Triplets pythagoriciens...Le premier membre est congru à 2 modulo 4, le second à 0. Impossible. 2)...

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1 Triplets pythagoriciens 1. Description arithmétique. 2. Description algébrique : Euclide via Gauss. 3. Description algébrique arborescente. 4. Description géométrique. 5. Triplets « pythagoroniens ». 6. Les équations x 2 + y 2 = pz 2 , p premier impair. Pierre-Jean Hormière ___________ « Pythagore estimait l’arithmétique au-dessus de tout. » Aristoxène « Puiser une eau nouvelle dans les puits anciens » Frédéric II de Hohenstaufen Le « théorème » dit « de Pythagore » est sans doute la plus ancienne conquête des mathématiques. Son attribution à Pythagore n’apparaît que tardivement dans la littérature grecque, et parfois sous une forme dubitative. Tout indique en effet qu’il remonte aux babyloniens. Mais que disait-ce fameux théorème, au juste ? Les documents anciens montrent qu’il comportait deux volets : - Un aspect géométrique : dans un triangle rectangle, le carré de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés. - Un aspect arithmétique : la recherche des triangles rectangles dont les côtés se mesurent en nombres entiers. Pour les pythagoriciens, ces deux aspects se confondaient : « Tout est nombre », avait dit le maître, c’est-à-dire nombre entier naturel, autrement dit, les trois côtés d’un triangle rectangle étaient des multiples entiers d’une même unité de longueur. Après la découverte des irrationnels, à la fin de l’école pythagoricienne, arithmétique et géométrie se séparent pour de longs siècles, et les deux aspects du « théorème de Pythagore » divergent, tout en continuant d’entretenir, comme on va le voir, des relations étroites. C’est à ce dernier problème, la résolution de la plus ancienne des équations diophantiennes 1 , qu’est consacrée cette étude… 3 2 + 4 2 = 5 2 , 5 2 + 12 2 = 13 2 , 15 2 + 8 2 = 17 2 , 21 2 + 20 2 = 29 2 , etc. Je pensais qu’il n’y avait plus rien à dire sur le sujet depuis Euclide. Eh bien je me trompais ! Un article de l’Encyclopedia universalis, un article d’André Stoll, une intéressante conférence de Claude Quitté et des remarques de Gilles Boutte m’ont prouvé qu’il n’en était rien, et donné envie de retravailler ce sujet. Tablette babylonienne Plimpton 322 1 Une équation diophantienne est une équation polynomiale dont les inconnues sont des entiers.

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Triplets pythagoriciens 1. Description arithmétique.

2. Description algébrique : Euclide via Gauss.

3. Description algébrique arborescente.

4. Description géométrique.

5. Triplets « pythagoroniens ».

6. Les équations x2 + y2 = pz2 , p premier impair.

Pierre-Jean Hormière ___________ « Pythagore estimait l’arithmétique au-dessus de tout. »

Aristoxène

« Puiser une eau nouvelle dans les puits anciens »

Frédéric II de Hohenstaufen

Le « théorème » dit « de Pythagore » est sans doute la plus ancienne conquête des mathématiques. Son attribution à Pythagore n’apparaît que tardivement dans la littérature grecque, et parfois sous une forme dubitative. Tout indique en effet qu’il remonte aux babyloniens. Mais que disait-ce fameux théorème, au juste ? Les documents anciens montrent qu’il comportait deux volets : − Un aspect géométrique : dans un triangle rectangle, le carré de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés. − Un aspect arithmétique : la recherche des triangles rectangles dont les côtés se mesurent en nombres entiers. Pour les pythagoriciens, ces deux aspects se confondaient : « Tout est nombre », avait dit le maître, c’est-à-dire nombre entier naturel, autrement dit, les trois côtés d’un triangle rectangle étaient des multiples entiers d’une même unité de longueur. Après la découverte des irrationnels, à la fin de l’école pythagoricienne, arithmétique et géométrie se séparent pour de longs siècles, et les deux aspects du « théorème de Pythagore » divergent, tout en continuant d’entretenir, comme on va le voir, des relations étroites. C’est à ce dernier problème, la résolution de la plus ancienne des équations diophantiennes 1, qu’est consacrée cette étude…

32 + 4

2 = 5

2 , 5

2 + 12

2 = 13

2 , 15

2 + 8

2 = 17

2 , 21

2 + 20

2 = 29

2 , etc.

Je pensais qu’il n’y avait plus rien à dire sur le sujet depuis Euclide. Eh bien je me trompais ! Un article de l’Encyclopedia universalis, un article d’André Stoll, une intéressante conférence de Claude Quitté et des remarques de Gilles Boutte m’ont prouvé qu’il n’en était rien, et donné envie de retravailler ce sujet.

Tablette babylonienne Plimpton 322

1 Une équation diophantienne est une équation polynomiale dont les inconnues sont des entiers.

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1. Description arithmétique. 1.1. Définition, premières propriétés.

Définition 1 : On nomme triplet pythagoricien tout triplet (a, b, c) ∈ N*3 tel que a

2 + b

2 = c

2.

Un triplet pythagoricien (a, b, c) est dit primitif si a, b et c sont premiers entre eux dans leur ensemble.

Exemple : Le triplet pythagoricien le plus simple est (3, 4, 5). Il est primitif.

Proposition 1 : Si (a, b, c) est un triplet pythagoricien, a et b sont ≥ 3, et c ≥ 5

Preuve : En effet, a = 1 impliquerait 1 + b2 = c

2 , donc b < c, donc b + 1 ≤ c, donc

1 + 2b + b2 ≤ c

2 = 1 + b

2. Impossible ! Par symétrie, b ≥ 2.

Et a = 2 impliquerait 4 + b2 = c

2 , donc b < c, donc b + 1 ≤ c, donc 1 + 2b + b2 ≤ c

2 = 4 + b

2, et

finalement b ≤ 3/2, et b = 1. Impossible ! Du coup, a et b sont ≥ 3, et c

2 = a

2 + b

2 ≥ 18 implique c ≥ 5. Cqfd.

Proposition 2 : Soit (a, b, c) un triplet pythagoricien. L’un au moins des nombres a et b est multiple de 2 (resp. de 3, resp. de 4). L’un au moins des nombres a, b, c est multiple de 5.

Preuve : 1) Si a et b étaient impairs, c serait pair. Posant a = 2p + 1, b = 2q + 1 et c = 2k on aurait (2p + 1)

2 + (2q + 1)

2 = 4k

2 . Le premier membre est congru à 2 modulo 4, le second à 0. Impossible.

2) Si a et b n’étaient pas multiples de 3, ils seraient congrus à 1 ou 2 modulo 3. Leurs carrés a2 et b

2

seraient congrus à 1 modulo 3, donc a2 + b

2 serait congru à 2 modulo 3 : il ne pourrait être un carré,

car les carrés sont congrus à 0 ou 1 modulo 3. 3) Après pas mal de réflexion, raisonnons modulo… 16 !

Si a et b n’étaient pas multiples de 4, ils seraient congrus à ± 1, ± 2, ± 3, ± 5, ± 6, ± 7 modulo 16.

Leurs carrés a2 et b

2 seraient congrus à 1, 4 ou 9 modulo 16, donc a

2 + b

2 serait congru à 2, 5, 8, 10,

13 modulo 16. Or c2 est congru à 0, 1, 4 ou 9 modulo 16.

4) Supposons a, b et c non multiples de 5, donc congrus à 1, 2, 3 ou 4 modulo 5.

Alors a2, b

2, c

2 seraient congrus à 1 ou 4 modulo 5, donc a

2 + b

2 serait congru à 0, 2 ou 3 modulo 5,

contrairement à c2. cqfd.

Remarques :

1) Les triplets (x, y, z) ∈ Z3 tels que x

2 + y

2 = z

2 sont les (±a, ±b,

±c) où (a, b, c) est un triplet pythagoricien, ainsi que les (±a, 0, ±a) et (0, ±a, ±a).

2) Les triplets (X, Y, Z) ∈ Q3 tels que X

2 + Y

2 = Z

2 sont les (x/d,

y/d, z/d) où (x, y, z) ∈ Z3 vérifie x

2 + y

2 = z

2 , et d est un entier ≥ 1.

3) Géométriquement, dans R3, l’ensemble des points M(x, y, z) tels

que x2 + y

2 = z

2 forment un cône de révolution, le cône de

révolution de sommet O, d’axe z’Oz et de demi-angle au sommet π/4. Et l’on cherche les points de ce cône à coordonnées dans N*, dans Z ou dans Q.

> with(plots): > plot3d([z*cos(t),z*sin(t),z],z=-5..5,t=0..2*Pi, axes=normal);

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1.2. Premières listes de triplets.

L’historien des mathématiques Otto Neugebauer 2 a publié en 1945 une liste de nombres contenus dans une tablette d’argile en partie cassée, la tablette Plimpton 322 de l’université de Columbia, remontant au 18ème siècle avant J.-C. Cette tablette de petites dimensions (largeur 13 cm, hauteur 9 cm, épaisseur 2 cm) comporte un tableau de nombres cunéiformes, rangés en 4 colonnes sur 15 lignes. Selon lui, cette tablette laisse supposer que les Babyloniens pouvaient calculer une infinité de triplets pythagoriciens, mais on ne sait comment ils les obtenaient. Depuis, d’autres interprétations ont été données des nombres figurant sur cette tablette : selon Eleanor Robson, il s’agirait de résoudre l’équation du second degré x – 1/x = c.

Quoi qu’il en soit, Pythagoras de Samos savait obtenir une suite infinie de triplets pythagoriciens : partant d’un entier impair n = 2m + 1, il formait le triplet :

( n , 2

1²−n , 2

1²+n ) = ( 2m + 1 , 2m2 + 2m , 2m

2 + 2m + 1 ) .

L’idée est d’écrire ( a + 1 )2 = a

2 + 2a + 1. Si 2a + 1 est un carré, c’est le carré d’un nombre impair

2m + 1, et le tour est joué. Cette liste fournit tous les triplets pythagoriciens (x, y, z) tels que z = y + 1, car z = y + 1 donne

x2 = 2y + 1, donc x est impair. Posant x = 2m + 1, x ≥ 3 ⇒ m ≥ 1, et alors y =

21²−x = 2m

2 + 2m , et

z = 2m2 + 2m + 1. Ces triplets sont tous primitifs, car y et z sont consécutifs, donc premiers entre

eux. Mais la liste obtenue ne contient pas tous les triplets primitifs, notamment (8, 15, 17) qui était déjà connu des Babyloniens. Si Pythagore avait fait un peu d’algèbre linéaire, il aurait pu noter qu’en posant :

Pyth(m) =

++++

12²22²212

mmmm

m, alors : Pyth(0) =

101

, Pyth(1) =

543

et Pyth(m+1) =

−−−

322212221

Pyth(m).

Nous retrouverons cette matrice dans la suite.

Platon lui aussi savait obtenir une suite infinie de triplets pythagoriciens : partant d’un entier pair

n = 2m, il formait le triplet : ( 4²n − 1 , n ,

4²n + 1 ) = ( m2

− 1 , 2m , m2 + 1 ) .

L’idée est d’écrire ( m2 + 1 )

2 = ( m

2 − 1 )

2 + (2m)

2 .

Il est facile de vérifier que cette liste fournit tous les triplets (x, y, z) tels que z = x + 2. Car z = x + 2,

donne y2 = 4x + 4, donc y pair. Posant y = 2m, y ≥ 3 ⇒ m ≥ 2, et x =

44²−y

= m2 − 1 et z = m

2 + 1.

Les triplets où m est pair sont primitifs, les autres ont pour pgcd 2, car si d divise x et z, il divise 2. Mais, pas plus que celle de Pythagore, la liste de Platon ne contient le triplet (20, 21, 29), lui aussi connu des Babyloniens.

Si l’on note Platon(m) =

+−1²

21²

mm

m, alors Platon(0) =

−101

et Platon(m+1) =

−−

2/312/11112/112/1

Platon(m).

