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Transplantation de cellules souches du sang
Rapport d’Immersion en communauté
NICOLAS BRANDT-DIT-GRIEURIN DAMIEN POLET PHILIPPE REYMOND EHTESHAM SHAMSHER Sous la supervision de : Mme L. Soguel Prof. C. Bouchardy
juin 2013
Immersion en communauté 2013
Transplantation de cellules souches du sang
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Table des matières
INTRODUCTION 4
OBJECTIF DU TRAVAIL 5
METHODE 6
HISTORIQUE DE LA TRANSPLANTATION DE CELLULES SOUCHES HEMATOPOÏETIQUES 8 LES DEBUTS 8 LES PREMIERS ESSAIS CHEZ L’HOMME 8 DATES MARQUANTES DANS LE DEVELOPPEMENT DE LA TRANSPLANTATION DE CSH 8
PHYSIOLOGIE DE LA MOELLE OSSEUSE ET DU SANG 9 MOELLE OSSEUSE 9 HEMATOPOÏESE 10 SANG 11
PATHOLOGIES DE LA MOELLE OSSEUSE ET DES ORGANES LYMPHOÏDES 12 SYNDROMES MYELODYSPLASIQUES 12 LEUCEMIES 13 LYMPHOMES 16
COMPATIBILITE POUR LA GREFFE DE CELLULE SOUCHE HEMATOPOÏETIQUE 20 GROUPE SANGUIN 20 MHC (HLA) 20 MHC 21
INDICATIONS POUR L’ALLOGREFFE 23
TECHNIQUES DE LA GREFFE 24 TECHNIQUE DE RÉCOLTE ET FILTRATION 25 THÉRAPIES FUTURES POUR SOIGNER LES PATIENTS 26
BANQUES DE DONNEES 28 QUELQUES CHIFFRES CLÉS (SELON SBSC) 28 VÉCU D’UNE PERSONNE DONNEUSE 29
LES COÛTS 30 COÛTS GLOBAUX 30 COÛTS POUR LE DONNEUR 30 COÛTS POUR L’ASSOCIATION SUISSE DES CELLULES SOUCHES DU SANG (SBSC) 30 COUTS INDIRECTS 30
LE SERVICE DE TRANSPLANTATION DE MOELLE A GENEVE 31
LE PARCOURS DU PATIENT 32
AVANT LA GREFFE 32
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LE MOMENT DU DIAGNOSTIC 32 APRES AVOIR TROUVE UN DONNEUR COMPATIBLE : L’INFO-‐GREFFE 33 BILANS PRE-‐GREFFE 34
PERIODE HOSPITALIERE (LA TRANSPLANTATION) 35
APRES LA GREFFE 37
SONDAGE ET DISCUSSION SUR LE DON DE CELLULES SOUCHES DU SANG 39
CONCLUSIONS 43
REMERCIEMENTS 45
BIBLIOGRAPHIE 46
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Introduction
« On transmet son sang, on ne transmet pas son génie. » François René de Chateaubriand
Derrière chaque maladie, chaque notion médicale, il y a le patient. C’est lui qui attend, pour qui la théorie importe peu pourvu qu’elle apporte l’espoir d’une guérison. C’est après un module d’études de quatre semaines sur le système immunitaire que nous nous sommes penchés sur le choix du sujet d’immersion en communauté. La transplantation de cellules souches du sang s’est imposée rapidement comme un projet idéal puisque faisant intervenir une multitude d’intervenants autour du patient greffé. Après avoir étudié le côté théorique de l’immunologie dans le cadre des greffes, nous étions intrigués par la face humaine du problème. Nous nous sommes donc attelés à une démarche volontairement humaine et communautaire : les notions médicales et scientifiques ont été réduites au strict minimum et plutôt sous forme de rappel. Le lecteur pourra donc partager avec nous des tranches de vies d’un malade en attente de greffe, un entretien d’une donneuse, d’un physiothérapeute, d’un psychiatre, d’une diététicienne, d’un greffé sauvé d’une leucémie depuis dix mois. Ce sont eux le centre de gravité de ce travail. D’après les données des registres du cancer publiées récemment par l’office fédéral de la statistique, en Suisse, environ 900 personnes, soit 500 hommes et 400 femmes, sont atteintes de leucémies chaque année. Les leucémies représentent environ 3% des cancers. Dans notre pays, environ 500 personnes décèdent par an de leucémies. Elles sont responsables de 3% de la mortalité par cancer dans les deux sexes. Le pronostic des leucémies dépend de l’âge de l’atteinte et du type de la maladie. Certains types ont un pronostic très favorable, d’autres moins. La fréquence de ce cancer tend à diminuer en Suisse. La baisse du nombre de leucémies est accompagnée d’une augmentation de certains types de lymphome. La baisse est probablement liée plutôt au changement de la classification de ces maladies. La fréquence de ce cancer tend à diminuer en Suisse. La baisse du nombre de leucémies est accompagnée d’une augmentation de certains types de lymphome. La baisse est probablement liée plutôt au changement de la classification de ces maladies qu’à une augmentation de l’exposition aux facteurs de risque. Pour certain type de leucémies, on observe une baisse de la mortalité qui est le plus probablement liée aux progrès thérapeutiques et notamment aux greffes de moelle. Depuis 1969 et la première greffe de moelle chez l’homme, c’est une démarche thérapeutique qui ne cesse d’évoluer. Les progrès phénoménaux ont permis de réduire sa mortalité à environ 5%. Plus que jamais un domaine de recherche en plein développement, la transplantation de cellules souches du sang permet chaque année la guérison de milliers de patients atteints de maladies malignes, immunitaires ou métaboliques. Ceci grâce à tous les chercheurs qui, depuis plus de cinquante ans, ont développé les méthodes que l’on connaît aujourd'hui. En quelque sorte et pour contredire Châteaubriand, ils nous ont transmis leur génie.
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Objectif du travail
L’objectif de ce travail est de mieux connaitre l’impact de la greffe de cellules souches hématopoïétique dans la communauté notamment sur les personnes concernées en tant que professionnel-‐le-‐s ou patient-‐e-‐s. Ce travail, outre l’expérience qu’il nous aura apporté, devrait devenir modestement un outil de dialogue entre les personnes concernées afin de pourvoir mieux intégrer dans notre système de soins l’expertise du vécu des patient-‐e-‐s et de leurs proches.
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Méthode Apres avoir tracé le cheminement thérapeutique des patient-‐e-‐s et les différentes implications médicales et non médicales associées à la greffe de cellules souche, nous avons identifié les intervenants clés à contacter afin de donner à ce travail une dimension communautaire. Les personnes contactées Nous nous sommes intéressés au vécu du patient et de son entourage, au rôle du corps soignant au sens large et au point de vue des individus sur le don de cellules souches du sang. Pour ce faire, nous avons pu rencontrer le personnel de l’unité des HUG en charge de la greffe de moelle allogénique pour toute la Suisse romande et nous immerger dans ce service, en partageant le vécu des médecins et infirmières, en assistant aux réunions de l’équipe et aux visites médicales de chaque patient de l’unité. Nous avons également pu assister à l’«info-‐greffe» qui est la première consultation du patient pris en charge par cette unité aux HUG. Pour souligner et décrire le rôle important de l’aspect pluri disciplinaire de la prise en charge des patient-‐e-‐s de cette unité, nous avons aussi interrogé la diététicienne responsable, un des psychiatres répondant et un physiothérapeute. Afin de mieux percevoir le vécu d’un patient après la greffe et l’impact sur sa vie au quotidien, nous avons eu la chance de rencontrer un patient à son domicile avec son entourage proche. Ce patient, greffé depuis environ une année, avait franchi chacune des étapes de la greffe et possédait ainsi un vécu global de cette lourde procédure. Il nous semblait également intéressant de pouvoir percevoir le vécu du donneur, un autre intervenant incontournable dans ce type de greffe. Nous avons eu la chance de rencontrer une donneuse lors de son prélèvement de cellules souches au centre de transfusion des HUG. Pour illustrer et mieux comprendre le point de vue des individus sur le don de cellules souches du sang nous avons réalisé un sondage parmi nos connaissances. Nous avons contacté 107 personnes et le taux de réponse a été de 100% Pour pouvoir relever les coûts qu’une telle prise en charge nécessite, nous avons eu une brève interview avec une assurance maladie. Questionnaires Afin de préparer nos entretiens des questionnaires d’entretien ont été établis. De même un questionnaire spécifique a été établi pour récolter le point de vue des individus « tout public »
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Sélection du sujet Nous nous sommes limités aux allogreffes en mettant volontairement de côté les autogreffes et les greffes de cordon. Nous avons décidé de focaliser notre travail sur les patient-‐e-‐s adultes et ceci pour deux raisons principales. La première était que nous avions eu la chance d’avoir un entretien très riche avec un patient adulte et la seconde résidait dans le fait que la problématique chez l’enfant aurait nécessité un travail d’immersion en communauté à part entière et que ce sujet allait être traité par un autre groupe d’étudiants en immersion. Toutefois, nous avons voulu effectuer une visite au bloc de pédiatrie afin de mieux se rendre compte de l’environnement et de l’impact particulier de la prise en charge de ce type de greffe chez des enfants et leurs parents. Les informations recueillies quant à la prise en charge de patients pédiatriques ne seront retranscrites que très brièvement dans ce travail. Revue de la littérature Nous avons revu brièvement l’historique de la greffe et les données de la littérature portant sur les pathologies à l’origine des indications des greffes effectuées chez les personnes humaines.
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Historique de la transplantation de cellules souches hématopoïétiques
Les débuts Les premiers travaux sur la transplantation de cellules souches du sang sont liés de façon dramatique à la deuxième guerre mondiale. C’est à ce moment-‐là, en observant les personnes exposées aux radiations nucléaires, que l’on réalise que la moelle irradiée entraîne la mort des patients. On consacre alors les premiers efforts de recherche dans la protection contre les rayons et c’est en 1949 que Jacobson montre que des souris exposées à une dose létale de radiation survivent si leur rate est protégée par une feuille de plomb. Lorenz démontre en 1951 et chez l’animal la réversibilité des effets radioactifs par la transfusion de cellules spléniques saines1. C’est Barnes qui rapporte pour la première fois le traitement d’une souris atteinte de leucémie murine par une irradiation supra létale suivie par une transplantation de moelle allogénique.
Les premiers essais chez l’homme Le premier patient transplanté d’une moelle allogénique est rapporté par Mathé en 1965. Finalement, le patient mourra des suites de complications probablement liées à la maladie greffe contre hôte (GVHD). Il faut attendre la description des antigènes HLA par Dausset et van Rood pour permettre le succès d’une transplantation de moelle allogénique chez l’homme. Se basant sur ses travaux sur les chiens, Thomas réussit en 1969 la première transplantation de moelle d’un donneur apparenté pour traiter une leucémie. En 1977, il décrit une telle thérapie entre individus non apparentés, ce qui ouvre la voie aux banques de données nationales de donneurs1.
