Tribunal administratif du Grand-Duché de …se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à...
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Tribunal administratif Numéro 27213 du rôle
du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 août 2010
2e chambre
Audience publique du 14 juillet 2011
Recours formé par
Monsieur ... et Madame ..., …
en présence de Monsieur ... et consorts, …
contre une décision du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures
en matière d’établissement classés
___________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 27213 du rôle et déposée le 16 août 2010 au
greffe du tribunal administratif par Maître Daniel Baulisch, avocat à la Cour, inscrit au
tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur ..., et de son épouse, Madame
..., demeurant tous les deux à ..., tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision
du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures du 17 juin 2010
autorisant la société civile ... et à Monsieur ... de procéder à la modification et à l’exploitation
de plusieurs ... sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de Boulaide, section … de …,
sous les numéros ... et ... (selon documentation cadastrale de 2005, anciennement parcelle
numéro ... selon documentation cadastrale de 1996) sous certaines conditions ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert Rukavina, demeurant à Diekirch, du 17
août 2010, portant signification de ladite requête introductive d’instance à l’administration
communale de Boulaide, représentée par son collège des bourgmestre et échevins
actuellement en fonctions, établie à L-9640 Boulaide, 3, rue de la Mairie et à Monsieur ..., et à
son épouse, Madame ..., demeurant tous les deux à ..., ainsi qu’à Monsieur ... et à son épouse,
Madame ..., demeurant tous les deux à … et à la société civile ..., inscrite au registre de
commerce et des sociétés sous le numéro ..., établie et ayant son siège social à …, représentée
par son gérant actuellement en fonctions ;
Vu la constitution d’avocat de Maître Lucien Weiler, avocat à la Cour, inscrit au
tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, pour compte de Monsieur ... et de son épouse,
Madame ... et de Monsieur ... et de son épouse, Madame ... et de la société civile ..., déposée
au greffe du tribunal administratif le 24 août 2010 ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif par le délégué du
gouvernement le 20 octobre 2010 ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 30 novembre
2010 par Maître Lucien Weiler, au nom de Monsieur ... et de son épouse, Madame ... et de
Monsieur ... et de son épouse, Madame ... et de la société civile ..., ledit mémoire ayant été
notifié le 24 novembre 2010 par acte d’avocat à avocat au mandataire de Monsieur ... et de
son épouse, Madame ... et signifié par exploit d’huissier de justice du 25 novembre 2010 à
l’administration communale de Boulaide ;
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Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 décembre
2010 par Maître Daniel Baulisch au nom de Monsieur ... et de son épouse, Madame ..., ledit
mémoire ayant été notifié le 23 décembre 2010 par acte d’avocat à avocat au mandataire de
Monsieur ... et de son épouse, Madame ... et de Monsieur ... et de son épouse, Madame ... et
de la société civile ... et signifié par exploit d’huissier de justice le 23 décembre 2010 à
l’administration communale de Boulaide ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 2011
par Maître Lucien Weiler au nom de Monsieur ... et de son épouse, Madame ... et de Monsieur
... et de son épouse, Madame ... et de la société civile ..., ledit mémoire ayant été notifié le 4
janvier 2011 par acte d’avocat à avocat au mandataire de Monsieur ... et de son épouse,
Madame ... et signifié le 6 janvier 2011 par exploit d’huissier de justice à l’administration
communale de Boulaide ;
Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision critiquée ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Daniel Baulisch, Maître
Christian Biltgen en remplacement de Maître Lucien Weiler, et Madame le délégué du
gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives.
Par décision du 17 juin 2010, portant le numéro ..., le ministre délégué au
Développement durable et aux Infrastructures, désigné ci-après par « le ministre », autorisa la
société civile ... et Monsieur ... de procéder à la modification et à l’exploitation de plusieurs ...
sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de Boulaide, section … de Boulaide, sous les
numéros ... et ... (selon documentation cadastrale de 2005, anciennement parcelle numéro ...
selon documentation cadastrale de 1996) sous certaines conditions.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 août 2010, Monsieur ... et
son épouse, Madame ..., désignés ci-après par « les époux ... », ont fait introduire un recours
tendant à l’annulation, sinon à la réformation, de la décision précitée du ministre du 17 juin
2010.
Quant à la recevabilité du recours
Le tribunal étant compétent par application de l’article 19 de la loi modifiée du 10 juin
1999 relative aux établissements classés, désignée ci-après par « la loi du 10 juin 1999 », pour
statuer en tant que juge du fond en la présente matière, un recours en réformation a utilement
pu être introduit à l’encontre des arrêtés ministériels déférés.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours en annulation, introduit à titre
principal.
Les parties tierces intéressées soulèvent l’irrecevabilité du recours en réformation
introduit à titre subsidiaire au motif que la proximité de situation constituerait un indice pour
établir un intérêt à agir, mais qu’il faudrait de surcroît que l’inobservation alléguée des règles
soit de nature à entraîner une aggravation concrète de la situation de voisin. En l’espèce,
l’agrandissement de l’exploitation des parties tierces intéressées ne constituerait pas une
aggravation suffisante justifiant un intérêt à agir dans le chef des demandeurs, étant donné
notamment que l’espèce du bétail élevé resterait la même. Elles ajoutent que les demandeurs
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ne disposeraient en l’espèce pas d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général, puisqu’ils
sembleraient vouloir protéger la beauté du paysage ou la santé de l’environnement qui
seraient des critères non prévus en matière d’établissement classés. De surplus le défaut
d’intérêt serait dédoublé d’un défaut de qualité à agir puisque les demandeurs agiraient non
pas dans le cadre de leurs habilitations professionnelles et statutaires mais à titre privé. Enfin
les parties tierces intéressées soulèvent que les demandeurs n’établiraient aucun intérêt
certain, actuel et né. Ainsi, les demandeurs resteraient en défaut d’étayer en quoi la future
exploitation serait plus propice à générer des nuisances que la situation actuelle. En effet, leur
maison serait située dans le milieu campagnard où il serait d’usage de souffrir de nuisances
tenant au caractère rural et à la nécessité d’un pays de disposer d’....
Les parties tierces intéressées estiment encore que le recours devrait être déclaré
irrecevable étant donné qu’il viserait la demande d’autorisation introduite, acte préparatoire
de la décision finale, mais non point la décision finale en elle-même.
Dans le cadre de leur requête introductive d’instance, les demandeurs ont motivé leur
intérêt à agir notamment par le risque pour la santé et la qualité de vie, notamment en raison
des odeurs produites, qu’une exploitation d’une envergure de celle projetée en l’espèce
pourrait entraîner pour le voisinage proche. Dans leur mémoire en réplique ils ajoutent que
l’établissement projeté prévoirait une exploitation … avec des ..., ce qui constituerait un
dédoublement du … actuellement par l’exploitation. Par ailleurs, la recevabilité d’un recours
introduit par les propriétaires d’immeubles situés dans les environs d’une exploitation
litigieuse s’apprécierait par la proximité suffisante, laquelle devrait être examinée au regard
des circonstances du cas d’espèce. Les demandeurs concluent que dans la mesure où ils
habiteraient à 83 mètres de l’exploitation projetée, ils disposeraient d’un intérêt certain, actuel
et né à agir.
Les parties tierces intéressées maintiennent leur moyen tenant à l’irrecevabilité du
recours en soutenant que contrairement aux affirmations des demandeurs le nombre … ne
doublerait pas mais qu’il augmenterait seulement de … à …. Les demandeurs ajoutent
qu’actuellement ils disposeraient dans leurs ... au milieu du village ainsi que dans celles sur le
site litigieux de … à …, étant entendu que la variation du nombre s’expliquerait par la … qui
serait par la suite vendue notamment aux …. Ils concluent que l’augmentation du nombre de
… engendré par l’agrandissement de l’exploitation ne serait que très minime, de sorte
qu’aucune aggravation concrète de la situation des demandeurs ne serait impliquée.