2 Otto Eduard NEUGEBAUER (Innsbruck 1899 - Lawrenceville, New Jersey, 1990), mathématicien et historien des sciences autrichien, puis américain. Il servit comme officier d’artillerie pendant la guerre de 14. Lors de ses études à Graz et Munich, il quitta l’ingénierie électrique pour se tourner vers la physique puis les mathématiques. Il vint étudier à Göttingen en 1922, et participa à la rédaction du grand traité de Hilbert-Courant sur la théorie des fonctions. Mais très vite il s’intéressa aux mathématiques égyptiennes et assyriennes. Neugebauer aida Richard Courant dans ses tâches administratives. Contraint à s’exiler en 1933, car juif, Courant désigna Neugebauer pour lui succéder comme directeur de l’Institut de mathématiques de Göttingen. Mais Neugebauer refusa de signer un document affirmant sa loyauté envers le régime nazi. Exclu de l’université, il émigra au Danemark en 1934, puis aux U.S.A. en 1940 et y poursuivit ses travaux d’histoire des mathématiques anciennes. Neugebauer a fondé deux importantes revues mathématiques : en 1931, le Zentralblatt für Matematik, et après son émigration en 1940, les Mathematical Reviews. Son livre Les sciences exactes dans l'antiquité, est traduit chez Actes Sud.

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Cette matrice laisse stable l’ensemble des triplets (a, b, a + 2) ∈ Z3.

On en déduit que : Platon(2) =

543

et Platon(m+2) =

−−−

322212221

Platon(m).

Nous retrouverons cette matrice plus tard. Avant de poursuivre, observons une propriété géométrique commune des triplets de Pythagore et de Platon : ce sont resp. les points à coordonnées entières situés sur les paraboles intersections du cône de révolution x

2 + y

2 = z

2 et des plans z = y + 1 et z = x + 2. Les intersections sont des paraboles, car

ces plans sont parallèles à l’une des génératrices du cône.

> with(plots); > cone:=plot3d([r*cos(t),r*sin(t),r], r=-1.5..3,t=0..2*Pi,color=red): > plan:=plot3d([x,y,y+1],x=-2..2, y=-2..3,color=blue): parabole:=spacecurve([x,(x^2-1)/2, (x^2+1)/2],x=-2..2,thickness=2, color=black): > display3d({cone,plan,parabole}); Dans son livre sur Pythagore, Pierre Brémaud signale que la fameuse suite de Fibonacci

f0 = 0 , f1 = 1 , fn+2 = fn + fn+1

fournit également une suite infinie de triplets pythagoriciens.

En effet, si l’on considère quatre nombres de Fibonacci consécutifs fm, fm+1, fm+2, fm+3, le triplet

(am , bm , cm) = ( fm × fm+3 , 2 × fm+1 × fm+2 , (fm+1)2 + (fm+2)

2 ) est pythagoricien pour m ≥ 1.

Cela découle de ce que am = fm × fm+3 = ( fm+2 − fm+1 ) × ( fm+2 + fm+1 ) = (fm+2)2 − (fm+1)

2 .

Les triplets obtenus ne sont pas tous primitifs. Plus précisément, le pgcd de am , bm , cm vaut 1 ou 2.

En effet, si p premier divisait am , bm , cm, c’est-à-dire (fm+2)2 − (fm+1)

2 , (fm+2)

2 + (fm+1)

2 et

2×fm+1×fm+2 , il diviserait 2(fm+2)2 , 2(fm+1)

2 et 2fm+1fm+2 ; si p était impair, il diviserait fm+2 et

fm+1 ; or ces nombres sont premiers entre eux. Un examen de parité montre que pgcd(am , bm , cm) = 2 si 3 divise m, 1 sinon ; autrement dit, dans la liste obtenue, deux triplets sur trois sont primitifs.

Si l’on note Fibo(m) =

m

m

m

cba

, alors : Fibo(0) =

220

et Fibo(m+1) =

2/312/11112/112/1

Fibo(m).

On en déduit que : Fibo(1) =

543

et Fibo(m+3) =

984874441

Fibo(m).

Nous retrouverons cette matrice plus tard.

La suite de Lucas v0 = 2, v1 = 1, vn+2 = vn + vn+1, sœur jumelle de la suite de Fibonacci, fournit également une suite infinie de triplets pythagoriciens. En effet, considérant 4 nombres de Lucas consécutifs vm, vm+1, vm+2, vm+3, le triplet

(am , bm , cm) = ( vm × vm+3 , 2 × vm+1 × vm+2 , (vm+1)2 + (vm+2)

2 ) est pythagoricien.

Si l’on note Lucas(m) =

m

m

m

cba

, alors : Lucas(0) =

1068

et Lucas(m+1) =

2/312/11112/112/1

Lucas(m).

On a vu que les triplets de Pythagore et de Platon se trouvent sur des sections planes paraboliques du cône. On peut de même se demander où se trouvent les triplets de type Fibonacci-Lucas.

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Si Fibo(m) =

m

m

m

cba

, je dis que 2am – bm = 2(−1)m−1

.

Cela découle de la formule aisément vérifiable par récurrence : (fm)2 – fm−1.fm+1 = (−1)

m−1 .

Mais cela découle aussi de ce que : [ 2 –1 0 ]

2/312/11112/112/1

= − [ 2 –1 0 ].

En clair, les triplets Fibo(m) vérifient alternativement 2x – y = 2 et 2x – y = −2. Les Fibo(m) se trouvent alternativement sur l’une ou l’autre de deux sections hyperboliques du cône

x2 + y

2 = z

2 par les plans verticaux 2x – y = 2 et 2x – y = −2..

De même, les Lucas(m) se trouvent alternativement sur l’une ou l’autre des sections hyperboliques de x

2 + y

2 = z

2 par les plans verticaux 2x – y = 10 et 2x – y = −10.

Remarque : Réciproquement, si l’on cherche les solutions entières du système x2 + y

2 = z

2 , 2x – y =

2, on tombe sur une équation de Fermat à étudier. 1.3. Description arithmétique.

En fait, on peut obtenir facilement une famille à deux paramètres de triplets pythagoriciens : Proposition 3 : Si m et n sont deux entiers tels que m > n ≥ 1 :

( m2 – n

2 , 2mn , m

2 + n

2 ) et ( 2mn , m

2 – n

2 , m

2 + n

2 )

sont des triplets pythagoriciens.

Preuve facile.

Du coup, toute suite strictement croissante (um) d’entiers > 0 engendre une suite de triplets

pythagoriciens : ( um+12 − um

2 , 2×um×um+1 , um+1

2 + um

2 ).

La solution précise et complète du problème est due à Euclide : si j’en crois Thomas Heath (vol. I, p. 405), elle figure dans le livre X des Eléments (propositions 27-28).

Théorème 1 (Euclide) : Les triplets pythagoriciens sont :

( ( a2 − b

2 ).d , 2abd , ( a

2 + b

2 ).d ) et ( 2abd , ( a

2 − b

2 ).d , ( a

2 + b

2 ).d )

où a, b, d ∈ N* , a et b étant de parités opposées et tels que a ∧ b = 1 et 0 < b < a. Les triplets primitifs sont ceux pour lesquels d = 1.

Ainsi, le triplet (3, 4, 5) provient de (a, b, d) = (2, 1, 1), le triplet (20, 21, 29) de (a, b, d) = (5, 2, 1).

Preuve :

1) Soient (x, y, z) un triplet pythagoricien formé d’entiers ≥ 1, d = pgcd(x, y, z). Alors (x’, y’, z’) = (x/d, y/d, z/d) est un triplet pythagoricien formé d’entiers premiers dans leur ensemble. Ils sont alors premiers entre eux deux à deux, car si un nombre premier p divise deux d’entre eux, il divise le troisième. 2) Soit donc (x, y, z) un triplet formé d’entiers premiers entre eux deux à deux. Si x et y sont pairs, z serait aussi pair, ce qui est impossible.

Si x et y sont impairs, x = 2a + 1, y = 2b + 1, alors x2 + y

2 = 2 + 4.( a + b + a

2 + b

2 ) ≡ 2 (mod 4).

Or pour tout z, z2 ≡ 0 ou 1 (mod 4).

Par conséquent, x et y sont de parités différentes.

3) Supposons x impair et y pair, donc z impair. On note que )²2

(y =

2xz− .

2xz+ .

Les entiers A = 2xz+ et B =

2xz− sont premiers entre eux, En effet, si p premier divisait A et B, il

diviserait x = A – B et z = A + B, ce qui est impossible.

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Comme le produit A.B est un carré, chacun d’eux est un carré, en vertu du théorème fondamental de l’arithmétique. Posons A = a

2 , B = b

2 , avec a ∧ b = 1. Alors x = a

2 – b

2 , y = 2ab , z = a

2 + b

2.

Pour obtenir l’inventaire complet, il reste à multiplier x, y et z par leur pgcd, et à échanger x et y.

Voici quelques propriétés vérifiées par les triplets pythagoriciens.

Proposition 4 : Soit (x, y, z) un triplet pythagoricien primitif tel que x est impair. i) z est impair ; 4 divise y. ii) z – y et z + y sont des carrés parfaits ;

iii) A = 2xz+ et B =

2xz− sont des carrés parfaits ;

iv) Soit 3 divise x, soit 3 divise y, et alors 12 divise y ; v) Un, et un seul, des entiers x, y, z est multiple de 5 ; vi) Les nombres premiers p qui divisent z sont tous ≡ 1 (mod 4).

Preuve : i) z est impair comme somme d’un impair et d’un pair ; ab est pair, dans 4 divise 2ab. ii) et iii) découlent de ce qui précède. iv) Raisonnons modulo 3. x.y = 2ab.( a

2 – b

2 ) = 2a

3b − 2ab

3 ≡ 2ab – 2ab = 0 (mod 3), en vertu du petit théorème de Fermat.

Par conséquent, 3 divise x ou y. Comme x et y sont premiers entre eux, le ou est exclusif. Mais comme 4 divise y, si 3 divise y, 12 divise y. v) Raisonnons modulo 5. x.y.z = 2ab.( a

4 – b

4 ) = 2a

5b − 2ab

5 ≡ 2ab – 2ab = 0 (mod 5), en vertu du petit théorème de Fermat.

Par conséquent, 5 divise x, y ou z. Comme x, y et z sont premiers entre eux 2 à 2, le ou est exclusif. vi) Soit p un nombre premier divisant z.

Alors p ≠ 2, car z est impair. De plus x2 + y

2 ≡ 0 (mod p), donc x 2

+ y 2 = 0 dans Z/pZ.

Si p ≡ 3 (mod 4), −1 n’est pas un carré dans Z/pZ. On en déduit x 2 + y 2

= 0 ⇒ x = y = 0 . Donc p divise à la fois x et y, ce qui est impossible. Le lecteur est prié de vérifier ces propriétés sur les facteurs premiers des z, dans les listes de triplets suivantes, lorsque ceux-ci sont primitifs. 1.4. Programmes informatiques.

> pythagore:=m->(2*m+1,2*m*(m+1),2*m^2+2*m+1);

:= pythagore → m ( ), , + 2 m 1 2m ( ) + m 1 + + 2 m2 2 m 1 > for m from 0 to 10 do pythagore(m);od;

, ,1 0 1 , ,3 4 5

, ,5 12 13 , ,7 24 25 , ,9 40 41 , ,11 60 61 , ,13 84 85

, ,15 112 113 , ,17 144 145 , ,19 180 181 , ,21 220 221

> platon:=m->(m^2-1,2*m,m^2+1);

:= platon → m ( ), , − m2 1 2m + m2 1 > for m from 0 to 10 do platon(m);od;

, ,-1 0 1

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7

, ,0 2 2 , ,3 4 5 , ,8 6 10 , ,15 8 17 , ,24 10 26 , ,35 12 37 , ,48 14 50 , ,63 16 65 , ,80 18 82 , ,99 20 101

> with(combinat):alias(phi=fibonacci): > Fibo:=proc(m) > print([phi(m)*phi(m+3),2*phi(m+1)*phi(m+2),phi(m+1)^2+phi(m+2)^2]);end; > for m from 0 to 10 do Fibo(m);od;

[ ], ,0 2 2 [ ], ,3 4 5

[ ], ,5 12 13 [ ], ,16 30 34 [ ], ,39 80 89

[ ], ,105 208 233 [ ], ,272 546 610

[ ], ,715 1428 1597 [ ], ,1869 3740 4181 [ ], ,4896 9790 10946

[ ], ,128152563228657 > v:=m->2*phi(m+1)-phi(m);

:= v → m − 2 ( )φ + m 1 ( )φ m > Lucas:=proc(m) > print([v(m)*v(m+3),2*v(m+1)*v(m+2),v(m+1)^2+v(m+2)^2]);end; > for m from 0 to 10 do Lucas(m);od;

[ ], ,8 6 10 [ ], ,7 24 25 [ ], ,33 56 65

[ ], ,72 154 170 [ ], ,203 396 445

[ ], ,517 1044 1165 [ ], ,1368 2726 3050 [ ], ,3567 7144 7985

[ ], ,9353 1869620905 [ ], ,244724895454730

[ ], ,64083128156143285

Voici un programme Maple qui liste tous les triplets primitifs tels que x est impair, et correspondant à 0 < b < a ≤ n.