Dates marquantes dans le développement de la transplantation de CSH (Modifié de Appelbaum 2002) 1949 Expériences de protection de la rate par Jacobson 1951 Transfusion de cellules saines de rate de souris irradiées pour contrer les effets de
la radiation 1956 Démonstration de traitement de la leucémie murine par irradiation/transplantation 1962 Première transplantation allogénique réussie chez le chien 1968 Description du système HLA 1969 Thomas réussit la première transplantation allogénique thérapeutique chez un
donneur HLA-‐identique apparenté 1977 Première application thérapeutique par Thomas d’une transplantation allogénique
entre individus non apparentés
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Physiologie de la moelle osseuse et du sang
Moelle osseuse La moelle osseuse est une structure à l’intérieur des os responsable de l’hématopoïèse, la formation des diverses lignées des cellules sanguines (érythrocytes, leucocytes, thrombocytes). Durant la vie fœtale, cette fonction est initialement réalisée par le sac vitellin, puis par le foie et la rate, puis finalement à partir du 7ème mois par la moelle osseuse2. La moelle osseuse se compose de deux compartiments : le compartiment médullaire de soutien, composé notamment de fibroblastes et le compartiment cellulaire hématopoïétique, très vascularisé, contenant notamment les cellules souches hématopoïétiques. Chez l’adulte, la moelle osseuse représente environ un volume de 1.7 L et contient 1012 cellules hématopoïétiques2. On peut encore distinguer deux types de moelle osseuse : celle rouge, lieu de l’hématopoïèse, et celle jaune, principalement composée de tissu adipeux. Chez l’enfant, la moelle est presque entièrement rouge. Chez l’adulte, elle persiste dans le crâne, la clavicule, les vertèbres, côtes, sternum, pelvis et dans les métaphyses des os longs2. Les diaphyses des os longs des adultes sont principalement remplies de moelle jaune. Cette dernière peut redevenir rouge en cas de besoin accru d’hématopoïèse (hémorragie, par exemple). Dans certains cas pathologiques où la moelle osseuse n’est plus correctement fonctionnelle (syndrome myélodysplasique, par exemple), l’hématopoïèse peut être de nouveau réalisée par le foie et la rate (hématopoïèse extra-‐médullaire).
Exemple d’histologie de la moelle, principalement La lignée érythroïde (http://hematocell.univ-‐angers.fr)
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Hématopoïèse La clef de l’hématopoïèse réside dans les cellules souches hématopoïétiques (CSH). Elles ont la capacité de s’auto-‐renouveler ainsi que de se différencier dans les diverses lignées sanguines, et ce durant toute la vie. Il en existe environ 106 à 107 cellules, soit 0.05% des cellules hématopoïétiques2. On peut les reconnaitre grâce à des marqueurs de surface, comme c-‐kit. Un autre marqueur important, CD34 est présent sur les CSH ainsi que sur certains progéniteurs3. C’est le marqueur utilisé en clinique pour identifier et isoler les CSH, notamment durant la greffe de cellule souche hématopoïétique (HSCT). Les CSH donneront ensuite origine à deux lignées souches : celle lymphoïde et celle myéloïde. La lignée lymphoïde aboutie principalement à 3 types cellulaires : les lymphocytes T, les lymphocytes B et les cellules NK. La lignée myéloïde donnera : érythrocytes, mégacaryocytes (dont les fragments sont les plaquettes), et lignée granulocyte-‐monocyte qui donnera d’un côté les neutrophiles, basophiles et éosinophiles, et de l’autre les macrophages. Le type et la quantité de cellules formées sont sous contrôle des facteurs de croissance hématopoïétique. Par exemple : -‐Erythropoïétine, synthétisée par le rein, stimule la formation d’érythrocytes -‐Thrombopoïétine, synthétisée par le rein et le foie, stimule la formation de thrombocytes -‐IL-‐7, stimule la formation de lymphocytes ; IL-‐2 induit ensuite vers la voie T ; IL-‐6 vers la voie B -‐les CSF, qui stimulent la formation des différentes lignées granulocytaires et monocytaires. G-‐CSF est administré, par exemple, lors du prélèvement de CSH chez le donneur pour stimuler le passage des CSH de la moelle vers le sang périphérique4.
Schéma de l’hématopoièse (http://www.memoireonline.com)
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Sang Le sang est un mélange de cellules et de plasma. Les cellules, dont le sang est principalement composé, sont : -‐les érythrocytes, cellules biconcaves sans noyau, qui transportent l’oxygène (et du CO2) grâce à l’hémoglobine. Ils représentent la très grande majorité des cellules sanguines, avec une concentration de 5M/mm3 de sang5 et vivent environ 120J. 250G nouveaux érythrocytes sont produits par la moelle chaque jour5. Le pourcentage de volume du sang occupé par les érythrocytes s’appelle l’hématocrite et représente environ 42 à 47%2.
-‐Les thrombocytes, essentiels à la formation de caillot sanguins. Leur concentration est de 250K/mm3 de sang. Ce sont des fragments cytoplasmiques de mégacaryocyte et ne possèdent également pas de noyau.
-‐les leucocytes, cellules du système immunitaire. Leur concentration totale est d’environ 7K/mm3. Il en existe de nombreux types cellulaires différents :
Dans les granulocytes : -‐les neutrophiles : représentent entre 50 et 70% des leucocytes totaux5. Ils sont surtout impliqués au début de la réponse immune, durant la réponse inflammatoire, et leur fonction principale est la phagocytose des bactéries. Ils vivent environ 6 à 7h dans le sang2.
-‐les éosinophiles : 1 à 4% des leucocytes5. Ont surtout une action antiparasitaire et ont un rôle dans l’allergie. -‐les basophiles : 0.1 à 0.3%5. Ils ont un rôle dans la réponse inflammatoire et dans les allergies. Dans les agranulocytes : -‐les monocytes : 2-‐8%5. Ils circulent dans le sang pendant 12 à 100 heures puis migrent dans les tissus pour se différencier en macrophages. Ils sont impliqués dans de nombreux processus tels que : phagocytose, amplification de la réponse immune via la production de cytokines, activation des lymphocytes par présentation d’antigène, fibrose.
-‐les lymphocytes : 20-‐40%5. Il en existe 3 types principaux : -‐les lymphocytes B : se différencient d’abord dans la moelle, puis dans les ganglions lymphatiques après activation. Ils sont impliqués dans la formation d’anticorps (plasmocytes) et peuvent vivre potentiellement des années (cellule B mémoire) -‐les lymphocytes T : se distinguent en deux types principaux : CD4 (impliqués dans de nombreuses fonctions, comme la modulation de la réponse immune, la formation d’anticorps ou le relâchement de cytokines) et CD8 (cytotoxiques, impliqués entre autre dans la réponse antivirale et anti-‐tumorale). Ils commencent leur maturation dans le thymus, et c’est à ce moment qu’ils sont éduqués à ne pas réagir contre les éléments du soi. -‐cellules NK : impliquées dans la réponse antivirale et anti-‐tumorale
Des cellules typiquement présentent dans les tissus :
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-‐les cellules dendritiques peuvent migrer dans les ganglions lymphatiques après avoir capturé un antigène et sont les plus puissants activateurs (par présentation d’antigène) des lymphocytes. -‐les mastocytes : on les trouve dans les tissus et sont impliqués notamment dans l’initiation de la réponse inflammatoire par le relâchement d’histamine. Sont impliqués dans l’allergie
Pathologies de la moelle osseuse et des organes lymphoïdes
Syndromes myélodysplasiques
Généralités Les syndromes myélodysplasiques (SMD) comportent différentes maladies hématologiques qui ont en commun une atteinte clonale des HSC6 et de la lignée myéloïde. L’hématopoïèse ne se fait plus correctement (dysplasie médullaire) et résulte en une cytopénie sanguine. L’incidence est de 5/100'000 habitants par an, l’âge médian du diagnostic est 70 ans et est rare avant 50 ans. On ne connait pas l’origine de la majorité des cas, le reste peut être consécutif à l’exposition à des agents toxiques (radiation, chimiothérapie) ou en relation à une maladie génétique (comme trisomie 21)6. Une des complications majeures des syndromes myélodysplasiques est le risque d’évolution en leucémie myéloïde aigue (LMA). Les différents types de SMD sont classés par l’OMS (entre autres) en fonction du type de lignées affectées, de la proportion de blastes et de leur aspect, dans le sang et dans la moelle. Ceux-‐ci ont des risques de complications différents. On y trouve par exemple : l’anémie réfractaire, sans blastes dans le sang ; les anémies réfractaires avec excès de blastes (AREB-‐1, AREB-‐2), avec blastes dans le sang ; ou le SMD avec délétion isolée du chromosome 5 (5q-‐), avec peu de passage en LMA.
Pathogénèse Une mutation initiale de HSC cause une altération du cycle cellulaire et résulte en une expansion clonale. Ceci résultera en une perturbation du tissu conjonctif de soutien et une altération de cytokines qui causera une hématopoïèse inefficace et une augmentation de l’apoptose cellulaire7. On assiste également à des troubles de la maturation de cellules mutées, ce qui engendre une blastose médullaire. Au-‐delà de 20% de blastes dans la moelle (ou dans le sang), on assiste à une LMA. Ceci survient après acquisition de mutations supplémentaires.
Symptômes et signes Asymptomatique ou peu spécifique et sont liés à la cytopénie périphérique : anémie (fatigue, essoufflement), neutropénie (augmentation du risque d’infection), thrombopénie (ecchymoses, saignements de nez).
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Diagnostic Souvent diagnostiqué par hasard suite à un bilan sanguin ou suite aux symptômes dus à la cytopénie. Pour poser le diagnostic et définir le pronostic (grâce à la détermination du sous-‐type entre autres), il faut pratiquer un bilan sanguin approprié, une biopsie de moelle et une analyse cytogénétique et moléculaire. D’autres examens peuvent également être recommandés pour permettre un choix thérapeutique approprié (dosage de ferritine pour l’administration de chélateur du fer, par exemple).
Pronostic Pour déterminer le pronostic, on utilise un système de score. Il en existe différents (comme IPSS OU WPSS) qui prennent en compte des paramètres tels que le degré de cytopénie, le caryotype ou le % de blastes pour déterminer dans quel groupe de risque le patient se situe et estimer sa durée de survie ainsi que le traitement de choix. Dans le système WPSS un risque intermédiaire correspond à une survie moyenne de 48 mois, un risque très élevé à 9 mois, un risque très bas à 141 mois6. D’autres comorbidités, comme les maladies cardiaques, sont également prisent en compte pour le choix du traitement (notamment pour l’éligibilité à la greffe).
