Thèse - JOURAND Clément...Une étude de l’activité d’élèves dans différents dispositifs...
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THÈSE présentée par
Clément JOURAND
en vue de l’obtention du grade de : Docteur de Normandie Université
délivré par
l’Université de Rouen
Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (74ème section)
Dynamique des interactions lors de leçons d’Education Physique
et Sportive en Course d’Orientation
Une étude de l’activité d’élèves dans différents dispositifs
d’apprentissage
Le 1er avril 2015
Devant le jury composé de :
Fabienne d’Arripe-Longueville Professeure, Université de Nice (rapporteur)
Nathalie Gal-Petitfaux Maître de Conférence HDR, Université de Clermont-Ferrand (rapporteur)
Denis Hauw Professeur, Université de Lausanne
Jacques Saury Professeur, Université de Nantes
Carole Sève Inspectrice Générale HDR, Ministère de l’Education Nationale
Régis Thouvarecq Professeur, Université de Rouen (directeur)
David Adé Maître de Conférence, Université de Rouen (co-directeur)
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Remerciements
Cette thèse est le résultat de dynamiques d’interaction avec de nombreuses personnes sans
lesquelles ce travail n’aurait pas pu aboutir. Particulièrement...
… Régis et David, mes directeurs de thèse
J’espère que ce manuscrit sera un remerciement à la hauteur de vos exigences, de votre investissement et de vos encouragements continus durant ce travail de thèse. Dans le bureau des « Gentleman », j’ai été le témoin de discussions épistémologiques les plus enrichissantes qui soient…
… Aux membres de mon jury de thèse, Profs. Fabienne d’Arripe-Longueville, Nathalie Gal-Petitfaux, Denis Hauw, Jacques Saury et Carole Sève
Je tiens à les remercier pour le temps qu’ils ont pris à expertiser ce manuscrit, et l’intérêt qu’ils ont pu y porter.
… John,
Merci pour ta disponibilité, ton intuition scientifique et tes remarques constructives qui ont contribué à nourrir ce travail. Merci aussi pour tes encouragements surtout sur la fin de thèse lorsque le sprint final a démarré.
… Aux membres du laboratoire CETAPS,
Je remercie tous les membres pour leur aide et leur soutien qu’ils ont pu m’apporter durant cette thèse, et notamment Jérémie (« pour sa carte de photocopie »), Ludovic, Pascal et Mickaël (pour leurs disponibilités et leurs précieux conseils).
… A mes parents, mes deux frangins et Sarah
Je les remercie pour avoir toujours cru en moi et leurs encouragements sans cesse renouvelés durant cette thèse aussi bien dans les moments les plus durs que dans les moments les plus paisibles. Spécialement, à Benjamin (le grand frère) avec qui je suis par exemple au téléphone - il est 23h40 - pour son soutien logistique en informatique réquisitionné plusieurs fois ; à Maxime (le petit frère) pour ses compétences linguistiques sollicitées à plusieurs reprises et aussi pour son prêt de PC portable (le mien n’ayant pas supporté deux ans de Master avec David et 4 ans de thèse avec la dyade détonante Régis/David).
… A Anne-Sophie, Cédric, Maxime, Frédéric, Mélanie, Sylvain, Thomas, Guillaume, Jean-Marc et Bertrand, des amis indissociablement liés à l’aboutissement de ce manuscrit
Merci pour leur soutien et leur amitié incommensurable (Oui Cédric c’est un gros mot !) et pour avoir toujours cru en moi et avoir été là dans tous les moments, des plus critiques aux plus sereins.
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Table des matières
Remerciements ......................................................................................................................... 2
Table des matières .................................................................................................................... 3
Introduction générale……………………………………………………………………….13
Partie 1. Revue de littérature ............................................................................................. 16
Chapitre 1. Les recherches relatives aux interactions entre les élèves en EPS ........... 18
1. Les interactions dans l’approche psychosociale ........................................................ 18
1. 1 Les interactions dans le courant Cooperative Learning .................................................. 18
1.1.1. Catégorisation des formes d’interaction ....................................................................... 18
1.1.2. Effets des interactions entre les élèves sur leurs apprentissages .................................. 19
1.1.2.1 Apports épistémiques ................................................................................................... 19
1.1.2.2 Apports transformatifs .................................................................................................. 21
1. 2 Les interactions dans le courant Peer-Assisted Learning ............................................... 22
1.2.1. Catégorisation des formes d’interaction entre les élèves ........................................... 22
1.2.2. Effets des interactions dyadiques sur les apprentissages .............................................. 23
1. 3 Intérêts et limites des résultats issus des courants Peer-Assisted Learning et Cooperative Learning. ......................................................................................................................... 26
1.3.1 Intérêts……. ................................................................................................................. 26
1.3.2 Limites….. .................................................................................................................... 27
2. Les interactions dans les approches situées ............................................................... 28
2.1 Les interactions spontanées entre les élèves ................................................................... 29
2.2 La co-détermination des interactions entre élèves en EPS avec : l’activité enseignante, l’activité des pairs et l’environnement ............................................................................ 30
4
2.3 Intérêts et limites des résultats issus du courant Cours d’Action ................................... 32
2.3.1 Intérêts….. .................................................................................................................... 32
2.3.2 Limites….. .................................................................................................................... 32
3. Synthèse intermédiaire : investiguer la dynamique des interactions ......................... 33
Chapitre 2. Les recherches relatives aux dynamiques d’interactions .......................... 36
1. Dynamique des interactions entre élèves en EPS ...................................................... 36
1. 1 Configuration d’activité collective ................................................................................. 36
1. 2 Les coordinations interpersonnelles ................................................................................ 38
1. 3 Les histoires collectives .................................................................................................. 38
1.3.1 L’agencement temporel des histoires collectives d’élèves : une analyse en deux points…… .................................................................................................................... 39
1.3.2 Le développement des histoires collectives d’élèves : une analyse en trois points...... 40
1.3.3 Les modes d’articulations des histoires collectives : une analyse en quatre points ..... 40
1. 4 Intérêts et limites des travaux sur la dynamique des interactions ................................... 41
1.4.1 Intérêts….. .................................................................................................................... 41
1.4.2 Limites……. ................................................................................................................. 42
1. 5 Synthèse intermédiaire : investiguer la représentation graphique des dynamiques d’interaction .................................................................................................................... 42
2. Modélisations de la dynamique des formes d’interaction .......................................... 43
2.1 Une dynamique centrée sur l’activité individuelle de l’élève ......................................... 44
2.2 Une dynamique centrée sur l’activité collective de l’élève ............................................ 48
2.3 Vers l’utilisation des modèles mathématiques ................................................................ 51
2.4 Intérêts et limites des représentations graphiques ........................................................... 54
2.4.1 Intérêts….. .................................................................................................................... 54
2.4.2 Limites….. .................................................................................................................... 54
3. Synthèse ..................................................................................................................... 55
5
Chapitre 3. Les interactions entre élèves en course d’orientation ................................ 57
1. L’activité ordinaire des élèves engagés en leçon de course d’orientation ................. 57
1. 1 Une activité instrumentée : carte - boussole - GPS (Global Positioning System) .......... 58
1. 2 Une activité individuelle ou collective ........................................................................... 58
1. 3 Une activité en partie non accessible à l’enseignant d’EPS ........................................... 59
1. 4 Une activité plus ou moins anxiogène ............................................................................ 60
1. 5 La situation d’interaction entre élèves en course d’orientation en classe de 6ème ........... 60
2. Revue de littérature sur l’activité en course d’orientation ......................................... 61
2.1 L’activité décisionnelle du coureur expert en course d’orientation ................................ 62
2.2 Les profils d’apprenants au lycée ................................................................................... 63
2.3 L’activité de navigation dans deux conditions de pratique particulières : « poseur/contrôleur » vs « classique » ............................................................................ 63
2.4 Les revues professionnelles ............................................................................................ 64
3. Intérêts et limites des études portant sur la course d’orientation ............................... 65
3.1 Intérêt………………………………………………………………………………..….65
3.2 Limites………………………………………………………………………………….66
Chapitre 4. Objet d’étude et questions de recherche ..................................................... 68
Partie 2. Cadre théorique et méthodologique du Cours d’Action .................................. 70
Chapitre 1. Options théoriques et méthodologiques ...................................................... 72
1. Les hypothèses structurantes du cadre théorique et méthodologique du Cours d’Action… ................................................................................................................. 72
1. 1 Une considération énactive de l’activité humaine individuelle ...................................... 73
1.1.1 L’hypothèse de l’autopoïèse ......................................................................................... 73
6
1.1.2 L’hypothèse énactive de l’activité individuelle ............................................................ 74
1. 2 Une considération énactive de l’activité humaine collective .......................................... 76
1. 3 Synthèse intermédiaire .................................................................................................... 78
2. L’objet théorique pour l’analyse de l’activité collective ............................................ 78
3. L’engagement du chercheur : ses croyances, son travail pour la capacité de croissance et le pouvoir heuristique du cadre théorique et méthodologique du Cours d’Action……………………………………………………………………………80
3.1 Les croyances du chercheur ............................................................................................ 80
3.2 La capacité de croissance ................................................................................................ 81
4. Synthèse générale dans la construction de la démarche de recherche fondée sur le cadre théorique et méthodologique du Cours d’Action ............................................. 83
Chapitre 2. Méthode de recueil des données .................................................................. 85
1. Observatoire ............................................................................................................... 85
1. 1 Contractualisation chercheur-institution-enseignants-élèves ......................................... 85
1. 2 Posture du chercheur ....................................................................................................... 86
1. 3 Participants et situations étudiées ................................................................................... 87
1.3.1 Participants ................................................................................................................... 87
1.3.2 Les dispositifs d’apprentissage ..................................................................................... 88
1.3.2.1 Dispositif sans chambre ................................................................................................ 91
1.3.2.2 Dispositif chambre ........................................................................................................ 92
1.3.2.3 Dispositif 2 cartes ......................................................................................................... 93
1.3.2.4 Dispositif leurre ............................................................................................................ 95
2. Enregistrements des données ..................................................................................... 96
2.1 Enregistrements des données in situ ............................................................................... 96
2.2 Données de verbalisations .............................................................................................. 99
7
2.3 Réflexions ..................................................................................................................... 102
3. Conclusion ............................................................................................................... 103
Partie 3. Analyse qualitative ............................................................................................. 105
Chapitre 1. Méthode de traitement des données .......................................................... 107
1. Reconstruction des cours d’action ........................................................................... 107
2. La reconstruction de l’articulation collective des cours d’action individuels des deux élèves de chaque dyade ............................................................................................ 111
2.1 Synchronisation temporelle des cours d’action individuels ......................................... 112
2.2 Analyse compréhensive de l’articulation collective des cours d’action individuels .... 114
2.3 L’articulation collective des cours d’action : lecture simultanée vs lecture différée ? . 115
Chapitre 2. Résultats ...................................................................................................... 119
1. Emergence des formes d’interaction ........................................................................ 119
1. 1 La forme co-construction .............................................................................................. 119
1.1.1. Première déclinaison : relation de convergence simultanée des UE et des E ............ 119
1.1.1.1.Dispositif sans chambre ............................................................................................. 119
1.1.1.2.Dispositif chambre ..................................................................................................... 121
1.1.1.3.Dispositif 2 cartes ....................................................................................................... 122
1.1.1.4.Dispositif leurre .......................................................................................................... 123
1.1.2. Deuxième déclinaison : relation de convergence différée des UE et des E ............... 124
1.1.2.1 Dispositif sans chambre .............................................................................................. 124
1.1.2.2 Dispositif chambre ...................................................................................................... 126
1.1.2.3 Dispositif 2 cartes ....................................................................................................... 127
1.1.2.4 Dispositif leurre .......................................................................................................... 129
8
1. 2 La forme confrontation ................................................................................................. 130
1.2.1 Dispositif sans chambre .............................................................................................. 130
1.2.2 Dispositif chambre ...................................................................................................... 131
1.2.3 Dispositif 2 cartes ....................................................................................................... 132
1.2.4 Dispositif leurre .......................................................................................................... 134
1. 3 La forme de délégation ................................................................................................. 136
1.3.1 Première relation : convergence et divergence des UE et des E ................................ 136
1.3.1.1 Première déclinaison : convergence différée des UE et divergence différée des E ... 136
Dispositif sans chambre ......................................................................................................... 136 Dispositif chambre ................................................................................................................. 137 Dispositif 2 cartes ................................................................................................................... 138 Dispositif leurre ...................................................................................................................... 140 1.3.1.2 Deuxième déclinaison : divergence différée des UE et convergence différée des E . 141
Dispositif sans chambre ......................................................................................................... 141 Dispositif chambre ................................................................................................................. 142 Dispositif 2 cartes ................................................................................................................... 144 Dispositif leurre ...................................................................................................................... 145 1.3.2 Deuxième relation : digression des UE et des E ......................................................... 146
1.3.2.1 Dispositif sans chambre .............................................................................................. 146
1.3.2.2 Dispositif chambre ...................................................................................................... 148
1.3.2.3 Dispositif 2 cartes ....................................................................................................... 150
1.3.2.4 Dispositif leurre .......................................................................................................... 152
2. Trois modes d’utilisation dyadique de la carte en relation avec ses propriétés physiques et fonctionnelles ...................................................................................... 154
2.1 Le mode partagé ............................................................................................................ 154
2.2 Le mode univoque ........................................................................................................ 155
2.3 Le mode détaché ........................................................................................................... 156
Chapitre 3. Discussion intermédiaire ............................................................................ 158
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Partie 4. Analyse quantitative .......................................................................................... 161
Chapitre 1. Méthode de traitement des données .......................................................... 163
1. Labellisation et définition d’une fenêtre mobile ...................................................... 163
2. Indicateurs de la dynamique des formes d’interaction ............................................. 166
2.1 Ratio de changements ................................................................................................... 166
2.2 Répartitions des formes d’interaction ........................................................................... 166
2.3 Récurrence des successions des formes d’interaction .................................................. 167
Chapitre 2. Résultats ...................................................................................................... 170
1. Nombre d’occurrences des formes d’interaction ..................................................... 170
1. 1 Dispositif sans chambre ................................................................................................ 170
1. 2 Dispositif chambre ........................................................................................................ 171
1. 3 Dispositif 2 cartes ......................................................................................................... 172
1. 4 Dispositif leurre ............................................................................................................ 173
2. Dynamiques des formes d’interaction ...................................................................... 175
2.1 Dispositif sans chambre ................................................................................................ 175
2.1.1 Ratio de changements ................................................................................................. 175
2.1.2 Répartition des formes d’interaction .......................................................................... 177
2.1.3 Récurrence des successions des formes d’interaction ................................................ 179
2.2 Dispositif chambre ........................................................................................................ 183
2.2.1 Ratio de changements ................................................................................................. 183
2.2.2 La répartition des formes d’interaction ...................................................................... 185
2.2.3 Récurrence des successions des formes d’interaction ................................................ 187
2.3 Dispositifs 2 cartes ........................................................................................................ 191
2.3.1 Le ratio de changements ............................................................................................. 191
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2.3.2 Répartitions des formes d’interaction ......................................................................... 194
2.3.3 Récurrence des successions des formes d’interaction ................................................ 197
2.4 Dispositif leurre ............................................................................................................ 203
2.4.1 Ratio de changements ................................................................................................. 203
2.4.2 Répartition des formes d’interaction .......................................................................... 205
2.4.3 Récurrence des successions des formes d’interaction ................................................ 207
3. Dynamique des formes d’interaction indexée aux modes d’utilisation de la carte .. 211
3.1 Stabilité de la forme de co-construction ....................................................................... 211
3.2 Changement d’une interaction de co-construction à une interaction de confrontation 213
3.3 Changement d’une interaction de co-construction à une interaction de délégation ..... 214
3.4 Changement d’une interaction de confrontation à une interaction de co-construction 216
3.5 Stabilité de la forme confrontation ............................................................................... 218
3.6 Changement d’une interaction de confrontation à une interaction de délégation ......... 219
3.7 Changement d’une interaction de délégation à une interaction de co-construction ..... 220
3.8 Changement d’une interaction de délégation à une interaction de confrontation ......... 222
3.9 Stabilité de la forme délégation .................................................................................... 223
Chapitre 3. Discussion intermédiaire ............................................................................ 226
1. Les quantités de changements d’une interaction à une autre ................................... 226
2. Nature des changements ........................................................................................... 227
3. La dynamique des formes d’interaction ................................................................... 229
Partie 5. Discussion générale ............................................................................................ 232
Chapitre 1. Apports épistémiques ................................................................................. 234
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1. Le rôle des propriétés physiques et fonctionnelles de la carte en lien avec les modes d’utilisation .............................................................................................................. 234
2. La forme d’interaction de délégation ....................................................................... 239
Chapitre 2. Apports à la conception de dispositifs d’apprentissage pour l’enseignement de la course d’orientation ................................................ 243
1. Les effets de dispositifs d’apprentissage en course d’orientation ............................ 243
2. Domestiquer la carte de course d’orientation........................................................... 246
Chapitre 3. Contribution à la méthodologie du cadre théorique et méthodologique du Cours d’Action sur l’étude de la dynamique des interactions ............... 250
1. Les données d’expérience ........................................................................................ 250
1. 1 Exploiter la signature graphique des données d’expérience ......................................... 253
1. 2 Une démarche « ré-itérative » entre approche qualitative et approche quantitative ..... 254
1. 3 Limites de la démarche ................................................................................................. 255
2. Croisement méthodologique ou inspiration issue des approches dynamiques ........ 256
2.1 Complexité du système ................................................................................................. 256
2.2 Dynamique du système ................................................................................................. 257
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Conclusion générale ............................................................................................................. 261
Références ............................................................................................................................. 262
Table des illustrations .......................................................................................................... 274 Tableaux ................................................................................................................................. 274 Figures ................................................................................................................................... 280
Annexe ................................................................................................................................... 284
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Introduction générale
Cette thèse rend compte d’une étude sur l’activité d’élèves de 6ème engagés en dyades
dans des dispositifs d’apprentissage lors de leçons d’Education Physique et Sportive en
Course d’Orientation. Elle vise à caractériser les formes d’interaction entre les élèves au sein
des dyades et ambitionne de caractériser la dynamique de ces formes d’interaction. A ce titre,
elle envisage à partir du traitement des données d’expériences, de représenter graphiquement
la dynamique des interactions entre élèves. Pour ce faire, il est proposé d'une part, d'analyser
les données d'expériences recueillies auprès des élèves, et d'autre part, à partir de ces
dernières, de décrire à travers des représentations graphiques la dynamique de leurs
interactions.
Nous entendrons par « dynamique d’interactions », l’évolution temporelle des formes
d’interaction émergentes entre élèves, c’est-à-dire les façons dont cette évolution se construit
et se transforme dans le temps de la course. L’« activité » quant à elle est entendue comme
l’ensemble des moyens que dispose un acteur pour interagir avec un environnement « matériel
et humain » (Barbier & Durand, 2006). Enfin, un « dispositif d’apprentissage » caractérise
dans notre étude l’organisation spatiale, matérielle, temporelle et sociale choisie et conçue par
l’enseignant à des fins d’apprentissage (Saury, Adé, Gal-Petitfaux, Huet, Sève, & Trohel,
2013).
Cette thèse s’inscrit dans le cadre théorique et méthodologique du Cours d’Action
(Theureau, 2006) (Partie 2. Chapitre 1) dans la mesure où elle vise à renseigner la dynamique
des expériences des élèves, ici dans une activité collective (au sein de dyades). Toutefois, elle
dépasse la définition expérientielle pour représenter graphiquement la dynamique des
interactions par le biais d’outils méthodologiques originaux n’appartenant pas à l’observatoire
du cadre théorique et méthodologique de référence mais compatibles avec ses présupposés
théoriques. En ce sens, notre travail de thèse poursuit également une réflexion
épistémologique s’inscrivant dans les démarches récentes des approches mixtes (Davids &
Araújo, 2010) visant à appréhender la dynamique de phénomènes complexes. Cette réflexion
sera conduite lors de la discussion générale de cette thèse (Partie 5. Chapitre 3).
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Cette thèse s’organise en cinq parties.
La première partie, organisée en quatre chapitres, est une synthèse des travaux de
recherche ayant pour focale les interactions entre les élèves en EPS. Si le chapitre 1 se
focalise sur les interactions entre élèves en EPS, le chapitre 2 propose une revue de travaux
s’intéressant à la dynamique des interactions entre les élèves. Le chapitre 3 rassemble les
recherches inhérentes à l’activité sportive en course d’orientation. L’ensemble de ces
chapitres construit progressivement nos questions de recherche et aboutit à la définition de
l’objet d’étude de notre travail présenté en chapitre 4.
La deuxième partie présente autour de deux chapitres le cadre théorique et
méthodologique du Cours d’Action dans lequel nous nous sommes inscrits. Le chapitre 1
énonce les options méthodologiques de ce cadre. Le chapitre 2 décrit la méthode de recueil de
données utilisée dans le cadre théorique et méthodologique choisi.
La troisième partie présente en trois chapitres (i) la première étape du traitement des
données, (ii) les résultats obtenus et (iii) une discussion intermédiaire. Précisément, le chapitre
1 présente « l’étape qualitative » du traitement des données fondée sur une analyse classique
de l’articulation collective des cours d’action individuels des acteurs dans le cadre théorique
et méthodologique du Cours d’Action. Sur cette base, le chapitre 2 présente deux lignes de
résultats qui sont ensuite discutées dans le chapitre 3.
La quatrième partie, composée de deux chapitres, présente la deuxième étape du
traitement des données, les résultats obtenus et une discussion intermédiaire. Le chapitre 1
décrit la deuxième étape du traitement des données : « l’étape quantitative » issue de l’analyse
qualitative évoquée dans l’étape précédente (Partie 3). Cette étape quantitative s’appuie sur
l’utilisation d’outils hétérodoxes au cadre théorique et méthodologique du Cours d’Action.
Sur cette base, le chapitre 2 présente les résultats qui sont ensuite discutés dans le chapitre 3.
La cinquième partie structurée en trois chapitres, propose une discussion générale
autour de volets (i) épistémique, (ii) transformatif et (iii) réflexif, des résultats obtenus et des
différentes discussions intermédiaires. Le chapitre 1 discute des apports de connaissances sur
l’activité des élèves engagés en course d’orientation et notamment les liens entre la
dynamique des formes d’interaction des élèves, les modes d’utilisation dyadique de la carte et
ses propriétés physiques et fonctionnelles d’une part et la forme d’interaction de délégation
d’autre part. Le chapitre 2 porte sur la conception de dispositifs d’apprentissage dans l’activité
course d’orientation. Sont envisagées notamment des discussions autour de dispositifs
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d’apprentissage susceptibles d’encourager ou de dissuader la dynamique des formes
d’interaction. Enfin, une réflexion méthodologique et épistémologique, présentée dans le
chapitre 3, questionne l'usage d'outils graphiques pour représenter la dynamique des
interactions dans le cadre théorique et méthodologique du Cours d'Action.
16
Partie 1. Revue de littérature
De nombreuses études récentes se sont attachées à comprendre les situations
d’enseignement en EPS (Education Physique et Sportive). Certaines l’ont fait à partir de
l’activité des enseignants (e.g., Ria & Durand, 2001 ; Ria, Sève, Theureau, Saury, Durand,
2003), d’autres à partir de l’activité collective enseignant-élèves (e.g., Veyrunes, 2011 ; Vors
& Gal-Petitfaux, 2011), d’autres encore à partir de l’activité des élèves (e.g., Ensergueix &
Lafont, 2009). Cette dernière focale est investiguée par de nombreuses approches dont nous
présentons une synthèse.
Cette revue de littérature se compose de quatre chapitres :
Le chapitre 1 présente une revue de littérature concernant les études relatives aux
interactions entre élèves en EPS
Le chapitre 2 présente une revue de littérature sur les travaux ayant pour focale l’étude de la
dynamique des interactions entre élèves
Le chapitre 3 présente une revue de littérature portant sur les recherches inhérentes à
l’activité sportive course d’orientation
Le chapitre 4 présente notre objet de recherche et les questions orientant notre travail de
recherche
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CHAPITRE 1
Les recherches relatives aux interactions entre
élèves en EPS
Ce chapitre vise à présenter une synthèse des travaux récents ayant pour focale d’étude
les interactions des élèves en EPS. Dans un premier temps, nous rendrons compte des travaux
issus d’une approche psychosociale d’une part, notamment ceux du courant Cooperative
Learning (CL) puis ceux du Peer-Assisted Learning (PAL) qui permettra de cibler davantage
sur les interactions dyadiques en EPS. Dans un second temps, nous mettrons en exergue les
recherches issues des approches situées, et particulièrement celles issues du courant du Cours
d’Action (CA), pour pointer le caractère « situé » et « collectif » des interactions en EPS.
Nous adopterons une démarche spécifique au cours de laquelle, après avoir présenté les
apports épistémiques et transformatifs de chaque courant, nous évoquerons de notre point de
vue leurs intérêts et leurs limites.
18
Chapitre 1. Les recherches relatives aux interactions entre les élèves en EPS
Les interactions entre élèves en EPS ont fait l’objet de nombreuses recherches issues
de différentes approches scientifiques. Deux types d’approches ont particulièrement étudié
cette question : d’une part, celle relevant d’une approche psychosociale (e.g., Ward & Lee,
2005) et d’autre part, celle relevant d’une approche située (e.g., Saury, Adé, Gal-Petitfaux,
Huet, Sève, & Trohel, 2013).
1. Les interactions dans l’approche psychosociale
La plupart des travaux ancrés dans une approche psychosociale se sont intéressés aux
interactions entre les élèves en EPS selon des unités de fonctionnement (dyade ou groupe
restreint) et des degrés de structuration (définition ou non de rôles particuliers) (Ensergueix &
Lafont, 2009). Suivant ces deux éléments, il ressort deux courants : celui du Cooperative
Learning (CL) et celui du Peer-Assisted Learning (PAL).
1. 1 Les interactions dans le courant Cooperative Learning
Le courant CL ou Apprentissage Coopératif est un courant pédagogique dans lequel
les élèves sont réunis en groupes hétérogènes restreints et travaillent ensemble pour atteindre
un but commun (Dyson, 2002).
Ce courant pointe dans un premier temps des catégorisations de formes d’interaction
entre les élèves lorsqu’ils coopèrent (Lafont, 2012).
1.1.1. Catégorisation des formes d’interaction
Sur la base d’analyses conversationnelles entre les élèves (Trognon, 1999 ; Trognon &
Coulon, 2001), des recherches pointent l’existence de quatre catégories de formes
d’interaction en situation scolaire non spécifique à l’EPS (Gilly, Fraisse, & Roux, 1988) : 1)
la « co-élaboration acquiesçante » (l’un des élèves élabore une solution face à un problème
rencontré et la propose à ses camarades qui la contrôlent et donnent leur accord) ; 2) la « co-
construction » (les élèves élaborent au fur et à mesure une solution ensemble) ; 3) la
19
« confrontation avec désaccord » (un des élèves n’accepte pas la solution proposée par un
partenaire et ne propose aucun argument) et 4) la « confrontation contradictoire » (l’élève qui
s’oppose à la proposition d’un partenaire réagit de manière argumentée à celle-ci). Sorsana
(1999) apporte un complément à cette classification en ajoutant les « comportements
parallèles » ou « comportements non collaboratifs » (les élèves juxtaposent leurs idées sans
prendre en compte celles de leur partenaire ni parvenir à une solution).
En EPS, Darnis et Lafont (2008) identifient des formes d’interaction entre les élèves
qui caractérisent une activité de co-élaboration en reprenant celles précédemment décrites
(une forme « de comportements parallèles », une forme « co-élaborative consentante », une
forme de « co-construction », une forme de « confrontation sans désaccords », une forme de
« confrontation contradictoire »). Ces formes d’interaction n’ont pas les mêmes effets sur les
apprentissages des élèves. Ce lien entre les effets des interactions et les apprentissages des
élèves a fait à ce titre l’objet de recherches particulières.
1.1.2. Effets des interactions entre les élèves sur leurs apprentissages
Des travaux issus du courant CL étudient les dimensions motrices, cognitives et
sociales des interactions entre les élèves sur la performance scolaire (Slavin, 1996).
1.1.2.1 Apports épistémiques
Ce courant se focalise sur les interactions coopératives1 entre les élèves en tant
qu’élément facilitant les apprentissages moteurs, cognitifs et sociaux (Dyson, Griffin, &
Hastie, 2004). Les études ont d’ailleurs montré le rôle bénéfique des interactions entre les
élèves dans les apprentissages sociaux en ce sens que l’expérience de communication des
pairs aide au développement des processus de maîtrise sociale tels que la participation et
1 La coopération est définie par Saury (2008) par trois caractéristiques : 1) l’interdépendance des activités individuelles (les acteurs qui coopèrent agissent d’une façon mutuellement dépendante), 2) le partage d’une situation de travail (les acteurs poursuivent un but commun), 3) la préoccupation inhérente à la coordination avec leur partenaire (les acteurs cherchent à articuler leurs activités ensemble pour atteindre le but commun).
