Toxicité endobuccale des thérapies ciblées anticancéreuses

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nnales de dermatologie et de vnrologie (2014) 141, 354363

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

EVUE GNRALE

oxicit endobuccale des thrapies ciblesnticancreuses

ral toxicity of targeted anticancer therapies

V. Sibauda,, F. Boralevib, E. Vigariosc, J.-C. Fricaind,e

a Dermatologie, consultation pluridisciplinaire de pathologie de la muqueuse buccale,institut universitaire du cancer, Toulouse Oncopole, 1, avenue Irene-Joliot-Curie, 31100Toulouse cedex, Franceb Dermatologie, consultation pluridisciplinaire de pathologie de la muqueuse buccale, unitde dermatologie pdiatrique, hpital Pellegrin enfants, place Amlie-Raba-Lon, 33076Bordeaux cedex, Francec Odontologie, consultation pluridisciplinaire de pathologie de la muqueuse buccale, institutuniversitaire du cancer, Toulouse Oncopole, 1, avenue Irene-Joliot-Curie, 31100 Toulousecedex, Franced Unit de mdecine bucco-dentaire, consultation pluridisciplinaire de pathologie de lamuqueuse buccale, UFR odontologie Bordeaux, 16-20, cours de la Marne, 33076 Bordeauxcedex, Francee Ple odontologie et sant buccale, hpital Pellegrin, place Amlie-Raba-Lon, 33076Bordeaux cedex, France

Recu le 11 novembre 2013 ; accept le 3 mars 2014Disponible sur Internet le 13 avril 2014

MOTS CLSLsions buccales ;Thrapies cibles ;Mucite ;Ulcrationsaphtodes ;

Rsum Si la toxicit des thrapies cibles anticancreuses sur la muqueuse buccale apparatrelativement frquente en pratique clinique, elle na pas t vraiment caractrise jusquici,en dehors des ulcrations aphtodes des inhibiteurs mTOR. Nous rapportons ici les principalesmanifestations endobuccales de ces nouveaux traitements, en dcrivant les prsentations cli-niques les plus frquentes mais aussi les plus caractristiques de ces molcules, comme lesmucites induites par les anti-EGFR, les hyperkratoses sous inhibiteurs de BRAF, les glossitesHyperkratose ; migratrices bnignes et les ostoncroses de la mchoire observes avec les anti-angiogniques,

Glossite migratricebnigne ;Ostoncrose de lamchoire

ou les lsions plus spcifiques limatinib. 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits rservs.

Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (V. Sibaud).

http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2014.03.009151-9638/ 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits rservs.

dx.doi.org/10.1016/j.annder.2014.03.009http://www.sciencedirect.com/science/journal/01519638http://crossmark.crossref.org/dialog/?doi=10.1016/j.annder.2014.03.009&domain=pdfmailto:[email protected]/10.1016/j.annder.2014.03.009

Toxicit endobuccale des thrapies cibles anticancreuses 355

KEYWORDSOral lesions;Targeted therapies;Mucositis;Aphthous-like lesions;Hyperkeratosis;Benign migratoryglossitis;Osteonecrosis of thejaw

Summary While toxicity of targeted anticancer therapies on the oral mucosa seems rela-tively frequent in clinical practice, it has not been properly characterized to date, apartfrom aphthous-like lesions due to mTOR inhibitors. Herein, we report the main oral lesionsassociated with these new therapies, with a description of the most frequent but also themost characteristic clinical manifestations of these drugs, such as anti-EGFR-induced mucosi-tis, BRAF-inhibitor-associated hyperkeratosis, benign migratory glossitis and osteonecrosis ofthe jaw observed with angiogenesis inhibitors, as well as lesions more specifically linked withimatinib. 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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Lgrsctrcdnlsrafldltdfml[otsr[pdf

Les progrs considrables raliss dans la connaissance desmcanismes de loncogense ont permis le dveloppementde nouveaux traitements anticancreux appels thrapiescibles. Leurs effets thrapeutiques rsultent le plus sou-vent de linhibition dune ou plusieurs protines activit kinase impliques dans la progression tumorale. Deuxgrands groupes existent du point de vue pharmacologique :des anticorps monoclonaux (suffixe mab) reconnaissantla partie extra-cellulaire des rcepteurs tyrosine kinaseet de petites molcules orales inhibitrices de tyrosine ouserine-thronine kinases prsentant une activit mono- oumulti-cibles intracellulaire (suffixe le plus souvent en nib).