Traitements La première forme de traitement est symptomatique. Pour compenser l’anémie, on peut administrer de l’EPO ou faire des transfusions. Pour compenser la neutropénie, donner des antibiotiques ou prescrire du G-‐CSF. Pour compenser la thrombopénie, on peut transfuser des plaquettes, mais il faut faire attention au risque d’immunisation contre. Une conséquence des transfusions sanguines peut être une surcharge de fer et une sidérose (déposition de fer dans les tissus), un chélateur du fer peut ainsi être préscrit6. Le traitement curatif de choix est l’allogreffe de moelle et est indiqué lorsque l’âge, l’état du patient, et la sévérité de la maladie sont appropriés. L’intensité de la chimiothérapie avant la greffe dépend du type de SMD. Les SMD sont une des indications principales de HSCT. Il existe également d’autres traitements, comme les agents hypométhylants, qui permettent de réduire le risque de complication en LMA6, ou le lénalidomide, utile pour le traitement du SMD 5q-‐.
Leucémies
Généralités Les leucémies sont un groupe de cancers hématopoïétiques affectant principalement la moelle osseuse. Une des caractéristiques typique des leucémies est l’augmentation de cellules hématopoïétiques immatures (blastes) dans le sang et dans la moelle. Elles sont typiquement subdivisées en différentes catégories : aigue (évolution rapide, symptômes importants) ou chronique (progressent lentement, apparaissent rarement avant 30 ans, peu
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chez les enfants) ; et en fonction de la lignée, lymphoïde ou myéloïde. Les versions aigue ou chronique sont des maladies différentes, pas simplement la même avec une durée d’évolution différente. Il existe encore d’autres subdivisions (classification OMS). -‐Leucémie myéloïde aigue (LMA) : incidence de 3.5/100’000/an. Le risque augmente avec l’âge. L’âge moyen de diagnostic est de 67 ans8. -‐Leucémie lymphoïde aigue (LLA) : Affecte principalement l’enfant et le jeune adulte. -‐Leucémie myéloïde chronique (LMC) : incidence de 1.5/100’000/an. L’incidence croit rapidement après 40 ans8. -‐Leucémie lymphoïde chronique (LLC) : l’âge moyen du diagnostic est de 60 ans9. Il s’agit de la leucémie adulte la plus fréquente9.
Pathogénèse -‐LMA : Des mutations acquises dans des gènes ayant un rôle dans la différentiation de la lignée myéloïde sont impliquées dans le développement d’une LMA (mutation dans CBF ou dans la voie des tyrosine-‐kinases, par exemple). Un facteur de risque important est l’exposition à une chimiothérapie (notamment les agents alkylants) ou à une radiothérapie ainsi que la pré-‐existence d’un syndrome myélodysplasique. On assiste à une prolifération excessive de blastes et leur passage dans le sang. Cette prolifération se fait au détriment des formes matures, et on assiste ainsi à une baisse des érythrocytes, de leucocytes et des thrombocytes. La LMA progresse très rapidement, avec des symptômes majeurs pouvant apparaître en quelques semaines9. -‐LLA : la majorité (90%9) est associée à des anomalies chromosomiques. La pathogénèse est ensuite similaire à la LMA, mais affectant principalement la lignée lymphocytaire. -‐LMC : 90% des cas de LMC sont liés au chromosome philadelphie10. Il s’agit du nom du chromosome 22 après translocation réciproque 9:22. Ceci se produit après la naissance et n’est pas transmissible ou congénitale10. Il en résulte une protéine chimérique, BCR-‐ABL. ABL est une tyrosine-‐kinase impliqué dans la prolifération cellulaire qui n’est maintenant plus régulé et actif constitutivement. Ceci résulte en une augmentation des précurseurs myéloïde ainsi que de granulocytes matures et immatures. Le degré de maturation étant plus élevé dans les maladies chroniques, les symptômes sont moins sévères et prennent des mois ou des années à se manifester. Cette maladie, lorsque non traitée, se transforme en moyenne en 4 ans en leucémie aigue8. -‐LLC : Rarement le résultat de translocation. Il est plus souvent lié à une délétion au niveau du chromosome 13 où se situent des gènes qui régulent des gènes suppresseurs de tumeur ou une trisomie 129. On pense que les cellules impliquées seraient des lymphocytes B mémoire ou des cellules B naïves. Les transformations en forme plus agressives sont rares (<10%2).
Signes et symptômes -‐LMA : suite à la cytopénie, on a une fatigue et un essoufflement (baisse d’oxygène), des infections (notamment opportunistes), des problèmes de coagulation (saignement de nez, ou gencives qui saignent lors de brossage de dents, par exemple). On peut également observer des agrandissements d’organes infiltrés (splénomégalie, hépatomégalie, adénopathie)
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-‐LLA : similaire à LMA. On peut cependant aussi assister à des manifestations neurologiques à cause de l’infiltration méningée telle que des céphalées, des vomissements ou des paralysies beaucoup plus fréquemment que dans la LMA9. -‐LMC : Asymptomatique ou peu de symptômes. On assiste généralement à une fatigue, une perte de foie et une splénomégalie. On peut occasionnellement voir des infections, des thromboses ou des saignements. -‐LLC : Asymptomatique ou peu de symptômes. Fatigue, perte de poids, hépato/splénomégalie, adénopathie.
Diagnostic -‐LMA : il se fait par hémogramme et biopsie médullaire avec analyse histologique, cytogénétique et moléculaire. On doit noter la présence d’au moins 20% de blastes myéloïdes dans la moelle (en dessous, on reste encore dans un SMD) ainsi qu’une baisse des autres types cellulaires hématopoïétiques. -‐LLA : même procédure que LMA. On doit noter une augmentation de lymphoblastes médullaires. -‐LMC : Souvent diagnostiquée de façon fortuite lors d’un examen sanguin. La procédure est similaire aux autres leucémies. On doit noter la présence de blastes dans le sang, mais moins de 5%8. Entre 5 et 20%, il s’agit de la période d’accélération de la maladie, au-‐delà de 20%, il s’agit d’une LMA. L’analyse cytogénétique permet de mettre en évidence le chromosome Philadelphie.
-‐LLC : Même procédure. On doit noter une lymphocytose sanguine et une infiltration de la moelle. L’analyse génétique peut révéler l’anomalie sur le chromosome 13 ou une trisomie 12.
Leucémie myéloïde aigue : sang, frottis et biopsie de moëlle
(http://www.lookfordiagnosis.com)
Pronostic -‐LMA : elle est difficile à traiter. 60% en rémission complète après chimiothérapie9 mais seulement 15%-‐30% ne récidivent pas dans les 5 ans9. Le pronostic dépend de la sous-‐catégorie. Celles associés à une translocation chromosomique ont un meilleur pronostic que celles se développant suite à un SMD ou à une chimiothérapie. Ces deux dernières doivent typiquement être traitées par HSCT.
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-‐LLA : Meilleur chez l’enfant que l’adulte après traitement (90% vs 50% de survie à long terme sans maladie8) -‐LMC : Avant le développement de l’imatinib, la médiane de survie était de 4 ans, dont 10% décédé la première année. Depuis l’imatinib, 95% des patients sont en rémission complète et seulement 3% évoluent vers une poussée blastique (leucémie aigüe). Une résistance peut se développer et une récidive apparaître. -‐LLC : La moyenne de survie est supérieure à 10 ans et certains patients n’ont jamais besoin de traitement8.
Traitements -‐LMA : A cause de leur évolution rapide, le traitement doit rapidement être mis en place. Il dépendra du cas (facteurs pronostiques, âge, antécédents) mais consiste typiquement en une chimiothérapie agressive qui peut être suivi par une greffe de cellule souche hématopoïétique. Ce traitement est associé à un support de transfusions sanguines et de prophylaxie par antibiotiques, antifungiques et antiviraux. -‐LLA : Similaire à LMA. -‐LMC : Le traitement principal est d’abord l’imatinib, un inhibiteur des tyrosine-‐kinases. Si le patient ne tolère ou qu’une résistance au médicament s’installe, on peut avoir recourt à une chimiothérapie et une greffe de moelle. -‐LLC : Ceux qui ont besoin de traitement bénéficient d’une chimiothérapie ou de rituximab (anti-‐CD20). La greffe de moelle est déconseillée à cause du risque/bénéfice défavorable (entre autre dû à l’âge et à la nature chronique de la maladie)
Lymphomes
Généralité Les lymphomes sont des maladies cancéreuses affectants des cellules de la lignée lymphocytaire. La grande majorité affecte les lymphocytes B (85-‐90%), parfois les lymphocytes T, et rarement les cellules NK9. Contrairement aux leucémies, où la maladie se développe principalement dans la moelle osseuse et le sang, les lymphomes se localisent typiquement au niveau des organes lymphoïdes ganglionnaires ou extra-‐ganglionnaires (rate, plaques de Peyer, appendice, …)9. Il s’agit des cancers hématologiques les plus fréquents. On subdivise classiquement les lymphomes en deux catégories : les lymphomes Hodgkiniens et non-‐Hodgkiniens. -‐Lymphomes Hodgkiniens : Il s’agit d’un des cancers les plus fréquents chez le jeune adulte, l’âge moyen du diagnostic étant vers 30 ans9. Ils se développent surtout dans les ganglions axiaux (comme le médiastin et l’aire cervicale) et les atteintes extra-‐ganglionnaires sont rares. Ils débutent dans un premier ganglion et se propagent vers d’autres ganglions adjacents. La caractéristique typique du lymphome de Hodgkin est la présence de quelques cellules de Reed-‐Sternberg (large cellule à gros nucléole et à noyaux multiples ou polylobés)
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entourées de nombreuses cellules immunitaires (lymphocytes, macrophages, neutrophiles et éosinophiles principalement) non-‐tumorales (cellules réactionnelles). En fonction des caractéristiques histologiques, le lymphome hodgkinien peut encore être distingué en 5 catégories (classification OMS).
Cellule de Reed-‐Sternberg
(http://www.dasmaninstitute.org)
-‐Lymphomes non-‐Hodgkiniens : Ils sont environ 8 fois plus fréquents que Hodgkiniens et peuvent se développer dans n’importe quelle aire ganglionnaire. Ils touchent généralement les ganglions mais peuvent également toucher les organes lymphoïdes extra-‐ganglionnaires. Contrairement au lymphome de hodgkin, ils peuvent d’emblée se trouver dans plusieurs sites simultanément et ne se propagent pas forcément aux ganglions adjacents. Ils sont composés surtout de cellules tumorales. Les lymphomes non-‐Hodgkiniens sont divisés en de nombreux sous-‐types (plus de 20) en fonction de l’histologie (OMS). Ceux-‐ci peuvent toucher différentes catégories d’âge. Une autre distinction importante est la subdivision en haut grade (cellules immatures et cancer agressif) et bas grade (cellules plutôt matures et cancer peu agressif). Exemples :
-‐Le lymphome de Burkitt touche principalement l’enfant, est extra-‐ganglionnaire et agressif. -‐Le lymphome diffus à grandes cellules B (35% des lymphomes non-‐Hodgkinien1) touche lui l’adulte et est également agressif. -‐le lymphome de MALT : petites lymphocytes B matures (bas grade) qui touche principalement les muqueuses.
