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[TRADUCTION]
Citation : J. L. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDGSR 64
Date : 25 juin 2015
Numéro de dossier : GT-119831
DIVISION GÉNÉRALE - Section de la sécurité du revenu
Entre:
J. L.
Appelant
et
Ministre de l’Emploi et du Développement social
(antérieurement ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences)
Intimé
Décision rendue par Carol Wilton, membre de la division générale – Section de la sécurité
du revenu
Appel instruit en personne le 4 juin 2015, à Hamilton, Ontario
MOTIFS ET DÉCISION
Appelant : J. L.
Représentante de l’appelant : Hadeel Kamal
Interprète (en pendjabi) : Neena Khan
DÉCISION
[1] Le Tribunal conclut que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité au
titre du Régime de pensions du Canada (RPC).
INTRODUCTION
[2] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité présentée par l’appelant au
titre du RPC le 4 avril 2011. Il a rejeté la demande au stade initial ainsi qu’à l’étape du
réexamen et l’appelant a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de
révision (BCTR).
[3] Le présent appel a été instruit en personne pour les raisons énoncées dans l’avis
d’audience daté du 23 septembre 2014 :
plus d’une partie assistera à l’audience;
le type d’audience convient mieux à la présence de nombreux participants;
les questions faisant l’objet de l’appel sont complexes;
le type d’audience respecte l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité
sociale de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et
expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.
[4] La présente affaire devait être entendue le 5 janvier 2015, mais a été ajournée à la
demande de l’appelant vu que l’interprète ne s’est pas présenté. L’audience a été reportée au
4 juin 2015, les délais de dépôt demeurant les mêmes, comme l’indique l’avis de l’audience
reportée daté du 28 janvier 2015.
[5] Le 12 janvier 2015, l’appelant a déposé environ 2 000 pages de documents
supplémentaires devant le Tribunal (les documents présentés en retard). Le 21 janvier 2015,
le Tribunal a écrit à la représentante de l’appelant lui demandant d’expliquer pourquoi les
documents présentés en retard avaient été fournis aussi longtemps après l’expiration du délai
de dépôt du 5 novembre 2014. Le 6 février 2015, elle a informé le Tribunal que les
documents avaient été envoyés par le [traduction] « bureau principal qui le représente au
sujet de son accident d’automobile », qui ignorait qu’une audience avait été fixée. Elle n’a
présenté aucune observation quant à l’admissibilité des documents, autrement que pour dire
qu’ils étaient pertinents. Le Tribunal lui a écrit à nouveau le 17 février 2015, en soulignant
que les délais de dépôt n’avaient pas changé et lui demandant à nouveau de fournir des
observations détaillées sur l’admissibilité des documents. Le Tribunal n’a reçu aucune
réponse à cette demande.
[6] Les documents présentés en retard ont été transmis à l’intimé qui, dans un courriel
du 30 janvier 2015, a refusé d’examiner l’information parce qu’elle avait été présentée aussi
longtemps après l’expiration du délai de dépôt.
[7] Le Tribunal a examiné l’information contenue dans les documents présentés en
retard et a déterminé qu’elle était pertinente et devait être admise.
[8] Au cours de l’audience reportée, pendant qu’il était interrogé au sujet de son
entreprise de gestion immobilière, l’appelant a soudainement déclaré qu’il souffrait trop
pour continuer. À ce moment-là, l’audience durait déjà depuis plus d’une heure et demie.
Après que l’appelant eut répondu à deux autres questions, sa représentante a présenté ses
observations finales. Comme aucun ajournement n’a été demandé, l’audience a été déclarée
close.
DROIT APPLICABLE
[9] Conformément à l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité
durable de 2012, tout appel interjeté devant le BCTR avant le 1er
avril 2013 et qui n’est pas
instruit par le BCTR est réputé avoir été déposé auprès de la division générale du Tribunal
de la sécurité sociale.
[10] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension
d’invalidité du RPC. Pour être admissible à la pension d’invalidité, le demandeur doit :
a) être âgé de moins de 65 ans;
b) ne pas toucher de pension de retraite du RPC;
c) être invalide;
d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale
d’admissibilité (PMA).
[11] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était
atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant
cette date.
[12] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme étant une invalidité physique ou
mentale qui est grave et prolongée. Une personne est réputée être atteinte d’une invalidité
grave si elle est régulièrement incapable de détenir une rémunération véritablement
rémunératrice. L’invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une
période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.
QUESTION EN LITIGE
[13] Aucune question n’a été soulevée au sujet de la PMA parce que les parties
conviennent que la date à laquelle la PMA a pris fin est le 31 décembre 2008 et que le
Tribunal arrive à la même conclusion.
[14] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer si l’appelant était vraisemblablement atteint
d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la PMA ou avant cette date.
PREUVE
[15] L’appelant, qui a 55 ans, a fait sa 10e année en Inde. Après avoir obtenu un certificat
en soudage et avoir occupé divers emplois, il a accepté un poste dans une entreprise à X en
mai 1990. Il y a travaillé comme opérateur de presse et devait soulever et déplacer de
lourdes pièces de ferraille pour monter un moule. Il devait soulever et atteindre des objets de
manière répétitive, et l’appelant a déclaré qu’il travaillait 12 heures par jour, 5 ou 6 jours par
semaine. Son relevé des gains indique qu’il a gagné entre 29 000 $ et 35 000 $ au cours des
trois dernières années où il a travaillé, soit de 2004 à 2006. Il a quitté son emploi après avoir
été victime d’un accident d’automobile en octobre 2006.
[16] L’accident est survenu le 28 octobre 2006, alors que l’appelant conduisait une
voiture qui a été emboutie (l’accident). Il a été amené au service des urgences de l’hôpital de
la localité, où les radiographies n’ont montré aucune fracture ni dislocation. Selon son
médecin de famille, on lui a diagnostiqué à ce moment-là des lésions des tissus mous.
[17] Les principaux problèmes de santé de l’appelant, selon son médecin de famille,
étaient une douleur cervicale chronique, une tendinopathie de la coiffe des rotateurs gauche
et des céphalées de tension lies à l’anxiété et à l’insomnie.
[18] Par souci de clarté, les renseignements fournis dans le reste de la présente section
seront regroupés comme suit : antécédents professionnels, état physique et traitements,
problèmes psychologiques et témoignage de l’appelant.
Antécédents professionnels
[19] À la fin de 2007, l’appelant est retourné au travail pour effectuer des tâches
modifiées, son employeur lui ayant trouvé un travail qui consistait à trier de petits objets.