La toxicit cutane de ces thrapies cibles anti-cancreuses est maintenant bien caractrise, tant dans saprvalence que dans ses multiples manifestations cliniques[14]. Le suivi et laccompagnement dermatologiquesdoivent aujourdhui faire partie intgrante, au quotidien,de la prise en charge des nombreux patients traits.

La majorit des rcepteurs et voies de signalisationinhibs par ces nouveaux traitements sont aussi physiolo-giquement exprims dans la muqueuse buccale et y jouent,comme dans la peau, un rle fondamental dans le contrlehomostasique. Paradoxalement, la toxicit endobuccalede ces molcules na pas t vraiment individualise, lexception des ulcrations aphtodes des inhibiteurs mTOR.Cela sexplique au moins partiellement par le caractreparfois asymptomatique de ces lsions induites, coupl labsence dexamen buccal systmatique lors des phasesde dveloppement de ces molcules, qui ont de surcrotsouvent bnfici dun enregistrement acclr (fast trackapproval). Lincidence des effets indsirables des thrapiescibles au niveau buccal est donc probablement sous esti-me [5,6]. Il apparat pourtant que cette toxicit muqueusepeut avoir des prsentations cliniques trs variables etmme parfois spcifiques, en fonction des familles thra-peutiques. Elle se distingue en tout cas des mucites chimio-et radio-induites, notamment par une frquence et uneintensit moindres [5,715].Nous dtaillerons ici les principales manifestations endo-buccales des thrapies cibles anticancreuses, confrontantles donnes de la littrature notre exprience, la foismultidisciplinaire et bicentrique, dans ce domaine.

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nhibiteurs du rcepteur EGF (anti-EGFR)

ans radiothrapie associe

inhibition spcifique du rcepteur de lEGF (epidermalrowth factor) reprsente maintenant une des cibles th-apeutiques privilgies dans de nombreux cancers, que ceoit par anticorps monoclonaux (panitumumab : Vectibix ;etuximab : Erbitux) ou par petites molcules orales (erlo-inib : Tarceva ; gefitinib : Iressa ; afatinib). tant donn lele fondamental jou par ce rcepteur dans lhomostasieutane, notamment dans le contrle de la prolifrationes kratinocytes basaux, leur maturation et les mca-ismes rgissant lapoptose et la survie cellulaires [16],a toxicit cutane induite par les anti-EGFR est trsouvent au premier plan. Elle concerne une grande majo-it de patients traits avec ces molcules, lruptioncniforme et les granulomes pyogniques tant les mani-estations les plus caractristiques [2,4]. Le rcepteur deEGF est galement physiologiquement exprim au niveaues autres cellules pithliales basales [16], notamment sura muqueuse buccale [17]. Paradoxalement cependant, laoxicit endobuccale reste relativement rare [18] compare

la toxicit cutane. Une mucite est note dans 10 36 %es cas [19,20]. Elle est trs majoritairement dintensitaible modre [1821] et concerne principalement lauqueuse non kratinise (faces ventrales et latrales de

a langue, plancher buccal, palais mou, muqueuse jugale)5]. Il peut sagir simplement dun rythme diffus [5,18,22]u dulcrations symptomatiques plus ou moins bien limi-es (Fig. 1). Ces dernires sont moins profondes et moinsvres que celles de la mucite observe avec la chimioth-apie [5]. Des lsions aphtodes sont galement possibles2,18,19]. Latteinte labiale nest pas rare (Fig. 2), associearfois une chilite angulaire [5,22]. Des dysgueusies etes xrostomies sont galement rapportes [5,22], mais deacon moins systmatique.

Une moindre frquence de survenue avec le cetuxi-ab quavec lerlotinib a t suggre [5,21]. Une toxicit

imilaire peut galement sobserver avec les anti-MEK (selu-

etinib, trametinib) (Fig. 2), qui sont actuellement en coursenregistrement.