Adénopathie cervicale (http://www.medimiss.net)
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Pathogénèse -‐Lymphomes Hodgkiniens : la cellule tumorale est issue d’une cellule B mutée du centre germinatif qui a perdu l’expression de marqueurs des cellules. Elle produit des cytokines qui aboutissent à l’accumulation des cellules immunitaires autours. Le virus EBV peut favoriser le développement du lymphome. -‐Lymphomes non-‐Hodgkiniens : la pathophysiologie varie beaucoup en fonction du type. Certains sont le résultat de mutations spécifiques (mutation sur Bcl-‐6 peut causer un lymphome diffus à grandes cellules B), d’autres induites par des agents infectieux (exemples : Helicobacter pylori pour lymphome de MALT gastrique, EBV immortalise les lymphocytes B et peut causer un lymphome de Burkitt). Certains médicaments, comme les immunosuppresseurs, peuvent également favoriser la survenu du lymphome.
Symptômes et signes Les symptômes classiques des lymphomes sont l’adénopathie et les symptômes B (fièvre, sudation nocturne et perte de poids). Certains lymphomes profonds peuvent également causer une toux ou une douleur suite à la compression par le ganglion. On peut assister aussi à une hépato ou splénomégalie.
Diagnostic Le diagnostic est essentiellement basé sur la biopsie (à l’aiguille ou chirurgicale). On procède à l’analyse histologique, immunohistochimique et moléculaire.
Aspect macroscopique typique de ganglion atteint par un lymphome « chair de poisson »
(http://umvf.univ-‐nantes.fr)
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Pronostic -‐Lymphome Hodgkinien : dépend du stade de la maladie au moment du diagnostic. Au stade précoce, le traitement résulte en plus de 90% de survie à 5 ans9. Au stade avancé, la survie après traitement est de 60% à 5 ans. Un des effets secondaires des traitements utilisés est le risque augmenté de développer un deuxième cancer comme une LMA, un SMD ou un lymphome non-‐Hodgkinien.
-‐Lymphome non-‐Hodgkinien : dépend beaucoup du type de lymphome. Les lymphomes de bas grades guérissent rarement, mais la survie est bonne (60 à 70% à 10 ans9). Pour les hauts grades, la survie sans traitement est nettement moins bonne (décèdent en quelques années). En revanche, grâce aux chimiothérapies agressives, il est possible d’obtenir une rémission (95% de rémission complète pour le lymphome lymphoblastique aigue de l’enfant, 60-‐80% pour le lymphome diffus à grandes cellules B dont 40-‐50% complètement guéris.)
Traitements Malgré la nature solide des lymphomes, la chirurgie n’est pas envisageable car les lymphomes sont trop diffus. Pour les lymphomes Hodgkiniens, la base du traitement est la combinaison d’une chimio et d’une radiothérapie. Pour les non-‐Hodgkiniens, la chimiothérapie et/ou les anticorps monoclonaux (comme rituximab, anti-‐CD20, molécule de surface présente sur les lymphocytes B). Les traitements peuvent être combinés à une prise de glucocorticoïdes. La greffe de moelle est principalement utilisée lors de lymphomes Hodgkiniens et non-‐Hodgkiniens de haut grade qui ont récidivé après un premier cycle de traitement. Une chimiothérapie et/ou radiothérapie très agressive, destructrice pour la moelle osseuse, peut également nécessiter une greffe de moelle. Le lymphome affectant rarement la moelle osseuse, la greffe est plus souvent autologue que lors de leucémie ou SMD. Une greffe allogène peut être requise suite à une complication cancéreuse (LMA, SMD) associé à la chimiothérapie ou d’infiltration médullaire par le lymphome.
Exemple de pathologies non-‐malignes de la moelle Il existe aussi d’autres pathologies de la moelle osseuse tel que : -‐des immunodéficiences (comme syndrome de Wiskott-‐Aldrich ou lymphocytes nus) -‐anémie aplasique (diminution de progéniteurs érythroïdes d’origine non-‐cancéreuse, comme maladie de Fanconi ou suite à la prise médicamenteuse) -‐des hémoglobinopathies (comme la thalassémie)
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Compatibilité pour la greffe de cellule souche hématopoïétique On distingue deux types principaux de HSCT : la greffe autologue, où le patient reçoit ses propres cellules prélevées auparavant, et la greffe allogène, où il reçoit des cellules souches provenant d’un donneur. Ces dernières proviennent de la moelle osseuse, du sang du cordon ombilical, ou plus typiquement du sang périphérique (après stimulation par G-‐CSF). La transplantation d’organes se heurte à 3 barrières principales : le groupe sanguin, les antigènes majeurs d’histocompatibilité (MHC ou HLA) et les antigènes mineurs d’histocompatibilité (mHC). Dans la HSCT, seules les deux dernières sont importantes11.
Groupe sanguin Différents groupes sanguins sont divisés en fonction des antigènes de surface des érythrocytes. Le principal système de groupe principal est celui ABO. Une bonne compatibilité est essentielle pour la transfusion sanguine et très importante pour la transplantation d’organes solides (antigènes ABO aussi exprimés à la surface des cellules endothéliales de l’organe12). Pour la HSCT, la majorité des érythrocytes du donneur peuvent être enlevée de la greffe et la cellule souche n’exprime pas de ABO, ce système et n’a donc qu’une importance mineure. Après la greffe, le receveur peut même changer de groupe sanguin.
MHC (HLA) Les MHC ont un rôle unique dans la reconnaissance du soi, du non-‐soi et dans l’initiation de la réponse immune. Ce sont des molécules de surfaces impliquées dans la présentation de peptides aux lymphocytes T, ainsi que dans leur activation et action. Il existe deux classes de MHC. La classe 1 est présente sur toutes les cellules nucléées, est reconnue par les lymphocytes T CD8. La classe deux est présente sur les cellules présentatrices d’antigène (cellules dendritiques, macrophages, lymphocytes B) et est reconnue par les lymphocytes T CD4. Le complexe génique contenant les MHC est situé sur le chromosome 613 et s’y trouvent plusieurs gènes codant pour des MHC différents. Pour le MHC de classe 1, il s’agit principalement des gènes HLA-‐A, B et C ; pour celui de classe 2, HLA-‐DQ et DR (et DP, mais pas pris en compte en général lors de greffe). Les deux allèles des gènes MHC sont exprimés (codominance). Une compatibilité sur ces 5 HLA par allèle (10 total) est dite de 10 sur 10. Possédant un fort degré de polymorphisme (750 HLA-‐B différents, 430 HLA-‐A11), il est difficile de trouver quelqu’un de compatible. Un frère ou une sœur a 25% de chance d’hériter des deux mêmes allèles ; un parent n’aura toujours qu’un seul allèle similaire et n’est ainsi jamais HLA identique. On note également que certains HLA peuvent être plus ou moins fréquents en fonction du groupe ethnique. Pour déterminer quel HLA possède un individu, on procède à un typage HLA, qui peut se réaliser par sérologie ou par séquençage de l’ADN. La compatibilité des MHC est essentielle pour la HSCT et la greffe d’organe solide.
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mHC Les mHC sont des peptides polymorphiques ou présents chez un individu et pas chez l’autre. Ceux-‐ci peuvent être présentés par des MHC et engendrer une réaction immune, mais plus faible que lors d’un mismatch MHC. Ils sont d’importance négligeable lors d’une transfusion sanguine, d’importance mineure lors d’une transplantation d’organe solide, mais importants lors d’une HSCT (même lors d’une compatibilité MHC, on a 30% de GVHD11). Un exemple typique est lorsque le receveur est un homme et le donneur une femme. Les cellules T du donneur reconnaissent les protéines exprimées par le chromosome Y (antigène H-‐Y) comme faisant partie du non-‐soi et une réaction immune est induite. Les mHC étant trop nombreux et le GVHD causé moins sévère, on n’en tient pas compte lors de la recherche de compatibilité. Maladie du greffon contre l’hôte (GVHD) : Une des complications majeures de la HSCT est la GVHD, il s’agit de l’équivalent du rejet de greffe dans la transplantation d’organe solide ; sauf qu’ici le greffon rejette l’hôte. Il en existe une forme aigue, qui commence dans les premières semaines et une forme chronique, qui peut commencer après le 100ieme jour11. Pas tous les patients ne développeront une GVHD significative: 30% chez frère/sœur compatible et 60% si le donneur compatible mais non-‐apparenté14; 20 à 50% qui survivent plus de 6 mois auront une GVHD chronique et est prédisposé par une GVHD aigue14. La forme aigue est causée par les lymphocytes T alloréactifs du donneur présents au moment de la greffe qui, après avoir été activés par des cellules dendritiques dans les ganglions, engendrent une réponse contre les cellules du receveur. Presque tous les organes peuvent être affectés, mais les principaux sont la peau, les muqueuses, le tractus gastro-‐intestinal et le foie. Ces organes sont le plus atteints par la chimiothérapie et/ou radiothérapie (par exemple à cause de forte prolifération cellulaire) et l’inflammation qui en résulte stimule la réponse immune12. Ceci causera entre autre un rash cutané, des diarrhées et une augmentation de la bilirubine12. En fonction de la sévérité de ces 3 symptômes, on définit une échelle de 0 à 4, avec des pronostics cliniques et prise en charge thérapeutique différents. Les lymphocytes T présent au moment de la greffe ont une durée de vie limitée, la GVHD aigue donc aussi, les nouveaux lymphocytes T formés par les cellules souches du donneur étant éduqués par le thymus du receveur. La forme chronique présente des éléments d’auto-‐immunité et d’immunodéficience et touche fréquemment la peau, la bouche et les yeux. Les infections qui résultent de l’immunodéficience sont la principale cause de mort de la GVHD chronique11. Elle se résout en général en 1 à 3 ans, cette période nécessitant le maintien d’un traitement14. Il existe plusieurs moyens pour essayer de réduire la GVHD. On peut : -‐prescrire des immunosuppresseurs comme la cyclosporine, le méthotrexate ou des glucocorticoïdes. Ces derniers doivent être associés à une prophylaxie contre les infections. -‐enlever les cellules T du donneur de la greffe (déplétion des cellules T). Ceci peut cependant augmenter le risque que la greffe ne prenne pas et réduire l’effet GVL. Cette technique est pratiquée à Genève. -‐avoir la meilleure compatibilité possible -‐Si la maladie le permet, l’éviter complètement en utilisant une autogreffe au lieu d’une allogreffe.