Son médecin de famille, le Dr Sukh C. Vohra, lui avait fourni une note datée du 5 novembre
2007, dans laquelle il indiquait qu’il devait retourner au travail le 12 novembre 2007 et que
l’on devait augmenter progressivement ses heures jusqu’à ce qu’il puisse faire un quart de
travail de 8 heures. L’appelant a indiqué qu’après deux mois l’entreprise ne pouvait plus
continuer à lui offrir des tâches légères et il a dû cesser de travailler à temps partiel. Il a
déclaré que, si son employeur avait continué à lui offrir de faire des tâches légères, il serait
resté au travail.
[20] L’appelant a déclaré qu’il n’avait pas cherché d’emploi par la suite parce [traduction]
« qui d’autre me donnerait plus que 18 $ l’heure? ». Il a aussi déclaré : [traduction] « C’était
tellement douloureux, comment pouvais-je travailler davantage? ». Il a aussi expliqué qu’il
n’avait pas essayé d’apprendre l’anglais parce qu’il avait besoin d’un professeur de pendjabi
et où pouvait-il en trouver un? Il n’a pas non plus tenté de se recycler pour trouver un autre
emploi.
[21] Un résumé de rapport de surveillance produit le 22 janvier 2014 par R. C. de Pearce
Cohen, un service d’enquête, figurait dans le rapport d’évaluation multidisciplinaire de la
déficience invalidante du 10 octobre 2014. On y précisait que l’appelant avait été aperçu sur
X Drive à X, où il travaillait dans un centre commercial où se trouvaient un restaurant et
quatre autres petits commerces. L’enquêteure a fait une recherche dans les registres des
sociétés et des terres et a découvert que l’appelant et un associé, un certain Monsieur D.,
avaient acheté le centre commercial par l’entremise d’une société à numéro en février 2013
en faisant un versement initial de plus d’un demi-million de dollars et en prenant une
hypothèque de premier rang d’un million de dollars. En novembre 2013, celle-ci a fait
l’objet d’une quittance et une nouvelle hypothèque de premier rang de 915 000 $ a été
obtenue. L’appelant et Monsieur D. ont pu faire un versement additionnel de 85 000 $ sur la
dette en souffrance. Les versements sur la nouvelle hypothèque étaient de 13 672 $ par mois.
La provenance du versement initial ainsi que les autres renseignements au sujet du
refinancement ou sur les versements hypothécaires sont inconnus (GT6, 3-24).
[22] À l’audience, l’appelant a déclaré être le propriétaire du centre commercial et qu’il
l’a acheté avec le produit de la vente en 2013 d’un immeuble résidentiel de 8 logements dont
il était propriétaire avec un associé. Il a insisté sur le fait que le partenariat avec Monsieur D.
avait pris fin en 2010 ou 2012. Il a déclaré qu’il prenait lui-même les dispositions pour que
des personnes effectuent des réparations et fassent le nettoyage au centre commercial, et que
son fils de 21 ans gérait l’entreprise, dont les déclarations de revenus sont faites par un
comptable. Il a été impossible de faire d’autres vérifications à ce sujet étant donné que
l’appelant, qui semblait éprouver de la douleur, a demandé de mettre fin à l’audience.
État physique et traitements
[23] Mohannad Bakri, un physiothérapeute, a fourni un rapport sur l’état de l’appelant
daté du 10 novembre 2006. Il a constaté qu’il avait une amplitude limitée de la colonne
cervicale et de la colonne lombaire, ainsi que des deux épaules.
[24] Le Dr Vohra a rempli des certificats d’invalidité datés du 16 février 2007, du
27 septembre 2007, du 7 novembre 2007 et du 8 août 2008. Il a posé les diagnostics
suivants : coup de fouet cervical de niveau II; blessure au cou; entorse dorso-lombaire; coup
de fouet cervical traumatique; blessures bilatérales traumatiques à l’épaule, à la hanche et au
genou; lésions des tissus mous; entorse à l’épaule gauche; entorse au genou gauche,
céphalées de tension, migraines; anxiété, phobie et stress.
[25] Le 15 janvier 2007, l’appelant a consulté le Dr Ali T. Ghouse, physiatre, pour obtenir
une évaluation médicale indépendante. Le Dr Ghouse a constaté que l’appelant avait
[traduction] « une amplitude réduite de la colonne cervicale et de la colonne lombaire, une
amplitude réduite dans plusieurs sens au niveau des deux épaules et une faiblesse au bras et
à la main gauches ». Entre autres choses, l’appelant se plaignait de plusieurs lésions des
tissus mous. Le Dr Ghouse a recommandé à l’appelant des limitations liées à la position
assise, à la position debout et à la marche, à l’utilisation de son bras et de sa main gauches et
aux mouvements répétitifs du cou, et ce, pendant six mois. Le 6 février 2007, le Dr Ghouse a
fait rapport sur les résultats des examens par électrodiagnostic de l’appelant. Les tests de la
conduction motrice, de la conduction des nerfs sensitifs et l’électromyographie à l’aiguille
étaient normaux.
[26] L’appelant a fait l’objet d’une évaluation des capacités fonctionnelles faite en
avril 2007 par Michael Drinkwater, un physiothérapeute. À cette date, il se rendait trois fois
par semaine à la clinique Physio Art à Hamilton pour des massages, des exercices et des
traitements à la chaleur. Il prenait les médicaments suivants : Tramacet, Naproxen et
Tylenol 3. Il n’a fait état d’aucune amélioration de son état. M. Drinkwater a constaté que le
rendement de l’appelant était irrégulier et sous-maximal. Il a refusé de faire la plupart des
tests parce qu’il se plaignait de son épaule gauche. Les tests qui ont pu être faits ont permis
de constater de la douleur à l’épaule gauche et une amplitude réduite au niveau du cou, mais
une amplitude fonctionnelle au niveau de la colonne lombaire.
[27] Le Dr A. Adili, chirurgien orthopédiste, a procédé à un examen orthopédique
indépendant le 25 avril 2007. Il a affirmé que le principal problème de l’appelant était une
douleur myofasciale qui devrait s’améliorer dans le futur. Le Dr Adili n’était pas certain si
l’appelant avait subi une lésion de la coiffe des rotateurs et ne pouvait pas se prononcer sur
ses symptômes neurologiques. Il a recommandé un EMG des symptômes du cou et des
épaules de l’appelant ainsi que des rapports d’imagerie de sa tête. Sur le formulaire des
capacités fonctionnelles, le Dr Adili a indiqué qu’il [traduction] « présentait trop
d’incohérences pour lui permettre de tirer quelque conclusion utile que ce soit ». Dans un
rapport ultérieur daté du 29 juin 2007, le Dr Adili a soutenu que les douleurs aux tissus mous
s’atténueraient avec le temps, mais était d’avis qu’un rapport d’imagerie de son épaule
gauche pouvait le préciser.
