Une pratique de « gumping

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Tous droits réservés © Association des cinémas parallèles du Québec, 2000 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 4 fév. 2022 15:01 Ciné-Bulles Le cinéma d’auteur avant tout Une pratique de « gumping » Georges Dagneau Volume 18, numéro 3, printemps 2000 URI : https://id.erudit.org/iderudit/33510ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Association des cinémas parallèles du Québec ISSN 0820-8921 (imprimé) 1923-3221 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Dagneau, G. (2000). Une pratique de « gumping ». Ciné-Bulles, 18(3), 44–48.

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Tous droits réservés © Association des cinémas parallèles du Québec, 2000 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

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Document généré le 4 fév. 2022 15:01

Ciné-BullesLe cinéma d’auteur avant tout

Une pratique de « gumping »Georges Dagneau

Volume 18, numéro 3, printemps 2000

URI : https://id.erudit.org/iderudit/33510ac

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Éditeur(s)Association des cinémas parallèles du Québec

ISSN0820-8921 (imprimé)1923-3221 (numérique)

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Citer cet articleDagneau, G. (2000). Une pratique de « gumping ». Ciné-Bulles, 18(3), 44–48.

1 9 9 0 - 1 9 9 9 : d i x a n s d o c i n é m a

Une pratique de «gumping»

GUMPING - néol . : éviter toute prise de position, effa­cer toute trace conflictuelle. (Cf.: «la stratégie de l'autru­che»).

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P A R G E O R G E S D A G N E A U

À l'origine, ce texte se bornait à faire la traduction d'une analyse lumineuse du film Forrest Gump de Robert Zemeckis par Peter N. Chumo, parue dans The Journal o f Popular Film and Television et intitulée «You've Got to Put the Past Behind Before You Can Move On: Forrest Gump and National Reconciliation». Texte efficace et perspicace qui mettait en lumière ce qu'il convient d'appeler les stratégies de réconciliation contenues dans le sous-texte de Forrest Gump.

En effet, Forrest Gump parle de réconciliation, mais pour cela il doit aussi parler de conflits. La période historique que couvre le film (1952 à 1982) en est une particulièrement fertile. Forrest est né en 1945 au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, à un moment où les Américains sortent pour de bon — et pour le pire — de leur isolationnisme. Mais s'il naît en 1945, son histoire commence en 1952 et son récit, lui, en 1981. Là ne s'arrête pas la nomenclature des dates. Si Forrest Gump traite de l'histoire, il en fait aussi partie. Aussi pouvons-nous nous interroger sur ce qui fit de Forrest Gump un succès-surprise et un film important en 1994, en supposant que, tout comme Casablanca se prêtait ouvertement à la propagande interventionniste de Roosevelt, Forrest Gump dissimule subtilement la nouvelle philosophie politique (intérieure comme extérieure) de l'administration Clinton.

Forrest a sept ans au début de son histoire en 1952, et deux handicaps majeurs: un quotient intellectuel de 75 et des prothèses gênantes aux jambes. Tout cela nous tombe dessus dans les 10 premières minutes, avec en prime sa mère qui se prostitue pour qu'il puisse accéder au système d'éducation, gratuit pour tous les autres. Forrest rencontre ensuite la jeune fille qui l'acceptera comme il est, mais ils devront encore attendre 29 ans (100 minutes) avant d'atteindre le bonheur matrimonial qui leur est promis. Durant les 20 premières minutes, toute l'étendue de la sagesse de Forrest lui sera prodiguée par les deux femmes de sa vie: «Ne laisse personne te dire que tu es différent des autres...» (sorte de clause nonobstant de l'intellect) et: «Face à l'adversité, cours, Forrest, cours.» La conclusion viendra plus tard: «...et tu deviendras millionnaire!» Après ces 20 premières minutes, et en une ellipse, Forrest obtient sa majorité, l'accès à l'éducation supérieure et la liberté de mouvement nécessaire à tout Américain qui se respecte.

Cette ellipse qui voit Forrest passer de 7 à 18 ans, fait aussi passer la chronologie de 1952 à 1963, une année-charnière dans l'histoire américaine. Avant la fin de la première demi-heure du fi lm, Forrest assiste à la désagrégation de l'université de Birmingham, rencontre Kennedy à la Maison Blanche et, après ses études, s'engage dans l'armée.

