ÉTUDE EXPLORATOIRE DU PROCESSUS DE PRISE DE DÉCISION, …
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CAROLINE MALTAIS
ÉTUDE EXPLORATOIRE DU PROCESSUS DE PRISE DE DÉCISION, À TRAVERS DES FACTEURS
QUI L’INFLUENCENT, CHEZ LES PERSONNES AYANT OPTÉ POUR LA TRANSPLANTATION
CARDIAQUE
Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval
dans le cadre du programme de maîtrise en sciences infirmières pour l’obtention du grade de Maître ès sciences (M. Sc.)
FACULTÉ DES SCIENCES INFIRMIÈRES UNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC
2012
© Caroline Maltais, 2012
Résumé
Dans la société contemporaine, les découvertes scientifiques et l’arrivé des
technologies ont amené une augmentation importante des possibilités de
traitements. Ceci a complexifié le processus décisionnel pour le patient dans le
choix d’un traitement. L’objectif principal de cette étude était d’explorer le
processus de prise de décision, à travers les facteurs qui l’influencent, chez des
personnes insuffisantes cardiaques ayant opté pour une transplantation cardiaque.
Cette étude s’appuie sur le modèle de Joane Noone puisqu’il identifie des facteurs
contextuels (environnementaux et personnels) reliés à ce processus. La
méthodologie s’articule autour d’une approche qualitative descriptive. La cueillette
des données s’est effectuée par le biais d’entrevues semi-structurées. Celles-ci ont
été réalisées auprès de huit personnes souffrant d’insuffisance cardiaque et ayant
opté pour la transplantation. Les résultats démontrent que la condition de santé est
le principal déterminant de la prise de décision face au choix de la transplantation
cardiaque. Elle peut prendre deux formes, soit une qualité de vie réduite (relié à
l’évolution de la maladie) ou soit un état physique favorable à la réussite de la
chirurgie. On note également que le « choix » du non-choix est un élément
important de la décision. Enfin, les résultats de cette étude contribueront à une
meilleure connaissance des facteurs reliés au processus décisionnel et
permettront de mieux soutenir les patients dans leurs choix, reflétant ainsi leurs
préférences et leurs valeurs.
ii
Abstract
In the contemporary society, the scientific discoveries and the arrival of the
technologies brought an important increase of the possibilities of treatments. This
complicated the decision-making for the patient in the choice of a treatment. The
main objective of this study was to investigate the process of decision-making,
through the factors which influence it, with cardiac insufficient persons having
opted for a heart transplant. This study leans on the model of Joane Noone
because it identifies contextual factors (environmental and personal) connected
with this process. The methodology articulates around a descriptive qualitative
approach. The data collection was made by means of semi-structured interviews.
The study was realized with eight persons suffering from cardiac insufficiency and
having opted for the transplantation. The results demonstrate that the condition of
health is the main factor of the decision-making in a choice of the heart transplant.
It can take two forms, that is a reduced quality of life (connected with the evolution
of the disease) or a physical state favorable to the success of the surgery. We also
note that the "choice" of the non-choice is an important element of the decision.
Finally, the results of this study will contribute to a better knowledge of factors
connected with the decision-making and will allow to support better the patients in
their choices, so reflecting their preferences and their values.
Avant-Propos
Ce projet de maîtrise en sciences infirmières, débuté il y a quelques années, a été
mené à terme grâce au soutien de plusieurs personnes. Aussi, je souhaite
remercier très sincèrement ma directrice, Docteure Danielle Blondeau. Elle incarne
en pensée et en acte le respect : elle est pour moi un modèle à suivre. Je remercie
l’équipe du centre hospitalier pour leur support et leur efficacité. Je profite de
l’occasion pour souligner la grande passion qui les anime dans leur travail. Je
remercie, également, les personnes ayant participé à cette étude. Leur rencontre
m’a permis de cheminer sur le plan professionnel et personnel.
Le soutien de mes proches a été essentiel à la réussite de ce projet. Merci aux
membres de ma famille (petits et grands), mes amis au Québec et à l’étranger
ainsi qu’à mes collègues de travail. Un merci tout spécial à l’homme qui partage
ma vie depuis plusieurs années pour son soutien, mais surtout pour sa joie de
vivre qui fait tellement de bien dans les périodes plus difficiles.
Finalement, merci au Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport ainsi qu’à
l’Université Laval pour m’avoir sélectionnée comme récipiendaire d’une bourse de
fin d’étude à la maîtrise, édition 2010-2011.
À la mémoire de mon père, de ma mère et du Dr. Paul Poncelet
Si nous savions tout, il n’y aurait plus rien à décider. La difficulté de la décision,
c’est justement de s’engager au-delà du savoir. Pas au hasard, pas n’importe
comment, en s’appuyant sur un savoir qui ne donne aucune certitude absolue.
Seuls ceux qui ne décident jamais peuvent croire que décider c’est savoir.
C’est justement parce que la décision se joue dans l’au-delà du savoir qu’elle
demande du courage. Charles Pépin, philosophe
v
vi
vii
viii
Table des matières
RÉSUMÉ ..................................................................................................................................................... I
ABSTRACT ............................................................................................................................................... II
AVANT-PROPOS .................................................................................................................................... III
TABLE DES MATIÈRES ......................................................................................................................... IX
LISTE DES TABLEAUX ......................................................................................................................... XII
LISTE DES FIGURES ........................................................................................................................... XIII
INTRODUCTION ....................................................................................................................................... 1
CHAPITRE 1. PROBLÉMATIQUE .......................................................................................................... 4
1.1. LE CONTEXTE D’ÉMERGENCE DU CONSENTEMENT AUX SOINS ....................................................... 5 1.2. LE CONSENTEMENT AUX SOINS ET LE PROCESSUS DE PRISE DE DÉCISION ................................. 11 1.3. LE RÔLE DE L’INFIRMIÈRE .............................................................................................................. 12 1.4. LA PERTINENCE DE CETTE RECHERCHE POUR LA PRATIQUE INFIRMIÈRE ..................................... 14
CHAPITRE 2. RECENSION DES ÉCRITS ........................................................................................... 17
2.1. LES FACTEURS QUI INFLUENCENT LA PARTICIPATION DES PATIENTS À LA PRISE DE DÉCISION.... 18 2.1.1. L’information ....................................................................................................................... 18 2.1.2. Les variables sociodémographiques .............................................................................. 19 2.1.3. L’état de santé.................................................................................................................... 21 2.1.4. La relation avec les professionnels ................................................................................. 22 2.1.5. Autres facteurs ................................................................................................................... 23
2.2. LES FACTEURS QUI INFLUENCENT LE PROCESSUS DE PRISE DE DÉCISION .................................. 23 2.2.1. L’information ....................................................................................................................... 24 2.2.2. L’évaluation des avantages et inconvénients des options de traitements ................ 26 2.2.3. Relations interpersonnelles .............................................................................................. 27 2.2.4. Circonstances .................................................................................................................... 28 2.2.5. Attitude, valeurs, croyances ............................................................................................. 28 2.2.6. Capacité d’adaptation ....................................................................................................... 29 2.2.7. Gestion des symptômes ................................................................................................... 29 2.2.8. Expérience antérieure de la maladie et des traitements ............................................. 30 2.2.9. Autres facteurs ................................................................................................................... 31
2.3. LES CADRES THÉORIQUES ............................................................................................................. 32
CHAPITRE 3. LE CADRE DE RÉFÉRENCE ....................................................................................... 36
3.1. PRÉSENTATION DU CADRE DE RÉFÉRENCE ................................................................................... 36 3.1.1. Les antécédents ................................................................................................................ 38 3.1.2. Les facteurs contextuels ................................................................................................... 38 3.1.3. Les attributs ........................................................................................................................ 40 3.1.4. Les conséquences ............................................................................................................ 40
3.2. APPLICATION DU CADRE DE RÉFÉRENCE À LA PRÉSENTE ÉTUDE ................................................. 41
CHAPITRE 4. LA MÉTHODE ................................................................................................................ 44
4.1. LE TYPE D’ÉTUDE ........................................................................................................................... 45
x
4.2. LA POPULATION À L’ÉTUDE ............................................................................................................ 46 4.3. L’ÉCHANTILLONNAGE ..................................................................................................................... 47
4.3.1. Critère de sélection ........................................................................................................... 47 4.3.2. La taille de l’échantillon..................................................................................................... 47 4.3.3. La sélection des sujets ..................................................................................................... 48
4.4. LA COLLECTE DE DONNÉES ........................................................................................................... 49 4.5. LA MÉTHODE D’ANALYSE ............................................................................................................... 50 4.6. LES CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES .................................................................................................. 51
CHAPITRE 5. PRÉSENTATION DES RÉSULTATS ........................................................................... 53
5.1. DESCRIPTION DU PROGRAMME DE TRANSPLANTATION CARDIAQUE ............................................. 53 5.2. DESCRIPTION DES CARACTÉRISTIQUES SOCIODÉMOGRAPHIQUES DES RÉPONDANTS ................ 54 5.3. LES FACTEURS RELIÉS À LA DÉCISION D’OPTER POUR LA TRANSPLANTATION CARDIAQUE ......... 56
5.3.1. La maladie en soi .............................................................................................................. 57 5.3.1.1. État de santé ........................................................................................................................................... 57 5.3.1.2. Limite à l’adaptation à la maladie ........................................................................................................... 58 5.3.1.3. Options de traitements ........................................................................................................................... 61
5.3.2. Facteurs personnels .......................................................................................................... 64 5.3.2.1. Personne unique ..................................................................................................................................... 64
5.3.2.1.1. Caractéristiques de la personne ............................................................................................... 64 5.3.2.1.2. Conception au sujet de la santé, de la maladie et de la mort .............................................. 69 5.3.2.1.3. Conjoncture temporelle de la situation personnelle ............................................................... 71 5.3.2.1.4. Motivation personnelle ............................................................................................................... 72
5.3.2.2. Personne en relation ............................................................................................................................... 73 5.3.2.2.1. Relation avec les professionnels de la santé ......................................................................... 74 5.3.2.2.2. Relation avec les personnes transplantées ............................................................................ 75
5.3.3. Facteurs environnementaux ............................................................................................ 78 5.3.3.1 Accessibilité aux soins de santé ............................................................................................................... 78 5.3.3.2. Sources d’information ............................................................................................................................. 80
CHAPITRE 6. DISCUSSION .................................................................................................................. 83
6.1. COMPARAISON AVEC LA LITTÉRATURE .......................................................................................... 83 6.1.1. Similitudes .......................................................................................................................... 84
6.1.1.1. La maladie en soi ..................................................................................................................................... 84 6.1.1.2. Facteurs personnels ................................................................................................................................ 87 6.1.1.3. Facteurs environnementaux ................................................................................................................... 90
6.1.2. Divergences........................................................................................................................ 92 6.2. COMPARAISON AVEC LE CADRE THÉORIQUE ....................................................................................... 93 6.3. IMPLICATIONS DES RÉSULTATS OBTENUS ............................................................................................ 96
6.3.1. Implications cliniques des résultats obtenus ................................................................. 96 6.3.2. Implications et pistes futures pour la recherche en sciences infirmières .................. 97
6.4. LIMITES DE L’ÉTUDE.............................................................................................................................. 98
CONCLUSION .......................................................................................................................................100
BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................................103
ANNEXE A .............................................................................................................................................110
ANNEXE B .............................................................................................................................................113
ANNEXE C .............................................................................................................................................114
ANNEXE D .............................................................................................................................................118
xi
ANNEXE E ..............................................................................................................................................121
ANNEXE F ..............................................................................................................................................122
ANNEXE G .............................................................................................................................................124
ANNEXE H .............................................................................................................................................125
Liste des tableaux
TABLEAU 1 ........................................................................................................................................................ 39 TABLEAU 2 ........................................................................................................................................................ 42 TABLEAU 3 ........................................................................................................................................................ 55 TABLEAU 4 ........................................................................................................................................................ 56 TABLEAU 5 ........................................................................................................................................................ 93
Liste des figures
FIGURE 1 ................................................................................................................................................... 37
Introduction
Le vieillissement de la population, l’augmentation des problématiques de santé
chronique, les nouvelles connaissances, l’accessibilité à l’information, la diversité
des options de traitement et les nouvelles technologies ont des conséquences
importantes sur les systèmes de santé contemporains. Ces éléments ont non
seulement fait augmenter les coûts, mais ils ont également complexifié les soins
de santé.
La prise de décision lors d’un choix de traitement n’échappe pas à cette
complexification. En effet, tant pour le professionnel de la santé que pour la
personne malade, la diversité des options de traitement complexifie le choix de
celui-ci. De plus, cette prise de décision doit s’inscrire dans le respect de
l’autonomie de la personne et l’affirmation de sa capacité d’autodétermination.
Aussi, il n’est pas surprenant que la relation entre le professionnel de la santé et la
personne malade ait connu des changements importants au cours des dernières
années. À cet égard, les tendances actuelles soutiennent l’importance d’un
partenariat avec la personne malade dans la prise de décision et l’importance des
soins centrés sur la personne et sa famille.
Pour se faire, il est important de bien comprendre le processus de prise de
décision dans le contexte de soins de santé. Il semble alors pertinent de se
questionner à propos des facteurs qui influencent la prise de décision de la
personne lors d’un choix de traitement. Bien que la prise de décision dans un
certain nombre de contextes de soins de santé ait été étudiée, aucune étude
répertoriée n’aborde la prise de décision chez les personnes souffrant
d’insuffisance cardiaque terminale. Prenant appui sur le modèle de Noone qui
identifie des facteurs contextuels (personnels et environnementaux) ce mémoire a
donc pour objectif d’explorer le processus de prise de décision, à travers les
2
facteurs qui l’influencent, chez les personnes insuffisantes cardiaques ayant opté
pour une transplantation cardiaque.
La prise de décision de la personne souffrant d’insuffisance cardiaque est ainsi
explorée tout au long des six chapitres de ce mémoire. Le premier chapitre met en
évidence la problématique et montre la pertinence d’étudier les facteurs qui
influencent la prise de décision des personnes insuffisantes cardiaques ayant opté
pour la transplantation cardiaque.
Le deuxième chapitre traite des connaissances émanant de la littérature
scientifique en ce qui a trait aux facteurs qui influencent la prise de décision lors
d’un choix de traitement dans différents contextes de soins. En outre, ce chapitre
permet de constater que peu d’études se sont intéressées à ce sujet et qu’aucune
n’a été réalisée dans le contexte de l’insuffisance cardiaque au Québec.
Le troisième chapitre présente le cadre de référence du projet soit le modèle de
Noone. Celui-ci identifie des facteurs contextuels (personnels et
environnementaux) qui influencent la prise de décision dans un contexte de soins
de santé.
Le quatrième chapitre décrit la méthode de recherche utilisée afin de répondre à la
question de recherche. Puisque l’objectif de l’étude est de décrire les facteurs
influençant la prise de décision de la personne insuffisante cardiaque ayant opté
pour une transplantation cardiaque, l’étude qualitative semblait l’approche la plus
appropriée. Des entrevues semi-structurées ont notamment permis de recueillir la
richesse des propos des participants.
3
Le cinquième chapitre présente l’analyse des résultats obtenus. Ces derniers
révèlent que la prise de décision des personnes insuffisantes cardiaques ayant
opté pour la transplantation est influencé par trois catégories de facteurs soit la
maladie en soi, des facteurs personnels et des facteurs environnementaux.
Enfin, le sixième chapitre, la discussion, offre une comparaison des résultats
obtenus en lien avec la littérature répertoriée et le modèle de Noone.
Chapitre 1. Problématique
Dans les systèmes de santé contemporains, le développement technologique
oblige les professionnels et les patients à tenir compte d’un plus grand choix de
traitements (Pierce & Hicks, 2001). Ce choix s'opère dans un contexte de maladie
où le patient est affaibli et vulnérable. Compte tenu de cette situation particulière
de vulnérabilité, le processus de prise de décision menant au consentement aux
soins se complexifie tant pour le patient que pour les professionnels de la santé.
Dans sa pratique, l'auteure, infirmière, a pu constater la grande difficulté de
répondre aux exigences éthiques du concept de consentement aux soins. Voici un
exemple de ce constat : un homme est hospitalisé pour douleur abdominale,
nausées et vomissements. Ces symptômes s’accompagnent d’une perte de poids
et d’une diminution générale de l’état de santé. Après plusieurs examens, un
diagnostic de cancer hépatique est annoncé au patient. On lui propose plusieurs
options de traitements tels que la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie.
Le patient, affaibli par la maladie et vulnérable, doit faire un choix parmi les options
offertes et consentir aux soins. Il désire conserver une qualité de vie et nourrit
l’espoir de retourner à son domicile auprès des siens. Devant la complexité du
choix, le patient éprouve de la difficulté à choisir. Voici un autre exemple : un jeune
homme paraplégique, hospitalisé pour une plaie récidivante au siège, désire
participer activement avec l’équipe soignante au choix de traitements pour sa
plaie. Il se retrouve devant une quantité importante d’informations qui parfois sont
contradictoires. On voit bien ainsi que le processus de prise de décision est
complexe.
De plus, mentionnons que l'auteure a souvent constaté que les professionnels de
la santé avaient une compréhension limitée du processus de prise de décision et
5
des facteurs qui l'influencent. Dans ces conditions, il est difficile pour l'infirmière
d'apporter un soutien efficace afin de respecter le patient dans sa singularité. Ces
deux éléments, la complexité du processus de prise de décision et le manque de
connaissance des professionnels en la matière, montrent la pertinence de l’intérêt
de ce projet dans le cadre des recherches en sciences infirmières.
Notre problématique portera sur les éléments suivants. En premier lieu, un rappel
historique permettra de comprendre le contexte d’émergence du consentement
aux soins. En deuxième lieu, nous établirons le lien entre le consentement aux
soins et le processus décisionnel. En troisième lieu, nous situerons le rôle de
l’infirmière dans le processus décisionnel et enfin, en quatrième lieu, nous
expliquerons la pertinence de cette recherche pour la pratique infirmière.
1.1. Le contexte d’émergence du consentement aux soins
Pour comprendre l’importance du concept de consentement aux soins, il est
essentiel d’évoquer les principaux repères historiques qui ont conduit à son
émergence et à sa forme que nous lui connaissons aujourd’hui. Bien que cette
recherche se situe dans le domaine clinique, le contexte de l’expérimentation sera
largement discuté puisque c’est dans ce contexte que l’on peut retracer les
origines du consentement aux soins.
Depuis la nuit des temps jusqu’à aujourd’hui, de découvertes en découvertes, l’art
de guérir s’est transformé. Cependant, le désir de l’être humain d’adoucir les
souffrances de la maladie, de vivre en santé et de prolonger la vie le plus
longtemps possible est demeuré constant. C’est avec Hippocrate, au Ve siècle
avant notre ère, que la médecine telle qu’on la connaît aujourd’hui s’est
6
développée selon un souci de rigueur scientifique marqué par la justification du
savoir, par une méthodologique et aussi par un grand souci éthique. C’est dans cet
esprit que Doucet (2002) écrit : « La première impulsion d’une médecine
scientifique apparaît probablement au Ve siècle avant notre ère. Hippocrate (+/-
460 - +/- 377) est habituellement cité comme un des grands initiateurs de cette
médecine nouvelle » (p.35). En outre, Hippocrate a été l’initiateur et l’auteur de
plusieurs écrits dont l’ensemble constitue le Corpus Hippocraticum. Parmi ces
écrits, on y retrouve le célèbre serment d’Hippocrate dont l’esprit est le devoir de
bienfaisance envers le malade. Notons que la bienfaisance signifie la recherche
de bénéfices pour le malade, tout en évitant de lui nuire. Par exemple, lors de
l’administration d’un médicament contre la douleur, un médecin doit calculer le
dosage de manière à soulager la douleur sans entrainer de problèmes
respiratoires chez le patient. Toutefois, le serment d’Hippocrate n’aborde pas
l’autonomie de la personne, l’information au malade et le consentement aux soins.
Une telle conception des soins suggère une vision paternaliste, ce qui signifie que
c’est le médecin qui sait ce qui est bien pour le patient. Le patient est considéré
comme un être vulnérable et plus ou moins capable de décider pour lui-même. Par
conséquent, le médecin ne cherchera pas à informer le patient ou à obtenir son
consentement avant d’intervenir mais à le diriger vers ce qui est bon pour lui.
Aussi, nous devrons attendre la Déclaration universelle des droits de l’homme
proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1948 et la montée de
l’individualisme dans les années 1960 pour voir apparaître le concept d’autonomie
dans le soin aux malades.
La situation est différente dans le domaine de l’expérimentation humaine. Jusqu’au
XVe siècle, la dissection humaine était interdite en raison du caractère sacré du
corps humain. La levée de cet interdit amènera un changement majeur en
médecine. Doucet (2002) soutient que : « Les premières dissections humaines
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vont représenter une véritable révolution : le corps peut être enfin objet de
science » (p.48). Cette forme d’expérimentation visait la connaissance de
l’anatomie et du fonctionnement du corps humain afin de mieux comprendre la
maladie et de mieux traiter le malade.
Au XVIIe siècle, un nouveau courant de pensée prend naissance, celui du progrès.
L’homme doit dominer scientifiquement la nature vivante. (Doucet, 2002, p.48).
Cette philosophie s’accompagne d’une nouvelle façon de penser le corps. En effet,
penser le corps, c’est le penser comme une machine qui fonctionne bien. (Doucet,
2002, p.40). Doucet (2002) écrit : « Le corps-machine, dont Descartes fera un
élément primordial de sa philosophie, devient ainsi la clé qui ouvre le corps humain
à l’investigation et à la compréhension avant de rendre possible sa transformation»
(p. 41). À cette époque, aucune norme n’encadre l’expérimentation sur l’être
humain. Le consentement libre et éclairé à l’expérimentation n’est pas pris en
considération par les chercheurs. Ceci nous mènera aux dérives qu’a connues
l’Allemagne nazie au milieu du XXe siècle. À l’époque de la deuxième guerre
mondiale, des médecins nazis ont effectué de nombreuses expérimentations
médicales sur des déportés. Des expériences, par exemple comme des
inoculations de virus mortels, ont été pratiquées. La condamnation de ces atrocités
a donné lieu au procès de Nuremberg où 47 médecins nazis ont été reconnus
coupables de crimes contre l’humanité. Le procès sera à l’origine du code de
Nuremberg qui accorde une place centrale au consentement libre et éclairé en
matière d’expérimentation humaine. L’article 1 du Code de Nuremberg témoigne
de cet intérêt :
Le consentement volontaire du sujet humain est absolument essentiel. Cela veut dire que la personne intéressée doit jouir de sa capacité légale totale pour consentir : qu’elle doit être laissée libre de décider, sans intervention de quelque élément de force, de fraude, de contrainte, de supercherie, de duperie ou d’autres formes de contraintes ou de coercition. Il faut aussi qu’elle soit suffisamment renseignée, et connaisse toute la portée de l’expérience pratiquée sur elle, afin d’être capable de mesurer l’effet de sa décision. Avant
8
que le sujet expérimental accepte, il faut donc le renseigner exactement sur la nature, la durée, et le but de l’expérience, ainsi que sur les méthodes et moyens employés, les dangers et les risques encourus; et les conséquences pour sa santé ou sa personne, qui peuvent résulter de sa participation à cette expérience (Bayle, 1950).
Le Code de Nuremberg qui s’inscrit dans le contexte d’expérimentation humaine,
est un moment historique à la base de la consécration du consentement libre et
éclairé qui va s’étendre plus tard dans le contexte des soins cliniques.
