UNE INDICIBLE TRISTESSE - ekladata.comekladata.com/aT8m2k6MtBghpfzYzyi1UALH19M/Georg-Trakl.pdf ·...
Transcript of UNE INDICIBLE TRISTESSE - ekladata.comekladata.com/aT8m2k6MtBghpfzYzyi1UALH19M/Georg-Trakl.pdf ·...
1
Dominique Hoizey
UNE INDICIBLE TRISTESSE Vie et mort du poète Georg Trakl
(1887-1914)
Le Chat Murr 2016
2
NOTE LIMINAIRE
Cet ouvrage s’appuie sur l’édition critique des œuvres de Georg Trakl établie par Walther
Killy et Hans Szklenar (Georg Trakl, Dichtungen und Briefe, Otto Müller Verlag Salzburg, 1969). Elle
est désignée ci-après sous l’abréviation GT/I ou GT/II suivie du numéro de la page. Cette édition
critique des œuvres de Georg Trakl et la biographie de Georg Trakl par Hans Weichselbaum (Georg
Trakl – Eine Biographie mit Bildern, Texten und Dokumenten, Otto Müller Verlag Salzburg, 1994)
constituent, outre les ouvrages cités dans le corps du texte, la bibliographie du présent travail. Sauf
mention contraire, les traductions des poèmes, lettres et autres documents, ainsi que les photos insérés,
sont de l’auteur.
Couverture : Photo de Georg Trakl en 1914. © Georg-Trakl-Forschungs-und Gedenkstätte, Salzburg.
3
Madame Maria Trakl a, en son nom ainsi qu’au nom de ses enfants et de toute la
famille, la douleur de vous faire part du décès de son fils bien-aimé, frère, beau-frère et cousin,
Monsieur
Georg Trakl
Pharmacien militaire
qui, le mercredi 4 novembre 1914, dans sa 27e
année, est mort pour la patrie à l’hôpital
militaire de Cracovie et qui, le 6 novembre 1914, a été en ce même lieu inhumé pour son
dernier repos au cimetière militaire.
Salzbourg, le 16 novembre 1914. (GT/II, p. 737)
Si en Europe il devenait alors de jour en jour un peu plus ordinaire de mourir pour sa
patrie, nous savons bien qu’il n’en fut rien pour Georg Trakl, si l’on entend par mourir pour
la patrie, mourir au combat. Il est vrai que la famille n’a pas eu immédiatement connaissance
des circonstances exactes de sa mort. C’est Wilhelm Trakl, un demi-frère du défunt, qui s’en
inquiéta le 11 novembre 1914 auprès de l’« impérial et royal » hôpital militaire n° 15
stationné à Cracovie. Wilhelm Trakl avait été informé de la mort de son frère par Ludwig von
Ficker, ami du poète et éditeur de quelques unes de ses œuvres dans la revue Der Brenner.
Dans le télégramme que Ludwig von Ficker adressa le 12 novembre à Maria Trakl, inquiète
de savoir de quoi et quand est mort son « cher Georg » (GT/II, p. 735), il est question de malaise
cardiaque (GT/II, p. 735), mais la réponse de l’hôpital militaire, datée du 15 novembre, est
beaucoup plus précise : « En réponse à votre honorée du 11 novembre 1914, il est porté à
votre connaissance que votre frère le pharmacien militaire Georg Trakl était en traitement
dans cet hôpital pour trouble mental. Dans la nuit du 2 novembre, il a tenté de se donner la
mort par empoisonnement à la cocaïne (médicament qu’il a probablement emporté de la
pharmacie de campagne où il était précédemment affecté, et qu’il a si bien caché que malgré
une recherche méticuleuse rien n’a été trouvé auprès de lui) et malgré tous les soins médicaux
possibles il n’a pas pu être sauvé. Il mourut le 3 novembre à 9h du soir et fut inhumé ici au
cimetière Rakowicki » (GT/II, p. 736), le « Père Lachaise » de Cracovie.
Le philosophe Ludwig Wittgenstein fut, en dehors du cercle formé par la famille et les
amis, le premier à exprimer son émotion en apprenant la mort de celui que l’on considère
aujourd’hui comme l’un des plus grands poètes de langue allemande du XXe siècle : « Je suis
bouleversé, bien que je ne le connaissais pas ! » (GT/II, p. 733). Nous comprendrons plus loin
pourquoi le futur auteur du Tractatus logico-philosophicus s’intéressait à Georg Trakl qui
n’avait pas encore atteint la renommée dont il jouit désormais – promenez-vous dans
Salzbourg, elle ne peut pas vous échapper !
« Musique à Mirabell », poème de Georg Trakl
Salzbourg, Mirabellgarten
4
La main qui nota sur une fiche hospitalière que le pharmacien militaire Georg Trakl
« dans le civil n’exerce pas sa profession, mais fait des vers (dichtet) » (GT/II, p. 729) n’était
probablement pas animé des meilleures intentions à l’égard d’un poète dont elle n’avait sans
doute rien lu. Sans doute voulait-elle surtout souligner la singularité du comportement. Quoi
qu’il en soit, les lecteurs de Georg Trakl étaient alors plutôt rares, mais parmi eux se
distinguait Stefan Zweig qui, répondant à une demande d’information de Romain Rolland sur
Sebastian im Traum, recueil posthume, répondit que ce livre était « l’œuvre d’un véritable
poète lyrique mais conçu au crépuscule de sa vie, l’esprit perturbé ». Il ajoutait dans cette
même lettre datée du 17 mars 1915 : « Trakl n’est pas tombé au front mais il s’est tué d’une
balle à Cracovie, le cerveau détraqué par toutes ces horreurs vues en tant qu’infirmier
militaire. Mais la guerre ne fut que le coup de grâce, il était déjà perdu auparavant1. »
Un « coup de grâce » qu’il nous est facile d’apprécier en lisant la correspondance de
Georg Trakl à partir de ce jour de septembre 1914 où il écrit à Ludwig von Ficker :
« Aujourd’hui nous partons pour la Galicie » (GT/I, p. 542) d’où il rassure sa mère : « Je vais
bien. Depuis une semaine nous parcourons en tous sens la Galicie et nous n’avons jusqu’à
maintenant encore rien eu à faire » (GT/I, p. 542). Cela ne dura pas. Son unité appartenait à la
troisième armée qui, du 6 au 11 septembre, affronta l’armée russe à Grodek (aujourd’hui
Horodok en Ukraine). Il se retrouva pendant deux jours, au plus fort de la bataille, dans une
grange avec quatre-vingt-dix soldats gravement blessés, sans aucun moyen pour les soigner
ou les apaiser. Des semaines plus tard, il entendait encore leurs gémissements et leurs prières
pour qu’on mette un terme à leurs souffrances. L’un de ces malheureux se tira une balle dans
la tête. La vue insoutenable d’une cervelle éclatée en morceaux le poursuivit. Un peu plus
tard, autour du 22 septembre, il fut pris un soir d’un violent désir de se tuer, mais ses
camarades l’en empêchèrent. Grodek, poème dans lequel il exprime l’horreur de la guerre, est
contemporain de ce moment de désespoir :
Le soir, les forêts automnales retentissent
D’armes meurtrières, les plaines dorées
Et les lacs bleus, sur lesquels le soleil
Roule plus sombre ; la nuit enlace
Les combattants qui meurent, la plainte sauvage
De leurs gueules en morceaux […].
Am Abend tônen die herbstlichen Wälder
Von tödlichen Waffen, die goldnen Ebenen
Und blauen Seen, darüber die Sonne
Düstrer hinrollt; umfängt die Nacht
Sterbende Krieger, die wilde Klage
Ihrer zerbrochenen Münder […].