> euclide:=proc(n) > local a,b,triplet; > for a from 2 to n do > for b from 1 to a-1 do > if igcd(a,b)=1 then if (type(a,odd) and type(b,even)) or (type(b,odd) and type(a,even)) > then triplet:=[a^2-b^2,2*a*b,a^2+b^2];print([[a,b],triplet]);fi;fi;

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8

od;od;end; > euclide(10);

[ ],[ ],2 1 [ ], ,3 4 5 [ ],[ ],3 2 [ ], ,5 12 13 [ ],[ ],4 1 [ ], ,15 8 17 [ ],[ ],4 3 [ ], ,7 24 25 [ ],[ ],5 2 [ ], ,21 20 29 [ ],[ ],5 4 [ ], ,9 40 41 [ ],[ ],6 1 [ ], ,35 12 37 [ ],[ ],6 5 [ ], ,11 60 61 [ ],[ ],7 2 [ ], ,45 28 53 [ ],[ ],7 4 [ ], ,33 56 65 [ ],[ ],7 6 [ ], ,13 84 85 [ ],[ ],8 1 [ ], ,63 16 65 [ ],[ ],8 3 [ ], ,55 48 73 [ ],[ ],8 5 [ ], ,39 80 89

[ ],[ ],8 7 [ ], ,15 112 113 [ ],[ ],9 2 [ ], ,77 36 85 [ ],[ ],9 4 [ ], ,65 72 97

[ ],[ ],9 8 [ ], ,17 144 145 [ ],[ ],10 1 [ ], ,99 20 101 [ ],[ ],10 3 [ ], ,91 60 109 [ ],[ ],10 7 [ ], ,51 140 149 [ ],[ ],10 9 [ ], ,19 180 181

Enfin, Maple « sait » retrouver les résultats précédents : > pythagore:=simplify(isolve({x^2+y^2=z^2,z=y+1}));

:= pythagore { }, , = x + 1 2_Z1 = z + + 1 2_Z1 2 _Z12 = y + 2 _Z1 2 _Z12

> platon:=isolve({x^2+y^2=z^2,z=x+2}); Solutions may be lost

:= platon { }, , = z + 1 4_Z12 = x − + 1 4_Z12 = y 4 _Z1 > euclide:=isolve(x^2+y^2=z^2);

euclide = x −2_Z3_Z1_Z2

( )igcd , ,−2 _Z1 _Z2 − _Z12 _Z22 + _Z12 _Z22 ,{ :=

= y_Z3 ( ) − _Z12 _Z22

( )igcd , ,−2 _Z1 _Z2 − _Z12 _Z22 + _Z12 _Z22 ,

= z_Z3 ( ) + _Z12 _Z22

( )igcd , ,−2 _Z1 _Z2 − _Z12 _Z22 + _Z12 _Z22 }

Enfin, le nuage de points ci-dessous, trouvé sur Wikipédia, mais qu’il serait facile de retrouver,

visualise les couples d’entiers (x, y) inférieurs à 4500, tels que (x, y, ²² yx + ) soit un triplet

pythagoricien. Ces couples sont les projections des triplets situés sur le cône de révolution.

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9

1.5. Description géométrique.

Une approche géométrique du problème précédent consiste à chercher les couples (X, Y) ∈ Q2 tels

que X2 + Y

2 = 1. Notons Γ leur ensemble ; c’est le « cercle unité » de Q×Q.

Proposition 5 : Les couples (X, Y) ∈ Q2 tels que X

2 + Y

2 = 1 sont en bijection naturelle avec la

droite rationnelle complétée Q ∪ {∞}, via l’application F : m ∈ Q ∪ {∞} → F(m) , où :

F(m) = (²1²1

mm

+− ,

²12mm

+ ) si m ∈ Q , F(∞) = (−1, 0) .

Preuve : Pour obtenir cette description paramétrée, utilisons une idée d’origine géométrique. Coupons Γ par une droite passant par un de ses points, par exemple le point A(−1, 0).

Soit (X, Y) ∈ Q2 , différent de (−1, 0). Posons m =

1+XY ∈ Q.

Alors Y = m ( X + 1 ) ; reportons ! X2 + m

2 (X + 1)

2 = 1

s’écrit ( X + 1 ).( X − 1 + m2 (X + 1) ) = 0.

Comme X ≠ −1, il vient X = ²1²1

mm

+− , puis Y =

²12mm

+ .

Reste à adjoindre le point (−1, 0), qui correspond à m = ∞ (droite verticale).

Remarque : Dans cet énoncé, on peut remplacer Q par un corps K de caractéristique ≠ 2 dans lequel

−1 n’est pas un carré. Si −1 est un carré, m doit être tel que m2 + 1 ≠ 0 : Γ(K ) doit plutôt être vue

comme une hyperbole. Enfin, si K est de caractéristique 2, X2 + Y

2 = (X + Y)

2 , de sorte que :

X2 + Y

2 = 1 ⇔ X + Y = ±1 ⇔ X + Y = 1 ; la conique Γ(K ) X

2 + Y

2 = 1 est la droite Y = X + 1.

Corollaire : Les triplets (X, Y, Z) ∈ Q3 tels que X

2 + Y

2 = Z

2 sont de la forme :

(( 1 – m2

) u , 2mu , ( 1 + m2

) u) où (m , u) ∈ Q2

, ou (−Z, 0, Z) où Z ∈ Q.

Preuve : Si Z = 0, on trouve (0, 0, 0). Sinon, le couple (ZX ,

ZY ) obéit à la proposition précédente.

Il est de la forme ZX =

²1²1

mm

+− ,

ZY =

²12mm

+ , donc (X, Y, Z) = (²1²1

mm

+− Z ,

²12mm

+ Z , Z ).

Posant Z = ( 1 + m2

).u , il vient : (X, Y, Z) = (( 1 – m2

).u , 2mu , ( 1 + m2

)u) . A quoi il faut ajouter (

ZX ,

ZY ) = ( −1, 0), c’est-à-dire (X, Y, Z) = (−Z, 0, Z).

Autre approche, pour obtenir une paramétrisation rationnelle du cône de révolution X2 + Y

2 = Z

2.

On note que : X2 + Y

2 = Z

2 ⇔ Y

2 = ( Z + X ).( Z – X ).

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10

Si Z + X ≠ 0, posons Z + X = t et Y = s. Alors Z – X = su² , d’où X =

tst

2²²− , Y = s , Z =

tst

2²²+ .

Si Z + X = 0, on tombe sur les triplets (−Z, 0, Z). On retrouve aisément le corollaire.

Retrouvons le théorème 1. Soit (x, y, z) un triplet pythagoricien primitif.

Alors (X, Y) = (zx ,

zy ) est élément de Γ, plus précisément du quart de cercle X > 0, Y > 0 de Γ.

Par conséquent, il existe m ∈ Q ∩ ]0, 1[ tel que (X, Y) = (zx ,

zy ) = (

²1²1

mm

+− ,

²12mm

+ ) .

Posons m = ab , a ∧ b = 1 , a et b > 0. Alors

zx =

²²²²

baba

+− ,

zy

= ²²

2ba

ab+ .

1er cas : Si a et b n’ont pas même parité, je dis que 2ab et a2 + b

2 sont premiers entre eux.

En effet, si p premier divise 2ab et a2 + b

2 , p divise 2, a ou b.

Si p divise a, et alors il divise b : impossible ; idem si p divise b.

Enfin p = 2 est également impossible, car a2 + b

2 est impair.

En vertu de l’unicité de la forme irréductible, x = a2 – b

2 , y = 2ab , z = a

2 + b

2 .

2ème cas : Si a et b sont impairs, posons u = 2ba+ , v =

2ba− , a = u + v , b = u − v.

u et v sont de parités différentes (sans quoi a et b seraient pairs), et premiers entre eux.

De plus zx =

²²2

vuuv+ ,

zy

= ²²²²

vuvu

+− .

Comme ci-dessus, on conclut que x = u2 – v

2 , y = 2uv , z = u

2 + v

2 .

1.6. Compléments.

« Les 24 propositions du livre VI des Arithmétiques de Diophante se rapportent aux triangles

pythagoriques et elles ont exercé une grande influence sur les mathématiciens des XVIe et XVII

e

siècles, comme Stevin, Viète, et surtout Frenicle et Fermat. » écrit Jean Itard 3 (Que sais-je, p. 108). On trouvera les 24 propositions de Diophante dans Heath (vol. II, p. 507-514). Il est fort vraisemblable que c’est en étudiant certaines classes de triangles pythagoriques que Fermat a été conduit à étudier l’équation diophantienne qui porte son nom x

2 – a.y

2 = 1. Cette équation de Fermat

(ou de Pell-Fermat) est le point de départ de la théorie algébrique des nombres.

Exercice 1 : Montrer que l’aire d’un triangle pythagoricien est toujours divisible par 6. Indiquer un triangle pythagoricien d’aire égale à 6.

Solution : L’aire est de la forme xy = 2ab (a2 – b

2) d

2 , où a et b etc.

Mais 2ab(a2 – b

2) est pair et multiple de 3 en vertu du petit théorème de Fermat :

2ab.( a2 – b

2 ) = 2a

3b – 2ab

3 ≡ 2ab – 2ab = 0 (mod 3).

3 Né en 1902 à Serrières (Ardèche), et mort à Paris en 1979, Jean ITARD est un historien français des mathé-matiques. Il sort de l’Ecole normale d’instituteurs d’Avignon en 1921, passe une licence de mathématiques à Marseille en 1924, et l’agrégation en 1925. Il enseigne successivement au lycée d’Alençon, au lycée Saint-Charles de Marseille, puis aux lycées Buffon, Michelet et Henri IV de Paris. De 1926 à 1936, il participe à la fondation de l’Institut supérieur ouvrier (CGT) et enseigne le calcul différentiel et le calcul des probabilités à des militants syndicaux. Il publie des livres de mathématiques intégrant la dimension historique, en colla-boration avec Th. Leconte, A. Huisman, puis avec son fils G. Itard. Il enseigne l’histoire des mathématiques grecques à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. Il prend sa retraite en 1962. La maladie l’empêche d’achever sa monographie sur Fermat. Membre de l’Académie internationale d’Histoire des sciences, il participa au Séminaire d’histoire des mathématiques de l’Institut Henri Poincaré. Il était membre fondateur du Comité national d’histoire et de philosophie des sciences. Jean Itard collabora à l’édition de la correspondance de Mersenne et au Dictionary of Scientific Biography. Ses recherches ont porté sur toutes les époques, du 15ème siècle à nos jours, mais surtout sur le 17ème siècle, de Kepler à Newton en passant par Fermat.

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11

Exercice 2 : grand théorème de Fermat pour n = 4.

On se propose de démontrer que l’équation (E) x4 + y

4 = z

2 n’a pas de solutions en nombres

entiers x, y, z ≥ 1 ; on en déduira aussitôt qu’il en est de même de x4 + y

4 = z

4 .

Soit u le plus petit entier ≥ 1 tel que l’on ait (E) x4 + y

4 = u

2 , avec x et y ≥ 1.

1) Montrer que x et y sont premiers entre eux. Déduire de ce qui précède qu’il existe a et b ∈ N* de parités opposées tels que a ∧ b = 1 et 0 < b < a , et, par exemple :

x2 = 2ab , y

2 = a

2 − b

2 , u = a

2 + b

2 .