Dans le même esprit, l’Association médicale mondiale a voulu réaffirmer l’exigence
du consentement préalable des sujets soumis à toute expérimentation en
adoptant en 1964 la Déclaration d’Helsinki. Ce document, dont la dernière révision
remonte à 2004, est une déclaration de principes éthiques et de recommandations
adressés aux chercheurs impliqués dans l’expérimentation humaine. Tout comme
le code de Nuremberg, la Déclaration d’Helsinki fait une place importante à
l’autonomie de la personne et au consentement volontaire et informé :
Lors de toute étude, la personne se prêtant à la recherche doit être informé de manière appropriée des objectifs, méthodes, financement, conflits d’intérêts éventuels, appartenance de l’investigateur à une ou des institutions, bénéfices attendus ainsi que des risques potentiels de l’étude et des contraintes qui pourraient en résulter pour elle. Le sujet doit être informé qu’il a la faculté de ne pas participer à l’étude et qu’il est libre de revenir à tout moment sur son consentement sans crainte de préjudice. Après s’être assuré de la bonne compréhension par le sujet de l’information donnée, le médecin doit obtenir son consentement libre et éclairé, de préférences par écrit. Lorsque le consentement ne peut être obtenu sous forme écrite, la procédure de recueil doit être formellement explicitée et reposer sur l’intervention de témoins (Association médicale mondiale, Art. 22. 2004, p. 3).
En dépit de ces nombreux efforts pour protéger les sujets humains soumis à une
expérimentation, de nouveaux scandales ont été mis au jour. Ainsi, en 1966, un
médecin américain, Henry Beecher, a rendu publique dans le The New England
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Journal of Medicine une série d’expérimentations faites par des chercheurs qui ne
respectaient aucunement les sujets humains participant à leurs recherches
(Beecher, 1966). Par exemple, le virus de l’hépatite avait été inoculé à des enfants
déficients sur le plan intellectuel sans l’obtention du consentement des parents. Un
autre exemple était de priver de pénicilline les syphilitiques d’un groupe témoin
participant à une étude de très longue durée sur les effets d’autres médicaments.
La déclaration de Beecher a contribué à relancer le questionnement sur l’éthique
de l’expérimentation médicale. Elle a eu le mérite de mettre en évidence le peu de
volonté de la communauté scientifique à s’imposer des normes ou des limitations
en regard de l’expérimentation sur des sujets humains.
Dans cette logique, il devient clair que la régulation de la recherche ne pouvait
venir des chercheurs eux-mêmes. Aussi, une Commission nationale américaine a
été finalement établie en 1973. Elle prît le nom de National Commission for the
Protection of Human Subjects of Biomedical and Behavioral Research. La
Commission avait pour responsabilité d’identifier les principes éthiques
fondamentaux qui doivent sous tendre la recherche biomédicale et d’établir les
directives devant guider toute recherche auprès de sujets humains. En 1979, la
Commission rédige le rapport Belmont qui allait identifier trois grands principes
éthiques devant guider la recherche faisant appel à la participation des sujets
humains. Ces trois principes fondamentaux sont le respect de la personne, la
bienfaisance et la justice.
Le respect de la personne s’inscrit dans le concept d’autonomie. En effet, le
respect de la personne, regroupe deux convictions éthiques : les personnes
doivent être traitées comme des agents autonomes et celles avec une autonomie
diminuée ont droit à une protection accrue. La Commission (1979) explique ainsi le
concept d’autonomie :
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Une personne autonome est capable de délibérer sur ses objectifs personnels et d’agir dans le sens de la délibération. Respecter l’autonomie, c’est donner du poids aux opinions et aux choix réfléchis d’une personne autonome, tout en s’abstenant de faire obstacle à ses actions, sauf si elles sont clairement au détriment d’autrui. Faire preuve d’un manque de respect envers un agent autonome, c’est refuser les jugements réfléchis de cette personne, nier sa liberté d’agir conformément à ces jugements réfléchis, ou ne pas donner les informations nécessaires à un jugement réfléchi en l’absence de raisons manifestes pour ce faire (p.5).
Tout comme le Code de Nuremberg et la déclaration d’Helsinki, le Rapport
Belmont accorde une place centrale à la notion du consentement fondé sur
l’information. Ces travaux auront un rayonnement international et un impact majeur
sur le développement de la bioéthique comme discipline.
Robert Veatch, éthicien américain de grande réputation, analyse l’apparition des
déclarations ainsi que les changements qu’elles ont apportés dans l’univers de la
bioéthique. Si l’exigence du consentement apparaît dans l’univers de
l’expérimentation, elle devient incontournable dans l’univers clinique :
The focus on rights and duties includes an emphasis on the right to give informed and voluntary consent not only for research but for all clinical, medical treatments. Consent, grounded in the moral principle of autonomy and the legal notion of self-determination, is totally absent from the classical codes written by medical professional groups. The introduction of the perspective of rights and duties, and the underlying moral notion of respect for persons (including the principle of autonomy), signals a rejection of both traditional Hippocratic paternalism and consequentialism. Il also provides a way of moving away from pure individualism, incorprating a more social ethic without lapsing into social utilitarianism that would completed subordinate the individual to the aggregate social good» (Veatch, 1995. p.1429)
Tel qu’expliqué précédemment, l’évolution dans le domaine de la recherche
médicale s’est également produite dans celui de la pratique clinique influençant
largement la déontologie médicale et infirmière. Bien que l’évolution ait été plus
11
rapide en Amérique du Nord, les pays Européens ont suivi l’éclosion de ce
mouvement. Aujourd’hui, le principe d’autonomie sous-jacent au consentement
aux soins est clairement reconnu tant en Europe qu’en Amérique du Nord.
1.2. Le consentement aux soins et le processus de prise de décision
L'autonomie est un attribut essentiel de la personne humaine. Fondée sur la
liberté, elle renvoie à la capacité d’une personne de réfléchir sur ses objectifs
personnels et de décider par elle-même d’agir conformément à cette réflexion.
(Durand, 2005; Doucet, 1996). Beauchamp et Childress (2008) soutiennent que :
Respecter un individu autonome, c’est au minimum, reconnaître le droit de cette personne à avoir des opinions, à faire des choix et à agir en fonction de ses valeurs et de ses croyances. Un tel respect implique une action respectueuse, et pas uniquement une attitude respectueuse. Un tel respect implique davantage que la non intervention dans les affaires personnelles d’autrui. Il inclut, du moins dans certains contextes, des obligations de développer ou de maintenir les aptitudes au choix autonome des autres, tout en dissipant leurs craintes et autres conditions qui détruisent ou perturbent leurs actions autonomes (p. 101).
La règle du consentement aux soins est l’expression de l’autonomie. Au Québec,
cette règle est enchâssée dans le Code civil du Québec. La loi québécoise qui
énonce clairement le devoir d'obtenir le consentement du patient avant de
prodiguer des soins rend compte de l'importance de la valeur de l'autonomie dans
notre société. Plusieurs autres lois et notamment des lois professionnelles comme
le Code de déontologie des infirmières et infirmiers soutiennent le devoir d’informer
le patient et d’obtenir son consentement en regard des soins et traitements à lui
prodiguer.
12
En outre, le consentement aux soins fait appel à un processus décisionnel
complexe. Charles, Gafni et Whelan (1999) y reconnaissent trois étapes :
l’échange d’information, la délibération à propos des options de traitements et le
choix d’une option de traitement (p.654). Tout au long de cette démarche,
plusieurs facteurs peuvent influencer le processus. Comprendre ces différents
facteurs et leur influence est essentiel pour mieux accompagner les patients dans
leurs choix face à un processus complexe. Par ailleurs, on doit préciser la
différence entre le processus de prise de décision et la participation du patient au
processus de prise de décision. Alors que la prise de décision est un processus
comprenant plusieurs étapes, la participation au processus de prise de décision
est le niveau et le type d’implication du patient aux étapes de ce processus.
1.3. Le rôle de l’infirmière
Dans le contexte de la pratique infirmière, le consentement aux soins est
également requis. Cette obligation professionnelle découle non seulement du
Code civil du Québec mais également du Code de déontologie des infirmières et
infirmiers. Notamment, l’article 41 de ce dernier document mentionne que
« lorsque l’obligation d’obtenir un consentement libre et éclairé incombe à
l’infirmière ou à l’infirmier, ce dernier doit fournir au client toutes les informations
requises ». À ce sujet, Aveyard (2001) affirme que « Informed consent is required
prior to care procedures that may threaten the autonomy of the patient if
undertaken without consent. This will include some nursing care procedure (…)
Furthermore, the purpose of informed consent is to promote meaningful decision-
making (p.248).
Notons également que l’adoption en janvier 2003 de la loi modifiant le Code des
professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé a
13
modifié de façon importante le champ d’exercice de la profession infirmière
augmentant le nombre de situations où il incombe à l’infirmière d’obtenir le
consentement aux soins des patients.
Chaque jour, les infirmières, en plus de solliciter un consentement pour les soins
prodigués aux patients, ont l’occasion d’accompagner les patients dans leur
processus décisionnel. En effet, les infirmières, dans leur rôle professionnel, sont
bien positionnées pour accompagner et soutenir les patients dans ce processus. À
ce sujet, Piers & Hicks (2001) affirment que :
Perhaps the most signifiant aspect of patient decision-making research is determining how healthcare providers can best aid and support the decision process. Nurses, with their emphasis on holistic care, patient autonomy, and empowerment, are well positioned to provide patients with the support needed to make informed decisions consistent with their values and preferences (p. 271).
Dans une étude prospective, Villeneuve & MacDonald (2006) prévoient qu’en 2020
les infirmières seront les « guides » du système de santé et aideront, notamment,
les patients à comprendre les choix qui s’offrent à eux. Les auteurs affirment que :
Les infirmières aident déjà à guider les patients dans les décisions qu’ils doivent prendre sur des questions comme les tests génétiques et la prise en charge des maladies chroniques. Ce rôle prendra de l’importance. Dans le cas des maladies chroniques, les infirmières joueront un rôle important pour ce qui est d’évaluer, d’informer et de soutenir les patients et leur famille. Elles auront aussi un rôle crucial à jouer dans la promotion et le soutien de l’autogestion de la santé (p. 87).
Bref, il est clairement reconnu que les infirmières, dans l’exercice de leur rôle
professionnel, accompagnent les patients dans leur prise de décision. De plus, ce
rôle sera de plus en plus important dans l’avenir.
14
1.4. La pertinence de cette recherche pour la pratique infirmière
Puisque les infirmières ont un plus grand rôle à jouer dans le processus de
décision, il apparaît très important de comprendre les facteurs qui l’influencent.
Une telle connaissance permettrait aux infirmières de mieux soutenir les patients
dans leurs choix afin que ceux-ci reflètent leurs préférences et leurs valeurs,
toujours dans un souci constant du respect de leur autonomie.
Plusieurs études relèvent la nécessité de poursuivre la recherche dans ce
domaine. Pierce (2001) soutient que « Our understanding of how various health-
related contexts influence decision behavior is limited due to a lack of appropriate
clinical studies designed to capture these dynamic processes» (p. 272). La
recherche devrait donc se pencher sur le processus décisionnel dans différents
contextes cliniques et à différents stades de la santé et de la maladie. À ce sujet,
Noone (2002) soutient que: « There is need to understand healthcare decision-
making processes in variety of contexts and various stages of health and illness.
How decision making differs in different groups, such as across cultures and within
different age groups, also needs to be furtherer delineated (p. 30). »
Mentionnons que le contexte clinique privilégié pour cette étude est celui de
l’insuffisance cardiaque. Il constitue un problème de santé majeur au Canada et à
travers le monde. En effet, il affecte 5 à 7 millions de personnes en Amérique du
nord et près de 20 millions personnes dans le reste du monde. Ceci représente
une incidence de 2.3 à 3.7/1000/année. Au canada, l’insuffisance cardiaque
affecte 1% de la population et elle est responsable de 9% de tous les décès. De
plus, elle est la plus grande cause commune d’hospitalisation des personnes
âgées de plus de 65 ans. (Canadian Heart Failure Network, 2012).
15
L’insuffisance cardiaque est une condition clinique dans laquelle le cœur est
incapable de pomper le sang à un niveau permettant de rencontrer les besoins
métaboliques des tissus. Son étiologie regroupe deux causes principales soient
l’infarctus du myocarde et l’hypertension chronique. D’autres causes peuvent
également contribuer au développement de l’insuffisance cardiaque. Il s’agit de
l’alcoolisme, d’une infection virale au cœur, d’une maladie valvulaire, d’une
condition congénitale et du syndrome d’immunodéficience acquise. Les principaux
signes et symptômes sont la dyspnée, l’orthopnée, la fatigue, la toux, un œdème
périphérique, un gain de poids, l’anorexie et un inconfort abdominal. L’évolution de
la maladie entraine, par ailleurs, une importante diminution de la qualité de vie.
Selon la classification de la maladie et le niveau de risque, différents traitements
sont possibles : la médication, les dispositifs médicaux tels que les stimulateurs
cardiaques, la resynchronisation cardiaque ainsi que le défibrillateur automatique,
les interventions chirurgicales telles que le pontage aorto-coronarien, la chirurgie
valvulaire et la transplantation cardiaque et enfin, les soins palliatifs en phase
terminale de la maladie.
Lorsque la réponse aux médicaments est insuffisante et que les autres alternatives
chirurgicales ne peuvent être envisagées, la transplantation cardiaque comme
choix ultime est proposée aux patients. Bien que le développement des
technologies ait considérablement amélioré les résultats de ce type d’intervention,
elle demeure un choix complexe en raison des risques de la chirurgie, des
complications possibles comme le rejet du greffon et de la gestion des soins post-
implantation.
Outre l’intérêt pour cette maladie, deux autres raisons ont motivé le choix de cette
population. Premièrement, ce contexte de soins rejoint l’expertise en chirurgie de
16
l’étudiante chercheure. Deuxièmement, cette population n’a pas encore fait l’objet
d’études en ce qui concerne le processus de prise de décision.
Aussi, la question générale mise de l’avant dans cette recherche est la suivante :
Quels sont les facteurs qui influencent le processus de prise de décision chez les
personnes insuffisantes cardiaques ayant opté pour une transplantation
cardiaque?
Chapitre 2. Recension des écrits
La littérature a été répertoriée depuis l’année 1998 à partir des banques de
données suivantes : Medline, Cinahl, PsychINFO et Embase. Les mots-clés
utilisés pour effectuer la recherche sont : decision making, process, factors,
informed consent, treatment. Une grande quantité d’articles de recherche ont été
sélectionnés (268 articles). La majorité a été éliminée parce que le sujet n’était pas
suffisamment pertinent à la présente recherche. Enfin, trente-huit articles ont été
retenus.
Tel que mentionné au chapitre précédent, cette recherche porte sur le processus
de décision du patient lors d’un choix de traitements et plus particulièrement sur
les facteurs qui influencent ce processus. Aussi, la recension des écrits porte
essentiellement sur les facteurs qui influencent le processus décisionnel dans un
contexte de soins de santé. Ce sujet est cependant peu étudié et, par conséquent,
peu documenté. Bien que l’objet de cette recherche ne porte pas sur la
participation du patient au processus de prise de décision, il est tout de même
pertinent de présenter quelques résultats de recherches concernant ce sujet. En
effet, le nombre important d’études portant sur ce thème démontre que la
participation au processus de décision a été largement investigué. De plus,
plusieurs recherches sur ce sujet portent spécifiquement sur les facteurs qui
influencent la participation des patients au processus décisionnel. Il n’est guère
surprenant de constater qu’un nombre important de recherches se soit centrée sur
la participation du patient puisque celle-ci est au cœur même du concept de
consentement aux soins.
Ce chapitre est constitué de trois parties. Dans la première partie, on discute des
facteurs qui influencent la participation des patients à la prise de décision. La
18
deuxième partie présente une analyse critique des écrits scientifiques traitant des
facteurs qui influencent le processus de prise de décision. Enfin, une dernière
partie porte sur les cadres de référence utilisée dans ces recherches.
2.1. Les facteurs qui influencent la participation des patients à la prise de décision
Parmi les principaux facteurs identifiés, nous retrouvons l’information transmise,
les variables sociodémographiques, l’état de santé du patient et sa relation avec
les professionnels. Enfin, d’autres facteurs de moindre importance, mentionnés
dans ces études, seront également signalés.
Cette partie comprend l’étude de quinze études dont 5 études qualitatives, 7
études quantitatives, 1 revue de littératures et 1 étude prospective.
2.1.1. L’information
L’information obtenue par le patient sur sa maladie et sur les options de
traitements est certainement un des facteurs les plus importants dans la
participation du patient à la prise de décision. Dès lors, on peut anticiper que la
quantité et la qualité de l’information vont influencer la participation du patient au
processus décisionnel. Dans une étude menée auprès de 25 patients à l’aide de
groupes de discussion, Sainio et al. (2001) concluent que pour encourager une
participation active des patients dans la décision, les médecins et les infirmières
doivent fournir une information à jour et portant sur les différents aspects des
soins. Elle doit répondre aux besoins des patients et le professionnel de la santé
19
doit s’assurer de la compréhension du patient. Sanders et al. (2004), Ramfelt et
Lützén (2005) et Doherty et Doherty (2005) vont dans le même sens. Pour leur
part, Wong et al. (2000) en arrivent aux mêmes conclusions avec, à la différence
des auteurs précédents, une approche de nature qualitative. Dans le cadre d’une
revue de la littérature, Say et al. (2006) rapportent que la capacité d’accéder à une
information médicale compréhensible peut affecter le rôle souhaité par le patient
dans la décision. Ceci expliquerait que les patients qui souhaitent obtenir plus
d’information souhaitent également jouer un rôle plus actif. Par ailleurs, dans une
étude de nature qualitative, Beauver et al. (2005) obtiennent des résultats
légèrement différents. Ils concluent que les patients veulent être informés et
impliqués mais ne souhaitent pas nécessairement prendre la décision. De façon
générale, les participants à cette étude considèrent que le médecin avec son
expertise connait ce qui est le mieux pour le patient.
2.1.2. Les variables sociodémographiques
Les variables sociodémographiques regroupent l’âge, le genre, le niveau de
scolarité et la classe sociale.
En ce qui concerne la variable de l’âge, Say et al. (2005), dans une revue de
littérature comprenant vingt-cinq études, concluent que ce facteur influence la
participation du patient à la décision. En effet, les jeunes patients préfèrent jouer
un rôle plus actif que les patients plus âgés. Les études de Hamann et al. (2007),
Garfield et al. (2007), O’Donnell et al. (2007) et Henderson et Shum (2003) en
arrivent toutes à ces mêmes conclusions. Pour leur part, O’Donnell et Hunskaar
(2007), ont effectué une étude qualitative, à l’aide d’entrevues téléphoniques,
auprès de 1000 femmes norvégiennes. Les sujets ont été questionnés sur deux
thèmes cliniques distincts : l’hormonothérapie et le traitement de l’incontinence
20
urinaire. Dans le contexte de l’incontinence urinaire, des résultats similaires aux
autres études sont rapportés. En effet, les femmes plus jeunes désirent jouer un
rôle plus actif. Cependant, dans le contexte de l’hormonothérapie, les auteurs
obtiennent des conclusions différentes. En effet, le groupe d’âge des 45-59 ans
préfèrent jouer un rôle plus actif que ceux du groupe d’âge 18-44 ans ou > 60 ans.
Les auteurs concluent qu’il n’y a pas toujours une relation directe entre l’âge et le
rôle que le patient désire jouer dans la décision. Cette étude apporte une nuance
en ce qui a trait à la relation entre l’âge et la participation du patient à la décision.
En effet, dans certaines situations, le contexte clinique pourrait amener un groupe
d’âge en particulier à préférer une participation plus active.
Concernant le genre, l’étude de Flynn et al. (2006), conduite auprès de 5199
personnes âgées, conclut que les femmes souhaitent jouer un rôle plus actif que
les hommes dans la prise de décision. De la même façon, Hamann et al. (2007),
dans une étude menée auprès de 1393 patients avec des conditions médicales
différentes (hypertension, dépression, cancer du sein, schizophrénie, sclérose
multiple et traumatisme mineur) obtiennent des résultats similaires. Par contre,
Doherty et Doherty (2005) et Garfield et al. (2007) obtiennent des conclusions
différentes. Doherty et Doherty (2005) ont conduit une étude de nature qualitative
auprès de 20 patients (10 patients de médecine et 10 patients de chirurgie). Les
auteurs concluent qu’il n’y a pas de différence significative entre les hommes et les
femmes concernant la participation des patients à la prise de décision. La petite
taille de l’échantillon pourrait expliquer ce résultat. Quant à Garfield et al. (2007),
ils obtiennent des conclusions similaires, c’est-à-dire que le genre n’est pas
associé au rôle que le patient désire jouer dans la décision. Leur étude était de
nature quantitative et conduite auprès de patients atteints de diabète de type II et
d’arthrite. Les auteurs notent que d’autres études présentent des résultats
différents. Ils expliquent ces différences par les limitations méthodologiques des
différentes études.
21
Quant à la scolarité, Flynn et Smith (2007) concluent qu’un niveau plus élevé est
associé avec le désir d’une participation plus active dans le processus décisionnel.
Ils expliquent ce résultat ainsi : les individus qui sont plus instruits ou qui sont plus
intelligents peuvent avoir plus de facilité à discuter avec les professionnels de la
santé. De plus, ils ont une plus grande confiance dans leur capacité à prendre une
décision importante concernant leur santé. Les études de O’Donnell et al. (2007),
O’Donnell et Hunskaar (2007), Flynn et al. (2006) et Say et al. (2006) abondent
dans le même sens.
Enfin, concernant la classe sociale, les résultats des études de Flynn et Smith
(2007) et de Garfield et al. (2007), citées précédemment, révèlent que les
personnes ayant une classe sociale élevée préfèrent jouer un rôle plus actif dans
la prise de décision.
En conclusion aux variables sociodémographiques, ces études démontrent que les
patients plus jeunes, avec un niveau de scolarité et une classe sociale élevée
préfèrent une participation plus active à la prise de décision dans le choix d’un
traitement. On peut présumer que ces personnes sont plus outillées pour
comprendre l’information et par conséquent, plus en mesure de participer
activement au processus décisionnel.
2.1.3. L’état de santé
L’état de santé est également un facteur relevé dans la littérature. Flynn et al.
(2006) dans une étude citée précédemment, concluent que les personnes ayant
une meilleure santé préfèrent jouer un rôle plus actif dans le processus
décisionnel. Pour leur part, Sainio et al. (2001) ont conduit une étude de nature
22
qualitative auprès de 25 patients atteints de cancer. Les auteurs concluent que la
condition physique et mentale, particulièrement l’anxiété et l’état de choc, est un
important facteur qui entrave la participation des patients au processus de prise de
décision.
Une étude menée dans plusieurs pays européens par O’Donnell et al. (2007),
auprès de 9434 femmes avec une expérience d’incontinence urinaire, conclut que
les femmes avec une pauvre santé adoptent généralement un rôle passif dans la
prise de décision. Enfin, Say et al. (2006), Garfield et al. (2007), O’Donnell et
Hunskaar (2007) et Henderson et Shum (2003) obtiennent des conclusions
similaires.
Bref, un état de santé physique et mental déficient influence défavorablement la
participation à la prise de décision. En effet, lorsque l’état de santé du patient est
gravement atteint, sa capacité à décider risque d’être diminuée. Ainsi, le patient
pourrait rencontrer plus de difficultés à prendre des décisions pour lui-même et par
conséquent préférer jouer un rôle passif dans le processus de prise de décision.