20
l’argumentation, mais aussi des processus cognitifs comme la vérification ou la critique des
actions par rapport au but commun instauré (Lehraus & Buchs, 2008). Elles ont aussi montré
le rôle bénéfique des interactions dans les apprentissages moteurs en termes d’acquisitions
d’habiletés motrices (Lafont, 2012) comme l’augmentation de l’efficacité dans une tâche de
tir au basket-ball. Précisément, Gilly et al. (1988) démontrent l’efficacité des formes
d’interaction entre les élèves dans la résolution de problèmes lors de tâches scolaires non
spécifiques à l’EPS : elles mettent en évidence la supériorité de la forme de co-élaboration
acquiesçante sur la résolution des problèmes individuels et le fait que les formes confrontation
avec désaccord et confrontation contradictoire sont plus bénéfiques sur le plan des
apprentissages individuels que les deux autres formes d’interaction.
Dans le prolongement de ces études, celles en EPS pointent les bénéfices des
interactions entre les élèves, et plus particulièrement des interactions verbales, dans le
développement d’une compréhension améliorée des situations, mais également des stratégies
de jeu (Dyson & Grineski, 2001). Elles se sont intéressées essentiellement 1) aux sports
collectifs qui incluent une dimension duale et/ou collective pouvant être à la base d’une
situation coopérative (les partenaires partagent un même but commun) (Lafont, Proeres, &
Vallet, 2007) et 2) aux activités artistiques qui incluent à la fois la dimension individuelle et la
dimension collective de la coopération (Lafont & Chaze-Capmartin, 2010). En effet, Lafont et
al. (2007) ont examiné les interactions entre pairs qui apparaissaient pendant les discussions
dans de petits groupes. A titre d’exemple, l’option choisie pour l’intervention de l’enseignant
d’EPS consistait à susciter des échanges verbaux entre les élèves dans l’activité basket-ball.
L’analyse quantitative permettait de comparer une condition expérimentale utilisant la
coopération dans un petit groupe (les élèves se consultaient entre la réalisation de deux tâches
motrices) avec une condition « contrôle » (un groupe d’élèves travaillant sans échanges
verbaux entre la réalisation de deux tâches motrices). Les résultats ont montré que les
conditions de coopération à travers des échanges verbaux avaient des effets positifs sur
l’efficacité des stratégies de jeu mises en place par les élèves en fin de séquence de travail
comparée au groupe de contrôle, et une amélioration de leurs statistiques aux shoots. Les
auteurs ont donc mis en évidence la supériorité des groupes bénéficiant d’interactions
verbales par rapport aux autres groupes sur les stratégies collectives pour atteindre la cible et
aussi les performances motrices individuelles identifiées par l’augmentation des scores.
D’autres études ont examiné les interactions entre pairs qui apparaissaient pendant une tâche
21
morphocinétique (Lafont & Chaze-Capmartin, 2010). A titre d’illustration, l’option choisie
pour l’intervention de l’enseignant d’EPS consistait, comme dans la première étude, à susciter
des échanges verbaux entre les élèves dans l’activité acrosport. L’analyse quantitative
consistait à comparer six groupes de différents critères (affinité et genre) utilisant la
coopération dans le cadre de la réalisation d’un enchaînement de pyramides. Les résultats ont
montré d’une part que les échanges verbaux renforçaient les liens entre pairs quel que soit le
groupe (bénéfices sociaux). Ils ont montré d’autre part que les groupes qui utilisaient la forme
d’interaction « co-élaborative consentante » (l’un des élèves trouvait une solution, la proposait
à ses partenaires qui acceptaient après l’avoir examinée) étaient plus efficaces pour terminer
plus rapidement les éléments pyramidaux que les autres groupes. En revanche, les groupes qui
utilisaient la forme de co-construction (les élèves élaboraient au fur et mesure les solutions
ensemble) réalisaient des pyramides plus difficiles et plus créatives. Ces deux études ont donc
montré le rôle bénéfique en EPS des interactions notamment verbales chez les élèves
organisés en petits groupes dans les apprentissages moteurs, cognitifs et sociaux.
1.1.2.2 Apports transformatifs
En plus de l’apport d’éléments de connaissances relatifs aux interactions entre élèves
sur les dimensions motrices, cognitives et sociales de leurs apprentissages en EPS, le courant
CL met en avant des éléments qui contribuent à structurer ces interactions de manière efficace
lorsque les élèves agissent ensemble (Buchs, Filisetti, Butera, & Quiamzade, 2004).
Premièrement, le groupe doit être de taille restreinte variant de deux à cinq membres (plus le
nombre d’apprenants est important, plus les interactions sont riches, mais plus les processus
coopératifs sont complexes).
Deuxièmement, l’instauration d’une tâche commune cristallisée par un but commun adapté au
travail d’équipe, et qui ne permet pas une juxtaposition de fonctionnements individuels, met
en place une dépendance de chaque élève du groupe envers les autres partenaires.
Troisièmement, l’enseignant d’EPS attribue des responsabilités singulières à chaque élève du
groupe pour atteindre ce but commun : la responsabilité personnelle souligne l’importance des
contributions individuelles et rend nécessaire la participation des différents membres.
Quatrièmement, les élèves endossent un rôle de soutien systématique aux partenaires sous la
forme d’encouragements de manière à soutenir la dynamique de groupe favorisant un partage
22
d’idées lors de discussions et/ou d’évaluations sur l’atteinte du but commun. L’enseignant
veille alors à instaurer des récompenses afin de stimuler cette aide réciproque (Johnson &
Johnson, 1989).
Cinquièmement, l’enseignant d’EPS développe auprès des élèves des savoirs relatifs à la
communication et à l’écoute des partenaires. Dès lors, une interdépendance positive dans le
groupe d’élèves est favorisée : elle permet une situation dans laquelle ils partagent un but
commun et où les interactions entre les élèves s’affectent mutuellement pour réussir. Dans
cette situation, les élèves travaillent ensemble en vue d’un but commun et perçoivent qu’ils ne
peuvent l’atteindre que si les autres membres du groupe l’atteignent également.
1. 2 Les interactions dans le courant Peer-Assisted Learning
Le courant PAL (Topping & Ehly, 1998) ou Apprentissage Assisté par les Pairs est un
modèle pédagogique qui se définit comme « l’ensemble des stratégies d’acquisition de
connaissances et/ou habiletés au travers de l’aide active d’un alter-ego » (Topping, 2005).
Autrement dit, les interactions dyadiques pointent la distribution de rôles particuliers entre les
élèves : un élève-tuteur (qui a la responsabilité d’aider le partenaire à progresser) et un élève-
tutoré (qui reçoit les conseils de l’élève-tuteur). Lorsqu’il y a un écart de compétences entre
les deux élèves, la dyade est qualifiée de « dissymétrique ». Lorsque les deux élèves de la
dyade ont le même niveau de compétence (ou un niveau de compétence relativement proche),
la dyade est qualifiée de « symétrique ». Le courant PAL étudie notamment deux types de
situations : les situations d’interactions libres (aucun rôle d’élève-tuteur et/ou d’élève-tutoré
n’est prédéfini) et les situations d’interactions fixes (les rôles d’élève-tuteur et/ou d’élève-
tutoré sont prédéfinis à l’avance par l’expérimentateur).
1.2.1. Catégorisation des formes d’interaction entre les élèves
Si les travaux précédents issus du CL pointent quatre formes d’interaction entre les
élèves, ceux issus du courant PAL viennent compléter la classification existante : dans le
cadre de l’EPS, des études reprennent ces formes d’interaction et les enrichissent d’une
« forme de tutelle » (d’Arripe-Longueville, Gernigon, & Huet, 2000 ; d'Arripe-Longueville,
23
Gernigon, Huet, Winnykamen, & Cadopi, 2002) quand l’un des deux élèves donne une
solution partielle en aidant ou en conseillant son partenaire lui permettant de progresser.
Précisément, ont été mises en avant une première forme de tutelle regroupant les
formes de co-élaboration acquiesçante, de co-construction et une deuxième forme de tutelle
de confrontation interindividuelle (regroupant les formes de confrontation contradictoire et
confrontation avec désaccord). En définitive, en EPS, Darnis et Lafont (2008) définissent six
catégories de formes d’interaction dyadiques entre les élèves caractérisant une co-
élaboration : 1) une forme de comportements parallèles quand il n’y a aucun comportement
co-élaboratif (il n’y a aucune communication mais seulement une juxtaposition de discours
individuels des deux élèves) ; 2) une forme co-élaborative consentante (un des deux individus
trouve seul une solution, et son partenaire la contrôle puis l’accepte) ; 3) une forme de co-
construction où chaque partenaire procure une partie de la solution (les solutions s’altèrent et
amènent graduellement à une construction ou à une adoption commune d’une solution) ; 4)
une forme de confrontation sans désaccords (les désaccords sont non discutés) ; 5) une forme
de confrontation contradictoire définies comme la présence de désaccords argumentés (les
réponses sont opposées entraînant un conflit sociocognitif) et 6) une forme de tutelle (l’un des
partenaires donne un solution partielle en aidant ou en conseillant l’autre partenaire lui
permettant de progresser).
1.2.2. Effets des interactions dyadiques sur les apprentissages
Des études récentes portent en EPS sur les bénéfices moteurs, cognitifs et sociaux des
interactions dyadiques chez les élèves et discutent de cette efficacité au regard du niveau des
élèves (e.g., d’Arripe-Longueville et al., 2000), du genre des élèves (e.g., d'Arripe-
Longueville et al., 2002 ; Darnis-Paraboshi, Lafont, & Menaut, 2005), ou des modalités
d’organisation du tutorat entre pairs (e.g., Darnis-Paraboshi, Lafont, & Menaut, 2006 ; Darnis,
Lafont, & Menaut, 2007 ; Ensergueix & Lafont, 2007).
1.2.2.1. Apports épistémiques
En EPS, le champ d’étude inscrit dans cette mouvance de recherche porte sur
l’acquisition des habiletés motrices complexes dans une démarche socio-constructiviste
24
(Darnis-Paraboshi et al., 2005). Celui-ci étudie les rôles que peuvent avoir les interactions
langagières dans la co-construction des règles d’action en EPS à partir du cadre des analyses
conversationnelles (Trognon, 1999) - ces interactions langagières favorisant une prise de
conscience chez les élèves et aboutissant à une émergence des règles efficaces (Darnis et al.,
2007). Les travaux actuels se situent dans le prolongement de ceux initiés par d’Arripe-
Longueville, Fleurance et Winnykamen (1995) qui ont comparé, dans le cadre d’interactions
libres, les bénéfices moteurs obtenus par les élèves lors de l’apprentissage du salto-avant en
gymnastique sportive dans des conditions contrastées de travail en dyades dissymétriques non
mixtes, en dyades symétriques non mixtes et en solitaire : les interactions entre les élèves
organisés en dyades dissymétriques et symétriques obtiennent de meilleurs résultats que ceux
en travail solitaire. Si l’efficacité de ces interactions est supérieure à un travail individuel dans
les bénéfices moteurs, elle est également discutée au regard du niveau des élèves constituant
les dyades.
A ce propos, des travaux ont poursuivi ces recherches et ont examiné de manière contrastée le
rôle des interactions verbales dans des dyades symétriques et dans des dyades dissymétriques
(Darnis-Paraboshi et al., 2006). L’analyse s’est penchée sur les interactions verbales au sujet
de la co-construction de règles d’action portant sur des choix tactiques en handball. Les
résultats ont montré des bénéfices cognitifs et moteurs plus importants pour les élèves en
situation de dyades dissymétriques que pour les élèves en dyades symétriques : les élèves
initialement moins compétents interagissant avec un partenaire de meilleur niveau initial
obtenaient des performances significativement plus élevées et progressaient davantage que
leurs pairs interagissant en dyades symétriques dans la pertinence du choix et l’efficacité de
l’action en attaque. D’Arripe-Longueville et al. (2002) ont montré aussi le rôle des
interactions non verbales (e.g., la démonstration du tuteur) dans des conditions de travail
contrastées : les bénéfices moteurs et cognitifs étaient plus importants pour les élèves en
situation de dyades dissymétriques que pour les élèves en situation de dyades symétriques. De
plus, l’écart de compétences favorisait de manière privilégiée certaines formes d’interaction
entre les élèves : si la symétrie du niveau des élèves dans la dyade tendait davantage à des
formes de coopération et de comportements parallèles, la dissymétrie dyadique faisait tendre
les élèves à davantage de forme de tutelle (Arripe-Longueville et al., 2000, 2002). Si ces
études discutent de la différence d’efficacité des interactions dyadiques selon qu’elles sont
25
dissymétriques ou symétriques sur les dimensions motrices, cognitives et sociales des élèves,
l’efficacité de ces effets a aussi été discutée selon le genre des élèves.
Darnis-Paraboshi et al. (2005) ont à ce titre mis en évidence le rôle des interactions verbales
en dyades paritaires dans l’apprentissage d’une performance tactique en handball.
Effectivement, les dyades composées de garçons obtenaient de meilleures performances que
celles constituées par les filles au niveau de l’efficacité de l’action dans l’atteinte de la cible.
Les auteurs ont montré aussi que les dyades ayant interagi entre les séquences de jeu étaient
plus efficaces dans leurs choix tactiques pour atteindre la cible que les élèves n’ayant pas
interagi verbalement. Ces résultats confirment les deux tendances montrées par les travaux de
d’Arripe-Longueville et al. (1995, 2002) selon lesquelles 1) les bénéfices qu’ils soient
moteurs, cognitifs ou sociaux sont d’autant plus grands que les dyades d’élèves ont la
possibilité d’échanger, de discuter sur une tâche entre chaque séquence de jeu et 2) les dyades
composées de garçons obtiennent de meilleures performances motrices que les filles dans les
mêmes conditions. De plus, le genre des élèves, tout comme l’écart de compétence, était
enclin à favoriser davantage certaines formes d’interaction entre les élèves : les dyades
constituées de filles rendaient compte davantage de formes de coopération et de tutelle que les
dyades constituées de garçons (Arripe-Longueville et al., 2000, 2002).
L’efficacité des interactions dyadiques a aussi été discutée suivant les modalités
d’organisation du tutorat entre pairs. Legrain, d’Arripe-Longueville et Gernigon (2003) ont
mis en évidence des bénéfices moteurs, cognitifs et sociaux supérieurs dans l’apprentissage
chez les élèves-tuteurs comme chez les élèves-tutorés. De plus, la formation préalable d’un
élève-tuteur à son rôle dans le tutorat favorisait une attitude coopérative supérieure
(encouragements, augmentation des feedbacks) et une implication plus grande chez celui-ci
que les élèves-tuteurs dans la formation des élèves-tutorés. D’autres séries d’études ont pointé
que les interactions suivant un fonctionnement tutoriel n’étaient pas forcément préétablies par
le niveau de compétence (d’Arripe-Longueville et al., 2000) : les élèves organisés en
interactions libres de niveau intermédiaire (en comparaison à un niveau débutant) ont montré
que le rôle de tuteur dans les dyades n’est pas rempli que par les élèves les plus compétents.
26
1.2.2.2. Apports transformatifs
En plus de l’apport d’éléments de connaissances relatifs aux interactions dyadiques
entre élèves sur les dimensions motrices, cognitives et sociales des apprentissages en EPS, les
études issues du courant PAL montrent que la formation d’élève-tuteur favorisent des
bénéfices moteurs, cognitifs et sociaux supérieurs chez l’élève-tutoré si l’élève-tuteur est
formé à ce rôle (Cicéro & Lafont, 2007) et que ces bénéfices sont visibles aussi bien chez
l’élève-tuteur lui-même que chez l’élève-tutoré (Ensergueix & Lafont, 2007). Dès lors, ces
études visant l’identification des conditions favorables à la mise en œuvre du tutorat entre
pairs s’attachent à proposer un cadre pour former les élèves-tuteurs. Ce protocole s’articule
notamment autour de quatre points (Ensergueix & Lafont, 2009) :
Premièrement, l’élève-tuteur doit avoir connaissance de la tâche que l’élève-tutoré réalise.
Deuxièmement, l’élève-tuteur doit prendre en compte les difficultés que rencontrera l’élève-
tutoré dans la tâche.
Troisièmement, l’élève-tuteur doit être formé aux interactions de guidage (e.g., imitation,
explications).
Quatrièmement, l’élève-tuteur doit vivre en simulation une situation de tutorat. Cette
procédure a été étudiée et développée notamment dans l’activité tennis de table.
La conception de dispositif d’apprentissage peut donc s’organiser autour de cette formation
d’élève-tuteur pour que les interactions dyadiques entre les élèves en EPS soient les plus
efficaces possibles pour les deux élèves.
1. 3 Intérêts et limites des résultats issus des courants PAL et CL
1.3.1 Intérêts
Les travaux issus des courants PAL et CL font preuve de notre point de vue de cinq
intérêts majeurs sur l’étude des interactions dyadiques entre élèves en EPS.
- 1) Ils proposent une catégorisation des formes d’interaction entre les élèves lorsqu’ils
coopèrent. Cela permet d’avoir une vision claire sur la nature des interactions et des
interactions dyadiques déjà mises en avant dans la littérature scientifique entre les élèves en
EPS.
27
- 2) Ils pointent les bénéfices moteurs, cognitifs et sociaux des interactions libres (sans rôle
prédéfini à l’avance) et des interactions fixes (rôle de tuteur vs rôle de tutoré) dans des tâches
prescrites par l’enseignant d’EPS. Autrement dit, si de nombreuses recherches ont étudié le
travail individuel de l’élève dans les apprentissages en EPS, celles du courant PAL et celles
du courant CL montrent l’intérêt de se pencher sur le travail collectif dans ces mêmes
apprentissages influençant une dimension « collective et participative » des interactions entre
élèves.
- 3) En se focalisant sur l’interdépendance des relations entre les élèves, ces travaux
envisagent la notion de complexité des interactions entre les élèves par la présence
d’interrelations mutuelles (ce n’est pas tant le nombre d’individus qui confèrent le caractère
complexe d’un système - pourvu que l’on considère la classe comme un système - mais la
présence ou non des relations mutuelles entre les acteurs) (Morin,1990).
- 4) Ils pointent le rôle des interactions verbales et non verbales dans les progrès moteurs,
cognitifs et sociaux des élèves. En d’autres termes, la discussion et les gestes peuvent être
étudiés conjointement et au même niveau d’analyse lorsque le chercheur s’intéresse aux
interactions entre les élèves en EPS.
- 5) Ils mettent en avant également des éléments qui structurent des interactions efficaces
entre les élèves en EPS. Cela permet d’avoir une visée transformative pour les dispositifs
d’apprentissage dans les leçons.
1.3.2 Limites
Les recherches issues des courants CL et PAL présentent de notre point de vue trois
limites.
- 1) Comme les travaux issus du courant CL, ceux du courant PAL sont conduits dans des
tâches prescrites et contrôlées par l’enseignant d’EPS. Il est probable que la présence de
l’enseignant d’EPS contribue à des comportements-types d’élèves et laisse peu de place à des
interactions spontanées qu’il serait possible de voir en situation ordinaire lors de leçons
d’EPS.
- 2) Ces travaux n’ont pas investi certaines APSA (Activité Physiques, Sportives et
Artistiques) notamment celles de pleine nature. Or, nous pouvons supposer que certaines
spécificités comme le milieu incertain dans lequel se déroulent les interactions entre élèves ou
28
encore le caractère caché à l’enseignant d’EPS de ces interactions en course d’orientation par
exemple sont sources d’interactions particulières et d’évolutions singulières.
- 3) A l’instar des travaux issus du courant CL, la plupart de ceux du courant PAL a été mené
dans un dispositif expérimental c’est-à-dire que les chercheurs s’attachaient à mesurer l’effet
d’une variable en le comparant avec des groupes-témoins. Malgré quelques rares études
réalisées dans un dispositif écologique (la moitié d’une classe sous protocole expérimental,
l’autre moitié en situation naturelle) (Ensergueix & Lafont, 2009), les recherches dans ces
courants reconnaissent cette limite en terme de validité écologique.
2. Les interactions dans les approches situées
Les études conduites dans le paradigme de l’écologie de la classe (Doyle, 1977) ont
été les premières à pointer la dimension collective de l’enseignement scolaire : le paradigme
analyse la classe comme un système d’interactions entre ses différents acteurs (Doyle, 1986).
Siedentop y voit notamment un « système social d’interactions » dans lequel se déploient les
activités des élèves (Siedentop, 1994). Ce système est indissociable de l’écologie de la classe
formée par deux autres systèmes : le « système organisationnel » (l’environnement matériel)
et le « système d’instruction » (tâches d’organisation et d’apprentissages prescrites par
l’enseignant) (Siedentop, 1994). Cette définition des situations de classe, de la vie de la
classe, n’est pas sans conséquence sur la manière d’appréhender les interactions entre élèves
en EPS en posant les limites à une tradition « individualiste » et « décontextualisée » de
l’activité de la classe, ancrée dans le paradigme cognitiviste (Newell & Simon, 1972) pour
développer une conception « collective » et « située » des interactions : l’étude des
interactions entre les élèves en EPS ne peut donc pas se réduire seulement à l’analyse d’une
juxtaposition des actions individuelles de chaque élève dans un groupe ou dans des dyades.
Des travaux pointent d’ailleurs l’interdépendance entre l’activité des élèves et les tâches
d’organisation prescrites par l’enseignant d’une part, et entre l’activité des élèves et les tâches
d’apprentissage prescrites par l’enseignant d’autre part (Carlson & Hastie, 1997) pendant les
leçons d’EPS (Hastie & Siedentop, 2006). Cette perspective écologique et complexe (pour
rappel, ce qui fonde la complexité ce n’est pas tant le nombre d’éléments mais davantage la
présence ou non de relations mutuelles entre ces éléments) nous semble primordiale à rendre
compte si l’on souhaite étudier les interactions dyadiques entre les élèves en EPS. Dans cette
29
veine des approches situées, des études issues du courant du Cours d’Action (CA) poursuivent
l’identification de différentes catégorisations de formes d’interaction telles qu’elles sont
vécues par les élèves lorsqu’ils interagissent (Saury et al., 2013).
2.1 Les interactions spontanées entre les élèves
Des recherches ont pointé une classification des formes d’interaction sur la base de la
construction de connaissances mutuelles entre les élèves au cours de tâches d’apprentissage
(De Keukelaere, Guérin, & Saury, 2008). Trois formes d’interaction entre les élèves ont à ce
propos été repérées : 1) l’évolution d’un non-partage à un partage partiel de connaissances
entre les élèves (les interactions ne s’accompagnaient pas seulement des connaissances
relatives aux problèmes posés mais également des connaissances relatives à leurs
compétences respectives devant des ressources pour réaliser la tâche) ; 2) une forme de co-
construction de connaissances conflictuelles (les interactions faisaient émerger de la co-
construction de connaissances par deux élèves à propos d’un troisième élève ne partageant pas
initialement celles-ci) et 3) une forme de tutelle spontanée (les interactions étaient de l’ordre
du conseil en direction d’un ou plusieurs élèves pour qu’ils puissent réaliser la tâche).
Cette dernière forme d’interaction peut s’actualiser de manière discrète en dehors du
regard de l’enseignant d’EPS ou bien faire l’objet d’opportunités de la part de celui-ci qui s’en
saisit pour distribuer différents rôles sociaux aux élèves par exemple. L’étude de ces
interactions spontanées s’est basée sur l’analyse des préoccupations d’élèves dirigés vers un
apprentissage coopératif. A ce titre, des travaux mettent en avant quatre catégories de formes
d’interaction spontanées de coopération et de tutelle entre les élèves en EPS (Huet & Saury,
2011). La première forme d’interaction correspond à un tutorat spontané. Elle a été remarquée
lorsqu’un guidage dans l’apprentissage par un élève débutait soit à l’initiative d’un tuteur
spontané soit à la suite d’une sollicitation adressée à un élève jugé comme plus compétent. La
deuxième forme correspond à des préoccupations qui convergent vers la résolution à deux du
problème (forme proche de la forme co-construction évoquée dans les approches
pyschosociales). La troisième forme correspond à une co-construction dans les interprétations
des élèves à propos de leurs solutions respectives apportées (les élèves évaluent leurs essais et
prenaient en compte les remarques du camarade et leurs propres jugements). La quatrième
30
forme d’interaction correspond à des conflits d’interprétations explicites (les deux élèves
essayaient de convaincre l’autre du bien fondé de la solution apportée).
En définitive, Saury et al. (2013) synthétisent en cinq formes les interactions entre les élèves
dirigées vers des préoccupations d’apprentissage : 1) une forme caractérisée par « des offres
et demandes d’aide non suivies des effets attendus » (cette forme traduit des modalités au
cours desquelles un des élèves propose une solution mais n’est pas perçue comme telle par
son ou ses partenaires) ; 2) une forme caractérisée par « un partage d’interprétations et/ou co-
élaboration de solutions » (cette forme traduit des modalités au cours desquelles les élèves
partagent des interprétations relatives à un problème) ; 3) une forme de « tutelle spontanée »
(cette forme traduit des modalités au cours desquelles un des élèves procure une aide à son ou
ses partenaires qui s’en saisissent) ; 4) une forme de « confrontation contradictoire
d’expériences » (cette forme traduit des modalités au cours desquelles les élèves s’opposent
aux solutions proposées par leurs pairs) et 5) une forme de « délégation » (cette forme traduit
des modalités au cours desquelles un des élèves prenaient la main et son ou ses partenaires le
suivait sans contrôler la proposition faite).
2.2 La co-détermination des interactions entre élèves en EPS avec : l’activité
enseignante, l’activité des pairs et l’environnement
Les nombreux travaux ancrés dans le courant du CA se sont intéressés aux interactions
entre les élèves en EPS comme émergentes de leurs liens avec l’activité enseignante, avec
l’activité d’autres pairs et avec l’environnement (Saury et al., 2013).
Premièrement, les interactions entre les élèves ne peuvent pas être considérées comme des
unités isolées de l’activité enseignante. A ce titre, des études se sont attachées à identifier des
situations-types pour lesquelles l’activité de l’enseignant d’EPS influençait les formes
d’interaction dyadiques entre les élèves (Evin, Sève, & Saury, 2013b) : l’enseignant d’EPS
avait un effet positif sur les interactions entre les élèves lorsque son activité favorisait des
formes d’interaction dyadiques coopératives et facilitantes de l’activité individuelle et/ou
collective (e.g., en escalade, les interventions de l’enseignant développaient cette forme
d’interaction entre les élèves lorsqu’elles contribuaient à l’augmentation de la confiance dans
l’activité du pareur tenu par le partenaire) ; en revanche, l’enseignant d’EPS avait un effet
négatif sur les interactions entre les élèves lorsque son activité favorisait des formes
31
d’interaction dyadiques non coopératives (e.g., en escalade, les interventions de l’enseignant
développaient cette forme d’interaction entre les élèves lorsqu’elles contribuaient à
l’invalidation d’une proposition faite par un des deux élèves dans la dyade). Ces travaux
montrent bien que les formes d’interaction entre les élèves en EPS et notamment les formes
dyadiques sont co-déterminées avec l’activité de l’enseignant d’EPS.
Deuxièmement, les interactions entre les élèves ne peuvent pas être considérées comme des
unités isolées de l’activité des autres élèves. A ce propos, des études ont montré la présence
de formes d’activité au cours desquelles les élèves cherchaient à perturber des élèves d’un
autre groupe : dans l’activité tennis de table, les élèves voulaient faire passer le temps jusqu’à
la fin de la situation en cours en chahutant avec les élèves d’un autre groupe situé à une table
voisine (Guerin, 2008). Ces travaux montrent que les formes d’interaction entre les élèves en
EPS et notamment les formes dyadiques sont co-déterminées également avec l’activité des
pairs.
Troisièmement, les interactions entre les élèves en EPS ne pouvent pas être considérées
comme des unités isolées de l’environnement matériel : elles se sont attachées à mettre en
avant la place et le rôle de la matérialité dans ces interactions. D’une part, elles ont montré
l’inscription contextuelle de l’activité des élèves en caractérisant l’évolution de leurs
préoccupations et des formes d’action selon l’aménagement matériel de la leçon (Adé,
Jourand, & Sève, 2010 ; Adé, Picard, & Saury, 2013). A titre d’exemple, l’organisation des
ateliers dans l’activité musculation et des postures associées pour le travail demandé
modifiaient les interactions entre les élèves : l’atelier développé-couché et sa position
allongée limitaient les interactions avec les élèves d’autres ateliers alors que celui du
développé-assis et sa position assise favorisaient chez l’élève pratiquant une observation de
l’activité dans l’atelier voisin, et aboutissaient parfois à une forme d’interaction d’entraide.
D’autre part, ces études ont pointé les liens des formes d’interaction entre les élèves avec leur
utilisation de certains objets matériels. Dans ces cas, il ressortait que ces derniers constituaient
des médiateurs des interactions entre les élèves comme à l’occasion de l’utilisation de fiches
d’observation (Saury, Huet, Rossard, & Sève, 2010). Ces fiches orientaient des formes
typiques d’interaction dans l’activité badminton entre les élèves : une forme d’entraide était
visible à plusieurs reprises dans la situation d’observation au cours de laquelle le joueur aidait
l’observateur à remplir correctement les fiches en adéquation avec les attentes supposées de
l’enseignant, rendant compte d’arrangements évaluatifs. Les formes d’interaction entre élèves
32
apparaissent aussi comme co-déterminées avec l’environnement matériel dans lequel
s’inscrivent les élèves.
