Un coup de dés jamais n'abolira le hasard
Transcript of Un coup de dés jamais n'abolira le hasard
POÈME
Un coup de Dés jamais n’abolira le Hasard
par
Stéphane Mallarmé
Dessin de Catherine Belœil
Stéphane Mallarmé
Un coup de désjamais n’abolira
le hasard
UN COUP DE DÉS
JAMAIS
QUAND BIEN MÊME LANCÉ DANS DES CIRCONSTANCES ÉTERNELLES
DU FOND D’UN NAUFRAGE
SOITque
l’Abîme
blanchiétale
furieux
sous une inclinaisonplane désespérément
d’aile
la sienne
par
avance retombée d’un mal à dresser le volet couvrant les jaillissements
coupant au ras les bonds
très à l’intérieur résume
l’ombre enfouie dans la profondeur par cette voile alternative
jusqu’adapterà l’envergure
sa béante profondeur en tant que la coqued’un bâtiment
penché de l’un ou l’autre bord
LE MAÎTRE
surgiinférant
de cette conflagration
que se
comme on menace
l’unique Nombre qui ne peut pas
hésitecadavre par le bras
plutôtque de jouer
en maniaque chenula partie
au nom des flots
un
naufrage cela
hors d’anciens calculsoù la manoeuvre avec l’âge oubliée
jadis il empoignait la barre
à ses piedsde l’horizon unanime
prépares’agite et mêle
au poing qui l’étreindraitun destin et les vents
être un autre
Espritpour le jeter
dans la tempêteen reployer la division et passer fier
écarté du secret qu’il détient
envahit le chefcoule en barbe soumise
direct de l’homme
sans nefn’importe
où vaine
ancestralement à n’ouvrir pas la maincrispée
par delà l’inutile tête
legs en la disparition
à quelqu’unambigu
l’ultérieur démon immémorial
ayantde contrées nulles
induitle vieillard vers cette conjonction suprême avec la probabilité
celuison ombre puérile
caressée et polie et rendue et lavéeassouplie par la vague et soustraite
aux durs os perdus entre les ais
néd’un ébat
la mer par l’aïeul tentant ou l’aïeul contre la merune chance oiseuse
Fiançaillesdont
le voile d’illusion rejailli leur hantiseainsi que le fantôme d’un geste
chancelleras’affalera
folie
N’ABOLIRA
COMME SI
Une insinuation
au silence
dans quelque proche
voltige
simple
enroulée avec ironieou
le mystèreprécipité
hurlé
tourbillon d’hilarité et d’horreur
autour du gouffresans le joncher
ni fuir
et en berce le vierge indice
COMME SI
plume solitaire éperdue
sauf
que la rencontre ou l’effleure une toque de minuitet immobilise
au velours chiffonné par un esclaffement sombre
cette blancheur rigide
dérisoireen opposition au ciel
troppour ne pas marquer
exigümentquiconque
prince amer de l’écueil
s’en coiffe comme de l’héroïqueirrésistible mais contenu
par sa petite raison virile
en foudre
soucieuxexpiatoire et pubère
muet
La lucide et seigneuriale aigretteau front invisible
scintillepuis ombrage
une stature mignonne ténébreuseen sa torsion de sirène
par d’impatientes squames ultimes
rire
que
SI
de vertige
debout
le tempsde souffleter
bifurquées
un roc
faux manoirtout de suite
évaporé en brumes
qui imposaune borne à l’infini
C’ÉTAITissu stellaire
CE SERAITpire
nondavantage ni moins
indifféremment mais autant
LE NOMBRE
EXISTÂT-ILautrement qu’hallucination éparse d’agonie
COMMENÇÂT-IL ET CESSÂT-ILsourdant que nié et clos quand apparu
enfinpar quelque profusion répandue en rareté
SE CHIFFRÂT-IL
évidence de la somme pour peu qu’une
ILLUMINÂT-IL
LE HASARDChoit
la plumerythmique suspens du sinistre
s’enseveliraux écumes originelles
naguères d’où sursauta son délire jusqu’à une cimeflétrie
par la neutralité identique du gouffre
RIEN
de la mémorable criseou se fût
l’événement
accompli en vue de tout résultat nulhumain
N’AURA EU LIEUune élévation ordinaire verse l’absence
QUE LE LIEUinférieur clapotis quelconque comme pour disperser l’acte vide
abruptement qui sinonpar son mensonge
eût fondéla perdition
dans ces paragesdu vague
en quoi toute réalité se dissout
EXCEPTÉà l’altitude
PEUT-ÊTREaussi loin qu’un endroit
fusionne avec au delà
hors l’intérêtquant à lui signalé
en généralselon telle obliquité par telle déclivité
de feux
versce doit être
le Septentrion aussi Nord
UNE CONSTELLATION
froide d’oubli et de désuétudepas tant
qu’elle n’énumèresur quelque surface vacante et supérieure
le heurt successifsidéralement
d’un compte total en formation
veillantdoutant
roulantbrillant et méditant
avant de s’arrêterà quelque pont dernier qui le sacre
Toute Pensée émet un Coup de Dés
La présente édition du Coup de dés aété typographiée du 11 au 16 mars 2012 par Alain Hurtig — en Didot (Hoefler & Frere-Jones) corps 9, 11, 14, 18 et 36.
Ce travail est placé sous licenceCreative Commons (BY–NC–SA).
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