2.1.4. La relation avec les professionnels
La relation avec les professionnels est également un facteur qui influence la
participation des patients. Ramfelt et Lützén, dans une étude qualitative portant sur
l’expérience de la participation des patients dans la prise de décision, concluent
que l’empathie et l’encouragement des professionnels incitent les patients à une
plus grande participation dans la prise de décision. Par ailleurs, Say et al. (2005)
dans leur revue de littérature concluent que la relation avec le médecin et les
interactions avec les professionnels influencent positivement la participation des
23
patients dans la décision. Enfin, les études de Doherty et Doherty (2005), Välimäki
et al. (2004) et Shilder (1998), vont dans le même sens.
2.1.5. Autres facteurs
D’autres éléments ont également été associés à la participation à la prise de
décision. Ces facteurs sont secondaires et peu documentées. Il s’agit de: la
compréhension de la situation et la signification données à la maladie par la
personne malade (Ramfelt et al., 2005); le coût des traitements et ses bénéfices
(Sanders et al., 2004); les traits de personnalité tel que extroverti, agréable,
consciencieux, névrosé et ouvert à l’expérience (Flynn & Smith, 2007); la
disponibilité d’un choix de traitements (Beauver et al., 2005) et, enfin, l’expérience
de la maladie, le diagnostic, l’attitude envers leur implication et le type de décision
(Say et al., 2006).
Cette section a permis de relever un certains nombre de facteurs qui influencent la
participation des patients à la prise de décision. La section suivante s’attardera,
quant à elle, aux facteurs qui influencent le processus de décision lui-même.
2.2. Les facteurs qui influencent le processus de prise de décision
Les facteurs qui influencent le processus de prise de décision lors du choix d’un
traitement ont été étudiés dans des conditions cliniques diverses. Parmi elles, la
ménopause, le cancer du sein de stade I et II, le remplacement d’une articulation
24
(genou ou hanche) et de l’insuffisance rénale ont attiré davantage l’attention des
chercheures.
Un effort de classification des facteurs les plus fréquemment cités a été effectué
par l’auteure et a permis d’en déterminer huit catégories qui influencent le
processus de prise de décision. Il s’agit de l’Information, l’évaluation des
avantages et inconvénient des options de traitements, les relations
interpersonnelles, les circonstances, l’attitude/ les valeurs/ les croyances, la
capacité d’adaptation, la gestion des symptômes et l’expérience antérieure de la
maladie et des traitements. Une catégorie nommées « autres facteurs » présente
des éléments de moindre importance reliés davantage à une condition clinique ou
à une option de traitement.
Pour cet aspect du processus de prise de décision, 29 études ont été retenues
dont 17 études qualitatives, 7 études quantitatives, 4 revues de littératures et 1
étude descriptive corrélationnelle. Parmi elles, quatre études seulement ont utilisé
un cadre de référence.
2.2.1. L’information
Cette catégorie réfère à l’information nécessaire au patient afin qu’il effectue un
choix de traitement. En effet, l’information est un élément essentiel du processus
décisionnel menant à un consentement aux soins éclairé. À ce sujet, Beauchamp
et Childress (2008) soutiennent que « Si les professionnels ne disposent pas des
moyens adéquats pour transmettre l’information, de nombreux patients et sujets
impliqués dans la recherche auront une base inadéquate pour leur prise de
décision » (p.129). Dans cette catégorie, nous incluons la quantité et la qualité de
25
l’information ainsi que les sources d’information. On note que les sources
d’information sont variées. En effet, l’information peut être obtenue auprès de
différentes personnes (professionnels de la santé, famille, amis, autres patients) ou
encore à partir de volumes, de revues et d’Internet. Clark et al. (2002) ont conduit
une étude de nature qualitative auprès de 17 personnes atteintes d’arthrite
modérée à sévère et qui rencontraient les critères pour une chirurgie de
remplacement de la hanche ou du genou. Les conclusions de l’étude confirment
que la quantité, la qualité et les sources d’informations influencent le processus
décisionnel. De plus, les auteurs rapportent que l’information recueillie par les
patients auprès d’autres patients ayant la même problématique de santé influence
particulièrement la décision des patients. Bien que cette information peut parfois
minimiser les bénéfices et augmenter les risques reliés à la chirurgie. Dans une
étude sur la décision des femmes de cesser l’hormonothérapie, Bond et Bywaters
(1999) concluent que c’est le manque d’information qui en est responsable. Dans
une étude quantitative portant sur la description des facteurs influençant la
décision d’autogestion des patients atteints d’insuffisance cardiaque, Hicks et
Holmes (2003) ont identifié que les sources d’information influencent la décision du
patient. Belle Brown et al. (2002), dans l’analyse de trois études qualitatives
effectuées indépendamment auprès d’un total de 152 femmes, rapportent que les
femmes commencent le processus de décision par la recherche d’information
auprès de différentes sources comme le support social, les professionnels de la
santé, les lectures, Internet. Les auteurs concluent que les femmes ont besoin
d’une information actuelle, fiable et en quantité suffisante pour faire un choix
spécifiquement éclairé. Les études de Begum et al. (2011), Elit et al. (2009),
Mastaglia et al. (2001), Mckneally et al. (2004) et Sidana et al. (2012) conduisent à
des conclusions similaires aux études précédentes. Pour leur part, dans une étude
portant sur les facteurs qui influencent la décision des patients concernant la
transplantation de moelle osseuse, Bywater et Atkins (2001) rapportent que
l’information clinique et statistique ne constitue pas un support optimal à la
décision. L’information doit répondre aux besoins particuliers de l’individu.
26
En résumé, il semble que les auteurs soient relativement unanimes sur le fait que
la quantité et la nature de l’information ainsi que les sources d’information
influencent directement le processus de prise de décision du patient.
2.2.2. L’évaluation des avantages et inconvénients des options de traitements
Cette catégorie concerne l’évaluation par le patient des avantages et des
inconvénients des options de traitements disponibles. Par exemple, Bywater et
Atkins, dans une étude qualitative, concluent que l’une des stratégies utilisées par
les patients afin d’évaluer de façon logique ou réaliste leur situation consiste en la
comparaison des options de traitements. Ils établissent ainsi les bénéfices et les
risques de chaque option en termes de morbidité et de mortalité (Bywater & Atkins,
2001). Pour leur part, Mastaglia et al. (2001) ont mené une étude visant à décrire
les facteurs qui influencent la décision des femmes atteintes du cancer du sein
d’opter pour un type de chirurgie en particulier. Les auteurs ont mis en évidence
que les avantages et les inconvénients des différentes options de traitement
influençent la décision des femmes. D’autres recherches (Clark et al., 2004; Elit et
al. 2009; McKneally et al., 2004; Ridley et al., 2002; Sidana et al. 2012; Szumacher
et al., 2004) obtiennent des conclusions similaires aux études précédentes. Dans
le même sens, l’étude de Roberto et al. (2001) portant sur la préférence des
personnes âgées pour un choix de traitement et les facteurs qui l’influencent
concluent que les personnes âgées recouraient davantage à un traitement lorsqu’il
avait un fort potentiel de guérison. Dans une revue de littérature portant sur les
facteurs qui influencent le processus de décision pour le choix d’une chirurgie de
remplacement du genou, O’Neill et al. (2007) rapportent que huit des dix études
retiennent comme facteur la perception des options de traitement et les résultats.
Par ailleurs, Denberg et al. (2006) contredisent les résultats précédents dans une
étude de nature qualitative conduite auprès de 20 patients avec un cancer localisé
27
de la prostate. Ils concluent que la préférence des patients pour un traitement n’est
pas basée sur une évaluation rigoureuse des bénéfices et des risques. La
préférence des patients est plutôt profondément influencée par de fausses
conceptions et par l’expérience d’autres personnes atteintes de cancer.
2.2.3. Relations interpersonnelles
Cette catégorie porte sur les relations entre le patient et les personnes qui
gravitent autour de lui pendant les différentes étapes du processus de prise de
décision (Begum et al. 2011; Belle Brown et al., 2002; Bywater & Atkins, 2001;
Bond & Bywater, 1991; Elit et al. 2009; Marmoreo et al., 1998; McKneally et al.,
2004; O’Neill et al., 2007; Ridley et al., 2002; Tweed & Ceaser 2005). Dans une
étude sur les décisions des femmes en regard de leurs soins de santé, Belle
Brown et al. (2002) concluent que la présence du support social joue un rôle
important dans le processus décisionnel. En effet, pour plusieurs participantes, la
mère joue un rôle déterminant dans la décision. Elit et al. (2009), Hajjaj et al.
(2010), McQuirter et al. (2010), Sidana et al. (2011) et Tweed et Ceaser (2005)
vont dans le même sens. Des patients prédyalisés mentionnent avoir obtenu le
support de la famille et des amis dans le processus de décision. Également,
Denberg et al. (2006) concluent que le processus de décision des patients est
influencé par d’autres personnes ayant la même condition de santé. Gordon
(2001), Hajjaj et al. (2010), McQuirter et al. (2010), O’Neill et al. (2006), Sidana et
al. (2012) et Tweed et Ceaser (2005) obtiennent des résultats similaires.
28
2.2.4. Circonstances
Cette catégorie concerne les circonstances de la prise de décision, c’est-à-dire
l’environnement du patient ou encore les évènements entourant la prise de
décision. Différentes circonstances peuvent influencer le processus décisionnel.
McKneally et al. (2004), rapportent que la confiance du patient envers le système
de santé influence le processus décisionnel. Les auteurs expliquent ce résultat par
le fait que l’étude a été menée dans un très court laps de temps après une
importante épidémie d’influenza. En effet, les patients craignaient les salles
d’urgence débordées tel que décrit dans les médias. Aussi, ils préféreraient une
chirurgie planifiée à l’avance. Pour leur part, Szumacher et al. (2005) ont mené
une étude auprès de 101 patients atteints de métastases osseuses concernant
leur choix entre deux types de radiothérapies. Les auteurs rapportent que les coûts
reliés au traitement tel que les coûts de déplacement vont influencer la préférence
pour une option de traitement plutôt qu’une autre. Les études de Begum et al.
(2011), Hajjaj et al (2010) et Mastaglia et al. (2001) vont dans le même sens. Enfin,
Bywater et Atkins (2001), identifie la préparation préopératoire du patient à la
transplantation de moelle osseuse comme facteur influençant le choix du patient.
2.2.5. Attitude, valeurs, croyances
Cette catégorie correspond aux attitudes, valeurs et croyances du patient en
regard de la maladie ou des options de traitement (Belle Brown et al., 2002; Bond
& Bywater,1999; Hicks & Holmes, 2003; Théroux, 2005). Ce facteur est davantage
relié à la personne comme telle. Dans une revue de littérature portant sur les
facteurs qui influencent la décision des femmes de choisir l’auto-traitement dans le
cas de symptômes vaginaux, Théroux (2005) conclut que les études identifient des
facteurs clés qui sont d’ordre personnel ou environnemental. Les facteurs
29
personnels, notamment, regroupent l’attitude, les croyances, les valeurs et les
priorités. Une attitude positive envers l’utilisation des produits antifongiques, la
perception d’efficacité et de sécurité du produit, le coût/bénéfice et le besoin d’être
fonctionnel rapidement sont des exemples d’éléments qui influencent la décision.
La qualité de vie, considérée comme un facteur personnel parce que valeur
subjective, influence également le choix d’un traitement (Clark et al., 2004;
Szumacher et al., 2005; Roberto et al.,2001). Dans un autre ordre d’idées, mais
toujours dans un contexte associé à la personne, l’éducation et la religion sont des
facteurs associés au processus décisionnel (Gordon, 2001).
2.2.6. Capacité d’adaptation
Cette catégorie réfère à la capacité des patients de s’adapter à leurs conditions de
santé. Dans son étude portant sur la décision des candidats à un remplacement du
genou ou de la hanche de ne pas considérer la chirurgie, Clark et al. (2004)
concluent que l’accommodation à la douleur et aux handicaps physiques est un
facteur influençant la décision des patients. O’Neill et al. (2006) vont dans le même
sens. Enfin, dans une étude ethnographique, Gordon (2001) a examiné les
facteurs socioculturels influençant la décision des patients de poursuivre avec la
dialyse plutôt que d’opter pour la transplantation rénale. Le fait de bien s’adapter à
la dialyse est une des raisons pour laquelle les patients choisissent de poursuivre
avec cette option de traitement.
2.2.7. Gestion des symptômes
Cette catégorie réfère aux symptômes reliés à la maladie, mais plus précisément
à la capacité de les gérer. Une étude menée par Marmreo et al. (1998) auprès de
30
56 femmes ménopausées démontre que les perceptions et les sentiments des
femmes par rapport aux symptômes de la ménopause influencent la décision de
prendre ou non une hormonothérapie. Jones (1999) conclut également que les
principaux facteurs qui influencent les femmes à choisir l’hormonothérapie sont les
symptômes reliés à la ménopause. Hick et Holmes (2003) obtiennent des
conclusions similaires mais à partir d’une étude portant sur la description des
facteurs influençant la décision d’auto-gestion des patients atteints d’insuffisance
cardiaque. Également, l’étude de Clark et al. (2004) citée précédemment indique
que les symptômes reliés à la maladie sont un facteur qui influence la décision de
subir ou non une chirurgie. L’étude de Quon et al. (2011) va dans le même sens.
En outre, la douleur est le symptôme le plus important et le plus fréquemment
mentionné par les participants. Pour leur part, Mckneally et al. (2004) ont conduit
une étude de nature qualitative avec des patients opérés pour une
cholécystectomie élective. Selon leurs conclusions, l’attitude initiale des patients
envers le traitement opératoire influence la décision. Par exemple, la détresse des
patients jumelée à la suspicion envers l’efficacité de la chirurgie et les interventions
du chirurgien font en sorte que les patients préfèreront retarder la chirurgie le plus
longtemps possible en utilisant différentes stratégies pour gérer les symptômes.
Enfin, dans une étude de nature qualitative sur l’identification des facteurs
potentiels reliés à la décision des patients de prendre ou non une médication, le
sumatriptan contre les migraines, Ivers et al. (1999) obtiennent des résultats
similaires : avec l’expérience, les patients sont en mesure d’évaluer à quel moment
les symptômes sont suffisamment importants pour prendre la médication.
2.2.8. Expérience antérieure de la maladie et des traitements
Cette catégorie réfère aux expériences antérieures du patient reliées à la santé.
Par exemple, Marmoreo, conclut que l’expérience négative associée aux effets
secondaires de l’hormonothérapie influence la décision des femmes de cesser le
31
traitement(1998). Jones (1999), dans une étude qualitative, a aussi examiné le
processus décisionnel des femmes ménopausées en regard de l’hormonothérapie.
Les expériences précédentes, lors de la prise de décision dans un contexte de
santé, influencent la décision actuelle en regard de l’hormonothérapie. Par
exemple, l’évaluation des avantages et des inconvénients pour le choix d’une
méthode de contrôle des naissances. Les conclusions de l’étude de Tweed et
Ceaser (2005) portant sur l’exploration de la prise de décision chez 9 patients pré
dialysés vont dans le même sens. En effet, les auteurs concluent que l’expérience
des participants avec une maladie rénale et leur histoire médicale influencent leur
choix de traitement. D’autres études obtiennent également des résultats similaires
(Belle Brown et al., 2002; Elit et al., 2009; Hajjaj et al., 2010; Roberto et al., 2001).
2.2.9. Autres facteurs
D’autres facteurs de moindre importance ont été identifiés. Il est intéressant de les
mentionner parce qu’ils sont reliés soit à la condition de santé spécifique ou encore
à l’une ou l’autre des options de traitement. Begum et al. 2011, Halkett et al. (2005)
ainsi que Romanek et al. (2005) dans des études différentes portant sur le cancer
du sein, ont identifié l’âge et l’image corporelle comme facteur influençant le choix
d’un traitement. Les femmes plus jeunes optent davantage pour une lupectomie
versus une mastectomie. White (2005) obtient des conclusions similaires
concernant l’âge mais dans une étude portant sur l’expérience des résidents qui
ont signé des directives de fin de vie à leur admission en établissement de soins
de longue durée. Enfin, White (2005) mentionne également l’état de santé du
patient comme facteur influençant la décision en regard du choix des directives de
fin de vie. Hajjaj et al. (2010) et McQuirter et al. (2010) vont dans le même sens.
32
2.3. Les cadres théoriques
Parmi les études citées précédemment, seulement 4 d’entre elles comprennent un
cadre de référence. Cette section présente brièvement ces quatre cadres de
références.
L’étude de White (2005) menée auprès de 13 personnes âgées visait à explorer
l’expérience des résidents qui ont signé des directives de fin de vie à leur
admission en établissement de soins de longue durée. Le cadre de référence
utilisé est The advance directive decision-making model développé par les auteurs.
Ce modèle identifie deux catégories de facteurs pouvant influencer la décision soit
une première catégorie, les facteurs d’ordre personnel et une deuxième catégorie,
les facteurs d’ordre contextuel et environnemental.
Pour leur part, Hicks et Holmes, ont utilisé le cadre théorique intitulé Naturalistic
decision making (Klein, 1989). L’étude portait sur la description des facteurs
influençant la décision d’autogestion des patients atteints d’insuffisance cardiaque.
Ce cadre théorique postule que le comportement choisi résulte de l’interaction
entre l’individu, la décision à prendre et l’environnement. L’autogestion est vue
comme un processus décisionnel dans lequel l’individu répond à des signaux
internes et externes, aux expériences passées, à l’information obtenue, aux
relations interpersonnelles ainsi qu’au contexte de la décision.
Dans une étude visant à décrire les facteurs qui influencent la décision des
femmes atteinte du cancer du sein d’opter pour un type de chirurgie en particulier,
Mastaglia et al. (2001) ont utilisé The conflit theory of decision making (Janis &
Mann, 1977). Ils ont ajouté des facteurs internes et externes répertoriés dans la
littérature. Les postulats de ce cadre théorique expliquent comment les individus
33
prennent leurs décisions lorsqu’ils font face à une situation où les alternatives
présentent des inconvénients équivalents et que le résultat du choix peut entrainer
des conséquences sérieuses.
Enfin, dans le cadre d’une étude quantitative ayant pour but de comprendre les
facteurs associés à la décision des femmes ménopausées de prendre une
hormonothérapie, Clark et al. (2003) ont utilisé le Ottawa decision support
framework (O’Connor, 1998). Ce cadre conceptuel a été élaboré pour évaluer les
besoins des clients et pour les soutenir dans des décisions concernant leur santé.
Ils ont identifié quatre catégories de facteurs en regard de l’évaluation des
besoins : la perception du patient par rapport à la décision à prendre, la perception
des personnes qui entourent le patient, les ressources nécessaires à la prise de
décision et les caractéristiques du client et du médecin.
Malgré la variété des cadres de références, il existe deux groupes généraux de
facteurs qui influencent le processus de prise de décision dans le choix d’un
traitement. Il s’agit des facteurs personnels comme les valeurs du patient, sa
capacité physique et des facteurs externes à la personne comme les personnes
entourant le patient, l’environnement du patient.
L’examen des facteurs qui influencent la participation du patient au processus
décisionnel et des facteurs qui influencent le processus décisionnel nous permet
de dégager deux facteurs communs : l’information et les relations
interpersonnelles, notamment les relations avec les professionnels de la santé.
Ces deux facteurs sont donc des éléments clés du processus de prise de décision
dans un contexte de santé.
34
Par ailleurs, l’état des connaissances actuelles montre qu’un certain nombre de
facteurs influençant le processus de prise de décision lors d’un choix de traitement
ont été identifiés. Cependant, il est difficile de généraliser ces facteurs à tous les
contextes cliniques. En effet, certains facteurs sont propres à un contexte clinique
spécifique et par conséquent ne sont pas généralisables à d’autres contextes
cliniques.
L’analyse de ces recherches montre qu’il existe peu de cadres théoriques sur
lesquels elles reposent. Bien que le choix des différents modèles théoriques soit
intéressant, certains de ces modèles s’adressent à une situation clinique
particulière et ne peuvent de façon générale s’appliquer à la prise de décision lors
d’un choix de traitements.
De plus, on note l’absence de recherche au Québec. Précisons que le Québec est
un contexte particulier en raison de ses influences culturelles et juridiques à la fois
françaises et anglaises. En effet, le droit civil québécois, bien que tirant son origine
du Code Napoléon, a connu à travers les années des influences de la pensée
anglo-saxonne en raison de la situation géographique du Québec. Aussi, depuis
plusieurs années, on retrouve clairement établi dans la législation québécoise les
principes d’autonomie et du consentement libre et éclairé. Notons que les pays
anglo-saxons ont rapidement reconnu le principe d’autonomie dans leur législation,
alors que des pays francophones comme la France par exemple, n’ont que tout
récemment opté pour cette reconnaissance.
Puisqu’il n’existe pas d’études pertinentes réalisées au Québec, ce projet de
recherche va s’intéresser particulièrement à l’exploration du processus de prise de
décision du patient lors d’un choix de traitement à travers les facteurs qui
l’influencent. Nous opterons pour un contexte clinique qui n’a pas encore été
35
étudié soit l’insuffisance cardiaque notamment chez les personnes ayant opté pour
une transplantation.
Aussi, l’objectif principal de cette étude est d’explorer le processus de prise
décision à travers les facteurs qui l’influencent chez les personnes insuffisantes
cardiaques ayant opté pour une transplantation cardiaque.
36
Chapitre 3. Le cadre de référence
Bien qu’il existe plusieurs cadres de référence pour étudier le processus de prise
de décision dans différentes disciplines, il y en a peu qui s’appliquent dans un
contexte de soins de santé. Parmi ces derniers, on retrouve un modèle élaboré par
Dr. Joanne Noone. Il est particulièrement intéressant pour la présente recherche
puisqu’il identifie, notamment, des facteurs environnementaux et personnels,
objets de cette étude, qui influencent le processus de prise de décision dans un
contexte de soins de santé.
3.1. Présentation du cadre de référence
Dans le but de modéliser le processus de prise de décision dans un contexte de
soins de santé, Noone a procédé à une analyse du concept de prise de décision.
Elle s’est inspirée d’une approche développée par Walker et Avant. Ceux-ci
affirment que « Examining the structure and function of a concept is the purpose of
concept analysis » (walker & Avant, 2005, p.63). Plus précisément le concept peut
se définir de la façon suivante : « A concept is a mental image of a phenomen, an
idea, or a construct in the mind about a thing or an action » (Walker & Avant, 2005,
p. 26). Pour sa part, Hardy (1974) (cité dans Walker et Avant, 2005) soutient que
« Concepts are the basic building blocks of theory » (p. 26).
L’approche de Walker et Avant (2005) est basée sur la méthode développée par
Wilson en 1963. Elle comprend huit étapes : sélectionner le concept, déterminer le
but et la portée de l’analyse, identifier tous les usages connus du concept,
déterminer les attributs du concept, identifier un cas modèle, identifier les cas
37
limites, reliés, contraires, inventés et illégitimes, identifier les antécédents et les
conséquences et, enfin, définir les référents empiriques.
Pour analyser le concept à l’étude, la prise de décision dans un contexte de soins
de santé, Noone (2002) a proposé la définition suivante de la décision : « decision
making is defined as the selection of salient alternative or acceptable solution » (p.