2.3 Intérêts et limites des résultats issus du courant CA
2.3.1 Intérêts
Les travaux du courant CA offrent de notre point de vue quatre intérêts majeurs sur
l’étude des interactions entre élèves en EPS.
- 1) Ils proposent une catégorisation des formes d’interaction qui rejoint certaines identifiées
dans le cadre des courants CL et PAL d’une approche psychosociale et enrichissent la vision
des interactions entre élèves en EPS.
- 2) Ils proposent d’étudier à partir d’expériences vécues les interactions entre les élèves en
EPS c’est-à-dire les interactions telles qu’ils la vivent du « dedans ».
- 3) En s’attachant à être au plus près de l’activité des élèves, ils prennent en compte le
caractère situé de l’activité. En se focalisant sur des situations naturelles de classe, ces travaux
prolongent une notion de complexité dans l’étude des interactions et des interactions
dyadiques entre les élèves en EPS par la prise en compte au même niveau d’analyse de ces
relations avec l’environnement dont les objets matériels font partis, l’activité d’autres pairs et
l’activité des enseignants d’EPS.
- 4) Ils montrent la présence d’interactions spontanées entre les élèves. En d’autres termes, ces
travaux pointent une notion d’émergence dans les formes d’interaction entre les élèves en
EPS, c’est-à-dire que celles-ci ne sont pas le fait d’une organisation du type cause/effet mais
d’une organisation de co-définition avec d’autres éléments de la situation en cours.
2.3.2 Limites
Les travaux issus du courant CA présente entre autre de notre point de vue une limite :
- 1) « L’étude des interactions entre élèves en est encore à ses balbutiements dans le
cadre du programme de recherche du CA […]. Plusieurs pistes d’investigation constituent des
défis pour les études futures » (Saury et al., 2013, p.132) : si les études montrent la
dimension située et contextualisée des interactions entre les élèves en EPS et pointent le
33
caractère complexe et émergent de ces interactions, la caractérisation de leur dynamique à
partir d’éléments quantifiant ses phénomènes est un point qui reste dans l’ombre et qui fait
l’objet de rares investigations en EPS. Dès lors, une des pistes consisterait « à étudier la
dynamique de transformation des formes d’interaction […] entre les élèves » (Saury et al.,
2013, p. 132).
3. Synthèse intermédiaire : investiguer la dynamique des interactions
Les travaux issus d’une approche psychosociale ont pointé l’intérêt des interactions
entre élèves en EPS lorsqu’ils sont organisés en petits groupes (de deux à cinq élèves) et en
dyades concernant les dimensions motrices, cognitives et sociales de leurs apprentissages. Ils
catégorisent aussi les formes d’interaction entre les élèves en EPS. A ce propos, Lafont (2012)
qui synthétise l’ensemble de ces travaux, dégage six formes d’interaction entre les élèves pour
caractériser des natures différentes de co-élaboration : 1) une forme de comportements
parallèles ; 2) une forme co-élaboratif consentant ; 3) une forme co-construction ; 4) une
forme de confrontation sans désaccords ; 5) une forme de confrontation contradictoire et 6) un
mode tutoriel. L’apport des éléments de connaissances relatives à l’efficacité de telle ou telle
forme d’interaction par rapport à une autre permet des apports transformatifs sur les situations
d’enseignement d’EPS. Aussi, les travaux issus d’une approche située ont montré l’intérêt de
l’étude des interactions entre élèves en EPS à partir des liens avec l’activité enseignante,
l’activité des pairs et l’environnement matériel qui participent à l’émergence des formes
d’interaction entre les élèves.
Si l’ensemble des travaux évoque la complexité des interactions en pointant 1) la
présence de relations mutuelles entre élèves à l’intérieur même du système constitué par la
dyade d’élèves et contribuant à déterminer des formes d’interaction d’une part et 2) la
présence également de relations mutuelles entre le système et l’activité de l’enseignant d’EPS,
l’activité des pairs et de l’environnement matériel d’autre part et contribuant à déterminer
d’autres formes d’interaction, peu d’études, en revanche, ont instigué la dynamique des
formes d’interaction entre les élèves en EPS.
Au regard de cette partie de littérature, il semble dès lors intéressant alors d’aller
étudier la dynamique des formes d’interaction entre les élèves en EPS pour comprendre ce qui
se joue dans cette dynamique, pour comprendre quels sont les éléments qui influencent
34
l’émergence des formes d’interaction. On entendra par dynamique, « l’évolution d’un état,
c’est-à-dire les interactions entre élèves dans notre étude, au cours du temps ». Ce premier
niveau de définition permet donc d’envisager la possibilité d’étudier l’évolution des formes
d’interaction entre les élèves en EPS au cours du temps.
35
CHAPITRE 2
Les recherches relatives aux dynamiques
d’interactions
Ce chapitre précise une synthèse des études récentes s’intéressant à la dynamique des
formes d’interaction entre plusieurs acteurs. Dans un premier temps, nous rendrons compte
des travaux ayant abordé la notion de dynamique dans l’activité d’acteurs dans le domaine
sportif et en EPS. Ensuite, nous ambitionnerons, à partir de recherches récentes, un état des
lieux sur les façons de représenter graphiquement la dynamique de l’activité telle qu’elle est
vécue par les acteurs dans le cadre du courant CA. A l’instar du chapitre précédent, nous
adopterons la même démarche au cours de laquelle, après avoir présenté les apports de chaque
étude, nous évoquerons de notre point de vue leurs intérêts et leurs limites.
36
Chapitre 2. Les recherches relatives aux dynamiques d’interactions
Si de nombreuses études se sont intéressées à l’identification de formes d’interaction
entre les élèves en EPS et aux effets de ces formes sur les dimensions motrices, cognitives et
sociales des élèves, d’autres se sont penchées sur leur dynamique en précisant les mises en
tension existantes entre plusieurs acteurs et leurs évolutions au cours du temps, notamment
entre l’enseignant et les élèves, entre les partenaires d’une même équipe sportive et entre des
élèves d’une même classe.
1. Dynamique des interactions entre élèves en EPS
Les études conduites dans le paradigme de l’écologie de la classe envisagent la classe
comme un système dans lequel l’activité collective se fait à partir des relations
d’interdépendances entre les différents acteurs la constituant (Doyle, 1977). Ces études
envisagent également la dynamique des relations en pointant le caractère évolutif et
transformatif dans le temps de l’état d’un acteur, de son activité.
1. 1 Configuration d’activité collective
Le courant du CA s’intéresse à la dynamique des interactions entre les élèves et
l’enseignant à partir des formes d’activités collectives que ces interactions génèrent. Inspiré
de la notion de configuration sociale (Elias, 1970), la notion « de configuration d’activité
collective » articule activités individuelles en tant qu’unités (inscrites dans la classe) et leurs
activités qui se coordonnent (connexions entre ces unités inscrites dans la classe) aboutissant à
ladite « configuration d’activité collective ». A ce propos, Veyrunes (2011, p.39) la
définit : « nous concevons ces configurations comme des formes auto-organisées, délimitées
dans le temps et l’espace, qui offrent un potentiel pour la coordination des conduites des
individus qui la composent, tandis qu’en retour, ces dynamiques individuelles et leurs
coordinations contribuent en permanence à l’individuation de la configuration ».
Des travaux se sont intéressés à la description et à l’explication des relations
d’interdépendance des différents individus et des processus émergents aboutissant à la
construction, déconstruction et reconstruction de ce système d’interdépendances. Ils ont
37
identifié précisément des structures stables qui émergeaient, sans que les individus en
prennent forcément conscience en ce sens qu’il n’y avait pas de responsable organisateur de
cet état collectif de la configuration d’activité collective observée. A titre d’exemple, l’étude
de la configuration collective en classe fait émerger un passage dans les rangs de l’enseignant
traduisant des structures caractérisées par des déplacements et des arrêts typiques de celui-ci
dans la classe et des interactions verbales enseignants-élèves : en fonction de ses
déplacements et arrêts, l’enseignant a concentré sur lui « un centre de gravité » autour duquel
émergeaient des interactions verbales privilégiées entre certains élèves et lui. La présence de
l’enseignant dans ce noyau autoalimentait la dynamique de l’activité collective de la classe :
d’une part, elle permettait à ces élèves de le solliciter davantage, d’autre part, elle amenait
l’enseignant à être plus attentif aux travaux de ces élèves proches de lui, et empêchait à
d’autres plus éloignées de le solliciter. Cette dynamique résultait de l’action de l’enseignant
mais surtout de l’articulation de ses actions avec celles de ses élèves qui interagissaient
ensemble, non directement accessible à la conscience des acteurs (Veyrunes, 2011). Dans
cette veine, en EPS, Vors et Gal-Petitfaux (2011) se sont intéressés à cette configuration
d’activité collective dans des dispositifs scolaires dits « difficiles » labélisés ZEP (Zone
d’Education Prioritaire) et ECLAIR (Ecoles, Collèges et Lycées pour l’Ambition,
l’Innovation et la Réussite) pour appréhender les moments des leçons qui étaient viables. A
partir de l’analyse des données d’expérience des différents acteurs de la leçon (enseignant,
élèves), les résultats ont montré une alternance dans la forme d’activité des élèves entre un
masquage dans leurs activités lorsque l’enseignant d’EPS était éloigné et se focalisait sur
d’autres élèves (leurs préoccupations étaient orientées vers « s’amuser à se défier et se
provoquer entre pairs ») et une activité d’ostentation lorsque l’enseignant focalisait son
attention sur eux (leurs préoccupations étaient orientées vers « travailler les exercices prescrits
par l’enseignant »). Autrement dit, au cours du temps et selon le déplacement de l’enseignant
d’EPS, les formes d’activités collectives se transformaient dans la classe. Dès lors, la notion
de configuration d’activité collective met en avant dans l’analyse collective de la vie de classe
le caractère complexe d’une part (relations mutuelles entre les élèves et l’enseignant) et le
caractère dynamique d’autre part de cette activité (évolution dans le temps de ces relations
mutuelles aboutissant à deux configurations d’activités collectives stables).
38
1. 2 Les coordinations interpersonnelles
Des travaux issus du courant CA se sont aussi intéressés à la dynamique des relations
d’interdépendance à partir de la notion de « coordination interpersonnelle ». En effet, dans le
domaine sportif, des recherches l’ont mise en avant (Bourbousson, Cogé, & R’ Kiouak, 2013)
en se focalisant sur l’évolution des coordinations interpersonnelles suivant des formes de
réseaux collectifs globaux s’enchainant dans le temps. A titre d’exemple, Bourbousson,
Poizat, Saury et Sève (2008) se sont penchés sur la construction d’un réseau de coordinations
unissant différents équipiers sur la base des activités individuelles des membres du collectif en
basket-ball. Les résultats ont mis en exergue un degré de connectivité des joueurs (prise en
compte ou non pour agir des coéquipiers) : les joueurs ne prenaient en compte pour agir aucun
de leurs coéquipiers ou bien un seul d’entre eux dans la majeure partie du match. Les
moments où les élèves prenaient en compte trois ou quatre partenaires pour agir
apparaissaient de manière ponctuelle et correspondaient à des actions de surveillance et/ou de
compréhension de jeu (e.g., pressing en défense). Ces études ont pu caractériser des modes de
coordination dyadique suivant (a) une coordination mutuelle et (b) une coordination
unidirectionnelle en quantifiant notamment les coordinations (les coordinations dyadiques
mutuelles représentaient 13% de l’ensemble des coordinations dyadiques dans l’étude) au
cours du temps. Dès lors, la notion de coordination interpersonnelle collective met en avant
dans l’analyse collective d’une équipe sportive le caractère complexe d’une part (relations
mutuelles ou non entre les équipiers) et le caractère dynamique d’autre part de cette activité
(évolution dans le temps des relations mutuelles entre les acteurs). Si cette étude caractérise la
dynamique des interactions entre les joueurs d’une équipe de basket-ball, elle le fait en milieu
sportif et non en milieu scolaire. A ce titre, une étude récente investit cette notion de
dynamique d’interactions entre les élèves dans le domaine de l’EPS à partir de la notion
« d’histoires collectives ».
1. 3 Les histoires collectives
En EPS, une étude récente à partir de la notion d’histoires collectives en EPS a rendu
compte de la dynamique des interactions des élèves. Cette notion d’histoire collective renvoie
« aux histoires individuelles communes telles qu’elles sont vécues par des acteurs qui y
39
intègrent un engagement relatif à une entreprise commune » (Evin, 2013). L’étude s’est
intéressée à l’analyse de la dynamique des histoires collectives d’élèves engagés dans des
situations de coopération vécues suivant des empans temporels relativement longs (cycle
d’enseignement). Pour cela, les données recueillies étaient des données d’expérience
aboutissant à une reconstruction de l’expérience des élèves telle qu’ils la vivaient. Elles ont
été recueillies au moyen d’enregistrements audiovisuels de l’activité des élèves et des données
de verbalisations lors d’entretiens post-leçon avec ces mêmes élèves. Le traitement des
données a consisté à identifier, à partir de l’expérience des élèves, les histoires collectives (i.e.
mettant en jeu un « Nous » ou « On » mutuel entre les élèves dans la description de la
situation) puis à les catégoriser en histoire collective-type. Dans un deuxième temps, le
traitement des données d’expérience a consisté à caractériser la dynamique de ces histoires
collectives vécues par les élèves.
Les résultats montrent que l’étude de cette dynamique s’articule autour 1) d’un agencement
temporel d’histoires collectives ; 2) d’un développement de ces histoires et 3) de modes
d’articulation de ces histoires (Evin, 2013).
1.3.1 L’agencement temporel des histoires collectives d’élèves : une analyse en
deux points
L’étude de la dynamique des histoires collectives d’élèves peut s’appréhender tout
d’abord à partir d’une analyse de l’agencement temporel de ces histoires qui elle-même est
étudiée sous deux focales (cela renvoie d’ailleurs à la définition que nous avons donné
précédemment de la dynamique) :
- 1) les différents empans temporels (les histoires collectives des élèves étaient visibles sur
soit une leçon, soit sur plusieurs leçons ou soit sur l’ensemble du cycle d’enseignement).
- 2) le caractère continu ou discontinu de ces histoires (les histoires collectives des élèves
pouvaient apparaître ponctuellement, disparaître pendant un moment, réapparaître sur des
empans temporels courts ou longs).
40
1.3.2 Le développement des histoires collectives d’élèves : une analyse en trois
points
L’étude de la dynamique des histoires collectives d’élèves peut s’appréhender ensuite
à partir d’une analyse du développement de ces histoires, qui elle-même est étudiée sous trois
focales :
- 1) l’ouverture de l’histoire collective des élèves suivant deux modalités (une ouverture
simultanée pour les élèves d’une histoire collective en lien avec un élément de la situation qui
devenait significatif pour l’ensemble des acteurs vs une ouverture en décalée initiée par un
élève dont l’élément significatif de la situation se propageait par la suite dans l’expérience des
autres élèves).
- 2) le développement de l’histoire collective des élèves suivant deux modalités (un
développement de l’histoire avec peu de « bruits » vs un développement brusque avec
beaucoup de « bruits » qui pouvait donner lieu à de nouveaux décours à l’histoire collective).
- 3) la clôture de l’histoire collective suivant deux modalités (une clôture suivant la
satisfaction telle qu’elle est vécue par l’ensemble des élèves dans la situation vs une clôture
suivant l’abandon des élèves dans la situation).
1.3.3 Les modes d’articulations des histoires collectives : une analyse en quatre
points
L’étude de la dynamique des histoires collectives d’élèves peut s’appréhender enfin à
partir d’une analyse des modes d’articulation de ces histoires, qui elle-même est étudiée sous
quatre focales :
- 1) des histoires collectives isolées, indépendantes les unes des autres (les histoires
collectives d’élèves se développaient parallèlement à d’autres sans que celles-ci s’articulent
ensemble).
- 2) des histoires se succédant de façon séquentielle (les histoires collectives d’élèves
s’enchaînaient de manière systématique, la fin d’une histoire aboutissant à l’apparition d’une
nouvelle histoire collective).
41
- 3) des histoires qui s’enchevêtraient à d’autres histoires (les histoires collectives d’élèves
s’enrichissaient mutuellement aboutissant à un nouveau décours de chacune d’entre elles sans
pour autant aboutir à une nouvelle histoire collective).
- 4) des histoires qui s’enchevêtraient aboutissant à une nouvelle histoire collective d’élèves
(les histoires collectives s’enrichissaient mutuellement aboutissant à une nouvelle histoire
collective).
1. 4 Intérêts et limites des travaux sur la dynamique des interactions
1.4.1 Intérêts
Ces études présentent de notre point de vue deux intérêts majeurs :
- 1) Les études présentées permettent d’enrichir l’intérêt d’étudier la dynamique. Elles
montrent que plusieurs états différents peuvent être repérés de façon stable et durable dans le
temps. En effet, c’est par l’activité de déplacement de l’enseignant d’EPS vis-à-vis de ses
élèves que ces derniers vont construire une configuration d’activité (activité stable de
masquage de certaines de leurs activités collectives lorsque l’enseignant est loin d’eux), la
déconstruire et la reconstruire différemment (activité ostentatoire de certaines de leurs
activités collectives lorsque l’enseignant est près d’eux) (Vors & Gal-Petitfaux, 2011). Dès
lors, dans l’étude de la dynamique, il est possible de caractériser une stabilité dans
l’apparition d’un état. D’autre part, les études pointent des éléments de la situation participant
à cette dynamique : dans l’étude précédente, le déplacement de l’enseignant indissociable de
l’activité de travail des élèves entraîne la présence de deux configurations collectives dans la
classe. Autrement dit, il est envisageable lorsqu’on étudie la dynamique de rendre compte
d’une partie des éléments participants à la dynamique des états. Ces études montrent de plus
que la dynamique rend compte d’une alternance d’états : à titre d’exemple, il existe des
relations préférentielles ou non entre les partenaires d’une même équipe lorsqu’ils jouent
ensemble (Bourbousson et al., 2008) - les individus passant d’un état à un autre.
- 2) Les études font apparaître des outils méthodologiques ou une exploitation des outils
méthodologiques innovante (i.e. des objets théoriques) pour appréhender la dynamique des
interactions entre des acteurs aboutissant à des questionnements sur les cadres théoriques et
42
méthodologiques respectifs et contribuant à des réflexions épistémologiques qui les
questionnent et les enrichissent.
1.4.2 Limites
Ces études présentent de notre point de vue deux limites :
- 1) Même si de nombreux travaux récents s’attachent désormais à la dynamique des
phénomènes, les études pour la caractériser à partir d’indicateurs de quantification restent à ce
jour peu développées alors qu’une telle étape peut être un levier pour parvenir à des
modélisations de dynamiques expérientielles.
- 2) Ces travaux étudient une succession d’états (il est possible de décrire l’évolution au cours
du temps des préoccupations-typiques d’un élève par exemple) mais ne se sont pas attachés à
caractériser les changements entre ces états.
1. 5 Synthèse intermédiaire : investiguer la représentation graphique des
dynamiques d’interaction
Si de nombreuses études s’attachent désormais à retranscrire la dynamique de
l’activité d’acteurs, elles l’ont fait à partir d’organisateurs de la dynamique différents.
Certaines se sont attachées à rendre compte de la dynamique de préoccupations-typiques
d’élève (Evin, 2013) ou de la dynamique de formes d’activité enseignant-élèves (Vors & Gal-
Petitfaux, 2011). D’autres l’ont fait plus rarement à partir de modèles mathématisant la
dynamique, permettant ainsi le calcul d’indicateurs la quantifiant (Bourbousson et al., 2013).
Au vu de cette deuxième partie de revue de littérature, il semble intéressant alors
d’aller étudier la dynamique des formes d’interaction entre les élèves en EPS à partir
d’indicateurs quantitatifs pour rendre compte par exemple de l’importance plus ou moins
grande des occurrences inhérentes à la présence des formes d’interaction ou de l’évolution de
la quantité des changements dans ces formes. On peut alors, à cet instant de la réflexion,
enrichir notre définition de la dynamique : « la dynamique caractérise l’évolution d’un état
(c’est-à-dire les interactions entre élèves dans notre étude) au cours du temps et l’évolution
des changements entre plusieurs états ». Ce deuxième niveau de définition permet donc
d’envisager la possibilité d’étudier l’évolution des formes d’interaction entre les élèves en
43
EPS au cours du temps et de leurs changements. Autrement dit, plus que les formes
d’interaction en elles-mêmes, la dynamique de ces formes à travers leurs changements est tout
aussi intéressante à étudier pour comprendre ce qui se joue à un grain fin dans cette
dynamique.
L’étude de la dynamique des interactions entre différents acteurs s’accompagne d’une
volonté de la modéliser pour décrire et expliquer l’activité en cours d’une autre façon. Cette
modélisation doit répondre à la fois aux exigences de description, d’explication et de
compréhension et aux exigences de transformation de l’activité individuelles et collective
(Veyrunes, 2011).
2. Modélisations de la dynamique des formes d’interaction
Les récentes études que nous venons de pointer ont convoqué des outils pour
représenter graphiquement la dynamique des interactions et décrire l’activité en cours.
Il en existe de plusieurs types : des modèles statistiques, des modèles informatiques, des
modèles mathématiques. Les modèles informatiques et mathématiques permettent de
modéliser des dynamiques prenant en compte des entités individuelles (les acteurs) dans des
structures réticulaires (les réseaux) et rendent compte des évolutions dynamiques des réseaux
(Manzo, 2007). Autrement dit, les modèles mathématiques et informatiques rendent compte
d’une notion se rapprochant d’une configuration globale de l’activité de plusieurs acteurs
connectés impliquant une vue des connexions au cours du temps (dans un groupe de trois
individus, la représentation graphique prend en compte la présence/absence de connexions
entre l’acteur n°1 et l’acteur n°2 à l’instant ‘t’, la présence/absence de connexion entre
l’acteur n°1 et l’acteur n°3 à l’instant ‘t’, la présence/absence de connexion entre l’acteur n°2
et l’acteur n°3 à l’instant ‘t’ puis celles à l’instant ‘t1’, ‘t2’, ‘t3’ … jusqu’à la fin du décours
temporel de l’activité étudiée).
Modéliser le déroulement de l’activité d’un acteur est un défi pour tous les programmes de
recherches scientifiques pour peu qu’ils aient la volonté d’être au plus proche de la réalité de
l’activité d’un acteur car devant être fidèle (rendre compte de la réalité) et viable (lisible
clairement). Les modélisations présentent donc une ou plusieurs activité(s) complexe(s) (dans
l’exemple précédent, il est possible de qualifier ces connexions de mutuelles ou de dirigées :
44
potentiellement, l’acteur n°1 peut être connecté à l’acteur n°2 sans que celui ait ouvert cette
connexion) s’imbriquant dans un continuum temporel (déroulement du temps) et
événementiel (perturbations dans l’activité). Ceci est d’autant plus difficile à renseigner que le
continuum temporel est long et que les perturbations sont nombreuses. Au regard d’une
littérature centrée sur le courant du CA, différents termes apparaissent pour désigner ces
représentations graphiques de l’activité d’un ou de plusieurs acteurs : ainsi, nous retrouvons
« modèles graphiques », « modélisations », « schématisations », « graphes »… Tous ont pour
objectif de trouver un moyen de rendre compte de la dynamique de l’activité d’un ou de
plusieurs acteurs.
2.1 Une dynamique centrée sur l’activité individuelle de l’élève
Des études ont développé des modélisations prioritairement centrées sur l’activité d’un
acteur à partir de l’analyse de données d’expérience. Sur cette base, des modélisations rendent
compte de cette activité suivant non pas un décours temporel précis mais à partir d’un
enchaînement de phases dans l’activité.
A ce titre, en course d’orientation, une représentation graphique s’est attachée à caractériser
l’activité d’un coureur dans sa navigation depuis le départ, en caractérisant l’approche du
point d’attaque (dernier point remarquable avant d’atteindre la balise) et la phase d’après
point d’attaque (Mottet & Saury, 2014) en la comparant dans deux situations de
navigation contrastées : une situation classique (les élèves devaient trouver les balises le plus
rapidement possible et revenir au point de ralliement) et une situation de
poseur/contrôleur (les élèves installaient le plus rapidement possible dans un ordre précis des
balises et revenaient au point de ralliement) (Figure 1).
45
Figure 1 : « Modélisation graphique de l’activité de navigation sur un interpose dans la
tâche de CO classique et de ‘poseurs-contrôleurs’ » (Mottet & Saury, 2014)
46
Une autre étude a caractérisé l’activité d’un élève en course de durée au fil des tours réalisés
dans un parcours athlétique (Adé et al., 2010). Dans cet exemple, la représentation graphique
propose de retranscrire l’évolution de l’apparition des préoccupations-typiques de l’élève en
fonction de sa position sur le parcours et au fil des tours (Figure 2).
Figure 2 : Modélisation de l’évolution des préoccupations-typiques au fil des tours chez
Benjamin (axe des abscisses : le nombre de tour / axe des ordonnées : les préoccupations-
types) (Adé et al., 2010)
47
Des travaux ont aussi mis en avant des modélisations de la dynamique centrée à la fois sur
l’évolution des préoccupations-typiques d’élèves mais aussi sur le décours temporel. A ce
titre, Saury et Rossard (2009) ont présenté une modélisation de la dynamique des
préoccupations-typiques des élèves indexées à un décours temporel (Figure 3).
Figure 3 : « Graphe représentant le faisceau de préoccupations de Sim lors de la leçon 5
dans une tâche compétitive » (axe des abscisses : le temps en minutes / axe des ordonnées :
les préoccupations-archétypes) (Saury & Rossard, 2009)
Ces trois illustrations gravitent autour d’une volonté de décrire de manière synthétique
l’activité d’un acteur à partir d’une composante de son activité ou d’une forme plus globale.
Si la première décrivait l’évolution d’une forme globale d’activité dans des séquences
temporelles correspondante à des phases durant la course, la deuxième représentation
graphique renseignait l’évolution des préoccupations-typiques de l’élève en se rapprochant
méthodologiquement de la construction d’une logique de graphique avec en abscisses
l’évolution du nombre de tours et en ordonnées les préoccupations typiques identifiées dans
l’étude (1 : gagner du temps ; 2 : récupérer ; 3 : estimer la situation de course ; 4 : respecter
les consignes de l’enseignant). Un point sur le graphe correspondait à l’émergence d’une
48
préoccupation selon le tour effectué par l’élève : à titre d’exemple, à la ligne n°1 du parcours
athlétique, et au tour n°9, il est possible de voir l’enchaînement de deux préoccupations :
« gagner du temps » puis « récupérer ». La troisième représentation graphique renseignait,
quant à elle, l’évolution des faisceaux de préoccupations dans le temps selon que l’élève était
engagé dans un cycle coopératif (les points noirs sur le graphe) ou dans un cycle compétitif
(les points gris sur le graphe). Les représentations graphiques visaient à faciliter
l’identification de certaines similitudes (ou différences) des préoccupations d’un acteur selon
des phases dans l’activité sportive ou suivant un décours temporel précis. Dans la
modélisation proposée par Mottet et Saury (2014), elle visait particulièrement à faciliter
l’identification des similitudes et des différences des formes d’activité de navigation
d’individus débutants selon qu’ils étaient engagés dans une situation classique ou dans une
situation de poseur-orienteur. Dans la modélisation proposée par Adé et al. (2010), elle visait
particulièrement à faciliter l’identification de certaines similitudes (ou différences) des
préoccupations-typiques au fil des tours selon la ligne du parcours athlétique sur lesquelles
étaient en train de courir l’élève : les élèves se sont par exemple attachés tout au long du
parcours à gagner du temps et à respecter les consignes de l’enseignant. Dans la modélisation
proposée par Saury et Rossard (2009), elle visait particulièrement à comparer la présence et
l’évolution des préoccupations-archétypes selon que l’élève s’inscrivait en tâche compétitive
ou coopérative dans l’activité badminton.
2.2 Une dynamique centrée sur l’activité collective de l’élève
Des travaux récents ont mis en avant plusieurs modélisations de la dynamique de
transformation des interactions entre élèves (Evin, 2013).
Une première modélisation (Evin, 2013) présente l’agencement temporel d’histoires
collectives vécues par des élèves au cours d’un cycle d’enseignement. L’axe des abscisses
retranscrit le décours temporel à partir de l’unité de la leçon (7 unités successives correspond
à la succession des 7 leçons) tandis que l’axe des ordonnées renvoie à la caractérisation des
histoires collectives (i.e. la catégorisation a été faite sur la base de la typicalité des données
issues de l’articulation collective des CA individuels). Tout d’abord, cette modélisation rend
compte du moment de l’émergence des histoires collectives (à quelle leçon elles
apparaissaient ?). Ensuite, il présente le caractère continu ou discontinu des histoires
49
collectives au cours du cycle d’enseignement (sur combien de leçons elles duraient ?). A titre
d’exemple, « l’échange de balles d’Hugues et Thom » a démarré à la leçon n°1 du cycle « arts
du cirque », a perduré à la leçon n°2 et s’est achevé à la leçon n°3 (Figure 4).