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Illustration d’un rash cutané suite à une GVHD (http://lotas.com.br/download/gvhd-‐skin)
L’aspect bénéfique de la GVHD, la greffe contre la leucémie (GVL) : Les cellules du donneur ne réagissent pas seulement contre les cellules saines, mais également contre les cellules cancéreuses. Ceci permet d’utiliser un traitement chimiothérapique avec ou sans radiothérapie (conditionnement) moins lourd. Réduire la GVHD a ainsi également des effets négatifs, comme l’augmentation du risque de récidives. Echec de la prise de la greffe : plusieurs facteurs peuvent en augmenter le risque, tel que : -‐nombre insuffisant de cellules souches transplantées (250 à 500 millions de cellules cd34+ nécéssaires12) -‐lésion des cellules souches pendant la phase de stockage et de transport14. -‐certaines infections comme CMV ou HSV-‐614
-‐un conditionnement insuffisant peut engendrer un maintien suffisant du système immunitaire du receveur pour causer un rejet. -‐une déplétion des cellules T de la greffe. -‐des cellules souches provenant de la moelle ou du cordon plutôt que du sang périphérique. Dans ce cas, on peut tenter d’utiliser des facteurs de croissance et/ou d’immunosuppresseurs. Cependant une deuxième greffe est souvent envisagée.
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Indications pour l’allogreffe Afin d’illustrer les indications de la greffe allogénique des cellules souches du sang, les données recensées au Royaume-‐Uni en 2009 sont présentées dans la figure ci-‐dessous, selon15. Nous remarquons que la leucémie aigue et chronique, le lymphome et les syndromes myélodysplasique, myéloprolifératif (MDS/MPS) représentent les principales indications à effectuer ce type de greffe. Nous remarquons également que les maladies dues aux plasmocytes peuvent être traitées par allogreffe, même si dans ce cas-‐ci, de même que pour le lymphome la plupart des traitements ce font par greffe autologue.
Indications pour l’allogreffe au Royaume-‐Uni en 2009. Selon “Crawley et Spitzer 2011 et British Society for Blood and Marrow Transplantation“
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Techniques de la greffe Un résumé des 3 formes actuelles de don de cellules souches et leurs particularités respectives est présenté dans le tableau ci-‐après. Moelle osseuse Sang périphérique
(Aphérèse) Cordon
Prélèvement crête iliaque veines périphériques Préparation anesthésie générale -‐ facteur de
croissance G-‐CSF pendant 5 jours -‐ pas d’anesthésie
Hospitalisation
plusieurs jours ambulatoire
∼ 20 % des dons ∼ 80 % des dons Quantité de cellules plus importante faible, nécessite
fréquemment 2 cordons chez l'adulte
Effets secondaires mal de dos, anémie Vitesse d'apparition des leucocytes
++ +++ +
Résumé des 3 formes actuelles de don de cellules souches hématopoïétiques et leurs caractéristiques selon SBSC et (Crawley and Spitzer 2011) Parmi les avantages du prélèvement par le sang périphérique, on peut citer l’absence d’anesthésie et le fait qu’il s’effectue en ambulatoire. Il représente actuellement le don de cellules souches du sang le plus fréquent, se fait à environ 80 % en comparaison des 20 % par prélèvement de moelle osseuse (fig. ci-‐dessous). Cette dernière reste cependant nécessaire lorsque, par exemple, le donneur ne répond pas bien au traitement de facteur G-‐CSF ou qu’il n’y a pas de déplétions de cellules T, car ceci limite le risque de la maladie du greffon contre l’hôte (GVHD). Le don de cordons, par contre, présente un potentiel prolifératif élevé, une meilleure tolérance et une compatibilité requise moins élevée.
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Evolution du nombre de dons dans le monde et la répartition entre moelle osseuse et sang périphérique (WMDA, SBSC).
Technique de récolte et filtration Le sang prélevé d’une veine du bras du donneur circule en circuit fermé au travers d’un appareil de séparation des cellules du sang et est réinjecté sur une veine de l’autre bras. Cette machine est également utilisée pour le receveur.
Aphérèse (Source : www.cancer.gov) Il est à noter que la priorité est toujours donnée à la santé du donneur et son état est surveillé en continu par le personnel soignant présent a ses cotés. Pour faire face par exemple à l’un des 1ers soucis rencontrés qui est que le sang « ne sort pas », la présence d'air
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dans la circulation qui déclenche automatiquement une alarme et la diminution des plaquettes qui est un risque important pour le donneur. La machine filtre environ 3 masses équivalentes du volume circulant contenant environ 3 106 cellules / kg de sang, mais le rendement diffère en fonction des patients. Le personnel soignant contrôle en permanence la qualité, la couleur de la poche de récolte du sang. Le donneur est perfusé avec un anticoagulant, du NaCl, et du plasma. La séparation à proprement dite des cellules du sang se fait premièrement par gravité puis par élutriation qui consiste à séparer par le diamètre, les plaquettes plus petites sortant en premier (cf figure ci-‐dessous).
Schéma du système d’aphérèse de la société Terumobct. Lors d’un prélèvement qui dure environ 4h (maximum 5h), une poche d’environ 500 ml de cellules est récoltée dont il faudrait essayer d’avoir un minimum de granulocytes qui peuvent dégranuler et atteindre les autres cellules de la poche. Conditionnement des poches récoltées Le conditionnement sert à supprimer le caractère malin dans le cas d'une autogreffe et améliore l'"engrafment" 15.
Thérapies futures pour soigner les patients16;17 Nous sommes persuadés que la transplantation de cellules souches du sang telle que nous la connaissons aujourd’hui ne représente qu’une infime fraction du potentiel de cette forme de thérapie. La recherche actuelle laisse présager le développement de nouveaux axes thérapeutiques ainsi que l’amélioration des techniques actuelles. Nous allons nous attarder sur trois défis majeurs de la TCSH.
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1) La réduction de la GVHD Le défi clinique majeur reste sans conteste la maladie de greffon contre l’hôte (GVHD). C’est ce qui rend le succès de la TCSH si imprévisible. Plusieurs stratégies sont actuellement explorées, notamment avec les antagonistes des cytokines, l’infusion de lymphocytes Treg et la régulation négative des cellules NK. On peut aussi espérer que la thérapie génique (par exemple par l’incorporation de gènes-‐suicide spécifiques aux cellules T alloréactives) puisse permettre de réduire la GVHD.
2) La source des cellules La découverte récente de quatre facteurs de transcriptions essentiels et suffisants (appelés facteurs Yamanaka du nom de celui qui les a étudiés) pour reprogrammer n’importe quelle cellule humaine adulte en cellule progénitrice pluripotente (iPS cells en anglais). La disponibilité à large échelle et la culture de ces cellules iPS permettra probablement de remplacer les techniques actuelles de prélèvement de cellules souches du sang.
3) De nouvelles thérapies Nous en avons parlé plus haut, la leucémie est actuellement en tête de liste des pathologies traitées par la transplantation de cellules souches du sang. Il est fort à parier que de nombreuses autres maladies seront traitées par TCSH. Deux exemples augurent une explosion des applications : la sclérose en plaques et le HIV. Si le premier exemple de réduction des symptômes de sclérose en plaques par TCSH date de 1997, celui du HIV est plus récent : c’est en 2007 qu’un patient leucémique et séropositif recevait une greffe de CSH d’un donneur ayant une mutation pour le co-‐récepteur du HIV. Après plusieurs années, ce patient ne montre désormais plus de signe de virémie significative. Ces domaines de recherche sont passionnants et laissent entrevoir de nouveaux espoirs pour tous les patients.
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Banques de données Les donneurs potentiels en Suisse sont répertoriés dans le registre de l’organe central à Berne appelé Swiss Blood Stem Cells (BMDW) qui communique avec un registre étendu au niveau international. Ce registre international est la Bone Marrow Donors Worldwide (BMDW) et est composé de 65 registres répartit sur 47 pays18 et compte plus de 20 millions de donneurs. La mise en place d’une base de données d’une telle ampleur est nécessaire pour améliorer la probabilité de trouver un donneur hautement compatible avec le patient receveur. Malgré le fait que le nombre de donneur augmente, les critères de recherche de meilleure compatibilité se renforcent. Ces deux phénomènes entrainent le fait qu’il est toujours plus difficile de trouver un donneur, mais en revanche, le pronostique de greffe s'en trouve amélioré.
Quelques chiffres clés19;20 • le matching se fait sur 5 caractéristiques principales de HLA • 3-‐5 % de la population présente la combinaison de HLA la plus fréquente • chez 1/3 des patients un matching suffisant est trouvé parmi les proches • la probabilité d’être sollicité pour un examen détaillé parmi les donneurs potentiels
est de 10 % et celle d’effectuer un don est de 1 % • la transplantation au receveur doit être effectuée dans les 24 -‐ 36h après
prélèvement chez le donneur • 122 transplantations de cellules souches du sang sont effectuées par année en Suisse
Selon BMDW, la Suisse compte environ 35'000 donneurs de cellules souches (soit 48 donneurs pour 10'000 habitants), ce qui correspond à un taux moyen en comparaison internationale et le don du sang de cordon s’élève à environ 3'80019. La très grande majorité des dons reçus en en Suisse (93.5%) provient de l'étranger19. A titre de comparaison, le nombre de donneurs du sang en Suisse s’élève à 250'000 (estimation faite par le service de transfusion sanguine à Bern). La greffe de cellules souches du sang est anonyme en Suisse pour le donneur et le patient receveur. Ce qui n’est pas forcément le cas dans d’autres pays. Dès ce printemps 2013, un courrier unique et anonyme peut être échangé entre le donneur et le receveur19. La recherche d’un donneur hautement compatible s’effectue sur une période de 3-‐6 mois. Dans le cas où la recherche ne s’avère pas positive, elle peut être réitérée 1 an plus tard. Pour les patients pour lesquels un donneur n’a pas été trouvé, il est possible de faire appel au don d'un frère, sœur ou parent pour lequel un matching incomplet de 50 % existe. Ceci nécessite une préparation supplémentaire de la poche de cellule souche afin de diminuer les cellules T alloréactives du don15.