(GT/I, p. 167)
Bien qu’éloigné des combats, un artiste comme Alfred Kubin, son compatriote, ne se
sentait pas moins à la même époque « comme entouré d’une odeur de charogne » et « en
proie à une épouvantable et persistante tristesse2 ». Du 2 au 6 octobre, l’unité de Georg Trakl
stationna dans la petite ville de Limanowa située au sud-est de Cracovie. Sa correspondance
témoigne qu’il n’allait pas bien. Il était encore sous le coup de la tentative de suicide. À son
ami Karl Röck, collaborateur de la revue Der Brenner, il écrit : « J’ai été malade quelques
jours et totalement abattu de tristesse (ganz niedergedrückt von Traurigkeit) » (GT/I, p. 543), et
à Adolf Loos, une autre connaissance du poète : « J’ai été quelques jours bien malade, je crois
à cause d’une indicible tristesse (vor unsäglicher Trauer) » (GT/I, p. 543). Le 7 octobre, on
emmena Georg Trakl à Wadowice, et de là il fut transféré dès le lendemain à Cracovie d’où il
adressa à Ludwig von Ficker, le 12 octobre, ces quelques mots : « Je suis ici depuis cinq jours
5
à l’hôpital de garnison en observation de mon état mental. Ma santé est il est vrai quelque peu
altérée et je tombe souvent dans une indicible tristesse. Espérons que ces jours de
découragement seront bientôt passés » (GT/I, p. 543). Ludwig von Ficker, qui lui rendit visite
quelques jours plus tard, ne s’est peut-être pas rendu compte de la gravité de l’état de détresse
morale dans lequel il se trouvait, puisqu’il écrira à Wilhelm Trakl : « Possible qu’il avait le
désir de mourir, mais j’insiste, ce n’est pas certain, d’autant que la veille au soir il avait un
meilleur moral… » (18 novembre 1914, GT/II, p. 740). Ce que confirme l’un de ses anciens
condisciples de Salzbourg, Erhard Buschbeck, dans une lettre adressée à Ludwig von Ficker,
en évoquant le témoignage de l’un de leurs camarades, Franz Schwab, qui, empêché au
dernier moment « par quelque futilité », s’en voulut de ne pas avoir été auprès de lui le soir du
drame : « C’est évidemment pour lui aujourd’hui quelque chose d’incompréhensible, de
terrible » (16 janvier 1915, GT/II, p. 742). Quelle que fût l’intention de Georg Trakl, on ne peut pas lire sa lettre du 27 octobre
1914 à Ludwig von Ficker sans rapprocher son « indicible tristesse » d’une mort à venir,
voulue ou non :
Cher ami !
Je vous envoie ci-joint les copies des deux poèmes que je vous ai promis [Klage et
Grodek]. Depuis votre visite à l’hôpital je suis doublement triste. Je me sens presque déjà de
l’autre côté du monde.
Pour terminer je veux encore ajouter, qu’en cas de décès, mon vœu et ma volonté est
que ma chère sœur Grete entre en possession de tout ce que j’ai en argent et autres biens. (GT/I, p.546)
Qu’il se sentît « presque déjà de l’autre côté du monde (fast schon jenseits der Welt) »,
ce n’est pas le poème Klage (« Plainte ») qui nous en ôtera l’impression :
Sommeil et mort, les lugubres aigles
Froufroutent toute la nuit autour de cette tête :
L’effigie d’or de l’homme
Que l’engloutisse la vague glacée
De l’éternité. Sur d’horribles récifs
Se brise le corps pourpre
Et la voix sombre se plaint
Sur la mer.
Sœur d’une mélancolie tempétueuse
Vois un canot inquiet il sombre
Sous les étoiles,
Sous la face silencieuse de la nuit.
Schlaf und Tod, die düstern Adler
Umrauschen nachtlang dieses Haupt:
Des Menschen goldnes Bildnis
Verschlänge die eisige Woge
Der Ewigkeit. An schaurigen Riffen
Zerschellt der purpurne Leib
Und es klagt die dunkle Stimme
Über dem Meer.
Schwester stürmischer Schwermut
Sieh ein ängstlicher Kahn versinkt
Unter Sternen,
Dem schweigenden Antlitz der Nacht.
(GT/I, p. 166 et 546)
6
Georg Trakl n’était pas à sa première expérience de cocaïne quand elle l’emporta. Je
me suis toujours demandé s’il avait lu les Confessions d’un mangeur d’opium anglais. Quoi
qu’il en soit, la réponse que Thomas de Quincey donne à la question : « Qu’est-ce qui […] fit
de moi un mangeur d’opium ? » n’est pas sans correspondance avec son propre vécu : « Était-
ce la douleur ? Non, mais le malheur. Était-ce l’obscurcissement fortuit de la lumière du
soleil ? Non, mais la morne désolation. Était-ce noire tristesse qui aurait pu se dissiper ? Non,
mais des ténèbres, installées et immuables3. » Des mots, des expressions qui ne sont pas sans
rappeler le vocabulaire de Georg Trakl qui tôt sut que
Nous sommes les voyageurs sans but,
Les nuages que le vent dissipe,
Les fleurs, tremblant dans la froideur de la mort,
Qui attendent qu’on les fauche.
Wir sind die Wandrer ohne Ziele,
Die Wolken, die der Wind verweht,
Die Blumen, zitternd in Todeskühle,
Die warten, bis man sie niedermäht.
(Gesang zur Nacht, GT/I, p. 223)
Georg Trakl naquit le 3 février 1887 à Salzbourg où ses parents, Tobias Trakl et Maria
Halik, s’étaient installés huit ans plus tôt, venant de Wiener Neustadt où ils s’étaient connus.
Au moment de la naissance du futur poète la famille Trakl occupait plusieurs pièces au
premier étage de la « maison Schaffner » (Schaffnerhaus), située sur la Waagplatz, où sont
aujourd’hui accueillis ceux qui, amateurs ou chercheurs, s’intéressent à Georg Trakl. Ce fut
dans cette maison que le jeune Georg passa ses six premières années, jouant dans la cour, que
ses arcades et son puits rendent typique, et qu’en ce temps-là, la nuit, les rats squattaient. Il
s’en souviendra dans un poème des années 1910-1912 :
Dans la cour brille blanche la lune d’automne.
Du bord du toit tombent des ombres fantastiques.
Un silence habite les fenêtres vides ;
Alors doucement paraissent les rats
Ils se glissent en sifflant ici et là
Et une odeur horrible se fait sentir
Derrière eux provenant des latrines,
Que traverse en tremblotant, tel un spectre, le clair de lune […].
In Hof scheint weiß der herbstliche Mond.
Vom Dachrand fallen phantastische Schatten.
Ein Schweigen in leeren Fenstern wohnt;
Da tauchen leise herauf die Ratten
Und huschen pfeifend hier und dort
Und ein gräulicher Dunsthauch wittert
Ihnen nach aus dem Abort,
Den geisterhaft der Mondschein durchzittert […].
(Die Ratten, GT/I, p. 52)
7
Le puits et les arcades de la maison natale de Georg Trakl
En 1894, les Trakl quittèrent la maison Schaffner pour emménager au-dessus de la
quincaillerie paternelle, ouverte cette année-là place Mozart, et devenue depuis le café
Glockenspiel. Sept enfants composaient la fratrie à laquelle appartenait également un demi-
frère né d’un premier mariage. Il s’agit de Wilhelm Trakl né en 1868. Nous avons fait sa
connaissance plus haut. Tobias Trakl, né en 1837, était veuf de Valentine Götz, décédée en
1870 à l’âge de vingt-neuf ans, quand il épousa le 22 août 1878 Maria Halik, née en 1852.