[28] En mai 2007, dans son rapport de fin de traitements, le physiothérapeute de
l’appelant a indiqué qu’il avait fait 48 traitements depuis novembre 2006. Il s’agissait
notamment de traitements de chiropratique et de massages, ainsi que d’échographies, de
traitements à la chaleur et de stimulation électrique des muscles. De plus, il a reçu des
traitements de physiothérapie sous forme de programme de conditionnement actif. M. Bakri
a indiqué que l’appelant avait fait des progrès satisfaisants : [traduction] « il n’y avait aucun
signe neurologique dans les bras, l’épaule droite et la lombalgie s’est entièrement
améliorée ». Il a préparé un autre plan de traitement en septembre 2007 qui a été examiné
par M. Drinkwater.
[29] Le 22 juin 2007, le Dr Gordon Sawa, neurologue, a procédé à une évaluation
neurologique indépendante de l’appelant. Le Dr Sawa n’a relevé aucun signe de
radiculopathie cervicale ou lombaire et a déclaré que les maux de tête étaient liés à la
tension. Aucun diagnostic neurologique n’était lié à la douleur à l’épaule gauche de
l’appelant. D’un point de vue neurologique, l’appelant n’était pas incapable d’accomplir les
tâches essentielles de l’emploi qu’il occupait avant l’accident ou de faire des tâches
ménagères et de s’occuper de l’entretien de la maison.
[30] Michael Drinkwater, physiothérapeute, a réalisé un examen de physiothérapie pour
l’assureur le 12 octobre 2007, et a commenté le plan de traitement recommandé par
M. Bakri le 19 septembre 2007. Il a indiqué avoir remarqué chez l’appelant [traduction]
« une forte tendance à protéger et à limiter les mouvements de son bras gauche qui est
difficile à relier aux conclusions de l’examen orthopédique ». Le thérapeute a conclu que
[traduction] « sur le plan neurologique, il est intact, à l’exception d’une faiblesse connexe au
bras gauche. Il présentait une amplitude fonctionnelle de la colonne lombaire et des
membres inférieurs ». Son examen de la conduction des nerfs était sans particularité.
L’évaluateur était d’avis que l’appelant avait tiré le maximum des traitements
thérapeutiques.
[31] Dans un rapport daté du 12 octobre 2007, M. Bakri a contesté l’évaluation négative
de l’état de l’appelant par le M. Drinkwater et a soutenu qu’il devait poursuivre les
traitements. Dans une réplique à ce rapport, datée du 24 janvier 2008, M. Drinkwater a
signalé que [traduction] « il y a des contradictions flagrantes dans l’amplitude de
mouvement démontrée par [l’appelant] dans son [bras gauche], qui, à elles seules suggèrent
une incohérence dans la restriction anatomique du mouvement […] l’évaluation
orthopédique et ma propre évaluation de physiothérapie ont fait ressortir d’importantes
zones d’autolimitation et de prudence sans aucune preuve évidente de restriction
anatomique ».
[32] Le Dr Adili a évalué l’appelant à nouveau le 31 octobre 2007. Il a indiqué qu’il se
plaignait principalement de maux de tête, qui étaient apparemment liés à la perception et à la
sensation de douleur que l’appelant ressentait au cou et à l’épaule. Toutefois, [traduction]
« du point de vue de l’orthopédie, je ne vois aucun problème musculaire, ligamentaire,
neurologique ou osseux qui représente une contre-indication absolue au retour de
[l’appelant] à son niveau d’activité d’avant l’accident. Le Dr Adili était d’avis que la douleur
au cou et à l’épaule de l’appelant [traduction] « est subjective d’après l’intensité de la
douleur seulement ». Il ne s’attendait pas à une amélioration importante en ce qui concerne
l’orthopédie. Il n’y avait pas de preuve objective de problèmes au cou et à l’épaule. À la
lumière de ces conclusions objectives, rien n’empêchait l’appelant de reprendre ses
fonctions comme opérateur de presse.
[33] Le Dr David MacLeod a procédé à une évaluation de la capacité fonctionnelle de
l’appelant le 6 février 2008. Le médecin a proposé un programme de conditionnement pour
son épaule gauche, un programme de conditionnement aérobie, et une formation sur la
bonne technique pour soulever des objets. Il a recommandé que l’appelant retourne au
travail pour y accomplir des tâches sédentaires de façon occasionnelle avec des restrictions
quant au soulèvement de charges au-dessus de la taille avec son bras gauche, jusqu’à
l’obtention des résultats de l’échographie.
[34] Une évaluation de chiropratique réalisée par Constance A. Columbus le 22 février
2008 a révélé que l’appelant avait reçu un diagnostic d’entorse des régions
cervicothoracique et lombopelvienne, de maux de tête cervicogéniques et d’entorse à
l’épaule gauche. Il se plaignant de maux de tête, de douleur au cou et à l’épaule, et de
lombalgie. En date de l’établissement du rapport, il a indiqué qu’il y avait eu une
amélioration de 70 % dans son épaule droite, de 25 % dans son épaule gauche et de 50 %
dans son cou. Il n’avait noté aucune amélioration au bas du dos. L’évaluatrice a pris en
compte le fait que l’appelant avait subi des lésions des tissus mous au cou et au dos. Il
n’avait pas fait ses exercices parce qu’il les trouvait difficiles et avait seulement marché au
centre commercial. L’évaluatrice a conclu qu’un programme d’exercices à domicile était
raisonnable.
[35] En mars 2008, le Dr H. Platnick, médecin consultant, a constaté, à l’examen du
dossier de l’appelant, que les documents [traduction] « ne mentionnaient aucune preuve
objective appuyant une lésion ou une déficience musculosquelettique, neurologique ou
orthopédique importante liée à l’accident ».
[36] En juillet 2008, un rapport d’imagerie a révélé une tendinite focale (dégénérescence
du tendon) au tendon du sus-épineux de l’épaule droite de l’appelant et que l’épaule gauche
présentait deux déchirures des tendons, ainsi qu’une restriction des mouvements.