Figure 4 : « Graphe représentant l’ordonnancement temporel des histoires collectives au
cours du cycle d’arts du cirque » (axe des abscisses : le numéro de leçon dans le cycle / axe
des ordonnées : les histoires collectives) (Evin, 2013)
50
Une deuxième illustration s’inscrit autour de la volonté de dégager des « patterns » (Evin,
2013) dans l’activité des élèves correspondant à l’identification de structures répétées ou non
de l’activité étudiée. Cela est notamment possible en comparant plusieurs graphes (Evin,
2013). Une comparaison de trois graphes construits suivant la même échelle et la même
logique (en abscisses, les unités de temps référencées en leçons ; en ordonnées, les histoires
collectives) permet en effet une identification de l’existence (ou non) de patterns
(identification des structures qui se répètent) dans l’ordonnancement temporel des histoires
collectives au cours des cycles (Figure 5).
Figure 5 : « Synthèse des patterns identifiés au cours des trois cycles d’enseignement » (axe
des abscisses : chaque colonne délimitée par des pointillés correspond à une leçon dans les
cycles / axe des ordonnées : les histoires collectives) (Evin, 2013)
51
Ces représentations graphiques décrivent donc une dynamique d’interactions entre
élèves en ce sens qu’elles mettent en lien des histoires collectives (basées sur l’analyse des
données d’expériences des élèves) et un ordonnancement temporel (dans un cycle
d’enseignement).
2.3 Vers l’utilisation des modèles mathématiques
Dans le but de caractériser les interactions entre des acteurs et leurs dynamiques, des
recherches récentes se sont penchées sur des modélisations sous forme de réseau émergeant
(R’Kiouak, 2013) pour représenter les coordinations entre différents partenaires d’une même
équipe. Précisément, en s’appuyant sur l’approche du Social Network Analysis (SNA) qui
utilise les apports mathématiques de la théorie des graphes et des analyses matricielles
(Wasserman & Faust, 1994), l’étude propose une étape de « mathématisation de l’empirique »
passant par une transformation quantitative pour obtenir des séries temporelles appliquées à
des phénomènes (i.e. les données d’expérience) : à partir d’une analyse centrée sur la
description de l’activité des joueurs de l’équipe observée, elle caractérise des actions-types
puis les codent avec des valeurs numériques. Cette démarche, bien que présente dans les
domaines des sciences humaines et sociales et notamment en géographie et en économie,
ouvre une voie prometteuse dans le domaine des sciences du sport pour l’analyse de
phénomènes collectifs selon Lusher, Robins et Kremer (2010). Cet outil quantifie en effet les
phénomènes intersubjectifs (e.g., présence/absence de relations identifiées par le partage des
connaissances et des engagements des acteurs) en réduisant la dynamique des interactions à
un enchaînement de réseaux (présence/absence de connexions entre les individus dans la
situation), et mathématiquement à un enchaînement de matrices (logique binaire :
connecté/non connecté) au cours du temps. A partir de ce traitement quantitatif
mathématiques, trois indicateurs, modélisant la dynamique du réseau, ont été calculé : 1) la
densité ; 2) la réciprocité et 3) la transitivité. La densité du réseau renvoie à la quantité de
connections reliant les acteurs du réseau. Plus les acteurs sont reliés plus le réseau est dense.
La réciprocité du réseau renvoie à la quantité de liens bidirectionnels dans le réseau. Cela
précise la part des liens réciproques et des liens non réciproques entre les acteurs. Enfin, la
transitivité renvoie à la tendance à ce que deux acteurs séparés qui sont connectés à un même
partenaire le soit également entre eux. Ces indicateurs sont calculés dans le temps suivant une
52
série temporelle. Autrement dit, l’outil SNA permet de rendre compte de l’évolution de ces
indicateurs de la dynamique dans le temps. La Figure 6 présente une illustration de la
fluctuation des trois indicateurs étudiés au cours des 7 minutes 15 secondes d’activité dans un
match de basket-ball.
Figure 6 : a) Evolution de la densité de l’équipe en fonction du temps. b) Evolution de la
transitivité de l’équipe en fonction du temps. c) Evolution de la réciprocité de l’équipe en
fonction du temps (axe des abscisses : le temps en secondes / axe des ordonnées : 1 est la
valeur maximale et 0 la valeur minimale de l’indicateur) (R’Kiouak, 2013)
En s’appuyant sur des corrélations fenêtrées (i.e. mesures de similitudes de séries
temporelles), le chercheur, articulant par cette démarche séries temporelles (Figure 6) et
événementielles (données d’expérience codées), peut pointer le degré d’association entre ces
deux séries : il peut identifier et pointer des périodes au cours desquelles les indicateurs
fonctionnaient ensemble de manière saillante (e.g., correspondance simultanée d’un pic entre
plusieurs représentations graphiques). Dans la Figure 7, le moment 1’37’’/1’40’’ (illustré par
les cercles rouges) est retenu par le chercheur car les indicateurs « transitivité/densité » et
« transitivité/réciprocité » passent sous le seuil de significativité.
53
Figure 7: a) Evolution de la corrélation fenêtrée entre réciprocité et densité pour une fenêtre
de 10 données. b) Evolution de la corrélation fenêtrée entre réciprocité et densité pour une
fenêtre de 20 données. c) Evolution de la corrélation fenêtrée entre transitivité et densité pour
une fenêtre de 10 données. d) Evolution de la corrélation fenêtrée entre transitivité et densité
pour une fenêtre de 20 données. e) Evolution de la corrélation fenêtrée entre transitivité et
réciprocité pour une fenêtre de 10 données. f) Evolution de la corrélation fenêtrée entre
transitivité et réciprocité pour une fenêtre de 20 données (les pointillés au dessus de la valeur
0 : seuil de significativité positive/les pointillés en dessous de la valeur 0 : seuil de
significativité négative/axe des abscisses : le temps en secondes / axe des ordonnées : les
valeurs maximales des indicateurs) (R’Kiouak, 2013)
Ainsi, se développent des modélisations à partir d’indicateurs quantitatifs rendant
compte de la dynamique des interactions entre des acteurs. Elles appréhendent en réseau
émergent de la coordination entre les partenaires d’une équipe au cours d’une période étudiée
(R’Kiouak et al., 2013). Dans l’étude, cela permet de voir autrement l’évolution des
coordinations et de cibler un moment du match significatif. Le chercheur, dès lors, peut
entreprendre une démarche itérative sur les données d’expérience pour mener une analyse
compréhensive localisée.
54
2.4 Intérêts et limites des représentations graphiques
2.4.1 Intérêts
Les travaux présentent de notre point de vue de quatre intérêts majeurs :
- 1) Les graphiques ont pour principale visée de permettre de comparer des états dans un
décours temporel plus ou moins long, ce qui permet de rendre compte de la succession des
états dans le temps.
- 2) Les graphiques issus du SNA permettent un rapprochement des séries événementielles et
des séries temporelles dans l’étude de la dynamique des coordinations interpersonnelles en
mettant en avant le potentiel de l’outil mathématique. A partir de la lecture de ces graphiques,
des moments saillants (moment observé dans les deux représentations graphiques « au même
endroit sur chacun ») sont identifiés : le chercheur revient alors sur les données d’expérience
pour identifier les éléments expliquant ces moments saillants de l’activité. Cela permet de
mettre en avant une démarche pour comprendre à un grain plus fin la dynamique des
interactions entre les élèves en EPS.
- 3) Ces représentations graphiques permettent de rendre compte de l’évolution d’états dans le
temps que la littéralisation (i.e. la description littéraire de l’activité des acteurs) du CA rend
difficile d’accès.
- 4) Certaines études centrées sur la dynamique sont dans la logique d’emprunt d’outils issus
de champs scientifiques dont l’objet est de comprendre justement le processus de la
dynamique (i.e. avoir un regard sur comment évolue le processus de relations entre des
variables) autres que celui du CA.
2.4.2 Limites
Ces travaux offrent de notre point de vue au moins une limite :
- 1) Les graphiques issus du SNA s’intéressent à la dynamique des coordinations
interpersonnelles sur un empan temporel relativement court (7 minutes de phase de jeu en
basket-ball soit 4 minutes 10 secondes effectives), potentiellement difficile à utiliser sur des
empans temporels plus longs.
55
3. Synthèse
De nombreux travaux ont appréhendé les interactions entre les élèves en EPS en
identifiant des catégories de formes d’interaction et en rendant compte des effets de ces
interactions sur les dimensions motrices, cognitives et sociales des élèves. D’autres se sont
attachés à appréhender la dynamique des phénomènes étudiés et à la représenter
graphiquement. Ils ont mis en avant entre autres :
- 1) Les propriétés complexes des interactions entre les élèves en EPS à travers leurs
caractères émergents (organisation qui apparaît soudainement caractérisant un changement
d’état et non réductible à la somme des parties) (Maturana & Varela, 1994) et la présence
d’interrelations mutuelles entre les acteurs (i.e. les élèves) (Morin, 1990) d’une part, et
d’interrelations mutuelles entre le système formé par les interactions entre les élèves et
l’activité enseignante, l’activité des pairs et l’environnement matériel d’autre part.
- 2) Les propriétés dynamiques des interactions entre les élèves à travers leurs caractères
évolutifs (stabilité des formes d’interaction, changements des formes d’interaction).
- 3) Des représentations graphiques des dynamiques des interactions d’acteurs à partir
d’organisateurs différents (évolution des préoccupations-typiques, indicateurs mathématiques
moyennant l’utilisation d’outils spécifiques).
56
CHAPITRE 3
Les interactions entre les élèves en course
d’orientation
Ce chapitre vise à présenter une synthèse des travaux étudiant l’activité sportive de la
course d’orientation. Tout d’abord, nous caractériserons la situation d’interaction en course
d’orientation en la ciblant dans un contexte d’enseignement scolaire au collège avec des
élèves de 6ème débutants. Ensuite, nous présenterons les recherches scientifiques qui se sont
intéressées à l’activité des pratiquants de la course d’orientation. Enfin, nous rendrons compte
des études professionnelles portant sur l’enseignement de la course d’orientation en EPS.
Nous adopterons la même démarche que les chapitres 1 et 2, c’est-à-dire qu’après avoir
présenté les apports de chaque revue de littérature, nous évoquerons de notre point de vue
leurs intérêts et leurs limites.
57
Chapitre 3. Les interactions entre élèves en course d’orientation
La majorité des travaux précédemment cités étudie les interactions entre les élèves en
EPS lorsqu’elles se déroulent en permanence à proximité de l’enseignant : cette proximité
rend les interactions entre les élèves systématiquement visibles de l’enseignant. Même lorsque
celles-ci lui sont masquées, elles peuvent faire l’objet à tout instant d’une attention, d’un
contrôle visuel de sa part. Il existe cependant des conditions dans l’enseignement de l’EPS
pour lesquelles les interactions entre les élèves ne sont pas continuellement à proximité et
sous la supervision constante de l’enseignant. En effet, les conditions ordinaires de pratique
en course d’orientation amènent les élèves à ne pas agir en permanence devant l’enseignant
d’EPS et à s’éloigner de lui jusqu’à ce que les interactions entre élèves ne soient plus visibles
par celui-ci.
1. L’activité ordinaire des élèves engagés en leçon de course d’orientation
L’activité ordinaire des élèves engagés en course d’orientation consiste à se déplacer,
seul ou à plusieurs, dans un milieu plus ou moins inconnu, en établissant des itinéraires à
l’aide d’une carte, et éventuellement d’une boussole, pour se rendre aux différentes balises et
les valider dans une limite de temps. Cette activité ordinaire des élèves varie selon les
dispositifs d’apprentissage visant l’atteinte de compétences des Programmes EPS.
La connaissance qu’ont les élèves de l’aire d’évolution influence leur activité : si les élèves
d’un cycle terminal se déplacent dans un milieu inconnu, les élèves débutants, quant à eux, se
déplacent dans un milieu partiellement connu et le domestiquent au fur et à mesure de leurs
expériences dans le cycle. Lorsque les élèves en EPS s’engagent dans des leçons de course
d’orientation, il ressort entre autre de leur activité quatre caractéristiques : l’activité de l’élève
est 1) instrumentée, 2) individuelle ou collective, 3) en partie non accessible à l’enseignant
d’EPS et 4) plus ou moins anxiogène.
58
1. 1 Une activité instrumentée : carte - boussole - GPS (Global Positioning
System)
L’activité des élèves en course d’orientation est une activité instrumentée en ce sens
qu’ils utilisent des objets pédagogiques (la carte, la boussole, le GPS) pour choisir un
itinéraire et se rendre aux balises.
Outre la différence d’échelle de carte (1/5000ème pour les élèves débutants jusqu’à 1/15000ème
pour les élèves en cycle terminal), les inscriptions qui se trouvent dessus ainsi que la présence
ou non de la couleur (i.e. photocopie en noir et blanc de la carte vs carte en couleur) sont des
éléments qui influencent l’activité des élèves : l’élève débutant cernera ainsi les lignes
directrices les plus évidentes (chemins de grande taille ou sentiers marqués, indiqués
respectivement par un trait noir épais continu et un trait noir discontinu) tandis que l’élève de
niveau intermédiaire, en plus, se servira des couleurs sur la carte indiquant différents
coefficients de pénétrabilité pour couper les chemins.
Dans un niveau confirmé, l’utilisation de la boussole dans l’enseignement EPS peut
apparaître : elle permet de calculer un azimut (c’est-à-dire la direction directe pour se rendre à
la balise sans passer pas les lignes directrices). Son utilisation est associée indissociablement à
celle de la carte pour le calcul de cet azimut.
Plus récemment, le GPS qui est un système de navigation automatique s’est répandu en tant
qu’instrument d’aide à la navigation (Mottet, 2015). Il correspond à un objet technologique
qui permet l’enregistrement des itinéraires effectué par des élèves. Grâce à un logiciel
informatique, il est possible de superposer sur la carte d’orientation l’enregistrement de
l’itinéraire effectif : cet objet permet donc prioritairement à l’enseignant d’EPS de disposer
d’une trace très précise de l’activité de l’élève en forêt, de la comparer par exemple avec leur
ressenti sur la course. L’utilisation de cet objet technologique, bien que présent dans les
pratiques usuelles de navigation (e.g., voiture, bateau, avion), n’est pas de nos jours très
répandue dans les pratiques professionnelles EPS.
1. 2 Une activité individuelle ou collective
Les élèves sont amenés à se déplacer, seul ou à plusieurs. Selon que l’activité course
d’orientation se situe au collège dans un premier cycle d’enseignement ou au lycée dans un
59
cycle terminal, les conditions de pratique diffèrent : si la compétence attendue par le niveau
terminal et celle du niveau 2 collège invite à une activité individuelle du fait de la préparation
respective à l’épreuve du baccalauréat (« le candidat doit réaliser seul un parcours de son
choix [...] dans un temps limité de 30 à 35 minutes », bulletin officiel spécial n°5 du 19 juillet
2012), et à l’épreuve du Diplôme National du Brevet (« le coureur doit réaliser un parcours
de son choix dans un temps limité de 25 à 30 minutes », bulletin officiel spécial n°5 du 19
juillet 2012), les Programmes de lycée et de collège invitent également à une activité
collective : les élèves peuvent réaliser les leçons en groupe en lien avec des objectifs
scolaires (« En coopération, comparer ses choix d’itinéraires avec les autres, émettre des
hypothèses alternatives en cas d’échec », Fiches ressources, lycée niveau 3 ; « Oser s’engager
[…] à deux ou trois dans un milieu peu connu », Fiche ressources niveau 1 collège, 2009).
1. 3 Une activité en partie non accessible à l’enseignant d’EPS
Les élèves doivent poinçonner sur la carte les balises qui sont réparties à différents
endroits dépendants du niveau de pratique. Plus le niveau de compétence de l’élève est élevé,
plus l’emplacement des balises est éloigné de l’enseignant d’EPS (qui reste au point de
ralliement) et difficile à localiser : à titre d’exemple, si un élève en cycle terminal devra
s’enfoncer dans la forêt selon un azimut pour trouver la balise, l’élève débutant la cherchera à
un endroit caractérisé par un élément remarquable (e.g., croisement de chemins, dépression à
côté d’un chemin, arbre caractéristique à côté d’un chemin) tandis que l’élève de niveau
intermédiaire la repérera sur un élément remarquable (e.g., dépression, bute, talus, souche
d’arbre caractéristique). Les élèves s’éloignent donc de l’enseignant et leurs choix dans le
projet de déplacement et d’adaptation d’itinéraire ne font pas l’objet d’un contrôle permanent
par celui-ci. Autrement dit, ce qui se joue dans l’activité ordinaire des élèves s’engageant dans
une leçon de course d’orientation est en grande partie non accessible à l’enseignant d’EPS.
L’activité des élèves est souvent inférée par l’enseignant à partir de leurs verbalisations et de
la vérification des poinçons des balises.
60
1. 4 Une activité plus ou moins anxiogène
L’activité course d’orientation est une activité sportive de pleine nature qui se
caractérise par l’incertitude du milieu dans lequel évoluent les élèves. Cette incertitude peut
générer dans l’activité des élèves une dimension anxiogène qui s’actualise ordinairement à
travers le sentiment d’être perdu. Mais si la familiarité avec l’environnement peut s’installer
au fil des expériences vécues, l’enseignant s’attache à y remettre de l’incertitude (et donc une
dimension anxiogène) afin de toujours encourager chez les élèves une activité de recherche.
Pour cela, les enseignants d’EPS découpent parfois les environnements retenus pour les
leçons de course d’orientation en différentes parcelles, pour trouver l’équilibre dans
l’apprentissage entre familiarisation et exploration de l’environnement naturel.
1. 5 La situation d’interaction entre élèves en course d’orientation en classe de
6ème
Les élèves peuvent fonctionner collectivement lors des leçons de course d’orientation
en EPS. Une des conditions ordinaires de pratique est le fonctionnement dyadique. Ces
interactions entre deux élèves sont privilégiées surtout au niveau débutant et notamment au
collège. Au regard de la littérature mise en avant précédemment, ces interactions dyadiques
peuvent être libres (aucun rôle d’élève-tuteur ou d’élève-tutoré n’est préétabli) ou fixes (un
rôle d’élève-tuteur et d’élève-tutoré est établi) et se caractériser par une dissymétrie (i.e. écart
de compétence entre les deux élèves) ou une symétrie (i.e. niveau de compétence relativement
proche entre les deux élèves). Toutefois, les interactions dyadiques des élèves débutants sont
souvent liées à une organisation affinitaire : en effet, l’élève de 6ème par exemple met en jeu
des ressources affectives pouvant inhiber ses actions dans un milieu partiellement inconnu. En
s’organisant en dyade affinitaire, les interactions avec un camarade participent à diminuer ce
stress et encouragent chez les élèves un sentiment de sécurité lorsqu’ils s’engagent dans cet
environnement imprévisible. Ainsi, les interactions dyadiques entre les élèves débutants se
caractérisent potentiellement par des formes d’interaction coopératives dans lesquelles ils
vont concevoir des projets de déplacements et les adapter pour trouver l’ensemble des balises
(e.g., croisement de chemins, arbre particulier) dans une limite de temps imparti.
61
Pour se faire, les deux élèves disposent d’une carte représentant l’aire d’évolution dans lequel
ils vont pouvoir se déplacer : cette aire d’évolution est généralement constituée de lignes de
« niveau 1 » (e.g., chemins facilement identifiables comme les chemins carrossables ou les
sentiers) que les élèves peuvent emprunter et d’éléments remarquables (e.g., souche d’arbre
caractéristique, dépression, talus) pour faciliter l’orientation des élèves. A l’aide de cette
carte, les élèves vont pouvoir « identifier et associer les éléments simples du terrain avec leur
représentation graphique sur la carte (relation terrain-carte) » et « identifier et associer les
lignes simples de la carte avec leurs présences sur le terrain (relation carte-terrain) » (Fiche-
ressources niveau 1 collège, 2009). En d’autres termes, le deux élèves de la dyade partagent
une carte et, à partir d’une reconnaissance d’éléments du terrain correspondant à des symboles
sur la carte et inversement, interagissent pour élaborer un itinéraire, l’adapter au fur et à
mesure de leurs déplacements et trouver les balises.
Ces déplacements, ces interactions dyadiques pour élaborer un itinéraire à partir d’une lecture
de carte ne se font pas continuellement à proximité de l’enseignant d’EPS et donc ne sont pas
sous sa supervision constante. Autrement dit, ce qui se joue lorsque les élèves discutent,
confrontent leur itinéraire sont rarement sous un contrôle direct in situ de l’enseignant.
Au total, la situation d’interaction entre des élèves débutants engagés dans des leçons
de course d’orientation en EPS se caractérise par une activité dyadique qui reste pour partie
inaccessible à l’enseignant d’EPS et qui est médiée par une carte dont la lecture leur
permettent d’échanger ensemble pour construire des itinéraires et se rendre aux balises
recherchées.
2. Revue de littérature sur l’activité en course d’orientation
La course d’orientation a déjà fait l’objet de travaux professionnels notamment dans la
revue EPS et en moindre proportion dans la littérature scientifique. Toutefois, celle-ci rend
compte particulièrement de l’activité décisionnelle du coureur expert dans le cadre de la
psychologie du sport, de l’étude sur les profils d’apprenants engagés en situation
d’enseignement au lycée dans le cadre d’une approche didactique, et sur l’activité individuelle
de navigation telle qu’elle est vécue par le coureur dans le cadre d’une approche située.
62
2.1 L’activité décisionnelle du coureur expert en course d’orientation
La course d’orientation a déjà été l’objet d’investigation notamment sur l’activité
cognitive de coureurs experts en course d’orientation dans le cadre de la psychologie du sport
(Eccles, & Walsh, 2006 ; Macquet, Ecclès, & Barraux, 2011).
Eccles et al. (2002) ont montré que l’activité cognitive du coureur de course d’orientation
requérait une attention de trois sources d’information : la carte (pour localiser les balises),
l’environnement (pour le comparer avec sa représentation sur la carte) et la course (surveiller
l’itinéraire pris). En raison de ces nombreuses ressources attentionnelles, l’expert alterne son
attention sur les trois sources d’information. A ce titre, le coureur d’élite s’adapte et use de
stratégies telles que la simplification des informations données sur la carte au minimum
requises pour naviguer. Précisément, il réduit les informations requises sur la carte pour
naviguer en sélectionnant les caractéristiques qui sont visuellement faciles et utilise les
« périodes calmes » dans la course pour examiner la carte et planifier l’itinéraire.
Une autre étude (Macquet et al., 2011) s’est intéressée aux préoccupations-typiques chez le
coureur expert. Elles s’articulaient autour de (1) trouver les points de contrôles plus
rapidement que les concurrents, (2) optimiser l’allure de course le long du parcours et (3)
réfléchir sur les actions entreprises durant la performance. Précisément, la première s’est
actualisée en deux sous-préoccupations : « simplifier la carte » (e.g., diviser l’itinéraire sur la
carte avec des points remarquables sous forme de checkpoint) et « utiliser les chemins les plus
courts et les plus efficaces en termes d’énergie » dépendant de quatre facteurs : la longueur du
chemin, sa « courabilité », la simplicité de navigation et la fatigue ressentie. La deuxième
s’est actualisée quant à elle par la volonté de maintenir une vitesse moyenne de course tout au
long du parcours en courant plus vite quand il était sur les chemins, quand il quittait une
balise et quand il dépassait un coureur ; en maintenant la vitesse de course malgré la fatigue,
les sols glissants, la végétation et les difficultés de navigation ; et en ralentissant pour faire
plus attention à la carte et récupérer physiquement. La troisième s’est actualisée lorsque le
coureur a essayé de réfléchir durant la performance sur ce qui était fait et sur ce qui restait à
faire. A titre d’exemple, le coureur d’élite jugeait de la navigation en essayant de considérer la
difficulté qu’il pouvait rencontrer et en décidant si les informations sur les autres concurrents
devaient être utilisées (utiliser les observations des comportements des coureurs sachant qu’ils
pouvaient faire une erreur de navigation à l’exception de changements brusques de direction).
63
2.2 Les profils d’apprenants au lycée
Si des études s’intéressent à l’activité de coureur d’élite, d’autres se sont penchées sur
des profils d’élèves dans l’enseignement de la course d’orientation en EPS et plus
particulièrement lorsqu’ils étaient engagés dans un cycle de terminale (préparation à l’épreuve
du baccalauréat) avec entre autres une focale issue d’une analyse motrice (Bonnard, 2012).
Précisément, l’analyse effectuée dans le cadre à dominante motrice correspondait à la manière
dont l’élève s’engageait dans l’action motrice en course d’orientation. Cette dernière est
organisée par le risque (l’élève acceptait plus ou moins l’incertitude spatio-temporelle
inhérente au rapport balise/temps imparti), la complexité (l’élève construisait un itinéraire
plus ou moins long) et la difficulté (l’élève construisait un itinéraire avec des balises plus ou
moins cotées pour obtenir le plus de points). Les résultats soulignent l’existence de quatre
profils (profils de fin de cycle) : le timoré (l’élève « jouait » la sécurité en ramassant les
balises les plus proches), l’audacieux (l’élève prenait un risque soit sur le plan énergétique
avec un itinéraire long soit sur le plan des balises plus compliquées à trouver), le modéré
(l’élève mesurait les risques pour ne pas dépasser le temps imparti malgré un itinéraire qui
pouvait paraître difficile) et le symbiotique (l’élève adaptait son parcours selon ses capacités
physiques et le terrain). Ces profils n’étaient pas figés en ce sens qu’ils étaient
l’aboutissement d’une évolution de profils initiaux (de début de cycle) à savoir le « confiant »
(l’élève ramassait toutes les balises quelle que soit sa difficulté), le « scoreux » (l’élève
ramassait les balises les plus difficiles pour obtenir un minimum de points), et le
« sécuritaire » (l’élève ramassait les balises les plus proches de rentrer avec quelques-unes).
2.3 L’activité de navigation dans deux conditions de pratique particulières :
« poseur/contrôleur » vs « classique »
D’autres études se sont intéressées à l’activité d’un pratiquant débutant dans le cadre
de l’enseignement universitaire. Mottet et Saury (2013, 2014) se sont attachés à comparer la
dynamique de l’activité de navigation chez des pratiquants débutants dans deux situations :
une situation « poseur/contrôleur » (les étudiants débutants dans l’étude installaient le plus
rapidement possiblement dans un ordre précis des balises et revenaient au point de ralliement)
et une situation « classique » (les étudiants devent trouver les balises le plus rapidement
64
possible et revenir au point de ralliement). Il ressortait des similitudes et des différences dans
l’activité des coureurs dans les deux situations. Précisément, l’ensemble des étudiants
présentait des formes similaires d’activité de navigation. A titre d’exemple, les pratiquants
interprétaient les caractéristiques du terrain dans l’environnement, basées sur les
caractéristiques de celui-ci qui étaient attendues ou inattendues par rapport à la lecture de la
carte. Cette forme d’activité était présente dans les deux situations étudiées : elle commençait
dès que le signal de départ était donné et se terminait quand les coureurs atteignaient le point
d’attaque du poste (emplacement caractéristique de la balise). Cette forme d’activité se ré-
ouvrait aussi à l’arrivée de chaque nouveau point remarquable. Aussi, les formes d’activité
des coureurs ont montré des différences pour la phase d’attaque de la balise. Une situation
« classique » invitait les pratiquants à trouver rapidement la balise (lorsque les coureurs,
longeant les lignes directrices, estimaient que la balise est proche, ils bifurquaient
brusquement sans continuer à les suivre) - les coureurs alors pouvaient la trouver par hasard si
le niveau de difficulté de l’emplacement était faible (les coureurs atteignaient la balise en
explorant le paysage et en essayant de deviner sa position jusqu’à ce qu’ils la trouvent). En
revanche, une situation « poseur/contrôleur » invitait les pratiquants à atteindre le poste le
plus sûrement possible (les étudiants se déplaçaient uniquement sur les lignes directrices pour
être le plus proche de l’emplacement même si la distance était plus longue qu’une trajectoire
« coupée ») qui prenaient en compte ensuite toutes les caractéristiques de la carte pour les
anticiper sur le terrain et faire la description exacte du poste lors de la pose de la balise.
2.4 Les revues professionnelles
De nombreux travaux professionnels ont donné une illustration de l’activité enseignée
en collège et en lycée. La course d’orientation est une activité dans laquelle le professeur
d’EPS est dans l’impossibilité de superviser directement les comportements des élèves
lorsqu’ils agissent en forêt. Pour autant, il est en mesure de les inférer lors des moments
fugaces de rencontres (les élèves passent l’enseignant au niveau du point de ralliement pour
rejoindre une balise, les élèves discutent en fin d’exercice avec l’enseignant de ce qu’ils ont
fait). Au-delà de proposer des situations d’apprentissage et des axes de simplification pour les
élèves en difficulté et des axes de complexification pour les élèves en réussite, des travaux se
sont attachés a identifier des comportements individuels et collectifs d’élèves (Blanchard,
65
2008) : à partir d’items (sécurité, apprentissages, motivation, évaluation), des avantages et des
inconvénients sont mis en avant à titre de comparaison dans une pratique individuelle et dans
une pratique collective. Il ressort chez des élèves notamment un rôle de « locomotive-wagon »
dans la pratique collective : l’élève le plus compétent cherche la balise sans expliquer aux
partenaires qui se contentent de suivre. Dans l’optique de ces travaux, d’autres ont proposé
des situations d’apprentissage pour favoriser une coopération entre les élèves dans leurs
interactions à partir d’une connaissance de leur expérience telle qu’elle est construite de leur
point de vue dans les situations de course d’orientation (Mottet, 2012).