Séparée de Maximilian Schallner, Maria Halik avait donné naissance le 22 mai 1878 à un
garçon, Gustav, que Tobias Trakl reconnut. L’enfant mourut en bas âge, et c’est peut-être à lui
que le poète pensait en écrivant
Un frère à toi meurt dans un pays enchanté Ein Bruder stirbt dir in verwunschnen Land.
(Der Spaziergang, GT/I, p. 44)
On peut également y voir une allusion aux racines hongroises de la famille de Tobias
Trakl qui, lui-même, était né à Ödenburg, aujourd’hui Sopron en Hongrie. Quand apparaît
dans la poésie de Georg Trakl la figure du père – il mourut en 1910 – c’est pour se souvenir
de son « silence » (Stille) ou de sa « main dure » (an der harten Hand des Vaters) à laquelle
« il grimpait en silence la ténébreuse montagne du Calvaire » dans laquelle on peut
reconnaître le chemin de croix du Kapuzinerberg (GT/I, p. 88-89). L’image du père se confond
également avec celle de la maison qualifiée d’« obscure » (dunkel) dans un poème en prose de
1914, Traum und Umnachtung (« Rêve et folie »), où l’on peut également lire :
Ô, comme la maison était silencieuse, quand le père s’en alla dans l’obscurité. O, wie stille war das Haus, als der Vater ins Dunkel hinging.
(Traum und Umnachtung, GT/I, p. 150)
Le poète évoque au début de ce même poème de « sombres chambres » dans
lesquelles, un soir, le visage de la mère « se pétrifia » (in dunklen Zimmern versteinerte das
Antlitz der Mutter). De la mère, Fritz, l’un des frères, dira : « C’était une femme froide,
8
réservée ; elle s’occupait bien de nous, mais elle manquait de chaleur4. » C’est bien ainsi
qu’elle apparaît au fil des poèmes. Son visage est « grave » (ernst), comme dans Anif (GT/I, p.
114), et sa main « glacée » (wenn er an der frierenden Hand der Mutter), comme dans
Sebastian in Traum, quand « le soir, il traversait le cimetière automnal de Saint-Pierre » (GT/I,
p. 88). Dans Traum und Umnachtung, il parle du visage « de pierre » (steinern) de la mère
(GT/I, p. 150). Sans doute Georg Trakl a-t-il souffert de la froideur de sa mère, mais il n’en a
pas moins partagé avec elle le sentiment de ne pas être compris, et il avait comme elle un
penchant à la solitude :
Ô douceur de l’âme solitaire. O Sanftmut der einsamen Seele.
(In ein altes Stammbuch, GT/I, p. 40)
Et, il faut le noter, une disposition à la dépression, comme le laisse supposer ce passage de
Traum und Umnachtung :
Quand il était couché dans son lit glacé, des larmes indicibles se saisissaient de lui. Wenn er in seinem kühlen Bette lag, überkamen ihn unsägliche Tränen.
(Traum und Umnachtung, GT/I, p. 147)
Mais de là à penser, comme on peut le lire dans un autre passage, que « personne ne
l’aimait », il y a un grand pas.
Les enfants Trakl ont en partie étaient élevés par une gouvernante alsacienne, Marie
Boring, qui leur inculqua de bonnes notions de français. Ils étaient très attachés à cette jeune
femme catholique bien accueillie dans cette famille protestante. Tout ce petit monde se
retrouvait Pfeifergasse où les Trakl avaient un jardin dont le visiteur d’aujourd’hui peut
encore voir la cabane en bois où l’on s’abritait de la pluie ou du soleil, « la cabane taciturne
de notre enfance » (die schweigsame Hütte unserer Kindheit) dont il parle dans un poème des
années 1912-1914 (GT/I, p. 321). Le jardin est associé à la sœur – un poème porte le titre de
Schwesters Garten ou « Le jardin de la sœur » (GT/I, p. 318) – et c’est à cette sœur cadette,
Grete, née en 1891, que nous allons nous intéresser. Elle est si présente dans la vie et dans
l’œuvre de Georg Trakl ! Là, « dans le jardin la sœur parle amicalement avec des esprits »
(GT/I, p. 38) ; ici, « dans la chambre d’à côté la sœur joue une sonate de Schubert » (GT/I, p. 81).
Et ailleurs, « la sœur peigne sa chevelure blonde » (GT/I, p. 44). La sœur, comme figure
littéraire, apparaît une soixantaine de fois, et dans un poème du recueil de 1909, Blutschuld
(« Faute du sang »), le soupçon d’un amour incestueux se dévoile comme un aveu, bien
qu’aucun témoignage n’en atteste la réalité.
La nuit menace sur la couche de nos baisers.
Quelqu’un chuchote : qui vous libérera de la faute ?
Encore frémissants de la douceur d’une volupté impie
Nous prions : pardonne-nous, Marie, dans ta clémence !
Du calice des fleurs montent des odeurs sensuelles,
Elles flattent nos fronts blêmes de faute.
Accablés sous le souffle d’airs lourds
Nous rêvons : pardonne-nous, Marie, dans ta clémence !
Cependant la fontaine des sirènes murmure plus fort
Et le sphinx se dresse plus sombre devant notre faute,
De sorte que nos cœurs coupables résonnent de nouveau.
Nous sanglotons : pardonne-nous, Marie, dans ta clémence !
9
Es dräut die Nacht am Lager unsrer Küsse.
Es flüstert wo : Wer nimmt von euch die Schuld ?
Noch bebend von verruchter Wollust Süße
Wir beten: Verzeih uns, Maria, in deiner Huld!
Aus Blumenschalen steigen gierige Düfte,
Umschmeicheln unsere Stirnen bleich von Schuld.
Ermattend unterm Hauch der schwülen Lüfte
Wir träumen: Verzeih uns, Maria, in deiner Huld!
Doch lauter rauscht der Brunnen der Sirenen
Und dunkler ragt die Sphinx vor unsrer Schuld,
Daß unsre Herzen sündiger wieder tönen,
Wir schluchzen: Verzeih uns, Maria, in deiner Huld!
(Blutschuld, GT/I, p. 249)
Ce n’est pas la seule fois que le poète se tourne vers la Vierge Marie. Ainsi dans un
autre poème du recueil de 1909, Metamorphose (« Métamorphose »), chacun des trois tercets
s’achève par une invocation mariale :
Une lumière éternelle brûle d’un rouge sombre,
Un cœur si rouge, dans la détresse du péché !
Je te salue, ô Marie !
Ton image blême est en fleur
Et ton corps voilé s’embrase,
Ô femme, Marie !
Dans de doux tourments flambe ton sein,
Tandis que sourit ton œil douloureux et grand,
Ô mère, Marie !
Ein ewiges Licht glüht düsterrot,
Ein Herz so rot, in Sündennot!
Gegrüßt seist du, ô Maria!
Dein bleiches Bildnis ist erblüht
Und dein verhüllter Leib erglüht,
O Fraue du, Maria !
In süßen Qualen brennt dein Schoß,
Da lächelt dein Auge schmerzlich und groß,
O Mutter du, Maria!