356 V. Sibaud et al.

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Tableau 1 Mesures symptomatiques daccompagn-ement des patients sous thrapies cibles anti-cancreuses (ou sous chimiothrapie) [1215].

radication des foyers bucco-dentaires avant le dbutdu traitement

ducation du patient lhygine bucco-dentaire :brossage minutieux et doux des dents, de la gencivevers les dents, pendant au moins trois minutes, troisfois par jour, avec brosse dents souple (7 15/100e)et dentifrice fluor (non menthol) ; nettoyage desespaces inter-dentaires avec brossette inter-dentaireou fil dentaire ; ne pas interrompre les brossagesmme en cas de saignement gingival. Enlever etnettoyer rgulirement les prothses dentaires.viter brosses dent lectriques et cure-dents

Bains de bouche rguliers, en vitant les antiseptiquesou les antifongiques en labsence dindicationsspcifiques (ex. : solution de bicarbonate de sodium 1,4 %)

viter les aliments trop chauds, trop froids, trop pics,trop blessants, trop acides

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igure 1. Mucite avec ulcrations superficielles diffuses induitear le cetuximab.

Larrt du traitement oncologique est rarement nces-aire. Les lsions, prsentes surtout en dbut de traitement,ont le plus souvent transitoires. Les mesures gnrales pro-oses pour la prise en charge des mucites chimio-induiteseuvent tre conseilles (Tableau 1) [1215], tout commees applications locales de dermocorticodes [18] sur lessions douloureuses.

n association avec la radiothrapie

association radiothrapie-cetuximab reprsente aujou-dhui le traitement de rfrence de nombreux cancers ORLocalement avancs. Dans ltude pivotale de Bonner et al.23], lincidence de la mucite paraissait leve dans les deuxroupes de traitement, sans diffrence significative entrees groupes : 94 % dans le groupe cetuximab + radiothrapieersus 93 % dans le groupe radiothrapie seule, dont 56 %ersus 52 % de grades levs. Depuis, la plupart des tudesontredisent ces rsultats initiaux. On peut aujourdhuionsidrer que le cetuximab augmente trs probablementa toxicit de la radiothrapie sur la muqueuse buccale5,20,22,24,25]. Lors de leur mta-analyse, Tejwani et al.

20] ont estim lincidence globale des mucites de hautrade 47,5 % avec cette association thrapeutique, avecn risque relatif de 1,8 (IC95 %, 1,52,0 ; p < 0,001) par

igure 2. Ulcration labiale isole sous anti-MEK.

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apport la radiothrapie seule. Ce surcrot de risque poures mucites paraissait cependant moins lev que celui desadiodermites de haut grade [20].

In vitro, il est dmontr que les cellules tumorales pr-raites par inhibiteurs du rcepteur lEGF sont plusensibles la radiothrapie [16]. En parallle, lirradiationes cellules kratinocytaires naves induit une surexpressiones rcepteurs lEGF [26], permettant une augmenta-ion de la prolifration et de la survie de ces cellules, etlobalement des mcanismes impliqus dans la rparationissulaire et de lADN [20]. Linhibition thrapeutique dee rcepteur, concomitamment la radiothrapie, favo-ise alors lapoptose, modifie le fonctionnement normal desratinocytes et limite la rparation des dommages induitsar lirradiation sur les tissus pithliaux sains entourantes lsions tumorales. Cela peut au moins partiellement xpliquer la potentialisation thrapeutique mais aussi dl-re observe en pratique clinique avec cette association.

Cliniquement, les lsions se superposent celles de laucite radio-induite qui, contrairement la mucite chimio-

nduite, peut concerner galement la muqueuse kratinise.ryor et al. ont toutefois rcemment rapport une pr-entation clinique un peu diffrente, avec une atteintendobuccale antrieure paradoxalement plus frquente [24]

tout comme latteinte labiale , alors que ces terri-oires recoivent globalement une dose totale dirradiationoindre. Ces donnes doivent tre confirmes de faconrospective.

La prise en charge thrapeutique est nettement plus pro-lmatique quen cas de monothrapie par anti-EGFR. Lesormes svres (grades 3 ou 4) sont frquentes, dautantue la radiothrapie et le cetuximab peuvent dans ceontexte tre galement associs une chimiothrapie de

ype fluorouracilecisplatine. Une adaptation posologiqueu un dcalage des sances dirradiation [24,26] sont parfois


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Figure 3. ac : ulcrations aphtodes multiples sous inhibiteurs m

ncessaires. Les mesures symptomatiques dcrites prc-demment doivent tre scrupuleusement suivies.