Force est au tribunal de constater que le moyen d’irrecevabilité tel qu’avancé par les
parties tierces intéressées laisse d’être fondé.
En effet, d’un côté, les voisins directs par rapport à un établissement projeté, de même
que les propriétaires de terrains situés à proximité, peuvent légitimement craindre des
inconvénients résultant pour eux d’un tel projet. Ils ont intérêt à voir respecter les règles
applicables en matière d'établissements classés et de permis de construire, du moins dans la
mesure où la non-observation éventuelle de ces règles est susceptible de leur causer un
préjudice nettement individualisé1.
D’un autre côté, l’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du droit en ce qu’il
se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention, mais à la
1 cf. trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9474 du rôle, Pas. adm. 2010, V° Etablissements classés, n° 130 et autres
références y citées
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satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens
invoqués soient justifiés.
En l’espèce, il est constant que les demandeurs sont des voisins proches de
l’exploitation litigieuse projetée, dans la mesure où ils n’habitent qu’à quelques mètres de
ladite exploitation de plus, en tant que voisins, ils se soucient des inconvénients allégués
pouvant résulter pour eux du projet litigieux, notamment, des odeurs additionnelles et d’un
risque pour leur santé impliqué par …, de sorte que l’intérêt qu’ils allèguent est suffisamment
personnel, légitime, direct et actuel pour les habiliter à agir à l’encontre de l’autorisation
d’exploitation ayant trait à l’établissement projeté. Le moyen d’irrecevabilité tiré d’un défaut
d’intérêt à agir dans le chef des demandeurs est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
Enfin, contrairement aux explications des parties tierces intéressées, il échet de
constater que le recours tend à l’annulation, sinon à la réformation de l’arrêté ministériel
précité du 17 juin 2010, étant précisé qu’il ressort expressément du dispositif de la requête
introductive d’instance, auquel le tribunal est seul tenu, que le recours vise ladite décision
ministérielle. Si les demandeurs allèguent effectivement des irrégularités au niveau du dossier
de demande de l’autorisation sollicitée, ils tentent par ce moyen de soulever une irrégularité
dans le cadre de la procédure d’élaboration de la décision pour conclure à l’annulation de la
décision finale, sans pour autant attaquer la demande d’autorisation elle-même. Il s’ensuit que
le moyen d’irrecevabilité afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.
Dès lors, le recours en réformation est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit
dans les formes et délai de la loi.
Quant à la légalité externe de l’arrêté ministériel déféré
Les demandeurs soutiennent en premier lieu que le dossier de demande introduit
auprès du ministre en vue d’obtenir l’autorisation d’exploitation sollicitée serait irrégulier.
Dans ce contexte, ils font valoir que la demande d’autorisation présentée au ministère
au nom et pour compte de la société civile ... n’aurait été signée que par un des gérants de
ladite société, ce qui serait contraire tant à l’article 1859, paragraphe 4 du code civil, en vertu
duquel l’un des associés ne peut faire des innovations sur les immeubles dépendant de la
société que sous condition que les autres y consentent, qu’aux statuts de la société civile ..., en
vertu desquels tout engagement dépassant le montant de 5.000 euros devra être signé par tous
les gérants de la société.
Le délégué du gouvernement répond qu’en vertu de l’article 7.7. a) de la loi du 10 juin
1999 la demande d’autorisation devrait indiquer les noms, prénoms, qualité et domicile du
demandeur et de l’exploitant, sans pour autant exiger des indications quant aux représentants
d’une personne morale, de sorte que le droit commun serait applicable et que le signataire de
la demande serait présumé avoir un mandat suffisant.
Les parties tierces intéressées estiment à titre principal que les juridictions
administratives ne seraient pas compétentes pour sanctionner le non respect des dispositions
du code civil.
Conformément aux dispositions de l’article 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996
portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, la compétence du tribunal
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administratif pour connaître des recours en réformation dont les lois spéciales lui attribuent
compétence est limitée au contrôle de l’acte même déféré au tribunal et ne couvre pas en tant
que telle la phase d’élaboration de l’acte attaqué, à moins qu’une violation éventuelle des
règles régissant cette phase soit de nature à affecter la légalité de l’acte issu de la phase
d’élaboration. Les dispositions relatives à la représentation d’une personne morale ne sont pas
de nature à affecter la légalité d’une autorisation conférée par une autorité administrative à
ladite personne et ne relèvent partant pas du champ de compétence du ministre, ni, par voie de
conséquence, du contrôle du juge administratif, mais relèvent du droit civil, plus précisément
du droit de la responsabilité et partant des juridictions de l’ordre judiciaire. Dans le cadre du
recours sous examen, le tribunal est partant amené à limiter son contrôle à la conformité de
l’autorisation déférée aux dispositions légales. Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne
pas être fondé.
Concernant l’irrégularité alléguée de la demande introduite auprès du ministre, les
demandeurs estiment en second lieu que le dossier déposé au ministère à l’appui de la
demande aurait été incomplet, alors que les pages 21 et 23, concernant des indications
relatives au bruit émanant de l’exploitation litigieuse, ne figureraient pas audit dossier.
Le délégué du gouvernement rétorque que le dossier aurait bien comporté les pages 21
et 23 et que de surplus, l’administration de l’environnement aurait sollicité de la part de la
société civile ... dans le cadre d’une demande d’informations supplémentaires, une évaluation
de la situation acoustique, lui transmise en date du 18 août 2009.
Face à la réponse du délégué du gouvernement, les demandeurs ont, dans le cadre de
leur mémoire en réplique, renoncé à leur moyen tiré du fait que le dossier de demande était
incomplet, de sorte qu’il échet de leur donner acte de cette renonciation.
Quant à l’irrégularité du dossier de la demande introduite auprès du ministre, les
demandeurs soutiennent en troisième lieu que le dossier aurait comporté des indications
inexactes, respectivement qu’il ne comporterait pas suffisamment d’indications. Ainsi, ils
soutiennent que sur le formulaire de demande d’autorisation, la société civile ... aurait indiqué
sous le point 1.1.1 un nombre total … , tandis qu’au point 1.2.1 elle aurait indiqué un nombre
total de …. Ils estiment encore qu’en ce qui concerne les mesures relatives à la réduction des
mauvaises odeurs en provenance de l’exploitation projetée, les indications fournies par la
société civile ... auraient été insuffisantes dans la mesure où elles ne préciseraient pas le seuil
qui pourrait être atteint par ces odeurs, ni les mesures prévues pour réduire les odeurs en cas
de dépassement du seuil. Par ailleurs, le dossier de demande ne renseignerait pas à suffisance
quant à l’évacuation des eaux usées, ce qui serait pourtant une question d’importance pour
une exploitation projetant …. Les demandeurs soutiennent ainsi que les masses d’eau seraient
inévitablement conduites vers … de … qui constituerait pourtant la réserve nationale d’eau
potable. Enfin, les demandeurs font valoir que le dossier de demande contiendrait des
informations insuffisantes concernant les unités de … par hectare. Ils estiment que
l’autorisation déférée aurait été délivrée sans que le problème de surproduction de …, … ou
… ait été préalablement réglé. Les demandeurs concluent en substance que la procédure
d’élaboration de la décision déférée n’aurait pas respecté l’article 7. 7. de la loi du 10 juin
1999, suivant lequel certaines informations devraient obligatoirement figurer dans une
demande d’autorisation, afin de permettre au ministre de prendre sa décision en connaissance
de tous les éléments en cause et que partant la décision déférée devrait encourir l’annulation
puisque le ministre n’aurait pas disposé de toutes les informations nécessaires au moment de
prendre ladite décision.
