Un conte de Jean-François Munoz,directeur du laboratoire d’hydrologie de l’Anses

et de Pascaline Desclair

Illustrations de Julien Vigneron

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a reine ToutannO régnait sur le fabuleux monde de l’eau. Divinité au même titre que le Soleil,

la Terre et le Vent, elle était aussi douce qu’une pluie d’été, claire comme un ruisseau de montagne et sa voix était aussi cristalline qu’une harpe.

Son territoire était immense, les rivières, les mers, les océans…

Hélas, dans ce joli monde, rempli de mille et une surprises, elle n’était pas heureuse...

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Depuis quelques temps, elle était triste car elle souhaitait plus que tout au monde avoir des enfants. Alors un jour, elle implora ToukéchO, le dieu du Soleil, afin que celui-ci lui vint en aide. Et c’est ce qu’il fit.

ToukéchO se mit à briller si fort qu’une partie de l’eau de la mer s’éleva dans le ciel pour former un beau nuage.

Une pluie fine se mit à tomber sur le royaume de ToutannO. Un grand arc-en-ciel apparut et fit naître deux petites gouttes de pluie, qui allèrent se poser sur le visage de ToutannO.

ToukéchO apprit alors à ToutannO que ces deux petites perles de pluie, en tout point identiques, étaient désormais ses filles  : Naïa et Néréïa.

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Au comble du bonheur, ToutannO souhaita faire connaître à ses deux filles de la pluie tous les secrets de son royaume, et leur apprendre à le respecter

et à l’aimer.

Pour souhaiter la bienvenue à Naïa et Néréïa, ToutannO fit pleuvoir quelques averses bienfaitrices qui remplirent encore le ciel de quelques arcs-en-ciel du plus bel effet.

Tout allait bien jusqu’au jour où le dieu du vent, VirvolO, méchant et jaloux, fit abattre une tempête

sur le monde de l’eau. ToutannO essaya en vain de protéger ses filles mais celles-ci furent

emportées dans une gigantesque tornade. Elles se retrouvèrent projetées sur une montagne mais chacune sur une pente différente.

Séparées, elles vécurent alors, chacune de leur côté, d’incroyables aventures.

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Naïa tomba en plein milieu d’une forêt, rebondissant d’arbre en arbre, de feuille en feuille. Tout délicatement, elle vint se poser sur la mousse du sol, à côté de magnifiques champignons. Elle rejoignit un ruisseau de montagne qui prenait sa source sur ce versant, et se laissa porter par le courant. Se faufilant entre les arbres et les rochers, Naïa fit la connaissance des petits animaux qui peuplaient ce ruisseau : des écrevisses qui décampaient de leur cachette sous les cailloux, des truites, couleur arc-en-ciel, qui sautillaient entre les trous d’eau.

Tout se passait pour le mieux lorsque subitement, elle fut emportée dans les airs par une cascade bouillonnante. Elle plana longuement et plongea dans un lac de montagne.

L’eau y était transparente comme du cristal et laissait entrevoir de multiples petits poissons qui venaient tout juste de sortir de leurs œufs et qui envahissaient le bord du lac.

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Néréïa, quant à elle, se retrouva de l’autre côté de la montagne ; dans un autre pays, où la nature n’est pas aimée, où la nature n’est pas protégée. Le sol sur lequel elle tomba était un sol sans arbre, sans mousse, ni herbe pour l’arrêter. Même les animaux s’étaient enfuis de ce pays. Quelle tristesse !

C’est alors que, malgré elle, elle fut entraînée violemment sur une pente abrupte, une piste entourée de pylônes, elle glissa, glissa et la voilà coincée dans un grand réservoir d’eau en béton. Rien ne poussait dans ce bassin, pas l’ombre d’une grenouille, pas un seul poisson, juste quelques sangsues… Elle était piégée. Elle avait peur. Comment sortir de cet endroit ? L’orage continuait de gronder et le niveau de l’eau ne cessait de monter.

Après plusieurs heures d’une attente interminable dans ce bassin, elle réussit enfin à s’échapper grâce à l’eau qui débordait, qui débordait... Elle fut à nouveau bousculée de droite et de gauche, emportée dans un tuyau sombre pour enfin rejoindre une grosse rivière aux abords lisses et bétonnés.