(Metamorphose, GT/I, p.252)
D’autres figures bibliques apparaissent dans l’œuvre de Georg Trakl comme Ève et
l’apôtre Thomas dans le poème Menschheit (GT/I, p. 43), Hérode dans Klagelied (GT/I, p. 280) ou
Marie-Madeleine qui lui inspira un dialogue, Maria Magdala (GT/I, p. 195-198), où il est
beaucoup question d’un « étrange prophète », Jésus de Nazareth. Il a aussi consacré tout un
poème à sainte Afra, la martyre d’Augsbourg. L’héritage chrétien de Georg Trakl qui, enfant,
fréquenta l’église évangélique de Salzbourg, affleure çà et là. Tout un vocabulaire en
témoigne, des mots les plus simples (église, couvent, cloche, orgue, vêpres, nonne, moine,
chasuble…) au nom de Dieu dont le poète évoque le « souffle » dans Geistliches Lied (GT/I, p.
30) et dans Kleines Konzert (GT/I, p. 42) ou le « silence » :
10
Une ombre je suis loin de sombres villages.
Le silence de Dieu
Je l’ai bu à la fontaine du bois.
Ein Schatten bin ich ferne finsteren Dörfern.
Gottes Schweigen
Trank ich aus dem Brunnen des Hains.
(De profundis, GT/I, p. 46)
La fréquence autant que la singularité de l’image chrétienne du « pain » et du « vin »
demandent qu’on s’y arrête. C’est d’abord, comme dans Die tote Kirche (« L’église morte »),
le geste du prêtre sacrifiant le corps et le sang de Jésus-Christ présent sous les espèces du pain
et du vin :
[…] Le prêtre marche
Vers l’autel ; mais c’est d’un esprit fatigué qu’il applique
Les pieux usages – un pitoyable acteur,
Devant ceux qui prient mal et le cœur engourdi,
Dans le jeu sans âme du pain et du vin.
[…] Der Priester schreitet
Vor den Altar ; doch übt mit müdem Geist er
Die frommen Bräuche – ein jämmerlicher Spieler,
Vor schlechten Betern mit erstarrten Herzen,
In seelenlosem Spiel mit Brot und Wein.
(Die tote Kirche, GT/I, p. 256)
Si le poète se réfère à la Cène dans Gesang des Abgeschiedenen (GT/I, p. 144), évoquant
pain et vin consacrés « par les mains de Dieu » (geheiligt ist Brot und Wein/Von Gottes
Händen), il s’en éloigne ailleurs. Ainsi, dans Geistliches Lied (GT/I, p. 30), c’est l’amour
(Liebe) qui bénit pain et vin, et dans Die Bauern (GT/I, p. 33), ce sont les valets et les servantes
qui versent le vin et rompent le pain (Und sie schenken den Wein und sie brechen das Brot).
Notons que c’est dans des mains « pures » que dans Helian (GT/I, p. 69) le paysan porte pain et
vin (In reinen Händen trägt der Landmann Brot und Wein). Citons encore le dernier quatrain
de Herbstseele :
Pain et vin de la vraie vie,
Dieu dans tes mains clémentes
L’homme remet la fin obscure,
Toute faute et rouge peine.
Rechten Lebens Brot und Wein
Gott in deine milden Hände
Legt der Mensch das dunkle Ende,
Alle Schuld und rote Pein.
(Herbstseele, « Âme d’automne », GT/I, p. 107)
Georg Trakl, poète chrétien ? Non, mais il a indubitablement et profondément été
marqué par le christianisme ambiant. Toute son œuvre poétique en témoigne. Citons quelques
titres du recueil de 1909 : Andacht (« Recueillement »), Sabbath, Crucifixus, Confiteor, Die
tote Kirche (« L’église morte »), et il n’est pas sans se souvenir, comme dans Andacht, des
moments de recueillement de ses jeunes années :
11
Je me vois rêvant en silence joindre les mains,
Et murmurer des prières depuis longtemps oubliées…
Ich seh’mich träumend still die Hände falten
Und lângst vergessene Gebete flüstern…
(Andacht, GT/I, p. 221)
Georg Trakl n’a pas laissé le souvenir d’un élève brillant. Après la Volksschule, il
entra en 1897 au Gymnasium. Les notes de l’année scolaire 1904-1905 sont parlantes. Au
lobenswert (« digne d’éloge ») obtenu en allemand – il lisait beaucoup : Nietzsche, Ibsen,
Dostoïevski, Verlaine, Rimbaud… – s’opposent les nicht genügend (« insuffisant »)
sanctionnant ses résultats en mathématiques, latin et grec5. Les langues mortes l’ennuyaient,
mais il ne semble pas s’être désintéressé de la mythologie grecque et romaine présente dans
son œuvre à travers des figures comme Dédale, Narcisse, Hélios, Pan, Orphée, Triton,
Aphrodite, sans oublier la Ménade furieuse (o rasende Mänade) de Sabbath (GT/I, p. 222).
Georg passait aux yeux de ses camarades pour un garçon pas comme les autres. Franz Grimm,
l’un d’entre eux, rapporte qu’« il avait quelque chose de particulier en lui – il était différent de
nous. Ainsi marchait-il le plus souvent penché en avant, comme courbé, et son regard était
pensif et songeur, parfois aussi scrutateur ou perdu6 ». Et en outre, nous savons par son frère
Fritz qu’il fuma tôt, imprégnant ses cigarettes d’une teinture d’opium7. En 1905 – une lettre
l’atteste8 – il avait déjà recours au chloroforme. Plus tard il adoptera le véronal. En septembre
1905, une semaine après la rentrée, il quitta le lycée, et quelques jours plus tard, il franchit la
porte de la pharmacie Zum weißen Engel (« À l’ange blanc »), située au bas de la rue de Linz
où elle se trouve toujours, pour y effectuer les trois années de pratique obligatoires pour
quiconque se destinait à la profession de pharmacien dont la formation théorique était ensuite
assurée à Vienne.
Pharmacie « À l’ange blanc », Linzerstraße, Salzbourg
Au cours de ces trois années de stage, Georg Trakl, qui avait commencé à écrire de
bonne heure, mena parallèlement une activité littéraire. Il fréquentait depuis le lycée un cercle
de passionnés qui se réunissaient dans une brasserie de la rue de Linz. Dans une lettre à
l’éditeur Otto Müller, l’un de ses condisciples, Franz Bruckbauer, se souviendra en 1958 que
parmi les participants, Trakl était « le plus fécond et le plus remarquable9». Sa rencontre avec
l’écrivain Gustav Streicher décida de son avenir littéraire. Ce fut par son intermédiaire que le
Stadt-Theater représenta le 31 mars 1906 un drame, Totentag (« Jour des morts »), dont il ne
12
reste plus, en dehors du programme, que les critiques de la Salzburger Chronik et du
Salzburger Volksblatt. Datée du 2 avril 1906, la critique de la Salzburger Chronik, un journal
catholique, est sévère. Sans doute, écrit en substance le rédacteur, peut-on pardonner une
« folie de jeunesse » (Jugendstreich), mais « il reste en revanche incompréhensible que l’on
ait pu accepter un tel travail. Une lecture superficielle aurait montré que dans sa globalité il se
présente comme n’ayant ni rime ni raison10
».
Programme du Stadt-Theater in Salzburg du 31 mars 1906
Salzburger Landestheater
C’est sur un ton autrement plus sympathique que le critique du Salzburger Volksblatt
rend compte de la pièce : « Son talent dramatique – et on peut en parler sans discussion – il l’a
mis en acte dans son œuvre de débutant Totentag. Comme presque tous les jeunes littérateurs
d’aujourd’hui il a manifestement lu lui aussi et avec prédilection Ibsen et Maeterlinck sous
l’influence desquels il se tient. » Le critique poursuit en l’invitant à s’émanciper des
influences étrangères et à voler de ses propres ailes. S’il relève quelques défauts, il souligne
une qualité, « et c’est la langue que Trakl manie. En elle se manifeste un beau et prometteur
talent qui ne demande qu’une sérieuse discipline pour qu’il porte pleinement des résultats11
».