2) Montrer que b est pair, et a impair. On pose b = 2c. Montrer que a = α2 et c = γ2

et contredire la minimalité de u.

Exercice 3 : Montrer que l’aire d’un triangle pythagoricien ne peut être un carré (Fermat).

[ Indication : Si ab.(a − b).(a + b) = m2, où a ∧ b = 1, alors a = x

2, b = y

2, a + b = u

2, a − b = v

2, où u

et v sont impairs et premiers entre eux. On a 2y2 = (u + v)(u − v), donc (u + v) ∧ (u − v) = 2 ; en

déduire qu’à l’ordre près u + v = 2r2 , u − v = 2s

2 et x

2 = r

4 + 4.s

4, et noter que (r

2, 2s

2, x) formerait

un triplet pythagoricien d’hypoténuse < à celle du triangle initial.]

2. Description algébrique : Euclide via Gauss. Nous nous proposons de retrouver le théorème d’Euclide à l’aide des entiers de Gauss. En effet,

l’équation diophantienne de Pythagore s’écrit aussi ( x + iy )( x – iy ) = z2, autrement dit αα = z

2,

où α = x + iy est un « entier de Gauss ». 2.1. L’anneau Z[i] des entiers de Gauss.

On note Z[i] = { α = x + iy ; (x, y) ∈ Z×Z } l’ensemble des « entiers de Gauss ».

Rappelons sans démonstration les principales propriétés de cet ensemble. 1) Z[i] = { α = x + iy ; (x, y) ∈ Z×Z } est un sous-anneau intègre de C.

2) L’application α = x + iy → α = x − iy est un automorphisme de Z[i].

3) L’application N : α = x + iy ∈ Z[i] → x2 + y

2 ∈ N vérifie :

N(α) = 0 ⇔ α = 0 ; N(1) = 1 ; N(αβ) = N(α).N(β) ∀(α, β) ∈ Z[i]×Z[i] ∃(χ, ρ) ∈ Z[i]×Z[i] α = βχ + ρ , N(ρ) < N(β).

4) Le groupe multiplicatif des éléments inversibles de Z[i] est { 1, i , −1, −i }. Deux entiers de Gauss α et β sont dits associés si β = υα, où υ ∈ { 1, i , −1, −i }. 5) L’anneau Z[i] est euclidien pour le stathme N. 6) Deux entiers de Gauss ont un pgcd et un ppcm. 7) Tout entier de Gauss non nul se décompose de façon essentiellement unique en produit de facteurs premiers. Il en résulte que si αβ est un carré et si α et β sont premiers entre eux, α et β sont des carrés, à associé près. 8) Les nombres premiers de Z ne restent pas toujours premiers dans Z[i] : i) 2 n’est pas premier dans Z[i] ; sa décomposition en facteurs premiers est 2 = i

3.( 1 + i )

2 ;

ii) les nombres premiers de Z de la forme p = 4k + 3 restent premiers dans Z[i] ; ils sont dit inertes ; iii) les nombres premiers de Z de la forme p = 4k + 1 ne restent pas premiers dans Z[i] ; ils

s’écrivent sous la forme p = π π , où π et π sont deux entiers de Gauss premiers, et non associés. 9) Les entiers de Gauss premiers sont de trois sortes : i) 1 + i et ses associés (parmi lesquels se trouve son conjugué) ; ii) les nombres premiers de Z de la forme p = 4k + 3 ; ils sont dits inertes ;

iii) les entiers de Gauss π tels que π π = p , où p est un nombre premier de la forme p = 4k + 1. 2.2. Retour au triplets pythagoriciens.

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12

Commençons par examiner la relation 32 + 4

2 = 5

2 . Elle s’écrit : ( 3 + 4i )( 3 – 4i ) = 5.5.

Aucun des entiers de Gauss 3 + 4i , 3 – 4i et 5 n’est premier dans Z[i]. La factorisation de 5 est : 5 = ( 2 + i )( 2 – i ) , celle de 3 + 4i est : 3 + 4i = ( 2 + i )

2.

Autrement dit, ( 3 + 4i )( 3 – 4i ) = ( 2 + i )2.( 2 – i )

2 = (( 2 + i )( 2 – i ))

2 = 5.5.

Soit (x, y, z) un triplet pythagoricien primitif dans lequel x est impair et y pair. Posons α = x + iy .

Tout d’abord, α et α ne sont pas associés, car on ne peut avoir α = α , iα , −α , −iα. De plus z ≥ 5 est non inversible.

α et α sont premiers entre eux. En effet, si α était divisible par 1 + i, x et y auraient même parité. Si α était divisible par un premier inerte p = 4k + 3, x et y ne seraient pas premiers entre eux.

Si α et α étaient divisibles par un entier premier π , alors α serait divisible π et par π , donc par un premier p = 4k + 1, et x et y ne seraient pas premiers entre eux.

Comme α et α sont premiers entre eux, α.α = z2 implique que α est un carré dans Z[i].

α = β2 , ce qui s’écrit x + iy = ( u + iv )

2, i.e. x = u

2 – v

2 , y = 2uv , z = u

2 + v

2 .

On a 0 < v < u, u et v sont non premiers entre eux et de parités différentes. On retrouve ainsi le théorème d’Euclide.

NB : le cas où α = υβ2 donnent le même résultat.

2.3. Vers le grand théorème de Fermat.

L’équation diophantienne de Pythagore x2 + y

2 = z

2 a pour prolongement naturel l’équation x

3 + y

3

= z3 , et plus généralement x

n + y

n = z

n . Fermat a conjecturé au XVIIème siècle, et Andrew Wiles a

démontré en 1994 que ces équations n’ont pas de solutions non triviales. Si l’on s’inspire de ce qui précède, l’équation x

3 + y

3 = z

3 s’écrit ( x + y )( x + jy )( x + j

2y ) = z

3 , et

renvoie à l’arithmétique de l’anneau Z[j] = { x + jy ; (x, y) ∈ Z×Z } des « entiers d’Eisenstein ». En définitive, c’est parce que cet anneau est euclidien que l’équation x

3 + y

3 = z

3 n’a pas de solution

non triviale.

3. Description algébrique arborescente. Dans ce §, nous nous proposons de donner un procédé de fabrication matricielle automatique de tous les triplets pythagoriciens, à partir du plus simple d’entre eux, (3, 4, 5). L’approche suivie est dogmatique. Elle sera éclairée dans le § 4.

3.1. Une forme quadratique sur R3 et son groupe.

On confond R3 et M3,1(R), de sorte que le triplet (x, y, z) de nombres réels s’identifie avec le vecteur

colonne X =

zyx

. On confond de même M3(R) et LLLL(R3), et on note I sa matrice unité.

On note q la forme quadratique sur R3 définie par : q(X) = x

2 + y

2 – z

2 =

tX.J.X , où J =

−100010001

,

et Φ(X, X’) = xx’ + yy’ – zz’ = tX.J.X’ la forme bilinéaire symétrique polaire de q.

Rappelons que q(X) = Φ(X, X) et que Φ(X, X’) = 21 [q(X + X’) – q(X) – q(X’)] (*).

Commençons par définir le groupe orthogonal de l’espace vectoriel quadratique régulier (R3, q).

Proposition 1 : Soit A ∈ Gl3(R). Les propriétés suivantes sont équivalentes :

i) ∀X ∈ R3 q(AX) = q(X) ;

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ii) ∀(X, X’) ∈ R3×R

3 Φ(AX, AX’) = Φ(X, X’) ;

iii) tA.J.A = J.

L’ensemble G = O(R3, q) = { A ∈ Gl3(R) ; ∀X ∈ R

3 q(AX) = q(X) } est un sous-groupe de Gl3(R).

De plus, A ∈ G ⇒ det A = ±1.

Preuve : i) ⇒ ii) par « dédoublement des variables », i.e. en vertu de (*). ii) ⇒ iii) car ii) s’écrit : ∀(X, X’) ∈ R

3×R3

tX.

tA.J.A.X’ =

tX.J.X’.

On en déduit tA.J.A = J en choisissant pour X et X’ les vecteurs canoniques.

iii) ⇒ ii) ⇒ i) sont très faciles.

G est un sous-groupe de Gl3(R) car I ∈ G ; A et B ∈ G ⇒ A.B ∈ G et A−1

∈ G.

Enfin tA.J.A = J implique (det A)

2 = 1 donc det A = ±1.

Variante de i) ⇒ ii). Si S et T sont deux matrices symétriques réelles vérifiant, pour tout X, tX.S.X =

tX.T.X, je dis que S = T. Par soustraction, ramenons-nous à T = O. Alors pour tous (x, y, z)

s11.x2 + s22.y

2 + s33.z

2 + 2s12.xy +2s13.xz + 2s23.yz = 0.

Si y = z = 0, x = 1, il vient : s11 = 0 ; de même, s22 = s33 = 0.

Si z = 0, x = y = 1, il vient : s12 = 0 ; de même, s13 = s23 = 0.

Conséquences et remarques :

1) J étant involutive, pour toute A ∈ G, on a A−1

= J.tA.J.

2) A =

321

321

321

cccbbbaaa

∈ G ssi : a12 + b1

2 – c1

2 = a2

2 + b2

2 – c2

2 = 1 , a3

2 + b3

2 – c3

2 = – 1 ,

a1.a2 + b1.b2 – c1.c2 = a1.a3 + b1.b3 – c1.c3 = a2.a3 + b2.b3 – c2.c3 = 0 .

G est une variété différentielle de dimension 3.

3) Le groupe G contient les matrices

1000cossin0sincos

αααα

,

1000cossin0sincos

αααα

,

±

±

ββ

ββ

chsh

shch

0010

0 ,

±±

γγγγ

chshshch

00

001 ,

et leurs produits. Cela montre que G est fermé mais non borné.

4) Chacune des matrices A ∈ G laisse stable le cône de révolution q(X) = 0, mais aussi chacun des hyperboloïdes q(X) = cte.

5) La forme q se rencontre dans la théorie de la relativité restreinte. En effet, si l’on restreint la forme

de Lorentz sur R4 q(X) = x

2 + y

2 + z

2 – c

2.t

2 (où c est la vitesse de la lumière), au plan z = 0, on

obtient q(X) = x2 + y

2 – c

2.t

2 .

Définition : Nous dirons que deux vecteurs X et X’ de R3 sont conjugués s’ils sont orthogonaux

relativement à Φ, autrement dit si Φ(X, X’) = 0. De même deux sous-espaces F et G de R3 sont

conjugués si ∀(X, X’) ∈ F×G Φ(X, X’) = 0. Un vecteur X de R3 est dit isotrope s’il est conjugué de

lui-même, i.e. si q(X) = 0. On appelle cône isotrope l’ensemble C des vecteurs isotropes.

Proposition 2 : Soient A(a, b, c) un vecteur non isotrope, D la droite RA, P le plan conjugué.

Alors R3 = D ⊕ P. Les deux symétries associées à cette somme directe sont éléments de G.

Elles engendrent le groupe G.

Preuve : Soient A(a, b, c) un vecteur non nul, D la droite qu’il engendre. Le plan conjugué P a pour équation ax + by – cz = 0. De deux choses l’une : • Soit A est isotrope. Alors D ⊂ P et P est le plan tangent au cône contenant la génératrice D.

• Soit A n’est pas isotrope. Alors a2 + b

2 – c

2 ≠ 0, A n’appartient pas à P, et R

3 = D ⊕ P.

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14

La symétrie par rapport à P parallèlement à D est donnée par :

sA : X → X – 2 ),(),(

AAAX

ΦΦ

.A.

Tous calculs faits, elle a pour matrice ²²²

1cba −+

−+−−−−−

−−+−

²²²222²²²222²²²

cbabcacbccbaabacabcba

.

Montrons que sA appartient à G. Ecrivons X = λ.A + Y et X’ = λ’.A + Y’, où Y et Y’ ∈ P.

Alors sA(X) = −λ.A + Y , sA(X’) = −λ’.A + Y’

Et Φ(X, X’) = λλ’.Φ(A, A) + Φ(Y, Y’) = Φ(sA(X) , sA(X’)) .