Dès lors le ton est posé, comme le mentionnait le slogan publicitaire qui accompagnait le f i lm: «Le monde ne sera plus jamais le même une fois que vous l'aurez vu à travers les yeux de Forrest Gump.» Le handicap intellectuel de Forrest devient un moyen de présenter ces événements à travers les yeux d'un enfant incapable de vieillir et donc de développer un regard critique sur quoi que ce soit... Ce qui nous condamne à vivre les 30 années les plus importantes de l'histoire des Etats-Unis à travers la perception de quelqu'un qui n'y comprend rien; années marquées par les émeutes raciales, l'escalade du conflit au Viêt-nam, les protestations étudiantes et de la contre-culture, l'élection de Nixon, le massacre des manifestants à la convention démocrate de 1968 à Chicago; les assassinats de Robert Kennedy et de Martin Luther King, les morts au festival rock d'Altamont, l'invasion américaine du Cambodge et les protestations étudiantes subséquentes qui culminent dans la mort de quatre étudiants de l'université de Kent de l'Ohio en 1970, le Watergate et la démission de Nixon dans la honte, les présidences successives et peu reluisantes de Ford et de Carter qui ne dureront qu'un mandat, laissant le pays dans l'instabilité politique et économique jusqu'à l'arrivée en 1980 de Reagan, qui marque le début d'un règne républicain qui durera 12 ans.

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Mais Forrest Gump, comme tout bon film américain, ne raconte pas l'Histoire au sens large, mais l'histoire d'un personnage. Les événements historiques sont transposés dans le domaine plus facilement maîtrisable du mélodrame et l'on intéressera le public qu'à ce qui arrive au personnage.

Toutes couleurs unies

Mais qui est donc Forrest Gump? D'abord, Forrest s'appelle ainsi (selon sa mère) pour qu'il se souvienne que souvent les êtres humains font des bêtises, comme la fondation du Ku Klux Klan par Nathan Bedford Forrest. Gump porte donc symboliquement en lui les germes honteux du racisme américain institutionnalisé. Mais est-il raciste? La question ne se pose pas parce que Forrest ne réagit pas aux races. Comme pour toutes choses de la vie, il ne prend pas position. Il aide une étudiante noire qui entre à l'université de Birmingham escortée par la Garde Nationale, mais ce geste de politesse ne constitue pas vraiment une prise de position. Plus tard, Forrest ira prier pour son entreprise peu fructueuse de pêche à la crevette et se joindra à une communauté noire pour devenir la seule figure blanche de la chorale. Personne ne fera de remarque. Forrest n'est pas blanc: il n'a pas de couleur! Une fois atteint le succès financier, Forrest rendra à la mère de Bubba, son collègue noir mort au front, la part de rêve américain qui lui reviendrait. L'argent de la pêche miraculeuse permettra à la mère de Bubba de s'installer dans un condo de luxe pour se faire servir par une blanche... À partir de là, Forrest n'a plus besoin ni des Noirs ni de la religion, et il passera à autre chose.

Le fait que les actions de Gump ne règlent rien importe peu. Le personnage ne fait pas la différence entre les races, et le cycle de la pauvreté et de la servitude des Noirs est brisé. On pourra y voir, de concert avec Chummo, la fin d'un conflit qui, en fait, n'est toujours pas réglé, comme s'il s'agissait d'offrir ici une contrepartie au travail d'un Spike Lee ou, plus généralement, d'Oliver Stone, qui tente, à travers ses films, de mettre en lumière plus ou moins habilement, les conflits d'une époque que les années Reagan auront servi à faire oublier. En ce sens, Forrest Gump

Forrest Gump, l'homme inco­lore (Photo: Phil Caruso)

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constitue à la fois une première réponse par le «système hollywoodien» à la vision de Stone et une récupération en règle de ses images et de la culture populaire de toute une époque. Par exemple, dans la première heure, Forrest Gump traite cavalièrement des mêmes sujets que les films de Stone: Platoon (1986), Forrest au Viêt-nam; Born on the Fourth of July (1989), le désenchantement du lieutenant Dan, vétéran vivant mais amputé des jambes; the Doors (1991), les manifestations de la contre-culture à Washington et l'image des hippies surtout à travers la représentation débile du personnage d'Abbie Hoffman. Forrest Gump réduit aussi à un simple commentaire l'assassinat de Kennedy après que Stone en eut fait une psychose paranoïaque dans J.F.K. (1992) et prévient du même coup Nixon (1995) que Stone réalisera quelque temps plus tard en attribuant à Forrest la dénonciation des «plombiers» du Watergate!

Mais c'est surtout à travers le personnage de Jenny, l'amour de Forrest, que la culture officielle et la contre-culture seront finalement réconciliées de façon spectaculaire et symbolique. Sans famille, souvent laissée à elle-même, Jenny connaîtra un sort tragique au gré des modes et de sa délinquance qui se terminera par le châtiment «juste et inévitable» d'une maladie mortelle et inconnue en 1982 qui emporte les drogués et les gens de petite vertu. Ainsi Jenny sera successivement une beauté «beatnik» après avoir posé pour Playboy, une hippie et une flower child à Haight-Ashbury dans les années 60; elle se joindra grâce à son copain au combat des Black Panthers, pour finalement devenir une fille de luxe dans les années 70. Son évolution dans l'histoire est montrée par des images qui ont échappé à Forrest, mais qu'on a pris soin de nous relayer pour expliquer son châtiment final.