Inhibiteurs mTOR

Les inhibiteurs mTOR (mammalian target of rapamycin)induisent trs frquemment des manifestations endobuc-cales. Il sagit dun effet classe [27], observ aussi bienavec leverolimus (Afinitor) que le temsirolimus (Torisel)ou le ridaforolimus [8]. Lincidence globale de cette stoma-tite (mIAS, mTOR inhibitor-associated stomatitis) est daumoins 40 % [9,2730], avec titre dexemple un risquerelatif estim 11,1 (IC95 % : 5,6022 ; p < 0,001) pour letemsirolimus [9]. Elle reprsente la toxicit la plus fr-quente de ces molcules [27,30], mme si latteinte restele plus souvent lgre modre, avec moins de 5 % despatients traits concerns par un grade lev (3 ou 4)[9,2730].

Les lsions cliniques correspondent quasi exclusivement des ulcrations aphtodes arrondies (Fig. 3ac), dou-loureuses, de petite taille (le plus souvent infrieure 1 cm) [8,10,27,30]. En revanche, le halo rythma-teux pri-lsionnel, caractristique des aphtes, nest pastoujours prsent [25]. Elles se localisent trs prfrentiel-lement sur la muqueuse non kratinise [8,9,29] mais ne

saccompagnent pas datteinte du tractus digestif et dif-frent clairement des mucites chimo-induites [710,28,29].Elles ont le mme aspect que les lsions prcdem-ment dcrites avec le sirolimus [8,25]. Ces ulcrations

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(everolimus et temsirolimus).

pparaissent rapidement aprs le dbut du traitement,ouvent pendant le premier cycle, mais ont tendance gresser puis disparatre progressivement [9,10,27,28,30].ose-dpendantes [9,2830], elles ne ncessitent cepen-ant une rduction posologique que chez moins de 10 %es patients atteints [27,29]. Leur traitement, sympto-atique, repose avant tout sur les corticodes locaux

7,9,10,28,29] associs aux mesures prventives gnralesaccompagnement des mucites (Tableau 1) [1215]. Enfin,ans notre exprience, lutilisation de lasers de basse ner-ie (4 J/cm2, 2 sances 48 h dintervalle) permet parfoisn effet antalgique immdiat et une acclration de la cica-risation. Cette donne doit tre confirme par des tudesrospectives.

matinib

imatinib (Glivec), inhibiteur spcifique de tyrosine kinaseirig contre la protine de fusion bcr-abl, c-KIT et lecepteur PDGF (platelet derived growth factor), ninduitue rarement une mucite [5], notamment en comparaisonvec dautres inhibiteurs multi-kinases comme le sunitinibSutent) ou le sorafenib (Nexavar) [21]. En revanche,ette molcule favorise parfois lapparition de manifesta-ions endobuccales assez caractristiques.actions lichnodes

e dveloppement de lsions lichniennes est un ph-omne rare mais classique avec limatinib [2,31]. Ces


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igure 4. Raction lichnode jugale (imatinib).

sions apparaissent le plus souvent progressivement, aprsuelques mois de traitement [25,3137]. Elles peuvent sur-enir isolment sur la muqueuse buccale [3234] ou tressocies des lsions lichniennes cutanes [35,36]. Leurrsentation clinique est variable, associant des zones atro-hiques ou ulcres [32,34,36], volontiers symptomatiques,

des lsions rticules blanches plus caractristiques33,34,36,37]. Elles se localisent souvent sur la face dorsalee la langue [32,3537], mais les lvres ou la muqueuseugale [25,3537] (Fig. 4) peuvent galement tre concer-es. La prise en charge thrapeutique repose sur laorticothrapie locale ou gnrale [36,37], exceptionnel-ement lacitrtine [31]. Limatinib peut cependant treoursuivi dans la majorit des cas, parfois aprs un arrtransitoire ou une diminution de posologie [3336], cessions tant dose-dpendantes [31].

yperpigmentation palatine

i limatinib peut induire des modifications pigmentaireshez les patients traits, principalement sous la formehypopigmentations et beaucoup moins frquemmenthyperpigmentations de la peau ou des phanres [2,31],ela ne concerne quexceptionnellement la muqueuse buc-ale [38]. En revanche, la prsentation clinique est alorsssez spcifique, avec une dizaine dobservations similairesapportes [3843]. Il sagit dune hyperpigmentation dif-use situe strictement sur le palais dur, asymptomatique,e couleur gris bleu ou marron [3843]. Sa dcouverte estn gnral fortuite et son dlai dapparition nest pas connu.lle a t dcrite aussi bien chez des patients caucasiens ue dans une population ethnique , chez des patientsraits pour GIST (gastrointestinal stromal tumor) ou leuc-ie mylode chronique, pralablement traits ou non par

ydroxyure [41,43,44]. La prsence de mlanine dans laamina propria, associe ou non des mlanophages, sanstteinte pithliale, est laspect histologique le plus souventis en vidence [39,4143]. Linteraction de limatinib avec