Le fait que les sA engendrent G est le théorème d’Elie Cartan (cf. mon chapitre sur les espaces quadratiques réguliers). Remarque : En tant qu’éléments de G, toutes ces symétries conservent le cône isotrope C d’équation

x2 + y

2 – z

2 = 0.

Proposition 3 : Soient C le cône isotrope de la forme q, M ∈ Gl3(R).

Pour que C soit M-stable, il faut et il suffit que ∃(a, N) ∈ R*+×G M = aN.

Les symétries S laissant stable le cône C sont I, −I, les sA et les – sA de la prop précédente.

Preuve : 1) On veut que tX.J.X = 0 ⇒

tX.

tM.J.M.X = 0 . Posons

tM.J.M =

crqrbpqpa

.

On veut que x2 + y

2 – z

2 = 0 ⇒ ax

2 + by

2 + cz

2 + 2pxy + 2qxz + 2ryz = 0.

Prenant (x, y, z) = (1, 0, ±1), il vient a + c ± 2q = 0 , donc a + c = 0 et q = 0. Prenant (x, y, z) = (0, 1, ±1), il vient b + c ± 2r = 0 , donc b + c = 0 et r = 0. Prenant (x, y, z) = (3, ±4, 5), il vient 9a + 16b + 25c ± 24p + 0 = 0 , donc p = 0.

Au final tM.J.M =

−aa

a

000000

= aJ. Passons au déterminant : ( det M )2 = a

2, donc a > 0.

Ainsi, Ma1 est élément de G. Réciproque évidente.

3.2. Une forme quadratique sur Z3 et son groupe.

Proposition 4 : a) M3(Z) est un sous-anneau de M3(R) .

Si l’on note Gl3(Z) le groupe multiplicatif des éléments inversibles de l’anneau M3(Z).

b) Soit A ∈ M3(Z). On a l’équivalence : A ∈ Gl3(Z) ⇔ det A = ±1.

Preuve : a) est facile. b) l’est moins.

Soit A ∈ M3(Z) ; A ∈ Gl3(Z) ⇔ ∃B ∈ M3(Z) A.B = B.A = I . Passant au déterminant, il vient (det A)×(det B) = 1 ; det A est un inversible de Z, donc det A = ±1. Réciproquement, si A ∈ M3(Z) est telle que det A = ±1, alors A ∈ Gl3(Q), et :

A−1

= A

comAt

det = ±

tcom A ∈ M3(Z) , donc A ∈ Gl3(Z).

Proposition 5 : On note H le groupe H = G ∩ Gl3(Z).

Les 17 matrices

±±

±

100010001

,

±±

±

100001010

et R =

−−− 322212221

sont éléments de H.

Preuve : Les 16 premières matrices sont éléments de G, car les transformations (x, y, z) → (±x, ±y, ±z) et (x, y, z) → (±y, ±x, ±z) sont bijectives et conservent q.

Page 15: Triplets pythagoriciens...Le premier membre est congru à 2 modulo 4, le second à 0. Impossible. 2) Si a et b n’étaient pas multiples de 3, ils seraient congrus à 1 ou 2 modulo

15

De plus, elles appartiennent à Gl3(Z). Elles sont donc éléments de H. Ces 16 matrices forment même un sous-groupe de H, engendré par les 4 involutions :

100010001

,

100010001

,

−100010001

,

100001010

.

Les 3 premières engendrent un groupe commutatif à 8 éléments, isomorphe à ((Z/2Z)3, +).

Ces 4 symétries sont également des isométries de l’espace euclidien R3.

On a : tR.J.R =

−−−

322212221

−100010001

−−− 322212221

=

322212221

−−− 322212221

=

−100010001

= J.

De plus, det R = 1, et R−1

= J.tR.J =

−100010001

322212221

=

−−− 322212221

= R , donc R2 = I.

Remarque : Les 16 premières matrices sont assez évidentes… Mais d’où vient la matrice R ? Dans le § 3, nous tâcherons de répondre à cette question. En tout cas, R est la symétrie par rapport à la droite R.(1, 1, −1) parallèlement au plan d’équation x + y + z = 0. Cette droite et ce plan sont conjugués.

Corollaire : Les matrices R1 =

−−−

322212221

, R2 =

322212221

, R3 =

−−−

322212221

sont éléments de H.

Preuve : En effet, R1 =

−100010001

.R.

100010001

, R2 =

−100010001

.R , R3 =

−100010001

.R.

100010001

.

R1−1

= J.tR1.J =

−100010001

−−−322212221

−100010001

=

−−−−−−322212221

−100010001

=

−−−−

322212221

.

R2−1

= J.tR2.J =

−100010001

322212221

−100010001

=

−−− 322212221

−100010001

=

−−−−

322212221

.

R3−1

= J.tR3.J =

−100010001

−−−

322212221

−100010001

=

−−−

−−−

322212221

−100010001

=

−−−

−−

322212221

.

Proposition 6 : Soit C = { (x, y, z) ∈ Z3 ; x

2 + y

2 = z

2 }.

i) Si X = (x, y, z) ∈ C et A ∈ H, alors A.X ∈ C. ii) Si X = (x, y, z) ∈ C et est primitif, et A ∈ H, alors A.X ∈ C et est primitif.

Preuve : i) Si X ∈ C et A ∈ H, alors A.X ∈ Z3 et q(A.X) = q(X) = 0, donc A.X ∈ C.

ii) Si de plus X est primitif, X’ = A.X est primitif car si d divise x’, y’ et z’, il divise x, y et z. 3.3. Action sur les triplets pythagoriciens.

Notons T l’ensemble des triplets t = (a, b, c) pythagoriciens primitifs tels que a est impair.

Il découle alors du § 1 que si t = (a, b, c) est élément de T, b est pair (raisonner modulo 4).

Proposition 7 : Si t est élément de T, R1.t , R2.t et R3.t sont aussi éléments de T.

Preuve : Il y a trois preuves à faire. • Soit t = (a, b, c), u = R1.t = (α, β, γ). On a α = a − 2b + 2c , β = 2a – b + 2c , γ = 2a – 2b + 3c .

Page 16: Triplets pythagoriciens...Le premier membre est congru à 2 modulo 4, le second à 0. Impossible. 2) Si a et b n’étaient pas multiples de 3, ils seraient congrus à 1 ou 2 modulo

16

et a = α + 2β − 2γ , b = −2α − β + 2γ , c = − 2α − 2β + 3γ α, β et γ sont éléments de Z. Si d divise α, β et γ, il divise a, b, c, donc il vaut ±1. Comme a est impair, α = a − 2b + 2c est aussi impair. Et q(u) = q(R1.t) = q(t) = 0. Reste à montrer que α, β et γ sont > 0. Comme b < c, α = a + 2( c − b ) > a > 0 ; β = 2a + ( c – b ) + c > 0 ; γ = 2a + 2( c – b ) + c > 0.

• Soit t = (a, b, c), u = R2.t = (α, β, γ). On a α = a + 2b + 2c , β = 2a + b + 2c , γ = 2a + 2b + 3c . et a = α + 2β − 2γ , b = 2α + β − 2γ , c = − 2α − 2β + 3γ α, β et γ sont éléments de N*. Si d divise α, β et γ, il divise a, b, c, donc il vaut ±1. Comme a est impair, α = a + 2b + 2c est aussi impair. Et q(u) = q(R1.t) = q(t) = 0.

• Soit t = (a, b, c), u = R3.t = (α, β, γ). On a α = − a + 2b + 2c , β = − 2a + b + 2c , γ = − 2a + 2b + 3c . et a = − α − 2β − 2γ , b = 2α + β − 2γ , c = − 2α − 2β + 3γ α, β et γ sont éléments de Z. Si d divise α, β et γ, il divise a, b, c, donc il vaut ±1. Comme a est impair, α = − a + 2b + 2c est aussi impair. Et q(u) = q(R1.t) = q(t) = 0. Reste à montrer que α, β et γ sont > 0. Comme a < c, α = 2b + c + ( c − a ) > 0 ; β = b + 2( c – a ) > b > 0 ; γ = 2b + 2( c – a ) + c > 0.

Proposition 8 : Soit t = (a, b, c) un élément de T différent de (3, 4, 5).

Un, et un seul, des triplets R1−1

.t , R2−1

.t et R3−1

.t est élément de T.

Si l’on note t’ = (a’, b’, c’) ce triplet, il vérifie : a > a’.

Preuve : Posons t1 = R1−1

.t = (α, β, γ).

α = a + 2b − 2c , β = − 2a − b + 2c , γ = − 2a − 2b + 3c .

Alors t2 = R2−1

.t = (α, −β, γ) et t3 = R3−1

.t = (−α, −β, γ).

Comme R1−1

appartient à H, α2 + β2

= γ2 . De plus, pgcd(α, β, γ) = 1.

Supposons γ = 0. Alors 3c = 2a + 2b ; c’est impossible car 3c est impair.

Montrons γ > 0, c’est-à-dire 3c > 2a + 2b. Cela équivaut à 9c2 > 4a

2 + 4b

2 + 8ab, i.e. à

5a2 + 5b

2 – 8ab > 0. Or 5a

2 + 5b

2 – 8ab = 5.( a –

54b )2

+ 5

²9b > 0.

Supposons α = 0. Alors a serait pair, ce qui est impossible. On a nécessairement α > 0 ou α < 0.

Supposons β = 0. Alors 2c = b + 2a et a2 + b

2 = c

2 impliquent 4c

2 = b

2 + 4ab + 4a

2 = 4a

2 + 4b

2.

En simplifiant, 3b = 4a. Par Gauss, a divise 3 ; comme a ≥ 3, a = 3, donc b = 4 et c = 5. Exclu !

Montrons enfin que α < 0 ⇒ β < 0 . α < 0 ⇔ a + 2b < 2c ⇔ a

2 + 4ab + 4b

2 < 4a

2 + 4b

2 ⇔ 4b < 3a.

β < 0 ⇔ 2c < 2a + b ⇔ 4a2 + 4b

2 < 4a

2 + 4ab + b

2 ⇔ 3b < 4a.

Or il est clair que : b < 4

3a ⇒ b < 34a , car

43a <

34a .

Au final, il y a trois cas possibles :

• Si α > 0 , β > 0 , γ > 0 , alors t1 ∈ T , t2 ∉ T , t3 ∉ T ; de plus, 0 < α < a.

• Si α > 0 , β < 0 , γ > 0 , alors t1 ∉ T , t2 ∈ T , t3 ∉ T ; de plus, 0 < α < a.

• Si α < 0 , β < 0 , γ > 0 , alors t1 ∉ T , t2 ∉ T , t3 ∈ T ; de plus, 0 < −α < a , car c < a + b.

Remarque : L’indice k tel que tk ∈ T est donné par la formule

k = 1 + ϕ(α) + ϕ(β) , où ϕ(x) = 2

)sgn(1 x−.

Page 17: Triplets pythagoriciens...Le premier membre est congru à 2 modulo 4, le second à 0. Impossible. 2) Si a et b n’étaient pas multiples de 3, ils seraient congrus à 1 ou 2 modulo

17

Théorème 1 : Tout triplet t ∈ T différent de (3, 4, 5) peut être obtenu à partir de t0 = (3, 4, 5) par

application répétée de R1, R2, R3. De plus, cette décomposition est unique. En d’autres termes, il

existe un unique entier p et un unique p-uplet (i1, …, ip) ∈ {1, 2, 3}p tels que : t =

1iR

2iR …

piR t0 .

Preuve : La preuve de l’existence va se faire par descente infinie de Fermat. Il existe un indice i1 tel que t =

1iR u, où u = (α, β, γ) ∈ T, avec 0 < α < a. Si u = (3, 4, 5), c’est fini.

Sinon, on recommence. Mais on ne peut recommencer indéfiniment, car il n’y a pas de suite infinie strictement décroissante d’entiers > 0. Au bout d’un nombre fini d’itérations on est sûr de tomber sur (3, 4, 5). On peut aussi raisonner par récurrence forte sur la valeur de a, première coordonnée de t.