[37] Le 25 août 2008, le Dr S. Dharamshi, spécialiste en médecine sportive et en
réadaptation, a procédé à une évaluation médicale indépendante de l’appelant. Le médecin a
conclu [traduction] « qu’il y avait de la sensibilité au toucher et une réduction de l’amplitude
du mouvement au niveau du cou et du bas du dos ». On lui a demandé si une ordonnance de
Tylenol 3 était raisonnable. Le Dr Dharamshi a recommandé que l’appelant réduise sa
consommation de ce médicament parce qu’il pouvait entraîner une dépendance et des
complications gastro-intestinales. Il a recommandé de le remplacer par de l’ibuprofène ou de
l’acétaminophène.
[38] Le Dr Franco Tavazzani, chirurgien orthopédiste, a procédé à un examen médical
indépendant le 20 août 2008. Il a constaté que l’appelant avait un trouble associé à un coup
de fouet cervical de type II, une lésion myofasciale de la colonne lombaire, une entorse de
l’articulation sacro-iliaque, une possible déchirure du labrum de la hanche gauche et une
possible déchirure de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche. Il a proposé une IRM de
l’épaule gauche et de la hanche gauche pour voir s’il y avait une importante anomalie
structurelle sous-jacente pouvant nécessiter une chirurgie, comme une déchirure de la coiffe
des rotateurs de l’épaule. Sinon, le diagnostic était une lésion des tissus mous causant une
douleur chronique. Le Dr Tavazzani a déclaré que [traduction] « il est incapable de faire des
activités à impact élevé et des mouvements répétitifs » et a souligné que son pronostic pour
un retour à un emploi comportant des activités à impact élevé était sombre en raison de la
douleur chronique liée à ses lésions des tissus mous. Le médecin a recommandé un test des
capacités fonctionnelles, et le recyclage professionnel ou un retour à des activités modifiées.
Il a aussi proposé de recommander l’appelant à un spécialiste de la douleur chronique.
[39] En octobre 2008, l’appelant a été hospitalisé pendant quelques jours pour une
pancréatite; il semble ne pas avoir eu de récurrence de cette maladie.
[40] Le Dr A. Adili, un chirurgien orthopédiste, a procédé à une évaluation orthopédique
indépendante le 6 novembre 2008. Il a souligné que l’appelant souffrait toujours de douleur
myofasciale [traduction] « avec une amélioration continue de l’ensemble de ses
symptômes ». Il s’attend à ce que l’état de l’appelant s’améliore avec le temps. Le 26 mars
2009, un ajout a été fait au rapport, après que le Dr Adili a eu l’occasion d’examiner les
échographies des épaules et des avant-bras de l’appelant et une évaluation
psychoprofessionnelle du 12 février 2009. Il a affirmé qu’il ne croyait pas [traduction] « que
l’assuré souffrait d’une incapacité totale d’occuper quelque emploi que ce soit pour lequel il
possède une formation, une scolarité et une expérience raisonnable ». Il n’avait pas pris
connaissance des IRM de novembre 2008 de l’épaule gauche et de la colonne lombaire de
l’appelant.
[41] Une IRM de l’épaule gauche réalisée le 13 novembre 2008 révélait une
tendinopathie de la coiffe des rotateurs (légères déchirures du tendon sans inflammation
importante) avec une possible déchirure des fibres du tendon sus-épineux. Une IRM réalisée
le 15 novembre 2008 montrait de légers changements dégénératifs dans les deux hanches.
[42] Le Dr R. Ganesan, neurologue, a fait rapport le 3 février 2009 de l’engourdissement
dans la main droite de l’appelant [traduction] « quand il travaille de la pâte à pizza
congelée » ou lorsqu’il enlève la glace sur sa voiture. Tous les tests neurologiques étaient
normaux.
[43] Le Dr Alan J. Starcevic, chiropraticien, a procédé à une évaluation de chiropratique
indépendante le 5 février 2009. Il a affirmé qu’il avait remarqué [traduction] « un certain
nombre de conclusions contradictoires et exagérées pendant les examens orthopédiques et
neurologiques qui, selon moi, ne peuvent être seulement attribuables à une lésion
d’accélération et de décélération qui a eu lieu il y a près de deux ans ». Il a vu des indices de
[traduction] « comportements douloureux amplifiés, d’enrobage fonctionnel, de l’imposition
répétée de restrictions sur le plan des activités (rarement présents lorsqu’il n’était pas
conscient qu’on l’observait) » et d’autres comportements suspects. Le Dr Starevic ne pouvait
obtenir aucun résultat précis pour la colonne cervicale, la colonne lombaire et l’épaule
gauche de l’appelant. Il lui a diagnostiqué une entorse myofasciale de la colonne lombaire et
des muscles de la coiffe des rotateurs gauche, et des maux de tête de tension chroniques. Il a
écrit que les lésions aux tissus mous de l’appelant n’étaient pas complexes et qu’il avait reçu
[traduction] « des soins plus qu’adéquats et suffisants pour les régler ».
[44] Le Dr Salim M. Esmail, chirurgien orthopédiste, a procédé à une évaluation
orthopédique indépendante le 25 mai 2010. Il a relevé des signes de lésion traumatique à la
colonne lombaire et cervicale, une possible arthrite dégénérative à la hanche gauche et une
possible lésion articulaire à la colonne cervicale et lombaire. Néanmoins, il a dit que
[traduction] « cet homme n’est pas entièrement incapable d’occuper quelque emploi que ce
soit à l’avenir », et était d’avis que l’appelant était en mesure d’exercer des activités
sédentaires et légères. Le Dr Esmail a recommandé des séances de counselling professionnel
au sujet d’un futur emploi.
[45] Dans son Questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du RPC daté du 4 avril
2011, l’appelant a énuméré ses déficiences comme étant de la douleur chronique à l’épaule
gauche, au bas du dos, au cou et à la tête. Il était limité pour ce qui est de rester assis ou
debout, de marcher, de soulever, d’atteindre et de transporter des objets, de se pencher et de
ses besoins personnels. Il avait des problèmes de mémoire et de concentration et ne dormait
que 3 ou 4 heures par nuit. Il pouvait conduire pendant 20 minutes. Il a dit qu’il prenait du
Tylenol 3, du Diazepam (un médicament contre l’anxiété) et du Naproxen (un anti-
inflammatoire). Il a aussi fait des traitements de physiothérapie.