Ce même critique lui conseillera, quelques mois plus tard, après la représentation, le 15
septembre 1906, d’une autre pièce du jeune dramaturge, Fata morgana, de « mettre la bride »
à son ambition pour la scène12
. S’il détruisit les manuscrits de l’une et l’autre de ces deux
pièces, il n’abandonnera pas complètement l’idée d’écrire pour le théâtre, comme en
témoigne, entre autres tentatives, une pièce pour marionnettes, Blaubart (« Barbe-Bleue »),
qui date de 1910.
1906 est aussi l’année où le Salzburger Volksblatt publia entre ses deux incursions sur
la scène un récit en prose, Traumland (« Pays du rêve »), qui raconte l’histoire d’une petite
malade, auprès de laquelle son jeune cousin, le narrateur, ressentit au début « comme une
oppression pleine d’angoisse, qui plus tard se transforma en une crainte sacrée, pleine de
respect, devant cette souffrance silencieuse, étrangement émouvante ». Et quand l’oncle dit
13
au neveu : « Ton âme tend à la souffrance, mon garçon (Deine Seele geht nach dem Leiden,
mein Junge13
) », nous pensons immanquablement à Georg Trakl.
Un poète français, Paul Verlaine, a beaucoup compté pour Georg Trakl. Il disposait à
cette époque, entre autres traductions, de celles éditées en 1902 par Stefan Zweig14
. De plus,
le futur auteur du Joueur d’échecs publia en 1905 une monographie sur Paul Verlaine, salué
« à côté de Villon, [comme] le premier génie lyrique français », et qui « a perçu le mystère du
chant allemand, sa simplicité, sa douce énigme15
». Georg Trakl a lu le livre de Stefan Zweig.
Comment ne pas penser à Paul Verlaine quand il évoque ici un faune, là des fêtes masquées,
et comment ne pas rapprocher les quatre derniers vers de In einem alten Garten (« Dans un
vieux jardin ») des premiers vers d’un fameux poème des Fêtes galantes (« Colloque
sentimental ») : « Dans le vieux parc solitaire et glacé, /Deux formes ont tout à l’heure
passé… »
Les tonnelles brillent claires : de jeunes femmes
Tôt le matin sont passées ici,
Leur rire est resté suspendu à de petites feuilles,
Dans des vapeurs dorées danse un faune ivre.
Die Lauben scheinen hell, da junge Frau’n
Am frühen Morgen hier vorbeigegangen,
Ihr Lachen blieb an kleinen Blättern hangen,
In goldenen Dünsten tanzt ein trunkener Faun.
(In einem alten Garten, GT/I, p. 181)
Paul Verlaine et Georg Trakl ont aussi en commun Saturne, la Vierge Marie et
Gaspard Hauser, l’étrange et jeune inconnu qui, le 26 mai 1828, apparut, titubant sur une
place de Nuremberg16
. Il disait à qui voulait bien l’entendre qu’il aurait voulu devenir cavalier
comme son père l’avait été, ce que Georg Trakl traduit ainsi dans son « Chant pour Gaspard
Hauser », composé en 1913 et dédié à Bessie, l’épouse de l’architecte Adolf Loos :
Sans bruit son pas trouva la ville le soir ;
La sombre plainte de sa bouche :
Je veux être un cavalier.
Stille fand sein Schritt die Stadt am Abend ;
Die dunkle Klage seines Munds:
Ich will ein Reiter werden.
(Kaspar Hauser Lied, GT/I, p. 95)
La Vienne que découvrit Georg Trakl en septembre 1908 aurait pu être celle décrite
par Stefan Zweig dans Le Monde d’hier : « Accueillante et douée d’une réceptivité
particulière, cette ville attirait à elle les énergies les plus disparates, les détendait, les allégeait,
les amendait ; il était délectable de vivre ici, dans cette atmosphère de bienveillance
intellectuelle et, inconsciemment, tout citoyen de cette ville recevait une éducation
cosmopolite qui transcendait les limites nationales et faisait de lui un citoyen du monde.17
»
Il la trouva nettement moins hospitalière :
Ô, la folie de la grande ville… O, der Wahnsinn der großen Stadt…
(An die Verstummten, GT/I, p. 124)
Une lettre écrite à sa sœur, Maria Geipel, peu de temps après son arrivée dans la
capitale témoigne du mal du pays : « La moindre ligne, la moindre page, qui vient de
14
Salzbourg, est à mon cœur un cher souvenir d’une ville que j’aime plus que toute autre18
. »
Les Viennois ne lui plaisent pas du tout. Ils lui apparaissent comme « des gens qui cachent
une somme énorme de bêtise, de stupidité et de vulgarité derrière une désagréable
bonhomie19
». Il ne changera guère d’opinion. Dans une lettre adressée en 1913 à Ludwig von
Ficker il parle de Vienne comme d’une Dreckstadt20
, en français une « ville de merde ». Il y
retrouva d’anciens camarades de Salzbourg venus eux aussi poursuivre leurs études, comme
Karl Minnich, Franz Schwab ou Erhard Buschbeck, mais en dehors de ce cercle étroit, il ne se
liait pas facilement. Voici ce qu’écrit de lui en 1913 le futur ingénieur et écrivain Franz Zeis :
« J’étais dimanche, lundi et hier avec Trakl. C’est un homme aimable, parlant peu, renfermé,
timide, introverti. A l’air solide, robuste, mais est impressionnable, malade. A des
hallucinations, il spinnt (dit Schwab) », autrement dit : il a une araignée au plafond. Franz
Zeis rapporte également que lorsqu’il prenait le train, il voyageait debout, ne supportant pas
d’avoir quelqu’un en vis-à-vis. Il ne pouvait pas non plus téléphoner21
. Un poème de cette
époque, publié le 1er
avril 1909 dans un journal de Salzbourg, témoigne de sa solitude
Au-dessus des toits il y a le bleu du ciel,
Et des nuages qui passent,
Devant la fenêtre un arbre dans la rosée du printemps,
Et un oiseau qui s’élance, ivre, vers le ciel,
Une odeur perdue de fleurs –
Un cœur ressent : c’est le monde !
Le silence monte et le midi embrase !
Mon Dieu, comme le monde est riche !
Je rêve, je rêve et la vie s’enfuit,
La vie dehors – en quelque lieu que ce soit
Une mer de solitude m’en tient éloigné !
Un cœur le ressent et n’en éprouve aucune joie !
Über den Dächern das Himmelsblau,
Und Wolken, die vorüberziehn,
Vorm Fenster ein Baum im Frühlingstau,
Und ein Vogel, der trunken himmelan schnellt,
Von Blüten ein verlorener Duft –
Es fühlt ein Herz: Das ist die Welt!
Die Stille wächst und der Mittag glüht !
Mein Gott, wie ist die Welt so reich !
Ich träume und träum’ und das Leben flieht,
Das Leben da draußen – irgendwo
Mir fern durch ein Meer von Einsamkeit!
Es fühlt’s ein Herz und wird nicht froh!