27). Selon Noone (2002), cette définition n’est pas limitée uniquement à la
meilleure solution ou à une solution idéale. Par exemple, un patient pourrait opter
pour une solution moins intéressante du point de vue de sa condition de santé,
mais plus adapté à ses croyances, à ses valeurs ou encore à sa personnalité. Le
modèle qui se dégage de l’analyse conceptuelle de Noone comprend les
composantes suivantes : les antécédents, les facteurs contextuels, les attributs et
les conséquences du processus décisionnel. La figure 1 illustre les liens entre
elles. Voyons maintenant comment chacune des composantes est définie.
Figure 1
Concept Analysis of Decision making1
Antecedents Contextual
Factors Defining Attributs Consequences
Stimulus for action
Evaluation of stimulus – appraisal of risk
Awareness of choice and available options
Gathering information
Evaluation of alternatives
⇨ ⇨
▲
An intentional choice between two or more discrete options
Based upon recognition of stimulus for action
Commits a person to a path of action
Expects to accomplish a specific goal or goals
⇨
⇨
⇨
⇨
Acceptance of choice without reevalaution Reevaluates choice – decision is reaffirmed Unsatisfied but remains with choice Unsatisfied – returns to decision
1Tiré de : Noone, J. (2002). Concept analysis of decision making. Nursing forum, 37(3), 27.
38
3.1.1. Les antécédents
Cette composante porte sur les évènements ou les incidents qui se produisent
avant la prise de décision. Les antécédents sont nécessaires à la réalisation de la
prise de décision. Selon Noone (2002), cette composante regroupe cinq étapes :
1. Un stimulus à l’action;
2. L’évaluation du stimulus et l’évaluation des risques;
3. La prise de conscience du choix et des options disponibles;
4. La collecte de l’information;
5. L’évaluation des alternatives, des risques et des bénéfices basés sur des
facteurs contextuels personnels et environnementaux (traduction libre, p.
28).
Reprenons l’exemple d’une personne atteinte d’un cancer de l’intestin. Le stimulus
à l’action pourrait être les symptômes de la maladie ou l’annonce du diagnostic. À
cette étape, la personne prend conscience de sa maladie, des options de
traitements disponibles et du choix qu’elle peut faire parmi eux (chirurgie,
radiothérapie, chimiothérapie, soins de confort). Elle cherchera à obtenir de
l’information sur sa maladie et sur les différentes options de traitement en
consultant par exemple son médecin, Internet, des membres de sa famille ou des
amis. Enfin, elle évaluera les options de traitement en balançant les avantages et
les inconvénients, en s’appuyant sur les facteurs contextuels personnels et
environnementaux.
3.1.2. Les facteurs contextuels
Les facteurs contextuels sont classés en deux groupes : les facteurs
environnementaux et les facteurs personnels. Ils regroupent les facteurs qui
39
peuvent affecter le processus décisionnel. Selon Noone (2002), la prise de
décision s’effectue dans un contexte spécifique, complexe et multidimensionnel.
Par conséquent, plusieurs facteurs influencent la prise de décision. Par exemple,
un patient ayant connu des complications à la suite d’une chirurgie antérieure
pourrait être plus hésitant à opter de nouveau pour ce même type de traitement. Le
tableau 1 énumère les facteurs contextuels qui émergent du modèle. Une
traduction et une définition des facteurs contextuels sont proposés par l’auteure à
l’annexe 1.
Tableau 1
Contextual factors1
Environnemental Temporal nature of situation
Stress of decision
Ressources : social support and economic
Culture
Social norms
Experiences and influences of others
Personnal Past experience with illness, treatment
Use of heuristics
Personnal preferences
Physical abilities
Values
Locus of control
Self-esteem
Role preference
Framing of event
Personnality traits
Usual pattern of decision making
Age/developmental stage
1Tiré de : Noone, J. (2002). Concept analysis of decision making. Nursing forum, 37(3), 27.
40
3.1.3. Les attributs
Cette composante réfère aux caractéristiques essentielles du concept. Elle
s’adresse donc à la nature même du processus de prise de décision. Aussi, selon
Noone (2002), le processus décisionnel peut être considéré en fonction des
attributs suivants :
La reconnaissance d’un besoin de prendre une décision;
L’intention de choisir entre deux ou plusieurs options distinctes;
L’engagement dans une action;
L’accomplissement d’un ou des buts spécifiques (traduction libre, p.27).
Bref, le patient fait un choix entre une ou plusieurs options basées sur la
reconnaissance de la nécessité de faire un choix dans un but spécifique. Par
exemple, reprenons le cas d’une personne atteinte d’un cancer de l’intestin,
l’élément déclencheur pourrait être les symptômes de la maladie ou l’annonce du
diagnostic. Par la suite, le patient reconnait son intention de faire un choix entre
différentes options de traitement (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie, soins de
confort). Lorsque le choix est complété, le patient engage ses actions dans la
direction du traitement choisi (la chirurgie) afin d’obtenir les résultats souhaités (la
rémission de la maladie).
3.1.4. Les conséquences
Les conséquences représentent les résultats du processus décisionnel. Deux
conséquences sont possibles : l’acceptation ou la réévaluation du choix. Dans ce
dernier cas, trois options sont possibles : réaffirmation de la décision, maintien de
41
la décision malgré une insatisfaction en regard de la décision ou retour au
processus décisionnel.
3.2. Application du cadre de référence à la présente étude
Tel que mentionné précédemment, l’objet de cette recherche porte sur les facteurs
qui influencent le processus de prise de décision dans un contexte de soins de
santé. C’est la raison pour laquelle nous retiendrons uniquement la composante
« facteurs contextuels » du modèle de Noone.
Une comparaison entre les facteurs identifiés par le modèle de Noone et les
facteurs relevés dans la littérature permet d’affirmer que le modèle de Noone
englobe la presque totalité des facteurs recensés. En effet, bien que la
terminologie utilisée pour illustrer un groupe de facteurs ne soit pas
nécessairement la même, il existe de nombreuses correspondances. Le tableau 2
illustre cette comparaison.
Il faut noter que l’élément « obtention de l’information » se retrouve dans la
composante « antécédent » du modèle de Noone. En accord avec Noone, nous
considérons l’obtention de l’information comme une étape essentielle du processus
de prise de décision. Par ailleurs, tel que démontré avec la littérature, nous
considérons les caractéristiques de l’information ainsi que les sources
d’information comme des facteurs influençant le processus de prise de décision.
Parmi les caractéristiques de l’information obtenue, mentionnons la qualité de
l’information ou encore la quantité d’informations disponibles. Quant aux sources
d’information, elles peuvent être très variées et offrir une plus ou moins grande
pertinence à la décision.
42
Par ailleurs, on retrouve dans la littérature deux facteurs récurrents qui ne sont pas
présents dans les facteurs contextuels identifiés par Noone. Il s’agit de l’évaluation
des avantages et des inconvénients des options de traitements et la gestion de
symptômes. Ces facteurs sont donc ajoutés au tableau suivant.
Tableau 2
Comparaison des facteurs
Modèle de Noone Revue de littérature
Environnemental
Nature temporelle de la situation
Niveau de stress relié à la décision Attitude
Ressources: support social et économique Relations interpersonnelles
Culture
Normes sociales
Expérience et influence des autres Relations interpersonnelles
Personnel
Expérience antérieure avec la maladie, les
traitements
Expérience antérieure de la
maladie et des traitements
Utilisation d’une heuristique
Préférences personnelles
Capacité physique Condition de santé spécifique
(autres facteurs)
Valeurs valeur / croyance
Lieu de contrôle
Estime de soi
Préférence pour un type de rôle dans la
décision
Encadrement de l’évènement Circonstances
Traits de personnalité Attitude
Capacité d’adaptation
Patron habituel de décision
Âge / stade de développement Âge (autres facteurs)
Information (caractéristiques et
43
sources de l’information)
Gestion des symptômes
Évaluation des avantages et
des inconvénients des options
de traitements
En conclusion, le modèle de Noone offre un cadre de référence intéressant
puisqu’il identifie des facteurs influençant la prise de décision dans un contexte de
soins de santé. Aussi, en continuité avec l’objectif de la présente recherche, le
modèle de Noone servira d’ancrage théorique pour guider la présente recherche.
44
Chapitre 4. La méthode
Les chapitres précédents ont démontré que s’il existe un certain nombre de
facteurs qui influencent le processus de prise de décision dans un contexte de
soins de santé, il est important de poursuivre l’exploration de ces facteurs dans
différents contextes cliniques. Aussi, le modèle de Noone servira de référents
interprétatifs de départ. Quant à l’objectif principal de cette étude, il consiste à
explorer et décrire les facteurs qui influencent le processus de prise de décision
auprès des personnes insuffisantes cardiaques ayant opté pour une
transplantation cardiaque.
Ce projet de recherche s’inscrit dans une position philosophique dite de réalisme
modéré. Ce paradigme soutient une vision objective de la réalité. Il postule qu’il
existe une réalité objective externe au sujet et que celle-ci peut être connue par
l’expérience sensorielle et la réflexion rationnelle. En effet, selon Kikuchi (1997),
« the commonsense philosophic position of moderate realism, which holds that
reality exists outside and independent of the mind and is knowable » (p.98).
Ce quatrième chapitre identifie et décrit la méthode qui a permis d’atteindre
l’objectif de cette étude. Dans un premier temps, le type d’étude ainsi que la
population y sont présentés. Nous retrouvons ensuite, la description de
l’échantillon, le processus de collecte des données et la méthode d’analyse. Enfin,
les considérations éthiques sont exposées.
45
4.1. Le type d’étude
La présente étude fait appel à un devis exploratoire puisqu’elle vise à décrire les
facteurs qui influencent un processus de prise de décision auprès des personnes
insuffisantes cardiaques ayant opté pour une transplantation cardiaque. À ce sujet,
Polit et Beck (2008) affirment que :
Like descriptive research, exploratory research begins with a phenomenon of interest; but rather than simply observing and describing it, exploratory research investigates the full nature of the phenomenon, the manner in witch it is manifested, and the other factors to witch it is related (p. 20).
Ici, le phénomène à l’étude est le processus de prise de décision, exploré par le
biais des facteurs qui l’influencent.
Une approche qualitative est privilégiée puisque le phénomène à l’étude est peu
documenté. Dans cette étude, le cadre de référence est utilisé à titre de guide pour
l’élaboration des outils d’entrevues et l’analyse des données. À ce sujet, Sylvain
(2008) soutient que :
Cependant à l’instar de plusieurs chercheurs qui travaillent en qualitatif, nous croyons que sans être contraints par un cadre rigide, il est important d’utiliser des ancrages théoriques pour baliser la recherche. En effet, il est difficile de prétendre qu’on puisse faire table rase des connaissances et des modèles théoriques associés au sujet de recherche. Cependant, l’utilisation d’un cadre de référence doit se faire dans l’esprit d’un guide pour le développement des outils d’entrevue et l’organisation des données plutôt que dans une vision déductive d’intégration des données dans les catégories préétablies (p. 3).
Dans le même sens, Paillé et Mucchielli (2008) affirment que :
Entre lecture, prise en compte de modèles et théories d’une part, et posture d’ouverture et de découverte sur le terrain, d’autre part, le
46
chercheur doit trouver l’équilibre juste. Nous appelons cet équilibre l’équation intellectuelle du chercheur. Pour nous, il est clair que cette équation juste est incompatible avec la notion de cadre théorique prise dans son sens de modèle à vérifier. Par contre, il est également clair pour nous que tout chercheur aborde un terrain de recherche avec des a priori et des connaissances de diverses natures (p.17).
En résumé, l’utilisation des référents théoriques permet de considérer les
connaissances existantes sans pour autant être contraint par un modèle rigide.
4.2. La population à l’étude
La population à l’étude est constituée de personnes insuffisantes cardiaques ayant
opté pour une transplantation cardiaque. Cette population est visée parce que le
processus décisionnel dans ce contexte de soins de santé n’est pas documenté
dans la littérature et que cette population fait face à des décisions importantes. Elle
fait partie d’un programme clientèle de transplantations cardiaques qui est offert
par un Institut universitaire de la région de Québec à toute la population du
territoire du centre et de l’est du Québec. De plus, le suivi de cette clientèle est
assuré par une équipe interdisciplinaire.
Afin de ne pas influencer le choix des personnes parmi les options de traitements
offerts, il a été décidé de recruter les participants après qu’ils aient opté pour la
transplantation cardiaque. En d’autres mots, il sera question de considérer la
décision qui a conduit à opter pour la transplantation cardiaque.
47
4.3. L’échantillonnage
4.3.1. Critères de sélection
Les personnes recrutées pour l’étude devaient répondre aux cinq critères
d’inclusion suivants : 1) être âgé de plus de 18 ans; 2) être apte à consentir; 3)
résider dans un lieu desservi par le programme clientèle de l’Institut universitaire;
4) avoir opté pour la transplantation cardiaque ; 5) être inscrit sur la liste d’attente
pour une transplantation cardiaque.
4.3.2. La taille de l’échantillon
Dans un devis exploratoire descriptif, le but poursuivi est de recueillir de
l’information pour mieux comprendre un phénomène. Dans ce type d’étude la taille
de l’échantillon peut être relativement petite (Mongeau, 2008). Cependant, la taille
de l’échantillon doit permettre la saturation des données. En recherche qualitative,
il n’y a pas de guide précis pour estimer le nombre de participants requis pour
atteindre la saturation des données. Par saturation, on entend une redondance du
discours dans les dernières entrevues sans qu’aucune nouvelle information ne soit
obtenue (Morse, 1995). Habituellement, le recrutement dans le contexte d’études
phénoménologiques repose sur un nombre limité de participants, c’est-à-dire dix
ou moins (Polit & Beck, 2003). Dans la présente étude, le nombre de répondants
visés était entre six à dix. Après huit entrevues, une saturation des données à été
constaté.
48
Aussi, le choix d’un échantillonnage accidentel est pertinent pour la présente étude
puisque celle-ci ne vise pas la généralisation des résultats. Dans un échantillon
accidentel, les participants sont sélectionnés au fur et à mesure qu’ils se
présentent et jusqu’à ce que l’échantillon ait atteint la taille désirée. (Polit et Beck,
2008).
4.3.3. La sélection des sujets
Suite à l’obtention de l’autorisation du directeur médical du programme de
transplantation cardiaque et de l’infirmière en chef de l’unité de chirurgie
cardiaque, il a été convenu avec l’infirmière coordonnatrice du programme de
transplantation cardiaque que celle-ci identifierait les personnes rencontrant les
critères d’inclusion pour l’étude. Par la suite, lors de l’évaluation de suivi à la
clinique d’insuffisance cardiaque, des infirmières de la clinique ont remis une
invitation à participer à l’étude aux personnes répondant aux critères de sélection.
Les personnes intéressées à participer à l’étude ont été présentées à l’étudiante
chercheure ou leurs coordonnées lui ont été transmises, avec leur accord. Lors de
ce premier contact, l’étudiante chercheure a expliqué en quoi consistait l’étude et
leur participation afin d’obtenir un consentement volontaire et éclairé. Les
personnes ont été informées qu’elles peuvent se retirer de l’étude à tout moment,
sans préjudice. Les personnes qui ont accepté de participer à l’étude ont été
invitées à signer le formulaire de consentement qui a été déposé dans une
enveloppe scellée. Enfin, le moment et le lieu de l’entrevue ont été déterminés en
fonction des désirs de la personne.
49
4.4. La collecte de données
La technique de collecte de données doit permettre d’obtenir les renseignements
pertinents pour répondre à l’objectif de recherche. Aussi, la technique privilégiée
pour cette étude est l’entretien semi-dirigé. Selon Paillé (1991), l’entrevue vise « à
dégager l’expérience d’un individu concernant un pan de la réalité, et elle est à la
recherche d’un témoignage complet et pas uniquement de fréquences. Plus
encore, le but de l’entrevue n’est pas uniquement d’obtenir des réponses, mais
également de découvrir quelles questions posées et quand les poser » (p. 7).
Enfin, l’entretien semi-dirigé permet d’identifier au préalable les thèmes qui seront
abordés lors de l’entrevue tout en demeurant ouverte à la réalité de la personne.
L’objectif de cette recherche étant de déterminer les facteurs influençant la prise
de décision, le choix de l’entrevue semi-dirigée pour obtenir les données est
justifié.
Pour la conduite de l’entrevue, un guide d’entrevue a été préparé. Les facteurs
contextuels identifiés dans le modèle de Noone ont guidé le choix des thèmes
abordés lors de l’élaboration du schéma d’entrevue. Dans le but de décrire la
population à l’étude, un ensemble de données sociodémographiques a été
recueilli. Un pré-test du guide d’entrevue a été réalisé auprès d’un premier
participant. Une question a été ajoutée à la fin du guide d’entrevue afin de
s’assurer de faire ressortir les facteurs qui ont le plus influencé la prise de décision.
Enfin, les entrevues, d’une durée moyenne de 45 à 60 minutes, se sont déroulées
dans un lieu choisi par chaque répondant soit au domicile du répondant, au lieu de
travail de l’auteure ou à l’Institut. Un enregistreur numérique mobile a été utilisé
pour l’enregistrement des entrevues.
50
4.5. La méthode d’analyse
L’analyse qualitative peut se définir comme une démarche discursive de
reformulation, d’explicitation ou de théorisation d’un témoignage, d’une expérience
ou d’un phénomène. Elle permet notamment la construction de sens (Paillé &
Mucchielli, 2008). Pour y parvenir, les entrevues réalisées avec les répondants de
la recherche ont été transcrites sur support informatique. Une première lecture des
verbatim avec annotations a été réalisée. Ensuite, un premier cycle de codification
à l’aide du logiciel QSR N’Vivo a permis de dégager trente sept codes. Ce premier
cycle de codification correspond à la codification initiale. Elle doit être simple et
directe. La méthode utilisée est la « descriptive coding ». La codification
descriptive résume en un mot ou une phrase courte, le sujet de base d’un passage
de données. Le code est l’identification du sujet et non une abréviation du contenu.
Le contenu est la substance du message (Saldana, 2010). Par la suite une
deuxième lecture des verbatim avec annotations et rédaction de mémos a été
réalisée suivi du deuxième cycle de codification. Celui-ci permet de développer un
sens à partir des résultats du premier cycle de codification. La méthode utilisée
lors de ce deuxième de cycle de codification est « focused coding ». La codification
centrée cherche, à partir de la codification initiale, les codes les plus fréquents ou
ceux qui font le plus de sens dans le but de développer les catégories les plus
significatives dans le corpus de données (Saldana, 2010). De ce deuxième cycle
de codification, quatorze catégories ont émergé. Enfin, une validation auprès d’un
expert a permis de réduire à douze catégories et de classifier ces catégories en
trois grandes dimensions. Le schéma de la codification est présenté à l’annexe H.
51
4.6. Les considérations éthiques
Plusieurs actions ont été mises en place pour assurer le respect et la dignité des
personnes participant à la recherche. Une première série d’actions porte sur le
consentement à la recherche. Dans un premier temps, une employée de l’Institut a
repéré les personnes répondant aux critères de sélection. Par la suite, la personne
a été informée du but et de l’objectif de la recherche, du déroulement de sa
participation, des avantages et des inconvénients, de manière verbale et écrite.
Lorsque la personne acceptait, ses coordonnées étaient transmises à l’étudiante
chercheure. Une personne pouvait refuser de participer à la recherche sans aucun
préjudice. Lors du premier contact, l’étudiante chercheure a répondu aux questions
de la personne, s’il y a lieu et a fait signée le formulaire de consentement. Enfin,
une copie du consentement signé a été remise à chaque participant et une copie a
été conservée sous scellé.
Une deuxième série d’actions porte sur la réduction des inconvénients. Pour aider
le participant qui éprouverait des difficultés psychologiques à la suite de l’entretien,
le nom d’une personne ressource a été indiqué sur le formulaire de consentement.
Le participant a été également informé qu’il pouvait interrompre la rencontre en
tout temps s’il le désirait et ceci, sans préjudices.
Enfin, une dernière série d’actions porte sur le respect de la vie privée et la
protection des renseignements personnels. Pour assurer la confidentialité des
informations recueillies dans le cadre de ce projet de recherche, les données ont
été anonymisées en remplaçant les noms des participants par un pseudonyme ou
un chiffre pour la transcription et pour l’utilisation de citations à des fins
d’analyse. La correspondance entre le nom du participant et le pseudonyme n’est
connue que de la personne qui a conduit l’entretien. Aucun nom ne sera utilisé
dans les communications écrites ou orales. Les supports pour l’enregistrement des
52
entretiens ainsi que les formulaires de consentement sont gardés dans un classeur
verrouillé de l’étudiante chercheure. Ces supports seront détruits au plus tard cinq
ans après la fin de l’étude tel qu’exigé par le Vice-rectorat à la recherche de
l’Université Laval. Par ailleurs, selon les exigences du Ministère de la Santé et des
Services sociaux, la liste des participants de la recherche ainsi que leurs
coordonnées seront conservés pendant au moins un an.
Ce projet de recherche a été approuvé par le comité d’éthique de l’Institut
universitaire.
53
Chapitre 5. Présentation des résultats
Dans ce chapitre, les résultats sont présentés à partir de entrevues individuelles
semi-dirigées qui ont été effectuées auprès de personnes souffrant d’insuffisance
cardiaque et ayant opté pour la transplantation cardiaque. Les données ayant été
recueillies en se basant sur le modèle de Noone, il est prévisible de retrouver des
catégories similaires à ce modèle dans ce chapitre. Tel qu’il a été mentionné dans
le chapitre précédent, le milieu de soins choisi pour le recrutement des répondants
est un Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie doté d’un programme
de transplantation cardiaque. Afin de mieux présenter le contexte de l’étude, les
caractéristiques du programme clientèle de transplantation cardiaque et les
caractéristiques sociodémographiques des répondants sont exposées. Par la suite,
les résultats émergeant de l’analyse et de l’interprétation des données sont
présentés. Un facteur correspond à une catégorie, par conséquent, les facteurs
reliés à la décision d’opter pour la transplantation cardiaque se regroupent en trois
dimensions : la maladie en soi, les facteurs personnels et les facteurs
environnementaux. Les facteurs regroupés dans les trois dimensions sont décrits
et illustrés à l’aide d’extraits du verbatim des entrevues menées auprès des
répondants. Notons qu’un facteur est une caractéristique qui influence la prise de
décision.
5.1. Description du programme de transplantation cardiaque
Le programme clientèle de transplantation cardiaque du milieu de soins choisi
dessert une population d’un vaste territoire de plusieurs centaines de kilomètres. Il
s’agit d’un programme d’évaluation, d’enseignement et de suivi de la clientèle
externe et hospitalisée. Il couvre l’ensemble de l’expérience chirurgicale de la
54
personne soit les étapes périopératoires. Il vise à assurer un suivi régulier et une
qualité de vie optimale à la clientèle tout au long de cette période.
Afin de déterminer si la personne insuffisante cardiaque est éligible à une
transplantation cardiaque, l’équipe de soins procède à une évaluation de sa
condition de santé. Elle consiste en une série d’examens et de consultations. Le
consentement à la transplantation cardiaque est obtenu lorsque l’éligibilité de la
personne est confirmée.
Pour assurer l’ensemble des soins, une équipe interdisciplinaire est mise à
contribution. Cette équipe comprend, notamment, des chirurgiens, cardiologues,
infirmières, nutritionnistes, physiothérapeutes, pharmaciens, travailleur social,
psychiatre. Elle assure ainsi le bon déroulement et le succès d’une transplantation
cardiaque.
Enfin, le programme permet un accompagnement de la personne malade tout au
long du processus de prise de décision menant au choix de la transplantation
cardiaque.