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Elle y circulait à toute vitesse. Elle eut tout juste le temps de voir un panneau où il était marqué « Baignade interdite ». Tout allait trop vite, beaucoup trop vite. Elle aurait tant aimé retrouver sa sœur…

Pendant ce temps là, Naïa se prélassait dans un lac, allongée sur une feuille de chêne qui passait par là. S’approchant du bord de l’eau, elle entendit des voix d’enfants qui jouaient, criaient et rigolaient en barbotant dans l’eau.

La baignade était un moment magique pour ces enfants ; l’eau était si bonne, si fraîche. A chaque fois que les enfants sautaient, l’eau vibrait et formait de grands cercles, qui grandissaient de plus en plus.

Naïa, sur sa feuille, ne remarqua pas qu’une jeune enfant s’approchait d’elle, toute souriante. La petite fille l’attrapa dans une boîte étrange. Pendant un court instant, elle se retrouva enfermée ; à droite, à gauche, tout droit et, d’un seul coup,

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ce fut l’explosion : la voilà projetée à toute allure contre un enfant qui passait par là sur son canoë. Elle se retourna pour voir le visage d’une petite fille qui éclatait de rire ; elle tenait dans sa main un pistolet à eau…Naïa se sentait bien dans ce lac où règnaient la joie et la bonne humeur. Tout doucement, elle quitta le plan d’eau en accompagnant le petit garçon sur son canoë.

Néréïa, de son côté, poursuivit son parcours dans cette rivière et elle y croisa peu de poissons, pas de nénuphar. La rivière dégageait une mauvaise odeur.

Néréïa aurait tant aimé retrouver sa mère et sa sœur dans leur océan.

Elle traversa une ville où la rivière était détournée vers un canal qui rentrait dans une usine. Les grandes cheminées

de l’usine soufflaient des fumées noires. Néréïa fut transportée dans des

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machines chauffantes pour les refroidir. La chaleur était insupportable.

Puis, Néréïa fut propulsée dans un bassin qui ne contenait que de l’eau sale et noire. Elle passa plusieurs jours à espérer trouver une sortie pour fuir cette eau stagnante. Finalement, une nuit, l’usine rejetta ses eaux sales dans la rivière et Néréïa, inquiète, poursuivit alors son chemin.

Naïa, elle, réussit à quitter le canoë au moment où le petit garçon s’engageait avec d’autres embarcations dans les rapides. Elle se laissa dériver au fil de l’eau. Sans s’en rendre compte, elle s’infiltra dans le sable de la rivière, pour rejoindre un lac souterrain.

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Le silence de ce nouveau monde la rassura. Tout y était tranquille, avec de magnifiques ornements. On entendait uniquement le bruit de l’eau qui résonnait, en goutte à goutte.

Naïa se laissait porter, admirant d’étonnantes petites crevettes toutes blanches. L’eau était si limpide qu’elle avait l’impression de flotter dans les airs, et ainsi, elle s’endormit.

Quand elle se réveilla, elle avait parcouru un très long chemin. Un long tuyau l’avait aspirée. C’était en réalité une canalisation qui allait chercher l’eau profondément dans le sol, pour apporter de l’eau propre au robinet d’une maison.

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Et ce matin-là, elle se retrouva dans une carafe d’eau, posée sur la table d’une cuisine. C’était vraiment très drôle de pouvoir nager dans cette eau si pure.

En regardant au travers de cette carafe, tout était déformé. Les personnes qui habitaient cette maison, paraissaient toutes avoir un gros nez, des oreilles gigantesques. Naïa se dit qu’elle aimait beaucoup cet endroit.

Pendant ce temps-là, sa sœur Néréïa, elle aussi, poursuivait son chemin sur son fleuve large, brunâtre et malodorant. Et à son tour, elle fut aspirée par un gros tuyau, en direction d’une usine de traitement où l’on produisait de l’eau propre.

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Elle traversa des grilles, des bacs de sable, des tuyaux si fins et serrés qu’elle-même ne pouvait pas passer ; la voilà à nouveau rejetée dans un bassin d’eau sale. Elle était si épuisée, elle regrettait tellement la tranquillité et la paix de son océan.

Naïa, quant à elle, rencontrait beaucoup de monde et s’était finalement installée dans une sorte de bassin où elle avait sympathisé avec les poissons. Elle leur raconta son histoire et leur expliqua qu’il fallait absolument rechercher sa sœur. Les poissons dans cet aquarium savaient ce qu’il fallait faire. Quelques jours plus tard, le grand départ fut annoncé. Ils l’emmèneraient vers l’océan.