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Vécu d’une personne donneuse Nous avons pu rencontrer, au centre de transfusion des HUG, une donneuse d’une quarantaine d’années afin de collecter des données sur son vécu. Ceci au moment même du prélèvement des cellules souches du sang (CSH). Nous avons pu lui poser la question de la raison de ce don, et nous a répondu qu’il était destiné à sa sœur. Elle nous a également dit qu’elle n’avait eu aucune inquiétude particulière. Son choix pour la méthode par aphérèse a été influencé par son appréhension d’une hospitalisation. Cette méthode d’une durée d’environ 4 heures est décrite plus en détail dans la section (Technique de récolte et filtration) et est effectuée en ambulatoire. Nous avons pu relever que l’induction par facteurs de croissance G-‐CSF (une injection par jour durant les 5 jours précédents le prélèvement) que la donneuse a reçu lui a causé des symptômes grippaux (myalgies et céphalées). Elle a également dû s’absenter de son travail pendant plusieurs jours. Durant le bilan médical, les γ-‐GT étaient un peu élevées, elle a donc dû modifier son régime (jus de citron le matin et plus de crudités durant une semaine) et sa fonction hépatique s’est normalisée.
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Les coûts
Coûts globaux21 Le système de santé Suisse doit faire face à des coûts directs et indirects de plus en plus élevé pour la transplantation de cellules souches du sang. En moyenne, la prise en charge complète pour une transplantation coûte entre 500'000 et 600'000 CHF. Un séjour pour greffe de moelle coûte en moyenne 26'700 CHF et dure en moyenne 51 jours. Depuis le 1er janvier 2012, le coût d’un séjour hospitalisé est calculé par le système de facturation swissDRG. Tous ces coûts doivent être remboursés par l’assurance maladie de base.
Coûts pour le donneur Toute personne qui décide de donner ses cellules souches du sang supporte des coûts directs dus au traitement en soi et à des coûts indirects tel que le transport à l’hôpital et l’éventuelle absence au travail. Il est important de savoir que le donneur n’aura rien à payer, car tous ces coûts seront remboursés par l’association Suisse des cellules souches du sang (SBSC). Par la suite, la SBSC répercutera tout ceci directement à l’assurance maladie du receveur. Enfin, ce sera l’assurance des assurances (la SVK) qui paiera la facture finale.
Coûts pour l’association Suisse des cellules souches du sang (SBSC) Parmi les coûts engendrés croissants pour lesquels la SBSC doit faire face, il y a l’enregistrement d’un donneur dans le registre Suisse qui coûte 220 CHF et la logistique du transport des cellules souches en un délai bref. Ces frais ne sont pas couverts par l’état mais financés par des dons privés et des institutions.
Coûts indirects Nul n’a chiffré les coûts indirects de la transplantation et pourtant ces derniers existent et restent sous-‐estimés voire ignorés. Sans vouloir établir une liste exhaustive de telles dépenses, qui devrait faire l’objet d’un travail de santé communautaire à part entière, notons qu’ils se terrent derrière tout le processus de vie ou plutôt de survie du patient et de ses proches. Ils vont de l’auto-‐prescription, le recours aux médecines non remboursées en passant par les régimes alimentaires, l’aide à domicile, le baby sitting, le soutien scolaire pour les enfants, sans parler des frais de déplacement ou ceux liés à la perte de l’emploi ou de la réinsertion sociale.
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Le service de transplantation de moelle à Genève
Organisation générale au sein des hôpitaux universitaires22 L’unité d’hémato-‐oncologie dirigée par le Prof. Chalandon fait partie du service d’hématologie et s’occupe de toutes les transplantations de cellules souches allogéniques de la Suisse romande. Le but est de prendre en charge sur le plan diagnostique et thérapeutique les patients souffrants des maladies du sang bénignes ou malignes. Organigramme du service de transplantation de moelle osseuse à Genève L’unité d’hémato-‐oncologie dirigée par le Prof. Chalandon fait partie du service d’hématologie et s’occupe de toutes les transplantations de cellules souches allogéniques de la Suisse romande. Le but est de prendre en charge sur le plan diagnostique et thérapeutique les patients souffrants des maladies du sang bénignes ou malignes. Le service d’hématologie qui comprend l’unité d’hémato-‐oncologie assure l’autonomie transfusionnelle de la région genevoise par les collectes, le stockage et la distribution des produits sanguins. C’est le Prof. Chalandon qui s’occupe des greffes de cellules souches à Genève. Mme Chapuis est l’infirmière spécialisée qui assure toute la coordination de la récolte des cellules jusqu’à la transplantation. Le service collabore avec de nombreux autres acteurs pour une prise en charge pluridisciplinaire du patient avant, pendant et après la greffe.
Département des spécialités de médecine
Service d’hématologie
Unité d’hémato-‐oncologie
Centre d’oncologie
Consultation ambulatoire
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Le parcours du patient Depuis le diagnostic qui nécessite une transplantation de cellules souches du sang, jusqu’au retour à une vie normale après la greffe, le patient est amené à traverser beaucoup d’étapes que nous illustrons par le schéma ci-‐dessous :
Parcours du patient greffé au cours du temps Ces étapes sont reprises plus en détails dans ce qui suit.
Avant la greffe
Le moment du diagnostic Il est important de noter que la greffe n’est proposée qu’à des patients âgés au maximum de 70 ans. Généralement, le diagnostique de leucémie est posé suite à un contrôle pour un problème de santé banal (par exemple un saignement de nez). Dans ce contexte, le patient que nous avons rencontré nous a raconté ses premiers symptômes : « Depuis un certain temps, j’avais une narine qui était bloquée. Je me suis d’abord dit que j’avais un rhume un peu coriace mais ça ne passait pas. Au mois de mars 2010, nous étions à Florence et tous les soirs, j’avais des saignements de nez très violents. Heureusement, notre médecin de famille que je suis allé voir après nos vacances a eu le bon réflexe : il m’a envoyé chez un ORL en urgence. L’ORL m’a examiné et a fait une de ces têtes ! Il a compris que c’était grave. Le diagnostique est tombé deux à trois semaines plus tard. Il nous a dit qu’il avait déjà pris rendez-‐vous à l’hôpital pour un colloque d’oncologie. C’est là qu’on se rend compte qu’on rentre dans une histoire dans laquelle on n’a pas envie de rentrer, mais voilà ! » Il faut bien être conscient que l’annonce du diagnostic est vécue très difficilement par les patients allant d’un état de stupéfaction à celui de l’incrédulité voir du déni.
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Après la pose du diagnostic une longue attente pour le patient commence dans le but de trouver un donneur non apparenté s’il n’existe aucun donneur apparenté. Mais la probabilité d’en trouver un est faible, très faible… C’est entre autre dans ce contexte qu’un bilan avec un psychiatre ou un psychologue va avoir lieu. C’est un des nombreux spécialistes que le patient doit consulter. Celui-‐ci évalue plusieurs aspects: personnalité du patient, tendance à l’anxiété, degré d’ancrage à la réalité, agressivité, … Le psychiatre ne peut pas s’opposer à une greffe de cellule souche hématopoïétique. De nouveaux bilans psychologiques seront effectués, et ce premier bilan sert de point de repère pour juger l’évolution de l’état mental du patient.
Après avoir trouvé un donneur compatible : l’info-‐greffe L'info-‐greffe est une consultation médicale qui vise à informer le patient de sa prise en charge en vu d'être greffé. Il est nécessaire de savoir que cet entretien n’a lieu que lorsqu’un donneur a déjà été trouvé. Or trouver un donneur n’est pas si facile, car il n’y a que 25% de chance de trouver un donneur apparenté parmi les frères et sœurs du patient. Si le patient n’en a pas alors il faut intégrer ses données dans le fichier international qui contient 25 millions de donneurs potentiels. Cette recherche de donneur dure 3 à 6 mois en moyenne. Environ 60% des patients vont trouver un donneur non apparenté avec un match de 10/10. Lors de l'info-‐greffe à laquelle on a eu la chance d'assister, le médecin a reçu un patient avec sa femme. Ce patient avait déjà deux antécédents de cancer. Il avait par conséquent déjà subi une dizaine de séances de chimiothérapies. Le diagnostique de leucémie a été posé suite à une dent infectée qui l’a forcé à consulter son médecin de famille sur recommandation de son dentiste. Durant cette consultation médicale, le médecin l'a informé de toute la prise en charge qu'il allait subir. Tout d’abord, un bilan pré-‐greffe est réalisé. Celui-‐ci comporte des examens dermatologiques, cardiologiques, dentaires, hématologiques et de multiples scanners. . Il dure en général une semaine. Le but étant de connaître parfaitement l’état de santé du patient. En outre, afin de surmonter au mieux la greffe qui va suivre, le patient reçoit des conseils diététiques : un régime hyperénergétique hyperprotéiné est prescrit et expliqué au patient. Il le suivra jusqu’à la greffe. Après ce bilan, le patient est hospitalisé de 5 à 6 semaines pour subir la greffe. La première étape consiste en des séances de chimiothérapies et la prise d’un traitement myeloablatif qui vise à détruire le système immunitaire. A partir de ce moment, le patient se retrouve dans une chambre à flux laminaire stérile où il ne peut plus avoir de contacts avec des personnes potentiellement malades. Par la suite, il subit la greffe de moelle osseuse. En réalité, cette greffe consiste en une transfusion de cellules souches hématopoïétiques qui doivent coloniser la moelle en vu de recréer un nouveau système immunitaire.
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Après la greffe, le patient reçoit un traitement d'immunosuppression (essentiellement de la cyclosporine et du mycophénolate mofétil). Durant la période post-‐greffe, le patient reçoit une chimiothérapie « plus douce » avec moins d’effets secondaires (inflammation de la bouche et de l’intestin) que celle reçue juste avant la greffe. Durant cette info-‐greffe, nous avons pu constater que le patient était très fortement sollicité du point de vue émotionnel, car c’est à ce moment que le médecin l'informe de tous les risques possibles et imaginables de la greffe, en passant de la maladie du greffon contre l’hôte à tous les effets secondaires des médicaments. Il est important de savoir qu’il faut prendre 20 médicaments par jour pendant 2 ans pour éviter les surinfections. Malgré cela, le patient s’est montré très fort, car il avait déjà subi beaucoup de chimiothérapies et il voulait absolument suivre ce traitement. Il a signé tous les papiers de consentement nécessaires, et cela immédiatement. Cependant, le patient a affirmé durant la consultation que les séances de chimiothérapies qu’il avait eues pour d’autres cancers étaient horribles, car elles brûlaient tout l’intérieur de son corps comme il ne répondait pas au traitement. Le consentement libre et éclairé du patient est le point le plus important de cette consultation puisqu’elle donne toutes les informations au patient. C’est pour cette raison que le patient doit, s’il accepte de se faire greffer, signer énormément de papiers qui concernent la commande des cellules du donneur, la pose de la voie veineuse, le bilan sanguin, la ponction osseuse et son inscription au registre Suisse et international. Malgré tout, le consentement libre et éclairé n’est pas toujours facile à obtenir, car certains patients ne souhaitent pas connaître tout ce qui risque de leur arriver et préfèrent tout signer. Si cela reflète la réalité de terrain, cette attitude va en théorie à l’encontre de la définition du consentement éclairé et montre par la même qu’il existe en fait un fossé entre une théorie fixée par l’éthique et l’attitude de certain patient voulant éviter de connaître en détail la liste innombrable d’effet adverses. A ce propos, la femme du patient que nous avons interrogé dit : « La lecture du protocole m’a rendue malade ! Durant les deux semaines de réflexion, j’étais mal. Il y a la liste de tous les effets secondaires et complications possibles ! J’ai fait lire ce protocole à nos deux fils et ils m’ont dit : si on était à la place de Guido (surnom donné au patient rencontré), nous arrêterions tout ! »
Bilans pré-‐greffe
Le bilan du patient est exhaustif et fait appel à nouveau à une approche pluridisciplinaire :
• Evaluation nutritionnelle avec la diététicienne. Le but est que les patients prennent du poids avant l’intervention pour pouvoir mieux supporter la période après la greffe. Pour les patients obèses qui n’auraient pas perdu de poids durant la chimiothérapie, le régime prescrit est uniquement hyperprotéiné, sans objectif de prise pondérale.