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Le délégué du gouvernement explique en premier lieu qu’il n’y aurait aucune
contradiction au niveau du formulaire de demande rempli par la société ... en ce qui concerne
le nombre total .... La différence s’expliquerait par le fait que la société aurait sollicité une
autorisation pour une exploitation pouvant abriter au total ..., et que la capacité actuelle de l’...
serait déjà d’un total de ... de sorte que l’extension s’élèverait à .... Il précise, par ailleurs,
qu’en vertu de l’article 1er II 1) de l’arrêté déféré, l’établissement planifié devrait être
aménagé et exploité conformément à la demande du 5 novembre 2008, telle que complétée le
18 août 2009, sauf en ce qu’elle aurait de contraire aux dispositions de l’arrêté litigieux. Il
explique par ailleurs que tant les nuisances engendrées par les odeurs que la thématique des
eaux usées seraient régies par les dispositions de l’arrêté litigieux, tout en renvoyant dans ce
contexte aux articles 1er III2) et 1er III 6) à III 9) ainsi que 1er IV 6) et 1er IV 7) de l’arrêté
déféré. Il ajoute que l’hypothèse d’une évacuation des eaux usées vers ... de ... ne pourrait se
produire qu’en cas de violation manifeste de l’arrêté déféré. Enfin, quant à la question de
l’insuffisance alléguée de terrains disponibles pour l’... de ..., l’article 1er V 3) de l’arrêté
litigieux soumettrait l’exploitant à la condition de s’assurer de la disponibilité de champs
appartenant à d’autres exploitants, se prêtant à l’..., pour le cas où lui-même ne disposerait pas
de suffisamment de terrains.
Les parties tierces intéressées rejoignent les explications du délégué du gouvernement
en faisant valoir en substance que l’arrêté déféré aurait réglementé de manière explicite toutes
les questions au sujet desquelles les demandeurs auraient estimé qu’il manquerait des
informations au niveau du dossier de demande. Elles font encore valoir que dans le cadre de
l’appréciation de la complétude d’un dossier administratif, le ministre disposerait d’un
pouvoir d’appréciation et non point d’une compétence liée, tel que cela résulterait des articles
9.1.1 et 9.1.3 de la loi du 10 juin 1999. D’ailleurs suivant la jurisprudence des juridictions
administratives, la circonstance qu’une des pièces visées à l’article 7.7 et 8 de la loi du 10 juin
1999 ne se trouve pas annexée au moment du dépôt de la demande d’autorisation ne serait pas
de nature à énerver la légalité de l’autorisation conférée sur cette base. De surplus, en vertu de
l’article 9. 2 de la loi du 10 juin 1999, la demande ne devrait être complète qu’au moment de
l’exécution de la procédure d’enquête publique. Enfin, l’article 13 de la loi du 10 juin 1999
permettrait au ministre de pallier les insuffisances contenues dans la demande d’autorisation
en lui permettant de fixer les conditions d’aménagement et d’exploitation jugées nécessaires
et de surplus, le tribunal administratif pourrait ordonner au niveau de la phase contentieuse
une mesure d’instruction nécessaire à la solution du litige en vertu de l’article 14 de la loi
modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions
administratives.
De prime abord le tribunal est amené à constater, au vu du formulaire de demande
intitulé « Genehmigungsantrag ... », rempli par la société ... et soumis au tribunal, qu’il
n’existe aucune contradiction quant à l’indication du nombre .... Ainsi, si la société a indiqué
au point 1.1.1 du formulaire un nombre total de ..., elle s’est référée au nombre … venant de
s’ajouter à l’exploitation existante en raison de l’extension de l’exploitation. En effet, le point
1.1 du formulaire de demande est intitulé « Geplante Elemente » et ne concerne partant que
les indications relatives aux éléments impliqués par l’extension envisagée. En revanche, le
point 1.2.1 du formulaire de demande intitulé « Anzahl der … », figure sous le point 1.2.1
intitulé « Beschreibung der Einrichtung » et concerne partant le nombre total ... dans
l’exploitation une fois que l’extension sera réalisée, de sorte que la société ... a pu y indiquer
un nombre total de … sans se contredire.
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Par ailleurs, force est de constater que la circonstance qu’une des indications ou une
des pièces visées aux articles 7.7 et 7. 8 de la loi du 10 juin 1999 ne se trouve pas annexée au
moment du dépôt à la demande d’autorisation soumise n’est pas de nature à énerver la légalité
de l’autorisation conférée sur cette base. En effet, le pouvoir attribué à l’autorité compétente
par l’article 9 paragraphe 1.1 de la même loi d’inviter le demandeur d’autorisation à
compléter son dossier doit être compris, à défaut de restriction expresse, comme s’entendant
de tout élément ou indication à joindre au dossier soit conformément à l’exigence expresse
formulée dans la loi du 10 juin 1999, soit d’après l’appréciation afférente de l’autorité
compétente. S’y ajoute que le dossier ne doit être complet, conformément à l’article 9
paragraphe 2 de la même loi, qu’au moment de l’exécution de la procédure d’enquête
publique, en l’espèce la seconde procédure initiée à partir du 5 octobre 2004.
Dans la mesure où la légalité de l’autorisation déférée n’est pas affectée par une
insuffisance éventuelle des indications fournies au niveau du dossier de demande, le moyen
d’annulation des demandeurs tiré d’un caractère incomplet du dossier de demande est à rejeter
pour ne pas être fondé.
Quant au bien-fondé de l’arrêté ministériel déféré
Les demandeurs estiment qu’en ne soumettant pas le présent dossier à une enquête
publique telle que prévue pour un établissement de la classe 1, le ministre aurait violé la loi ou
les formes destinées à protéger les intérêts privés, sinon aurait commis un excès et un
détournement de pouvoir. Ils expliquent à cet égard que selon des études récentes un ...
pourrait poser un risque pour les personnes vivant dans les alentours immédiats. Ainsi, les
personnes à exposition rurale, directe ou indirecte, tels que les voisins d’exploitations rurales,
seraient exposées au risque d’être contaminées par la maladie de ... .
Les demandeurs ajoutent qu’en vertu du point 138 du règlement grand-ducal modifié
du ... portant nomenclature et classification des établissements classés, désigné ci-après par
« le règlement grand-ducal du … », les ... et ... de plus de … relèveraient de la classe 1. De
même le point 285 du même règlement grand-ducal soumettrait au régime des établissements
de la classe 1 notamment les … pour … de plus de …, les … de plus de … de moins de …
kilos et les …. de plus de …. Or, en l’espèce, le projet soumis au ministre par la société civile
... porterait sur plusieurs ... pouvant … . Au vu de l’envergure dudit projet et des risques
engendrés par le projet, le ministre aurait violé la loi en ne faisant pas application de la
procédure prévue pour les établissements relevant de la classe 1. Dans le même contexte, les
demandeurs font encore valoir que le fait d’élever ... ne tombe plus dans le domaine de
l’agriculture classique, en raison des dangers nouveaux susceptibles d’être engendrés par des
technologies modernes, de sorte que le ministre n’aurait pas dû se fier à la seule nomenclature
du règlement grand-ducal du ... qui ne serait plus « up to date ». En effet, selon cette logique,
la construction d’une ... de … serait possible, sans passer par la procédure prévue pour les
établissements relevant de la classe 1. Ainsi, le ministre aurait fait une application erronée du
règlement grand-ducal précité en ne soumettant pas le projet présenté par la société ... à la
procédure des établissements de la classe 1.
Le délégué du gouvernement répond qu’il appartiendrait aux autorités compétentes
ainsi qu’aux juridictions « d’appliquer le droit applicable », alors même que ce dernier
pourrait paraître illogique et il se réfère à cet égard à un arrêt de la Cour administrative du 1er
avril 2004, inscrit sous le numéro 17089C du rôle.
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Dans le même ordre d’idées, les parties tierces intéressées font valoir que le ministre
serait tenu d’appliquer le droit positif dans l’état dans lequel il se trouve. Ils précisent encore,
en se référant notamment à un jugement du tribunal administratif du 12 juillet 2000, inscrit
sous le numéro 11322 du rôle, que si les demandeurs critiquent en l’espèce le choix politique
opéré pour procéder à la nomenclature et à la classification des établissements dangereux,
insalubres ou incommodes, le juge du fond ne pourrait pas dépasser son rôle et étendre son
contrôle de l’opportunité de manière à empiéter sur le terrain des choix de politique générale.
