des eaux de surface, les poissons et leur habitat ainsi que les impacts socioéconomiques. Ceci ne signifie pas que les effets cumulatifs n’ont pas été pris en compte d’une façon ou d’une autre dans les programmes d’atténuation et de suivi des projets. Dans la plupart des cas, les composantes de l’ÉEC furent aussi identifiées dans les programmes d’atténuation et de suivi spécifiques à chaque projet. Par exemple, dans l’étude d’impact du projet Matoush, un programme de suivi environnemental est prescrit pour une série de composantes valorisées, incluant la qualité de l’air, la qualité des eaux de surface, le benthos et la santé des travailleurs. Ceci étant dit, ces programmes n’étaient pas spécifiques aux effets cumulatifs et touchaient principalement le suivi des stresseurs du projet. Les effets cumulatifs exigent des solutions cumulatives (Creasey et Ross 2005). Les études d’impact des projets Renard et Matoush font spécifiquement référence au besoin d’une approche collaborative pour la gestion de certains impacts (p. ex. : sur les ressources archéologiques et culturelles, sur la biodiversité) (Étude d’impact Renard, Vol. 1, p. 10-58); toutefois, aucun détail n’a été fourni quant à la nature d’une telle approche ou pour savoir qui serait responsable des efforts en matière d’atténuation et de gestion.

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Tableau 11. Importance des effets cumulatifs et leur suivi dans les études d’impact9

Critère d’examen

Eastmain 1-A

Mine d’or Éléonore

Mine d’or du lac Bachelor

Exploration uranifère Matoush

Mine diamantifère Renard

Extension de la route 167 N

Mine de spodumène Whabouchi

EC et changements évalués par rapport à la mesure d’étalonnage ou une condition de référence pour la CV affectée

Oui. La base de référence est l’année 1975; elle est identifiée comme mesure d’étalonnage pour la plupart des CV

Non. La seule CV avec des conditions de référence est la qualité de l’eau

Aucun chapitre de l’étude d’impact n’est dédié aux EC

L’importance des EC n’est pas traitée

Oui. Pour plusieurs CV (p. ex. : milieux terrestres, humides, aquatiques)

EC et stresseurs supplémentaires du projet identifiés, mais non évalués par rapport aux conditions de référence

Aucune condition de référence établie pour l’ÉEC; conditions des CV décrites qualitativement

Seuils, limites ou cibles réglementaires utilisés pour évaluer l’importance des EC

Conclusions basées sur le jugement professionnel et les changements par rapport aux conditions de référence

Non. La seule CV avec une limite ou un seuil d’EC identifiée est la qualité de l’eau

Aucun chapitre de l’étude d’impact n’est dédié aux EC

L’importance des EC n’est pas traitée

Directive 019 pour l’industrie minière; règlement pour la qualité de l’eau potable (c. Q-2, r.40); lignes directrices du CCME – utilisation non établie pour déterminer l’importance des EC

Limites basées principalement sur les inquiétudes du public et des professionnels quant aux impacts sur les CV

Limites réglementaires pour le bruit, mais non incluses dans l’ÉEC; autres limites basées sur le jugement

Contribution supplémentaire des EC du projet clairement définies

Oui. Les EC découlant du projet sont identifiés pour la plupart des CV de l’ÉEC

Non. L’accent est sur le suivi ou la justification de l’absence d’impact au lieu d’évaluer les EC

Aucun chapitre de l’étude d’impact n’est dédié aux EC

Les impacts du projet par rapport à l’état de référence sont pris en compte,, mais non pour les EC

Oui. EC considérés en sus des impacts des autres activités

Accent sur les stresseurs supplémentaires plutôt que les effets supplémentaires

Décrite qualitativement mais aucune mesure claire des effets supplémentaires

Importance des EC basée sur l’état des CV (plutôt que sur l’ampleur des impacts du projet)

Basée principalement sur la contribution du projet par rapport à l’année 1975, l’état de référence avant la construction du complexe La Grande

Non. Mais référence est faite au besoin de suivi des populations de poissons.