3. Intérêts et limites des études portant sur la course d’orientation
3.1 Intérêts
Ces études font preuve de notre point de vue de trois intérêts majeurs :
- 1) Les études en psychologie du sport mettent en avant la complexité de l’activité d’un
coureur expert en pointant trois éléments qui sont indissociables les uns des autres pour
construire et adapter l’itinéraire de course (la carte, l’environnement et le déroulement
pendant la course). Cela permet d’avoir une vision relativement précise de ce qui se joue
lorsqu’un pratiquant construit un itinéraire dans des tâches de navigation. Ces études
décrivent également les préoccupations-typiques des coureurs d’élite et comment ils les
actualisent. D’autres décrivent des profils d’apprenant à partir d’une focale motrice, décrivant
les éléments s’y rattachant (e.g., la difficulté du parcours joue sur la dimension du profil
moteur de l’élève). Ces études concourent à une description de plus en plus approfondie de
l’activité du pratiquant engagé en course d’orientation sur des niveaux différents de pratique.
- 2) Au-delà des apports dans la conception de dispositifs d’apprentissage en lien avec
l’atteinte de compétences précises en course d’orientation, un des travaux professionnels
compare deux formes de pratique communément utilisées en EPS (pratique individuelle vs
pratique collective) (Blanchard, 2008) : la pratique collective met en évidence une interaction
de « locomotive-wagon » au cours de laquelle un élève (le plus compétent) cherche la balise
sans expliquer aux partenaires qui le suivent. Cet élément montre que les interactions entre les
élèves prennent des formes particulières qu’il conviendrait d’explorer (au vu de la littérature
66
scientifique concernant les interactions dyadiques, il ressort que le tuteur n’est pas forcément
celui qui a le plus de compétences).
- 3) Une étude s’intéresse à la dynamique de l’activité de navigation de débutants en course
d’orientation (étudiants en STAPS) telle qu’ils la vivent dans des dispositifs de pratique
différents (Mottet, 2015 ; Mottet & Saury, 2013, 2014). En s’intéressant à cette dynamique et
en montrant des formes d’activité de navigation similaires et différentes dans les deux
dispositifs, cette étude pointe l’importance à explorer plus avant ce qui se joue dans l’activité
des élèves quand ils s’engagent dans des dispositifs d’apprentissage différents en course
d’orientation.
3.2 Limites
L’ensemble de ces études présente de notre point de vue trois limites :
- 1) L’étude sur les préoccupations-typiques du coureur expert ainsi que celle de son activité
décisionnelle a permis de rendre compte à un grain fin la description de l’activité du coureur
expert. Toutefois, rares sont les recherches qui ont investigué cette activité chez l’élève en
EPS à ce grain.
- 2) Bien qu’une seule recherche se soit intéressée à la dynamique de l’activité d’étudiants
débutants et montre une activité de navigation particulière selon les phases du parcours de
course d’orientation, la majorité des études ne s’est pas focalisée sur cet aspect dynamique
qui, dans le milieu imprédictible de la forêt, est sans doute « perturbé » par des nombreux
événements favorisant une activité du pratiquant d’adaptation constante et évolutive.
- 3) Les travaux ne rendent pas compte de l’activité ordinaire collective des pratiquants
pourtant présente dans l’enseignement de la course d’orientation en EPS surtout à un niveau
débutant. A ce titre, cette activité collective lorsque les élèves s’engagent en groupe dans la
recherche de balises au cours des leçons est une piste d’investigation.
« Cette APSA est un terrain d’expérimentation privilégié pour l’observation des
interactions : lecture de documents, lecture du milieu, mise en action, échanges entre pairs,
entre professeurs et élèves. Lorsque l’élève voit et dit, alors il commente, c’est ce que font les
élèves en observant les cartes et le terrain » (Bonnard, 2012, p.145).
67
CHAPITRE 4
Objet d’étude et questions de recherche
Sur la base des trois chapitres précédents, nous présenterons notre objet d’étude et les
questions qui ont orienté notre travail de thèse.
68
Chapitre 4. Objet d’étude et questions de recherche
L’examen des études s’étant intéressées aux interactions entre les élèves en EPS
pointent l’existence de catégorisations de formes d’interaction entre les élèves (Lafont, 2012).
Ces formes d’interaction peuvent être recherchées par les enseignants d’EPS (e.g.,
interactions fixes dans des dyades avec un rôle de tuteur et un rôle de tutoré prédéfini)
(Ensergueix & Lafont, 2009) ou être spontanées, c’est-à-dire qu’elles s’actualisent en dehors
de la prescription de l’enseignant d’EPS (Huet & Saury, 2011). Ces travaux se sont
principalement attachés à mettre en avant par exemple les effets bénéfiques des interactions et
de la coopération pour les apprentissages (Huet & Saury, 2011) ou encore les conditions et
contraintes participant à structurer ces interactions et apprentissages coopératifs comme
l’importance de la formation des tuteurs, le rôle du profil cognitif ou du genre chez les élèves
(Ensergueix & Lafont, 2009). Pour autant certains de ces travaux ont montré que l’activité
enseignante, l’activité des pairs et l’environnement dans lequel se déroulent les leçons
(environnement naturel, environnement matériel) participaient à l’émergence de ces formes
d’interaction entre élèves (Saury et al., 2013). De plus, ces interactions évoluaient dans le
temps : les auteurs ont donc été amenés à s’intéresser à leurs dynamiques. Dans ces cas, ils
ont abouti à des représentations graphiques de cette dynamique donnant à voir plusieurs
formes d’interaction entre élèves qui apparaissaient, disparaissaient, réapparaissaient dans le
temps. Par exemple, Evin (2013) proposent de l’étudier sous la notion d’histoires collectives
en s’intéressant notamment à leur apparition, leur permanence et fugacité au cours du temps
dans des cycles d’EPS. Mais dans ces cas, ces rares travaux relatifs à la dynamique des
interactions entre élèves n’ont pas cherché à caractériser les processus de ces dynamiques. De
plus, l’ensemble de ces études se ressemblent sur leurs conditions d’étude : l’activité des
élèves était sous la supervision de l’enseignant d’EPS. Etudier les dynamiques des formes
d’interaction entre élèves dans des dispositifs différents en leçons d’EPS de course
d’orientation constitue donc « une situation privilégiée d’étude ». En effet, dans la mesure où
ces interactions sont pour partie non accessible à l’enseignant d’EPS, elles peuvent favoriser
l’émergence de dynamiques singulières.
69
Notre étude s’intéresse dans un premier temps à caractériser les formes d’interaction
émergentes entre les élèves engagés dans différents dispositifs d’apprentissage en course
d’orientation. Dans un deuxième temps, il ambitionne de caractériser la dynamique de ces
formes d’interaction. Pour cela, des options méthodologiques ont été prises dans la
perspective d’en discuter leur potentiel heuristique.
Trois questions essentielles ont orienté notre travail :
Question 1 : Quelles sont les formes d’interaction entre élèves de 6ème regroupés en
dyades, dans des dispositifs différents en course d’orientation ?
A partir de l’analyse de l’activité dyadique d’élèves en course d’orientation, il s’agissait
d’identifier les formes typiques d’interaction au regard des travaux existants. Sur cette base,
nous souhaitons étudier les liens entre les caractéristiques des dispositifs d’apprentissage et
les formes d’interaction en course d’orientation afin d’identifier d’éventuels invariants et
éléments de spécificité.
Question n°2 : De quelle manière ces formes d’interaction se succèdent, se répètent
ou au contraire s’effacent sur la durée d’une course ?
Il s’agit de caractériser la dynamique de ces différentes formes d’interaction c’est-à-dire à
identifier des états, des changements d’états et des éléments participants à ces changements.
Pour ce faire, nous convoquons des outils méthodologiques étrangers à l’observatoire du CA.
Cet emprunt méthodologique nous conduira inévitablement à une réflexion épistémologique.
Question n°3 : Dans quelles mesures s’intéresser à la nature des formes d’interaction
ainsi qu'à leurs dynamiques peut-il être utile pour l’intervention en EPS ?
Cette étude poursuit également des préoccupations professionnelles en souhaitant participer à
la réflexion sur la conception et la régulation des leçons de course d’orientation en EPS.
70
Partie 2. Cadre théorique et méthodologique
du Cours d’Action
« Si l’on ne se contente pas d’user de l’adjectif ‘scientifique’ comme argument de vente ou
d’autorité, cette question est encore aujourd’hui loin d’être triviale » (Theureau, 2004, p.5).
S’interroger sur le choix d’un cadre théorique et méthodologique dans la perspective
de recherches scientifiques suppose d’une part de le comprendre dans une cohérence et une
pertinence en lien avec un objet de recherche, et d’autre part de comprendre les éléments qui
lui confèrent un caractère scientifique, explicitant par là-même cette cohérence.
Ce caractère scientifique permet d’ailleurs de rendre viable dans la communauté
scientifique des résultats de recherche et de les discuter à des fins épistémiques et
transformatives (Schwartz, 1997) - l’enjeu épistémique contribuant à l’apport de
connaissances en EPS tandis que l’enjeu transformatif favorise la conception de dispositifs
d’apprentissage en EPS.
La présentation du cadre théorique et méthodologique du Cours d’Action se compose
de deux chapitres :
Le chapitre 1 est consacré aux options théoriques et méthodologiques du cadre du Cours
d’Action
Le chapitre 2 décrit la méthode de recueil des données
71
CHAPITRE 1
Options théoriques et méthodologiques
Ce chapitre vise à justifier le choix du cadre théorique et méthodologique pour lequel
nous avons opté afin de conduire ce travail de thèse. Précisément, nous présenterons tout
d’abord les hypothèses princeps qui structurent la lisibilité épistémologique du cadre
théorique et méthodologique utilisé dans cette étude. Ensuite, nous présenterons et justifierons
l’objet théorique convoqué. Enfin, nous affirmerons notre positionnement au sein du cadre
théorique et méthodologique en abordant l’idée, qu’au-delà des justifications lui conférant le
caractère scientifique, le chercheur adhère à des croyances relatives aux hypothèses princeps
et s’investit dans une perspective « heuristique » et « de croissance » du Programme de
Recherche d’appartenance.
72
Chapitre 1. Options théoriques et méthodologiques
Le choix du cadre théorique et méthodologique d’une part, et de ses objets théoriques
d’autre part, entraine celui de savoir lequel, parmi les multiples critères de comparaison à
d’autres cadres théoriques et méthodologiques ou à d’autres objets théoriques, doit être
préféré dans une situation où ces critères entrent en conflit. En d’autres termes, pourquoi
utiliser le cadre théorique et méthodologique du CA (Theureau, 2004, 2006, 2009) et non un
autre ? Dans une perspective « lakatosienne », cette question du choix du cadre théorique et
méthodologique utilisé par le chercheur doit être discutée à partir d’une pertinence avec
l’objet d’étude et de ses relations avec des cadres théoriques et méthodologiques qualifiés de
concurrents. Le cadre théorique et méthodologique du CA est un moyen d’analyse de
l’activité humaine. Toutefois, il n’est pas le seul. A titre d’exemple, l’éthologie humaine s’y
intéresse également en étudiant les comportements humains dans leur environnement
physique et social naturel comme peut le faire le cadre théorique et méthodologique du CA.
Autrement dit, comment les chercheurs utilisant ce cadre envisagent de comprendre l’activité
humaine ? Ainsi, il semble se dégager un premier élément fondant le caractère de scientificité
d’un cadre théorique et méthodologique s’intéressant à l’activité humaine : c’est la manière
d’analyser cette activité. La connaissance des hypothèses structurantes du « noyau dur »
relatives au cadre théorique et méthodologique est nécessaire (Lakatos, 1974) pour déterminer
sa spécificité. Celles-ci sont en effet des bases sur lesquelles doit se développer le travail de
recherche. Si le cadre théorique et méthodologique de l’éthologie humaine par exemple prend
forme à partir d’une analyse de l’activité humaine considérée comme planifiée et socialement
contrôlée, celui du CA se situe dans une vision de l’activité humaine qui est liée aux
composants de l’environnement humain et matériel dans lequel se déploie l’activité des
acteurs (Maturana & Varela 1994), et qui s’intéresse à l’expérience des acteurs en contexte :
dans les deux cas, l’activité humaine est liée à l’environnement mais pas de la même façon.
1. Les hypothèses structurantes du cadre théorique et méthodologique du
CA
Un cadre théorique et méthodologique est composé d’un noyau dur (Lakatos, 1974)
correspondant à des hypothèses fortes directrices accompagnées de notions théoriques et
73
épistémologiques. Ces hypothèses permettent de justifier l’utilisation du cadre théorique et
méthodologique dans un travail de recherche car elles constituent « un argument d’autorité »
(Lakatos, 1974, p.133, cité par Chalmers, 1987) ; étant entendu que l’objectif d’un travail de
recherche est d’éprouver la validité de ces hypothèses théoriques qui sont d’ailleurs tenues
pour vraies tant que le contraire n’a pas été prouvé. Donc, choisir un cadre théorique et
méthodologique, c’est comprendre un de ses éléments de scientificité à savoir les hypothèses
constitutives de son noyau dur qui organisent la recherche.
1. 1 Une considération énactive de l’activité humaine individuelle
1.1.1 L’hypothèse de l’autopoïèse
L’approche énactive de l’activité humaine sur laquelle se fonde le cadre théorique et
méthodologique utilisé dans ce présent travail est emprunte de l’hypothèse de l’autopoïèse.
L’autopoïèse est issue, dans ses fondements, de recherches biologiques sur les systèmes
vivants (Maturana & Varela, 1994), et est entendue comme : « une organisation d’un réseau
de processus de production de composants qui (a) régénèrent continuellement par leurs
transformations et leurs interactions le réseau qui les a produit, et qui (b) constituent le
système en tant qu’unité concrète dans l’espace où il existe, en spécifiant le domaine
topologique [la structuration de cet espace] où il se réalise comme réseau » (Varela, 1989,
p.45). Ce concept renvoie donc à la dynamique d’auto-reproduction de structure en équilibre
instable : les systèmes vivants, quel que soit leur niveau de l’échelle pris en compte (e.g.,
cellules, être vivant), ont la particularité de produire leur propre organisation dans leurs
rapports avec l’environnement de façon à ce que cette organisation du système et son mode
propre entretiennent une relation de co-détermination (Varela, 1989). Ces relations
dynamiques d’un système vivant avec son environnement peuvent donc être comprises à
différentes échelles en ce sens que l’unité peut être aussi bien le système cellulaire, le système
nerveux ou l’être humain. Dans ledit système formé, chacune des unités autopoïétiques (e.g.,
un individu) et son environnement (e.g., d’autres individus, le milieu naturel et matériel dans
lequel il évolue) interagissent à chaque instant, ce qui est source de perturbations pour elles,
amenant une nouvelle organisation dans leurs rapports à l’environnement qui lui-même a
évolué de part les interactions. La dimension « autopoïétique humaine » renvoie donc à la
74
capacité de l’être humain à faire face aux perturbations émergentes dans leurs interactions
avec son environnement par une organisation interne qui lui est propre. Dans notre recherche,
étudier les interactions entre les élèves en EPS doit donc s’envisager à plusieurs niveaux qui
sont indissociables : un premier qui conçoit l’élève comme l’unité autopoïétique dont
l’activité se co-construit dans ses relations avec l’environnement matériel et naturel présent
(la carte de course d’orientation, les chemins de la forêt, les dépressions) et l’environnement
humain (le pair de la dyade, l’enseignant d’EPS, et les autres élèves de la classe). Autrement
dit, lorsqu’un élève en course d’orientation est en activité de recherche de balise caractérisant
une situation à un instant donné, celle-ci peut se transformer lorsque ce dernier perçoit un
élément de la forêt lui indiquant qu’il se trompe de direction par exemple ; de la même façon,
à un deuxième niveau qui conçoit les interactions entre deux élèves comme unité
autopoïétique dont l’activité se co-construit également dans ses relations avec
l’environnement naturel et matériel, et l’environnement humain (l’enseignant d’EPS, les
autres élèves de la classe), les interactions au cours desquelles les élèves étaient en accord
pour le choix de l’itinéraire peuvent évoluer si l’un d’eux perçoit un élément de terrain faisant
« choc » pour lui (donc signifiant dans son monde propre et révélateur du premier niveau
précédent) amenant donc à une nouvelle organisation des interactions dyadiques (qui aura
également son monde propre) pourvu qu’il le partage avec son partenaire.
1.1.2 L’hypothèse énactive de l’activité individuelle
Le paradigme de l’énaction est en rupture avec les présupposés cognitivistes (e.g., le
monde est prédéfini, notre cognition de ce monde prédéfini s’accomplit à partir de la
représentation de ses propriétés, puis d’une action fondée sur cette représentation - l’activité
étant la conséquence d’un plan d’action déterminé par l’analyse de l’environnement effectuée
par l’individu). En transposant l’idée de l’autopoïèse sur l’activité humaine au sens
d’ « acteur », il existe un système autonome formé par un acteur et son environnement.
Considérer l’activité humaine comme énactive entraîne des hypothèses fortes sur l’activité
humaine qui est considérée comme (1) autonome, (2) vécue, (3) individuelle-sociale.
Premièrement, l’activité humaine est autonome : « on entend par autonomie, sa capacité
fondamentale à être, à affirmer son existence et à faire émerger un monde qui est signifiant et
pertinent tout en n’étant pas prédéfini à l’avance » (Bourgine & Varela, 1992, cité par
75
Theureau, 2006, p.39). L’activité humaine ne s’inscrit donc pas dans un système où chacun de
ses composants (e.g., les acteurs, l’environnement matériel) seraient isolables, prédéterminés
et indépendants les uns des autres. A ce titre, l’activité de l’acteur est construite à tout instant
par lui comme une interaction avec la situation, caractérisant un couplage structurel (Varela,
1979). Ce couplage structurel est asymétrique dans la mesure où l’acteur interagit avec des
éléments qui lui apparaissent pertinents dans la situation (e.g, les autres acteurs, une partie de
l’environnement matériel ou une partie de l’objet matériel). Deux acteurs placés dans une
même situation interagissent avec des éléments de la situation qui pourraient apparaître
comme différents car indissociables du monde propre de chacun des acteurs. Cela caractérise
l’asymétrie d’un couplage structurel acteur(s)/situation(s). Autrement dit, cette hypothèse
reconnaît la possibilité pour chaque individu de faire émerger son propre monde qui lui est
signifiant. Dans le cadre de notre étude, chaque élève au sein de la dyade pouvait prendre en
compte, à un instant donné, des éléments différents sur la carte pour proposer un itinéraire
(e.g., traits noirs continus correspondant à des gros chemins vs traits noirs en pointillé
correspondant à des petits chemins pour construire l’itinéraire de déplacement). L’activité des
acteurs est alors « située dynamiquement » en ce sens qu’elle est indissociable de la situation
dans laquelle elle prend forme (Lave, 1988 ; Suchman, 1987) et ses acteurs participent à la
construction de cette situation. Autrement dit, le couplage entre l’acteur et la situation se
transforme en permanence au cours de l’activité, qui découle d’un effort d’adaptation à des
environnements (naturel et matériel) dont les propriétés sont changeantes, d’où l’intérêt de
travailler à rendre compte de façon la plus fine possible de cette dynamique. En effet, comme
ce couplage acteur(s)/situation(s) se transforme en permanence, il semble intéressant d’étudier
prioritairement sa dynamique de transformation et de rendre compte des éléments qui
participent à celle-ci. Dans le cadre de notre étude, cela signifie qu’une forme d’interaction
entre les élèves pouvait durer dans le temps mais aussi changer vers une autre forme
d’interaction selon des évènements comme la vue de la balise ou le sentiment d’être perdu
d’un des élèves.
Deuxièmement, cette activité est vécue, c'est-à-dire qu’elle donne lieu à chaque instant à une
expérience pour l’élève. Cette expérience renvoie à la notion de conscience pré-réflexive
(Sartre, 1943, cité par Theureau, 2006) héritée de la phénoménologie (Merleau-Ponty, 1945),
exprimant la capacité d’un acteur à décrire ce qu’il vit dans la situation, dans son monde
propre. Précisément, l’activité humaine est accompagnée d’un vécu qui peut être partiellement
76
appréhendée de manière subjective par l’acteur. Cette appréhension par l’acteur correspond à
l’expérience qu’il a de ce qu’il a accomplit ou est en train d’accomplir. En d’autres termes,
cette hypothèse accorde « le primat de l’intrinsèque » dans l’étude de l’activité humaine mais
pas l’exclusivité, en ce sens que ce vécu est aussi renseigné par des données extrinsèques et
pertinentes pour l’acteur recueillies par le chercheur. Dans le cadre de notre étude, l’accès à
cette expérience vécue (grâce aux données d’enregistrement audio-visuel et de verbalisation)
nous a permis de renseigner le flux d’intentions et de significations des élèves engagés dans la
course d’orientation (ce qui attirait leur attention à un moment donné de la course lorsqu’ils
construisaient l’itinéraire, les éléments de l’environnement signifiants pendant la course)
moyennant des conditions particulières dans les entretiens d’autoconfrontation pour accéder à
« une description symbolique acceptable » (Varela, 1989, p.184) de ce que l’acteur a vécu
(issue de la dynamique du couplage structurel acteur/situation).
Troisièmement, l’activité humaine est individuelle-sociale, autrement dit indissolublement
individuelle et collective. L’activité d’un acteur intègre toujours celles des autres acteurs qui
participent ainsi à définir le champ de possibles pour l’acteur lui-même et constituer des
ressources pour sa propre activité (Saury et al., 2013). Dans le cadre de notre étude, cela
signifiait que les élèves n’agissaient jamais seul, même lorsqu’a priori ils agissaient en
solitaire (e.g., cas de l’élève qui mène son partenaire dans la conduite de l’itinéraire).
1. 2 Une considération énactive de l’activité humaine collective
Sur la base des hypothèses structurantes le noyau dur du cadre théorique et
méthodologique du CA pour l’activité individuelle, il est possible de les étendre à l’analyse
d’un collectif d’acteurs : à ce titre, les apports de Sartre ont influencé une analyse
compréhensive de l’aspect collectif de l’activité humaine dans l’œuvre de Theureau.
L’activité collective est envisagée comme « altérité-culture » et comme « altérité-
nature ». Ces notions ont été développées par Sartre (1960) et reprises par Theureau (2006).
Le concept d’ « altérité-culture » renvoie dans le collectif à l’émergence d’un sens partagé
construit par les activités individuelles le composant. La notion d’ « altérité-nature », quant à
lui, renvoie dans le collectif à l’émergence d’une situation matérielle et physique commune
sans pour autant que celui-ci en prenne conscience, ne partageant a priori aucune relation
directe du type « déjà-là » avec cette situation matérielle et physique.
77
De plus, si la conscience pré-réflexive permet d’accéder au propre point de vue pourvu
qu’il soit signifiant pour l’acteur, elle ne peut faire l’impasse de la rencontre avec autrui :
C’est en ce sens que Theureau élargit la proposition en disant « qu’autrui appartient au
couplage structurel » (Theureau, 2006, p.92).
Un collectif, composé par deux ou plusieurs acteurs et composant de leurs relations,
est donc une « totalité » en permanence « dé-totalisée » par les activités de chacun, c’est-à-
dire les activités individuelles subséquentes au collectif (Theureau, 2006). Autrement dit,
l’activité collective est dynamisée par les activités des individus qui lui sont propres,
impliquant une structure d’organisation particulière et changeante au gré de ses activités.
En définitive, s’intéresser à un collectif d’individus, c’est s’intéresser aux activités
individuelles qui le construisent, le façonnent et le déconstruisent pour le refaçonner sans pour
autant négliger la forme construite ou refaçonnée qui, en retour, façonne, déconstruit,
reconstruit, refaçonne les activités individuelles. Cela renforce l’intérêt de l’étude de la
dynamique des interactions dyadiques des élèves en EPS issue de l’évolution de la prise en
compte du couplage « acteur-acteur/situation ».
L’hypothèse de l’énaction dans la perspective d’une étude sur l’aspect collectif
d’acteurs engagés dans une même situation est donc en rupture avec la notion de
l’individualisme méthodologique suivant lequel l’activité humaine se fonderait exclusivement
sur des caractéristiques individuelles des acteurs. L’hypothèse de l’énaction est aussi en
rupture avec le collectivisme méthodologique selon lequel l’activité humaine reposerait
exclusivement sur les caractéristiques des collectifs formés par les acteurs individuels. Cette
hypothèse de l’énaction propose davantage une réflexion autour du « situationnisme
méthodologique » (Theureau, 2006) : elle permet notamment l’étude du collectif en
considérant la nécessité de le comprendre comme fondé sur l’activité individuelle des acteurs
mais n’ayant de sens que dans le collectif qui influe sur ses activités individuelles. Autrement
dit, les interactions entre des acteurs doivent être étudiées à partir de l’articulation de leurs
significations propres dans leurs interactions, elles-mêmes participant à la signification de
chacun des acteurs interagissant. Dans le cadre de notre étude, la dynamique du monde propre
d’un élève est indissociable de la dynamique du monde propre de son partenaire, elles-mêmes
indissociables de la dynamique du monde propre de la dyade en interaction.
78
1. 3 Synthèse intermédiaire
Au total, un des éléments de scientificité du cadre théorique et méthodologique du CA
est constitué d’hypothèses fortes sur lesquelles il développe des recherches : il s’agit de
considérer l’activité humaine comme autonome, vécue et individuelle-sociale, caractéristiques
empruntes à un fondement autopoïétique. C’est d’ailleurs en ce sens que ces hypothèses sont
pertinentes pour notre objet de recherche car nous souhaitons accéder à la dynamique des
interactions des élèves en EPS (en course d’orientation) et aux éléments qui participent à cette
dynamique.
Pour étudier ces hypothèses sur l’activité humaine, le recours à des objets théoriques
est nécessaire car ils correspondent à ce qui, dans l’utilisation du cadre théorique et
méthodologique, permet « la réduction pertinente d’un domaine de phénomène » étudié,
influencée par ces mêmes hypothèses (Theureau, 2006, p.48). Autrement dit, les objets
théoriques du cadre théorique et méthodologique du CA permettent la description de l’activité
humaine circonscrite à une caractérisation autonome, vécue et individuelle-sociale. Ainsi, un
autre élément de scientificité d’un cadre théorique et méthodologique s’articule autour de la
connaissance des objets théoriques qu’il construit.
2. L’objet théorique pour l’analyse de l’activité collective
Pour étudier la dynamique des interactions entre les élèves, nous avons mobilisé un
objet théorique qui permet d’appréhender l’activité humaine dans son aspect collectif. C’est-
à-dire l’activité humaine collective comme intégrant l’activité individuelle. Précisément, nous
avons convoqué l’Articulation collective des cours d’action individuels qui correspond
à : « l’articulation des domaines cognitifs potentiellement consensuels individuels de
différents acteurs » (Theureau, 2006, p. 94). Dès lors, mobiliser l’objet théorique Articulation
collective des cours d’action individuels intègre celui du Cours d’action.
L’objet théorique Cours d’action permet une description de l’activité humaine qui dépasse
celle qui ressort du cours d’expérience (le cours d’expérience est entendu comme : « La
construction du sens pour l’acteur de son activité au fur et à mesure de celle-ci, ou encore
l’histoire de la conscience pré-réflexive de l’acteur, ou encore l’histoire de ce qui est
‘montrable, racontable et commentable’ qui accompagne son activité à chaque instant »,
79
Theureau, 2006, p.48) en sens qu’il permet une reconstruction de l’expérience vécue par
l’acteur (i.e. primat de l’intrinsèque) en relation avec un ensemble de caractéristiques jugées
par l’acteur comme pertinentes (les éléments de l’environnement, l’activité d’autres acteurs)
(i.e. contraintes extrinsèques). Il correspond donc à la partie de l’activité qui est « montrable,
racontable et commentable » pour un acteur (Theureau, 2006, p.46) associant les éléments de
son environnement significatifs pour lui à chaque instant. Ces éléments correspondent à une
double relation de contraintes extrinsèques (e.g., éléments remarquables dans la forêt) et
d’effets extrinsèques pertinentes pour l’acteur (e.g., sensations d’être perdu dans la forêt). Au
regard de l’objet théorique Cours d’action, celui de l’Articulation collective des cours
d’action individuels permet une reconstruction de l’expérience vécue par les acteurs dans une
situation a priori collective en relation avec un ensemble de caractéristiques extrinsèques
jugées par les acteurs comme pertinentes (e.g., les éléments de l’environnement, l’activité
d’autres acteurs). Des auteurs ont contribué à l’enrichissement de cet objet théorique en
précisant l’intérêt à identifier les histoires individuelles intégrant l’engagement de l’élève dans
une activité collective (i.e. identification dans l’expérience d’un acteur d’un « Nous » ou
« On » signifiant la prise en compte du collectif) (Evin, 2013) ou en précisant l’intérêt à
spécifier la direction de cette articulation (i.e. identification de la convergence ou divergence
des expériences des acteurs dans l’activité collective) (Veyrunes, 2010). Dans le cadre de
notre étude, cet objet théorique permet d’accéder à la dynamique des interactions des dyades
d’élèves telles qu’ils la vivent et aux éléments extrinsèques (e.g., les symboles sur la carte, la
vue d’éléments remarquables dans la forêt) qui sont significatifs pour eux et indissociables de
la compréhension de la situation d’interaction.