-KIT, qui est physiologiquement exprim dans la muqueuse

uccale [40], pourrait tre lorigine de cette hyperpig-entation [38,39,42]. Un polymorphisme de loncogne KITourrait galement tre impliqu [40]. Cette hyperpig-entation ne ncessite pas de traitement particulier. La

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igure 5. Ulcration induite par le sunitinib.

escription de lsions induites hyperpigmentes sur dautresarties de la muqueuse buccale est tout fait anecdotique45,46].

hrapies cibles anti-angiogniques

atteinte endobuccale est galement frquente avec lesnti-angiogniques, famille thrapeutique possdant unectivit au moins partielle dirige contre le VEGF (vascu-ar endothelial growth factor). Elle peut mme tre parfoisssez caractristique. Elle sobserve aussi bien avec leevacizumab (Avastin ; anticorps monoclonal dirig direc-ement contre le VEGF) quavec les inhibiteurs multi-ciblese tyrosine kinase comme le sorafenib (Nexavar : anti-EGFR 2,3 ; PDGFR ; pan-RAF ; Flt3 ; RET) et le sunitinibSutent : anti-VEGFR 13 ; PDGFR - ; Flt3 ; c-KIT ; CSF1R ;ET).

tomatite/mucite

on incidence varie en fonction des molcules. Si ellepparat relativement frquente avec le sunitinib (2038 %)5,10,47,48] et un degr moindre avec le sorafenib4749], elle est en revanche beaucoup plus rare avece pazopanib (Votrient : anti-VEGFR 13 ; PDGFR - ;IT) et le bevacizumab [10,47,48,50]. Son incidence reste

dterminer pour le regorafenib (Stivarga : anti-VEGFR3 ; PDGFR ; RAF1 et BRAF ; FGFR1 ; RET ; KIT) mais elleapparat pas nulle [51]. En fonction des sries, elle a tapporte la fois sous le terme gnrique de stomatite u de mucite , le plus souvent sans examen endobuc-al systmatique associ. La prsentation clinique na doncas t vraiment caractrise. Cependant, elle diffre lncore clairement de la mucite chimio-induite [10,11,14].es lsions ulcres, aphtodes, ont galement t dcrites10] (Fig. 5), mais leur incidence na pas t valueomme avec les inhibiteurs mTOR et elles apparaissent deoute facon plus rares [5,10]. Parfois, les patients ne rap-ortent quune hypersensibilit diffuse de la muqueuse,ans lsion objective individualise [10,11]. Avec le suniti-

ib, le dveloppement de fissures linguales hyperalgiques at exceptionnellement not [11]. Nous lavons galementbserv avec le sorafenib chez un patient (Fig. 6).

Toxicit endobuccale des thrapies cibles anticancreuses

Figure 6. Ulcrations linguales diffuses et hyperalgiques obser-

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ves avec le sorafenib.Collection Dr Mourey, institut C. Regaud.

En gnral, les lsions se dveloppent rapidement enquelques jours ou semaines aprs lintroduction du traite-ment [10,25,50,52] pour sattnuer progressivement ensuite[11]. Les formes svres sont trs peu frquentes (1 3 %de grade 3 avec le sunitinib) [5,25,47,49,50] et ne sont querarement lorigine dune adaptation posologique ou dunarrt du traitement anticancreux [10,11,53]. Dans notrepratique clinique, la gne fonctionnelle reste le plus sou-vent trs modre et la gestion de cette atteinte nestquexceptionnellement problmatique. Elle repose avanttout sur des mesures prventives communes celles pr-conises pour la chimiothrapie (Tableau 1) [11,49,53].

Enfin, une corrlation statistique entre la survenue dunestomatite et dun syndrome mains-pieds de grade lev at rcemment suggre, la fois pour le sorafenib et lesunitinib [10,52].