Si t = 1i

R2i

R …pi

R t0 = 1j

R2j

R …qj

R t0 , alors i1 = j1, et on recommence, ou on procède par

récurrence, soit sur p, longueur d’une décomposition, soit sur a.

Remarque : (3, 4, 5) = R1.(1, 0, 1) = R2.(1, 0, 1). Si l’on était parti du triplet (1, 0, 1), on aurait perdu l’unicité.

Conséquences :

1) L’ensemble T peut être décrit comme un arbre trichotomique, c’est-à-dire un arbre dans lequel chaque branche se subdivise indéfiniment en trois branches. Prenant comme racine t0 = (3, 4, 5) on obtient t1 = (5, 12, 13), t2 = (21, 20, 29), t3 = (15, 8, 17).

t1 donne naissance à t11 = ( 7, 24, 25) , t12 = (55, 48, 73), t13 = (45, 28, 53) ;

t2 donne naissance à t21 = (39, 80, 89) , t22 = (119, 120, 169), t23 = (77, 36, 85) ;

t3 donne naissance à t31 = (33, 56, 65) , t32 = (65, 72, 97), t33 = (35, 12, 37) ; etc.

Pour obtenir tous les triplets pythagoriciens primitifs, il suffit d’échanger a et b. On obtient donc deux arbres identiques.

2) Le sous-monoïde multiplicatif de M3(R) engendré par les matrices R1, R2 et R3 est « libre », en

ce sens que toute matrice A de ce monoïde s’écrit de façon unique sous la forme A = 1i

R2i

R …pi

R .

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18

En effet, si A = 1i

R2i

R …pi

R = 1j

R2j

R …qj

R , alors 1i

R2i

R …pi

R t0 = 1j

R2j

R …qj

R t0 , et en vertu

de l’unicité, p = q et (i1, …, ip) = (j1, …, jq) .

Exemple : Considérons le triplet t = (2225, 3648, 4273).

u = R1−1

.t = ( 975, 448, 1073 ) , donc t1 = R1−1

.t = (975, 448, 1073).

u = R1−1

.t1 = (−275, −252, 373 ) , donc t2 = R3−1

.t = (275, 252, 373).

u = R1−1

.t2 = ( 33, − 56, 65 ) , donc t3 = R2−1

.t = (33, 56, 65).

u = R1−1

.t3 = ( 15, 8, 17 ) , donc t4 = R1−1

.t = (15, 8, 17).

u = R1−1

.t4 = ( −3, −4, 5 ) , donc t5 = R3−1

.t = (3, 4, 5).

Bilan : (2225, 3648, 4273) = R1.R3.R2.R1.R3.(3, 4, 5). 3.4. Une suite de triplets liée à la migration des oies sauvages.

On observe que les triplets t0 , R2.t0 , R2.R2.t0 , R2.R2.R2.t0 , etc. vérifient alternativement y = x + 1 et y = x – 1.

Cela découle de ce que si X = (x, y, z), et X’ = R2.X = (x’, y’, z’), alors y’ – x’ = x – y.

Obtient-on ainsi tous les triplets tels que y = x ± 1 ? La réponse est oui. Cela résulte du :

Lemme : Si l’on applique R1 ou R3 à un triplet t = (a, b, c) ∈ T, le triplet Rk.t = (x, y, z) (k = 1 ou 3) vérifie : | x – y | > | a – b |.

Preuve : En effet, | x – y | = a + b > | a – b |.

Donc, si t = (x, y, z) = 1i

R2i

R …pi

R t0 et si l’un au moins des indices ih vaut 1 ou 3, alors | x – y | > 1.

Proposition 9 : Les triplets pythagoriciens (x, y, z) tels y = x ± 1 sont primitifs. Ce sont les triplets

de la forme t0 , R2.t0 , R2.R2.t0 , R2.R2.R2.t0 , etc. , et leurs symétrisés par l’échange x ↔ y.

Exercice : Diagonaliser R2, et calculer (R2)n.t0 pour tout n ∈ N ; équivalents de ses coordonnées ?

Remarques : 1) Dans R3, x

2 + y

2 = z

2 , y = x ± 1 est l’intersection d’un cône et de deux plans

verticaux. Ce sont des hyperboles. D’ailleurs, le système { x2 + y

2 = z

2 , y = x ± 1 } équivaut à :

( 2x ± 1 )2 − 2.z

2 = −1 , y = x ± 1.

C’est l’intersection d’un cylindre hyperbolique et d’un plan.

2) Si l’on cherche les solutions entières du système x2 + y

2 = z

2 , y = x ± 1, on tombe sur l’équation

de Fermat : (2x ± 1)2 − 2.z

2 = −1 , laquelle équivaut à a

2 ± 2b

2 = −1 ( a étant forcément impair ).

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19

Considérons maintenant un vol de canards sauvages en formation triangulaire. Ce vol contient donc

Tn = 1 + 2 + … + n = 2

)1( +nn canards. Cherchons pour quelles valeurs de n ce vol peut se scinder en

deux vols identiques. On cherche donc les couples (n, p) tels que Tn = 2Tp, i.e. n2 + n = 2p

2 + 2p.

Cette relation équivaut à (2n + 1)2 − 2.(2p

2 + 1) = −1,

ou encore au fait que (n, n + 1, 2p + 1) et (n + 1, n, 2p + 1) sont des triplets pythagoriciens. Or ces triplets nous venons de les inventorier. Ce sont (3, 4, 5), (21, 20, 29), (119, 120, 169), etc. Donc les premières valeurs de n sont les minimum de x et y : 3, 20, 119, … . Comme ce sont alternativement le x et de y, c’est la suite des premières coordonnées des vecteurs :

X0 = t(3, 4, 5) , Xk+1 =

322221212

.Xk .

Maple ne peut résoudre l’équation diophantienne correspondante, mais affiche les couples (n, p).

> isolve(x*(x+1)=2*y*(y+1)); > with(linalg): > R:=matrix(3,3,[2,1,2,1,2,2,2,2,3]);eigenvals(R);v:=vector([3,4,5]); > for n from 1 to 10 do print(v[1],iquo(v[3]-1,2));v:=multiply(R,v):od;

,3 2 ,20 14 ,119 84 ,696 492 ,4059 2870 ,2366016730 ,13790397512 ,803760568344 ,46846593312554 ,2730419619306982

Exercice : Diagonaliser la matrice R’ =

322221212

. Calculer Xk. En déduire que

nk = 21 +

4257+ ( 1 + 2 )2k

+ 4

257− ( 1 − 2 )2k .

3.5. Procédures.

Voici deux procédures Maple. La première, nommée « create », prend en argument un p-uplet

L = (i1, …, ip) ∈ {1, 2, 3}p et affiche le triplet : t =

1iR

2iR …

piR t0 .

La seconde, nommée « decomp », prend en argument un triplet pythagoricien t ∈ T et affiche

l’unique p-uplet (i1, …, ip) ∈ {1, 2, 3}p tel que : t =

1iR

2iR …

piR t0 .

> with(linalg): > R:=[matrix(3,3,[1,-2,2,2,-1,2,2,-2,3]), matrix(3,3,[1,2,2,2,1,2,2,2,3]),matrix(3,3,[-1,2,2,-2,1,2,-2,2,3])];

:= R

, ,

1 -2 2

2 -1 2

2 -2 3

1 2 2

2 1 2

2 2 3

-1 2 2

-2 1 2

-2 2 3

> S:=[inverse(R[1]),inverse(R[2]),inverse(R[3])];

:= S

, ,

1 2 -2

-2 -1 2

-2 -2 3

1 2 -2

2 1 -2

-2 -2 3

-1 -2 2

2 1 -2

-2 -2 3

Page 20: Triplets pythagoriciens...Le premier membre est congru à 2 modulo 4, le second à 0. Impossible. 2) Si a et b n’étaient pas multiples de 3, ils seraient congrus à 1 ou 2 modulo

20

> create:=proc(L) > local p,h,t; > p:=nops(L); > t:=vector([3,4,5]); > for h from 1 to p do t:=multiply(R[L[p+1-h]],t);od;print(t);end;

> L:=[1,2,3,1,2,3,1,2,3];create(L); := L [ ], , , , , , , ,1 2 3 1 2 3 1 2 3

[ ], ,50582710982361209125

> phi:=x->(1-signum(x))/2 : > decomp:=proc(t) > local u,L; > L:=[]; > while(t[1]<>3 or t[2]<>4 or t[3]<>5) do u:=multiply(S[1],t);L:=[op(L),phi(u[1]))+phi(u[2]))+1]; > t:=vector([abs(u[1]),abs(u[2]),abs(u[3])]);od;print(L);end;

> t:=vector([2225,3648,4273]);decomp(t); := t [ ], ,2225 3648 4273

[ ], , , ,1 3 2 1 3 > t:=vector([21,220,221]);decomp(t);

:= t [ ], ,21 220 221 [ ], , , , , , , ,1 1 1 1 1 1 1 1 1

> t:=vector([99,20,101]);decomp(t); := t [ ], ,99 20 101

[ ], , ,3 3 3 3 > t:=vector([12815,25632,28657]);decomp(t);

:= t [ ], ,128152563228657 [ ], , , , ,1 2 1 2 1 2

> t:=vector([3,4,5]);decomp(t); := t [ ], ,3 4 5

[ ]

> L:=[2,3,1,1,2,3];create(L); := L [ ], , , , ,2 3 1 1 2 3

[ ], ,9455 1015213873 > t:=vector([9455,10152,13873]);decomp(t);

:= t [ ], ,9455 1015213873 [ ], , , , ,2 3 1 1 2 3

Revenant aux familles de triplets indiquées en 1.1, on voit que :

Pyth(m) = R1 … R1.t0 = (R1)m−1

.t0 correspond au m−1 uplet (1, 1, …, 1) ;

Platon(2m) = R3 … R3.t0 = (R3)m−1

.t0 correspond au m−1 uplet (3, 3, …, 3) ;

Fibo(3m+1) = R1.R2 …R1.R2.t0 = (R1.R2)m−1

.t0 correspond au 2m−2 uplet (1, 2, …, 1, 2).

3.6. L’équation diophantienne x2 + y

2 = z

2 + 1.

Notons S = { (x, y, z) ∈ N×N×N ; x2 + y

2 = z

2 + 1 }.

S l’ensemble des points à coordonnées naturelles d’un hyperboloïde à une nappe. S contient les triplets (1, 0, 0), (0, 1, 0) et (1, 1, 1), et plus généralement les (1, y, y) et les (x, 1, x).

Lemme 1 : Si X ∈ S, alors R2.X ∈ S.

Preuve : R2.X ∈ N3 car R2 est à éléments dans N, et q(R2.X) = q(X) = 0.

Page 21: Triplets pythagoriciens...Le premier membre est congru à 2 modulo 4, le second à 0. Impossible. 2) Si a et b n’étaient pas multiples de 3, ils seraient congrus à 1 ou 2 modulo

21

Remarque : Il n’est pas vrai que X ∈ S ⇒ R1.X et R3.X ∈ S. Il suffit de considérer X = (0, 1, 0) et (1, 0, 0). J’ai dû modifier l’article d’André Stoll.

Lemme 2 : Soit X ∈ S. Alors Y = R2−1

.X = (α, β, γ) vérifie γ < c.

Preuve : Posons X = (a, b, c), et Y = (α, β, γ) , où : α = a + 2b − 2c , β = 2a + b − 2c , γ = − 2a − 2b + 3c .

Comme R2−1

appartient à H, α2 + β2

− γ2 = a

2 + b

2 − c

2 = 1.

Je dis que γ < c. En effet :

( γ − c )( a + b + c ) = 2.( c − a − b ).( c + a + b ) = −2.( 2ab + a2 + b

2 − c

2 ) = −2.( 2ab + 1 ) < 0.

Comme a + b + c > 0, on conclut aussitôt. Cqfd.

Introduisons les matrices K =

100010001

et L =

100010001

.

On ignore les signes de α et β, mais les 4 triplets Y, K.Y, L.Y et K.L.Y ont même troisième coordonnée, et l’un d’eux appartient à N×N×Z. Tant que γ ≥ 0, on réitère ce procédé. Par descente infinie de Fermat, on arrivera au bout d’un nombre fini de transformations à un triplet Y = (x, y, z) ∈ S tel que γ = − 2x − 2y + 3z < 0.