Aucun chapitre de l’étude d’impact n’est dédié aux EC

État de certaines CV pris en compte (p.ex. : sédiments), mais l’information n’était pas incluse dans l’ÉEC

Habituellement basée sur l’importance de l’impact supplémentaire du projet (plutôt que l’état des CV)

Basée sur l’importance de l’impact du projet et la perturbation cumulative (plutôt que l’état des CV)

Accent sur les stresseurs ou la pression cumulative sur les CV, plutôt que les EC ou l’état des CV

9 Vert : critère satisfait; jaune : critère partiellement satisfait; rouge : critère non satisfait.

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Critère d’examen

Eastmain 1-A

Mine d’or Éléonore

Mine d’or du lac Bachelor

Exploration uranifère Matoush

Mine diamantifère Renard

Extension de la route 167 N

Mine de spodumène Whabouchi

Mesures d’atténuation identifiées pour les EC

Oui. Pour chaque CV soumise à une ÉEC

Oui. Spécifiquement pour la qualité des eaux de surface, les poissons et leur habitat, et les conditions socio-économiques

Mesures d’atténuation pour les impacts du projet. Aucune mention des EC

L’atténuation des EC n’est pas traitée

Aucun plan d’atténuation touchant directement les EC à l’exception d’une entente sur les répercussions et les avantages

Mesures d’atténuation identifiées pour les impacts du projet, mais non spécifiques aux EC

Non. À l’exception d’une référence aux plans d’atténuation des impacts socioéconomiques

Mesures de gestion adaptative identifiées pour les EC incertains

Aucune mention de mesures de gestion adaptative pour les EC

Aucune mention de mesures de gestion adaptative pour les EC

Aucune mention de mesures de gestion adaptative pour les EC

Aucune mention de mesures de gestion adaptative pour les EC

Aucune mention de mesures de gestion adaptative pour les EC

Aucune mention de mesures de gestion adaptative pour les EC

Aucune mention de mesures de gestion adaptative pour les EC. Référence à un système de gestion environnementale, mais pas pour les EC

Mesures de suivi identifiées pour les EC

Oui. Pour chaque CV soumise à une ÉEC

Oui. Spécifiquement pour la qualité des eaux de surface, les poissons et leur habitat, et les conditions socio-économiques

Suivi des impacts du projet. Aucune mention du suivi des EC

Aucun programme de suivi spécifique aux EC identifiés

Oui. Besoin d’une approche collaborative identifié, mais rien de spécifique n’a été avancé

Suivi des impacts du projet. Aucune mention du suivi des EC .

La plupart des CV identifiées dans l’ÉEC sont considérées dans les programmes de suivi

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7. EXAMEN DES EFFETS CUMULATIFS DANS LES AUTORISATIONS DES PROJETS ET LES CONDITIONS

Toutes les autorisations de projets contenaient des exigences en termes de suivi des effets ou des préoccupations identifiés dans les études d’impact et les rapports d’examen. Cependant, peu de conditions étaient liées directement ou indirectement à la gestion des effets cumulatifs potentiels. La plupart des autorisations se concentraient davantage sur la vérification de l’efficacité d’une mesure d’atténuation ou la mise en place d’un suivi pour s’assurer que le stresseur du projet (p. ex. : concentration de l’effluent) respecte une certaine limite (accent sur le projet) plutôt que de surveiller les conditions de référence et l’état de la composante valorisée (accent sur les effets cumulatifs). Une seule autorisation contenait une condition engageant spécifiquement le promoteur du projet concernant le suivi des effets cumulatifs. Cette condition était dans l’autorisation du projet Whabouchi, le plus récent dans l’échantillon. L’autorisation du plus ancien projet de l’échantillon, Eastmain 1-A, était la seule à reconnaître l’importance d’une approche régionale pour comprendre et gérer les effets cumulatifs. Les rapports d'examen du COMEX et de la commission fédérale pour le projet Eastmain 1-A identifiaient des effets cumulatifs potentiellement préoccupants. L’autorisation du gouvernement Québec indique que la responsabilité pour l’évaluation des effets cumulatifs dans la région dépassait celle du promoteur et recommandait la mise sur pied d’un programme de suivi des effets cumulatifs; mais il n’y avait pas de conditions spécifiques à la prise en compte des effets cumulatifs afin de traiter les enjeux et les préoccupations découlant directement au projet. Voici nos principales conclusions, par projet, suite à l’examen que nous avons effectué des autorisations et des conditions. 7.1 Eastmain 1-A Le rapport de la commission fédérale et celui du COMEX mentionnent spécifiquement des préoccupations face aux effets cumulatifs du projet. Le rapport fédéral questionnait le choix des composantes valorisées effectué par le promoteur de même que les indicateurs utilisés dans l’ÉEC; il notait aussi que perspective limitée retenue pour certaines composantes valorisées et certains indicateurs, comme le mercure, par exemple, était insuffisante pour bien comprendre les effets cumulatifs tels que ceux sur la santé et le bien-être des communautés cries. Par exemple, la commission fédérale: « (…) considère que cet impact cumulatif est réel mais difficilement quantifiable, ce qui fait que l’importance de l’impact cumulatif marginal et les causes de changements attribuables au projet n’ont pas été démontrées » (Rapport de la Commission, nov. 2006, page xxi). Le rapport note aussi la portée limitée de l’ÉEC concernant les communautés cries touchées; il suggère de mener une étude sur d’autres communautés potentiellement affectées : « Puisque ces effets cumulatifs sont de nature transfrontalière et touchent plusieurs juridictions (…), une analyse en bonne et due forme de ces effets ne pourrait se faire sans la mise en place d’un programme de recherche et de suivi à grande échelle, ce que préconise la Commission » (page xxiii). L’autorisation fédérale du projet ne fait toutefois pas mention des effets cumulatifs, que ce soit concernant les lacunes de l’ÉEC identifiées par la commission, ou pour traiter du besoin d’un programme de suivi à grande échelle. Le COMEX traite aussi des effets cumulatifs néfastes du projet et note, par exemple, que « Les effets cumulatifs du projet à l’étude s’ajouteront à un bagage déjà lourd et très complexe dans un territoire