(An einem Fenster, GT/I, p. 236)
L’un de ses meilleurs amis, Erhard Buschbeck, qui fera une belle carrière d’homme de
théâtre au Burgtheater de Vienne – il mourra en 1960 –, s’efforça de le sortir de cette solitude
en l’invitant à profiter de Vienne, « ville de jouissance », selon Stefan Zweig, mais où « on
était également exigeant […] en matière de plaisirs plus subtils22
». L’Internationale
Kunstschau de 1909 lui donna ainsi l’occasion de découvrir Oskar Kokoschka qui était à
peine plus vieux d’un an que lui. Il assista notamment à la représentation de son fameux
drame sadomasochiste de la guerre des sexes, Mörder, Hoffnung der Frauen (« Assassin,
15
espoir des femmes »), dans lequel Georg Trakl rencontra, comme le souligne Hans
Weichselbaum, « une littérature qui ne se mouvait pas dans le jardin clos du joli monde plein
d’infinie euphonie23
», selon la propre expression que le poète emploie dans une lettre de 1908
à sa sœur Minna, Hermine von Rauterberg : « Mon entier, joli monde, plein d’infinie
euphonie24
».
C’est à Erhard Buschbeck que notre poète, au cours de l’été 1909, remit un recueil
d’une trentaine de poèmes en lui laissant le soin de trouver un éditeur, mais les tentatives de
son ami d’intéresser la Vienne littéraire à son œuvre n’aboutirent que partiellement, grâce
notamment au critique Hermann Bahr qui fit publier dans le Neue Wiener Journal du 17
octobre 1909 trois poèmes du recueil : Einer Vorübergehenden / « À une passante » (GT/I, p.
255), Vollendung / « Accomplissement » (GT/I, p. 251) et Andacht / « Recueillement » (GT/I, p.
221). C’était la première fois que le nom de Georg Trakl apparaissait ailleurs qu’à Salzbourg
où cette publication ne passa pas inaperçu. Une semaine plus tard, le Salzburger Volksblatt
publia à son tour les trois poèmes en saluant le talent de leur auteur et son « aspiration vers un
but lointain, beau, […] fort éloigné de ce monde gris, matérialiste25
». N’invite-t-il pas dans
l’un à être comme sont les fleurs, « aussi pauvres […], aussi beaux et joyeux » ?
Soyons comme sont les fleurs,
Aussi pauvres, mon frère, aussi beaux et joyeux !
Laß sein uns, wie die Blumen sind,
So arm, mein Bruder, so schön und froh!
(Vollendung, GT/I, p. 251)
De ces trois poèmes du recueil de 1909 « À une passante » a sans doute eu la
préférence des lecteurs de l’époque :
Un jour en passant j’ai
Vu un visage accablé de douleur,
Il me parut profondément, intimement proche,
Envoyé par Dieu –
Il passa et il disparut.
Un jour en passant j’ai
Vu un visage accablé de douleur,
Il m’a ensorcelé,
Comme si j’avais reconnu celle,
Qu’en rêve j’ai un jour appelé bien-aimée
Dans une vie depuis longtemps disparue.
Ich hab’ einst im Vorübergehn
Ein schmerzenreiches Antlitz gesehn,
Das schien mir tief und heimlich verwandt,
So gottgesandt –
Und ging vorüber und entschwand.
Ich hab’ einst im Vorübergehn
Ein schmerzenreiches Antlitz gesehn,
Das hat mich gebannt,
Als hätte ich eine wiedererkannt,
Die träumend ich einst Geliebte genannt
In einem Dasein, das längst entschwand.
(Einer Vorübergehenden, GT/I, p. 255)
16
Le 18 juin 1910, Tobias Trakl mourut à l’âge de 74 ans. Nous avons cité plus haut à
propos du père de Georg Trakl un texte en prose datant du début de l’année 1914, Traum und
Umnachtung, qui nous éclaire sur ce que la famille éprouva : « Ô, comme la maison était
silencieuse, quand le père s’en alla dans l’obscurité. » Mais il faut aller plus loin dans notre
lecture :
…l’ombre du mort entra dans le cercle des siens en deuil et son pas cristallin résonna sur la
prairie verdoyante devant la forêt. Ne disant mot, ceux-là s’assemblèrent à la table ; rendant
l’âme, de leurs mains cireuses ils rompirent le pain qui saignait. Douleur des yeux pierreux de
la sœur, quand pendant le repas sa folie parvint au front nocturne du frère, quand sous les
mains souffrantes de la mère le pain devint pierre.
…trat […] der Schatten des Toten in den trauernden Kreis der Seinen und es klang kristallen sein
Schritt über die grünende Wiese vorm Wald. Schweigende versammelten sich jene am Tisch ; Sterbende
brachen sie mit wächsernen Händen das Brot, das blutende. Weh der steinernen Augen der Schwester,
da beim Mahle ihr Wahnsinn auf die nächtige Stirne des Bruders trat, der Mutter unter leidenden
Händen das Brot zu Stein ward.
(Traum und Umnachtung, GT/I, p. 150)
Salzbourg, cimetière Saint-Pierre
La mort est comme omniprésente dans l’œuvre de Georg Trakl, et tout un vocabulaire
à laquelle elle est associée tel que le mot Verwesung (« décomposition »). « L’âme chanta la
mort, la décomposition verte de la chair », peut-on lire dans An einem Frühverstorbenen / « À
un jeune mort » (GT/I, p. 117), l’un des poèmes dont le titre indique que la mort en est le thème.
Citons encore Nähe des Todes / « Proximité de la mort » (GT/I, p.57), Siebengesang des Todes /
« Septuor de la mort » (GT/I, p. 126) et Auf den Tod einer alten Frau / « Sur la mort d’une
vieille femme » (GT/I, p. 239). De la mort, il évoque ailleurs l’« heure », comme dans Amen
(GT/I, p. 58), les « frissons d’or » dans Anif (GT/I, p. 114), les « images pures » dans Die schöne
17
Stadt (GT/I, p. 23), l’« obscurité grave » dans Melancholie (GT/I, p. 35) ou les « fleurs blêmes »
comme dans ce poème où les familiers de Salzbourg reconnaîtront le cimetière Saint-Pierre :
Il y a alentour une solitude rocheuse. Les fleurs blêmes de la mort frissonnent
Sur des tombes qui se désolent dans l’obscurité –
Mais cette désolation est sans mal.
Le ciel en silence caresse d’un sourire
Ce jardin enfermé en son rêve,
Où des pèlerins silencieux attendent.
La croix veille sur chaque tombe.
L’église s’élève comme une prière
Devant une image d’éternelles grâces,
Il y a des lumières qui brûlent sous les arcades,
Qui muettes supplient pour de pauvres âmes –
Pendant ce temps les arbres fleurissent à la nuit,
Pour que le visage de la mort se drape
Dans la plénitude scintillante de leur beauté,
Qui fait rêver les morts plus profondément.
Ringsum ist Felseneinsamkeit.
Des Todes bleiche Blumen schauern
Auf Gräbern, die im Dunkel trauern –
Doch diese Trauer hat kein Leid.
Der Himmel lächelt still herab
In diesen traumverschlossenen Garten,
Wo stille Pilger seiner warten.
Es wacht das Kreuz auf jedem Grab.
Die Kirche ragt wie ein Gebet
Vor einem Bilde ewiger Gnaden,
Manch Licht brennt unter den Arkaden,
Das stumm für arme Seelen fleht –
Indes die Bäume blüh’n zur Nacht,
Daß sich des Todes Antlitz hülle
In ihrer Schönheit schimmernde Fülle,
Die Tote tiefer träumen macht.