Or ces triplets sont en nombre fini, car 0 ≤ 3z < 2x + 2y , x2 + y

2 = z

2 + 1 est une région bornée

(faire un dessin). Plus précisément, en élevant au carré, 9z2 = 9x

2 + 9y

2 – 9 < 4x

2 + 4y

2 + 8xy

s’écrit : 5x2 + 5y

2 – 8xy < 9. Comme la matrice

−5445 est définie positive, c’est un disque ellip-

tique ouvert. Une étude graphique montre que ce disque contient 5 points à coordonnées dans N : (0, 0), (1, 0), (0, 1), (1, 1) et (2, 2). Mais seuls (1, 0), (0, 1) et (1, 1) donnent une valeur entière de z.

> with(plots): > c:=implicitplot(5*x^2+5*y^2-8*x*y=9,x=-2.5..2.5,y=-2.5..2.5, thickness=2,numpoints=2000): > d1:=plot([1,2],x=-2.5..2.5,color=black):d2:=plot([1,y,y=-2.5..2.5], color=black):d3:=plot([2,y,y=-2.5..2.5],color=black): > display({c,d1,d2,d3});

Bien entendu, on peut montrer cela sans faire un dessin. En résumé, on a obtenu le :

Théorème 2 : Soit X = (x, y, z) ∈ S. On peut écrire X = 1i

A2i

A …pi

A .X0 , où hi

A ∈ { K, L, R2 } et

X0 est l’un des triplets (1, 0, 0), (0, 1, 0) ou (1, 1, 1).

Donnons un exemple : Considérons le triplet X = (65, 76, 100) ∈ S.

Page 22: Triplets pythagoriciens...Le premier membre est congru à 2 modulo 4, le second à 0. Impossible. 2) Si a et b n’étaient pas multiples de 3, ils seraient congrus à 1 ou 2 modulo

22

R2−1

.X = (17, 6, 18) = Y.

R2−1

.Y = (−7, −4, 8), donc Z = K.L.R2−1

.Y = (7, 4, 8).

R2−1

.Z = (−1, −2, 2), donc T = K.L.R2−1

.Z = (1, 2, 2).

R2−1

.T = (1, 0, 0). Au final, X = R2.R2.K.L.R2.K.L.R2.(1, 0, 0).

Corollaire : Soit X = (x, y, z) ∈ Z3 tel que x

2 + y

2 = z

2 + 1. On peut écrire X =

1iA

2iA …

piA .X0 ,

où hi

A ∈ { K, L, J, R2 } et X0 est l’un des triplets (1, 0, 0), (0, 1, 0) ou (1, 1, 1).

Remarque : la même méthode de descente permettrait d’expliciter les solutions de l’équation

diophantienne x2 + y

2 = z

2 + t

2, t ∈ N*, à l’aide des matrices K, L, J et R2, et des triplets

fondamentaux (a, b, c), où (a, b) ∈ N2 est tel que 5a

2 + 5b

2 – 8bc < 9t

2, et c = ²²² bat −− est entier.

3.7. Générateurs du groupe H.

Si (xi)i∈I est une famille d’éléments d’un groupe, nous noterons <xi>i∈I le sous-groupe engendré.

Rappelons que c’est l’ensemble des composés d’un nombre fini de xi et xi −1

.

Proposition 9 : Les 4 matrices :

R1 =

−−−

322212221

, R2 =

322212221

, R3 =

−−−

322212221

, J =

−100010001

,

mais aussi les 4 matrices :

R2 =

322212221

, K =

100010001

, L =

100010001

, J =

−100010001

,

ou encore les 4 matrices :

R = J.R2 =

−−− 322212221

, K =

100010001

, L =

100010001

, J =

−100010001

engendrent le même sous-groupe H’ de H.

Preuve : On a : R1 = R2.L et R3 = R2.K , de sorte que < R1 , R2 , R3 , J > ⊂ < R2 , K, L, J >.

De même, L = R2−1

.R1 , K = R2−1

.R3 , de sorte que < R2 , K, L, J > ⊂ < R1 , R2 , R3 , J >.

Ainsi, < R1 , R2 , R3 , J > = < R2 , K, L, J >.

On en déduit aisément que < R1 , R2 , R3 , J > = < R2 , K , L , J > = < J.R2 , K , L , J >.

A noter que J.R2 , H , K et J sont 4 matrices involutives.

Ainsi, < R1 , R2 , R3 , J > = < R2 , K , L , J > = < J.R2 , K , L , J > ⊂ G.

Maintenant nous allons montrer qu’en fait H’ = H.

Théorème 3 : < R1 , R2 , R3 , J > = < R2 , K , L , J > = < R = J.R2 , K , L , J > = H.

Preuve : Soit A =

321

321

321

cccbbbaaa

une matrice appartenant à H. On a vu en 2.1 que :

a12 + b1

2 – c1

2 = a2

2 + b2

2 – c2

2 = 1 , a3

2 + b3

2 – c3

2 = – 1 ,

a1.a2 + b1.b2 – c1.c2 = a1.a3 + b1.b3 – c1.c3 = a2.a3 + b2.b3 – c2.c3 = 0 .

Notons e1, e2 et e3 les colonnes de A. Le triplet e1 = (a1, b1 , c1) ∈ Z3 vérifie a1

2 + b1

2 = c1

2 + 1.

En vertu de 2.6 (corollaire), on peut écrire e1 = 1i

A2i

A …pi

A .f1 ,

Page 23: Triplets pythagoriciens...Le premier membre est congru à 2 modulo 4, le second à 0. Impossible. 2) Si a et b n’étaient pas multiples de 3, ils seraient congrus à 1 ou 2 modulo

23

où hi

A ∈ { K, L, J, R2 } et f1 est l’un des triplets (1, 0, 0), (0, 1, 0) ou (1, 1, 1).

Posons e2 = 1i

A2i

A …pi

A .f2 et e3 = 1i

A2i

A …pi

A .f3 .

Comme la matrice M = 1i

A2i

A …pi

A est élément de H, la matrice B = [ f1 | f2 | f3 ] également.

Notons B =

321

321

321

cccbbbaaa

par abus, pour simplifier.

• Si a1 = b1 = c1 = 1, on a : a22 + b2

2 – c2

2 = 1 , a3

2 + b3

2 – c3

2 = – 1 ,

a2 + b2 – c2 = a3 + b3 – c3 = a2.a3 + b2.b3 – c2.c3 = 0 .

Mais a22 + b2

2 – c2

2 = 1 et a2 + b2 – c2 = 0 impliquent 2a2b2 = – 1 : impossible pour des entiers.

• Si a1 = 1, b1 = c1 = 0, on a : a22 + b2

2 – c2

2 = 1 , a3

2 + b3

2 – c3

2 = – 1 ,

a2 = a3 = a2.a3 + b2.b3 – c2.c3 = 0 .

D’où ( b2 – c2 )( b2 + c2 ) = 1 , ( c3 – b3 )( c3 + b3 ) = 1 , b2.b3 – c2.c3 = 0 .

Comme on est dans Z, b2 – c2 = b2 + c2 = 1 ou b2 – c2 = b2 + c2 = −1, etc.

B =

±±

100010001

. A = MB est produit de générateurs.

• Si b1 = 1, a1 = c1 = 0, itou.

Exemple : Décomposons la matrice A =

−−− 513834221714163431

comme produit de R2, J, K et L.

On vérifie d’abord que A est élément de H. > with(linalg): > A:=matrix(3,3,[31,34,46,14,17,22,-34,-38,-51]);J:=diag(1,1,-1); multiply(transpose(A),J,A);det(A);

:= A

31 34 46

14 17 22

-34 -38 -51

1 0 0

0 1 0

0 0 -1

-1 > R2:=matrix(3,3,[1,2,2,2,1,2,2,2,3]);S:=inverse(R2);K:=diag(-1,1,1); L:=diag(1,-1,1);

:= R2

1 2 2

2 1 2

2 2 3

> e1:=vector([31,14,-34]);multiply(S,J,e1);multiply(K,S,J,e1); multiply(S,K,S,J,e1);multiply(S,S,K,S,J,e1);

[ ], ,-9 8 12 [ ], ,9 8 12 [ ], ,1 2 2 [ ], ,1 0 0

> M:=multiply(J,R2,K,R2,R2);B:=multiply(inverse(M),A);

Page 24: Triplets pythagoriciens...Le premier membre est congru à 2 modulo 4, le second à 0. Impossible. 2) Si a et b n’étaient pas multiples de 3, ils seraient congrus à 1 ou 2 modulo

24

:= M

31 34 46

14 17 22

-34 -38 -51

:= B

1 0 0

0 1 0

0 0 1

Bilan : A = J.R2.K.R2.R2 . Remarque : on aimerait disposer d’une présentation du groupe H. H est engendré par 4 involutions R, K, L et J, ces trois dernières commutant, mais encore ? Je pense qu’une présentation de H est justement : < R, K, L, J ; R

2 = K

2 = L

2 = J

2 = I, KL = LK, KJ = JK, LJ = JL > .

Il devrait être possible de démontrer cela à l’aide du monoïde libre étudié en 2.3.

4. Description géométrique. « L’algèbre et la géométrie sont comme l’aveugle et le paralytique », disait Jean Frenkel, si l’on en croît André Stoll, mais avant lui, Alain avait déjà noté : « C’est la géométrie qui sauve l’algèbre », et, avant lui encore, au cours de ses brèves études mathématiques, Jules Michelet avait observé que « La géométrie et l’algèbre doivent se faciliter l’une l’autre ».

Considérons le cercle unité Γ = { (X, Y) ∈ Q2 ; X

2 + Y

2 = 1 }.

A tout triplet pythagoricien primitif t = (x, y, z), associons le point M = (X, Y) = (zx ,

zy

). Ce point

M sera appelé image circulaire de t.

Proposition 1 : La correspondance t → M est une bijection de l’ensemble des t. p. p. sur le quart de cercle Γ+ = { (X, Y) ∈ Γ ; X > 0, Y > 0 }.

En effet, si (X, Y) est un point de Γ+ , écrivons X = zx , Y =

zy

, où x, y, z sont des entiers > 0 et z est

le plus petit dénominateur commun de X et Y. On a x2 + y

2 = z

2 et pgcd(x, y, z) = 1.

Comment interpréter géométriquement les transformations t → R1.t, t → R2.t et t → R3.t sur Γ+ , autrement dit sur les images circulaires des triplets ?

Inscrivons Γ dans le carré de sommets (±1, ±1), et notons P0 le sommet (−1, −1).

Associons à tout point M(X, Y) ∈ Γ le second point d’intersection M’(X’, Y’) de la droite P0M avec

Γ. Le calcul montre que : X’ = − 32222

++++

YXYX , Y’ = −

32222++

++YX

YX .

Pour obtenir ces formules, on peut poser M’ = (1 – t).M + t.P0 et reporter dans X’2 + Y’

2 = 1.

En effet si l’on reporte X’ = (1 – t).X – t = X – t.(X + 1), Y’ = (1 – t).Y – t = Y – t.(Y + 1) dans X’

2 + Y’

2 = 1, il vient, compte tenu de X

2 + Y

2 = 1 : t

2 (2X + 2Y + 3) – 2t (X + Y + 1) = 0.

Or t ≠ 0, donc t = 322222

++++

YXYX , etc.

Page 25: Triplets pythagoriciens...Le premier membre est congru à 2 modulo 4, le second à 0. Impossible. 2) Si a et b n’étaient pas multiples de 3, ils seraient congrus à 1 ou 2 modulo

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De plus savants lecteurs peuvent aussi noter que l’application M → M’ n’est autre que la restriction à Γ de l’inversion de pôle P0 et de puissance 1. De sorte que :

X’ + 1 = )²1()²1(

1+++

+YX

X = 322

1++

+YX

X , Y’ + 1 = )²1()²1(

1+++

+YX

Y = 322

1++

+YX

Y .

Posons X = zx et Y =

zy

, où (x, y, z) ∈ Z×Z×Z’. Alors on peut écrire X’ = ''

zx et Y’ =

''

zy

, où :

'''

zyx

=

−−− 322212221

zyx

.