L’objet de notre recherche et les caractéristiques de la situation de course d’orientation nous
amènent à privilégier l’objet théorique de l’Articulation collective des Cours d’action
individuels pour l’étude de l’activité des élèves dans chaque dyade, étant entendu que dans
une analyse prenant en compte cet objet théorique, plus le nombre d’acteurs est important plus
faire fonctionner ces objets théoriques est complexe. Dans ce cas, il est possible de cibler
l’activité de plusieurs acteurs à l’instar des recherches menées par Veyrunes (2011) (i.e.
interactions enseignant/élèves en particulier). Dans notre étude, du fait que les élèves sont
répartis en dyade, ce degré de complexité est moindre que dans l’étude d’une classe.
L’utilisation de l’objet théorique Articulation collective des cours d’action individuels va
permettre d’accéder à l’expérience de l’élève (associée à un ensemble de caractéristiques
80
jugées pertinentes de son propre point de vue) de manière indissociable de celle du partenaire
qui elle aussi est renseignée lorsqu’ils sont tous deux engagés ensemble dans les leçons de
course d’orientation.
Les objets théoriques permettent donc d’opérationnaliser les hypothèses du noyau dur
du cadre théorique et méthodologique et ainsi de former une structure conférant à la démarche
du chercheur un caractère scientifique. Pour rentrer dans cette démarche, cette connaissance
des hypothèses princeps et des objets théoriques n’est pas suffisante si elle n’est pas doublée
d’une compréhension plus large d’un autre élément scientifique : celui de l’engagement du
chercheur.
3. L’engagement du chercheur : ses croyances, son travail pour la capacité de
croissance et le pouvoir heuristique du cadre théorique et méthodologique du
CA
Dans une perspective « lakatosienne », la question du choix d’un cadre théorique et
méthodologique utilisé par le chercheur doit être discutée aussi à partir du travail accompli au
sein du cadre théorique et méthodologique de manière isolée (Lakatos, 1974).
3.1 Les croyances du chercheur
A l’instar de Feyerabend, le chercheur appréhende la science de manière subjective :
« Ce qui reste [après avoir exclu la possibilité de comparer logiquement des théories en
comparant des séries de conséquences qui s’en déduisent], ce sont les jugements esthétiques,
les jugements de goût, les préjugés métaphysiques, les désirs religieux, bref ce sont nos désirs
subjectifs » (Feyerabend, 1975). En d’autres termes, un chercheur adhère à des croyances et
dans notre cas à des croyances sur l’activité humaine qui divergent de la notion d’un monde
qui serait considéré comme un « déjà-là » tel qu’il est pensé dans les approches cognitivistes.
Elle rejoint à ce propos les hypothèses décrites précédemment sur l’activité humaine.
81
3.2 La capacité de croissance
Autour du noyau dur du cadre théorique et méthodologique, gravitent des hypothèses
secondaires qui lui confèrent une ceinture protectrice (Lakatos, 1974). Ces hypothèses
peuvent être remises en cause et discutées. Dès lors, elles peuvent évoluer et contaminer
d’autres domaines de recherche qui inversement peuvent nourrir la ceinture protectrice du
cadre théorique et méthodologique : c’est, en partie, la capacité de croissance du cadre
théorique et méthodologique (Lakatos, 1974). Ainsi, un autre élément de scientificité dans le
choix du cadre théorique et méthodologique s’inscrit dans la compréhension du chercheur de
cette capacité de croissance et de son engagement à vouloir y contribuer.
Pour comprendre cette capacité de croissance, il s’agit de s’inscrire dans une perspective
historique de l’utilisation du cadre théorique et méthodologique du CA : des rencontres entre
des chercheurs issus de différents domaines (ergonomes, ingénieurs, psychologues) ont
favorisé des collaborations plus ou moins durables aboutissant à une fécondité de ce cadre : en
STAPS, ces rencontres ont permis dans un premier temps de rendre plus systématique et
rigoureux son utilisation amenant à des résultats de recherches fins dans le domaine du sport
(e.g., Arripe-Longueville, Saury, Fournier & Durand, 2001 ; Hauw, Berthelot & Durand, 2003
; Sève, 2000), dans le domaine de l’enseignement de l’EPS (e.g., Adé, 2005 ; Gal-Petitfaux,
2000). Dans un deuxième temps, le cadre théorique et méthodologique du CA s’est enrichi à
partir des travaux empiriques en STAPS qui contribué « à des hypothèses et notions
théoriques fondamentales » (Sève, Theureau, Saury & Haradji, 2012) comme l’étude de
l’activité collective sous ses aspects coopératifs (Poizat, Saury, Bourbosson & Sève, 2009)
d’une part, et des perfectionnements apportés par Theureau lui-même d’autre part (Veyrunes,
2011).
Notre étude a été menée en référence à l’objet théorique Articulation collective des cours
d’action individuels (Theureau, 2006) dans la mesure où une focalisation sur l’étude de la
dynamique des interactions dans les dyades nous semble susceptible d’établir une option
méthodologique dans le cadre théorique et méthodologique du CA permettant de contribuer à
des systématisations de représentations graphiques approchant non seulement les interactions
d’élèves à des moments différents (évolution, ordonnancement temporel), mais aussi leur
dynamique (évolution de la quantité de changements des interactions, évolution de la nature
des changements des interactions, évolution de la tendance d’apparition des interactions). En
82
effet, il ressort que la communauté des chercheurs engagée dans le Programme de Recherche
du CA cherche à l’enrichir entre autres d’outils méthodologiques facilitant à la fois la
représentation et la compréhension de la dynamique de phénomènes complexes comme ceux
des interactions entre élèves (Saury et al., 2013).
3.3 Le pouvoir heuristique
Un autre critère de scientificité s’articule autour du pouvoir heuristique du cadre
théorique et méthodologique de la démarche entreprise par le chercheur (Lakatos, 1974).
Autrement dit, pour acquérir un caractère scientifique, l’utilisation du cadre théorique et
méthodologique doit permettre la production de nouvelles connaissances, l’émergence de
nouvelles questions au sein du programme de recherche d’appartenance, ou la reformulation
de questions anciennes.
Si l’éthologie humaine consiste en l’étude des comportements humains dans leur
environnement physique et social naturel, le chercheur peut décider de le faire autant auprès
de la tribu des Achumawi (tribu amérindienne) qu’auprès de la tribu des Zoulou (tribu
africaine) ; ce qui aura pour conséquences directes (après recueil et traitement des données) la
production de deux types de résultats différents, ou potentiellement de connaissances
scientifiques. Elles sont d’autant « plus scientifiques » qu’elles représentent des « propositions
falsifiables » (Popper, 1985). En d’autres mots, si les connaissances sont vraies chez les
Achumawi, rien ne dit au chercheur qu’avec la même démarche de recherche, elles le sont
dans la tribu des Zoulou : les propositions chez les Achumawi sont donc falsifiables. De
même, le cadre théorique et méthodologique du CA peut être utilisé aussi bien dans le secteur
de l’enseignement de l’EPS, soit dans le cadre de l’analyse de l’activité des enseignants (e.g.,
Adé, Veyrunes, & Poizat, 2009) soit dans le cadre de l’analyse de l’activité des élèves (e.g.,
Evin et al., 2013a) ou bien dans le secteur de l’industrie dans le cadre de l’analyse de l’activité
d’un ouvrier engagé dans une situation de travail (e.g., Theureau, 1974).
Dans le cadre de notre étude, cela signifie que les connaissances produites sur les interactions
entre les élèves de 6ème lorsqu’ils s’engagent dans l’activité physique et sportive de course
d’orientation sont falsifiables parce que rien ne garantit qu’elles soient vraies au niveau de
classes de Troisième ou dans d’autres activités physiques et sportives proposant des
« moments cachés » à l’enseignant d’EPS. Toutefois, nous devons replacer le pouvoir
83
heuristique du cadre du CA dans une vision qui considère l’activité humaine est faite à la fois
d’éléments de généricité et spécificité : même si rien ne nous dit que les connaissances
construites par le chercheur soient vraies pour un autre niveau de classe ou dans une APSA
caractérisée par des moments cachés, il est possible de généraliser une partie de connaissances
tant que le contraire n’est pas prouvé.
4. Synthèse générale dans la construction de la démarche de recherche
fondée sur le cadre théorique et méthodologique du CA
La connaissance des différents éléments conférant le statut scientifique d’un cadre
théorique et méthodologique permet de le comprendre pour réaliser une démarche de
recherche. Précisément, dans le cadre théorique et méthodologique du CA, les hypothèses de
son noyau dur relatives à l’activité humaine (i.e. entendue comme autonome, vécue,
individuelle-sociale) sont « les garants » de la compréhension d’un phénomène lié à un objet
d’étude (i.e. la dynamique des formes d’interaction entre élèves en EPS) en ce sens qu’elles
influencent la définition d’objets théoriques pour appréhender ce phénomène de manière
systématique. Les objets théoriques deviennent alors des « garde-fous », c’est-à-dire qu’ils
permettent aux chercheurs de ne pas travailler avec des imprudences épistémologiques. A ce
titre, ces « garants » et ces « garde-fous » guident la démarche du chercheur dans le recueil et
dans le traitement des données.
84
CHAPITRE 2
Méthode de recueil des données
Ce chapitre aborde les procédures de recueil des données. En premier lieu, nous
présenterons le terrain d’étude investi en pointant les conditions éthiques et contractuelles du
chercheur d’une part, et en décrivant les participants et les situations étudiées d’autre part. En
second lieu, nous aborderons les différentes étapes de recueil des données qui s’articulent
autour d’un recueil de données en première personne in situ chez les élèves puis d’un recueil
des verbalisations de ces mêmes élèves lors d’autoconfrontations.
85
Chapitre 2. Méthode de recueil des données
Si nous venons de mettre en évidence les éléments scientifiques du cadre théorique et
méthodologique du CA, ils permettent de construire une démarche pour recueillir les données.
1. Observatoire
Cette recherche a été réalisée avec des élèves de deux classes de 6ème et leurs deux
enseignants d’EPS au cours de deux cycles d’enseignement distincts en course d’orientation
dans deux établissements scolaires différents.
1. 1 Contractualisation chercheur-institution-enseignants-élèves
Le travail d’enquête doit être en adéquation avec des principes éthiques que les
chercheurs doivent respecter. Cela permet de construire « une collaboration entre les
chercheurs et les participants afin que ces derniers s’engagent dans les études au côté des
chercheurs de manière active et en toute confiance » (Saury et al., 2013, p.35).
Premièrement, la rencontre avec les deux enseignants d’EPS volontaires a permis de présenter
les objectifs de l’étude et le protocole mis en place (e.g., niveau de classe souhaité, activité
physique et sportive choisie, matériels d’enregistrements audio-visuels présents dans la
leçon). Il a été convenu lors cette rencontre que la recherche correspondait à des situations
ordinaires d’enseignement de la course d’orientation et qu’elles ne prêtaient ni à un jugement
ni à une évaluation de la part du chercheur. A ce titre, il a été précisé que les leçons devaient
se dérouler telles qu’elles étaient prévues par les enseignants d’EPS.
Deuxièmement, la rencontre avec les chefs d’établissement a permis de situer les objectifs de
l’étude et le protocole mis en place en reprenant ce qui avait été présenté aux enseignants
d’EPS. Sur cette base, des autorisations ont été signées suivant lesquelles la présence du
chercheur était acceptée dans l’établissement pour mettre en place les protocoles auprès des
classes et des enseignants d’EPS collaborateurs à l’étude. Aussi, lors de cette rencontre, un
document à l’attention des parents d’élèves des classes concernées a été finalisé pour répondre
aux exigences du droit à l’image et à l’exploitation des données a posteriori (il a été
notamment spécifié aux parents que les séquences filmées s’inscrivaient dans un projet de
86
recherche universitaire, qu’elles pourraient faire l’objet d’un support dans la formation des
futurs enseignants ou à des fins de présentation de travaux de recherche dans le cadre
d’articles ou de communications scientifiques). Il a été convenu lors de cette rencontre de
l’immersion du chercheur dans la classe (le chercheur n’avait pas autorité sur les élèves dans
le cadre de l’enseignement) et que le document devait être distribué à tous les élèves des
classes concernées.
Troisièmement, la rencontre avec les classes concernées a permis au chercheur de se présenter
(e.g., enseignant d’EPS qui fait de la recherche pour mieux comprendre comment les élèves
agissent dans les leçons), de présenter les objectifs de l’étude aux élèves (e.g., comprendre
comment ils fonctionnaient quand ils utilisaient la carte, quelles stratégies ils développaient
dans la forêt quand ils cherchaient les balises) et de distribuer aux élèves les autorisations à
l’attention de leurs parents. Il leur a été expliqué que les leçons seraient filmées par un
matériel spécifique (montré par le chercheur lors de la première prise de contact avec la
classe), qu’il y aurait des entretiens après les leçons avec des questions à partir des séquences
recueillies sur le terrain pour les élèves concernés nécessitant une autorisation parentale (i.e.
droit à l’image et à l’exploitation des données). Le chercheur a d’ailleurs insisté sur le fait que
les entretiens n’étaient pas des évaluations auprès des élèves pour ne pas dénaturer leur
manière d’être dans les leçons d’EPS. Enfin, le chercheur a expliqué aux élèves qu’ils
pouvaient à tout moment mettre un terme à leur participation dans la recherche (proposition
écrite sur le document d’autorisation à l’attention des parents d’élèves) et que ce qu’ils
raconteraient pendant les entretiens ne serait en aucun cas transmis à une autre personne
(enseignants, parents, chef d’établissement).
1. 2 Posture du chercheur
S’il est nécessaire de distinguer celui qui observe (le chercheur) de celui qui est
observé (les élèves), il ne faut pas non plus les dissocier. Cela rend compte de la complexité
de l’attitude à adopter en tant que chercheur s’immergeant dans un terrain d’étude.
Précisément, cette posture doit favoriser la transaction d’un regard croisé à un regard partagé,
« consistant dans une attitude de rupture avec une conception asymétrique de la science
fondée sur la captation d’informations par un observateur absolu qui surplomberait la réalité
étudiée, mais n’en ferait pas partie » (Laplantine, 2012, p.23). En prenant compte cette
87
attitude de chercheur doublée de celle du professeur d’EPS, notre posture devait amener un
climat de confiance avec les enseignants d’EPS volontaires pour l’étude et avec les élèves
observés. Ce climat de confiance est essentiel si l’on souhaite une intégration du chercheur
dans l’intimité de la classe, malgré la présence d’appareillages d’enregistrements audio-
visuels (e.g., caméras et micros) et la présence d’entretiens d’autoconfrontation (e.g., les
élèves savaient qu’après leur activité, ils verraient ce qu’ils venaient de faire et auraient des
questions posées par le chercheur sur leur activité). L’immersion du chercheur dans l’intimité
de la classe a débuté dès les premières leçons pour habituer les élèves à sa présence
« extraordinaire » et permettre d’instaurer un climat de confiance avec tous les participants
collaborateurs (élèves comme enseignants). Cette présence depuis la première leçon contribue
notamment à instaurer une relation de confiance avec les élèves qui est nécessaire afin de
faciliter leur participation lors des autoconfrontations.
1. 3 Participants et situations étudiées
1.3.1 Participants
Cette étude a été menée en collaboration avec deux classes de 6ème (élèves âgés de
douze ans) dans l’activité course d’orientation dans lesquelles 12 élèves étaient volontaires et
disponibles pour des entretiens d’autoconfrontation ayant lieu au maximum dans les deux
jours après la leçon étudiée. Ces deux classes s’inscrivaient dans deux établissements
scolaires ordinaires : les enseignants d’EPS estimaient qu’elles étaient sans problème
particulier, actives et dynamiques au cours des leçons.
Les prénoms de tous les élèves ont été remplacés pour préserver leur anonymat : Marie et
Mélanie (dyade 1), Camille et Sophie (dyade 2), Cédric et Antoine (dyade 3), Lola et Lucie
(dyade 4), Adrien et John (dyade 5) et Régis et David (dyade 6).
Les recueils de données ont été réalisés à la 5ème leçon dans la première classe et aux leçons 5,
6, 7 et 8 pour l’autre dans des cycles d’enseignement en comptant 9. A l’issue du cycle,
l’ensemble des élèves devait acquérir le niveau 1 de compétence des programmes
EPS (« choisir et conduire un déplacement pour trouver des balises, à l’aide d’une carte en
utilisant essentiellement des lignes directrices simples dans un milieu nettement circonscrit.
Gérer l’alternance des efforts. Respecter les règles les règles de sécurité et l’environnement »,
88
Compétence de niveau 1, Course d’Orientation, 26/08/08). La 4ème leçon a fait l’objet d’une
évaluation permettant de valider chez les élèves un niveau d’acquisition : précisément, ils (a)
avaient pris l’habitude de travailler sous forme dyadique depuis la première leçon, (b) étaient
capables de se situer sur le terrain à l’aide d’une carte (reconnaissance des différents éléments
dessinés sur la carte et leur correspondance sur le terrain), (c) de choisir un itinéraire pour se
rendre aux balises à partir des grandes lignes directrices et (d) de revenir au point de
ralliement dans la limite de temps imposée par l’exercice. Aussi, nous pensons que par ces
acquisitions, tous les élèves étaient en mesure d’établir des projets de déplacement vers les
balises et de les justifier (e.g., le plus court, le plus sûr). En étudiant l’activité des élèves lors
d’une leçon précise, l’articulation collective des cours d’action individuels de chaque dyade
traduisait à la fois l’expérience vécue par les élèves au cours de cette leçon, mais aussi les
expériences passées des leçons précédentes qui participaient à structurer leurs activités dans
cette leçon.
Le cadre théorique et méthodologique du CA prenant pour parti d’aller étudier des situations
de classe sans dénaturer l’activité ordinaire des acteurs, le choix du dispositif et le choix des
formes de travail était celui choisi par les enseignants d’EPS lors de leur préparation de leçon.
A ce titre, la forme de groupement des élèves retenue par les enseignants était la forme
dyadique. Ils la justifiaient entre autre pour rassurer les élèves engagés dans une première
expérience de course d’orientation en forêt du fait du caractère anxiogène (i.e. premier cycle
d’enseignement).
1.3.2 Les dispositifs d’apprentissage
Les deux enseignants avaient pour habitude de programmer cette activité sportive à
tous les niveaux de classes. Les parcours dans lesquels étaient engagées les six dyades
d’élèves étaient similaires du point de vue du niveau de difficulté (défini en accord avec les
attentes curriculaires) et de la durée estimée pour retrouver l’ensemble des balises (entre 30 et
40 minutes pour des parcours comprenant 3 à 4 balises). Dans les deux classes, les
enseignants d’EPS visaient à faire se déplacer les élèves sur des lignes directrices simples de
« niveau 1 » (chemins facilement identifiables comme les chemins carrossables ou les
sentiers) pour rejoindre des balises placées à côté de points remarquables (e.g., croisement de
chemins, souche d’arbre, banc) sans prendre en compte les caractéristiques de la végétation.
89
Les cartes retenues par les enseignants précisaient donc pour les deux classes prioritairement
des éléments très facilement identifiables par les élèves. Les cartes à l’échelle de 1/5000ème
dans un format A4 (21cm x 29,7cm), représentaient une forêt traversée par des chemins
carrossables ou sentiers et des aires de pique-niques aménagées de tables et de bancs. Ces
cartes étaient des photocopies en noir et blanc (la végétation n’étant pas une option retenue
par les enseignants) sur lesquelles les enseignants avaient dessiné en rouge des cercles
correspondant à l’emplacement des balises et un triangle cerclé représentant le point de
ralliement confondu au point de départ (Figure 8).
Figure 8 : Exemple de carte utilisée par la dyade 1 (Marie/Mélanie)
Par sécurité, chaque enseignant a systématiquement rappelé, avant le départ, les limites
spatiales (lignes d’arrêt c’est-à-dire des chemins remarquables dans la forêt ; sur la Figure 8,
90
elles correspondaient aux traits verts) et temporelles (soit 30 ou 40 minutes selon le cas même
si les balises n’étaient pas toutes trouvées) à ne pas dépasser. Les enseignants d’EPS ont
utilisé lors de ces différentes leçons des dispositifs d’apprentissage variés qui sont
successivement présentés ci-après (Tableau 1).
Caractéristiques
Dispositif
sans
chambre
Dispositif
chambre
Dispositif
2 cartes
Dispositif
Leurre
Chambre Non Oui Non Non
Carte 1 pour 2 1 pour 2 1 chacun 1 pour 2
Balises-leurres Non Non Non Oui
Nombre de balises
/ Temps 4/40mn 3/30mn 4/40mn 4/40mn
Tableau 1 : Récapitulatif des dispositifs d’apprentissage des leçons de course d’orientation
91
1.3.2.1 Dispositif sans chambre
Le dispositif sans chambre amenait les deux élèves de la dyade à chercher quatre
balises dans la forêt en moins de 40 minutes (Figure 9). L’enseignant leur avait distribué de
manière aléatoire une carte pour deux sur laquelle était indiqué l’emplacement des quatre
balises. Ce dispositif concernait les élèves de la dyade 1 et 2 (classe 2) et avait eu lieu pendant
la 5ème leçon du cycle de course d’orientation.
Figure 9 : Exemple de carte distribuée pour la dyade 2 (Camille/Sophie) dans le dispositif
sans chambre
92
1.3.2.2 Dispositif chambre
Le dispositif chambre se caractérisait par la présence d’une chambre d’appel (espace
aménagé permettant la mise à l’écart des élèves dans le but d’encourager la construction en
temps contraint d’une stratégie de course) : avant de débuter leur course, les élèves avaient
donc un passage d’une minute dans cette chambre d’appel, pour ensemble découvrir la carte
et construire un itinéraire de course. L’enseignant leur avait distribué une carte pour deux sur
laquelle étaient indiquées trois balises à trouver en moins de 30 minutes (Figure 10). Ce
dispositif concernait les élèves de la dyade 3 et 4 (classe 1) et avait eu lieu pendant la 6ème
leçon du cycle de course d’orientation.
Figure 10 : Exemple de carte distribuée pour la dyade 3 (Cédric/Antoine) dans le dispositif
chambre
93
1.3.2.3 Dispositif 2 cartes
Le dispositif 2 cartes se caractérisait par la distribution d’une carte pour chaque élève
dans la dyade. Sur chaque carte étaient positionnées deux balises différentes (cette distribution
visait 1) à encourager un rapprochement ponctuel des deux cartes invitant les deux élèves à
discuter ensemble de l’itinéraire et 2) à donner une responsabilité de deux conduites
d’itinéraire à chaque élève) (Figure 11). Les élèves devaient rechercher les quatre balises en
moins de 40 minutes, sans passage en chambre d’appel. Ce dispositif concernait les élèves de
la dyade 1, 2 et 5 (classe 2) et avait eu lieu pendant la 7ème leçon du cycle de course
d’orientation.
94
Figure 11 : Exemple de cartes distribuées pour la dyade 5 (Adrien/John) dans le dispositif 2
cartes
95
1.3.2.4 Dispositif leurre
Le dispositif leurre se caractérisait par la présence de balises-leurres : à proximité de
chaque balise, l’enseignant en avait placé deux fausses pour vérifier la capacité des élèves à
décoder les éléments remarquables et faire le bon choix de balise. L’enseignant leur avait
distribué une carte pour deux sur laquelle était indiqué l’emplacement des quatre balises à
trouver en moins de 40 minutes. Les élèves n’avaient pas de passage en chambre d’appel
(Figure 12). Ce dispositif concernait les élèves de la dyade 2 et 6 (classe 2) et avait eu lieu
pendant la 8ème leçon.
Figure 12 : Exemple de carte distribuée pour la dyade 6 (Régis/David) dans le dispositif
leurre
96
2. Enregistrements des données
Deux catégories de données ont été recueillies : (a) des données d’enregistrement
audio-visuel pendant l’activité de recherche des balises par les élèves, et (b) des données de
verbalisation lors d’entretiens d’autoconfrontation avec les élèves.
2.1 Enregistrements des données in situ
Pour obtenir une trace continue de l’activité des élèves et avoir accès à la dynamique
de cette activité, l’utilisation de matériels technologiques permettant des enregistrements
audio-visuels du point de vue des élèves (i.e. en première personne) en temps réel a été
privilégiée. En effet, les données d’enregistrements audio-visuels relatives à l’activité des
élèves en situation de course d’orientation ont été recueillies grâce à une caméra miniature
HD et un micro intégré sur une paire de lunettes portée par les élèves (Figure 13). Pour deux
dyades (dyade 3 et 4), ces données ont été recueillies par le biais d’une caméra « paluche »,
fixée sur un casque de cycliste (la caméra était inclinée de telle façon à voir ce que montraient
les élèves sur la carte et regardaient pendant leur course) pour des raisons de disponibilité
matérielle et de celle des élèves (Figure 14). Dans les deux cas (avec lunettes et caméra), cela
permettait d’avoir accès à une vue d’ensemble de la situation prenant en compte
l’environnement et le partenaire de la dyade, mais aussi ce qui était regardé (sans être certain
qu’ils soient effectivement perçus et pris en compte par l’élève), pointé du doigt par les élèves
sur la carte ou montré de la main sur le terrain pendant leur course (Figure 13). Les micros
permettaient d’enregistrer les communications verbales au sein de la dyade. Ces données ont
représenté environ 300 minutes d’enregistrement audiovisuel sur l’activité des élèves en
situation de course d’orientation.
97
Caméra lunette
Vue en première personne
Figure 13 : Illustration des données d’enregistrements audio-visuels avec une paire de
lunettes-caméra
98
Caméra type « paluche »
Vue en première personne
Figure 14 : Illustration des données d’enregistrements audio-visuels avec une caméra type
« paluche »
99
Au total, 9 situations de course d’orientation ont été filmées (Tableau 2).
Dispositif Dyades Durée
d’enregistrement Dispositif de recueil
Dispositif sans chambre 1 34mn25s Paire de lunettes
2 31mn38s Paire de lunettes
Dispositif avec chambre
3 23mn23 Caméra « paluche » pour
un élève
4 34mn26s Caméra « paluche » pour
un élève
Dispositif 2 cartes
1 44mn16s Paire de lunettes
2 29mn59s Paire de lunettes
5 39mn29s Paire de lunettes
Dispositif leurre 2 37mn56s Paire de lunettes
6 27mn10s Paire de lunettes
Tableau 2 : Récapitulatif des durées des données d’enregistrements in situ
2.2 Données de verbalisations
Les données de verbalisation ont été recueillies au cours d’entretiens
d’autoconfrontation selon la disponibilité des élèves. Ces entretiens ont été menés
individuellement avec un élève de la dyade en présence de la carte et ont été filmés à l’aide
d’une caméra positionnée derrière lui en plan large et fixe (Figure 15). Ces entretiens ont
respecté une proximité temporelle facilitant le rappel de l’activité chez l’élève et se sont
déroulés au maximum dans les deux jours qui ont suivi la leçon filmée. Cette opération a
permis d’adapter le moment des entretiens à la disponibilité des élèves durant leur temps
scolaire. Ils consistaient à placer chaque élève devant l’enregistrement de son activité passée
et à partir d’un questionnement et de relances initiés par le chercheur, à l’inviter à décrire ce
100
qu’il avait vécu, fait, ressenti au fur et à mesure du déroulement de l’enregistrement de son
activité.
Figure 15 : Illustration du dispositif lors des entretiens d’autoconfrontation
Ces questionnements et relances étaient adaptés à l’attention des élèves afin de faciliter la
mise en récit de leur activité. Le chercheur s’efforçait à ce titre de conforter le climat de
confiance qu’il avait construit depuis la première leçon en leur précisant de nouveau qu’il
voulait comprendre, pour son travail, ce qu’ils faisaient pour réaliser l’exercice en course
d’orientation, de raconter ce qu’ils faisaient, regardaient ou ressentaient pendant la course. Le
chercheur leur a rappelé également qu’ils n’étaient pas évalués et qu’ils pouvaient à tout
moment arrêter la vidéo pour la commenter. Ces précautions méthodologiques avait pour but
de maintenir les élèves en contact avec la situation analysée et de les placer dans une posture
et un état mental favorables à l’explicitation de leurs sensations (e.g, « Comment te sens-tu à
ce moment ? »), leurs focalisations (e.g., « Là, à quoi fais-tu attention quand ton partenaire et
toi regardent la carte ? »), leurs préoccupations (e.g., « Qu’est-ce que tu cherches à faire là
Dispositif d’autoconfrontation
101
? »), et leurs pensées et interprétations (e.g., « A quoi penses-tu à ce moment-là ? »). Il
s’agissait pour le chercheur de questionner et de relancer l’acteur avec la volonté de graviter
autour de la « conscience préréflexive de l’acteur » (Theureau, 2004), c’est-à-dire autour de la
partie de son activité qui lui est possible « de montrer, de raconter, de commenter » et
aboutissant à une « description symbolique acceptable » de son activité (Varela, 1989, p.184).