[46] Le 11 avril 2011, l’appelant a été évalué, pour le compte de l’assureur, par le D
r Igor
Wilderman, médecin et conseiller en gestion de la douleur, qui était d’avis qu’il souffrait
d’un trouble de la douleur chronique et présentait d’autres symptômes, notamment une
douleur myofasciale de la région gauche des rhomboïdes, de maux de tête post-traumatiques
chroniques, de TSPT et de dépression. Selon le Dr Wilderman, le pronostic de l’appelant
était réservé en raison de sa douleur chronique et a recommandé un programme
multidisciplinaire de gestion de la douleur chronique.
[47] Le médecin de famille de l’appelant, le Dr Vohra, a indiqué le 4 juillet 2011 qu’à la
suite de l’accident survenu en octobre 2006, l’appelant avait souffert de douleur chronique
au cou et d’une tendinopathie de la coiffe des rotateurs gauche, et qu’une IRM de la hanche
gauche de l’appelant indiquait des changements dégénératifs à cet endroit. Les résultats
d’une EMG de sa main droite étaient négatifs. Il souffrait également de céphalées de tension
liées à l’anxiété et à l’insomnie, l’insomnie causant une fatigue chronique. Son état était
stable, sa posture et sa démarche étaient normales et il avait une douleur chronique. Selon
lui, l’appelant avait suivi de nombreux traitements de physiothérapie et chiropraxie dans le
passé. Le seul médicament qu’il prenait était du Tylenol 3. Selon le Dr Vohra, le pronostic
était sombre.
[48] Dans une lettre adressée au BCTR en juillet 2011, le Dr Vohra a souligné que
l’appelant avait été évalué par de nombreux spécialistes à la demande de sa compagnie
d’assurance, mais qu’il n’avait pas vu les rapports. L’état cognitif de l’appelant, selon lui,
était normal en tout temps et le Dr Vohra était d’avis qu’il était [traduction] « certainement »
capable d’occuper [traduction] « un emploi léger et sédentaire ». Toutefois, à son avis, son
faible niveau d’instruction et ses connaissances linguistiques limitées nuisaient à ses efforts
pour trouver un emploi. En ce qui concerne le pronostic, le Dr Vohra a dit que l’appelant
avait [traduction] « atteint le niveau du rétablissement maximal ».
[49] Le dossier de l’appelant renferme de nombreux rapports au sujet de son état mental
et physique datant de juillet 2011 à octobre 2014, soit bien après la fin de sa PMA. Seuls les
rapports les plus pertinents à la question dont est saisi le tribunal seront pris en compte.
[50] Des résumés de plusieurs rapports de surveillance établis en 2011 et en 2013 par
D. P. et R. C. de Pearce Cohen figurent dans le rapport de l’analyse décisionnelle
multicritères d’octobre 2014. En juillet 2011, D. P. a écrit que l’appelant était en mesure de
transporter plusieurs plateaux de nourriture et de se pencher à la taille pour les placer dans
son véhicule. Il était capable de tourner la tête à gauche et à droite quand il reculait son
véhicule sans difficulté apparente. Tous les mouvements [de l’appelant] étaient exécutés
sans hésitation ou restriction. Il n’a jamais semblé ressentir de l’inconfort.
[51] Un autre rapport de surveillance de septembre 2013 indiquait ce qui suit : l’appelant
[traduction] « était capable de travailler et de maintenir son bras droit étendu au-dessus de la
tête pendant de longues périodes pendant qu’il grattait et peignait la porte. Il a accompli tous
ses mouvements sans hésitation ni restriction et n’a jamais semblé ressentir de l’inconfort ou
de la fatigue ».
[52] L’une des évaluatrices ayant contribué à l’analyse décisionnelle multicritères est
Lesya Dyk, une ergothérapeute. Elle a signalé qu’il avait l’habitude de se rendre dans son
jardin tous les jours. Elle a observé l’appelant pendant qu’il y travaillait, lançant des
mauvaises herbes et des légumes sur la pelouse pour que ses fils les ramassent parce qu’il ne
pouvait pas transporter lui-même un panier rempli de légumes.
Problèmes psychologiques
[53] Le Dr N.E. Morris, psychologue, a évalué l’appelant le 2 mai 2007. Il a affirmé qu’il
ne croyait pas qu’il souffrait de [traduction] « déficience émotionnelle débilitante », mais
[traduction] « son niveau de dysfonctionnement apparent causé par la douleur dont il se
plaignait ne peut être ignoré ». Il lui a recommandé de suivre un traitement psychologique
pour [traduction] « traiter son trouble somatique et sa douleur d’insistance ». Il lui a aussi
recommandé de suivre un programme de gestion de la douleur. Le [traduction] « profil
comportemental [de l’appelant] et la gravité de la douleur dont il dit souffrir […] auraient
certainement un véritable effet dissuasif sur sa capacité de gérer les fonctions de son emploi
et donc constituent une incapacité importante au plan psychologique ».
[54] En septembre 2007, l’appelant a fait l’objet d’une évaluation psychologique
supervisée par le Dr H. Van Der Spuy. Dans un rapport daté du 4 octobre 2007, le D
r Van
Der Spuy a indiqué que l’appelant souffrait de [traduction] « dépression grave » et a
recommandé 12 séances de psychothérapie. Le dossier ne renferme aucune indication selon
laquelle il aurait suivi ce programme.
[55] Le Dr Morris a réévalué l’appelant le 18 octobre 2007. Il demeurait persuadé que
l’appelant ne souffrait pas d’une déficience émotionnelle débilitante, mais que [traduction]
« son niveau de dysfonctionnement apparent ne pouvait pas être ignoré ». Son état
psychologique semblait s’être détérioré depuis avril 2007 puisque son anxiété avait atteint le
niveau modéré à grave, et que son anxiété relative aux déplacements en voiture avait empiré.
Le Dr Morris a fortement recommandé à l’appelant de suivre un traitement psychologique,
peut-être dans le cadre d’un programme de gestion de la douleur. Il devrait aussi être
encouragé à retourner au travail. Le diagnostic était le suivant : [traduction] « trouble de
l’adaptation avec humeur dépressive et trouble douloureux associé à des facteurs
psychologiques et à une affection médicale générale ».
[56] Le Dr R. C. Bradley, psychologue, a procédé à une évaluation psychologique le
27 novembre 2008 au nom de l’assureur. Le Dr Bradley a souligné que l’appelant était
indépendant pour ce qui est de ses soins personnels et qu’il conduisait sa voiture presque
tous les jours; il amenait les enfants à l’école et se rendait à l’épicerie. Il conduisait sur les
routes et pendant la nuit. Il était incapable de pelleter, de tondre la pelouse, de récolter ou de
planter des légumes, ou de ratisser les feuilles. Il avait des amis qui venaient lui rendre visite
pendant une ou deux heures. Il prenait 2 ou 3 Tylenol 3 par jour.