5.2. Description des caractéristiques sociodémographiques des répondants
L’échantillon des participants ayant pris part à l’étude est composé de huit
personnes insuffisantes cardiaques sévères ayant opté pour la transplantation
cardiaque. Le nombre de participants a été déterminé par la saturation des
données en entrevues. Le tableau 3 dresse le portrait des caractéristiques
sociodémographiques des participants ayant pris part à l’étude.
55
Tableau 3
Données sociodémographiques
Participant Sexe Âge Statut marital
Occupation Origine ethnique
Lieu de résidence > à 200 km du centre de trans- plantation
Cœur mécani-que
Hospitalisé
201001 H 57 Couple Congé maladie
Québécois Non Oui Non
201002 H 58 Couple Congé maladie
Québécois Oui Non Oui
201003 H 52 Célibataire Congé maladie
Québécois Non Non Oui
201005 H 58 Couple Congé maladie
Québécois Non Non Non
201006 F 60 Couple Retraitée Québécoise Oui
Non Non
201008 F 62 Couple Retraitée Québécoise Oui
Non Non
201007 H 61 Couple Retraité
Québécois Non Non Non
201011 H 50 Couple Retraité
Québécois Oui Non Non
L’échantillon est composé de 6 d’hommes et de 2 femmes. La moyenne d’âge des
participants est de 57,25 ans avec un écart-type de 4,2. Le couple représente le
statut marital pour 7 des participants. En ce qui concerne l’occupation, 4
participants sont toujours au travail, mais en congé maladie alors que 4 autres sont
retraités. Tous les participants sont d’origine québécoise. Le lieu de résidence des
participants est à plus de 200 km du centre de transplantation pour 4 des
participants. Un seul participant est porteur d’un cœur mécanique. Finalement, 2
participants sont hospitalisés au moment de l’entrevue.
Voici donc les résultats des analyses à la suite des entrevues avec les personnes
insuffisantes cardiaque décrivant les facteurs de leur processus décisionnel lors du
choix de la transplantation cardiaque.
56
5.3. Les facteurs reliés à la décision d’opter pour la transplantation cardiaque
Le tableau 4 permet de présenter une vue d’ensemble des trois dimensions et des
douze catégories retenues lors de la codification.
Tableau 4
Dimensions et catégories
Dimensions Catégories (facteurss)
La maladie en soi État de santé
Limite à l’adaptation à la maladie
Options de traitement (évaluation des avantages et des inconvénients, perception des options de traitement, les deuils reliés aux options de
traitements, le nombre d’options de traitements
Facteurs personnels Personne unique Caractéristiques de la personne (expérience avec la maladie actuelle, expériences antérieures avec
la maladie, capacité de gérer le stress, style décisionnel, traits de personnalité)
Conceptions au sujet de la santé, la maladie et la mort
Conjoncture temporelle de la situation personnelle
Motivation personnelle
Personne en relation Relation avec les professionnels de la santé
Relation avec les personnes transplantées
Relation avec les proches
Facteurs environnementaux
Accessibilité aux soins de santé
Facteurs environnementaux
Sources d’information
57
5.3.1. La maladie en soi
Cette catégorie réfère aux facteurs associés à la maladie et son impact sur la
personne malade. Elle regroupe les facteurs suivants : état de santé, limite à
l’adaptation à la maladie et options de traitements.
5.3.1.1. État de santé
Une personne perçoit son état de santé par rapport à sa position dans un
continuum santé-maladie. Il s’agit donc d’une évaluation subjective.
Pour plusieurs répondants à l’étude, l’état de santé apparaît comme étant un
élément important lors du choix d’un traitement. On y note deux pôles favorisant le
choix de la transplantation cardiaque. D’une part, la perception d’un état de santé
optimal sera le gage de la réussite d’une greffe cardiaque, comme en témoignent
les deux extraits suivants :
Alors présentement, tout est beau, tout est correct, c’est le bon temps de faire une transplantation au lieu d’attendre quelques années pis qu’à ce moment là… ben peut-être qu’il y a un risque de ne pas être capable. (201006)
Alors, ce que j’ai réfléchi, c’est que tout le monde peut pas avoir la chance d’avoir une transplantation cardiaque. Et je me suis dit puisque je suis en forme, relativement en forme maintenant, c’est le temps de la… de la subir, la greffe, parce que si j’attends quand… plus longtemps, alors mon corps va moins le prendre et ce qu’y vont me donner comme cœur, ça va être quelque chose de moindre. (201007)
D’autre part, un mauvais état de santé s’associe à des limitations fonctionnelles
importantes ayant pour conséquence une diminution de la qualité de vie. Cette
situation favorise donc le choix d’une transplantation, comme le montrent ces
extraits :
58
Moi j’étais… parce ce qu’écoute, j’ai vraiment une condition de vie qui est abominable depuis que je suis malade. Moi, si je me compare, avant toujours, on me disait : 201003, est-ce que tu veux m’aider? C’était toujours oui, oui, oui. Du jour au lendemain, j’étais tombé à rien… j’étais même pas capable de… j’étais même pas capable de prendre ma cage à oiseaux pis de l’enlever. (201003)
Comment j’te dirais ben ça… j’suis accoutumé de tout l’temps bouger pis là, j’étais restreint chez nous à quasiment pas bouger… pu d’activités, rien. (201005)
Ces citations permettent de constater que la perception d’un état de santé optimal
favorise le choix de la transplantation cardiaque en raison de la condition favorable
pour la réussite de la chirurgie alors que la perception d’un mauvais état de santé
favorise le choix de la transplantation cardiaque en raison des limitations
fonctionnelles importantes et de la diminution de la qualité de vie. Il est ainsi
possible de déduire que l’état de santé est un facteur influençant la prise de
décision dans le choix de la transplantation cardiaque.
5.3.1.2. Limite à l’adaptation à la maladie
Tout au long de l’évolution de la maladie, la personne malade prend différents
moyens pour s’adapter à sa nouvelle condition de santé. Ces adaptions peuvent
prendre différentes formes et toucher différents aspects de la vie comme la vie
domestique, le rôle social ou les habitudes de vie.
Pour une répondante, les adaptations imposées par la maladie touchent les
activités de la vie quotidienne comme le montre l’extrait suivant :
Bon… demain, je vas faire l’époussetage, après ça, après-demain, je vas passer l’aspirateur, puis après ça, je vais laver mes salles de bain. Alors qu’avant, je disais psitt… on commence là, puis on finit là. Let’s go, on part. Fait que ça, c’a changé… ça… je répartis ce que j’ai à faire. (201008)
59
Dans cet extrait, la répondante explique la modification apportée à ses activités de
la vie quotidienne. Par exemple, avant d’être malade, elle pouvait faire son
entretien ménager dans un seul temps alors que maintenant, elle doit répartir ce
travail sur plusieurs journées et ce, en raison de la diminution de sa capacité
physique.
Un autre répondant explique comment il a dû s’adapter à son état de santé en
acceptant de l’aide de son épouse et de sa sœur :
C’est attristant… c’est attristant. J’ai pleuré, j’ai eu de la peine. Elle qui est plus vieille que moi puis qui est malade aussi. Moi, j’ suis pas capable. Ma femme qui sort les poubelles, ma femme qui tond le gazon. Euh !... Tu sais, c’est pas… c’est pas facile, ça, pour un homme, ce que… J’étais quand même assez actif, j’étais… je faisais qu’est-ce que j’avais à faire. J’étais… je suis créatif, j’ai de l’imagination, j’adore bricoler, tu sais. J’adorais bricoler. Ça fait que c’est des deuils qu’y faut faire. Alors… mais j’ai fait ces deuils. (201007)
Ce répondant exprime le deuil relié au changement de rôle social. Depuis sa
maladie, il ne peut plus faire l’ensemble des travaux d’entretien de sa maison. Il
doit accepter l’aide de sa sœur, plus âgée que lui, et de son épouse pour ces
travaux.
Dans l’extrait suivant, une autre répondante donne l’exemple d’une adaptation
reliée à ses loisirs :
Après mon insuffisance cardiaque, là j’disais aux autres… prenez l’escalier, j’vais prendre le funiculaire… parce que c’est des choses que j’savais, que j’avais appris à vivre avec c’qu’on… les limitations qu’on m’avait dit. (20106)
Cette répondante raconte que lors d’une promenade dans le vieux Québec avec
des amis, elle ne peut pas suivre le groupe ni monter les escaliers. Elle doit utiliser
le funiculaire. Elle exprime bien son adaptation à ses nouvelles limitations.
60
Enfin, le répondant 201003 mentionne la modification apportée à son alimentation.
Ces changements sont très importants pour lui comme le montre cet extrait :
C’est ça. Euh!… c’est dur, c’est vraiment pas facile. C’est… Euh !… faut vivre autrement... faut… Euh !… repartir à zéro. Là, tu peux pas faire ci, tu oublies telle chose, faut que tu manges autrement, pas ci, pas ça, oui ça je peux. On dirait comme si on flushait vraiment notre passé pour repartir avec un autre personnage… et voilà ce que j’en pense. (201003)
Dans le cas de la personne insuffisante cardiaque, l’adaptation à la maladie est
possible jusqu’à un certain état d’avancement de la maladie où les limitations
fonctionnelles réduisent de façon importante la qualité de vie. À ce moment,
l’option de la transplantation cardiaque est envisageable. Ce fait est illustré dans
l’exemple suivant. Il s’agit d’un monteur d’acier dont le travail nécessite de grimper
plusieurs étages :
Y’avais un huit étages pis il fallait voyager dans ça. J’amenais ma boîte à lunch parce que je voulais pas redescendre, c’était trop pour moé… descendre c’était bon, mais monter, si je descendais cinq étages, j’arrêtais à tous les étages en montant. […] Un moment donné, ça pu de bon sens, j’étais pu capable, c’est là que j’ai arrêté de travailler, mais durant c’est trois ans là, je suis pas resté à m’apitoyer non plus. Je continuais à travailler pareil. Je me suis faite faire des petites cartes d’affaires… pis travailler… travailler la menuiserie pour faires des galeries, des planchers de bois francs. […] C’est sur que les trois derniers… quand t’es malade, t’es vraiment malade, là tu l’es comme j’l’ai expliqué dans les trois jours, j’étais vraiment au bout du rouleau… j’avais beau être fort, la maladie était par-dessus. (201002)
Dans cet exemple, la personne prend différents moyens pour s’adapter à sa
situation et particulièrement au plan du travail. Elle adapte son travail en fonction
de l’évolution de la maladie. On note, qu’à un certain stade de la maladie, elle
n’arrive plus à s’adapter pour demeurer fonctionnelle. C’est d’ailleurs à ce moment
qu’elle sera hospitalisée et que la greffe cardiaque lui sera proposée.
61
En conclusion, la limite de l’adaptation à la maladie, associée à l’évolution de la
maladie, influence le processus décisionnel.
5.3.1.3. Options de traitements
Une des étapes du processus de prise de décision consiste à évaluer les diverses
options de traitements en soupesant les avantages et les inconvénients. Dans le
cas des répondants de l’étude, peu d’options s’offre à eux en dehors de la greffe
cardiaque. Lors de cette évaluation, plusieurs aspects sont considérés, notamment
la possibilité d’une amélioration de la qualité de la vie, le risque de décès, la
crainte de la souffrance, le risque de rejet ainsi que la prise de médicaments. Voici
deux extraits de verbatim où le premier concerne l’amélioration de la qualité de la
vie et où, le second porte sur le risque de rejet :
Là, j’veux être capable l’an prochain ou dans deux ans de repartir, pis recommencer les mêmes choses, refaire d’autres… d’autres voyages, d’autres visites, pis tout ça. Ça fait que, c’est ce qui, ce qui m’a incité vraiment à prendre la décision, pis à dire oui, oui, moi j’accepte ça comme ça. (201006)
et
Je peux avoir des rejets, puis des médicaments jusqu’à temps que… toute ma vie, les médicaments, peut-être que ça marchera pas. (201008)
Soulignons que le nombre d’options de traitements est un des aspects le plus
important. En effet, l’ensemble des répondants soulèvent le peu d’options
disponibles pour traiter leur maladie. Cette situation est différente de celle où
plusieurs options équivalentes s’offrent aux patients. Par exemple, dans le cas du
cancer du sein, la personne peut avoir à choisir entre la chirurgie seule ou la
chirurgie avec chimiothérapie. Dans la situation des répondants, les évidences
62
scientifiques n’offrent qu’une seule possibilité : la greffe cardiaque. Ceci amène les
répondants à avoir l’impression de ne pas avoir de choix. Il s’agirait en quelque
sorte du choix du non-choix. Voici comment s’exprime 201011 :
On m’a pas vraiment donné d’options. On m’a dit ce qui en était, et que ça va pas… que ça valait pas la peine d’aller réparer. Parce que, comme ils me disaient, le cœur, c’est un muscle, y a eu… y a eu ses difficultés, ces dernières années, donc, essayer de réparer quelque chose qui pourrait encore mal fonctionner, euh, ça valait pas la peine. Donc, on m’a pas donné de choix, c’est… Bien, on me l’a donné, oui, mais en réalité, y avait un seul et unique choix, c’était la transplantation, puis j’étais conscient de ça. (201011)
Pour un autre répondant, le choix se situe entre la greffe cardiaque ou la mort.
Et puis, ben coudonc, je pense qu’on n’a pas, comme je disais tantôt, y’a pas un grand grand… grand choix. Alors c’était ça ou c’était fini pour moi, alors ben voilà. (201003)
Cette opposition vie-mort est présente chez plusieurs des répondants. Le non-
choix est mis en relation avec une mort à plus ou moins courte échéance.
D’autres aspects de moindre importance ont également été soulignés par les
répondants, notamment, la signification attachée à la greffe cardiaque. En effet,
pour un des répondants, l’opportunité de la greffe cardiaque est perçue comme
une chance puisque la greffe n’est pas offerte à tous les patients insuffisants
cardiaques et la disponibilité d’un cœur relève d’un certain hasard. Voici comment
s’exprime ce répondant :
Puis je considère que c’est une chance. […] Je suis privilégié parce qu’y a des gens que je connais qui ont voulu avoir une transplantation, puis qui en n’ont pas parce qu’y sont pas assez en bonne condition pour l’avoir, puis y ont pas… sont pas assez disciplinés pour l’avoir. (201007)
Un autre répondant explique ses sentiments en lien avec la transplantation
cardiaque. Pour le moment, il se sent en confiance et il vit la situation plutôt
63
calmement même si la greffe cardiaque fait peur. Voici un extrait qui illustre ce
propos :
Ça fait peur. J’ai dit, j’ai dit à mon frère, écoute Robert, je sais pas à dernière minute que si que je vas faire. Là présentement, je suis comme ça, mais juste avant l’opération m’a peut-être bien crier, pis brailler. (201002)
Le deuil est également mentionné par une répondante. Pour celle-ci, la perte de
son cœur est un deuil comme il est mentionné dans l’extrait suivant :
Ouf !… Tu dis, ça veux dire qu’il y a un morceau qui est mort là, un morceau qui va disparaître de toi… par contre, tu as le cœur d’un autre personne, il va devenir le tien… pis tu vas repartir… (201006)
Enfin, certains répondants anticipaient la possibilité d’une greffe cardiaque depuis
un certain temps, comme on peut le constater dans l’extrait suivant :
J’avoue que… j’vais être honnête vraiment, j’avoue que je l’avais pris y’a longtemps avant que les médecins l’aient décidé. Même moi, je faisais un peu de pression sur le monde médical en disant ben là je pense qu’on devrait peut-être opter pour la greffe. Les médecins me disaient tout le temps, pas trop vite, il faut analyser, il faut voir. (201003)
Ces extraits montrent que différents aspects des options de traitements sont reliés
à la prise de décision. On note qu’en plus des avantages et des inconvénients, la
perception, les sentiments et les deuils reliés aux options de traitement sont
également associés au processus décisionnel. Cependant, le nombre d’options est
un élément particulièrement important et surtout lorsque celui-ci est limité comme
c’est le cas dans cette étude.
64
5.3.2. Facteurs personnels
Cette catégorie réfère aux facteurs associés à la personne elle-même. Elle se
divise en deux sous-catégories soit la personne unique et la personne en relation.
La première sous-catégorie regroupe les facteurs suivants : caractéristiques
particulières de la personne, conceptions au sujet de la santé, de la maladie et de
la mort, conjoncture temporelle de la situation personnelle et motivation
personnelle. La deuxième sous-catégorie regroupe les facteurs axés sur les
relations avec les professionnels de la santé, les personnes transplantées et les
proches.
5.3.2.1. Personne unique
Chaque personne est un être unique. En effet, son unicité repose sur ses
caractéristiques propres.
5.3.2.1.1. Caractéristiques de la personne
L’expérience avec la maladie actuelle, les expériences antérieures avec la
maladie, la capacité de gérer le stress, le style décisionnel et les traits de
personnalité sont des caractéristiques des personnes qui ont été mises en
évidence lors des entrevues.
L’évolution de la maladie depuis ses débuts définit l’expérience actuelle de la
maladie tel qu’exprimé par les répondants de l’étude. Cette expérience peut-être
d’une durée plus ou moins longue.
65
Pour le répondant 201001, il s’agit d’une évolution sur une période de deux à trois
ans, mais d’une détérioration au cours des dernières semaines nécessitant
l’utilisation d’un cœur mécanique en attendant la disponibilité d’un cœur humain :
Ben rapidement… rapidement, oui les derniers quinze jours, mais avant ça, c’était vraiment graduel. Pis même, je ne m’en apercevais pratiquement pas. Ça s’est fait insidieusement avec les années, peut-être sur deux, trois même. (201001)
Pour cette autre répondante, la maladie évolue sur une période de temps
beaucoup plus longue. Sa maladie a débuté avec une myocardite laissant une
insuffisance cardiaque légère. L’hiver dernier, une complication de la maladie a
entrainé une détérioration importante de son état nécessitant une greffe cardiaque
à moyen terme. Dans l’extrait suivant, la répondante explique l’évolution dans le
temps de sa maladie :
Moi, ça fait quand même 14 ans que je fais de l’insuffisance cardiaque… Oui, j’étais limité mais pas tellement sauf à partir de l’hiver dernier que j’ai été malade là pis après ça, là ça été très difficile parce qu’il y a eu une détérioration… pis là, tu dis j’ai pu de place à avoir de détérioration… un moment donné, y’a des limites… (201006)
Ces extraits démontrent que la maladie peut évoluer sur une plus ou moins longue
période avant de mener à la greffe cardiaque. Cette période de temps est une
occasion pour la personne malade de faire un cheminement personnel, d’anticiper
les étapes à venir et de prendre le temps de réfléchir aux options de traitement
possible. Donc, on peut conclure que l’expérience actuelle avec la maladie
représente un facteur pouvant influencer le processus décisionnel.
Également, les expériences antérieures de maladie peuvent être une occasion de
faire un cheminement personnel et ainsi contribuer à une transformation de soi. En
effet, lors d’un premier contact avec la maladie, la personne peut prendre
conscience de ses limites, mais elle peut aussi découvrir des ressources
66
insoupçonnées. Pour l’un des répondants, les expériences antérieures ont été
l’occasion de développer son courage face à la maladie. Dans l’extrait suivant, le
répondant explique que cette force est apparue avec la maladie :
Ben peut-être que quand on a des problèmes de santé, qu’on… qu’on développe une force qu’on n’avait peut-être pas avant… peut-être qu’on avait avant mais qu’on savait pas… parce qu’on n’avait pas besoin de s’en servir. (201003)
Cet extrait illustre bien que les expériences passées peuvent permettre de
développer ou de mettre en lumière des forces qui seront mises à profit dans une
nouvelle situation. En d’autres mots, l’expérience antérieure peut outiller la
personne à faire face à une nouvelle situation de maladie.
La prise de décision liée au choix d’un traitement peut-être une source de stress.
En effet, la personne est confrontée à sa finitude. En d’autres mots, elle peut
considérer qu’elle « n’a pas le choix » de choisir un traitement pour survivre.
Une répondante a mentionné avoir vécu beaucoup de stress lors du choix de la
transplantation cardiaque. Dans l’extrait suivant, elle mentionne avoir développé
d’autres problèmes de santé relié à ce stress :
Fait que oui, ça m’a occasionné du stress, puis j’ai… j’ai développé… moi, je dis que c’est à cause de ça, là, mais j’appelle ça ma maladie des mains, y a un nom… c’est du… j’ai de la misère avec mes… j’ai pas de mémoire… euh… je viens avec les mains, là, pleines de boursouffles, c’est comme si je m’étais mis les mains dans le feu rouge, puis ça brûle, ça pique, ça pique, puis ça devient toutes des petites… entre les… les doigts, là, des petites bulles, là. (201008)
Dans le cas de cette répondante, le processus décisionnel s’est étendu sur
plusieurs mois puisqu’elle a beaucoup hésité avant d’opter pour la transplantation
cardiaque.
67
Par contre, pour d’autres répondants, le choix de la transplantation cardiaque n’a
pas été une source de stress tel qu’il illustré par l’extrait suivant :
Il faut l’accepter. C’est ça ou c’est pas ça. Y’a pas, y’a pas à sortir de là. Tu sais que ton cœur si lâche, tu meurs alors, il n’a pas de de… quand même que tu ferais du stress, ça te donnera absolument rien. (201002)
Ainsi, on constate que le choix d’un traitement peut générer un stress variable
d’une personne à une autre.
Le style décisionnel est également une autre façon de caractériser la personne. On
définit le style décisionnel comme la façon habituelle d’agir ou de réagir d’une
personne dans une situation de prise de décision (Di Fabio, A. & Busoni, L, 2006,
p.363). Les résultats de notre étude démontrent trois styles décisionnels
dominants.
Un premier style décisionnel regroupe les personnes qui ont besoin d’analyser la
situation en profondeur. Pour elles, il est important d’obtenir toute l’information
nécessaire afin d’en faire une analyse approfondie et finalement de faire un choix.
Ce processus délibératif peut prendre un certain temps. L’extrait suivant illustre ce
style décisionnel. Le répondant 201007 y explique sa façon de prendre ses
décisions :
Mais au niveau personnel, c’est la même chose aussi. Avant de prendre des décisions radicales, drastiques, définitives, ça prend peut-être des semaines et des mois avant que je fasse ma démarche puis que j’aille chercher mes éléments et que je fasse corroborer mes éléments pour dire ouais, c’est atteignable. Tu sais, je m’arrange pour que la conclusion soit indéniable. (201007)
Un deuxième style décisionnel comprend les personnes qui choisissent de façon
logique. Pour ces personnes, le processus décisionnel doit faire appel à la logique
qui se dégage de la situation. Pour l’un des répondants, il a pris le temps de
68
réfléchir à la situation, d’évaluer la situation froidement et d’utiliser la logique. Voici
son explication :
Pis je suis un gars qui marche ben gros… j’enseigne beaucoup à mes enfants la logique, y’a une logique dans tout, tout. (201002)
Enfin, le dernier style décisionnel regroupe les personnes qui vont choisir de façon
plus spontanée. Ici, la personne fait un choix avec peu d’informations et peu de
délibération. L’extrait suivant en témoigne :
Si y’arrive quelque chose, je prends la décision là, pis je vis avec… (201005)
On doit noter un élément pertinent en lien avec le style décisionnel : tous les
répondants admettent avoir pris eux-mêmes la décision tel qu’ils le souhaitaient.
En effet, les répondants à l’étude ont mentionné que l’équipe médicale avait
présenté l’option de la transplantation cardiaque, mais qu’ils avaient eux-mêmes
pris la décision d’opter pour la transplantation cardiaque.