Force est au tribunal de constater que les articles sur lesquels les demandeurs se
fondent, pour soutenir que le ministre aurait dû appliquer au projet lui soumis par la société ...
la procédure prévue pour les établissement de la classe 1, à savoir, les points 138 et 285 du
règlement grand-ducal du ..., concernent des ... et ... respectivement des … et installations
destinés à …., mais non point des établissements destinés à … et accessoirement …, de sorte
que lesdits articles ne sont pas applicables en l’espèce.
Si les demandeurs critiquent encore le règlement grand-ducal du ... en le déclarant
illogique dans la mesure où il soumettrait l’ouverture d’un … de plus de … à la condition de
suivre la procédure prévue pour les établissements de la classe 1, tandis qu’une ... abritant …
ne serait pas soumise à ladite procédure, le tribunal est amené à retenir qu’il appartient au seul
pouvoir législatif de modifier une disposition légale contenant un prétendu illogisme, étant
donné qu’il s’agit là d’une décision exclusivement politique échappant au champ de
compétence des juridictions2 et que c’est partant à bon droit que les parties défenderesse et
tierces intéressées ont affirmé que le tribunal administratif saisi d’un recours en réformation
ne saurait dépasser son rôle de juge qui consiste à statuer par rapport à une espèce donnée ,
sans pouvoir étendre son contrôle de l’opportunité de manière à empiéter sur les terrains de
choix de politique générale3.
Il suit des considérations qui précèdent que le moyen tiré d’une mauvaise
classification du projet envisagé est à rejeter pour ne pas être fondé.
Les demandeurs font ensuite valoir que l’arrêté ministériel déféré violerait l’article
10bis de la Constitution consacrant le principe de l’égalité des citoyens devant la loi et devant
les charges publiques. Ils expliquent à ce sujet que les voisins de différents types
d’exploitations … seraient soumis à des charges inégales. Ainsi, une exploitation d’une ... de
… serait soumise à la procédure prévue pour les établissements de la classe 1, alors que
l’exploitation d’une ... comme celle en l’espèce ne serait pas soumise à ladite procédure. Cette
différence ne reposerait cependant sur aucune disparité objective.
Les demandeurs tirent une double conclusion de leur argumentation et estiment en
premier lieu qu’il y aurait lieu de ne pas appliquer le règlement grand-ducal du ... en l’espèce
au sens de l’article 95 de la Constitution et en second lieu que l’arrêté ministériel déféré
devrait encourir l’annulation pour violation du principe constitutionnel de l’égalité devant la
loi.
Le délégué du gouvernement répond que l’exploitation envisagée en l’espèce
rentrerait dans la catégorie des établissements énumérés au point 149 du règlement grand-
2 cf. Cour adm. 1er avril 2004, n° 17089C du rôle, Pas. adm. 2010, V° Lois et règlements, n° 82 et autres
références y citées. 3 cf. 12 juillet 2000, n° 11322 du rôle, Pas.adm. 2010, V° Recours en réformation, n° 23 et autre référence y
citée.
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ducal du ..., suivant lequel les ... sur un même site comprenant … correspondent à un
établissement de la classe 4 et celles de plus de … correspondent à un établissement de la
classe 3B. Il explique qu’aucune violation du principe de l’égalité de traitement ne serait
donnée en l’espèce, puisque toute personne désirant exploiter un établissement visé par le
point 149 précité serait strictement soumise au même régime d’autorisation. Il ajoute que le
principe d’égalité de traitement présupposerait que les situations visées soient comparables eu
égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Une différence de traitement serait
justifiée dès lors qu’elle serait fondée sur un critère objectif et raisonnable, c'est-à-dire
lorsqu’elle serait en rapport avec un but légalement admissible, poursuivi par la législation en
cause et que cette différence serait proportionnée au but poursuivi par le traitement concerné.
En l’espèce, les demandeurs n’établiraient aucune violation du principe de l’égalité du
traitement. Le délégué du gouvernement souligne encore qu’à la demande de la société civile
... une procédure d’autorisation d’un établissement de la classe 3B aurait été suivie sur base
du point 149 du règlement grand-ducal du ..., alors même que l’exploitation projetée aurait
également pu être dispensée de la procédure d’autorisation si elle avait été considérée comme
… ou ... à … au sens du point 41 dudit règlement grand-ducal qui considérerait lesdits
établissements comme établissements de la classe 3B mais uniquement sous condition qu’ils
soient situés dans des agglomérations de plus de 2.000 habitants, ce qui suivant le
représentant étatique, ne serait pas le cas en l’espèce.
Les parties tierces intéressées rejoignent dans leurs mémoires l’argumentaire du
délégué du gouvernement et précisent en substance que des ... tels qu’un … ou un …
différeraient dans leurs besoins et émissions nettement d’une … ou d’une … de sorte qu’il n’y
aurait en l’espèce pas de situations comparables et qu’aucune différence de traitement ne
saurait partant être invoquée.
En ce qui concerne le moyen suivant lequel il n’y aurait pas lieu d’appliquer le
règlement grand-ducal du ... en l’espèce en vertu de l’article 95 de la Constitution, force est au
tribunal de constater qu’aux termes dudit article constitutionnel : « Les cours et tribunaux
n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux
lois. (…) ». En l’espèce, les demandeurs n’allèguent pourtant pas une incompatibilité du
règlement grand-ducal avec une loi, mais avec une disposition constitutionnelle, de sorte que
l’article 95 de la Constitution est inapplicable.
Les demandeurs reprochent encore à l’arrêté litigieux de violer l’article 10bis de la
Constitution.
Le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, tel qu’inscrit à l’article 10bis de
la Constitution, suivant lequel tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, applicable à
tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par
extension des droits extrapatrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu,
mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et droit soient
traités de la même façon. Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le
traitement de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation soit
objectivement justifiée. Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics, tant au niveau
national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans
la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer
le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux
10
différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives,
qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but4.
En l’espèce, force est de constater que les demandeurs restent en défaut de soumettre
des éléments suffisants de nature à faire admettre qu’ils se trouvent dans une situation
comparable concernant l’application de la classification des établissements telle qu’instaurée
par le règlement grand-ducal du ....
Il s’avère en effet à la lecture du règlement grand-ducal du ... qu’il procède à la
classification des différentes exploitations ... et ... selon le type d’... qu’ils …. Si les
demandeurs soutiennent être voisins d’une ... dont l’exploitation ne serait soumise qu’à la
procédure prévue pour les établissements de la classe 3B, tandis que d’autres personnes
seraient voisins d’une ... qui serait soumise à la procédure plus stricte prévue pour les
établissements de la classe 1, il y a lieu de constater qu’ils tentent de comparer leur situation
de voisins d’une exploitation destinée en grande majorité à l’...à celle de voisins d’une … ou
d’une …, de sorte que les exploitations que les demandeurs tentent de comparer ne sont pas
destinées au même but et que des voisins desdites exploitations ne peuvent partant pas être
considérés comme se trouvant dans une situation similaire.
Aucune violation du principe de l’égalité ne saurait partant être constatée en l’espèce,
de sorte que le moyen afférent des demandeurs est à rejeter pour ne pas être fondé.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen des demandeurs
est à rejeter pour n’être fondé dans aucun de ses deux volets.
Les demandeurs reprochent encore au ministre de ne pas avoir respecté l’article 13,
alinéa 1er de la loi du 10 juin 1999, suivant lequel les autorisations ministérielles devraient
fixer les conditions d’aménagement et d’exploitation jugées nécessaires pour la protection des
intérêts jugés dignes de protection par d’autres dispositions de la même loi. Ainsi
l’autorisation ministérielle devrait à travers son contenu permettre son contrôle de légalité et
rendre possible de façon efficace son application.