Effectivement, mener des autoconfrontations avec des jeunes collégiens (élèves âgés de 12
ans) nécessite d’adapter cette procédure contraignante pour principalement une raison : les
élèves ne délivrent pas nécessairement leurs pensée secrète (Veyrunes, 2011) surtout dans
l’activité course d’orientation où leurs interactions sont cachées à l’enseignant d’EPS (i.e. les
élèves de 6ème ne se confient pas facilement pour expliquer au chercheur « qu’il préférait
suivre le partenaire »). Les entretiens d’autoconfrontation à partir des traces de l’activité des
élèves ont duré en moyenne 30 minutes. L’ensemble des autoconfrontations a représenté un
peu moins de 440mn d’enregistrements. Au total, 16 entretiens ont été menés (Tableau 3).
102
Dispositif Dyades Elève(s)
présent(s) Durée d’enregistrement
Dispositif sans chambre
1 Marie 30mn20s
Mélanie 24mn14s
2 Sophie 39mn00s
Camille 25mn14s
Dispositif avec chambre 3
Antoine 19mn50s
Cédric 17mn40s
4 Lucie 31mn30s
Dispositif 2 cartes
1 Marie 33mn45s
Mélanie 26mn46s
2 Sophie 27mn45s
Camille 28mn50s
5 John 25mn44s
Dispositif leurre
2
Sophie 28mn50s
Camille 22mn17s
6 Régis 36mn35s
David 20mn44s
Tableau 3 : Synthèse des durées des données issues des entretiens d’autoconfrontation
2.3 Réflexions
Si les données sont à l’interface entre la raison de l’acteur qui agit et la raison du
chercheur qui analyse l’activité de cet acteur, il existe des principes qui orientent la méthode
de recueil de données. Précisément, il s’agit pour le chercheur, utilisant le cadre théorique et
méthodologique du CA, de contribuer à une participation réglée (Theureau, 2004) de l’acteur
103
au processus de connaissance de son propre comportement en posant des questions-types et en
effectuant des relances-types adaptées à l’acteur sur son activité.
« L’expérience de l’altérité (et l’élaboration de cette expérience) nous engage à voir ce
que nous n’aurions pas pu imaginer, tant notre attention a du mal à se fixer sur tout ce qui
nous est tellement habituel que nous finissons par estimer que ’cela va de soi’ » (Laplantine,
2012, p .13). Cette citation suggère la nécessité d’un effort méthodologique particulier lors
des moments d’entretiens d’autoconfrontation avec les élèves. Notre regard de professionnel
ne devait pas nuire au déroulement de l’entretien notamment dans la mise en mots par les
élèves de leur activité. C’est pourquoi, une dérive d’observation nous semble pertinente en ce
sens que cela engage le chercheur dans une logique d’attentions flottantes « qui ne consiste
pas seulement à être attentif, mais aussi et surtout à être inattentif, à se laisser approcher par
l’inattendu et l’imprévu » (Affergan, 1987, p.143). En d’autres termes, pour éviter une
observation que le chercheur considère comme un allant de soi, un regard naïf semble
permettre de capter des données au plus près l’activité de l’élève
3. Conclusion
Le chercheur utilise donc des méthodes dans le recueil des données obéissant à des
règles précises dictées par le cadre théorique et méthodologique utilisé. Le chercheur peut
avoir accès à des données aboutissant potentiellement à des connaissances scientifiques.
Toutefois, le moment de recueil des données ne suffit pas pour donner le statut scientifique à
des connaissances (et donc au cadre théorique et méthodologique) puisque celles-ci, à cette
étape de la démarche scientifique, n’existent pas encore. Elles émergent a posteriori après le
traitement des données.
104
Avant-propos méthodologique
La méthodologie de traitement des données s’est organisée autour de deux étapes
majeures :
1) une première étape qualitative a consisté à traiter les données recueillies suivant une
reconstruction de l’articulation collective des cours d’action individuels des deux élèves dans
chaque dyade pour caractériser les formes d’interaction entre les élèves lorsqu’ils
s’engageaient dans des dispositifs d’apprentissage en Course d’Orientation.
2) une deuxième étape quantitative a consisté à traiter, à partir des résultats issus de la
première étape, les mêmes données suivant un outil méthodologique permettant des
représentations graphiques de la dynamique des formes d’interaction de chaque dyade
d’élèves dans les différents dispositifs d’apprentissage.
105
Partie 3. Analyse qualitative
Cette analyse visait à caractériser les formes d’interaction émergentes entre les élèves
sur la base de la reconstruction des cours d’action de chaque élève et de leur articulation
collective dans chaque dyade et des modes d’utilisation dyadique de la carte.
Cette analyse qualitative est organisée de trois chapitres :
Le chapitre 1 présente la première étape qualitative de traitement des données
Le chapitre 2 décrit les résultats issus de cette analyse qualitative
Le chapitre 3 discute des résultats obtenus
106
CHAPITRE 1
Méthode de traitement de données
Ce chapitre présente les deux moments de la construction et du traitement des données
concernant l’approche qualitative. Dans un premier temps, il s’agira d’expliciter la
construction des cours d’action des élèves pour dans un second temps expliquer celle de
l’articulation collective des cours d’action des deux élèves dans chaque dyade.
107
Chapitre 1. Méthode de traitement des données
Cette analyse visait à caractériser les formes d’interaction entre les élèves sur la base
de la reconstruction des cours d’action de chaque élève et de leur articulation collective pour
chaque dyade.
L’utilisation des objets théoriques Cours d’action et Articulation collective des cours
d’action individuels mobilisent le modèle sémio-logique (Theureau, 2006). Celui-ci est
organisé par une logique de six composantes, descriptives mutuellement dépendantes les unes
des autres renseignant à un grain fin une facette différente de l’activité de ou des acteurs
étudiés (i.e. analyse locale des unités d’activité significative) (Theureau, 2006). Ces six
composantes sont : l’Unité Elémentaire (UE), le Representamen (R), l’Engagement (E),
l’Actualité Potentielle (A), le Référentiel (S) et l’Interprétant (I).
1. Reconstruction des cours d’action
Le cours d’action permet une reconstruction de l’expérience vécue par l’acteur en
relation avec un ensemble de caractéristiques jugées par l’acteur comme significatives et
pertinentes (e.g., le comportement du partenaire ou les caractéristiques sur la carte)
correspondant à la part de l’activité qui est « montrable, racontable et commentable à chaque
instant » pour cet acteur (Theureau, 2006, p.46).
La reconstruction d’un cours d’action a consisté pour chaque élève à identifier l’enchaînement
des Unités Significatives Elémentaires (USE) pour lui au cours d’une période d’activité (la
durée de la course d’orientation), ainsi que les composantes pour chacune d’elles (Theureau,
2004, 2006). Les quatre composantes qui ont été considérées dans le cadre de ce travail de
recherche sont l’UE, le R, le E et le A. Cette identification a été réalisée à partir de l’analyse
simultanée des enregistrements audio-visuels de l’activité in situ des acteurs et de leurs
verbalisations lors des entretiens d’autoconfrontation (Tableau 4).
La première composante d’une USE est la fraction de l’activité (une action pratique, une
communication, une émotion, une interprétation) commentée par l’acteur. Elle constitue une
adaptation de l’acteur au Representamen (R). Par convention cette composante est nommée
Unité Elémentaire (UE) du cours d’action. Elle a été identifiée par un questionnement du
type : « Quand ton partenaire te dit que la balise n’est pas loin, que fais-tu ? Que ressens-tu
108
quand tu aperçois la balise ? ». Renseigner les unités élémentaires nous a permis de rendre
compte de l’enchaînement des actions, des pensées, des émotions… de chacun des élèves
(e.g., pointe sur la carte un élément, pense que le chemin se trouve à droite, se sent perdu).
La deuxième composante correspond à ce qui, à un instant donné, est pris en compte par
l’acteur et qui fait agir, réagir, s’adapter l’acteur dans la situation à travers ses UE. Par
convention cette composante est nommée Representamen (R) du cours d’action. Elle a été
identifiée par un questionnement du type : « Que regardes-tu sur la carte à ce moment-là ? A
quoi fais-tu attention quand tu es arrêté avec ton camarade ? ». Renseigner les representamen
nous a permis d’identifier les éléments de la situation faisant signe pour les élèves (e.g., les
différents traits noirs sur la carte, le croisement des chemins, la question de son partenaire).
La troisième composante correspond aux intérêts de l’acteur au regard de ce qui fait signe
pour lui, c’est-à-dire le R. Par convention cette composante est nommée engagement (E) du
cours d’action. Elle a été identifiée par un questionnement du type : « Quelles sont tes
préoccupations quand tu regardes la carte ? Que cherches-tu à faire quand ton partenaire et toi
n’êtes pas d’accord sur le chemin à suivre ? ». Il prend en compte le caractère sélectif de la
perception d’un acteur dans une situation qui l’inclut dans une dynamique de construction de
son monde propre à partir de son R. Renseigner les engagements nous a permis de rendre
compte des préoccupations des élèves et de leurs évolutions au cours de la course (e.g.,
informer son partenaire du chemin à prendre, suivre son partenaire).
La quatrième composante correspond aux attentes possibles de l’acteur au regard de ses
Engagements (E). Par convention cette composante est nommée Actualité Potentielle (A) du
cours d’action. Elle a été identifiée par un questionnement du type : « A quoi t’attends-tu
quand tu vois ton partenaire accélérer ? quand tu lèves la tête à ce moment-là ? ». Renseigner
les actualités potentielles nous a permis de rendre compte des anticipations des élèves dans la
situation et leurs évolutions au cours de la course (e.g., se rapprocher de la balise, trouver la
balise, se rendre au point de ralliement).
109
Antoine
Activité de la dyade 3 (Cédric/Antoine) : Juste après avoir poinçonné la deuxième balise,
l’élève porteur de la carte (Antoine) s’arrête pour construire un itinéraire. Son partenaire le
rejoint. Les deux élèves regardent la carte et discutent au sujet de leur itinéraire de course en
traçant sur la carte les chemins à prendre.
Extraits de verbalisations des données
d’enregistrement audio-visuel
Antoine : « On continue sur le chemin qu’on a
pris [trace sur la carte avec son doigt le chemin
à suivre]. Donc, on retourne sur le chemin
qu’on a pris [montre du bras le chemin que son
partenaire et lui viennent de quitter]. On
continue tout droit et après c’est le premier
chemin qui va vers la gauche ».
Extraits d’autoconfrontation
Chercheur : « Vous êtes passés par où
entre la balise A2 (deuxième balise) et la
balise A3 (troisième balise) ? ».
Antoine : « Au début on a continué tout
droit [montre sur la carte le chemin] et
après on avait vu qu’il fallait prendre à
gauche. Au début, on avait vu un chemin
qui était petit donc on pensait que c’était
ça mais quand on a continué tout droit on
a vu le gros chemin sur la gauche ».
N° USE Temps UE R E A
50 2’55’’ Regarde la carte
Le tracé
proposé par son
partenaire
Suivre des yeux
l’itinéraire
proposé par son
partenaire
Construire
l’itinéraire de
course
51 2’58’’ Pointe sur la
carte un endroit
L’itinéraire
proposé par son
partenaire
Signifier son
accord à son
partenaire
Construire
l’itinéraire de
course
52 3’00’’
Trace sur la
carte avec son
doigt un
itinéraire
Le chemin
menant à la
deuxième balise
sur la carte
Proposer à son
partenaire un
itinéraire
Construire
l’itinéraire de
course
Tableau 4 : Extrait du Cours d’Action d’Antoine (Dyade 3)
110
Réflexions sur le renseignement des composantes du cours d’action en course
d’orientation
L’écriture descriptive s’efforce de rendre compte de la totalité de ce que le chercheur
voit. Cette description a pour exigence la saturation, le rangement et la classification : elle
consiste en un certain mode de découpage de la reconstruction du réel.
L’écriture descriptive s’efforce de montrer la solidarité spatiale et temporelle des éléments
perçus par le chercheur. Elle s’organise spatialement. En course d’orientation, il s’agit pour le
chercheur d’être au plus près de l’activité de navigation des acteurs en décrivant les directions
des trajets des élèves (e.g., « tourne à gauche », « marche en direction du chemin de droite »)
et les positions des élèves (e.g., « marche derrière son partenaire », « court devant »).
Renseigner les composantes du cours d’action d’un élève, c’est donc instaurer des relations
entre les éléments selon une contiguïté spatiale. Dans le cadre de l’étude, le chercheur devait
être en mesure par cette description littérale du cours d’action de suivre l’itinéraire réalisé par
l’acteur sur la carte de course d’orientation utilisée (le chercheur accède à l’activité des élèves
en première personne).
Cette description s’organise aussi temporellement. En course d’orientation, il s’agit pour le
chercheur d’être au plus près de l’activité vécue de l’élève en décrivant les souvenirs des
élèves (e.g., « se souvient que le chemin se situe à côté d’un banc ») et leurs anticipations
(e.g., « il faut prendre après le chemin de droite »). Dans le cadre de la course d’orientation, le
chercheur devait être en mesure de rendre compte des faits antérieurs mais aussi de ce que
pourrait se passer après du point de vue de l’acteur. Renseigner les composantes du cours
d’action d’un élève, c’est donc instaurer des relations entre des éléments selon une contiguïté
temporelle.
L’écriture descriptive s’efforce aussi de montrer la complexité de la gestuelle liée à l’activité
de l’acteur accentuant cette description spatiale et temporelle. A titre d’exemple, il n’est pas
rare dans les enregistrements audio-visuels in situ de renseigner une communication indiquant
la direction à suivre (e.g., « il faut aller tout droit » / dimension spatiale) accompagnée dans le
même temps d’une gestuelle de l’élève du type « montre une direction avec son bras ». Dans
cette même logique, il est possible de renseigner une gestuelle du type « montre une direction
avec son bras » accompagnée dans le même temps d’une autre du type « trace avec le doigt
sur la carte l’itinéraire à suivre ». Renseigner les composantes du cours d’action d’un élève,
111
c’est par conséquent instaurer des relations entre des actions selon une contiguïté proche liée à
la gestuelle de l’élève.
Enfin, l’écriture descriptive s’efforce de montrer la complexité de la communication des
acteurs liée aux dimensions spatiales, temporelles et gestuelles. A titre d’illustration, un acteur
peut annoncer une direction à suivre et indiquer un repère temporel (e.g., « il faut tourner à
gauche après avoir dépassé la cabane ») dans le même temps où il montre une direction à
suivre avec sa main. Renseigner les composantes du cours d’action d’un élève, c’est donc
instaurer des relations entre des éléments selon une contiguïté croisée communicationnelle,
gestuelle, spatiale et temporelle. Il n’est pas question dans la mise en mots de la
reconstruction du cours d’action de prioriser tel ou tel type de relations avec les éléments
décrits car ils sont indissociables, mais bien de réfléchir sur un découpage systématique de ces
relations afin d’être au plus près de la description de l’activité de l’acteur lorsqu’il s’engage
dans une situation de course d’orientation pour ne pas en laisser de côté.
Ainsi, dans chaque reconstruction du cours d’action des élèves, et pourvu que le
chercheur soit en mesure de le(s) renseigner, la démarche consiste à décrire l’activité de
l’élève suivant la contiguïté spatiale, temporelle, communicationnelle, et gestuelle inhérente à
l’activité de la course d’orientation.
2. La reconstruction de l’articulation collective des cours d’action individuels
des deux élèves de chaque dyade
L’articulation collective des cours d’action individuels des deux élèves (pour une
illustration, voir Annexe) permet une analyse des processus de construction d’une activité
collective dans la dyade. La conception de l’activité collective dans le cadre théorique et
méthodologique du CA repose sur l’idée qu’un collectif ne constitue pas une totalité donnée
et préconstituée, mais qu’il est en permanence construit, transformé et reconstruit par les
activités individuelles. L’activité collective est une « totalité organisée dont l’organisation est
constamment remise en cause par les activités individuelles et constamment reconstruite par
ces mêmes activités individuelles » (Theureau, 2006, p. 96).
La reconstruction de l’articulation collective des cours d’action des élèves pour chaque dyade
a consisté d’abord à synchroniser temporellement les cours d’action des deux élèves de la
dyade, puis à caractériser la manière dont les deux cours d’action s’articulaient.
112
2.1 Synchronisation temporelle des cours d’action individuels
La synchronisation temporelle des cours d’action des élèves a consisté à présenter
dans un même tableau les cours d’action des deux élèves articulés selon l’ordonnancement
temporel de l’activité de la dyade. Ainsi, les numérotations ont été harmonisées dans le sens
où l’USE n°66 à « t = 4’07’’ » d’un élève ‘A’ pouvait correspondre à l’USE n°60 à « t =
4’07’’ » de son partenaire ‘B’ mais ne correspondant pas à l’USE dans l’articulation
collective des cours d’action de ses deux élèves de la dyade (Tableau 5).
113
USE
(Temps) Cédric
N°USE
Dyade
USE
(Temps) Antoine
66
(4’07’’)
UE : Pointe leur
position sur la
carte
R : Le banc
E : Informer
Antoine de leur
position sur la
carte
A : Se rendre à
la deuxième
balise
73 60
(4’07’’)
UE : Regarde la
position pointée
par Cédric
R : La position
pointée par
Cédric
E : Suivre des
yeux l’endroit
pointé par
Cédric
A : Se rendre à
la deuxième
balise
67
(4’08’’)
UE : Montre un
chemin
R : La vue du
chemin en face
E : Informer
Antoine d’une
direction à
suivre
A : Se rendre à
la deuxième
balise
74 61
(4’08’’)
UE : Regarde la
direction
désignée par
Cédric
R : La direction
montrée par
Cédric
E : Suivre
Cédric
A : Se rendre à
la deuxième
balise
Tableau 5 : Illustration d’une synchronisation temporelle à partir d’un extrait d’une
articulation collective des cours d’action individuels de la Dyade 3 (Cédric/Antoine)
114
2.2 Analyse compréhensive de l’articulation collective des cours d’action
individuels
Dans un premier temps, nous avons identifié des formes typiques d’interaction entre
les élèves. Le caractère de typicité renvoie à quatre aspects au moins (descriptif, statistique,
génératif et significatif) que les chercheurs utilisent pour identifier ces occurrences-types
(Durand, 2014) : 1) elles concentrent le plus d’attributs de l’activité observée au sein de
l’échantillon des acteurs et des situations étudiées, 2) elles sont les plus fréquemment
observées dans l’échantillon enquêté, 3) elles ont une propension à s’actualiser de façon
privilégiée lorsque des conditions ayant un air de famille avec celles observées se
reproduisent et 4) elles sont l’objet d’un sentiment de typicité exprimé par les acteurs durant
leurs interactions avec les chercheurs. Les formes typiques d’interaction entre les élèves ont
été identifiées en croisant les données des enregistrements audio-visuels de l’activité des deux
élèves, les données des entretiens d’autoconfrontation, et les relations de
convergence/divergence/digression entre les contenus des UE et des E du cours d’action de
chaque élève. En effet, les contenus des UE ont permis de caractériser les actions de chaque
élève qu’ils actualisaient dans les formes d’interaction. Les contenus des E, quant à eux, ont
permis de préciser les intentions des élèves qui caractérisaient les formes d’interaction. Nous
avons qualifié les contenus des UE et des E du cours d’action d’un élève de convergents avec
ceux de son partenaire (convergence codée par « ≈ » dans les tableaux des résultats ci-après)
quand ils correspondaient à ce que faisait et à ce qu’attendait l’autre élève. Par exemple,
lorsqu’un élève proposait un itinéraire, son partenaire acquiesçait. Par contraste, les contenus
des UE et des E du cours d’action d’un élève ont été qualifiés de divergents avec ceux de son
partenaire (divergence codée par « ≠ » dans les tableaux des résultats ci-après) quand ils ne
correspondaient pas à ce que faisait ou à ce qu’attendait l’autre élève de la dyade (Jourand,
Adé, Sève & Thouvarecq, soumis ; Veyrunes, 2004). A titre d’illustration, lorsqu’un élève
proposait un itinéraire, le partenaire remettait en question ce choix. Les contenus des UE et
des E du cours d’action d’un des deux élèves étaient digressifs quand ils étaient orientés vers
un élève d’une autre dyade (digression codée par « � » dans les tableaux des résultats ci-
après). A titre d’exemple, une dyade en suivait une autre pour « copier » ses choix
d’itinéraires.
115
Dans un second temps, nous avons cherché à rendre compte des modes d’utilisation de
la carte sur la base d’une analyse compréhensive de l’articulation collective des cours d’action
individuels des deux élèves : il s’agissait d’identifier des modes récurrents d’utilisation de la
carte par les élèves à partir des enregistrements audio-visuels de l’activité des élèves et de la
reconstruction de leur cours d’action notamment lorsque les contenus des UE et des R
indiquaient une relation avec la carte. Ces modes d’utilisation de la carte seront présentés dans
les résultats.
2.3 L’articulation collective des cours d’action : lecture simultanée vs lecture
différée ?
Sur la base de l’analyse du contenu des composantes UE et E dans l’articulation
collective des cours d’action individuels de chaque élève, deux lectures sont possibles : 1) une
lecture « simultanée » de l’articulation collective du contenu des ces composantes et 2) une
lecture « différée » de l’articulation collective du contenu de ces composantes.
A partir de la synchronisation des cours d’action de chaque élève, les USE du cours
d’action d’un élève pouvait structurer les USE du cours d’action de l’autre élève soit de façon
synchrone, c’est-à-dire simultanée (dans le Tableau 6, USE n°2 de Marie structure USE n°2
de Mélanie) ; soit de façon différée (dans le Tableau 7 et pour la même USE n°2, USE n°2 de
Marie structure USE n°3 de Mélanie).
116
N°USE
(temps)
Marie
UE/E
Convergence (≈) et
divergence (≠) des
UE/E
Mélanie
UE/E
2
(15’’)
UE : Annonce à
Mélanie un ordre de
balises à poinçonner
E : Proposer à
Mélanie un ordre de
balises
UE : ≈
E : ≠
UE : Entend les
propos de Marie
E : Ecouter ce que
propose Marie
Tableau 6 : Extrait de l’articulation collective des cours d’action de Marie et Mélanie (Dyade
1) illustrant une analyse simultanée des relations entre les contenus des UE et des E de
chaque élève
117
N°USE
(temps)
Marie
UE/E
Convergence (≈) des
UE/E
Mélanie
UE/E
2
(15’’)
UE : Annonce à
Mélanie un ordre de
balises à poinçonner
E : Proposer à
Mélanie un ordre de
balises UE : ≈
E : ≈
UE : Entend les
propos de Marie
E : Ecouter ce que
propose Marie
3
(23’’)
UE : Entend les
propos Mélanie
E : Ecoute ce que dit
Mélanie
UE : Confirme
l’ordre des balises
proposé par Marie
E : Signifier son
accord à Marie
Tableau 7 : Extrait de l’articulation collective des cours d’action de Marie et Mélanie (Dyade
1) illustrant une analyse différé des relations entre les contenus des UE et des E de chaque
élève
Etudier la dynamique des interactions entre deux acteurs invite donc le chercheur à
dépasser une analyse simultanée de l’interaction telle qu’elle est renseignée dans l’articulation
collective des cours d’action individuels des deux élèves de la dyade à tout instant ‘t’ dans le
tableau de présentation, en l’englobant dans une analyse différée plus large à l’instant ‘t = n x
USE’.
Des « conflits d’interprétation » dans l’analyse des contenus des composante UE et E des
deux élèves pouvaient émerger dans la mesure où l’analyse simultanée d’une USE ne rendait
pas compte nécessairement de la même relation qu’avec une analyse différée qui se
construisait à partir de l’enchaînement de plusieurs USE. Cela nous a conduits à privilégier
une analyse différée des relations entre les contenus des UE et des E de chacun des élèves.
118
CHAPITRE 2 Résultats
Ce chapitre présente les résultats issus d’une analyse qualitative opérée dans la
première étape de traitement des données. Particulièrement, celle-ci mettra en évidence deux
lignes de résultats : premièrement, il ressort la présence de trois formes typiques d’interaction
entre les élèves lorsqu’ils s’engagent dans différents dispositifs d’apprentissage lors des
leçons d’EPS en course d’orientation ; deuxièmement, il résulte la présence de trois modes
d’utilisation dyadique de la carte d’orientation entre les élèves quel que soit le dispositif
d’apprentissage étudié.
119
Chapitre 2. Résultats
1. Emergence des formes d’interaction
Trois formes typiques d’interaction ont été repérées selon la convergence, la
divergence et la digression des contenus des composantes dans l’articulation collective des
cours d’action individuels des deux élèves dans les dyades : 1) une forme de co-construction,
2) une forme de confrontation et 3) une forme de délégation.
1. 1 La forme co-construction
La forme de co-construction a été identifiée par une relation de convergence des
contenus des Unités Elémentaires (UE) et des Engagements (E) dans l’articulation collective
des cours d’action individuels des deux élèves. Dans ce cas, les élèves s’accordaient sur les
modalités à mettre en œuvre pour résoudre le problème auquel ils étaient confrontés. Cette
relation a été remarquée sous deux déclinaisons : premièrement, les contenus des composantes
UE et E des deux élèves entretenaient une relation de « convergence simultanée ».
Deuxièmement, ces contenus ont entretenu une relation de « convergence différée » avec
l’UE d’un des deux élèves qui structurait le contenu de l’UE et du E dans l’USE suivante du
partenaire. Ces deux déclinaisons, spécifiant une relation de convergence entre les contenus
des composantes UE et E des élèves, ont été remarquées dans tous les dispositifs
d’apprentissage.
1.1.1. Première déclinaison : relation de convergence simultanée des UE et des E
1.1.1.1. Dispositif sans chambre
Dans le dispositif sans chambre, cette déclinaison a été particulièrement identifiée
lorsque les deux élèves vérifiaient le numéro de la balise. En effet, quand ils pensaient être
arrivés à l’endroit supposé de la balise et qu’ils en voyaient une, les élèves s’assuraient que le
numéro inscrit sur la carte correspondait au numéro inscrit sur la balise. A titre d’exemple, en
voyant la deuxième balise, Sophie, élève de la dyade 2, s’est écriée : « Je la [la balise] vois.
120
Elle est là ! ». Sa partenaire Camille a acquiescé pour confirmer qu’elle l’avait vue : « Oui,
moi aussi ». Les deux élèves se sont alors rendues à la balise et ont vérifié son numéro :
« C’est la 8 ! » (Sophie) / « Ce n’est pas la nôtre, on ne poinçonne pas » (Camille). Lors de
l’autoconfrontation, à la question du chercheur : « Qu’est-ce que vous faîtes à ce moment-
là ? », Sophie a répondu : « On vérifie le numéro de la balise. Là, c’est une fausse ». A la
relance du chercheur : « D’accord. Vous faites ça à chaque fois ? », elle a répondu : « Oui, à
chaque balise dans le coin on vérifie ». Les élèves s’accordaient donc sur les modalités à
mettre en œuvre pour vérifier le numéro de la balise (poinçonner selon que le numéro de la
balise trouvée correspondait à celui de la carte) (Tableau 8).
N°USE
(temps)
Sophie
U/E
Convergence (≈) des
UE/E
Camille
UE/E
118
(15’39’’)
UE : Aperçoit une
balise
E : Rejoindre la
balise
UE : ≈
E : ≈
UE : Voit une balise
E : Rejoindre la
balise
119
(15’40’’)
UE : Marche en
direction de la balise
E : Rejoindre la
balise
UE : ≈
E : ≈
UE : Court en
direction de la balise
E : Rejoindre la
balise
120
(15’48’’)
UE : Annonce le
numéro de la balise
E : Comparer le
numéro de la balise
avec celui recherché
UE : ≈
E : ≈
UE : Vérifie le
numéro de la balise
E : Comparer le
numéro de la balise
avec celui recherché
Tableau 8 : Extrait de l’articulation collective de Sophie et de Camille (Dyade 2) traduisant
une relation de convergence simultanée de leurs composantes UE et E
Dans cet exemple, les contenus des UE et des E de Sophie et de Camille étaient convergents
simultanément dans la mesure où ils rendaient compte en même temps des mêmes actions et
121
des mêmes préoccupations chez les deux élèves, marquant ainsi une forme d’interaction de
co-construction.
1.1.1.2. Dispositif chambre
Dans le dispositif chambre, cette déclinaison a été notamment identifiée lorsque les
deux élèves se situaient sur la carte. En effet, bien que les élèves aient décidé ensemble de
l’itinéraire de course à suivre dans la chambre d’appel, ils ont cherché leur position sur la
carte à plusieurs reprises. A titre d’illustration, arrivées à un croisement, Lola et Lucie, élèves
de la dyade 4, se sont arrêtées, ont regardé la carte et ont levé la tête pour être sûres de leur
position. Dans l’autoconfrontation, le chercheur a demandé à Lucie : « Est-ce que vous
preniez les décisions ensemble ? ». Celle-ci a répondu : « Oui » et a poursuivi : « On
regardait la carte ensemble pour savoir où on était et savoir où on allait et on se met
d’accord ». Elles étaient donc d’accord à ce moment-là sur les modalités à mettre en œuvre
pour se situer sur la carte (faire correspondre leur position sur la carte et celle du terrain)
(Tableau 9).