Un dernier élément a été mentionné par trois répondants soit le sentiment d’être
différent des autres personnes. Ces extraits en témoignent, tout en mettant en
évidence la conscience aiguisée des participants au sujet de la vie et de la mort.
Tu vois la vie beaucoup plus… on voit la vie jour par jour au lieu de voir ça grand, grand. Bon dans cinq ans m’aller en Espagne. Tu penses pu… c’est pu important, tu y va jour par jour. Bon, ce matin y fait soleil, encore une belle journée. Bravo! Il pleut. Bravo encore! On a une vision psychologique tout à fait différente. (201003)
Fait que… Mais j’ai embarqué dans ça, c’est comme un… on est comme sur une autre planète. On est… on est différent des… je suis différent des gens, de la moyenne des gens parce que… je sais pas, je sais pas comment exprimer ça ou expliquer ça, c’est… je vas de l’avant puis ça devrait donner… c’a toujours donné de bons résultats. (201011)
69
Enfin, les traits de personnalité peuvent se traduire dans des comportements
adoptés par une personne dans une situation donnée et permettant d’identifier sa
personnalité. Lors des entrevues, les répondants ont mentionné certains traits de
personnalité qui selon eux définissent bien ce qu’ils sont comme personne.
Un des répondants se définit par sa sociabilité et par sa serviabilité comme l’illustre
l’extrait suivant :
Ah! Je suis très sociable, très serviable… j’ai le cœur gros comme ça… (rire)… ce qui n’est pas normal, ce qui fait partie de mon problème… des deux côtés! (201001)
Dans l’extrait suivant, une autre répondante se caractérise par son dynamisme et
son perfectionnisme :
Je suis une personne énergique, perfectionniste, qui… qui veut toujours… qui en fait toujours plus que le client en demande. (201008)
Ces résultats sont intéressants, mais ils ne nous permettent pas de d’établir un
type de personnalité et de relier celui-ci aux facteurs liés au processus décisionnel.
Ainsi, on note que chaque personne peut se définir par un ensemble de
caractéristiques qui lui sont propres et qui peuvent influencer le processus
décisionnel.
5.3.2.1.2. Conception au sujet de la santé, de la maladie et de la mort
La manière de concevoir la santé, la maladie et la mort est propre à chaque
personne. Lors du choix d’un traitement, ces conceptions sont particulièrement
70
importantes puisqu’elles sont les appuis sur lesquels reposent les décisions en
regard d’un choix de traitement.
Plusieurs répondants ont défini leur conception de la santé comme la capacité de
faire les activités qu’ils désiraient, à leur rythme et non comme une normalité
physique ou physiologique. Un des répondants exprime bien cette vision :
C’est faire c’que tu veux, à vitesse que tu veux… rire… pas être restreint. (201005)
Quant à la perception de la maladie, elle peut être considérée comme une
injustice, une mort lente ou bien un évènement naturel. Pour l’un des répondants il
s’agit d’une injustice :
La maladie, pour moé, c’est… il faudrait que personne soit malade… c’est injuste mais en tout cas… ça l’air que c’est la vie. (20102)
Pour un autre répondant, la maladie constitue une mort lente :
Comment j’te dirais ça…une mort lente. (201005).
Alors que pour un autre répondant, il s’agit d’un processus naturel auquel l’être
humain est confronté. L’extrait suivant illustre son propos :
C’est quelque chose qu’on se passerait, la maladie, mais ça fait partie du processus de quand on naît, on va mourir, puis pour mourir, bien, un moment donné, faut avoir quelque chose. (201008)
Enfin, certains répondants ont parlé de leur conception de la mort et plus
particulièrement de leur acceptation de la mort. Les extraits suivants illustrent les
réflexions des répondants à ce sujet :
J’étais jeune pis c’est là que j’ai accepté, vous allez trouver ça curieux, c’est là que j’ai accepté de mourir. […]J’ai dit, je ne souffrirai
71
pas moi là, je vais dormir pis tout simplement je me réveillerais pas c’est simple, c’est clair. (201002)
Moi, tu sais… mais… parce que moi, là, j’ai… j’ai vu la mort de… mais plus ça va, plus la mort, c’est normal pour moi. […] Ça fait partie de la vie. Puis je fais pas juste le dire, ok, je le sens. Je le sens puis je l’ai réfléchi. (201007)
On peut avancer que la façon dont la personne malade envisage la santé, la
maladie et la mort est un facteur lié au processus décisionnel. En effet, ces
conceptions vont influencer l’ensemble du processus décisionnel puisqu’elles
constituent la vision de la personne en regard des grands passages de la vie.
5.3.2.1.3. Conjoncture temporelle de la situation personnelle
Le processus décisionnel est induit par une situation déclenchant la nécessité,
pour la personne malade, de faire un choix pour le traitement de sa maladie. La
conjoncture temporelle représente la situation actuelle de la personne malade
façonnée par un ensemble de circonstances au moment de faire un choix. Ces
circonstances sont associées à plusieurs aspects de la vie de la personne.
Pour l’un des répondants dont l’état de santé est favorable à la réussite de la
chirurgie, opter pour la transplantation cardiaque maintenant est considéré comme
un choix stratégique :
Au niveau stratégique, c’est le temps maintenant que je suis, entre guillemets, dans une certaine forme pour recevoir. (201007)
Une autre répondante s’exprime dans le même sens, mais en considérant la
possibilité de reporter le choix plus tard :
72
Alors présentement, tout est beau, tout est correct, c’est le bon temps de faire une transplantation au lieu d’attendre quelques années pis qu’à ce moment là… ben peut-être qu’il y a un risque de ne pas être capable. (201006)
Par ailleurs, la réflexion sur le bilan de sa vie amène, un des répondants, à
accepter plus facilement les risques inhérents à la chirurgie :
Au niveau social, professionnel, psychologique, ce que je me suis dit, c’est que la vie m’a donné la chance de répondre aux questions que j’me posais. […] Fait que, j’me dis, même si je partais maintenant, tu sais, c’est pas si grave. (201007)
Enfin, pour l’un des répondants cette décision arrive à un moment de sa vie
où il fait confiance au destin :
Non, puisque comme je vous ai dit, pas après ce que j’ai vécu. Y a pus grand-chose qui peut m’arriver […] je crois que toute bonne chose peut arriver, c’est pour ça que je dis souvent, le destin fait bien les choses. (201011)
Tel qu’il est exprimé par les répondants, la situation de la personne au moment de
faire un choix peut influencer une option par rapport à une autre. Ainsi, on peut
avancer que la conjoncture temporelle influence le processus décisionnel.
5.3.2.1.4. Motivation personnelle
La force qui pousse la personne vers une action, par exemple faire un choix, peut
être considérée comme une motivation personnelle. Pour un des répondants, cette
force qui le pousse vers le choix de la greffe cardiaque est l’espoir de continuer de
vivre et de réaliser des projets. Ce désir de vie constitue la principale motivation
comme le montre l’extrait suivant :
73
Les… les objectifs à atteindre, les choses à réaliser. J’ai des choses à réaliser. Ça, c’est le premier, puis c’est le plus important parce que quand t’as pus rien à espérer de la vie, quand t’as pus rien à donner, t’as pus rien à faire, ça te donne rien. À quoi ça te sert d’avoir un cœur puis d’avoir la vie, si t’es pas vivant quand tu l’as. (201007)
Également, une autre répondante mentionne être motivée par le désir de vivre. En
effet, pour cette répondante, le choix de la greffe cardiaque est un choix entre vivre
ou mourir :
Bien, le premier, c’a été, tu veux tu vivre ou mourir? C’est comme si j’avais moi, moi, la chance, contrairement à quelqu’un qui a pas de maladie spécifique connue, dire bon, bien là, tu veux tu… d’ici 65 ans, ça te tente tu de mourir ou bien si t’aimes mieux vivre 65 ans et plus? C’a été comme ça, là, tu sais. (201008)
Enfin, un autre répondant est motivé par le nombre de belles années futures.
Bien, je voulais vivre, de toute façon, puis y me reste encore plusieurs belles années. (201011)
On constate que le désir de vivre est une motivation importante dans le choix de la
transplantation cardiaque. On peut donc déduire que la motivation personnelle
influence le processus décisionnel.
En conclusion, ces résultats démontrent que les différentes caractéristiques
propres à chaque personne représentent des facteurs liés au processus
décisionnel.
5.3.2.2. Personne en relation
Tout au long du processus de prise de décision, la personne malade est en
relation avec différentes personnes, notamment les professionnels de la santé et
74
les personnes de son entourage. Elle peut également être en relation avec des
personnes ayant la même condition de santé.
5.3.2.2.1. Relation avec les professionnels de la santé
La relation avec les différents professionnels peut être plus ou moins empathique
créant ainsi un climat favorable ou défavorable au processus décisionnel. Dans
notre étude, les répondants ont tous mentionné une relation très empathique avec
les professionnels de la santé.
Pour l’un des répondants, la relation avec les professionnels est basée sur un
climat de confiance comme le montre l’extrait suivant :
Pis, j’ai très confiance en ces personnes là, ça fait que… (201001)
Un autre répondant souligne l’aspect humain et familier de la relation avec les
professionnels de la santé :
J’arrive ici, moi, je suis heureux, j’ai toujours… j’ai l’impression que tout le monde me connaît, puis tout le monde a le sourire, puis tout le monde a l’air content de me voir. (201007)
Enfin, un dernier répondant souligne le professionnalisme de l’équipe de soins tel
que mentionné dans l’extrait suivant :
Mais ici, les… que ce soit les infirmières ou les… les cardiologues, euh… moi, je trouve qu’y sont très professionnels. On est très gâtés par cette équipe-là. Je savais pas que ça existait, une équipe comme ça dans un hôpital. (201008)
Ces différents aspects relevés par les répondants démontrent une relation
empathique entre la personne malade et les professionnels de la santé créant ainsi
un contexte favorable au processus décisionnel. On peut déduire que la relation
75
avec les professionnels de la santé est un facteur influençant le processus de prise
de décision.
5.3.2.2.2. Relation avec les personnes transplantées
Par ailleurs, la rencontre avec une personne ayant la même condition de santé ou
encore ayant subi une greffe cardiaque est une occasion unique pour la personne
malade de partager son expérience, d’obtenir des encouragements ou du soutien.
Ces rencontres peuvent prendre différentes formes. Elles peuvent être formelles
ou encore de nature spontanée. De plus, elles peuvent avoir lieu à différents
moments du processus de prise de décision.
Dans le cadre du programme de transplantation cardiaque, les professionnels de
la santé offrent au patient la possibilité, s’il le désire, de rencontrer une personne
ayant subi une transplantation cardiaque afin d’échanger sur cette expérience.
Ces échanges permettent de réconforter les patients dans leur choix comme en
témoigne l’extrait suivant :
C’est encore ben mieux là depuis que je sais… depuis que j’ai rencontré d’autres opérés. C’est ça qui m’a fait du bien. (201002)
Pour un autre répondant, ce fût une rencontre avec une connaissance ayant subi
une greffe cardiaque :
Parce que j’ai rencontré quelqu’un qui vit par chez nous, qui a eu une transplantation, et puis, je l’ai invité à venir faire un tour, un soir chez nous. Tu sais, c’est une connaissance… une connaissance. Il est venu prendre un café à la maison avec sa femme, puis on a jasé directement, tu sais, fait que lui, c’a très bien été puis tout ça. (201007)
Ce même répondant mentionne aussi des rencontres informelles lors de visites
médicales :
76
Y a aussi, euh, des personnes que j’ai rencontrées ici, dans le salon, de temps en temps, alors on a échangé. (201007)
Également, le témoignage d’une personne greffée cardiaque peut avoir une
influence significative pour la personne à l’égard du choix de la transplantation
cardiaque, tel qu’il est décrit dans cet extrait :
Quand tu vois le monsieur qui avait de la misère à monter quatre marches pis s’assoyait, y’avait de la misère à respirer. On l’a vu un mois après son opération… il s’est marié un mois après pis là on le voyait marcher, on le voyait aller, pis il se dit jamais essoufflé, là tu dis c’est un plus, ça rajoute à… pas parce que tu as envie de baisser mais là tu dis regarde… quand l’émission a fini, j’ai dit ben c’est comme ça que je vais être. Pis c’est ce qui m’incite vraiment. (201006)
Toutefois, d’autres personnes ne ressentent pas le besoin de ce type de rencontre,
mais demeurent ouvertes à cette possibilité comme l’indiquent ces passages :
Ça m’intéresse pas mais j’suis quand même, j’peux être ouvert. Ça m’intéresse pas jusque là… maintenant, mais éventuellement, j’vais peut-être avoir besoin de fréquenter des certains gens comme ça pour me mettre plus à l’aise. Mais là présentement je sens pas le besoin. (201003)
Je suis pas encore prêt à rencontrer des gens… je le vis à ma façon, comme j’ai vécu mes autres difficultés à ma façon, puis ça va… ça va très bien. (201011)
Bien que ce ne soit pas toutes les personnes qui ressentent le besoin de
rencontrer une personne ayant subi une greffe cardiaque, lorsque cette rencontre
a lieu, on peut avancer qu’elle a une influence sur le processus décisionnel. Ces
rencontres permettent au patient d’échanger, d’obtenir du support et des
encouragements. Elles permettent, également, de confirmer la personne dans son
choix pendant la période d’attente.
77
5.3.2.2.3. Relation avec les proches
Lorsqu’une personne doit faire un choix, le processus décisionnel peut se faire
seul ou en collaboration avec d’autres personnes comme par exemple un conjoint,
un enfant, un professionnel ou encore un ami. Pour certains répondants, une
décision comme celle d’opter ou non pour la greffe cardiaque est une décision de
nature individuelle comme il est décrit dans cet extrait :
C’est ma vie. Malgré tout l’amour que j’ai pour mes enfants, c’est ma vie. Puis c’est pas de l’égoïsme, tu sais, c’est pas… c’est pas acheter une maison dans un… dans une ville ou dans l’autre, c’est pas changer de voiture, là, puis c’est pas acheter une piscine ou pas acheter une piscine, là. Tu sais. C’est… ou la couleur de leur chambre, là, c’est pas ça, là, c’est ma vie. Fait que c’est des décisions qui sont d’importance unique à la personne concernée. (201007)
Cependant, le choix de la transplantation cardiaque a un impact sur l’entourage de
la personne malade. Pour un des répondants, la décision de la greffe cardiaque a
été prise en collaboration avec son épouse, sa fille et son garçon parce qu’ils ont à
vivre, eux aussi, avec la situation comme en témoignent les propos suivants :
On a pris la décision ensemble. […] Oui, oui…parce qu’eux autres y’ont aussi à vivre avec ça. (201001)
Pour un autre répondant, son épouse l’a accompagné dans le processus
décisionnel même si elle était plus ou moins en accord avec le choix de la greffe
cardiaque :
C’est sûr que c’est ma femme qui m’a accompagné, tu sais, dans toutes ces démarches-là. Mais même si elle m’a accompagné, comme je vous ai dit tout à l’heure, elle a pas dit qu’elle était en désaccord avec moi, avec ma décision. Elle m’a donné aucun indice si elle a… de sa position tant que j’ai pas eu pris ma position. (201007)
78
Enfin, une autre répondante, mentionne qu’elle a obtenu le soutien de plusieurs
personnes dans ce processus :
J’ai mon conjoint, mes 3 fils, euh, leurs blondes, mes petits-enfants, euh… mes voisins sont… sont de connivence avec moi, et la famille élargie, les frères et sœurs… mon chum, j’ai ma sœur, qui est… qui est près de moi, c’est la personne la plus près de moi. […] Et puis euh, je me sens vraiment supportée. (201008)
Pour différentes raisons, l’implication des proches de la personne malade dans le
processus décisionnel est un élément important pour les répondants. En effet, la
décision peut-être prise avec les membres de la famille ou de façon individuelle,
mais avec le soutien des proches et ce même s’ils ne sont pas d’accord avec le
choix.
5.3.3. Facteurs environnementaux
Cette catégorie réfère aux facteurs extérieurs à la personne malade. Elle regroupe
principalement deux facteurs soit l’accessibilité aux soins et les sources
d’information.
5.3.3.1 Accessibilité aux soins de santé
L’accessibilité aux traitements est un enjeu important dans l’offre de traitements
pour toute problématique de santé. Or, la greffe cardiaque est réalisée uniquement
dans les centres de transplantation. Pour certains répondants, la distance
représente un enjeu de taille. Par exemple, parcourir plusieurs kilomètres pour les
visites médicales ne constitue pas toujours un obstacle :
79
C’est ça, la personne que j’ai rencontrée, elle, c’est ça qu’elle a fait, elle a eu sa… elle a gardé sa maison au Lac-St-Jean puis elle venait ici à toutes les six semaines. Alors là, bien, le pattern, le processus, le procédé, je le connaissais, j’étais prêt à rentrer dans ce processus-là, mais j’étais aussi prêt à déménager ici. (201007)
Un autre répondant a été obligé de déménager temporairement avec son épouse
puisque sa résidence est à plus de 200 km du centre de transplantation. La
situation a entrainé des coûts financiers importants. L’extrait suivant en témoigne :
Oui, ben j’ai eu à déménager à Québec… parce que dans ma région, on donne aucun de ces services là. Pis là, ben là, je peux pas m’éloigner de Québec non plus, plus de 200 kilomètres. En espérant avoir une greffe le plus vite possible. Il faut que je sois là, sur place, prêt à être préparé. (201001)
L’accès aux professionnels de la santé a également été souligné par plusieurs
répondants. En effet, ceux-ci ont mentionné avoir un accès rapide et en tout temps
à un professionnel de la santé s’ils ont des questions ou un problème relié à leur
état de santé. Un répondant en témoigne dans l’extrait suivant :
Pis tu rencontre des médecins, c’est vite. Si t’as besoin des gardes malades, c’est vite… t’appelle pis tout suite… même s’y sont pas là, tu laisses un message, pis c’est pas long, ça prend cinq minutes après, pis là, ils te rappellent… pis si, d’après ce que tu leur dit, ils vont te faire rencontrer un cardiologue tout suite, la même journée s’y faut, y’a aucun problème… (201002)
En résumé, la disponibilité plus ou moins grande d’un traitement ou des
professionnels de la santé peut rendre une option de traitement plus ou moins
complexe et coûteuse. Par conséquent, l’accessibilité aux soins de santé est un
facteur qui peut influencer le choix de traitement.
80
5.3.3.2. Sources d’information
Les informations nécessaires à la prise de décision peuvent provenir de différentes
sources et, par conséquent, être de différentes natures.
Tout d’abord, il ressort que les sources d’information des répondants sont assez
peu variées. En effet, la principale source d’information identifiée est celle obtenue
auprès des professionnels de la santé. Dans le programme de transplantation
cardiaque, les patients bénéficient d’un enseignement comprenant la rencontre
avec une infirmière, le visionnement d’une bande vidéo et la remise d’une
documentation papier. Cette information, de nature scientifique, est considérée
comme très complète comme le montrent ces deux extraits :
Ils m’ont expliqué, j’ai rencontré quelqu’un ici en bas, dans une salle. Ils m’ont fait, j’ai écouté un vidéo… un vidéo qui expliquait, des gens qui expliquaient leur histoire, un peu, comme ça. Et puis, pour m’informer, c’était quoi au juste la démarche, pour quand même me préparer à la chose, hein! C’est quand même sérieux là, alors… alors, je pense que j’ai été bien informé. (201003)
On a eu l’enseignement, la semaine dernière, sur toute, toute la… là c’est vraiment expliqué de A à Z. […] C’est tellement bien expliqué, un moment donné, tu te vois presque sur la table d’opération, tu te vois presque sur la table, en attendant, dans le lit, c’est-à-dire, tout branché là… euh… pis c’est long quand même qui te garde aux soins intensifs pis endormi, ça peut aller jusqu’à 72 heures, ça dépend du déroulement. (201006)
Les personnes ayant subi une transplantation cardiaque sont également une
source importante d’informations pour les répondants. Ce type d’information est
surtout de nature expérientielle. Pour l’un des répondants, la rencontre avec une
personne transplantée a permis d’obtenir de nouvelles informations comme la
durée possible du coma après la chirurgie tel que mentionné dans l’extrait suivant :
81
Oh oui ! J’ai justement vu un hier. Lui y ont posé un cœur ça fait un an et demi pis il m’a conté un peu, il dit que lui son cœur était un peu plus fort que ses muscles. C’est que, en tout cas, y’a eu un peu de problème avec ça. Pis une chose qui m’a dit que j’étais ben content, il dit j’ai resté dans le coma six jours après l’opération. J’ai dit tabarnouche! J’ai dit aïe! J’ai conté ça à ma femme. J’ai dit, si ça arrive, qu’a s’inquiète pas parce que le monsieur y’é souriant pis va ben. Alors, je peux être dans le coma deux jours, sept jours, inquiète toi pas, j’ai dit ça peut-être normal. Ça fait qu’on est préparé. On se prépare. Pis ça va aller là. (201003)
Une autre répondante mentionne que l’information obtenue de la personne
transplantée concerne surtout la convalescence et le retour à la vie normale après
la transplantation comme l’indique ce passage :
Un autre qui te raconte son histoire qu’après neuf mois y’é parti six semaines en voyage pis… là tu dis, c’est là vraiment où j’ai eu… ben… pas d’informations sur la greffe elle-même, mais sur c’qui s’en vient après. (201006)
Enfin, une répondante explique que l’expérience vécue par la personne
transplantée qu’elle a rencontrée est très similaire à son expérience. Cela lui a
permis de mieux se reconnaître dans l’expérience de l’autre. Voici un extrait de ce
propos :
J’ai contacté des… une personne, on est jumelé avec une autre personne qui a eu une transplantation. C’est à peu près mon genre de personne. Puis c’est à peu près la même histoire, ça se ressemble beaucoup, beaucoup, beaucoup, jusqu’au moment où elle, elle a fait une… euh! crise cardiaque, là, au travail, puis que là, sa situation a baissé. Là, elle m’a dit, 201008, attends pas ça, c’est ça qui risque de t’arriver. (2010108)
Enfin, d’autres sources d’informations moins fréquentes sont mentionnées, tel que
les connaissances antérieures à l’égard de ce type de problème de santé ou
encore la recherche sur Internet.
82
Or, les sources d’informations peuvent influencer la qualité de l’information. Cette
information étant un élément important de la prise de décision, on peut avancer
que les sources d’information sont liées au processus décisionnel.
En terminant, ce chapitre a permis de répondre à la question générale de cette
recherche en ce qui a trait aux facteurs influençant la prise de décision chez les
personnes ayant opté pour la transplantation cardiaque. En effet, on peut dégager
trois catégories principales et pour chacune d’entre elles, un certain nombre de
facteurs influençant le processus décisionnel. Ainsi, la dimension de la maladie en
soi regroupe les facteurs état de santé, limite à l’adaptation à la maladie et les
options de traitement. La catégorie facteurs personnels est divisée en deux
groupes soit la personne unique comprenant les facteurs suivants :
caractéristiques de la personne, conceptions, conjoncture temporelle de la
situation personnelle et motivation personnelle. Le deuxième groupe, la personne
en relation, comprend la relation avec les professionnels de la santé, la relation
avec les personnes transplantées et la relation avec les proches. Une troisième
catégorie regroupe les facteurs accessibilité aux soins et sources d’information.
83
Chapitre 6. Discussion
La discussion porte, dans un premier temps, sur une comparaison entre les
résultats obtenus dans le cadre de cette recherche et ceux de la littérature
répertoriée au sujet des facteurs influençant la prise de décision dans différents
contextes de soins de santé. De plus, une autre comparaison sera établie avec les
facteurs identifiés dans le modèle de Noone. Dans un deuxième temps, les
retombées pour la pratique clinique et pour la recherche sont présentées. Enfin, la
discussion se termine en soulevant quelques limites de ce projet de recherche.