Dans ce contexte il suffirait que les critères et conditions fixés par le ministre dans son
autorisation soient clairement identifiables et intelligibles. Or, en l’espèce, le ministre se serait
contenté de renvoyer à des éléments figurant au dossier de demande, qui ne seraient même
pas joints à l’autorisation déférée. Cette manière de procéder traduirait un manque de
transparence et équivaudrait à une absence de fixation par le ministre des réserves et
conditions d’aménagement et d’exploitation.
Les demandeurs ajoutent que l’autorisation émise serait trop vague. A cet égard ils
précisent que le dossier de demande auquel se référerait ladite autorisation, ne contiendrait
aucune indication relative aux émissions sur l’environnement évaluant les impacts des
établissements projetés sur l’environnement, il n’indiquerait qu’un nombre approximatif de la
consommation d’eau et ne préciserait aucune mesure envisagée afin de prévenir ou de réduire
les émissions provenant de l’établissement et enfin, il négligerait la question de la valorisation
ou de la prévention des déchets. Par ailleurs, dans le cadre de l’étude d’impact réalisée par un
bureau d’études écologiques et environnementales, un ingénieur agronome aurait émis des
craintes quant à l’efficacité du système d’... de … par l’exploitation projetée.
4 trib. adm. 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2010, V° Lois et règlements, n° 3
11
Les demandeurs concluent qu’en ne prenant pas en compte les effets sur les conditions
d’aménagement et d’exploitation visant l’environnement humain et naturel, telles que la
protection de l’air, de l’eau, du sol, de la faune et de la flore, la lutte contre le bruit et les
vibrations, l’utilisation rationnelle de l’énergie, la prévention et la gestion de déchets, le
ministre aurait violé la loi sinon excédé ses pouvoirs. Au vu de l’envergure de l’exploitation
projetée et de ses spécificités, ils estiment qu’il serait indispensable de recourir à un homme
de l’art et proposent de nommer un collège d’experts avec la mission notamment de
déterminer si l’autorisation déférée est conciliable avec les buts de la loi du 10 juin 1999 et
notamment la prévention et la réduction des pollutions en provenance des établissements,
ainsi que la sécurité, la salubrité et la commodité du public, du voisinage et du personnel des
établissements.
Le délégué du gouvernement répond que l’autorisation litigieuse fixerait les conditions
d’exploitation détaillées et précises compte tenu de la nature de l’établissement en vue d’une
exploitation permettant de réduire les nuisances à un strict minimum. Il précise que
l’autorisation imposerait des conditions relatives à la limitation des nuisances olfactives dans
ses articles 1er III 2) et 1er III 6) à III 9). Par ailleurs, la problématique des eaux usées serait
régie par les articles 1er IV 6) et 1er IV 7) de l’autorisation litigieuse, tandis que la question de
la manipulation et de l’... de ... serait régie par l’article 1er V 3) de l’autorisation. En ce qui
concerne la prétendue insuffisance de terrains disponibles pour l’... de ..., le représentant
étatique précise que le non-respect éventuel de la condition fixée par l’autorisation déférée
relèverait de l’exécution de ladite décision et ne saurait affecter la légalité de la décision.
Les parties tierces intéressées répliquent que le dossier de demande d’autorisation
aurait contenu tous les développements pour permettre au ministre de prendre utilement sa
décision. Ils font encore valoir qu’en l’espèce aucune étude globale d’impact n’aurait été
nécessaire puisque la loi du 10 juin 1999 n’exigerait de telles études que pour les
établissements de la classe 1. Dans le cadre de leur mémoire en duplique, elles ajoutent que
suivant la jurisprudence récente, la technique du renvoi par la décision à des éléments du
dossier serait admise en présence d’un dossier de demande volumineux comportant un
nombre important de documents et de plans graphiques. Elles estiment encore que les
conditions fixées par l’autorisation déférée seraient suffisantes, notamment en ce qui concerne
l’... de …, qui serait d’ailleurs assuré à suffisance par les contrats d’ores et déjà conclu avec
d’autres propriétaires de terrains, relatifs à l’... de 900 tonnes de ....
Il se dégage des moyens avancés par les parties en cause qu’elles sont en désaccord
sur la question de savoir si le ministre disposait de tous les éléments d’informations
nécessaires au moment de la prise de la décision déférée et si ladite décision contient des
dispositions suffisamment précises en ce qui concerne notamment l’écoulement des eaux
usées, ainsi que l’... de ....
Il convient de préciser d’abord, tel que le tribunal vient de le retenir, que la
circonstance qu’une des indications ou une des pièces visées aux articles 7.7 et 7. 8 de la loi
du 10 juin 1999 ne se trouve pas annexée dès le moment du dépôt à la demande d’autorisation
soumise n’est pas de nature à énerver la légalité de l’autorisation conférée sur cette base.
Par ailleurs, en ce qui concerne le reproche des demandeurs suivant lequel
l’autorisation déférée serait trop vague dans la mesure où elle se référerait à des éléments du
dossier, il échet d’abord de préciser qu’en effet, l’autorisation litigieuse prévoit en son article
12
1er sous le point II, intitulé « Modalités d’application » que « 1) L’établissement doit être
aménagé et exploité conformément à la demande du 5 novembre 2008 telle que complétée le
18 août 2009 sauf en ce qu’elle aurait de contraire aux dispositions du présent arrêté. Ainsi
le dossier de demande fait partie intégrante du présent arrêté. L’original du dossier de la
demande, qui vu sa nature et sa taille, n’est pas joint au présent arrêté, peut être consulté par
tout intéressé au siège de l’Administration de l’environnement, sans déplacement. (…) ».
A cet égard, il convient de relever que toute autorisation ministérielle doit à travers
son contenu permettre, d'une part, le contrôle de sa légalité et, d'autre part, rendre possible de
façon efficace son application. Pour répondre aux exigences de la loi, il faut et il suffit que les
critères et conditions que le ministre compétent a entendu fixer et attacher à son autorisation
soient clairement identifiables et intelligibles pour toute personne intéressée compte tenu des
éléments et circonstances de l'espèce. Il ne suffit pas, par contre, d'opérer des renvois à des
éléments du dossier qui ne sont pas joints à la décision quoique cela eût été facile à réaliser5.
Toutefois, en présence d’un dossier de demande volumineux comportant un nombre important
de documents et de plans graphiques, il est admissible que le recours à la technique du renvoi
à des éléments du dossier, ensemble la nécessaire précision de joindre ces documents à
l'autorisation délivrée pour en faire partie intégrante, se matérialise en la stipulation dans
l’autorisation que le dossier de demande fait partie intégrante de l’arrêté d’autorisation et que
l’original du dossier peut être consulté au siège de l’autorité compétente par toute tierce
personne6.
En l’espèce, eu égard au fait que le dossier de demande, tel que soumis au tribunal
administratif, est assez volumineux et eu égard au fait que l’autorisation déférée prend soin de
préciser expressément que le dossier de demande fait partie intégrante de l’autorisation et que
l’original du dossier peut être consulté au siège de l’administration de l’Environnement, le
tribunal est amené à constater que le ministre n’a pas manqué à l’obligation de transparence et
qu’il a valablement pu recourir dans le cadre de l’autorisation déférée à la technique du renvoi
au dossier de demande.