Forrest se trouve à Washington pour recevoir du président Johnson la «Congressional Medal of Honor» pour avoir sauvé son peloton au Viêt-nam. Après la cérémonie, il se retrouve pris dans une manifestation où on le confond avec des vétérans venus dénoncer une guerre injuste. En digne représentant de la culture officielle, Forrest livrera un discours qui sera littéralement censuré par le Pentagone, un officier arrachant les fils du micro alors que Forrest prend la parole. Une fois l'amplification rétablie, Forrest se nomme, et Jenny, qui se trouve dans la foule, le reconnaît. La représentante de la contre-culture et le héros décoré s'embrasseront devant des milliers de manifestants réjouis. Aussi est-ce autour de cet imbroglio que l'on réconcilie deux figures symboliques opposées dans l'histoire et l'esprit des Américains. Mais l'évacuation du sens et l'élimination d'un contenu potentiellement controversé ouvrent la porte à toutes les manipulations possibles. Tout est bon pourvu que cela serve l'entreprise de réconciliation voulue par les producteurs du fi lm.

D'ailleurs, sa trame «souterraine» ou «symbolique» met en pratique deux mécanismes propres à la propagande, soit le constant brouillage entre le réel et le fictif et la rationalisation positive. L'un et l'autre, nous dit-on, relèveraient de l'usage «révolutionnaire» des effets spéciaux.

La confusion entretenue entre le réel et le fictif vient d'abord du traitement des images d'archives — certaines ayant fait le tour du monde... — de manière que Forrest Gump y apparaisse. L'illusion est poussée à son maximum lorsque Tom Hanks (Forrest) rencontre les présidents et leur sert la main. Mais ces petits tours de magie n'ont pas attendu les images de synthèse pour être abondamment pratiqués. Ce genre d'intervention a souvent participé à la construction des grandes images de ce siècle: Lénine seul au podium, Hitler débarrassé des dissidents de son entourage, les slogans dénonciateurs gommés des photos de l'Europe de l'Est, et ainsi de suite. À l'inverse, dès 1941, Orson Welles filmait Charles Foster Kane et Hitler ensemble...

Mais aucun effet spécial n'est sans doute plus lyrique que l'image, en ouverture, de cette plume, symbole du destin, que l'on verra partir des cieux pour se poser sur les pieds de Forrest. Hasard ou prédestination? Forrest ne cesse de côtoyer ces deux conceptions du destin, à travers les deux figures parentales que lui présente le f i lm. D'un côté, sa mère incarne une certaine autodétermination en décidant, malgré les difficultés, que son fils aura droit au même traitement que tous les autres enfants. Mère monoparentale à une époque où celles-ci n'existaient pas dans la conscience américaine, elle paraît donc dans le juste milieu entre le type de Scarlett O'Hara, l'héritière du Sud, et une femme d'affaires moderne des années 90.

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L'autre conception du destin à laquelle Forrest doit faire face lui vient du lieutenant Dan. Soldat de carrière, Dan est persuadé que son destin est de mourir à la guerre. En attendant que cela lui arrive et au cas où il s'en sortirait, Dan se forge la carrière d'un officier responsable: il possède toutes les qualités du héros de guerre. Lors d'une embuscade, Dan est gravement blessé, mais il est sauvé par Forrest — qu'il accuse plus tard d'avoir violé son destin. Dan est alors condamné à vivre diminué de ses jambes. Il devient cynique et amer jusqu'à ce que la présence de Forrest dans la pureté de son innocence le réconcilie avec Dieu. Lui qui s'est battu au Viêt-nam ira jusqu'à marier une Asiatique, récupérant du même coup le thème d'un autre film d'Oliver Stone: Heaven and Earth (1993)...

Déchiré entre ces deux conceptions du destin, Forrest, s'adressant à l'esprit de sa femme décédée, évite une fois de plus de prendre position. Il conclut simplement que le destin, c'est peut-être un peu des deux: à la fois le fatalisme désabusé du lieutenant Dan et l'optimisme décidé de sa mère.

C'est ici qu'intervient la notion de rationalisation positive, principe par lequel tout perd de son importance pour être justifié et expliqué par la prédestination, une force supérieure, une volonté toute-puissante qui fait abandonner tout combat. C'est ce qui justifie par ailleurs la neutralité émotive que Forrest ne cesse d'afficher en réduisant systématiquement à un simple commentaire tous les événements qu'il traverse. Dans cet esprit de neutralité timorée, l'expression toute-allée de Forrest revient comme un refrain: «c'est tout ce que j 'ai à dire là-dessus». De la même façon, la guerre du Viêt-nam et ses atrocités autant que la mort de la mère de Forrest sont réduits à l'état d'incidents et prennent la même valeur aux yeux d'un public mal informé, amené à écarter chaque nouvelle crise sans avoir à en interroger ses conséquences à long terme. Conséquence directe de l'absence de prise de position, on en vient à croire au règlement positif des conflits irrésolus. Le succès du personnage qui se sort indemne de cette même période contribue à engourdir les blessures encore béantes de l'histoire... Mais endormir le mal sous l'anesthésie ne guérit pas les plaies.