ToukéchO, le grand esprit du Soleil, voulait aider ToutannO à retrouver ses deux petites filles. Il réchauffa alors l’océan de Naïa, le bassin de Néréïa, et les deux petites gouttes s’élevèrent dans le ciel.Par chance, elles se retrouvèrent dans le même nuage et finirent par se reconnaître malgré les épreuves qu’elles avaient traversées.

Elles se racontèrent chacune à leur tour leurs aventures. Naïa était toujours aussi mignonne et soignée car son périple avait été joyeux et propre, tandis que Néréïa

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était sale et bien triste à cause de son parcours dans des eaux troubles et polluées. Mais désormais, elles étaient à nouveau réunies.

Toutes légères dans ce nuage soyeux, elles arrivèrent enfin au royaume de leur mère. Les deux petites filles de la pluie et du soleil lui racontèrent alors, chacune leur tour, leurs péripéties.

ToutannO, la déesse du monde de l’eau, touchée par le récit de Naïa et Neréïa, fut attristée par ces hommes qui ne prenaient plus soin de la nature.

Elle décida qu’à chaque fois qu’une perle d’eau toucherait un océan, un lac, une rivière, ou une petite flaque, un message serait aussitôt envoyé à l’Homme par les vagues, les tourbillons et les clapotis...

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Presque inaudible, caressant à peine les oreilles humaines, cette douce mélodie installerait dans le cœur des Hommes, l’envie de prendre soin de cette eau fragile et vulnérable qui leur était offerte ; de la protéger, de la préserver et de l’embellir. ToutannO décida alors d’organiser une fête mémorable de plusieurs jours, pour le retour de ces deux petites perles d’eau ; et pour le message que délivreront désormais toutes les gouttes d’eau qui tomberont sur la Terre.

Rires et bonheur règnèrent alors au royaume de ToutannO.

Mais ces instants de joie furent écourtés par la jalousie de VirvolO, le dieu du vent. Il lanca, dans sa grande furie, un ouragan qui se déchaîna sur le monde de l’eau. Nos deux sœurs jumelles furent projetées dans les montagnes et séparées une nouvelle fois.

Mais, chose incroyable, l’inverse se produisit  : Néréïa se retrouva du bon côté

de la montagne et Naïa, du mauvais côté...

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Mais, cette fois-ci, les choses ne se passèrent pas comme la première fois, car Naïa et Néréïa partaient avec un nouveau pouvoir : celui de transmettre au cœur des hommes la valeur de l’eau et la nécessité de protéger les rivières, les mers et les océans. A chaque pluie, ferme les yeux et pense à Naïa et Néréïa. Elles seront peut-être cachées parmi les milliers de gouttes d’eau qui tomberont du ciel et alors, en les voyant tomber, tu pourras imaginer leurs nouvelles aventures...

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Est-ce que toi aussi, tu fais attention à l’eau ?

Dans la vie de tous les jours, tu peux toi aussi, grâce à des gestes simples, aider Naïa et Néréïa à préserver l’eau, à la garder propre, à ne pas la gaspiller.

L’eau est indispensable à tous les êtres vivants, hommes, animaux, végétaux…

Ton corps contient 65 % d’eau et tu dois en boire plusieurs fois par jour.

La nature sait filtrer l’eau, mais, avant d’arriver à ton robinet, elle passeaussi par des usines de nettoyage.

L’eau suit un cycle, elle revient toujours d’où elle est partie.

Un conte de Jean-François Munoz, directeur du laboratoire d’hydrologie de l’Anses, et de Pascaline Desclair

Avec le concours de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)

Illustrations de Julien VigneronMise en page de Céline LeterqImpression : Bialec

© Anses Editions - Février 2015 ISBN 979-10-286-0055-6

Tout allait bien au royaume de la reine ToutannO, jusqu’au jour où le dieu du vent, VirvolO, méchant et jaloux fit abattre une tempête sur le monde de l’eau.

Les filles de ToutannO, Naïa et Néréïa, furent emportées dans une gigantesque tornade. Elles se retrouvèrent projetées sur une montagne, mais chacune sur une pente différente.

Séparées, elles vécurent alors d’incroyables aventures...

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