• Bilan psychologique avec le psychiatre. • Bilans cardiologiques, neurologiques, dermatologiques et radiologiques
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Période hospitalière (la transplantation) Le patient est hospitalisé pour une durée de 5 à 6 semaines dans le but de subir la transplantation. Il va devoir faire un dernier bilan qui permettra d’évaluer son état avant la transplantation et sera une référence pour son suivi après la greffe. Pendant les deux premières semaines d’hospitalisation, le patient subit des séances de chimiothérapie avec un traitement myeloablatif dans le but de détruire son système immunitaire et une partie des cellules tumorales. A ce propos, la femme de notre patient nous raconte : « Vous recevez des soins adéquats, on vous guérit mais en même temps, on vous met à mort en quelque sorte ! Et pour guérir de la leucémie, qu’est-‐ce qu’on vous propose ? une chimio ! On prend, on donne, mais à quel prix ! Le traitement est violent, l’annonce est violente, et puis après il faut se trouver une espèce d’équilibre entre les deux pour ne pas se révolter !» Une fois que le système immunitaire du patient est éliminé, il est placé dans une chambre à flux laminaire stérile pour éviter qu’il ne soit infecté par un pathogène quelconque. Cette chambre est illustrée par notre « poster » ci après :
Très rapidement après, la transplantation de cellules souches a lieu. Dès que le patient a été transplanté, il devient « comme un bébé », car il n’est plus capable de se défendre contre les pathogènes et ne peut plus manger que des aliments bien cuits afin d’éviter toute infection par l’alimentation. Tous les fruits et les légumes cuits sont complètement interdits durant l’hospitalisation post-‐greffe.
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Durant cette période, le psychiatre est au contact du patient, mais souvent de manière irrégulière, les effets secondaires de la chimiothérapie et du traitement rendant l’entretien parfois difficile. Pas tous les patients n’auront les mêmes besoins de soutien psychiatrique, et l’évolution du score d’anxiété permet de mieux les cibler. Le psychiatre intervient pour aider lors d’anxiété, de trouble du sommeil ou de bouffée émotionnelle, ainsi que pour soutenir le patient en lui permettant d’exprimer de la colère, un sentiment d’impuissance, des difficultés associées à l’isolement ou une crainte de la mort. Les troubles principaux rencontrés par le psychiatre sont : -‐ Des troubles psychiatriques associés à la prise médicamenteuse. On peut notamment assister à un épisode psychotique, confusionnel, maniaque, anxieux ou dépressif, principalement causé par des corticostéroïdes ou des antibiotiques et parfois par des opioïdes. La chimiothérapie, elle peut causer un syndrome dépressif en réaction à la baisse de l’état général. -‐ Des troubles anxio-‐dépressifs: le patient, déjà fatigué depuis quelques mois, doit en plus en l’espace de quelques jours faire face à une nouvelle situation drastiquement différente. Il doit rencontrer de nombreux différents spécialistes, avoir de nombreux examens, se préparer à subir une chimiothérapie, à vivre des mois d’isolement, à changer dramatiquement son style de vie et faire face de façon encore plus flagrante à la perspective de mort. Ceci engendre un sentiment de rupture, d’impuissance et de perte de contrôle, dont le trouble anxio-‐dépressif est la conséquence naturelle. Pour faire face à cela, le psychiatre doit faire un travail, qui se poursuivra après la période hospitalière, pour permettre au patient de réintégrer les événements dans son continuum de vie. Le psychiatre doit aussi en parallèle investiguer les représentations du patient face à sa greffe, le sang portant une symbolique différente que les organes solides. Il n’est pas délimitable comme le serait un foie et circule partout, une crainte de changement de personnalité en découle souvent. La relation entre le patient et « son donneur » est en effet parfois complexe et peut être à l’origine de perturbations émotionnelles qui dépendent des croyances, des connaissances, ou de l’imaginaire du donneur. Voici à ce propos le témoignage de notre patient : « Alors on a trouvé un donneur anonyme. On ne sait qui il est, d’où il vient. Moi je l’appelle Albert. Je lui parle, quelques fois je le gronde, parce que parfois il a tendance à faire des heures supplémentaires ! GVH ça s’appelle. Il voulait trop faire je pense ! Il déraille Albert ! Je leur ai demandé s’ils pouvaient me donner le nom du donneur. Mais ils m’ont dit que maintenant, ça ne se fait plus. » D’autres troubles peuvent également être rencontrés, tel que des idées suicidaires ou des anosognosies. Certains patients peuvent parfois refuser de voir un psychiatre. Dans ce cas, le psychiatre peut soit essayer de faire évoluer l’opposition, soit agir par l’intermédiaire des autres soignants. Ici, les mesures à prendre seront différentes en fonction du profil du patient pouvant osciller entre une compréhension adéquate des enjeux et une bonne relation avec l’équipe soignante ou au contraire une opposition importante accompagnée d’une mauvaise compliance voire même des idées suicidaires. Un autre rôle du psychiatre est finalement d’intervenir lorsqu’un problème survient dans la relation entre un médecin et un patient.
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Après la greffe Après la greffe vient la longue période d’incertitude : est-‐ce que la greffe va « prendre » ? Le retour à la normale des analyses sanguines prend d’habitude de 2 à 6 semaines. Mais immédiatement après la procédure, tous les éléments sanguins sont au plus bas (globules rouges, plaquettes, globules blancs). Les risques d’infection sont la préoccupation principale de l’hématologue. C’est la raison pour laquelle on donne au patient un cocktail d’antibiotiques, d’antifongiques et d’antiviraux à titre prophylactique. C’est une période particulière, au cours de laquelle le patient, toujours en isolement, peut souffrir d’un état d’esprit alternant entre enthousiasme et incertitude, espoir et désillusion. Retrouver un système immunitaire est un chemin d’une année environ. Nous n’en retranscrivons ici que quelques étapes, illustrées d’extraits d’interviews. Le retour au domicile est un processus qui est préparé bien avant la greffe. Cette préparation est avant tout un enseignement au patient et à ses proches sur ces choses du quotidien qu’il faut repenser totalement. L’équipe soignante des HUG a l’habitude de dire au patient au sujet de cette période qu’il sera « comme un bébé ». En plus des fréquents contrôles au centre d’hématologie, les contraintes du greffé sont très astreignantes. La diététicienne du service des transplantés de moelle contribue à allonger la liste d’interdits : -‐ Toujours pas de fruits et légumes crus à quelques exceptions près qui sont réintroduits lors du retour à domicile : pommes, poires, bananes, oranges et mandarines mais à condition de bien laver la peau et de ne pas la consommer ! -‐ Les aliments doivent toujours être bien cuits pour éviter toute contamination biologique. -‐ Interdiction de manger du curry : il est très souvent contaminé par des spores. -‐ Interdiction de manger au restaurant. L’environnement du patient est préparé à son retour : un grand nettoyage des meubles, tapis, sols et draps est entrepris afin de protéger le patient de toute infection. C’est à ce moment-‐là, quand le patient a un système immunitaire de nouveau-‐né, que son entourage joue un rôle primordial. Durant notre entretien avec Guido et sa femme, cette dernière a eu l’occasion de s’exprimer à ce sujet : « Après la greffe et à son arrivée à la maison, j’ai complètement paniqué. Il y avait beaucoup de choses qu’il ne pouvait pas manger, il fallait archi-‐cuire, il fallait se désinfecter les mains, il fallait faire la guerre à la poussière, changer le linge tous les jours, pas de matières grasses,… On vit enfermé, c’est quasiment la cale ! Les gens qui viennent à la maison doivent se déchausser, se désinfecter les mains, ils ne peuvent pas venir à plus de deux, on doit être sûr qu’ils ne sont pas malades autrement on leur enfile un masque, … On ne peut même pas boire un café sur une terrasse, vous imaginez, pour un retraité ? » La diététicienne, comme d’autres membres du service, se rend disponible et donne son numéro de téléphone afin que les patients et leurs familles puissent lui poser des questions et avoir des conseils. Pour elle, les patients se divisent en 2 catégories :
1) 80% des patients sont compliants et voient le côté positif de la prise en charge. 2) 20% des patients n’acceptent pas les contraintes, brûlent des étapes et remettent en
cause les limites. Ce sont souvent des patients moins entourés par des proches. La
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diététicienne trouve difficile de trouver des arguments d’adhérence pour convaincre ces patients transgressifs.
On instruit également le patient sur la nécessité d’éviter le contact avec d’autres personnes, d’autant plus si elles sont contaminées. Comme la moindre transgression peut avoir des répercussions fatales, le vécu subjectif est souvent difficile. Guido, le patient interviewé, nous a fait part de sa peine quant à cet « isolement prophylactique ». Sa femme nous a confié sa grande frustration quant à la perception du terme de « maladie » des personnes souhaitant rendre visite à Guido : « On leur demande s’ils sont en bonne santé, ils nous disent oui et après cinq minutes, on se rend compte qu’ils toussent, qu’ils se mouchent, qu’ils sortent d’une grippe, etc. ! Pour quelqu'un comme Guido qui n’a pas d’immunité, c’est lui faire courir des risques ! Donc à un moment donné, puisque les gens avaient de la peine à comprendre, il nous a semblé plus simple de dire : pas de visite !» Il est intéressant de mettre en parallèle deux conceptions d’un même objet : d’un côté l’immunodéprimé qui considère un rhume comme une menace sérieuse pour sa santé, voire pour sa vie ; de l’autre, la personne « normale », pour qui le rhume n’est « pas une maladie » et ne remet pas en cause sa perception de « bonne santé ». A ce propos, Guido a une expression tout à fait comique de son état : « François Hollande dit qu’il veut être un président normal… moi, j’aimerais être un homme normal ! J’aimerais avoir un rhume ! » Au contraire des patients vivants avec un organe solide, les patients ayant une nouvelle moelle peuvent retrouver une vie « normale » deux ans après leur intervention. Ils sont néanmoins suivis par l’unité d’onco-‐hématologie durant toute leur vie.