[57] Le Dr Bradley a écrit ce qui suit : [traduction] « l’évaluation n’a révélé la présence
d’aucun trouble émotif, de grande difficulté causée par la douleur ou de compromis
cognitif ». Il a conclu qu’il y avait une importante exagération des symptômes de la part de
l’appelant. Il a établi un diagnostic de trouble de l’adaptation avec anxiété et humeur
dépressive, et un trouble douloureux associé à des facteurs psychologiques connexes et à une
affection médicale générale. L’évaluateur n’a trouvé aucune preuve de phobie quelconque,
d’épisodes de dépression majeure ou de TSPT. Il a ajouté ce qui suit : [traduction] « Il
semble que [l’appelant] se présente comme étant plus invalide qu’on serait porté à le croire.
Toutefois, il continue à avoir des problèmes cliniques liés à l’accident qui justifient un
traitement ». Aucun changement n’a été remarqué dans son état clinique d’après les examens
psychologiques effectués en avril et en novembre 2007 par le Dr N.E. Morris.
[58] En mars 2009, le Dr Bradley a fait un ajout à son rapport de novembre 2008. Il avait
reporté sa réponse à une question concernant la capacité de l’appelant d’occuper quelque
emploi que ce soit pour lequel il possède une formation, une scolarité et une expérience
raisonnable. Depuis l’évaluation de novembre, les résultats d’une évaluation
psychoprofessionnelle et analyse des compétences transférables (EPACT) ont été soulignés
dans un rapport daté du 1er
février 2009. Le rapport de l’EPACT énumérait quelques emplois
pouvant convenir à l’appelant, comme un poste dans le domaine de la transformation des
aliments et un léger travail sur une chaîne de montage. On y soulignait toutefois que
l’employabilité de l’appelant n’était pas très bonne, et notamment ses déficiences physiques
et psychologiques, son manque de connaissance de l’anglais et le fait qu’il avait peu de
formation officielle et aucune compétence en informatique. Le rapport indiquait également
qu’il était incapable de s’asseoir pour faire des examens en raison de son mauvais état
émotif et de sa faible tolérance à la douleur. Le Dr Bradley a signalé que l’appelant n’avait
pas suivi de traitement de gestion de la douleur ou pris aucun médicament pour sa
[traduction] « perturbation de l’humeur ». Il a conclu que [traduction] « la nature et la
gravité des déficiences psychologiques de [l’appelant] font qu’il a une incapacité complète
d’occuper, en ce moment, quelque emploi que ce soit pour lequel il possède une formation,
une scolarité et une expérience raisonnable ».
[59] Le Tribunal remarque que le Dr Bradley a ensuite changé d’avis au sujet de l’état
psychologique de l’appelant, dans un autre rapport d’évaluation psychologique daté du
2 juin 2014. Dans l’intervalle, en septembre 2013, le psychologue Dr Jacques Gouws avait
fait une évaluation dans le cadre de l’analyse décisionnelle multicritères. Il a estimé que
l’évaluation globale de fonctionnement (EGF) de l’appelant était de 45 (déficience moyenne
à grave), et que l’évaluation des déficiences de l’ensemble de sa personne était d’au moins
55 %. Le Dr Bradley ne disposait pas de ce rapport étant donné puisqu’il n’est apparu qu’en
octobre 2014. Dans son rapport de 2014, à la suite d’un examen clinique qui a duré près de
8 heures, le Dr Bradley a déclaré qu’aucune preuve clinique n’appuyait les problèmes dont
se plaignait l’appelant, soit de [traduction] « important compromis psychologique et
invalidité ». À son avis, l’appelant avait [traduction] « les ressources psychologiques et donc
la capacité de normaliser sa vie beaucoup plus qu’il l’a fait ou qu’il le dit, en dépit de ses
symptômes de douleur ».
Témoignage de l’appelant
[60] L’appelant se plaignait de douleurs à la tête, à l’épaule gauche, au cou et à la hanche
gauche qu’il disait ressentir depuis 2006. Il avait aussi de la difficulté à dormir. Il a témoigné
qu’il avait essayé la physiothérapie, les massages, les timbres antidouleur et qu’il prenait du
Tylenol 3 et de l’Apo-Naproxen (AINS) depuis l’accident. Il ne prenait pas de médicaments
pour l’anxiété parce que ses médecins ont dit que les effets secondaires étaient tels qu’il ne
devrait pas en prendre pendant une longue période. Son médecin de famille lui avait
récemment prescrit de la Gabapentin, un autre analgésique. La chirurgie ne lui a jamais été
recommandée. Il a trouvé les traitements de physiothérapie utiles quand il les suivait, mais la
douleur s’est aggravée quand il a cessé les traitements. Il n’a pas jamais jugé que les
traitements psychologiques étaient utiles. Quant aux appareils d’aide, on lui avait donné une
ceinture pour tenir son dos droit et réduire la tension. Il utilisait un siège d’auto chauffant et
un coussin chauffant. Il se rend quotidiennement au gymnase, où il s’assoit dans l’eau
chaude ou dans le sauna et marche sur le tapis roulant. Il parcourt en voiture la courte
distance pour s’y rendre et conduit aussi ailleurs dans le quartier, mais pas sur de longues
distances. Il est incapable de travailler dans le jardin depuis l’accident. Dans la cuisine, il
peut faire chauffer du pain et faire du thé, mais ne peut abaisser la pâte à pizza, puisqu’il lui
faudrait se servir de son épaule gauche et il est incapable de lever son bras droit. Il n’a pas
de vie sociale depuis l’accident.
OBSERVATIONS
[61] L’appelant a fait valoir qu’il est admissible à une pension d’invalidité parce que ses
invalidités sont graves et prolongées. Dans son rapport médical de juillet 2011, son médecin
de famille a indiqué qu’il avait atteint le rétablissement médical maximal et qu’il avait suivi
de nombreux traitements pour ses problèmes de santé.
[62] Dans une explication datée du 29 mai 2013, l’intimé a soutenu que l’appelant n’est
pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :
a) le médecin de famille de l’appelant a indiqué qu’il était capable de reprendre des
tâches légères ou un travail sédentaire;
b) bien qu’il puisse éprouver des difficultés en anglais, celles-ci ne l’ont pas empêché
de travailler dans le passé ou de gérer ses propres affaires; le [traduction] « premier
indicateur d’admissibilité à une prestation d’invalidité demeure l’état de santé »;
c) aucune des conclusions tirées à l’égard de son état physique ou psychologique ne
l’empêcherait de travailler.