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qui a connu un développement rapide et intense au cours des 30 dernières années » (Rapport du COMEX, oct. 2006, page 407). Plusieurs conditions sont incluses dans l’autorisation provinciale et traitent de la nécessité d’instaurer des programmes de suivi des conditions de référence et de vérifier l’efficacité des mesures d’atténuation proposées. Toutefois, toutes les conditions sur les effets cumulatifs sont repoussées à une étude ou une évaluation future. Par exemple, l’Administratrice provinciale note que « L’évaluation des impacts cumulatifs des projets hydroélectriques sur les baies James et d’Hudson concerne, à cause de leur étendue, plusieurs juridictions et va au-delà de la responsabilité d’un seul promoteur. L’analyse de ces impacts ne pourra se faire sans la mise en place d’un programme de recherche et de suivi, à grande échelle, effectué par un consortium formé principalement des instances gouvernementales concernées auxquelles devraient s’associer le milieu académique universitaire et tous les intervenants responsables de cette problématique dont une partie seulement incombe au promoteur » (Certificat d’autorisation, Eastmain 1-A et dérivation Rupert, condition 8.1). Le rapport du COMEX note que les effets cumulatifs du projet, en termes d’impacts sociaux sur les Cris, requièrent un suivi à grande échelle et à long terme. À cet effet, « (…) un seul promoteur ne saurait être tenu responsable de ces effets cumulatifs, et que leur analyse devrait relever de toutes les juridictions » (Rapport du COMEX, page 416). De telles conditions sont utiles lorsqu’elles sont exécutées et que les données et les connaissances générées sont effectivement utilisées pour éclairer les développements futurs dans la région. Elles sont cependant peu efficaces pour évaluer les effets cumulatifs potentiels du projet à l’étude, puisque le fardeau de la preuve des effets cumulatifs est repoussé à plus tard. 7.2 Mine d’or Éléonore Aucune condition dans le certificat provincial d’autorisation ne traite spécifiquement des effets cumulatifs. Les conditions sont plutôt axées sur le suivi des mesures d’atténuation ou pour s’assurer que les stresseurs ou les contaminants du projet sont dans les limites acceptables ou déclarées. La condition 5.1 fait référence au suivi de la qualité des eaux et à l’état des populations de poissons (suivi des conditions basées sur les composantes valorisées), mais elle le fait spécifiquement pour les effets des effluents. 7.3 Mine d’or du lac Bachelor Aucune condition ne traite spécifiquement des effets cumulatifs. Les conditions sont plutôt axées sur le suivi des mesures d’atténuation ou pour s’assurer que les stresseurs ou les contaminants du projet sont dans les limites acceptables ou déclarées. Par exemple, la condition 8 du certificat d’autorisation modifié traite du respect des objectifs environnementaux de rejet, et la condition 11 souligne que le promoteur doit « (…) analyser les dépassements et l'évolution de la qualité du rejet dans le milieu récepteur au fil des ans » (Certificat d’autorisation modifié, mine Bachelor, juillet 2013). Il n’y a pas d’exigences pour les effets cumulatifs ou le suivi basé sur ces effets. 7.4 Exploration uranifère Matoush Le rapport du Comité fédéral d’examen (COFEX-Sud) note ses préoccupations voulant que l’ÉEC préparée par le promoteur était « plutôt sommaire, avare de détails sur les impacts des autres projets examinés et certaines comparaisons sont quelque peu douteuses (…) » (ch. 9.2.3). Le rapport s’inquiétait spécifiquement du fait que le document ne tenait pas compte de projets miniers passés et futurs dans la région et notait que « (…) Le promoteur ne semble pas voir d’effets dans ces projets ou, du moins, ne