La matrice obtenue, notée R, est de déterminant 1, et élément de H. De plus elle est involutive ; cela se vérifie aisément, et traduit le caractère involutif de la correspondance M → M’.

La matrice R2 correspond à l’application f2 = sO o f : M → M2, où M2 est symétrique de M’ par rapport à O. La matrice R1 correspond à l’application f1 : M → M1, où M1 = ( f2 o sOy )(M) = ( sO o f o sOy )(M).

En effet, il faut d’abord changer x en –x, puis appliquer f2.

La matrice R3 correspond à l’application f3 : M → M3, où M3 = ( f2 o sOx )(M). En effet, il faut

d’abord changer y en – y, puis appliquer f2.

Les images de Q par f1, f2 et f3 sont trois arcs de cercles

Page 26: Triplets pythagoriciens...Le premier membre est congru à 2 modulo 4, le second à 0. Impossible. 2) Si a et b n’étaient pas multiples de 3, ils seraient congrus à 1 ou 2 modulo

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5. Triplets pythagoroniens.

Définition : Appelons triplet pythagoronien tout triplet (a, b, c) ∈ N*3 tel que a

2 + b

2 = 2c

2.

Un triplet pythagoronien (a, b, c) est dit primitif si a, b et c sont premiers entre eux dans leur ensemble.

Exemples : 1) Les triplets (a, a, a), où a décrit N*, sont pythagoroniens. 2) Il y en a d’autres, tels (17, 7, 13), (31, 17, 25), etc.

Soit t = (a, b, c) un triplet pythagoronien. Si 2 divise a, 2 divise b et alors, posant a = 2a’, b = 2b’, on note aussitôt que 2 divise c. Par récurrence, si l’on pose a = 2

k.a’, où a’ est impair, alors b = 2

k.b’ et c = 2

k.c’.

De plus, t’ = (a’, b’, c’) est un triplet pythagoronion dans lequel a’ est impair, ainsi donc que b’. Posons alors a’ = 2p + 1 et b’ = 2q + 1.

Alors a’2 + b’

2 = 4p

2 + 4p + 4q

2 + 4q + 2 = 2c’

2 implique 2p

2 + 2p + 2q

2 + 2q + 1 = c’

2 .

Donc c’ est aussi impair. Posons c’ = 2r + 1. Alors p2 + p + q

2 + q = 2 ( r

2 + r ).

Si l’on note Tp le nombre triangulaire Tp = 2

)1( +pp, cette relation s’écrit Tp + Tq = 2Tr .

Si d est le pgcd de a’ et de b’, qui est nécessairement impair, d divise c’.

Proposition : Tout triplet pythagoronien t = (a, b, c) est de la forme t = ( 2

k.d.a’ , 2

k.d.b’ , 2

k.d.c’ ) ,

où k est un exposant ≥ 0, d un nombre impair et (a’, b’, c’) est un triplet pythagoronien primitif formé de nombres impairs.

Soit maintenant (x, y, z) un triplet pythagoronien primitif formé de nombres impairs.

La relation x2 + y

2 = 2z

2 s’écrit ( x + iy )( x – iy ) = 2z

2 . Posons x = 2p + 1 et y = 2q + 1.

Comme ( 1 + i )( 1 – i ) = 2, il vient iiyx

++

1 iiyx

−−

1 = z

2 , c’est-à-dire :

( p + q + 1 )2 + ( q – p )

2 = z

2 .

Nous voici ramenés à l’équation de Pythagore ! De plus, p + q + 1 et q – p sont premiers entre eux, car si d divise p + q + 1 et q – p , il divise leur somme et leur différence, c’est-à-dire x et y ; donc il est impair et divise z : d = 1. En vertu du théorème d’Euclide, p + q + 1 = u

2 – v

2 , p – q = 2uv , z = u

2 + v

2 , où u et v sont de parités opposées, 0 < v < u et u∧v = 1

Et alors x = u2 – v

2 + 2uv , y = u

2 – v

2 − 2uv , z = u

2 + v

2 ,

Ou bien p + q + 1 = 2uv , p − q = u2 – v

2 , z = u

2 + v

2 , où u et v ont les mêmes propriétés.

Et alors x = u2 – v

2 − 2uv , y = − u

2 + v

2 + 2uv , z = u

2 + v

2 .

Théorème : Les triplets pythagoroniens sont de la forme :

x = u2 – v

2 − 2uv , y = | u

2 + v

2 + 2uv | , z = u

2 + v

2 .

A revoir, mais c’est presque ça !

> isolve(x^2+y^2=2*z^2);

= x_Z3 ( )− − + _Z12 2 _Z1 _Z2 _Z22

( )igcd , ,− − + _Z12 2 _Z1 _Z2 _Z22 − − _Z12 2 _Z1 _Z2 _Z22 + _Z12 _Z22 ,{

= y_Z3 ( ) − − _Z12 2 _Z1 _Z2 _Z22

( )igcd , ,− − + _Z12 2 _Z1 _Z2 _Z22 − − _Z12 2 _Z1 _Z2 _Z22 + _Z12 _Z22 ,

= z_Z3( ) + _Z12 _Z22

( )igcd , ,− − + _Z12 2 _Z1 _Z2 _Z22 − − _Z12 2 _Z1 _Z2 _Z22 + _Z12 _Z22 }

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27

6. Les équations x2 + y2 = pz2 ( p premier impair ) . Nous allons voir que ces équations sont de deux types, selon le reste de p modulo 4. L’anneau des entiers de Gauss Z[i] est supposé connu. Ses propriétés ont été rappelées en 2.1.

Proposition 1 : Soit p un nombre premier impair, Fp = Z/pZ.

i) Il y a 2

1−p carrés non nuls dans Fp .

ii) Soit x ∈ Fp* ; x est un carré si et seulement si 21−p

x = 1.

iii) –1 est un carré dans Fp si et seulement si p ≡ 1 (mod 4).

Solution : i) Soit Γ l’ensemble des carrés non nuls de Fp.

L’application x → x2 est une surjection de Fp* sur Γ, et chaque élément de Γ a deux antécédants ; en

vertu du principe des bergers, Γ a 2

1−p éléments. C’est un sous-groupe de Fp*.

ii) Si x est élément de Γ, x = y2, alors 2

1−p

x = 1−py = 1 en vertu du petit théorème de Fermat.

Ainsi Γ ⊂ { x ; 21−p

x = 1 } = R. Mais R a au plus 2

1−p éléments, en tant qu’ensemble des solutions

d’une équation polynomiale de degré 2

1−p dans un corps commutatif. Par conséquent, Γ = R.

iii) –1 est un carré dans Fp si et seulement si 21

)1(−

−p

= 1 ; cela équivaut à p ≡ 1 (mod 4).

Remarque : il existe beaucoup d’autres preuves de ce dernier résultat.

Proposition 2 : Soit p un nombre premier congru à 3 modulo 4. i) ∀(a, b) ∈ Z×Z p | a

2 + b

2 ⇒ p | a et p | b .

ii) Dans Z3 l’équation diophantienne (Ep) x

2 + y

2 = p.z

2 a pour unique solution (0, 0, 0).

Preuve : i) La propriété demandée s’écrit a2 + b

2 ≡ 0 (mod p) ⇒ a ≡ 0 (mod p) et b ≡ 0 (mod p).

ou encore ∀(x, y) ∈ Z/pZ×Z/pZ x2 + y

2 = 0 ⇒ x = y = 0 .

Lemme : Soit K un corps commutatif. Les propriétés suivantes sont équivalentes : i) ∀(x, y) ∈ K×K x

2 + y

2 = 0 ⇒ x = y = 0 .

ii) −1 n’est pas un carré dans K .

Comme –1 n’est pas un carré dans Z/pZ, on conclut aussitôt.

ii) L’équation diophantienne (Ep) x2 + y

2 = p.z

2 a pour seule solution (0, 0, 0).

En effet, il découle de 1) que p divise x et y. Posons x = p.x’ et y = p.y’ ; alors p

2 ( x’

2 + y’2 ) = p.z

2 implique que p divise z ; soit z = p.z’.

Alors x’2 + y’

2 = p.z’2 . On conclut que (x, y, z ) = (0, 0, 0) par descente infinie de Fermat.

Remarque : Autre solution, reposant sur les entiers de Gauss. Si p est premier congru à 3 modulo 4, p reste premier dans l’anneau euclidien Z[i].

L’équation x2 + y

2 = p.z

2 s’écrit ( x + iy )( x – iy ) = p.z

2 , p divise l’un des entiers x ± iy .

Mais s‘il divise l’un, il divise l’autre, donc x + iy = p.( a + ib ) et x − iy = p.( a − ib ). Donc p.( a + ib ).( a − ib ) = z

2 ; p divise z

2, donc p divise z. Et l’on conclut par descente infinie...

Supposons désormais p premier congru à 1 modulo 4.

On sait que p se décompose dans Z[i], sous la forme p = ππ. , où π = a + ib est premier dans Z[i]

ainsi que son conjugué, π = a − ib , π et π. étant non associés.

L’équation x2 + y

2 = p.z

2 s’écrit ( x + iy ).( x − iy ) = ππ. z

2 .

Page 28: Triplets pythagoriciens...Le premier membre est congru à 2 modulo 4, le second à 0. Impossible. 2) Si a et b n’étaient pas multiples de 3, ils seraient congrus à 1 ou 2 modulo

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π étant premier, divise par exemple x + iy . Ecrivons : x + iy = π.( u + iv ).

Alors x − iy = π. .( u − iv ), et donc : u2 + v

2 = z

2 .

Nous voilà ramenés à l’équation diophantienne de Pythagore !

Théorème : Soit p un nombre premier impair. i) Si p ≡ 3 (mod 4), l’équation (Ep) a pour seule solution (0, 0, 0) ;

ii) Si p ≡ 1 (mod 4), il existe (a, b) ∈ Z×Z tel que p = a2 + b

2. L’équation (Ep) a pour solutions

(x, y, z) = (au – bv, av + bu, z), où (u, v, z) est un triplet pythagoricien.

Avec Maple :

> isolve(x^2+y^2=11*z^2); { }, , = x 0 = y 0 = z 0

> isolve(x^2+y^2=5*z^2);

= x_Z3 ( )− − + _Z12 4 _Z1 _Z2 _Z22

( )igcd , ,− − + _Z12 4 _Z1 _Z2 _Z22 − − 2 _Z12 2 _Z1 _Z2 2 _Z22 + _Z12 _Z22 ,{

= y_Z3 ( ) − − 2 _Z12 2 _Z1 _Z2 2 _Z22

( )igcd , ,− − + _Z12 4 _Z1 _Z2 _Z22 − − 2 _Z12 2 _Z1 _Z2 2 _Z22 + _Z12 _Z22 ,

= z_Z3 ( ) + _Z12 _Z22

( )igcd , ,− − + _Z12 4 _Z1 _Z2 _Z22 − − 2 _Z12 2 _Z1 _Z2 2 _Z22 + _Z12 _Z22 }

__________ Bibliographie Sir Thomas L. Heath : A History of Greek Mathematics, vol. I et II (1921, rééd. Dover, 1981) Pierre Brémaud : Le dossier Pythagore (Ellipses, 2010) Pierre Dedron et Jean Itard : Mathématiques et mathématiciens (Magnard, 1965) Jean Itard : Arithmétique et théorie des nombres (Que sais-je n° 1093) G. H. Hardy, E. Wright : An introduction to the theory of numbers (Oxford Press), chap. XIII André Stoll : Générations géométrique et algébrique des triplets pythagoriciens, L’Ouvert 100 (2000), article disponible sur Internet. Claude Quitté : Triplets pythagoriciens et involution de Frégier (7 juin 2006) conférence disponible sur Internet. Jean-Claude Pont : La balade de la médiane et le théorème de Pythagoron (Tricorne, 2012) Concours HEC 1979, 2ème épreuve Concours Capes et Centrale PC : années à retrouver. Encyclopedia Universalis : Diophantiennes (équations), Equation de Pythagore Wikipedia : Thomas Little Heath, Otto Eduard Neugebauer, Jean Itard Tablette Plimpton 322 Triplets pythagoriciens ___________