Dysgueusie

Elle concerne avant tout le sunitinib [50,53], o elle estnote chez prs de 50 % des patients traits [10,50,53],

mais peut galement sobserver avec le sorafenib [5,6]. Ellepeut tre isole ou survenir dans le cadre dune stomatiteou dune langue gographique induite (voir ci-dessous). Sonimpact peut tre au final plus important que celui dune

ugc[

Figure 7. a et b : glossites migratrices bnignes sous sorafenib et suni359

ventuelle stomatite, ce dautant que le traitement peuttre poursuivi pendant plusieurs mois ou annes. Elle peutcessiter une rducation au got ou des mesures asso-ies, afin de limiter une perte dapptit ou de poids [50]rop svre. Une xrostomie peut galement tre prsente10].

lossites migratrices bnignes

e dveloppement de vritables langues gographiques oulossites migratrices bnignes a t rcemment rapportar Gavrilovic et al. [54] avec le bevacizumab. Nous lavonsgalement dcrit avec le sorafenib et le sunitinib [55]Fig. 7a et b). Les langues gographiques survenant danse contexte apparaissent plus souvent douloureuses que lesormes habituelles, et parfois associes une dysgueusie6,54,55]. Elles ne ncessitent cependant pas de modifica-ion thrapeutique. Il nest pas non plus exclu que seules lesormes symptomatiques soient individualises, la vritablencidence de cet effet indsirable restant probablementous-value [6]. Cela souligne nouveau la ncessit dunxamen endobuccal systmatique des patients traits parhrapies cibles. Par ailleurs, cette association non fortuiteuggre un rle potentiel du VEGF dans les mcanismes phy-iopathologiques rgissant la glossite migratrice bnigne.

stoncrose de la mchoire (OM)

ien que dindividualisation assez rcente, lostoncrosee la mchoire (OM) est une situation relativement fr-uente en oncologie. Elle est dfinie par la persistanceune zone dos maxillaire ncrotique expose, sans cica-risation obtenue aprs au moins 8 semaines dvolution,n dehors de tout contexte dirradiation [5658]. Elle seanifeste par des douleurs locales avec le plus souventdme inflammatoire, mobilit dentaire, coulement puru-

ent, principalement au niveau de la mandibule (Fig. 8ac)57,59]. Le diagnostic est renforc par limagerie, maiselle-ci ne permet gnralement pas le dpistage desormes prcoces. Si elle peut survenir de facon spontane,

ne extraction dentaire, une alvoloplastie, une chirur-ie ost-alvolaire ou toute agression de la muqueuse sontlairement des facteurs favorisants, voire dclenchants5660]. Elle concerne galement 1 6 % des patients

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igure 8. (a et b) : ostoncrose de la mandibule avec le zolendr

raits par bisphosphonates [56,57] pour des localisationssseuses mtastatiques. Lacide zoledronique (Zometa) etoins frquemment lacide pamidronique (Ostepam) sont

e plus souvent incrimins. Les bisphosphonates modifientn effet la rsorption et le remodelage osseux, en favo-isant lapoptose des ostoclastes [5759,61]. De plus, ilsimiteraient le processus de cicatrisation muqueuse par leursroprits anti-angiogniques [56,58]. Lutilisation du deno-umab (Xgeva) dans un contexte oncologique, anticorpsonoclonal visant RANK-ligand, sassocie galement une

ugmentation significative du risque (1,7 ; IC95 % : 0,93,1)62].

Plusieurs cas dOM ont galement t sporadiquementapports avec les thrapies cibles anti-angiogniquesomme le bevacizumab [5,56,57,59,63] et le sunitinib56,58,60,61,64,65] ( notre connaissance, il ny a pas eu

e cas dcrits avec le sorafenib ou le pazopanib). Dans lalupart des cas, un traitement par bisphosphonates taitssoci [56,57] ; de facon plus exceptionnelle, le traitement

ficp

e et (c) du maxillaire suprieur avec le bevacizumab.