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semble pas avoir fait d’efforts en ce sens » (ch. 9.2.3). Malgré les critiques sur le manque de preuves présentées dans l’ÉEC, le rapport du COFEX-Sud conclut que le projet ne devrait pas causer d’effets cumulatifs importants. En outre, il n’y a pas de conditions concernant les effets cumulatifs dans l’autorisation fédérale du projet. De son côté, le rapport du COMEX pour le projet uranifère Matoush ne traite pas des effets cumulatifs ou de la qualité de l’ÉEC. Le gouvernement du Québec n’a pas émis d’autorisation pour ce projet. 7.5 Projet diamantifère Renard Aucune condition ne traite spécifiquement des effets cumulatifs. Le rapport d’étude approfondie effectuée par le fédéral conclut que le projet ne devrait pas causer d’importants effets cumulatifs en raison des mesures d’atténuation du promoteur, de la distance séparant les projets dans la région, et de l’empreinte écologique relative de ce développement comparée à la taille de la région géographique. Les conditions traitaient principalement d’une meilleure compréhension des conditions de référence et de l’évaluation de l’efficacité des mesures d’atténuation proposées. La plupart des conditions se concentrent sur le suivi des stresseurs du projet et, particulièrement, sur les mesures d’atténuation de l’effet de ces stresseurs. Toutefois, le suivi des conditions de référence est spécifié pour certains paramètres, y compris la qualité des eaux souterraines, l’état des populations de poissons, les concentrations de phosphore et l’utilisation des terres; ces données pourront être utiles pour établir des conditions de référence pour de futures évaluations et mieux comprendre les effets cumulatifs. 7.6 Extension de la route 167 N Le rapport d’étude approfondie effectuée par le fédéral note des préoccupations sur de potentiels effets cumulatifs, et note spécifiquement que le projet de route augmentera les perturbations anthropogéniques dans le secteur à l’étude, qui représente plus de la moitié de la région perturbée. Il indique que l’état du secteur à l’étude s’approchera du seuil critique où une population locale de caribous ne serait plus autosuffisante. Il n’y a pas de conditions dans les autorisations fédérale et provinciale traitant spécifiquement de l’atténuation ou du suivi des effets cumulatifs. Toutes les conditions émises se concentrent sur le suivi des mesures d’atténuation ou pour s’assurer que les stresseurs ou les contaminants du projet demeurent dans les limites acceptables ou déclarées. 7.7 Mine de spodumène Whabouchi L’autorisation du projet est la seule à contenir une condition spécifique sur les effets cumulatifs propres au projet. Il s’agit de la condition 26 : « Le promoteur devra intégrer le suivi des effets cumulatifs qu'il a proposé dans son étude d'impact au programme de suivi environnemental et social » (…). La plupart des conditions restantes traitent spécifiquement des stresseurs découlant du projet, tel le suivi des moyennes de concentrations mensuelles en phosphore dans les effluents pour assurer le respect d’un niveau spécifié (condition 32). De telles conditions basées sur les stresseurs ou les émissions sont utiles pour atténuer les contributions du projet aux effets cumulatifs, mais elles n’aident pas à la compréhension des effets totaux sur les composantes valorisées concernées. Il existe toutefois des conditions d’autorisation qui traitent du suivi des conditions de référence, plutôt que des actions spécifiques du projet lui-même. Par exemple, la condition 36 spécifie que le promoteur doit faire le suivi de l’intégrité des aires de fraie du doré dans le lac des Montagnes, et que ce suivi doit valider le maintien de conditions propices à la fraie et à la reproduction de cette espèce.