Quant à la critique générale des demandeurs suivant laquelle les conditions
d’exploitation fixées par l’arrêté litigieux seraient trop vagues il convient en premier lieu de
relever qu’aux termes de l’article 13, paragraphe 1 de la loi du 10 juin 1999 « les
autorisations fixent les conditions d’aménagement et d’exploitation qui sont jugées
nécessaires pour la protection des intérêts visés à l’article 1er de la présente loi, en tenant
compte des meilleures techniques disponibles respectivement en matière d’environnement et
en matière de protection des personnes ». En vertu de l’article 1er de la loi du 10 juin 1999
« 1. La présente loi a pour objet de : - réaliser la prévention et la réduction intégrées des
pollutions en provenance des établissements ; (…) ». La compétence du ministre en matière
d’autorisation des établissements classés s’inscrit donc dans le cadre général posé par les
dispositions des articles 1er et 13, paragraphe 1 de la loi du 10 juin 1999. Il ressort d’une
lecture conjointe desdits articles que le ministre, en émettant des autorisations en matière
d’établissements classés, est notamment tenu de veiller à réaliser la prévention et la réduction
des pollutions en provenance des établissements tombant dans le champ d’application de
ladite loi.
5 cf. Cour adm. 18 mai 2000, n° 11707C du rôle, et autres références y citées, Pas. adm. 2010, V° Etablissements
classés, n° 92. 6 cf. trib. adm. 16 février 2006, n° 19575 du rôle, Pas. adm. 2010, V° Etablissements classés, n° 92.
13
Par ailleurs, un acte administratif individuel, et plus particulièrement celui qui est de
nature à faire grief soit à son destinataire soit à de tierces personnes, bénéficie de la
présomption de légalité ainsi que de conformité par rapport aux objectifs de la loi sur base de
laquelle il a été pris, de sorte qu’il appartient à celui qui prétend subir un préjudice ou des
inconvénients non justifiés du fait de l’acte administratif en question, et qui partant souhaite le
voir réformé ou annulé en vue d’obtenir une situation de fait qui lui est plus favorable,
d’établir concrètement en quoi l’acte administratif en question viole une règle fixée par une
loi ou un règlement grand-ducal d’application7.
Cette règle s’applique plus particulièrement en matière d’établissements classés, de
sorte qu’il ne suffit pas d’invoquer de manière générale et abstraite des inconvénients que de
tiers intéressés estiment subir du fait de l’autorisation d’un établissement classé, mais il leur
incombe d’apporter au tribunal des éléments suffisamment précis et documentés dans toute la
mesure du possible afin que la juridiction soit mise en mesure d’apprécier de la manière la
plus exacte possible la nature des inconvénients et préjudices que ces tiers intéressés déclarent
subir du fait de l’installation et de l’exploitation de l’établissement classé, en lui soumettant
également une argumentation juridique et technique suffisamment détaillée tendant à établir
les raisons pour lesquelles les conditions techniques fixées par l’autorisation litigieuse ne sont
pas de nature à leur donner satisfaction. En effet, ce n’est que dans ces conditions que le
tribunal peut sérieusement analyser, dans le cadre du recours en réformation dont il est saisi
en matière d’établissements classés, le caractère approprié des conditions fixées par
l’autorisation litigieuse et ordonner, le cas échéant, au cas où il estime ne pas disposer de
toutes les connaissances techniques nécessaires, une expertise technique8.
En l’espèce, en ce qui concerne tout d’abord le reproche formulé par les demandeurs
suivant lequel l’autorisation litigieuse ne contiendrait pas de mesures concrètes pour garantir
la protection des intérêts visés à l’article 1er de la loi du 10 juin 1999 et ne fixerait pas de
condition d’exploitation et d’aménagement au sens de l’article 13 de la loi du 10 juin 1999
concernant notamment la limitation des nuisances olfactives provenant de l’établissement
litigieux et l’... de ..., ainsi que l’usage des eaux usées, force est de constater que ce reproche
n’est pas fondé, étant donné que l’autorisation litigieuse du ministre fixe sous son article 1er,
point III 6) et 7) des mesures précises et contraignantes afin d’éviter dans la mesure du
possible l’émanation de mauvaises odeurs, en imposant notamment aux exploitants de
l’établissement projeté différents seuils d’odeurs maximaux. De même, l’autorisation
litigieuse fixe des mesures contraignantes en ce qui concerne l’évacuation des eaux usées sous
son article 1er point IV 6) et 7), en opérant notamment une distinction entre les eaux usées
provenant du premier flot de rinçage de la …, qui doivent obligatoirement être recueillis dans
un réservoir à … et/ou … répondant aux exigences légales et les eaux usées originaires du
nettoyage de la … et de ses installations. Enfin, l’autorisation litigieuse consacre l’article 1er,
point V) entièrement à la question de l’... de ..., en rappelant en premier lieu que la
réglementation relative à l’utilisation de ... dans l’… serait à respecter, en précisant ensuite
que les matières …, les …, les … et le ... ne peuvent être étendus que sur des sols servant aux
cultures ... et en insistant notamment sur le fait que l’exploitant devra s’assurer de la
disponibilité de champs appartenant à d’autres exploitants dans l’hypothèse où il n’aurait pas
suffisamment de terres à sa disposition.
7 cf. trib. adm. 16 juillet 2003, n° 15207 du rôle, Pas. adm. 2010, V° Actes administratifs, n° 105 8 cf. trib. adm. 16 juillet 2003, n° 15207 du rôle, Pas. adm. 2010, V° Etablissements classés, n° 140
14
Toutefois, les demandeurs, au-delà des remarques générales et vagues, n’invoquent
aucun moyen, et ne fournissent aucun élément concret tendant à faire constater le caractère
insuffisant des conditions d’exploitation ainsi imposées.
Si les demandeurs se plaignent, d’une manière générale et abstraite, d’autres nuisances
qui pourraient émaner de l’exploitation planifiée, ils restent en défaut de caractériser et de
localiser ces incidences avec précision.
Force est dès lors au tribunal de constater que les demandeurs n’ont pas établi que
l’autorisation ministérielle déférée aurait été prise en violation des articles 1er et 13 de la loi
du 10 juin 1999, de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.
Les considérations qui précèdent ne sont pas mises en cause par la requête des
demandeurs, sollicitant la nomination d’un expert avec la mission de dresser un rapport
d’expertise afin d’étayer et confirmer leurs affirmations. En effet, en matière de preuve dans
le contentieux administratif, il est de principe que le contenu de l’acte litigieux, qui n’est pas
utilement combattu par celui qui attaque l’acte en question ou qui n’est pas contredit par les
pièces produites en cause, est présumé vrai et exact et que l’acte est présumé légal tant que
son illégalité n’a pas été démontrée. Ce n’est que lorsque les demandeurs ont étayé leurs
moyens par des éléments concrets et concordants et que les éléments fournis en cause et
résultant du dossier font croire aux faits dont les demandeurs offrent de rapporter la preuve
que le tribunal fait droit à la demande.
En l’espèce, si les demandeurs se réfèrent aux explications d’un ingénieur agronome
qui a exprimé certaines craintes en ce qui concerne l’... de ..., celles-ci n’ont trait qu’à la
réalisation et à l’exécution des contrats conclus par les exploitants avec d’autres propriétaires
de terrains, en vue de l’... de ... mais non point aux conditions d’exploitation ou
d’aménagement fixées dans l’autorisation litigieuse voire même à la légalité de la décision
déférée, de sorte que ces considérations ne sont pas pertinentes dans le cadre du recours sous
examen, étant donné que la compétence du tribunal est limitée à l’analyse de la décision
déférée sans pouvoir s’étendre à l’exécution de ladite décision qui relève le cas échéant de la
compétence des juridictions ordinaires.
Dès lors, dans la mesure où en l’espèce, aucun élément concordant résultant du dossier
et faisant croire aux faits dont les demandeurs offrent de rapporter la preuve, ne résulte du
dossier, la demande en institution d’une mesure d’instruction est à écarter9.