(St.-Peters-Friedhof, GT/I, p. 179)
Après avoir obtenu le 21 juillet 1910 son Magisterdiplom
26, Georg Trakl passa l’été à
Salzbourg. Dans quel état d’esprit se trouvait-il ? Sa correspondance avec Erhard Buschbeck
permet d’en avoir une idée. Une lettre, écrite entre le 9 et le 15 juillet, témoigne d’un certain
découragement : « En ce qui concerne mes poèmes, que tu as envoyés au Merker, je ne suis
plus intéressé par ce qu’il adviendra d’eux. […] Non, mes affaires ne m’intéressent plus. » Et
il ajoute : « Je suis tout seul à Vienne.27
» Dans une autre lettre de la même époque, il relate
un incident – le plagiat de l’un de ses poèmes par le journaliste Ludwig Ullmann – qui l’a
« plus que péniblement touché28
». Ce même Ludwig Ullmann, comme le révèle une lettre
écrite peu de temps avant son départ pour Salzbourg, l’aurait recommandé à Stefan Zweig :
18
« Que Monsieur U. ait recommandé mes travaux à St. Zweig, je le remercie29
». Il ne semble
pas que ce dernier se soit manifesté. Dans cette même lettre, Georg Trakl s’écrie : « Quelle
vie déchirée vide de sens on mène donc !30
»
Le 1er
octobre 1910, Georg Trakl reprit le chemin de Vienne pour effectuer une année
de service militaire comme « pharmacien volontaire ». Il n’en attendait rien, sinon la fin –
trouvant de fait regrettable « qu’à cette occasion [son] derrière est le seul à être éreinté31
»,
mais il mit à profit son temps libre pour fréquenter la jeune Akademische Verband für
Literatur und Musik, fondée en 1908, dont la revue Der Ruf publiera quelques uns de ses
poèmes comme Heiterer Frühling (« Printemps serein ») dans lequel il évoque, entre autres
images, un soldat qui chante « sa chanson triste » (GT/I, p. 49). Dans une lettre à Erhard
Buschbeck du 27 juin 1911, ne compare-t-il pas la tristesse de son cœur (schwer betrübt ist
mein Herz) aux nuages « qui depuis hier recouvrent la ville de Vienne32
» ? Son service
militaire s’acheva le 30 septembre 1911. Face à son avenir, Georg Trakl prit conscience de
l’incompatibilité de mener une existence à la fois professionnelle et littéraire. De retour à
Salzbourg, la dépression le saisit. Dans une lettre à Irene Amtmann, une amie viennoise que
Ludwig Ullmann épousera en 1915, il écrit qu’il « vagabonde » toute la journée dans les bois
et par les rues « dans des quartiers tristes et déserts » ou « traîne » le long de la Salzach, et que
regarder les mouettes est encore ce qui donne le plus d’entrain à sa « flemme »33
. Comptant
sur un emploi de pharmacien militaire, il retrouva, en attendant, la pharmacie « À l’ange
blanc », mais pour peu de temps. Il participa pendant cette période aux réunions de
l’association littéraire et artistique salzbourgeoise Pan dont les membres se retrouvaient au
Roter Krebs. Et, bien entendu, il lisait. Arthur Rimbaud semble à cette époque l’avoir
spécialement marqué, à en juger par l’influence que le poète du Bateau ivre exerça sur son
œuvre à partir de 1912. Un poème comme Psalm (« Psaume ») – écrit cette année-là – en est
un bel exemple :
Il y a un bateau vide qui le soir descend le noir canal. Es ist ein leeres Boot, das am Abend den schwarzen Kanal heruntertreibt.
(Psalm 2. Fassung, GT/I, p. 56)
« Combien de temps devrai-je encore demeurer dans cette maudite ville ?34
», aurait-il
écrit au fidèle Erhard Buschbeck à la fin du mois de janvier 1912. On n’est pas sûr de la date
de cette lettre dans laquelle il dit aussi qu’il « brûle d’impatience et de fureur contre [lui]-
même35
». Quoiqu’il en soit, le 1er avril 1912, Georg Trakl prit son service à l’hôpital de
garnison d’Innsbruck où il avait été affecté pour une période de six mois. Il ne tarda pas à
écrire à Erhard Buschbeck qu’il ne s’était jamais imaginé devoir vivre « dans la ville la plus
grossière et la plus ordinaire qui existe dans ce monde maudit36
». Et quelques jours plus tard,
il renchérira : « Je ne crois pas que je pourrais rencontrer ici quelqu’un qui me plaise, et la
ville comme la région, j’en suis sûr, me dégoûteront toujours.37
» Une conclusion s’imposa à
lui : « Je resterai finalement toujours un pauvre Kaspar Hauser.38
» Un pauvre Kaspar Hauser
que l’écrivain Robert Müller mit en relation avec la revue Der Brenner que dirigeait à
Innsbruck Ludwig von Ficker. Un premier poème, Vorstadt im Föhn (« Faubourg sous le
foehn »), parut dans le numéro du 1er
mai 1912.
Et un égout cracha soudainement un sang graisseux
De l’abattoir dans la rivière tranquille.
Und ein Kanal speit plötzlich feistes Blut
Vom Schlachthaus in den stillen Fluß hinunter.
(Vorstadt im Föhn, GT/I, p. 51)
19
Au cours de l’été 1912, Georg Trakl fit la rencontre à Innsbruck de Karl Kraus, une
figure viennoise de la littérature autrichienne, dont en 1913 il brossera le portrait en quatre
vers :
Grand prêtre blanc de la vérité,
Voix de cristal que le souffle glacé de Dieu habite,
Mage en colère,
Sous le manteau flamboyant duquel cliquette la cuirasse bleue du guerrier.
Weißer Hohepriester der Wahrheit,
Kristallne Stimme, in der Gottes eisiger Odem wohnt,
Zürnender Magier,
Dem unter flammendem Mantel der blaue Panzer des Kriegers klirrt.
(Karl Kraus, GT/I, p. 123)
Sa mission achevée, une vie d’errance débuta pour Georg Trakl. Il passa Noël à
Salzbourg avant de partir pour Vienne où l’attendait un emploi dont il démissionna aussitôt. Il
retourna à Innsbruck où Ludwig von Ficker l’accueillit chez lui. En février 1913, il était de
nouveau à Salzbourg. Une lettre à Karl Borromaeus Heinrich, qu’il espérait accueillir
prochainement à Salzbourg, en dit long sur son état d’esprit : « Combien sombre est cette
ville en décomposition pleine d’églises et d’images de la mort39
. » La seule perspective qui
s’offrait alors à lui, comme il l’écrivit à Ludwig von Ficker, était celle d’un « avenir
ridiculement incertain40
». Et Erhard Buschbeck reçut de sa part à la fin de ce même mois de
février 1913 l’information que « les dernières semaines ont été de nouveau une chaîne de
maladie et de désespoir41
». De plus, sa situation financière était précaire, l’obligeant à
emprunter de l’argent. Il sollicita Erhard Bushbeck : « Je te demande instamment de me prêter
encore 50 couronnes42
. » Après un séjour à Igls au château de Hohenburg, propriété de la
famille von Ficker, Georg Trakl retourna en juillet à Vienne pour occuper un poste dont il
démissionna aussitôt. Adolf Loos, avec lequel il était en relation, l’invita à l’accompagner à
Venise, ce qui, à en juger par le ton de la lettre qu’il adressa le 15 juillet à Erhard Buschbeck,
lui mit du baume dans le cœur : « Cher ! La terre est ronde. Je déboule samedi à Venise.
Toujours plus loin – jusqu’aux étoiles43
. »
Après son retour de Venise au début du mois de septembre 1913, Georg Trakl
séjourna deux mois à Innsbruck. On peut à partir d’un seul vers d’un poème de cette époque,
Sebastian im Traum (« Sébastien en rêve »), imaginer la détresse matérielle et morale dans
laquelle il se trouvait : « …une sombre folie tombait en frissons du front du dormeur » (GT/I, p.