6.1. Comparaison avec la littérature
La comparaison des facteurs identifiés dans cette étude et ceux identifiés dans les
recherches répertoriées dans la littérature permet de mettre en lumière les
similitudes et les différences entre eux. À cet égard, on note que la majorité des
facteurs identifiés dans notre étude se retrouvent dans la littérature répertoriée.
Cependant, il existe des différences notamment pour les facteurs suivants : deuils
reliés aux options de traitements, conceptions au sujet de la santé, de la maladie
et de la mort, motivation personnelle. De plus, deux facteurs mentionnés dans la
littérature n’ont pas été mis en évidence dans notre étude. Il s’agit de l’âge et
l’image corporelle. Ces différences seront discutées plus loin.
84
6.1.1. Similitudes
Diverses similitudes ont été identifiées entre la catégorie de facteurs associés à la
maladie en soi et la littérature répertoriée. Il s’agit de l’état de santé, limite à
l’adaptation à la maladie et options de traitement et la littérature répertoriée.
6.1.1.1. La maladie en soi
L’état de santé, nous l’avons vu, représente un des facteurs les plus importants
parmi ceux qui influencent le processus de prise de décision concernant le choix
de la transplantation cardiaque. Or, dans notre recension des écrits, une seule
recherche répertoriée le mentionne, mais dans un autre contexte de santé. Il s’agit
de l’étude de White (2005) portant sur les facteurs influençant la décision
concernant les directives de fin de vie et conduite auprès de résidents admis dans
un centre de soins prolongés. Les répondants y mentionnaient qu’il serait
préférable de ne pas recevoir des soins visant à prolonger leur vie si leur état de
santé ne pouvait s’améliorer. Par exemple, ils souhaiteraient refuser un gavage qui
n’aurait aucune incidence sur l’amélioration de leur état de santé. Aussi, l’état de
santé, au moment de faire le choix d’un traitement, est mis en relation avec l’espoir
d’une amélioration. En effet, dans notre étude, les répondants ont opté pour la
transplantation cardiaque afin d’améliorer leur état de santé. Dans le même sens,
les répondants de l’étude de White (2005) accepteraient de recevoir des soins
visant à prolonger la vie si ces soins permettaient aussi d’améliorer leur état de
santé.
Nous avons vu qu’une personne utilise différents moyens pour s’adapter à son état
de santé. Ces adaptations se réalisent selon un continuum allant d’une adaptation
complète jusqu’à une incapacité de s’adapter. En d’autres mots, spécialement
85
dans ce dernier cas et comme notre étude l’a démontré, une personne atteindra
une limite à sa capacité de s’adapter. C’est également ce qui découle de l’étude de
Clark et al. (2004) : l’adaptation à la douleur et aux handicaps physiques
influencent la décision des patients face au choix de recourir ou non à la chirurgie
de remplacement du genou ou de la hanche. Par exemple, la prise d’une
médication anti-inflammatoire pour soulager la douleur ou encore la réduction des
activités physiques favorisent l’adaptation à leur état de santé. Quand ces
stratégies auront atteint leurs limites et, par conséquent, ne seront plus efficaces,
l’option de la chirurgie s’imposera. Gordon (2001) va dans le même sens. L’auteur
conclut que l’adaptation à la dialyse est un facteur influençant la décision de
poursuivre avec cette option de traitement et de renoncer à la transplantation
rénale. En d’autres termes, une bonne adaptation à la dialyse confirme le choix de
continuer. On peut émettre l’hypothèse qu’un problème d’adaptation favoriserait la
décision de la transplantation rénale. Un autre facteur rapporté par plusieurs
études et pouvant être regroupé sous l’appellation « adaptation à la maladie » est
la gestion des symptômes puisque celle-ci représente en quelque sorte une façon
de s’adapter à la maladie. À ce sujet, l’étude de Clark et al. (2004), stipule que
l’incapacité de s’adapter à la douleur est un facteur qui favorisera le recours à la
chirurgie.
Dans notre étude, les options de traitements représentaient un facteur qui
influence le choix de la transplantation cardiaque. On retrouve le même facteur
dans la littérature, concernant l’évaluation des avantages et des inconvénients.
Bywater & Atkins (2001), dans un contexte de transplantation de la moelle
osseuse, concluent que l’une des stratégies utilisées par les patients consiste à
comparer entre elles les options de traitements, du point de vue de la proportion
entre les avantages et les inconvénients. Des résultats similaires sont également
obtenus dans les études de Mastaglia et al. (20010), de Clark et al. (2004), de
McKneally et al. (2004), de Ridley et al. (2002) et de Szumacher et al. (2004). Le
choix s’effectue en fonction de l’option qui présente le plus d’avantages.
86
Un autre aspect soulevé dans notre étude et mentionné dans la littérature est la
perception des options de traitements et des résultats. Dans une revue de
littérature (O’Neill, 2007) portant sur les facteurs influençant le processus de prise
de décision pour le choix d’une chirurgie de remplacement du genou, la perception
des options de traitements et des résultats est un facteur d’influence. Par exemple,
un patient peut avoir une perception négative de la chirurgie en raison des risques
qui lui sont associés. La perception revêt un caractère subjectif, contrairement par
exemple, à des avantages cliniques documentés. Aussi, la perception pourrait
varier d’un individu à un autre indépendamment des évidences scientifiques des
traitements.
Les sentiments éprouvés à l’égard des options de traitements se retrouvent
également dans la littérature. En effet, dans une étude portant sur la décision des
patients de recourir à la dialyse plutôt qu’à la transplantation rénale, Gordon (2001)
mentionne que la peur de mourir lors de la transplantation rénale ou encore la peur
d’avoir un organe étranger dans son corps favoriseront le maintien de la dialyse.
Quant à Denberg (2006), il avance que la peur de mourir, dans un contexte de
cancer de la prostate, influencera le choix du traitement : certains patients
refuseront la chirurgie.
Dans notre étude, les répondants évoquaient l’idée du choix du non choix. Ils
considéraient ne pas avoir vraiment le choix de recourir à la transplantation
cardiaque. La même idée se retrouve dans une étude, conduite par Bywater et
Atkins (2001), dans un contexte de transplantation de la moelle osseuse. En effet,
les participants ont l’impression de ne pas avoir d’autres choix que de recourir à la
transplantation puisque cette option constitue la seule option pour guérir.
En résumé, il existe plusieurs similitudes, au sujet de la catégorie « la maladie en
soi », entre nos résultats et ceux de la littérature recensés.
87
6.1.1.2. Facteurs personnels
Outre les facteurs liés à la maladie en soi, une deuxième catégorie porte sur les
facteurs liés à la personne en tant qu’être unique et aussi en tant qu’être de
relations.
Il est intéressant de noter que tous les facteurs associés à cette catégorie se
retrouvent dans la littérature. Nous avons dégagé que l’expérience, actuelle ou
antérieure, de la maladie influençait la décision de poursuivre ou de cesser un
traitement. Marmoreo et al. (1998), ont obtenu des résultats similaires. En effet,
une expérience négative associée aux effets secondaires de l’hormonothérapie
influence la décision des femmes : elles choisiront de cesser le traitement. L’étude
de Tweed et Ceaser (2005) qui porte sur l’exploration de la prise de décision
auprès de patients pré-dialysés confirme aussi le lien entre le processus
décisionnel et l’expérience antérieure de la maladie. Enfin, Jones (1999), en
arrivera à la même conclusion quand il étudie le processus décisionnel concernant
l’hormonothérapie.
La capacité de gérer le stress est un autre aspect lié a la prise de décision et qui
est présent tant dans notre étude que dans la littérature. Ainsi, White (2005) a
conduit une étude portant sur la prise de décision de personnes âgées qui
devaient signer des directives de fin de vie. Elles devaient faire des choix pour
établir leurs directives. L’auteur conclut que le stress est un facteur qui influence la
décision. En effet, l’admission de la personne âgée en établissement de longue
durée occasionne généralement un stress qui perturbe la compréhension de
l’information et en diminue la rétention. D’où l’impact sur la qualité de la décision.
Or, dans notre étude, la difficulté de gérer le stress a entrainé un retard dans la
prise de décision. Ces résultats démontrent que la capacité de gérer le stress peut
affecter de différentes façon la prise de décision.
88
Si les autres aspects tel que les traits de personnalité ou encore le style
décisionnel ne se retrouvent pas dans la littérature, on peut faire tout de même un
rapprochement avec le facteur attitude, identifié dans les études recensées. En
effet, l’attitude réfère à la manière de se comporter et, par conséquent, reflète les
traits de personnalité et le style décisionnel. Bond et Bwater (1999), dans une
étude exploratoire sur la décision des femmes de cesser l’hormonothérapie,
concluent que l’attitude et les croyances au sujet de la santé et de la maladie est
un facteur particulièrement influent dans la décision. Par exemple, la ménopause
peut être considérée comme un processus naturel de vieillissement ou encore être
considérée comme une maladie. Donc la croyance ou l’attitude envers la
ménopause influencera la prise ou non d’hormones de remplacement. Une autre
étude portant sur le processus de prise de décision dans un contexte de chirurgie
mineure (McKneally & al., 2004) en arrive à la même conclusion. Une décision
sera favorable à une chirurgie en présence d’une attitude de confiance, elle sera
défavorable, en présence d’une attitude de soupçon.
Le facteur « conjoncture temporelle », identifié dans notre étude, représente la
situation actuelle de la personne malade, façonnée par un ensemble de
circonstances au moment de faire un choix. L’étude de McKneally et al. (2004)
rapporte des résultats intéressants concernant les circonstances entourant la prise
de décision du patient. La confiance du patient envers le système de santé a
positivement influencé le processus décisionnel. Notamment, les patients
préféraient une chirurgie élective, c’est-à-dire planifiée à l’avance, plutôt qu’une
chirurgie réalisée en urgence. Les auteurs expliquent ce résultat par le fait que
l’étude a été menée dans un très court laps de temps après une importante
épidémie d’influenza. En effet, les patients craignaient les salles d’urgences
débordées tel que décrites par les médias. Ainsi, la conjoncture temporelle est
identifiée comme un facteur de contingence qui influence la prise de décision.
89
Aussi, le lien entre le caractère unique de la personne et la prise de décision, nous
permet de mettre en évidence l’importance de considérer chaque décision
singulièrement puisqu’une personne se dévoile dans ses choix.
Outre le caractère unique de la personne, nous avons mis en évidence son aspect
relationnel. En effet, la personne malade est en relation avec différents
professionnels de la santé ainsi qu’avec différentes personnes de son entourage
comme, par exemple, le conjoint, les enfants, les amis ou encore des personnes
ayant la même problématique de santé. Ces relations, peuvent créer un climat
favorable ou défavorable au processus décisionnel. Dans la littérature recensée,
ces facteurs sont soutenus par plusieurs études notamment celles de Belle Brown
et al. (2002). Il s’agit de trois études qualitatives indépendantes portant sur la prise
de décision concernant les tests de dépistage prénatal, l’hormonothérapie et le
cancer du sein. Ces études confirment que le support social joue un rôle important
dans la prise de décision. Les auteurs mentionnent, pour les trois contextes
d’étude, que la mère joue un rôle pivot dans la prise de décision. Une autre étude
(Bywater & Atkins, 2001) porte sur les facteurs influençant la prise de décision au
sujet de la transplantation de moelle osseuse. Les auteurs concluent que la
relation de confiance qui s’établit avec les professionnels de la santé est un facteur
influençant le choix de la greffe. D’ailleurs, les auteurs expliquent que les patients
considèrent que les professionnels ont une excellente connaissance de la
transplantation et une grande expérience avec celle-ci. Enfin, dans une étude
portant sur les facteurs influençant la décision de recourir à la dialyse plutôt qu’à la
transplantation rénale, Gordon (2001) soutient que la relation avec des personnes
transplantées et plus particulièrement ceux chez qui la transplantation a échoué
influence la décision de demeurer avec la dialyse. Tous ces résultats concordent
avec ceux de notre recherche.
90
Bref, notre étude et la littérature démontrent que la relation entre le patient et les
différentes personnes qui l’entourent influence le processus de prise de décision.
6.1.1.3. Facteurs environnementaux
Enfin, une troisième catégorie appelée facteurs environnementaux regroupent
l’accessibilité aux soins de santé et les sources d’information.
Les résultats de notre étude démontrent que l’accessibilité aux soins (accès au
professionnels, disponibilité du traitement à proximité) peut rendre une option de
traitement plus ou moins coûteuse compte tenu de la distance et des frais
d’hébergement. Ces résultats sont soutenus par une étude de Szumacher et al.
(2005) réalisée auprès de 101 patients atteints de métastases osseuses. Les
auteurs rapportent que les coûts reliés au traitement tels que les coûts de
déplacement vont influencer la préférence pour une option de traitement plutôt
qu’une autre. Les résultats de Mastaglia et Kristjanson (2001) vont dans le même
sens dans une étude sur le cas du cancer du sein de stade I et II. Les auteurs
concluent que l’accessibilité à un centre de traitement de radiothérapie influence le
choix pour un type de chirurgie par rapport à une autre. En effet, les femmes vivant
en milieu rural, où il n’y a pas de centre de traitement de radiothérapie, ont
tendance à choisir une mastectomie radicale modifiée plutôt qu’un traitement
conservateur comme l’ablation seule de la tumeur accompagné d’un traitement de
radiothérapie.
Bref, l’accessibilité aux soins représente un facteur qui peut affecter le processus
de prise de décision. Ces résultats sont forts intéressants puisqu’ils soulèvent
l’importance de la question d’équité dans l’offre de traitements. En effet, les
91
disparités géographiques et économiques peuvent avoir un impact sur le choix
d’un traitement. Par exemple, une personne pourra préférer mourir chez soi,
entouré de ses proches même si les soins palliatifs y sont peu développés.
Nous avons vu que les informations nécessaires à la prise de décision peuvent
provenir de différentes sources et, par conséquent, être de différentes natures.
Parmi les sources les plus importantes, notons l’information obtenue auprès des
professionnels de la santé et des personnes ayant la même condition de santé.
Ces résultats sont similaires à ceux recensés dans la littérature. Par exemple,
Clark et al. (2002) ont conduit une étude de nature qualitative auprès de 17
personnes atteintes d’arthrite modérée à sévère et qui rencontraient les critères
pour une chirurgie de remplacement de la hanche ou du genou. Les conclusions
de l’étude confirment que la quantité, la qualité et les sources d’informations
influencent le processus décisionnel. De plus, les auteurs rapportent que
l’information recueillie par les patients auprès d’autres patients ayant la même
problématique de santé influence particulièrement la décision des patients. Par
exemple, une information erronée ou inquiétante obtenue auprès d’un pair peut
entraîner de mauvaises conceptions, de l’incertitude et des peurs envers la
chirurgie de remplacement.
Dans nos sociétés contemporaines, où l’on constate une explosion de l’accès à
l’information, ces résultats ne laissent pas indifférents. En effet, pour prendre une
décision éclairée, il est nécessaire d’obtenir une information complète et
pertinente. Cependant, la personne malade pourra-t-elle faire preuve d’esprit
critique? Aura-t-elle toujours accès à une information juste et de qualité?
Les résultats de notre étude présentent de nombreuses similitudes avec ceux de la
littérature recensée. Voyons maintenant les quelques divergences rencontrées.
92
6.1.2. Divergences
Parmi les divergences observées, on retrouve le facteur « deuil relié aux options
de traitement » dans la catégorie « maladie en soi ». En effet, le deuil relié aux
options de traitements tel que rapporté dans notre étude ne se retrouve pas dans
la littérature. On peut expliquer cette absence en raison du contexte de soins de
santé. Dans la littérature on ne retrouve pas d’études portant sur la transplantation
cardiaque.
Deux autres divergences se retrouvent dans la catégorie « facteurs personnels ». Il
s’agit des facteurs « conceptions au sujet de la santé, la maladie et la mort » et
« motivation personnelle ». Ces facteurs ont un caractère très personnel. Dans la
littérature, on ne retrouve pas ces facteurs sous cette appellation mais plutôt sous
le vocable attitude, valeur, croyances. En effet, dans une étude portant sur les
facteurs influençant la décision d’auto-gestion chez les patients atteints
d’insuffisance cardiaque, Hicks et Holmes (2003) concluent que les valeurs et
croyances personnelles influencent la prise de décision notamment, les valeurs
personnelles à propos de la santé, les croyances personnelles à propos de la
qualité de vie ou encore la peur de la mort.
Enfin, dans notre étude l’âge et l’image corporelle n’ont pas été mis en évidence
comme des facteurs influençant la décision alors qu’ils sont présents dans la
littérature. En ce qui concerne le facteur « âge », l’homogénéité de l’âge des
participants peut expliquer son absence. Quant au facteur « image corporelle », il
n’a pas été mentionné comme tel, mais certains répondants ont mentionné les
deuils reliés à la perte d’un organe.
93
6.2. Comparaison avec le cadre théorique
Le modèle de Noone, bien que fort intéressant, rencontre deux limites importantes.
Entre autres, ce modèle découle d’une analyse de concepts réalisée à partir d’une
revue de littérature et non pas de données empiriques. De plus, les facteurs
identifiés dans ce modèle ne sont pas définis. Ces deux principales limites rendent
la comparaison difficile puisqu’elle oblige à une interprétation du sens donné aux
facteurs identifiés. Outre cette difficulté, le tableau 4 indique les similitudes et les
différences identifiées entre les résultats de notre étude et le modèle de Noone.
Tableau 5
Comparaison des facteurs
Similitudes Étude Modèle de Noone
Dimensions Catégories (facteurs) Facteurs
La maladie en soi État de santé Capacité physique
Limite à l’adaptation à la maladie Traits de personnalité
Options de traitement (évaluation des avantages et des inconvénients, perception
des options de traitement, les deuils reliés aux options de traitements, le nombre d’options de
traitements
Préférences personnelles
Facteurs personnels Personne unique Caractéristiques de la personne (expérience
avec la maladie actuelle, expériences antérieures avec la
maladie, capacité de gérer le stress, style décisionnel, traits de
personnalité)
Expériences antérieures avec la
maladie, les traitements
Niveau de stress de la décision
Préférence pour un type de rôle dans la
décision
Patron habituel de décision
Utilisation d’une heuristique
Lieu de contrôle
Traits de personnalité
Estime de soi
Conceptions au sujet de la santé, la
Valeurs
94
maladie et la mort
Conjoncture temporelle de la
situation personnelle
Nature temporelle de la situation
Motivation personnelle
Encadrement de l’évènement
Personne en relation Relation avec les professionnels de la
santé
Expériences et influences des autres
Relation avec les personnes
transplantées
Relation avec les proches
Ressources : support social
Facteurs environnementaux
Accessibilité aux soins de santé Ressources : support économique
Divergences Facteurs
environnementaux Sources d’information
Âge / Stade développement
Culture
Normes sociales
La colonne de gauche comprend les facteurs identifiés dans notre étude, selon les
trois grandes catégories établies. La colonne de droite comprend les facteurs
identifiés dans le modèle de Noone. Les facteurs de l’une et l’autre colonne sont
associés en fonction de leurs similitudes. Mentionnons qu’il existe une différence
entre les facteurs de notre étude et ceux du modèle de Noone pour quatre
facteurs : sources d’information, âge/stade de développement, culture, normes
sociales.
Si la comparaison est frappante, certaines précisions doivent être apportées. Le
facteur « limite à l’adaptation à la maladie » de notre étude a été associée aux
facteurs « traits de personnalité » du modèle de Noone puisque ce facteur pourrait
comprendre la capacité d’adaptation. En effet, la capacité d’adaptation peut
représenter un trait de personnalité. De plus, le facteur « options de traitements »
de notre étude a été associé au facteur « préférences personnelles » du modèle
de Noone. Les préférences personnelles pourraient recouper les différents aspects
des options de traitements de notre étude. La raison est simple : les préférences
95
personnelles se manifestent à travers les choix de traitements. Enfin, dans notre
étude, le facteur « style décisionnel » a été combiné aux facteurs suivants :
préférence pour un type de rôle dans la décision, patron habituel de décision,
utilisation d’une heuristique et lieu de contrôle. Ces derniers peuvent être associés
à des caractéristiques d’un style décisionnel. En effet, tous ces facteurs
convergent vers le style décisionnel.
Outre les nombreuses similitudes, mentionnons les différences identifiées. D’une
part, un facteur de notre étude n’est pas présent dans le modèle de Noone. Il s’agit
des sources d’information. Or, il est très bien documenté que ce facteur influence
le processus décisionnel. En effet, les sources d’informations peuvent être variées
en contenu et en qualité, ce qui influence la nature de l’information obtenue. De
plus notre étude démontre que lorsque les informations transmises par les
professionnels sont complètes, la personne aura tendance à limiter à cette source.
D’autre part, trois facteurs du modèle de Noone n’ont pas été identifiés dans
l’étude actuelle. Ces facteurs sont : l’âge/ le stade de développement, les normes
sociales et la culture. En ce qui concerne l’âge et le stade de développement, le
contexte de soins étudié touchait uniquement une clientèle adulte. Par ailleurs,
dans notre étude, la population à l’étude est homogène en regard de l’origine
ethnique et du lieu de résidence. Aussi, les normes sociales et la culture n’ont pas
été mentionnées comme facteurs influençant le processus de prise de décision.
Au terme de l’analyse, on constate que la majorité des facteurs identifiés dans
notre étude sont similaires à ceux du modèle de Noone. Les différences soulevées
relèvent particulièrement du contexte de soins de santé étudié et de sa population.
Il n’est guère surprenant de constater qu’un certain nombre de facteurs peuvent
varier en fonction du contexte de soins. Par exemple, une personne atteinte d’un
cancer du sein aura comme option de traitement une mastectomie radicale et alors
96
qu’une autre personne en période de ménopause aura comme option de
traitement l’hormonothérapie. Dans le premier cas, l’option de traitement peut
affecter de façon importante l’image corporelle de la personne alors qu’il est peu
probable que ce soit le cas du deuxième contexte de soins présenté. Néanmoins, il
existe une constance pour un certain nombre de facteurs peu importe le contexte
de soins de santé.
6.3. Implications des résultats obtenus
Bien que ces résultats de recherche proviennent d’un petit échantillon et qu’il soit
nécessaire de les corroborer au moyen de d’autres recherches ultérieures, il existe
tout de même des implications potentielles pour la pratique clinique et la
recherche. Néanmoins, les résultats doivent être interprétés avec réserve étant
donné les limites méthodologiques. Voyons maintenant comment ces résultats
peuvent avoir des conséquences sur la pratique clinique et la recherche en
sciences infirmières.
6.3.1. Implications cliniques des résultats obtenus
Cette recherche identifie des facteurs qui influencent le processus de prise de
décision chez des personnes insuffisantes cardiaques et ayant opté pour la
transplantation cardiaque. L’identification de ces facteurs permet de mieux
comprendre le processus de prise de décision dans ce contexte de soins de santé.
Par ailleurs, plusieurs de ces facteurs sont soutenus par la littérature et par le
modèle de Noone, utilisé comme cadre de référence.
97
Mentionnons que les infirmières jouent un rôle important dans l’accompagnement
du patient tout au long du processus décisionnel. Aussi, une meilleure
connaissance des facteurs qui influencent le processus permettra d’améliorer la
qualité de l’accompagnement et permettra d’aider à faire un choix qui respecte la
singularité du patient. Cette meilleure compréhension pourrait se traduire dans le
développement d’outils d’aide à la décision qui tiennent compte des facteurs
influençant la prise de décision.