[63] Dans un [traduction] « Ajout aux observations du ministre » daté du 8 octobre 2014,
l’intimé a soutenu que d’autres renseignements médicaux fournis par l’appelant n’étayaient
pas la position selon laquelle il souffrait d’une invalidité grave et prolongée à la fin de sa
PMA.
ANALYSE
[64] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint
d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2008.
Invalidité grave
[65] Le Tribunal a jugé que le témoignage de l’appelant n’était pas très crédible parce
qu’il contredisait souvent des renseignements figurant dans la preuve documentaire. Par
exemple, il a déclaré qu’il était incapable d’abaisser la pâte à pizza en raison de sa douleur à
l’épaule gauche, mais le Dr Ganesan a indiqué qu’il ressentait des engourdissements au doigt
lorsqu’il se livrait à cette activité. Il ne s’agit pas d’un exemple isolé. L’appelant a témoigné
qu’après l’accident il n’avait pas de vie sociale et ne pouvait pas jardiner; pourtant, le
Dr Bradley a rapporté que des amis lui rendaient visite pendant une heure ou deux, et qu’une
ergothérapeute l’avait vu en train de travailler dans le jardin. De plus, l’appelant a prétendu
qu’il travaillait de 60 à 65 heures par semaine à un taux horaire de 18 $, mais le revenu
inscrit sur son relevé d’emploi ne corrobore pas cette affirmation. Par conséquent, le
Tribunal a accordé peu de poids au témoignage de l’appelant.
[66] L’appelant était-il atteint d’une invalidité grave à la date de fin de sa PMA? En ce
qui concerne sa santé physique, le dossier renferme des rapports d’imagerie, les rapports de
plusieurs médecins, et des évaluations des capacités qui sont pertinents à cette question.
[67] Des rapports d’imagerie de 2008 montrent que l’appelant avait une tendinite à
l’épaule droite, des déchirures des tendons dans l’épaule gauche, et de légers changements
dégénératifs dans les deux hanches. Tous les autres examens objectifs ont donné des
résultats négatifs et la chirurgie n’a jamais été recommandée.
[68] Dans les quatre mois qui ont précédé la fin de sa PMA, l’appelant a été examiné par
un spécialiste de la médecine de réadaptation et deux chirurgiens orthopédistes. Le
Dr Dharamshi a conclu qu’il avait une sensibilité et une amplitude réduite au niveau du cou
et du bas du dos. Le Dr Tavazzani, l’un des chirurgiens orthopédistes, lui a diagnostiqué
provisoirement une lésion des tissus mous entraînant une douleur chronique. En
novembre 2008, le Dr Adili a écrit que l’appelant souffrait d’une douleur myofasciale.
[69] Le Tribunal reconnaît que la douleur myofasciale et la douleur chronique peuvent
être de graves problèmes de santé. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a statué que « c’est la
capacité du demandeur à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la
gravité de l’invalidité en vertu du RPC (Klabouch c. Canada (MDS), 2008 CAF 33,
paragraphe 14). À cet égard, le Tribunal souligne que ni l’un ni l’autre des spécialistes qui
ont évalué l’appelant avant la fin de sa PMA n’était d’avis qu’il serait incapable d’occuper
quelque emploi que ce soit. Le Dr Ghouse (physiatre, 2007) était d’avis qu’il devait faire
l’objet de restrictions pendant six mois. Le Dr Adili (chirurgien orthopédiste, 2007, 2009)
estimait que le principal problème de l’appelant était la douleur myofasciale et que celle-ci
finirait par se résorber. Selon le rapport du Dr Adili, il n’existait aucune preuve objective de
problème au cou ou aux épaules et rien n’empêchait l’appelant de retourner au travail. Le
Dr Sawa (neurologue, 2007) a soutenu que, au plan neurologique, l’appelant pouvait
reprendre son ancien emploi ainsi que ses tâches ménagères et ses travaux d’entretien. Le
Dr Tavazzani (chirurgien orthopédiste, 2008) a diagnostiqué à l’appelant une douleur
chronique résultant d’une lésion des tissus mous; il croyait qu’il devrait se recycler ou
reprendre des fonctions modifiées, mais estimait que l’appelant ne pouvait pas reprendre des
activités à impact élevé. Au cours de la période qui a suivi la fin de la PMA de l’appelant, le
Dr Esmail a écrit en 2010 que l’appelant pouvait accomplir des tâches sédentaires et légères
et, en 2011, son médecin de famille a adopté la même position. Le Tribunal souligne
également qu’une évaluation des capacités effectuée en février 2008 avait mené à la
recommandation selon laquelle l’appelant devait faire un travail sédentaire sous réserve de
restrictions.
[70] Le Tribunal conclut que les évaluations de l’état de santé de l’appelant qui ont
porté sur ses limitations fonctionnelles ne permettent pas de conclure qu’il était incapable
d’accomplir quelque travail que ce soit1. M. Drinkwater a conclu que l’appelant ne
présentait aucun problème neurologique, sauf au bras gauche, et que l’amplitude de
mouvement au niveau de son dos et de ses jambes était fonctionnelle. Le Dr McLeod a
recommandé un traitement classique, comme de l’exercice et de la formation sur la bonne
façon de soulever des objets et était d’avis que l’appelant pouvait accomplir des tâches
sédentaires. Le Dr Starevic lui a diagnostiqué une entorse myofasciale chronique au bas du
dos et à l’épaule gauche ainsi que des céphalées de tension chroniques et a souligné que les
lésions des tissus mous n’étaient pas complexes.
1 Le Tribunal souligne que certains évaluateurs ont jugé difficile de faire une appréciation juste. Michael Drinkwater
(physiothérapeute, mars 2007) a indiqué que le rendement de l’appelant pendant l’évaluation était irrégulier et
[traduction] « sous maximal ». Le Dr Adili a signalé qu’il y avait trop de contradictions dans l’évaluation pour en
tirer quelque conclusion que ce soit. Dans une évaluation ultérieure faite en octobre 2007, M. Drinkwater a conclu
qu’il était difficile d’établir une corrélation entre l’autolimitation et la prudence dont faisait preuve l’appelant quant
à l’utilisation de son bras gauche et les conclusions de l’orthopédiste. Le Dr Starcevic (chiropraticien, 2009) était
d’avis que l’appelant avait amplifié ses symptômes et n’avait pas pu obtenir des résultats fiables lors de son examen.