90). De fait, il n’allait pas bien, et entre deux absorptions de Véronal, il se réfugiait dans
l’alcool : « J’ai ces derniers temps avalé une mer de vin, de schnaps et de bière.44
» Ce même
12 novembre 1913, où il faisait cette confidence à Ludwig von Ficker, il demandait au frère
de ce dernier, le musicologue Rudolf von Ficker, de lui prêter 40 couronnes, se trouvant
« dans une situation très misérable45
». Le 30 novembre, Georg Trakl était de nouveau à
Innsbruck après avoir passé quelque temps à Vienne.
En mars 1914, Georg Trakl reçut de mauvaises nouvelles de sa sœur Grete au chevet
de laquelle il se précipita à Berlin d’où il écrivit à Karl Borromaeus Heinrich : « Ma sœur a il
y a quelques jours fait une fausse couche […]. Son état est si préoccupant […] qu’il n’est pas
pensable qu’elle vienne à Innsbruck.46
» Il prolongea donc son séjour à Berlin où il rencontra
la poétesse Else Lasker-Schüler. Il lui dédia son poème Abendland (« Occident ») qui parut le
1er
mai dans la revue Der Brenner créée à Innsbruck en 1910 par Ludwig von Ficker. Rentré
entre temps à Innsbruck, il tenta quelques démarches pour trouver du travail, notamment
auprès de l’administration coloniale des Pays-Bas, pensant qu’un poste de pharmacien
20
pourrait lui être proposé. Ce fut alors qu’en juillet, Ludwig von Ficker, ami et éditeur du
poète, reçut une lettre de Ludwig Wittgenstein, qui n’était pas encore l’auteur du Tractatus
logico-philosophicus, lui proposant la coquette somme de 100 000 couronnes à partager entre
des artistes et littérateurs autrichiens dont les moyens étaient faibles. Ficker pensa, bien sûr, à
Georg Trakl, mais aussi à Oskar Kokoschka. Il s’en entretint à Vienne avec le généreux
donateur, mais à son retour à Innsbruck, le 28 juillet, l’Autriche-Hongrie avait déjà déclaré la
guerre à la Serbie. Alors que l’existence matérielle de Georg Trakl était assurée pour
plusieurs années, les circonstances décidèrent autrement de son destin dont il semble dans un
poème composé au cours du d’août 1914, Im Osten (« À l’est »), avoir eu la prémonition :
La nuit fait signe aux soldats qui meurent.
Dans l’ombre du frêne automnal
Soupirent les esprits de ceux qu’on abat.
Winkt sterbenden Soldaten die Nacht.
Im Schatten der herbstlichen Esche
Seufzen die Geister der Erschlagenen.
(Im Osten, GT/I, p. 165)
21
NOTES
1. Romain Rolland – Stefan Zweig, Correspondance 1910-1919, édition établie, présentée et annotée
par Jean-Yves Brancy, traduction des lettres allemandes par Siegrun Barat, Albin Michel, 2014, p.
185.
2. Alfred Kubin, Ma vie, traduit de l’allemand par Christophe David, Éditions Alia, 2015, p. 83.
3. Thomas de Quincey, Œuvres, édition publiée sous la direction de Pascal Aquien, « Bibliothèque de
la Pléiade », Éditions Gallimard, 2011, p. 25.
4. Cité par Hans Weichselbaum, Georg Trakl, Otto Müller Verlag, Salzbourg, 1994.
5. GT/II, p. 656.
6. Cité par Hans Weichselbaum, Georg Trakl, op. cit., p. 41.
7. Cité par Hans Weichselbaum, Georg Trakl, op. cit., p. 45.
8. An Karl von Kalmár. GT/I, p. 469.
9. GT/II, p. 518.
10. GT/II, p. 511.
11. GT/II, p. 514.
12. GT/II, p. 517
13. GT/I, p. 189-192.
14. Gedichte von Paul Verlaine: eine Anthologie der besten Übertragungen, Schuster & Löffler, 1902.
15. Stefan Zweig, Paul Verlaine, traduit de l’allemand par Corinna Gepner, édition présentée par
Olivier Philipponnat, Le Castor Astral, 2015.
16. Écrits de et sur Kaspar Hauser, traduit de l’allemand par Jean Torrent et Luc Meichler, Christian
Bourgois Éditeur, 2003.
17. Stefan Zweig, Le Monde d’hier, Romans, nouvelles et récits II, édition publiée sous la direction de
Jean-Pierre Lefebvre, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 2013, p. 871-872.
18. An Maria Geipel. GT/I, p. 472.
19. An Maria Geipel. GT/I, p. 473.
20. An Ludwig von Ficker. GT/I, p. 528.
21. Franz Zeis an Valerie Petter. GT/II, p. 713-714.
22. Stefan Zweig, Le Monde d’hier, op. cit., p. 872-873.
23. Hans Weichselbaum, Georg Trakl, op. cit., p. 77.
24. An Hermine von Rauterberg. GT/I, p. 472.
25. Cité par Hans Weichselbaum, Georg Trakl, op. cit., p. 79.
26. GT/II, p. 663-664.
27. An Erhard Buschbeck. GT/I, p. 477.
28. An Erhard Buschbeck. GT/I, p. 478.
29. An Erhard Buschbeck. GT/I, p. 479.
30. An Erhard Buschbeck. GT/I, p. 479.
31. An Friedrich Trakl. GT/I, p. 481.
32. An Erhard Buschbeck. GT/I, p. 482.
33. An Irene Amtmann. GT/I, p. 551.
34. An Erhard Buschbeck. GT/I, p. 549.
35. An Erhard Buschbeck. GT/I, p. 550.
36. An Erhard Buschbeck. GT/I, p. 487.
37. An Erhard Buschbeck. GT/I, p. 488.
38. An Erhard Buschbeck. GT/I, p. 487.
39. An Karl Borromaeus Heinrich. GT/I, p. 503.
40. An Ludwig von Ficker. GT/I, p. 504.
41. An Erhard Buschbeck. GT/I, p. 504.
42. An Erhard Buschbeck. GT/I, p. 508.
43. An Erhard Buschbeck. GT/I, p. 523.
44. An Ludwig von Ficker. GT/I, p. 527.
45. An Rudolf von Ficker. GT/I, p. 527.
46. An Karl Borromaeus Heinrich. GT/I, p. 533.
22
Dominique Hoizey Né en 1944. Philosophe, germaniste et sinologue, a publié des traductions de poètes
chinois, en particulier de Li Bai (Parmi les nuages et les pins, Arfuyen, 1984 – Sur notre terre exilé, La
Différence, 1990), ainsi qu’un florilège du Shijing (Le Livre des poèmes, La Différence, 1994). A également
traduit des contes chinois publiés aux Éditions L’Arbre (Dans la gueule du tigre, 1985 – Le laurier de la lune,
1987 – Le serpent blanc, 1988). Son Histoire de la médecine chinoise (Payot, 1988), écrite en collaboration avec
son épouse, Marie-Joseph Hoizey, a été traduite en italien et en anglais. Un petit livre sur la littérature à Reims,
Reims entre les lignes (Messene, 1995), témoigne de son attachement à sa ville d’adoption. Il a publié de
nombreux articles, produit des émissions radiophoniques et donné des conférences dans des domaines aussi
divers que la civilisation chinoise, les littératures européennes, notamment germaniques et anglo-saxonnes, ou
l’histoire de la musique.
Dominique Hoizey en 1995
Photo Gérard Peron.
© Dominique Hoizey et Le Chat Murr ISSN 2431-1979
http://lechatmurr.eklablog.com/