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Sondage et discussion sur le don de cellules souches du sang Nous avons réalisé un sondage sur une population d’une centaine de personnes (n=107) de notre entourage ne faisant pour la majorité pas partie du domaine de la santé. Le but était de savoir ce que connaissaient les personnes « tout venant » sur le don de cellules souches du sang. Bien entendu, les personnes sondées ne font pas partie d’un échantillon représentatif de la population et leurs réponses sont à interpréter avec toute la prudence nécessaire. Les questions qui ont été posées aux sondés sont les suivantes : Je travaille dans le domaine médical :
Seul 20% des sondés a un lien avec le domaine de la santé. Ceci est une bonne chose car une proportion plus élevée aurait pu fausser les résultats sachant que cette population est habituellement bien plus informée que la majorité des gens. Avez-‐vous déjà entendu parler du don de cellules souches du sang?
La majorité des sondés ont déjà entendu parler du don de cellules souches ! Ceci montre qu’il existe un travail d’information qui est déjà fait notamment par les médias (pub télévisée, journaux, etc.). D'après vous, ce type de don est utile pour traiter quelles maladies ?
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La majorité des sondés savent que ce don sert pour les cancers liés au sang. Cependant, il y a quand même 18% des sondés qui pensent que ce type de don n’est qu’à l’état expérimental et donc n’a aucune application clinique. Comme une personne sur cinq pense que c’est à l’état expérimental, il se peut qu’il y ait une confusion entre les cellules souches du sang et les cellules souches utilisées pour traiter des pathologies ou pour la greffe de peau. Un donneur de cellules souches du sang doit typiquement subir :
Près de la moitié des sondés pensent qu’il suffit d’une simple prise de sang pour donner ses cellules souches. Dans ce cas, il est légitime de se demander pourquoi alors il y a si peu de personnes donneuses !? Ceci tend à montrer qu’il y a un manque d’informations sur la méthode utilisée pour le don dans la population. En réalité, il est nécessaire d’avoir une hospitalisation de moins d’une journée. De ce graphique, on peut mettre en exergue que les personnes savent que faire un don n’est pas difficile dans la mesure où cela prend moins d’une journée. Selon vous, un don de cellules souches du sang est-‐il rémunéré ?
La majorité de la population est au courant du fait qu’on ne rémunère pas les dons en Suisse. Rappelons que le donneur sera dédommagé pour son transport et son arrêt de travail.
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Quelle est selon vous la probabilité de trouver un donneur compatible parmi les frères et sœurs du patient ?
La majorité des sondés pensent qu’il y a 25% de chances d’avoir un frère ou une sœur HLA compatible. Ce pourcentage est proche de la réalité. Et parmi les parents du patient ?
La majorité des personnes pensent qu’il est possible de trouver un donneur chez les parents du patient dans 50% des cas alors qu’en réalité la probabilité est quasi nulle ! Ce qui est étonnant c’est que les sondés ont une perception correcte pour la transmission entre frères et sœurs alors qu’elle est totalement erronée pour la transmission venant des parents. Nous n’arrivons pas à expliquer cette observation, car elle peut être due au hasard ou aux connaissances en génétiques des sondés, car intuitivement on pourrait se dire que comme chaque parent donne 50% du matériel génétique, il devrait aussi y avoir 50% de chance d’avoir un parent compatible. Si on ne trouve pas de donneurs dans la famille du patient, peut-‐on en trouver ailleurs ?
80% des personnes pensent qu’il est possible de trouver un donneur non apparenté mais que c’est très rare. Alors qu’en fait, comme on l’a vu, la majorité des donneurs ne font pas partie de la famille.
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Etes-‐vous donneur de cellules souches du sang ?
On notera que seulement 5% des sondés sont donneurs de cellules souches alors que plus de 70% connaissent l’existence de ce don. Par ce nombre de réponses, on peut voir qu’il manque ce qui permet de faire le pas entre l’information et le don en soi. L’incitation pour le don n’est pas suffisante. Dans ce cadre, on pourrait se demander si la rémunération ne pourrait pas constituer un bon moyen d’incitation. On constate que les gens connaissent plus ou moins le don de cellules souches, ils savent que c’est pour traiter les pathologies liées aux maladies du sang et savent qu’il est très facile de donner ses cellules souches. En conséquence, il est difficile de comprendre pourquoi il n’y a pas plus de donneurs dans la population suisse. D’une façon globale, ce sondage montre que la population n’est pas suffisamment informée sur le don de cellules souches du sang. Malheureusement, ceci reflète le manque de campagnes de promotions pour ce don à l’inverse du don du sang. En effet, actuellement en Suisse, la promotion est quasi inexistante. Il n’existe que quelques sites internet d’informations mais qui sont malheureusement très peu connus du grand public ! La Suisse a donc un certain retard par rapport à d’autres pays où les manifestations « grand public » sont plus nombreuses, notamment dans le cadre de la journée mondiale de don de sang.
Remarques générales sur le sondage La critique principale qu’on a reçu des participants est de ne pas avoir eu une case « je ne sais pas ». Par conséquent, on ne peut pas exclure qu’un bon nombre de personnes ait répondu de façon aléatoire aux questions. Ceci peut aussi fausser nos résultats. De plus, concernant l’échantillon choisi, il n’est probablement pas représentatif de la population générale puisqu’il a été sélectionné parmi nos connaissances au premier degré. Pour avoir un échantillon plus représentatif de la population générale, il aurait fallu utiliser d’autres méthodes de sélection comme un tirage au sort de l’échantillon à partir du bottin de téléphone ou encore à partir d’autres base de données telle que l’Office cantonal de la population.
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Conclusions Au cours de ce travail d’immersion en communauté, nous avons eu l’occasion de voir une discipline de la médecine que nous avons très peu abordée durant notre parcours académique : l’oncologie. Cette discipline a permis de montrer à quel point une approche pluridisciplinaire centrée sur le patient est fondamentale dans le but de soigner une personne. En effet, dans le cadre d’une prise en charge adéquate pour une transplantation de cellules souches du sang, il est nécessaire d’avoir une équipe composée de nombreux professionnels de la santé tels que l’oncologue, l’hématologue, le médecin de famille, le physiothérapeute, la diététicienne, l’infirmière et le psychiatre. Nous avons eu l’occasion d’interviewer chacun de ces professionnels et de voir comment ils travaillaient en équipe et les difficultés auxquelles ils pouvaient avoir à faire face. Ce qu’on relèvera c’est que la prise en charge du patient se fait toujours selon le modèle bio-‐psycho-‐social, car le malade est avant tout une personne avec son histoire, ses représentations et ses attentes. Les patients que nous avons pu voir, nous ont permis de mieux comprendre pourquoi il est nécessaire de toujours considérer le vécu et les représentations du malade pour pouvoir le traiter dans sa globalité.
Le schéma ci-‐dessus illustre bien cette approche centrée sur le patient qui passe par différentes étapes de vie. Tout d’abord, il est en bonne santé et par la suite tombe malade et a des attentes vis-‐à-‐vis du personnel soignant et de la médecine en général. Cependant, le patient est entouré par de nombreuses personnes que ce soit le personnel soignant, ses proches ou des associations telles que l’Institution de Maintien à Domicile (IMAD) ou l’association Suisse romande des Greffés de la Moelle Osseuse (GMO). Ces associations ont un rôle très important dans la vie du patient, car mis à part lui apporter un soutien, elles le mettent en contact avec d’autres greffés23.
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Ceci est fondamental, car le greffé peut ainsi partager son parcours avec une autre personne qui le comprend comme elle a vécu une maladie semblable. D’une manière globale, ce travail nous aura permis de voir le fonctionnement de l’unité d’hémato-‐oncologie et quel est le rôle des différentes personnes au sein de l’équipe médicale.
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Remerciements A l’issue de ce travail nous souhaiterions remercier toutes ces personnes : Le corps médical de l’unité d’hémato-‐oncologie aux HUG :
• Prof. Y. Chalandon, médecin chef de l’unité • Mme V. Chapuis, infirmière spécialisée • Dr Fleury, psychiatre • Mme Chikhi, diététicienne • M. M., physiothérapeute
Tous les patients et leurs proches qui ont accepté de nous recevoir et de dévoiler un peu de leur intimité. Nos tutrices :
• Prof. C. Bouchardy • Mme L. Soguel
Merci à toutes ces personnes de nous avoir accordé un peu de leur temps et nous avoir permis de réaliser ce travail !
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Bibliographie 1 Appelbaum F.R. 2002. Hematopoietic Stem Cell Transplantation A Historical Perspective. In Current Clinical Oncology -‐ Allogeneic Stem Cell Transplantation. Edited by H. Lazarus, M. Laughlin. Totowa, NJ: Humana Press Inc. 2 Kierszenbaum AL. Histology and cell biology : an introduction to pathology. 3rd ed. Philadelphia, PA: Mosby Elsevier; 2012. Chapter 6 3Chabannon C. Joyeux anniversaire, CD34 !. Médecine/sciences. 2005; 21 : 503-‐6. 4 Passweg JR et al. Hematopoietic stem cell transplantation: a review and recommendation for follow-‐up care for the general practitioner. Swiss Med Wkly. 2012; 142:w13696 5 Widmair EP et al. Physiologie humaine. 5ième ed. Maloine ; 2009. Chapitre 12 6 Caers J et al. Prise en charge actuelle des syndromes myélodysplasiques. Rev Med Suisse. 2011 ; 7 : 1634-‐1643 7 Tefferi A, Vardiman JW. Myelodysplastic syndromes. N Engl J Med. 2009 ; 361 : 1872-‐85 8 Longo DL et al. Harrison’s principales of internal medecine. 18th ed. McGrawHill; 2012. Chapter 109-‐110 9 Kumar V et al. Robbins and Cotran Pathologic basis of disease. 8th ed. Saunders Elsevier; 2010. Chapter 13 10 Brochure de La ligue suisse contre le cancer, http://assets.krebsliga.ch/downloads/2025.pdf 11 Site de la faculté de médicine de Genève sur la transplantation http://medweb2.unige.ch/immunologie/home/HSC/index.php 12 Parham P. The immune system. 3rd ed. Garland Science; 2009. Chapter 15 13 Parham P. The immune system. 3rd ed. Garland Science; 2009. Chapter 5 14 Longo DL et al. Harrison’s principales of internal medecine. 18th ed. McGrawHill; 2012. Chapter 114 15 C. Crawley et T. Spitzer. Chapter 38 in Organ transplantation. Cambridge University Press 2012. A. Klein, C. Lewis and J. Madsen Editors 16 Medscape Reference, article Hematopoietic Stem Cell Transplantation
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