[71] Le rapport d’EPACT établi le 1er
février 2009, soit peu après la fin de la PMA de
l’appelant, soulevait des doutes quant à l’employabilité de l’appelant, notamment en raison
de ses lacunes en anglais et de son manque de compétences en informatique. Néanmoins, on
y énumérait des emplois que l’appelant pourrait occuper.
[72] Le Tribunal remarque également que les rapports de surveillance établis par des
enquêteurs en 2011 et en 2013 n’appuient pas les prétentions de l’appelant concernant ses
limitations. De plus, bien que les renseignements relatifs à son entreprise de gestion
immobilière soient peu nombreux, ils laissent croire qu’il lui est possible de travailler.
[73] De nombreux psychologues ont évalué l’état psychologique de l’appelant avant
décembre 2008. Le Dr Morris (en mai et en octobre 2007) ne croyait pas qu’il était atteint
d’une déficience émotionnelle débilitante, et estimait que l’appelant devait être encouragé à
retourner au travail. Le Dr Van Der Spuy (octobre 2007) était d’avis que l’appelant souffrait
de dépression grave et lui a recommandé des traitements de psychothérapie, mais n’a pas dit
qu’il était incapable de travailler. Le Dr Bradley a souligné à la fin de 2008 que l’appelant
n’avait jamais pris de médicaments pour son trouble psychologique. Il estimait qu’il se
présentait comme étant plus invalide qu’il ne l’était et ne voyait aucune preuve de détresse
émotionnelle. Cependant, quelques mois plus tard, se fondant sur le rapport de l’EPACT, il
dit être d’avis qu’il était incapable de détenir quelque emploi que ce soit pour lequel il
possédait une formation, une scolarité et une expérience raisonnable. Le Tribunal souligne
que cette opinion était fondée en grande partie sur des facteurs non psychologiques, tels que
la faible connaissance de l'anglais et l’absence de formation officielle de l’appelant, plutôt
que sur des facteurs qui sont principalement liés à son état psychologique. De plus, le
Tribunal constate qu’en 2014, de l’avis du Dr Bradley, les problèmes psychologiques de
l’appelant avaient été réglés en grande partie2. Compte tenu de la preuve qui précède, le
Tribunal n’est pas convaincu que l’état psychologique de l’appelant était grave au moment
où a pris fin sa PMA (ou par la suite).
2 Le D
r Gouws (2013) et le D
r Bradley (2014) ont sont venus à des conclusions très différentes, le D
r Gouws lui
ayant diagnostiqué un trouble douloureux et un trouble d’adaptation chronique et ayant établi l’EGF de l’appelant à
45, et le Dr Bradley ayant conclu qu’il n’y avait aucune preuve appuyant un diagnostic de problème ou de déficience
psychologique important. Le Tribunal privilégie la conclusion du Dr Bradley : il a évalué l’appelant deux fois
auparavant, une fois avec sympathie, et son rapport est le plus récent sur l’état psychologique de l’appelant.
[74] Il ne s’agit pas d’un cas où l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité
du RPC du fait de son défaut de suivre les traitements recommandés. L’appelant a fait de la
physiothérapie lorsque cela était possible, s’est servi des installations d’un gymnase local et
a eu recours à des appareils d’aide, comme un corset lombaire. Rien ne montre qu’il a omis
de se conformer aux recommandations relatives aux médicaments. Bien que l’appelant n’ait
pas fréquenté une clinique de gestion de la douleur avant la fin de sa PMA, rien n’indique
que son médecin de famille l’a aiguillé vers un tel programme, et donc, en ce sens, il n’a pas
omis de se conformer aux options de traitement proposées.
[75] Compte tenu des rapports d’imagerie, des évaluations de capacités fonctionnelles et
des rapports des spécialistes sur l’état physique et mental de l’appelant, le Tribunal n’est pas
convaincu que les invalidités de l’appelant étaient graves à la date de fin de sa PMA.
[76] De plus, le Tribunal souligne que, même si les invalidités de l’appelant avaient été
jugées graves, il faut également tenir compte du critère de la gravité. Dans l’arrêt Inclima c.
Canada (P.G.), (2003 CAF 117 [Inclima]), la Cour d’appel fédérale a statué que, si des
éléments de preuve laissent entendre que le demandeur est apte à travailler, ce dernier doit
prouver que « les efforts qu’il a déployés pour trouver et conserver un emploi ont été
infructueux en raison de son état de santé » (paragraphe 3). En outre, dans l’arrêt Villani c.
Canada (P.G.) (2001 CAF 248 [Villani]), la Cour a statué que les demandeurs doivent
fournir « une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des
possibilités d’emploi » (paragraphe 50).
[77] En l’espèce, le Tribunal souligne que l’appelant a repris des tâches légères à la suite
de son accident. Cependant, il a cessé de travailler, non pas parce qu’il n’avait pas la
capacité de continuer, mais parce que son employeur n’avait plus de tâches légères à lui
confier. De plus, l’appelant a témoigné que, s’il avait eu de telles tâches à faire, il aurait
continué à travailler. Cette affirmation laisse croire qu’il avait une certaine capacité à
travailler. En outre, l’appelant a déclaré qu’après avoir quitté son emploi il n’avait pas
cherché un autre emploi, apparemment en partie parce qu’il ne croyait pas pouvoir trouver
un emploi aussi payant que son ancien emploi. Toutefois, le Tribunal constate que la
question est de savoir s’il pouvait occuper un autre emploi, et non pas un emploi qui était
aussi payant que son emploi initial. Il n’a pas non plus tenté d’apprendre l’anglais, ce qui
aurait été un premier pas dans la bonne direction pour se trouver un autre emploi. Le
Tribunal n’est pas convaincu que son explication, soit qu’il ne croyait pas pouvoir trouver
un enseignant qui parlait aussi le pendjabi, était raisonnable. Par conséquent, l’appelant n’a
pas respecté les conditions des critères énoncés dans les arrêts Inclima ou Villani.
[78] En résumé, il ne fait aucun doute que, depuis son accident, l’appelant a éprouvé des
difficultés tant au plan de sa santé physique que mentale. Cependant, compte tenu de
l’ensemble de la preuve, le Tribunal a conclu que, selon la prépondérance des probabilités,
l’invalidité de l’appelant n’était pas grave.
Invalidité prolongée
[79] Comme le membre a déterminé que l’invalidité n’était pas grave, il n’a pas à se
prononcer sur le caractère prolongé de l’invalidité.
CONCLUSION
[80] L’appel est rejeté.
Carol Wilton
Membre de la division générale – Sécurité du revenu