Les demandeurs reprochent ensuite à la décision déférée d’être contraire à l’article 17
de la loi du 10 juin 1999 suivant lequel au cas où un établissement serait projeté dans un
immeuble existant, l’établissement devrait se situer dans une zone prévue à ces fins suivants
la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement des villes et autres
agglomérations importantes, et en conformité avec le plan d’aménagement général de la
localité concernée. Ils estiment qu’en l’espèce, l’autorisation litigieuse serait contraire à
l’article … du plan d’aménagement général de la commune de Boulaide, suivant lequel,
« geruchsintensive … dürfen nicht innerhalb des Bauperimeteers errichtet werden. Der
minimale Abstand zur Grenze des Bauperimeters wird um 200m festgelegt ». Or, suivant les
demandeurs les ... projetées en l’espèce se situeraient à 50 mètres seulement de la zone
d’habitation la plus proche et l’exploitation devrait être qualifiée de « geruchsintensive … ».
9 voir en ce sens : trib. adm. 9 janvier 2003, n° 14700 du rôle, Pas. adm. 2010, V° Procédure contentieuse, n° 587
15
Le délégué du gouvernement rétorque que suivant l’article … du plan d’aménagement
général de la commune de Boulaide « … genutzte Gebiete dienen dem …, der …, der … sowie
der extensiven …. Die Einrichtung von Gebäuden in … genutzten Gebieten richtet sich nach
Art. 14 ». Suivant ledit article …du plan d’aménagement général de la commune de Boulaide
« Im Aussenbereich sind grundsätzlich alle Bauten untersagt, mit Ausnahme von Bauten die :
- unmittelbar der … und der … dienen ».
Le délégué du gouvernement estime sur base des articles 14 et 14.1 précités du plan
d’aménagement général de la commune de Boulaide que l’autorisation litigieuse serait
conforme à l’article 17 de la loi du 10 juin 1999. Il ajoute que l’article 34 du plan
d’aménagement général de la commune de Boulaide, invoqué par les parties demanderesses,
ne serait pas applicable en l’espèce, étant donné qu’il ne viserait que certains établissements
... se caractérisant notamment par des émissions olfactives intenses. Or, à cet égard, il rappelle
que l’établissement litigieux correspondrait à un établissement de la classe 3B.
Les parties tierces intéressées contestent que l’autorisation litigieuse viole une
quelconque disposition légale ou réglementaire. Elles font valoir que les exploitations ...
seraient en principe autorisables en zone verte, de sorte que le ministre n’aurait violé aucune
norme. Enfin, elles estiment que l’établissement projeté n’émettrait pas d’odeurs intensives et
ne serait pas à considérer comme étant de nature industrielle, de sorte qu’il n’aurait pas à
respecter la distance de 200 mètres imposée par l’article 34 du plan d’aménagement général
de la commune de Boulaide invoqué en cause par les demandeurs.
En vertu de l’article 17.2 de la loi du 10 juin 1999 : « Dans le cas où l'établissement
est projeté dans des immeubles existants et dont la construction a été dûment autorisée, les
autorisations requises en vertu de la présente loi ne pourront être délivrées que lorsque
l'établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins en conformité avec la loi du 12
juin 1937 concernant l'aménagement des villes et autres agglomérations importantes ou avec
un plan d'aménagement établi en exécution de la loi du 20 mars 1974 concernant
l'aménagement général du territoire ou avec la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la
protection de la nature et des ressources naturelles. Il en est de même lorsque l'établissement
est projeté dans un immeuble à construire. ».
Aux termes de l’article .. du plan d’aménagement général de la commune de Boulaide,
invoqué en cause par les demandeurs : « … und –…, … sowie andere geruchsintensive
industrielle … dürfen nicht innerhalb des Bauperimeters errichtet werden. Der minimale
Abstand zur Grenze des Bauperimeters wird um 200m festgelegt ».
Force est au tribunal de constater que le champ d’application de ladite disposition est
limité à certaines exploitations comme des … ou des exploitations … ainsi qu’à des
exploitations … générant des odeurs intenses. L’exploitation litigieuse n’étant ni une ... ni un
..., il convient de vérifier s’il s’agit d’une exploitation d’élevage générant des odeurs intenses.
Or, au stade actuel du dossier et au vu des éléments soumis au tribunal par les demandeurs, le
tribunal ne saurait suivre le raisonnement des demandeurs suivant lequel l’exploitation
litigieuse générerait des odeurs intenses. En effet, les demandeurs se basent sur la seule
constatation que les exploitants envisagent d’… plus de … et un nombre total de ... dans
l’exploitation planifiée, pour affirmer que ladite exploitation serait à considérer comme
« geruchsintensive … ». Or, ces affirmations ne sont fondées sur aucun élément concret et
16
concordant et sont contestées par les parties défenderesse et tierces intéressées. Le moyen
afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
Si les demandeurs sollicitent encore la nomination d’un expert avec la mission de
déterminer notamment les mesures en vue de prévenir les inconvénients et risques pouvant
émaner de l’exploitation litigieuse, il échet de rappeler que le tribunal vient de retenir qu’il ne
fait droit à une demande d’expertise que lorsque les demandeurs ont étayé leurs moyens par
des éléments concrets et concordants et que les éléments fournis en cause et résultant du
dossier font croire aux faits dont les demandeurs offrent de rapporter la preuve. Comme de
tels éléments concordants ne résultent pas du dossier, la demande en institution d’une mesure
d’instruction est à écarter.
Les demandeurs soutiennent encore que l’autorisation déférée ne serait pas conforme à
l’article 17.2 de la loi du 10 juin 1999, suivant lequel l’établissement projeté devrait être
conforme à la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des
ressources naturelles et plus particulièrement à l’article 12 de ladite loi suivant lequel les
aménagements ou ouvrages en zone verte devraient faire l’objet d’une évaluation de ses
incidences sur l’environnement, ainsi qu’à l’article 34 de la même loi, suivant lequel les
autorités publiques devraient prendre les mesures appropriées afin d’éviter dans les zones
Natura 2000 la détérioration des habitats naturels, des habitats d’espèces, ainsi que les
perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées. Les
demandeurs affirment avoir sollicité auprès du ministre ayant l’environnement dans ses
attributions une copie des autorisations requises en la matière, sans avoir eu de réponse, de
sorte qu’ils concluent que ces autorisations n’existeraient pas.
Le délégué du gouvernement répond que l’établissement litigieux serait
« potentiellement autorisable » au regard de l’article 5 de la loi précitée du 19 janvier 2004.
Par ailleurs, l’article 12 de ladite loi serait applicable en matière d’autorisation dite
« protection de la nature » mais pas en matière d’établissements classés. L’absence éventuelle
d’une autorisation « protection de la nature » ne pourrait pas affecter la validité de l’arrêté
déféré. Enfin, le délégué du gouvernement conclut qu’en vertu de l’article 17 .1 de la loi du
10 juin 1999 toutes les autorisations ne seraient requises qu’avant la construction, voire
l’exploitation d’un établissement classé.
Les parties tierces intéressées estiment que l’existence des autorisations exigées par la
loi précitée du 19 janvier 2004 ne serait pas requise de façon préalable au moment où les
ministres statuent dans le cadre de la loi du 10 juin 1999. Elles précisent encore que
l’exploitation litigieuse serait située à proximité d’une zone « Natura 2000 » et non point dans
une telle zone. Elles ajoutent que suite au dépôt par elles du rapport dressé par un bureau
d’étude, elles auraient obtenu le 3 février 2010 l’autorisation requise par la loi précitée du 19
janvier 2004.
Force est de prime abord au tribunal de constater qu’il n’est pas contesté en cause que
l’établissement litigieux n’est pas situé dans une zone classée zone « Natura 2000 », mais
uniquement à proximité d’une telle zone, de sorte que l’article 34 de la loi précitée du 19
janvier 2004 relatif aux dites zone « Natura 2000 » n’est pas applicable en l’espèce et que le
volet afférent du moyen des demandeurs est à rejeter pour ne pas être fondé.
En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 12 de la loi précitée du 19 janvier
2004, il échet de relever que ledit article dispose que : « Tout projet ou plan, individuellement
17
ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, susceptible d’affecter une zone protégée
prévue par la présente loi fait l’objet d’une évaluation de ses incidences sur l’environnement.