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9. CONCLUSION

Ce rapport présentait une analyse de l’application des évaluations d’effets cumulatifs dans le contexte des évaluations environnementales réalisées sur le Territoire de la Baie James. L’analyse visait essentiellement un échantillon de sept études d’impact et leurs directives et documents décisionnels fédéraux et provinciaux respectifs émis entre 2002 et 2015. L’analyse fut guidée par une série de critères d’examen inspirés de pratiques exemplaires en matière d’ÉEC, conçus par Aura, testés lors d’études précédentes et approuvés par le CCEBJ. Plusieurs observations découlent de l’analyse de la pratique en ÉEC sur le Territoire de la Baie James :

A. Les instructions et orientations fournies aux promoteurs sont souvent insuffisantes pour promouvoir les pratiques exemplaires en ÉEC et pour soutenir une compréhension et une gestion à long terme des effets cumulatifs sur les composantes valorisées.

La qualité de l’ÉEC effectuée par le promoteur reflétait souvent la nature et la portée des directives pour la réalisation de l’étude d’impact. Les directives des sept évaluations environnementales menées en vertu du chapitre 22 faisaient explicitement référence aux effets cumulatifs, mais elles traitaient un principe de base de l’ÉEC de façon variable: seules quatre d’entre elles enjoignaient le promoteur à considérer les effets passés, présents et futurs. Les directives étaient assez cohérentes concernant la nécessité d’identifier les limites de l’évaluation en fonction de la répartition ou des caractéristiques des composantes valorisées ou de l’utilisation des terres faisant l’objet de préoccupations (un principe important dans la détermination de la portée (« scoping ») exemplaire en ÉEC). Les directives avançaient également des orientations sur une série minimale de composantes valorisées biophysiques et socioéconomiques à prendre en considération dans les ÉEC. Cependant, les exigences de suivi des effets cumulatifs sur ces composantes valorisées étaient habituellement absentes.

Une lacune fut remarquée dans toutes les directives sauf une : la nécessité pour le promoteur de décrire les conditions de référence courantes, sans toutefois identifier les conditions passées ni établir des changements ou des tendances dans l’état des composantes valorisées. Cette démarche permet d’appuyer les prévisions d’effets cumulatifs. Les directives demandaient régulièrement aux promoteurs de justifier et d’expliquer les méthodes utilisées dans les évaluations environnementales, mais elles n’offraient aucune orientation et aucun principe général sur la façon de procéder à une ÉEC. Les lignes directrices fédérales offraient généralement plus d’orientations sur la façon d’approcher les ÉEC à cause de l’Énoncé de politique opérationnelle de l’ACÉE, mais à l’exception du projet Eastmain 1-A, leur portée était plus restrictive, particulièrement en ce qui a trait à la sélection des composantes valorisées et à l’inclusion des composantes valorisées socioéconomiques.

B. Il existe une variabilité considérable dans la façon dont les effets cumulatifs sont traités dans les

études d’impact des projets, mais en général, les effets cumulatifs ne reçoivent pas une attention suffisante et semblent faire l’objet d’une analyse limitée. De plus, les ÉEC manquent souvent de preuves pour étayer les conclusions avancées sur les effets cumulatifs.

Les études d’impact tendaient à bien performer dans leurs pratiques d’identification de la portée (« scoping »), particulièrement en ce qui concerne l’inclusion des composantes valorisées à la fois écologiques et socioéconomiques, l’inclusion des perturbations passées, présentes et futures dans l’ÉEC ainsi que la délimitation de l’ÉEC basée sur la répartition des composantes