Forrest et l 'amour de sa vie après 100 minutesde f i lm. . . . -(Photo: Phil Caruso) 4 7

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A ce point-ci, nous constatons au moins que la vaste entreprise de réconciliation de Forrest Gump se fonde sur tout un réseau de significations symboliques subtilement atténuées selon des mécanisme complexes, mais efficaces. Tout cela pour finalement conclure que Forrest Gump n'amène rien de nouveau ni du point de vue formel ni du point de vue thématique dans le cinéma hollywoodien. La fonction du film lui-même au sein de l'histoire pourrait cependant être d'une tout autre importance.

Bill Clinton avait 11 ans en 1957, Forrest en avait 12. L'un vivait en Arkansas, l'autre en Alabama. L'un allait devenir président des États-Unis, l'autre était attardé mentalement... Pour confondre les deux personnages, il faudrait moins avoir une imagination fertile qu'avoir suivi minutieusement la campagne électorale de 1992.

C'est en 1957, à Little Rock en Arkansas que le coup d'envoi de la déségrégation des États du Sud est donné. «Clinton, qui avait alors 11 ans, est devenu obsédé par l'égalité des races»1. Forrest, lui, n'est pas obsédé par l'égalité: il pratique une certaine forme d'indifférenciation, qui correspond clairement à la position libérale dans le débat racial. Celle-ci préférant croire que tous les hommes naissent égaux sans accepter qu'ils ne naissent pas tous semblables.

C'est le lieutenant Dan, à l'arrivée de Forrest et Bubba au Viêt-nam (lieu symbolique et fondamental dans cette entreprise de confusion) qui opérera la fusion symbolique entre Forrest et Clinton. Hormis les rumeurs de méconduite sexuelle qui entouraient ce dernier lors de la campagne électorale de 1992, deux détails ont retenu l'attention des commentateurs à l'époque. Clinton étant du Sud, la revue semi-humoristique Bubba lui consacra sa page couverture. On lui prêtait donc ce stéréotype de l'homme du Sud un peu arriéré et fier de l'être, généralement associé aux «red necks». Mais plus important encore, on reprochait à Clinton de ne pas être allé se battre au Viêt-nam, d'avoir échappé à la conscription parce qu'il avait des relations en hauts lieux. Forrest et Bubba annoncent donc au lieutenant Dan qu'ils sont de l'Alabama. Quelques minutes plus tard, Dan revient vers eux et dit: «Donc, vous êtes de l'Arkansas...» Les deux autres ne réagissent pas. Dan ajoute même: «J'ai visité Little Rock, c'est un bel endroit pour vivre...» Symboliquement, pour un instant, Forrest et Bubba sont confondus avec quelqu'un qui viendrait de Little Rock et qui se trouverait au Viêt-nam. Le lien est très certainement alambiqué, mais la référence est trop évidente pour la passer sous silence! C'est peut-être aussi une indication des choses à venir. La campagne de Clinton en 1992 était entièrement centrée sur l'idée du changement après 12 ans de règne républicain à la Maison Blanche. Mais sa campagne de 1996 sera centrée sur la réconciliation.

C'est donc une nation en mal de réconciliation qui recevra un baume symbolique qu'elle sanctionnera de ses dollars. Le produit hollywoodien aura fait son œuvre. On peut remettre en question son fonctionnement et interroger son bien-fondé, mais il nous faut reconnaître l'efficacité de cette orfèvrerie idéologique. De là à conclure que toute entreprise de réconciliation nationale fondée sur un discours symbolique doive nécessairement provenir de manipulations douteuses, il y a un grand pas à franchir... Mais n'oublions pas que notre propre film de réconciliation nationale post-référendaire, la Guerre des tuques d'André Melançon, spécifiait clairement que notre chien est mort! •

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1. Julie Miville-Dechêne, reportage sur les 40 ans de la déségrégation du «Little Rock high school», 25 septembre 1997, Le Téléjournal, SRC. Clinton dans un discours y dit: «Segregation is no longer the law, but separation is still often the rule», soulignant ainsi le combat qui continue dans l'harmonie raciale aux USA. Un élève actuel de l'école précise encore: «We tolerate each other, but we don't accept each other» («Nous nous tolérons, mais nous ne nous acceptons pas.»).

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