Il en est de même des aménagements ou ouvrages à réaliser dans la zone verte. Cette
évaluation identifie, décrit et évalue de manière appropriée, en fonction de chaque demande,
les effets directs et indirects des plans, projets, aménagements ou ouvrages concernés sur
l’environnement naturel. ».
A cet égard, il ressort des pièces versées en cause par les parties tierces intéressées et
non autrement contestées par les demandeurs qu’en date du 7 avril 2009 le ministre de
l’Environnement avait attiré l’attention des parties tierces intéressées qu’au regard de la loi
précitée du 19 janvier 2004 et du fait que l’exploitation projetée était susceptible d’engendrer
une intensification de l’exploitation de leurs propriétés, elles devaient compléter leur dossier
d’une « notice d’impact pour satisfaire aux exigences des dispositions du prédit article 12 [de
la loi du 19 janvier 2004] ». Il ressort encore des pièces versées en cause que le bureau
d’études écologiques et environnementales ... a réalisé en juin 2009 une étude intitulée
« Geplante … im … von … Abschätzung der Auswirkungen auf nahe gelegene Schutzgebiete »
et que le ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures s’est adressé le 3
février 2010, soit préalablement à la décision déférée du 17 juin 2010, aux parties tierces
intéressées dans les termes suivants « En réponse à vos requêtes (…) par lesquelles vous
sollicitez l’autorisation de la construction de 3 ... et l’agrandissement d’une ... existante resp.
le remblayage de terres d’excavation sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de
BOULAIDE, section .. de Boulaide au lieu-dit « ... », et compte tenu des conclusions positives
de l’étude réalisée par le bureau ... soumise, j’ai l’honneur de vous informer qu’en vertu de la
loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources
naturelles, je vous accorde l’autorisation sollicitée aux conditions suivantes : (…) ». Au vu
des considérations qui précèdent, le tribunal est amené à constater qu’au moment de la prise
de la décision litigieuse les exploitants de l’établissement projeté disposaient d’une
autorisation ministérielle au sens de l’article 12 de la loi du 19 janvier 2004, de sorte que le
moyen afférent des demandeurs est à rejeter pour ne pas être fondé.
Les demandeurs estiment encore que l’autorisation déférée violerait les formes
destinées à protéger les intérêts privés, dans la mesure où elle serait formulée dans des termes
trop vagues et partant inopérants, notamment en ce qui concerne l’évacuation des gaz et de
poussières, question qui serait d’importance au vu des risques impliqués par ..., et en ce qui
concerne l’... de ....
Le délégué du gouvernement ne prend pas position quant audit moyen, tandis que les
parties tierces intéressées contestent que l’autorisation déférée soit trop vague et signalent
qu’en ce qui concerne les émissions de gaz et de poussières, les demandeurs se seraient
fondés sur une disposition figurant parmi les mesures relatives à la phase de chantier de
l’exploitation projetée et qu’il faudrait toutefois se référer à l’autorisation toute entière dont
les conditions seraient suffisantes. Quant à la prétendue insuffisance des surfaces d’...
disponibles, les parties tierces intéressées renvoient à leurs développements antérieurs relatifs
au manque de bien-fondé dudit moyen.
Force est de constater que le tribunal vient de retenir que le reproche formulé par les
demandeurs suivant lequel l’autorisation litigieuse ne contiendrait pas de mesures concrètes
pour garantir la protection des intérêts visés à l’article 1er de la loi du 10 juin 1999 et ne
fixerait pas de condition d’exploitation et d’aménagement au sens de l’article 13 de la loi du
10 juin 1999, n’est pas fondé. Si cette conclusion du tribunal concernait les conditions fixées
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par l’autorisation déférée en matière d’évacuation des eaux usées, d’... de ... et de limitation
des odeurs, les demandeurs critiquent désormais les conditions figurant à la décision déférée
relatives à l’émission de gaz et de poussières. Dans ce contexte, il s’avère à la lecture de
l’autorisation litigieuse qu’elle prévoit différentes mesures relatives à l’aération des
installations projetées. Ainsi, elle impose sous l’article 1er, point III 8) que la gestion de
l’établissement est à réaliser de sorte à éviter autant que possible la formation et l’émanation
de poussières et sous le point III 9) que l’évacuation des émissions de gaz doit se faire de la
sorte à ne pas incommoder les voisins ni constituer un risque pour leur santé. Par ailleurs,
l’autorisation prévoit sous l’article 1er, point IV 1) que les ... seront distantes d’au moins dix
mètres des locaux habités ou occupés par des tiers et des établissements recevant du public et
de cinq mètres du terrain voisin et sous le point IV 2) que lorsque les ... seront équipées d’un
système d’aération disposant de ventilateurs débitant horizontalement, ceux-ci ne pourront
être installés à moins de vingt mètres des locaux habités ou occupés par des tiers et des
établissements recevant du public.
Force est dès lors de retenir qu’en ce qui concerne l’émission de gaz et de poussières
l’autorisation déférée impose suffisamment de conditions et que les demandeurs au-delà de
formuler des remarques générales et vagues, n’invoquent aucun moyen, et ne fournissent
aucun élément concret tendant à faire constater le caractère insuffisant des conditions
d’exploitation ainsi imposées. Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être
fondé.
Les demandeurs estiment encore que l’autorisation portant le numéro ... du … délivrée
par le ministre de l’Environnement à Monsieur ..., à installer et exploiter notamment une ...
pouvant ..., n’aurait pas été respectée puisque les ... actuellement plus de .... Ils en concluent
que le ministre aurait dû fermer l’établissement de Monsieur ....
A cet égard le tribunal rejoint l’analyse du délégué du gouvernement et constate
qu’une violation éventuelle de l’arrêté ministériel numéro ... du … n’affecte pas la validité de
l’autorisation soumise à examen en l’espèce, de sorte que ce dernier moyen est également à
rejeter pour ne pas être fondé.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours des
demandeurs est à rejeter pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.
Les demandeurs sollicitent encore de la part du tribunal d’ordonner l’effet suspensif
du recours pendant le délai et l’instance d’appel, sur base de l’article 35 de la loi modifiée du
21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, au motif
qu’il y aurait un risque d’un préjudice grave et définitif en cas d’exécution de l’autorisation
déférée.
Toutefois, si effectivement les demandeurs avaient craint subir un préjudice grave et
définitif, ils auraient introduit sur base de l’article 11 de la loi précitée du 21 juin 1999 une
demande tendant à obtenir l’effet suspensif de la décision sous examen. Or, tel n’a pas été le
cas, de sorte qu’il y a lieu d’en conclure à l’inexistence d’un préjudice grave et définitif tel
qu’allégué par les demandeurs, de sorte qu’il y a lieu de rejeter la demande afférente pour ne
pas être fondée.
Enfin, au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de
procédure d’un montant de … euros formulée par les demandeurs, est à rejeter.
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La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de … euros
formulée par les parties tierces intéressées est à son tour à rejeter étant donné qu’elle omet de
spécifier la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et qu’elle ne précise
pas en quoi il serait inéquitable de laisser des frais non répétibles à leur charge.
Par ces motifs,
le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
donne acte aux demandeurs qu’ils renoncent au moyen tiré du fait que le dossier de
demande était incomplet ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre principal ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par les
demandeurs ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par les parties
tierces intéressées ;
rejette la demande tendant à obtenir un effet suspensif du recours pendant le délai et
l’instance d’appel en vertu de l’article 35, alinéa 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant
règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président,
Françoise Eberhard, premier juge,
Anne Gosset, juge,
et lu à l’audience publique du 14 juillet 2011 par le premier vice-président, en présence du
greffier assumé Sabrina Knebler.
s. Sabrina Knebler s. Carlo Schockweiler
Reproduction certifiée conforme à l’original
Luxembourg, le 14 juillet 2011
Le Greffier assumé du Tribunal administratif