nti-angiognique seul tait impliqu [57,60,63,64]. Nous neisposons pas de larges tudes prospectives permettant deonfirmer dfinitivement limputabilit au bevacizumab niu sunitinib ; il apparat cependant raisonnable de consid-er ces deux molcules comme pouvant favoriser survenueune OM, notamment en cas dassociation avec lacideoledronique [56,64]. Cela implique que lodontologiste soitrvenu avant tout soin dentaire dans ce contexte, et quee tels soins soient strictement limits pendant la dureu traitement [57,63]. Idalement, tout comme avec lesisphosphonates, le patient doit tre valu au niveau odon-ologique avant lintroduction de la thrapie cible. Lesoyers bucco-dentaires doivent tre radiqus avant la misen place du traitement. Une ducation thrapeutique hygine dentaire doit tre systmatiquement effectue57,59,61,63,65]. LOM est de prise en charge souvent dif-

cile (associant traitement mdical par antibiotiques ethirurgie), avec une volution souvent prolonge [59]. Ilarat donc ncessaire que le clinicien sache voquer de


Figure 10. Hyperkratose de la muqueuse jugale (inhibiteurs deBRAF).

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Figure 9. Coloration jauntre de la muqueuse buccale favorisepar le sunitinib.

facon prcoce ce diagnostic, afin damliorer significative-ment le pronostic [59,61,65].

Il faut enfin prendre en compte dans le suivi odontolo-gique de ces patients que le sunitinib, le sorafenib et plusencore le bevacizumab retardent en gnral les phnomnesde cicatrisation muqueuse [25] et favorisent le saignementgingival pendant toute la dure du traitement [5,61].

Sunitinib et dyschromie muqueuse

Les patients traits par sunitinib prsentent souvent unecoloration jauntre de la peau [38], plus visible au niveau duvisage mais qui concerne en fait lensemble du tgument.Elle peut galement sobserver de facon exceptionnelle auniveau muqueux (Fig. 9). Elle est directement lie la mol-cule elle-mme et sassocie une coloration caractristiquedes urines.

Inhibiteurs de BRAF

Les inhibiteurs spcifiques de BRAF, comme le dabrafenib(Tafinlar) ou le vemurafenib (Zelboraf), ont la capacitde modifier la prolifration des kratinocytes non mutsBRAF (cest--dire non porteurs de la mutation V600), avecen aval une activation paradoxale de la voie de signa-lisation MAP-kinase [1,66]. Il en rsulte tout un spectredeffets indsirables cutans hyperkratosiques, allant delsions bnignes (kratose pilaire, syndrome mains-pieds,ruption rappelant la maladie de Grover, hyperkratose desmamelons, microkystes, papillomes verruqueux) jusquaudveloppement, dans plus de 25 % des cas, de tumeursmalignes type de krato-acanthomes ou de carcinomespidermodes [1,6668].

La survenue concomitante de lsions muqueuses hyper-kratosiques a t trs rarement rapporte [67]. Ellenapparat cependant pas exceptionnelle en pratique cli-nique. Le bord latral de la langue et la muqueuse jugale

en regard de la linea alba seraient particulirementconcerns (Fig. 10), mais ceci devra tre mieux caractrispar un suivi prospectif. Une atteinte gingivale est gale-ment possible (Fig. 11) [67]. De mme, le dveloppement de

lder

igure 11. Hyperkratose de la gencive marginale (inhibiteurs deRAF).

ritables carcinomes pidermodes est thoriquement pos-ible dans ce contexte ; une caractrisation histologiquee ces lsions hyperkratosiques induites nous parat donccessaire devant toute prsentation clinique suspecteaspect inhomogne de la kratose, rythme, ulcrationsu douleurs associes). Enfin, le suivi dermatologique desatients traits doit inclure de facon systmatique unxamen endobuccal (et idalement ano-gnital) mensuel,oursuivi jusque six mois aprs larrt du traitement.

onclusion

a toxicit des thrapies cibles anticancreuses sur lauqueuse buccale est moins frquente que leur toxicit

ur la peau, qui est souvent au premier plan. Ces lsionspparaissent galement clairement moins symptomatiquesue la mucite chimio-induite et sont assez rarement origine dune diminution de posologie. Elles peuvent treanmoins cliniquement assez spcifiques et lexamen sys-matique de la muqueuse buccale doit tre prconis dans

e suivi dermatologique des patients traits. Seule cepen-ant la mise en place dtudes prospectives [6], avec unxamen buccal systmatique, permettra de dfinir leurelle incidence et de caractriser plus prcisment leur

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rsentation clinique selon les familles thrapeutiques enause.

claration dintrts

es auteurs dclarent ne pas avoir de conflits dintrts enelation avec cet article.

frences

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