Également, cette étude démontre l’importance des sources d’information dans le
processus décisionnel. En effet, les participants à l’étude ont exprimé clairement
que l’information scientifique provenant des professionnels était suffisante pour
effectuer leur choix. De plus, ils ont mentionné accorder une grande importance à
l’information obtenue auprès des personnes ayant la même condition de santé.
Notons que cette information est de nature expérientielle. Or, dans un monde de
libre circulation de l’information, il est important de s’assurer que le patient
possède une information juste et pertinente lui permettant de faire un choix éclairé.
D’ailleurs, le code de déontologie des infirmières et infirmiers en fait une obligation
professionnelle. Ceci peut se refléter à travers les programmes d’enseignement
permettant au patient d’acquérir toute les connaissances nécessaires pour faire ce
choix.
6.3.2. Implications et pistes futures pour la recherche en sciences infirmières
Cette étude a permis de dégager des facteurs qui influencent le processus de prise
de décision chez des patients insuffisants cardiaques et ayant opté pour la
transplantation cardiaque. Toutefois, les résultats ne sont pas généralisables en
raison de la petite taille de l’échantillon. Aussi, il serait intéressant de valider ces
98
facteurs auprès d’un plus grand nombre de participants. La population à l’étude
pourrait également s’élargir pour comprendre les personnes ayant refusé la
transplantation cardiaque. De plus, d’autres contextes de soins pourraient faire
l’objet d’étude afin de comparer les facteurs. Pensons, à titre d’exemple, à
l’insuffisance rénale et à l’insuffisance hépatique.
La présente étude a fait ressortir le concept du non-choix chez les répondants. En
effet, plusieurs répondants ont mentionné avoir l’impression de ne pas avoir le
choix ou encore d’avoir le choix entre vivre ou mourir. Aussi, il serait intéressant
d’explorer plus en profondeur la prise de décision chez les patients en relation
avec le nombre d’options possibles et particulièrement lorsque les évidences
scientifiques n’offrent qu’une seule option de traitement. L’approfondissement de
cet aspect de la prise de décision permettrait de mieux comprendre l’exercice de
l’autonomie du patient dans ce contexte.
6.4. Limites de l’étude
Tout d’abord, il est important de mentionner que le petit nombre de participants de
l’étude ne permet pas la généralisation des résultats bien que celle-ci ne faisait pas
partie de l’objectif de notre étude.
Une autre limite de l’étude est reliée à la composition de la population choisie. Elle
était constituée uniquement de personnes ayant accepté la transplantation
cardiaque, non pas de celles qui l’avaient refusé. Aussi, l’inclusion de cette
catégorie de patients aurait peut-être modifié les résultats.
99
De plus, les entrevues ont été réalisées rétrospectivement au choix. Dans certains
cas, plusieurs semaines se sont écoulées entre la prise de décision et l’entrevue.
Ce délai peut avoir influencé le souvenir des répondants quant au processus
décisionnel.
Bien que les entrevues aient été réalisées en suivant un guide d’entrevue, il est
possible que certains éléments de réponse des participants soient demeurés
inexprimées en raison de l’orientation des questions. Enfin, la façon dont
l’étudiante-chercheure a posé les questions ainsi que l’enchaînement de celles-ci
ont pu influencer le contenu des propos des participants.
En conclusion, la discussion nous a permis de mettre en évidence la très grande
similitude entre les facteurs identifiés dans notre étude, ceux de la littérature et
ceux du modèle de Noone. Elle a également permis de souligner et d’expliquer les
différences entre ces différents facteurs. Par ailleurs, notre étude a soulevé le
concept du choix du non-choix pour le patient lorsque les évidences scientifiques
imposent une seule option. Ceci est particulièrement intéressant au regard du
principe d’autonomie sous-jacent au consentement aux soins.
100
Conclusion
Le présent projet de recherche avait pour objectif d’explorer le processus de prise
de décision, à travers les facteurs qui l’influencent, chez des personnes
insuffisantes cardiaques ayant opté pour une transplantation cardiaque.
La problématique de recherche a démontré la pertinence de mieux comprendre le
processus de prise de décision dans un contexte de soins de santé afin
d’améliorer l’accompagnement de la personne dans sa prise de décision. La revue
de littérature, quant à elle, a démontré qu’un certain nombre de facteurs ont été
identifiés dans différents contexte de soins de santé. Cependant, aucune étude ne
portait sur les personnes souffrant d’insuffisance cardiaque et ayant opté pour la
transplantation cardiaque. Par ailleurs, le modèle de Noone a permis de guider
l’élaboration de la méthodologie et particulièrement le guide d’entrevue puisqu’il
identifie des facteurs liés à la prise de décision en contexte de soins de santé.
Finalement, la discussion des résultats met en évidence que la majorité des
facteurs identifiés dans notre étude sont similaires à ceux identifiés dans la
littérature répertoriée et dans le modèle de Noone. Les divergences peuvent
notamment s’expliquer par le contexte de soins de santé. Il est fort probable que la
majorité des facteurs influençant la prise de décision soit communs au processus
décisionnel indépendamment du contexte de soins de santé alors qu’un certain
nombre soit dépendant du contexte de soins de santé.
Mentionnons que notre étude permet de soulever une question intéressante : le
choix du non-choix. En effet, tel que mentionné au chapitre premier, l’autonomie
est un attribut essentiel de la personne humaine. Fondée sur la liberté, elle renvoie
à la capacité d’une personne de réfléchir à ses objectifs personnels et de décider
par elle-même d’agir conformément à ses valeurs (Durand, 2005; Doucet, 1996).
Le concept d’autonomie est au cœur même du consentement aux soins et de son
processus décisionnel.
101
Lors d’un choix de traitement, il existe deux types de situations en regard des
options de traitement. D’une part, les situations présentant une absence
d’évidence scientifique à l’égard de l’une ou l’autre des options proposées. Ces
situations font référence au concept d’équipoise. Selon Elwyn et al. (2009),
l’équipoise consiste en l’existence de plusieurs options de traitements qui se
comparent en termes d’avantages. D’autre part, il existe des situations présentant
des évidences scientifiques qui confirment la supériorité d’une option par rapport
aux avantages et aux inconvénients. Par conséquent, une seule option de
traitement sera offerte au patient. Cette situation s’explique par une évidence
scientifique concernant l’efficacité de cette option de traitement. Wedenberg
classifie ce type de soins comme effective care (Elwyn et al. 2009).
Dans la situation clinique où une seule option est offerte au malade pour le
traitement de sa maladie, qu’en est-il de l’autonomie du patient, de son implication
dans le processus décisionnel et, par conséquent, du consentement aux soins? Le
cas de la transplantation cardiaque en est un bel exemple. Dans notre étude, les
participants ont souvent mentionné cette impression de faire le choix du non-choix
puisqu’il n’y a qu’un seul choix possible, celui de la transplantation. À une époque
où la question du respect de l’autonomie revêt une grande importance, on peut se
demander si une personne a vraiment le choix de refuser un traitement face à la
possible pression des cliniciens qui disposent d’une technologie de pointe. En
effet, dans pareil contexte, il peut devenir difficile de refuser l’option de traitement.
Jusqu’à quel point une personne peut exercer son autonomie lorsqu’elle est en
situation de survie? Peut-il être envisageable de refuser la transplantation? Choisir
le traitement ou le refuser ne représente-t-il pas un acte d’autonomie?
Au cours des dernières années, l’évolution des soins de santé a entraîné un plus
grand nombre de situations en parfaite équipoise et, par conséquent, a crée un
contexte favorable pour le développement de la prise de décision partagée à mi-
102
chemin entre la vision paternaliste et la vision autonomiste. Légaré et al. (2011)
définissent ainsi la prise de décision partagée : «Shared decision making (SDM) is
defined as a process in which healthcare professionals and patients work together
to make healthcare choices : it is considered fundamental to informed consent and
patient-centred care.» Ainsi, la prise de décision partagée ne représente-t-elle pas
une avenue d’ouverture au dialogue nécessaire à l’exercice de l’autonomie? Dans
l’extrait suivant, Voyer (2009) explique la nécessité de l’autre dans l’exercice de
l’autonomie :
C’est par le partage de la parole que nous advenons à nous- même, que nous comblons notre manque d’être. C’est par la rencontre qu’émerge notre identité complète. Sans l’autre, les personnes âgées le savent, nous demeurons incomplets. Et cela est vrai tout au long de notre vie, que nous soyons malades ou en santé. L’autonomie ne peut donc pas être l’autarcie (p. 12).
Même si la citation concerne les personnes âgées, elle dévoile tout de même les
limites de l’autonomie « absolue ». Or, ce questionnement est fort pertinent pour
l’accompagnement du patient dans l’exercice de son autonomie lors des décisions
concernant sa santé.
Au terme de cette démarche académique, se dévoile l’importance de l’exercice de
l’autonomie dans le processus décisionnel en contexte de soins de santé, une
piste de recherche à explorer et à approfondir.
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Annexe A
Traduction et définition des facteurs contextuels – Modèle de Noone
Facteurs (anglais) Facteurs (français) Définition Environmental Temporal nature of situation
La nature temporelle de la situation
Réfère au moment où la personne doit prendre la décision. Par exemple est-ce que la personne fait le choix d’un traitement immédiatement après avoir été informé de son diagnostic ou encore elle fait un choix de traitement alors qu’elle vit depuis déjà plusieurs années avec sa maladie?
Stress of decision Le niveau de stress relié à la décision ou stress décisionnel
Réfère à l’intensité du stress généré par la décision à prendre (estimation des risques, évaluation des avantages et des inconvénients dans un temps donné).
Ressources : social support and economic
Les ressources : support social et économique
Réfère au soutien (écoute, accompagnement) obtenu de la part de l’entourage (famille, amis). Réfère également aux ressources financières de la personne (salaire, assurances).
Culture La culture Réfère à l’origine culturelle et plus particulièrement aux caractéristiques de la personne reliées à sa culture.
Social norms Les normes sociales Réfère aux règles de conduites ou aux modèles de comportement prescrits par la société.
Experiences and influences of others
L’expérience et l’influence des autres
Réfère à l’expérience des autres personnes avec une maladie similaire ou des traitements similaires
Personal Past experience with illness, treatment
L’expérience antérieure avec la maladie, les traitements
Réfère aux expériences précédentes vécues par la personne par rapport à la maladie ou aux traitements.
Use of heuristics L’utilisation d’une heuristique
Réfère à l’utilisation de techniques simples et rapides permettant de simplifier une
111
tâche complexe telle que prendre une décision.
Personal preferences Les préférences personnelles
Réfère à la préférence personnelle en regard du traitement notamment la perception de l’effet du traitement sur sa vie.
Physical abilities Les capacités physiques Réfère à l’impact de la maladie sur les capacités physiques.
Values Les valeurs Selon Legault, 1999, une valeur se définit comme un « élément de la motivation effective permettant de passer de la décision à l’acte. Elle constitue la fin visée par l’action envisagée dans la décision et se traduit verbalement comme raison d’agir et comme sens de l’action en créant une ouverture au partage de sens pour toutes les personnes impliquées par la décision. »
Locus of control Le lieu de contrôle Réfère à la croyance d’une personne par rapport au niveau de contrôle qu’elle peut avoir sur les évènements qui l’affecte (la perception de contrôle). Une personne avec un lieu de contrôle interne élevé croit que son propre comportement ou ses actions déterminent les évènements alors qu’une personne avec un lieu de contrôle externe élevé croit que le pouvoir des autres, le destin ou encore la chance déterminent les évènements. Ce concept a été développé par Julian B. Rotter en 1954.
Self-esteem L’estime de soi Réfère au jugement, à l’évaluation que la personne se fait d’elle-même.
Role preference La préférence pour un type de rôle dans la décision
Réfère au rôle que la personne souhaite assumer dans le choix d’un traitement. Par exemple, un rôle actif, un rôle collaboratif ou encore un rôle passif.
Framing of event L’encadrement de l’évènement ou
Réfère à une interprétation de l’évènement basée sur sa présentation. L’évènement
112
caractérisation de l’évènement
peut être encadré par les émotions, spécialement les peurs, ainsi que par les valeurs ou les expériences.
Personality traits Les traits de personnalité Réfère aux caractéristiques de la personne telles que : anxiété, tolérance au stress, capacité d’adaptation.
Usual pattern of decision making
Le patron habituel de décision
Réfère à l’expérience, au patron habituel de réponse d’une personne confrontée à une situation où elle doit prendre une décision.
Age / developmental stage
Âge / le stade de développement
Réfère à l’âge de la personne ou encore à son stade de développement tel que l’adolescence.
113
Annexe B
Invitation à participer à un projet de recherche sur la prise de décision chez des personnes ayant opté pour la transplantation cardiaque Madame, Monsieur, Une étude est présentement en cours visant à explorer les facteurs qui influencent le processus de prise de décision auprès de personnes ayant opté pour la transplantation cardiaque. C’est la raison pour laquelle je m’adresse à vous. Si vous acceptez de participer à cette étude, il s’agira de consacrer environ 60 minutes pour la tenue d’une entrevue avec madame Caroline Maltais. Elle portera sur votre expérience de prise de décision qui vous a conduit à opter pour la transplantation cardiaque. Vous êtes entièrement libre de participer ou non à cette étude et de vous en retirer à tout moment sans cela ne vous cause de préjudices. Si vous êtes intéressé(e) à participer à l’étude, veuillez me remettre cette lettre signée soit en personne ou par courrier postal. Je vous mettrai en contact avec la chercheure ou bien lui transmettrai vos coordonnées. Je tiens à vous remercier d’avoir pris de temps de lire cette invitation. Danielle Beaudoin Clinique de greffe cardiaque Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec 2725 chemin Ste-Foy Québec, Québec G1V 4G5 J’accepte que vous transmettiez mes coordonnées à la chercheure _______________________ ________________ Signature du patient Date
114
Annexe C
Feuillet d’information et formulaire de consentement
Étude exploratoire du processus de prise de décision, à travers les facteurs qui l’influencent, chez les personnes ayant opté pour la transplantation cardiaque.
FEUILLET D’INFORMATION ET FORMULAIRE DE CONSENTEMENT Avant d’accepter de participer à ce projet de recherche, veuillez prendre le temps de lire et de comprendre les renseignements qui suivent. Ce document vous explique le but de ce projet de recherche, ses procédures, avantages, risques et inconvénients. Nous vous invitons à poser toutes les questions que vous jugerez utiles à la personne qui vous présente ce document. Présentation du chercheur
Cette recherche est réalisée dans le cadre du projet de maîtrise en sciences infirmières de madame Caroline Maltais, dirigée par madame Danielle Blondeau, PhD, professeure titulaire à la Faculté des sciences infirmières de l’Université Laval. FEUILLET D’INFORMATION Nature de l’étude
Nous sollicitons votre participation à un projet de recherche sur la prise de décision dans un contexte de soins de santé. Ce feuillet explique le contexte de l’étude, son but, son déroulement, ses risques, ses avantages, ainsi que ses inconvénients. Dans le contexte actuel de la santé, dominé par les avancés technologiques, plusieurs options de traitement s’offrent aux patients. Par conséquent, la nécessité de bien connaître le processus de prise de décision de la personne et des facteurs qui l’influencent justifie qu’on s’y intéresse afin de mieux accompagner la personne dans ce processus. Le but de cette étude est d’explorer le processus de prise de décision, à travers les facteurs qui l’influencent, dans un contexte de soins de santé. Déroulement de la participation
Si vous acceptez de participer à cette étude, votre participation consistera à discuter et à échanger sur votre expérience du processus de prise de décision face au choix d’un traitement pour traiter votre insuffisance cardiaque. Dans votre cas il s’agit de la décision qui a conduit à opter pour la transplantation cardiaque.
115
Une rencontre d’environ une heure est prévue. Les échanges seront enregistrés, avec votre permission et les entrevues seront retranscrites. Avantages, risques ou inconvénients liés à la participation et compensation
Votre participation à cette étude permettra de décrire les facteurs qui influencent le processus de prise de décision chez les personnes ayant opté pour la transplantation cardiaque. Une meilleure compréhension de ce processus permettra d’améliorer l’accompagnement des personnes tout au long de ce processus. Il est possible que le fait de raconter votre expérience suscite des réflexions ou des souvenirs émouvants ou désagréables. Si c’était le cas, vous pouvez communiquer avec les personnes suivantes : Dr Louis Rousseau, psychiatre, IUCPQ (418-656-8711 poste 4565), Dr Marie Delage, psychiatre, IUCPQ (418-656-8711 poste 4830), Sylvie Drouin, travailleuse sociale, IUCPQ (418-656-8711 poste 4830). Vous êtes libre d’interrompre la rencontre en tout temps si vous le désirez. Aucune compensation financière ne sera donnée pour votre participation à cette étude. Participation volontaire et droit de retrait
Votre participation est volontaire. En tout temps, vous aurez le droit de vous retirer de l’étude sans préavis et sans que cela ne vous porte préjudice. En cas de désistement, tous vos renseignements personnels seront détruits. Confidentialité et gestion des données
Les informations recueillies dans le cadre de ce projet de recherche demeureront confidentielles. Aucun nom ne sera utilisé dans les communications écrites ou orales. Les noms des participants seront remplacés par un code numérique pour la transcription des entretiens et pour l’utilisation de citations à des fins d’analyse. La correspondance entre votre nom et le code numérique ne sera connue que de la personne qui aura conduit l’entretien. Le présent formulaire de consentement signé sera gardé dans une enveloppe individuelle cachetée. Une copie signée vous sera remise. Les supports pour l’enregistrement des entretiens seront gardés dans un classeur verrouillé de l’étudiante chercheure. Ces supports seront détruits au plus tard cinq ans après la fin de l’étude soit en juin 2015. Pour des renseignements supplémentaires
Si vous avez des questions concernant le projet de recherche et votre participation, veuillez communiquer avec madame Caroline Maltais, étudiante chercheure, au numéro de téléphone suivant : (418) 656-2131 poste 12685 ou à l’adresse courriel suivante : [email protected] ou sa directrice madame Danielle Blondeau, Ph.D. au numéro de téléphone suivant : (418) 656-2131 poste 7524 ou à l’adresse courriel suivante : [email protected].
116
Plaintes et critiques
Toute plainte ou critique relativement à ce projet de recherche pourra être adressée, en toute confidentialité, au Bureau de l’Ombudsman de l’Université Laval dont les coordonnées sont les suivantes : Pavillon Alphonse-Desjardins, bureau 3320 2325, rue de l’Université Université Laval Québec (Québec) G1V 0A6 Renseignements – Secrétariat : (418) 656-3081 Ligne sans frais : 1-866-323-2271 Télécopieur : (418) 656-3846 Courriel : [email protected]
Commissaire aux plaintes
Si vous avez une plainte à formuler, en tant que sujet participant à une étude, vous pouvez rejoindre : La Commissaire locale aux plaintes et à la qualité des services Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec 2725, Chemin Sainte-Foy Québec (Québec) G1V 4G5 Téléphone : 418 656-4945 Surveillances des aspects éthiques du projet de recherche
Le Comité d’éthique de la recherche de l’IUCPQ a approuvé ce projet de recherche et en assure le suivi. De plus, il approuvera au préalable toute révision et toute modification apportée au formulaire d’information et de consentement et au protocole de recherche. Si vous avez des questions, en tant que sujet participant à une étude, vous pouvez rejoindre le président du Comité d’éthique de la recherche de l’IUCPQ, docteur Franck Molin, au numéro (418) 656-8711.
Étude exploratoire du processus de prise de décision, à travers les facteurs qui l’influencent, chez les personnes ayant opté pour la transplantation cardiaque.
FORMULAIRE DE CONSENTEMENT
Signatures Je soussigné(e) ______________________________ consens librement à participer à la recherche intitulée : « Étude exploratoire sur le processus de prise de décision, à travers les facteurs qui l’influencent, chez les personnes ayant opté pour la transplantation cardiaque ». J’ai pris connaissance du formulaire et je comprends le but, la nature, les avantages, les risques et les inconvénients du projet de recherche. Je suis satisfait(e) des explications, précisions et réponses que le chercheur m’a fournies, le cas échéant, quant à ma participation à ce projet. ________________________________________ Date : _______________ Signature du participant ou de la participante J’ai expliqué le but, la nature, les avantages, les risques et les inconvénients du projet de recherche au participant. J’ai répondu au meilleur de ma connaissance aux questions posées et j’ai vérifié la compréhension du participant. ________________________________________ Date : ________________ Signature du chercheur, de la chercheure ou de sa représentante
118
Annexe D
Guide d’entrevue
ÉTUDE EXPLORATOIRE DU PROCESSUS DE PRISE DE DÉCISION, À TRAVERS LES FACTEURS
QUI L’INFLUENCENT, CHEZ LES PERSONNES AYANT OPTÉ POUR LA TRANSPLANTATION
CARDIAQUE
GUIDE D’ENTREVUE
Thème - A Ouverture de l’entrevue
1. Données démographiques (âge, sexe, occupation, pays d’origine, depuis combien de temps êtes-vous transplanté) (culture) (âge)
2. Vous avez dû prendre une décision concernant votre insuffisance cardiaque
et son traitement, voulez-vous me parler de ce qui vous a amené à choisir la transplantation?
Thème B
3. Voulez-vous me parler de votre décision de subir une transplantation?
a. La durée de la maladie avant de prendre la décision (temporal nature of situation)
b. Avantages et inconvénients du choix c. Informations et sources d’information consultées d. Attentes envers la chirurgie e. Préférence pour une option (personnal preferences) f. Le niveau de stress par rapport à la décision (stress of decision) g. Confort avec la décision h. Circonstances (framing of event)
4. Voulez-vous me parler de votre façon habituelle de prendre des décisions? (usual pattern of decision making)
a. Méthodes utilisées (use of heuristics)
5. Voulez-vous me parler de votre participation à la décision de subir une transplantation?
119
a. Rôle désiré, rôle joué (role preference) b. Sentiment de contrôle (locus of control)
6. Voulez-vous me parler d’autres éléments qui ont influencé votre décision de
subir une transplantation?
a. Influence sociale b. Normes sociales (social norms)
Thème C La maladie et les traitements
7. Voulez-vous me parler de l’évolution de votre maladie et de ses traitements?
a. Inconvénients de la maladie b. Votre vie au quotidien avec la maladie c. État de santé actuel (physical abilities) d. Expériences passées avec la maladie et les traitements (past
experiences with illness, treatment)
8. Voulez-vous me parler des personnes qui vous accompagnent dans votre maladie?
a. Discussion avec les proches au sujet de la maladie, des traitements b. Relation avec les différents professionnels de la santé c. Relation avec les médecins d. Support social (support social) e. Expérience et influence des autres avec une expérience similaire
(experiences and influences of others) Thème D Le système de santé
9. Voulez-vous me parler de votre expérience de l’utilisation du système de santé?
a. Accès aux services b. Ressources disponibles
120
Thème E Les caractéristiques de la personne
10. Voulez-vous me parler de vous comme personne?
a. Traits de personnalité (personnality traits) b. Valeurs en regard de la santé, de la maladie (values) c. Situation familiale d. Ressources financières (ressources economic) e. Estime de soi (self-esteem)
121
Annexe E
Approbation du comité scientifique de l’IUCPQ
122
Annexe F
Approbation du comité d’éthique de la recherche de l’IUCPQ
123
124
Annexe G
Exemption du CERUL
125
Annexe H
126