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valorisées. Les études d’impact ont aussi obtenu de bons résultats dans la description des conditions présentes et passées des composantes valorisées dans la zone d’étude, mais il y avait peu d’analyse des tendances dans les composantes valorisées ou des changements dans les indicateurs, dans le temps ou l’espace, pour soutenir les prévisions d’effets cumulatifs. Toutes les études d’impact sauf deux ont identifié des seuils ou des limites pour déterminer l’importance des effets cumulatifs, mais ces seuils ou ces limites étaient habituellement ceux définis dans les orientations réglementaires (p. ex. : directives, lignes directrices de qualité de l’eau, règlements applicables à l’industrie). Les seuils ne tenaient pas compte de l’ensemble des composantes valorisées et des indicateurs mis de l’avant dans les études d’impact. La plus grande faiblesse était l’analyse des effets cumulatifs et l’engagement à en faire le suivi. En général, les effets cumulatifs étaient l’objet d’analyses limitées dans les études d’impact. Il n’y a eu que peu d’instances où nous avons vu des preuves claires (p. ex. : modèles, données, tendances) fournies pour appuyer les conclusions de l’étude d’impact sur les effets cumulatifs, lorsque ces effets furent pris en considération. Bon nombre de prévisions en matière d’effets cumulatifs, ou de conditions futures des composantes valorisées, étaient sous forme d’affirmations qualitatives, souvent vagues et non clairement appuyées. Finalement, les mesures d’atténuation des effets cumulatifs, y compris le suivi, n’ont pas été traitées dans la plupart des études d’impact. Ceci ne nous a pas surpris puisque seulement une des directives émises en vertu du chapitre 22 contenait une exigence spécifique pour l’atténuation et le suivi des effets cumulatifs.

Il y a eu des exceptions aux manquements précédents, particulièrement pour le projet Eastmain 1-A qui reflétait de meilleures pratiques que les ÉEC plus récentes. Ceci peut être attribué en partie à l’historique d’Hydro-Québec dans la région ainsi qu’à la disponibilité de données de référence et de plans de développement du secteur hydroélectrique. La préparation d’une directive conjointe pour l’étude d’impact par le COMEV et l’Agence canadienne d’évaluation environnementale, de même que l’intégration des préoccupations du public à cette étape, ont également pu contribuer.

C. Bien qu’il ait été obligatoire de tenir compte des effets cumulatifs dans toutes les études

d’impact, et malgré l’état de la pratique et les préoccupations formulées par les comités d’examen ou les commissions fédérales, peu de conditions d’autorisation concernaient la gestion ou le suivi des effets cumulatifs.

Toutes les directives contenaient l’exigence de tenir compte des effets cumulatifs, mais ne donnaient que des instructions sommaires; en général, les promoteurs ont fourni une évaluation plutôt faible des effets cumulatifs dans leurs études d’impact; les comités d’examen ou les commissions fédérales ont souvent soulevé des préoccupations face aux effets cumulatifs; puis les décisions, y compris les conditions d’autorisation, ne faisaient aucune référence à ces effets.

Toutes les autorisations de projets contenaient des exigences concernant les mesures d’atténuation et le suivi des impacts, mais très peu d’entre elles contenaient des conditions touchant directement ou indirectement la gestion ou le suivi d’effets cumulatifs potentiels. La plupart des autorisations se concentraient sur la vérification de la conformité des mesures d’atténuation ou de suivi. Or, les autorisations devraient également, pour identifier les effets cumulatifs, assurer le suivi des conditions de référence des composantes valorisées. Une seule autorisation (celle du projet Whabouchi) contenait une condition touchant spécifiquement les effets cumulatifs du projet. De plus, l’autorisation du projet Eastmain 1-A fut la seule à

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reconnaître explicitement l’importance d’une approche régionale dans la gestion des effets cumulatifs, mais aucune indication spécifique n’a été fournie pour un programme régional de suivi ou de gestion des effets cumulatifs.

En conclusion, il y a lieu de développer un encadrement des effets cumulatifs à l’échelle régionale par le biais d’évaluations environnementales régionales ou stratégiques. Cet encadrement peut s’étendre au-delà des limites des juridictions actuelles, mais il est essentiel pour évaluer et gérer les changements environnementaux cumulatifs. Par la même occasion, les efforts des agences et des promoteurs pour évaluer et gérer les effets cumulatifs de leur projet demeurent une composante importante des défis de l’ÉEC. Bien que les résultats présentés dans le présent rapport puissent ne pas représenter toutes les pratiques en cours sur le Territoire de la Baie James, ils suggèrent qu’il y a beaucoup de place à de l’amélioration dans l’état actuel des évaluations d’effets cumulatifs.

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