N°USE
(temps)
Lucie
UE/E
Convergence (≈) des
UE/E
Lola
UE/E
46
(1’58’’)
UE : Regarde la carte
E : Se situer sur la
carte
UE : ≈
E : ≈
UE : Regarde la carte
E : Se repérer sur la
carte
47
(1’59’’)
UE : Regarde devant
E : Apercevoir un
élément de la carte
sur le terrain
UE : ≈
E : ≈
UE : Lève la tête
E : Comparer les
éléments de la carte
et du terrain
Tableau 9 : Extrait de l’articulation collective de Lucie et de Lola (Dyade 4) traduisant une
relation de convergence simultanée de leurs composantes UE et E
Dans cet exemple, les contenus des UE et des E de Lucie et de Lola étaient convergents
simultanément en ce sens qu’ils décrivaient au même instant chez les deux élèves les mêmes
122
actions et les mêmes préoccupations, témoignant ainsi d’une forme d’interaction de co-
construction.
1.1.1.3. Dispositif 2 cartes
Dans le dispositif 2 cartes, cette déclinaison a été identifiée principalement dans des
moments au cours desquels les deux élèves cherchaient la balise à vue. Effectivement, quand
ces derniers pensaient être à l’endroit supposé de la balise, ils recherchaient autour d’eux pour
l’apercevoir. A titre d’exemple, pensant être arrivés dans une zone proche de la balise, les
deux élèves de la dyade 5 ont arrêté leur course. Adrien a alors dit : « On doit regarder » et
John a poursuivi : « Elle [la balise] est forcément dans le coin ». Ils ont alors regardé aux
alentours. Dans l’autoconfrontation, à la question du chercheur : « C’est important d’arrêter ?
Tu regardes tout autour... », John a répondu : « Oui car la balise est à côté donc on regarde
partout ». Les élèves étaient donc d’accord sur les modalités à mettre en œuvre pour chercher
la balise à vue (regarder autour d’eux) (Tableau 10).
N°USE
(temps)
Adrien
UE/E
Convergence (≈) des
UE/E
John
UE/E
113
(10’22’’)
UE : A l’arrêt,
regarde aux alentours
E : Voir la balise
UE : ≈
E : ≈
UE : A l’arrêt,
regarde autour de lui
convaincu de la
présence de la balise
E : Trouver la balise
114
(10’26’’)
UE : Se remet à
marcher en regardant
autour de lui
E : Chercher à vue la
balise
UE : ≈
E : ≈
UE : Alterne marche
et course tout en
regardant de tous
côté
E : Apercevoir la
balise
Tableau 10 : Extrait de l’articulation collective des cours d’action d’Adrien et de John
(Dyade 5) traduisant une relation de convergence simultanée de leurs composantes UE et E
123
Dans cet exemple, les contenus des UE et des E d’Adrien et de John étaient convergents
simultanément dans le sens où ils présentaient les mêmes actions et les mêmes préoccupations
au même moment, caractérisant ainsi une forme d’interaction de co-construction.
1.1.1.4. Dispositif leurre
Dans le dispositif leurre, cette déclinaison a été identifiée surtout lorsque les deux
élèves se situaient sur la carte. En effet, quand les élèves pensaient avoir dépassé la balise à
valider car ils ne la trouvaient pas, ils cherchaient à se situer sur la carte en vérifiant
l’itinéraire qu’ils venaient de faire. A titre d’illustration, regardant tous les deux la carte,
Régis, élève de la dyade 6, a pointé un endroit en disant : « C’est ce chemin-là ! » tandis que
son partenaire David, en même temps, a pointé le même endroit et a dit : « On a pris le
chemin-là ! ». Les élèves étaient donc d’accord sur les modalités à mettre en œuvre pour se
situer sur la carte (chercher le chemin à la fois sur la carte et sur le terrain) (Tableau 11).
N°USE
(temps)
Régis
UE/E
Convergence (≈) des
UE/E
David
UE/E
91
(10’35’’)
UE : Regarde la carte
et pointe le même
endroit que David
E : Se situer sur la
carte
UE : ≈
E : ≈
UE : Regarde la carte
et pointe le même
endroit que Régis
E : Signifier son
accord
92
(10’38’’)
UE : Lève la tête
E : Comparer
l’élément pointé sur
la carte au terrain
UE : ≈
E : ≈
UE : Regarde à
droite
E : Apercevoir
l’élément pointé sur
la carte
Tableau 11 : Extrait de l’articulation collective des cours d’action de Régis et de David
(Dyade 6) traduisant une relation de convergence simultanée de leurs composantes UE et E
Dans cet exemple, les contenus des UE et des E de Régis et de David étaient convergents
simultanément dans la mesure où ils rendaient compte en même temps des mêmes actions et
124
des mêmes préoccupations chez les deux élèves, marquant ainsi une forme d’interaction de
co-construction.
1.1.2. Deuxième déclinaison : relation de convergence différée des UE et des E
1.1.2.1 Dispositif sans chambre
Dans le dispositif sans chambre, cette déclinaison a été principalement identifiée
lorsque les deux élèves décidaient d’abandonner la balise recherchée. A titre d’illustration,
bien que les élèves de la dyade 2 aient construit l’itinéraire en début de course prévoyant
l’ordre des balises à valider, ils l’adaptaient pendant la course. Effectivement, alors qu’elles
n’arrivaient pas à trouver la première balise qu’elles pensaient proche, Sophie a proposé à
Camille d’abandonner la recherche de cette balise pour se concentrer sur la suivante en
justifiant sa proposition : « Si on rate la balise, on peut l’avoir au retour ». Camille a de suite
accepté : « On va alors à la prochaine ». Dans l’autoconfrontation, lorsque le chercheur a
demandé à Sophie : « A quoi tu penses quand tu dis ‘si on rate la balise, on peut l’avoir au
retour ? », elle a répondu : « A le dire à Camille parce que … au chemin qu’on avait dit, on
faisait tac, tac, tac [montre sur la carte un itinéraire], et la balise, elle était là… donc on
avait juste à faire tac [montre sur la carte un itinéraire] et on allait l’avoir au retour… et
puis, on perdait du temps… ». Les élèves s’entendaient donc sur les modalités à mettre en
œuvre pour abandonner la recherche de la balise en cours (récupérer la balise sur le chemin de
retour) (Tableau 12).
125
N°USE
(Temps)
Sophie
UE/E
Convergence (≈) des
UE/E
Camille
UE/E
25
(3’00)
UE : Propose à
Camille
d’abandonner la
recherche de la balise
E : Justifier sa
proposition UE : ≈
E : ≈
UE : Entend les
propos de Sophie
E : Ecouter Sophie
26
(3’05’’)
UE : Entend la
réponse de Camille
E : Ecouter Camille
UE : Confirme la
proposition de
Sophie
E : Montrer son
accord à Sophie
Tableau 12 : Extrait de l’articulation collective de Sophie et de Camille (Dyade 2) traduisant
une relation de convergence différée de leurs composantes UE et E
Dans cet exemple, les contenus des composantes UE et E de Sophie et de Camille
entretenaient une relation de convergence différée ; le contenu de l’UE de Sophie structurait
l’UE et le E qui étaient convergents dans l’USE suivante de Camille. Cela témoignait ainsi
d’une forme d’interaction de co-construction.
126
1.1.2.2 Dispositif chambre
Dans le dispositif chambre, cette déclinaison a été particulièrement identifiée lorsque
les élèves établissaient un itinéraire de course dans la chambre d’appel. Ils construisaient leur
itinéraire de course en alternant leur proposition sur les chemins à suivre et en faisant
également le compromis de l’éloignement des positions des différentes balises par rapport au
départ de la course (choix de la première balise), les unes par rapport aux autres (choix de la
deuxième et troisième balise) et par rapport au point de ralliement : à titre d’illustration, alors
que Cédric et Antoine, élèves de la dyade 3, découvraient la carte, tous les deux cherchaient à
construire un itinéraire de course. Antoine a proposé un itinéraire pour se rendre à la
deuxième balise : « En fait, on fait tout le tour et on passe à côté du stade de foot ». Cédric a
acquiescé, reprenant pour partie des éléments descriptifs de la proposition de son camarade :
« Voilà, d’accord. Oui, à côté du terrain de foot ». Lors de l’autoconfrontation, à la question
du chercheur : « Vous avez fait quoi pendant la minute de la chambre d’appel ? », Antoine a
répondu : « On a pris le triangle rouge et comme on voulait aller à la balise là [pointe sur la
carte] on a repéré la maison du gardien ». Le chercheur a alors relancé : « C’est la maison du
gardien que vous avez regardé en premier ? ». Antoine a poursuivi : « Oui, c’est la maison du
gardien et après on a regardé le point rouge [l’emplacement de la balise] à côté d’un banc ou
d’une table et après on a repéré le terrain de foot ». Les élèves s’accordaient donc sur les
modalités à mettre en œuvre pour établir un itinéraire de course ensemble (passer à côté de la
maison du gardien) (Tableau 13).
127
N°USE
(temps)
Cédric
UE/E
Convergence (≈) des
UE/E
Antoine
UE/E
2
(3’’)
UE : Regarde la carte
E : Suivre des yeux
l’itinéraire d’Antoine
UE : ≈
E : ≈
UE : Trace du doigt
sur la carte un
itinéraire
E : Proposer à Cédric
un itinéraire de
course
3
(6’’)
UE : Tapote sur la
carte l’endroit du
terrain de football
E : Confirmer
l’itinéraire d’Antoine
UE : Regarde la carte
E : Etre attentif à ce
que fait Cédric
Tableau 13 : Extrait de l’articulation collective de Cédric et d’Antoine (Dyade 3) traduisant
une relation de convergence différée de leurs composantes UE et E
Dans cet exemple, les contenus des UE et des E de Cédric et d’Antoine entretenaient une
relation de convergence différée car le contenu de l’UE d’Antoine structurait l’UE et le E qui
étaient convergents dans l’USE suivante de Cédric. Cela traduisait ainsi une forme
d’interaction de co-construction.
1.1.2.3 Dispositif 2 cartes
Dans le dispositif 2 cartes, cette déclinaison a été notamment identifiée lorsque les
deux élèves se situaient sur la carte. En effet, bien que les élèves aient construit un itinéraire
de course ensemble, ils se sont situés sur la carte à plusieurs reprises pour confirmer
l’emplacement de la balise et leur position. A ce propos, ne trouvant pas immédiatement la
première balise, Adrien et John, élèves de la dyade 5, se sont arrêtés autour des deux cartes,
les ont juxtaposées et les ont regardées pour se situer par rapport à la première balise. Adrien
a alors pointé l’endroit où ils étaient : « Nous, on est là et l’intersection là ! », ce qu’a
confirmé John : « Bah oui à côté-là ». Adrien a poursuivi en signalant le repère qu’il y avait
sur la carte : « C’est le trou ! ». Lors de l’autoconfrontation, le chercheur a questionné John :
128
« A ce moment-là, tu arrêtes la course. Hop ! Tu prends la carte et tu la colles à la tienne. Tu
penses à quoi là ? C’est important de coller les deux cartes ? ». Celui-ci a répondu : « Bah,
pour se repérer. Comme on ne trouvait pas la balise il fallait qu’on cherche où on était avec
Adrien pour savoir si on était loin. On pensait qu’on était à l’intersection ». Les élèves étaient
donc d’accord sur les modalités à mettre en œuvre pour se situer sur sa carte (trouver leur
position sur la carte en collant des deux cartes côte-côte) (Tableau 14).
N°USE
(temps)
Adrien
UE/E
Convergence (≈) des
UE/E
John
UE/E
122
(12’13’’)
UE : Pointe son doigt
sur la carte une
intersection
E : Informer John de
leur position
UE : ≈
E : ≈
UE : Regarde la carte
E : Suivre des yeux
l’endroit pointé par
Adrien
123
(12’15’’)
UE : Voit le doigt de
John à côté du sien
E : Suivre ce que fait
John
UE : Pointe son doigt
sur la carte le même
endroit qu’Adrien
par Adrien sur la
carte
E : Confirmer leur
position à Adrien
Tableau 14 : Extrait de l’articulation collective d’Adrien et de John (Dyade 5) traduisant une
relation de convergence différée de leurs composantes UE et E
Dans cet exemple, les contenus des UE et des E d’Adrien et de John entretenaient une relation
de convergence différée car le contenu de l’UE d’Adrien structurait l’UE et le E qui étaient
convergents dans l’USE suivante de John. Cela caractérisait ainsi une forme d’interaction de
co-construction.
129
1.1.2.4 Dispositif leurre
Dans le dispositif leurre, cette déclinaison a été notamment identifiée lorsque les deux
élèves poinçonnaient la carte. En effet, lors de ce moment, les élèves ont rendu compte d’une
stratégie spécifique. A titre d’illustration, les élèves de la dyade 5 se répartissaient les tâches
d’un commun accord : Régis tenait le poinçon pour valider tandis que David tendait la carte
pour que son partenaire la poinçonne à l’endroit prévu : « Vas-y, poinçonne ! » (David). Dans
l’autoconfrontation, le chercheur a commenté le moment : « Tu prends le poinçon… Donc là
tu poinçonnes… C’est lui [David] qui tend la carte et toi qui poinçonne ? Vous faites ça
souvent ? ». Régis a répondu : « Oui j’crois qu’on fait ça tout le temps car on s’était dit ça ».
Aussi, le chercheur a questionné David : « Tu tends la carte pour qu’il poinçonne [Régis] ? ».
David a répondu : « Oui c’est normal parce que j’avais la carte ». Les élèves se mettaient
d’accord sur les modalités à mettre en œuvre pour poinçonner d’une certaine façon la carte en
arrivant aux balises (Se répartir des rôles) (Tableau 15).
N°USE
(temps)
Régis
UE/E
Convergence (≈) des
UE/E
David
UE/E
53
(5’02’’)
UE : Prend le
poinçon de la balise
E : Poinçonner la
carte UE : ≈
E : ≈
UE : Regarde Régis
prendre le poinçon
E : Laisser faire
Régis
54
(5’05’’)
UE : Regarde David
tendre la carte
E : Poinçonner la
carte
UE : Tend la carte en
incitant Régis à
poinçonner
E : Faire poinçonner
la carte
Tableau 15 : Extrait de l’articulation collective de Régis et David (Dyade 6) traduisant une
relation de convergence différée de leurs composantes UE et E
130
Dans cet exemple, les contenus des UE et des E de Régis et de David entretenaient une
relation de convergence différée car le contenu de l’UE de Régis structurait l’UE et le E qui
étaient convergents dans l’USE suivante de David. Cela témoignait ainsi d’une forme
d’interaction de co-construction.
1. 2 La forme confrontation
La forme de confrontation a été identifiée par les relations de divergence différée des
contenus des UE et des E dans l’articulation collective des cours d’action individuels des deux
élèves. Elle a été repérée par le fait que le contenu de l’UE de l’un des deux élève structurait
les contenus de l’UE et du E devenant divergents dans l’USE suivante du partenaire. Dans ce
cas, les élèves ne s’accordaient pas sur les modalités à mettre en œuvre pour résoudre le
problème auquel ils étaient confrontés. Cette relation entre les composantes a été remarquée
dans tous les dispositifs d’apprentissage.
1.2.1 Dispositif sans chambre
Dans le dispositif sans chambre, cette déclinaison a été essentiellement identifiée
lorsque l’un des deux élèves imposait son itinéraire. Bien que le choix d’un itinéraire de
course ait été décidé par les deux élèves en début de course, il était parfois soumis à des
désaccords au cours desquels l’un des deux élèves imposait son choix d’itinéraire. Alors que
les élèves de la dyade 1 se rapprochaient de leur première balise, Mélanie a proposé à sa
partenaire Marie de continuer sur le chemin emprunté : « Il faudrait rester sur le chemin ».
Marie a manifesté ostensiblement son désaccord en sortant du chemin et en s’enfonçant dans
la forêt imposant par là-même son choix d’itinéraire : « Du chemin, on ne la verra pas ». Lors
de l’autoconfrontation, le chercheur a demandé à Marie de commenter ce passage : « Mélanie
te propose de rester sur le chemin mais toi tu n’es pas d’accord. A quoi tu penses à ce
moment-là ? ». Marie a répondu : « Elle avait tord car du chemin elle ne la [la balise] verrait
pas… donc j’ai coupé dans la forêt. Elle devait me suivre. La balise était un peu plus loin et
on entendait des cris [présence d’autres dyades d’élèves au loin] ». Les élèves étaient donc
en désaccord sur les modalités à mettre en œuvre pour rejoindre la balise ; l’un d’eux
imposant son itinéraire (continuer sur le chemin vs s’enfoncer dans la forêt) (Tableau 16).
131
N°USE
(temps)
Marie
UE/E
Divergence (≠) des
UE/E
Mélanie
UE/E
49
(10’35’’)
UE : Entend le
conseil de Mélanie
E : Ecouter Mélanie UE : ≠
E : ≠
UE : Pense qu’il faut
rester sur le chemin
E : Proposer à Marie
de rester sur le
chemin
50
(10’42’’)
UE : Refuse et
s’enfonce dans la
forêt
E : Manifester son
désaccord
UE : Voit Marie
sortir du chemin
E : Regarder ce que
fait Marie
Tableau 16: Extrait de l’articulation collective de Marie et de Mélanie (Dyade 1) traduisant
une relation de divergence différée des composantes UE et E
Dans cet exemple, les contenus des UE et des composantes E de Marie et de Mélanie
entretenaient une relation de divergence différée car le contenu de l’UE de Mélanie structurait
les contenus de l’UE et du E qui étaient divergents dans l’USE suivante de Sophie. Cela
traduisait ainsi une forme de confrontation.
1.2.2 Dispositif chambre
Dans ce dispositif chambre, cette relation a été essentiellement identifiée à des
moments où un des deux élèves refusait de suivre la direction proposée par son partenaire. En
effet, les choix de direction et de chemin à prendre étaient source de désaccords entre les
élèves dans la course. A ce propos, alors que Lola, élève de la dyade 4, montrait la direction à
suivre avec son bras : « C’est par là », sa partenaire, Lucie, a refusé : « Bah non, sur la route
c’était l’autre sens ». Elle a alors manifesté son désaccord en justifiant l’erreur d’orientation
de la carte : « Bah non, la carte était mal orientée au début de la course ». Dans
l’autoconfrontation, le chercheur a questionné Lucie : « Vous étiez toujours d’accord ? C’est-
132
à-dire vous êtes à un endroit : et vous étiez d’accord pour le chemin ? ». Elle a répondu :
« Parfois non, on n’était pas d’accord sur la direction ». Le chercheur a alors relancé :
« Qu’est-ce qui fait que vous n’étiez pas d’accord ? ». Lucie a poursuivi : « L’endroit où on
était ou la direction à suivre ». Les élèves étaient donc en désaccord sur les modalités à
mettre en œuvre pour rejoindre la balise (suivre le chemin vs faire demi-tour) (Tableau 17).
N°USE
(temps)
Lola
UE/E
Divergence (≠) des
UE/E
Lucie
UE/E
147
(8’45’’)
UE : Montre une
direction avec son
bras
E : Informer Lucie de
la direction à suive UE ≠
E ≠
UE : Regarde la
direction montrée par
Lola
E : Suivre des yeux
la direction
148
(8’47’’)
UE : Entend le
désaccord de Lucie
E : Ecouter Lucie
UE : Refuse en
levant la carte vers le
ciel
E : Justifier son
désaccord
Tableau 17 : Extrait de l’articulation collective de Lola et de Lucie (Dyade 4) traduisant une
relation de divergence différée des composantes UE et E
Dans cet exemple, les contenus des composantes UE et E de Lola et de Lucie entretenaient
une relation de divergence différée car le contenu de l’UE de Lola structurait les contenus de
l’UE et du E qui divergeaient dans l’USE suivante de Lucie. Cela témoignait ainsi d’une
forme de confrontation.
1.2.3 Dispositif 2 cartes
Dans le dispositif 2 cartes, cette relation a été principalement identifiée quand l’un des
deux élèves tentait d’arracher la carte des mains de son partenaire. En effet, des désaccords
ont émergé entre les deux élèves dans des moments où ils avaient le sentiment d’être perdu :
une carte renseignant la position de deux balises, l’élève porteur de la carte était
133
potentiellement le seul à pouvoir mener son partenaire à ses balises. Dans une situation où le
meneur n’aboutissait pas à une solution concluante, sa carte a été l’objet d’une volonté
d’appropriation du partenaire occasionnant des désaccords entre ces derniers. A d’illustration,
dans la dyade 2, l’itinéraire qui incombait à Camille (la position de la troisième balise étant
sur sa carte) n’était pas concluant : les élèves n’arrivaient pas à trouver la troisième balise.
Cela a créé une tension : lorsque Sophie a demandé à Camille de continuer en tentant de lui
arracher des mains la carte, celle-ci a immédiatement refusé manifestant ostensiblement son
désaccord par un « Non ! » catégorique et en écartant la carte. Lors de l’autoconfrontation, le
chercheur a commenté ce passage : « Là on voit que tu dis non de manière énervée… qu’est-
ce qui s’est passé ? » ; Camille a répondu : « Elle voulait voir ma carte car on ne trouvait pas
la balise et c’est moi qui devait la trouver car c’était sur ma carte. Je n’étais pas d’accord
car elle a voulu l’arracher ». L’élève porteur de carte manifestait donc un désaccord sur les
modalités à mettre en œuvre relatives à la tentative d’un élève de s’approprier la carte du
partenaire (Tableau 18).
134
N°USE
(temps)
Sophie
UE/E
Divergence (≠) des
UE/E
Camille
UE/E
109
(22’46’’)
UE : Essaye de
prendre la carte de
Camille
E : Reprendre la
main sur l’itinéraire UE : ≠
E : ≠
UE : Regarde la
direction montrée par
Sophie
E : Laisser faire
Sophie
110
(22’48’’)
UE : Ne prends pas
la carte à Camille
E : Laisser Faire
Camille
UE : Eloigne la carte
des mains de Sophie
E : Signifier son
désaccord à Sophie
Tableau 18 : Extrait de l’articulation collective des cours d’action de Sophie et de Camille
(Dyade 2) traduisant une relation de divergence différée des composantes UE et E
Dans cet exemple, les contenus des composantes UE et E de Sophie et de Camille
entretenaient une relation de divergence différée car le contenu de l’UE de Sophie structurait
les contenus de l’UE et du E qui devenaient divergents dans l’USE suivante de Camille. Cela
caractérisait ainsi une forme de confrontation.
1.2.4 Dispositif leurre
Dans le dispositif leurre, cette relation a été surtout identifiée quand l’un des deux
élèves refusait la direction à suivre par son partenaire. En effet, bien que le choix d’un
itinéraire de course ait été décidé par les deux élèves en début de course, il était quelquefois
soumis à des désaccords. A ce propos, alors que les élèves de la dyade 2 se rendaient vers la
première balise, Sophie a informé sa partenaire Camille de la direction à suivre : « A 100
mètres, il faudra prendre de ce côté-là ». Camille a aussitôt manifesté son désaccord : « Mais
non, mais non, c’est plus loin ! ». Dans l’autoconfrontation, lorsque le chercheur a commenté
ce passage : « Donc elle [Camille] n’est pas d’accord avec toi… Elle fait ‘Mais non mais
135
non’. Qu’est-ce qui se passe ? ». Sophie a répondu : « En fait, quand j’ai dit il y a presque
100m et il y a la balise, elle n’était pas d’accord avec moi car elle pensait que c’était plus
loin ». Les deux élèves étaient donc en désaccord sur les modalités à mettre en œuvre
inhérentes à l’appréciation de la distance qu’il fallait parcourir pour changer de direction et
pour se rendre à la balise (Tableau 19).
N°USE
(temps)
Sophie
UE/E
Divergence (≠) des
UE/E
Camille
UE/E
14
(1’15’’)
UE : Annonce à
Camille une distance
et une direction à
suivre
E : Informer Camille
du chemin à prendre UE ≠
E ≠
UE : Entend les
propos de Sophie
E : Ecouter Sophie
15
(1’17’’)
UE : S’aperçoit du
désaccord de Camille
E : Ecouter Camille
UE : En haussant les
épaules, refuse de
suivre Sophie
E : Justifier son
désaccord
Tableau 19 : Extrait de l’articulation collective de Sophie et de Camille (Dyade 2) traduisant
une relation de divergence différée des composantes UE et E
Dans cet exemple, les contenus des UE et des E de Sophie et de Camille entretenaient une
relation de divergence différée car le contenu de l’UE de Sophie structurait les contenus de
l’UE et du R qui étaient divergents dans l’USE suivante de Camille. Cela caractérisait ainsi
une forme de confrontation.
136
1. 3 La forme de délégation
La forme de délégation a été identifiée par une relation de convergence différée et de
divergence différée des contenus des UE et des E dans l’articulation collective des cours
d’action individuels des deux élèves ; le contenu de l’UE de l’un d’eux structurant les
contenus de l’UE qui pouvaient être soit convergent soit divergent dans l’USE suivante du
partenaire. De même, le contenu de l’UE de l’un des deux élèves structurait le contenu du E
du partenaire dans l’USE suivante. Le contenu du E de l’élève pouvait présenter alors une
relation de divergence différée ou de convergence différée avec le E dans l’USE suivante du
partenaire. Cette relation a été remarquée sous deux déclinaisons : premièrement, les contenus
des UE des deux élèves entretenaient une relation de convergence différée tandis que ceux des
E entretenaient une relation de divergence différée ; deuxièmement, les contenus des UE des
deux élèves entretenaient une relation de divergence différée alors que ceux des E
entretenaient une relation de convergence différée. Cette forme de délégation a été également
repérée par une relation de digression des contenus des UE et des E d’un des deux élèves de la
dyade avec un élève d’une autre dyade. Ces deux relations entre les composantes UE et E ont
été remarquées dans tous les dispositifs d’apprentissage.
1.3.1 Première relation : convergence et divergence des UE et des E
1.3.1.1 Première déclinaison : convergence différée des UE et divergence
différée des E
Dispositif sans chambre
Dans le dispositif sans chambre, cette déclinaison a été identifiée particulièrement
quand l’un des deux élèves proposait d’adapter l’itinéraire et que son partenaire le suivait sans
contrôler la proposition. En effet, Sophie, élève de la dyade 2, a proposé à sa partenaire
Camille de faire demi-tour. Celle-ci s’est contentée, sans contrôler sur la carte alors qu’elle en
était la détentrice, de faire demi-tour. Dans l’autoconfrontation, lorsque le chercheur a
demandé à Sophie de commenter ce qu’elle faisait, celle-ci a répondu : « Là, je lui [Camille]
demande de faire demi-tour si on ne trouvait pas la balise. On ne l’a pas trouvé. Elle m’a
137
suivi ». Un des deux élèves suivait donc sans rien dire les consignes du partenaire (Tableau
20).
N°USE
(Temps)
Sophie
UE/E
Convergence (≈) et
divergence (≠) des
UE/E
Camille
UE/E
57
(7’27’’)
UE : Propose de faire
demi-tour
E : Revenir sur leurs
pas UE : ≈
E : ≠
UE : Entend la
proposition de
Sophie
E : Ecouter Sophie
58
(7’30’’)
UE : Marche
E : Revenir sur leurs
pas
UE : Fait demi-tour
E : Suivre Sophie
Tableau 20 : Extrait de l’articulation collective de Sophie et de Camille (Dyade 2) traduisant
une relation de convergence différée des UE et de divergence différée des E
Dans cet exemple, le contenu de l’UE de Sophie était convergent avec celui de l’USE
suivante de Camille tandis que les contenus des E divergeaient ; le contenu de l’UE de Sophie
structurant les contenus de l’UE et du E de Camille. Cela caractérisait ainsi une forme
d’interaction de délégation.
Dispositif chambre
Dans le dispositif chambre, cette déclinaison a été identifiée lorsque l’un des deux
élèves prenait la carte que lui tendait son partenaire. En effet, arrivée dans une zone où il y
avait trois bancs et trois chemins, Lucie, élève de la dyade 4, avait un doute sur lequel
prendre. Elle a alors passé la carte à sa partenaire Lola, l’invitant par là-même à choisir la
suite de l’itinéraire de course. Lola a donc regardé la carte : « C’est la table là à gauche ». Un
des deux élèves confiait donc à son partenaire la responsabilité de l’itinéraire de course sans
qu’il ne contrôle les choix faits (Tableau 21).
138
r
N°USE
(temps)
Lola
UE/E
Convergence (≈) et
Divergence (≠) des
UE/E
Lucie
UE/E
90
(5’07’’)
UE : Regarde Lucie
lui tendre la carte
E : Laisser Faire
Lucie UE ≈
E ≠
UE : Tend la carte à
Lola
E : Laisser Lola
prendre la décision
91
(5’09’’)
UE : Prend la carte
des mains de Lucie
E : Récupérer la carte
UE : Lâche la carte
E : Laisser Lola
prendre la décision
Tableau 21: Extrait de l’articulation collective de Lola et de Lucie (Dyade 4) traduisant une
relation de convergence différée des UE et de divergence différée des E
Dans cet exemple, le contenu de l’UE de Lucie était convergent avec celui de l’USE suivante
de Lola tandis que les contenus des E divergeaient ; le contenu de l’UE de Lucie structurant
les contenus de l’UE et du E de Lola. Cela caractérisait ainsi une forme d’interaction de
délégation.
Dispositif 2 cartes
Dans ce dispositif 2 cartes, cette déclinaison a été particulièrement identifiée lorsque
l’un des deux élèves demandait l’itinéraire à suivre à son partenaire. En effet, à certains
moments, un élève n’était pas sûr de lui et interrogeait son partenaire sur l’itinéraire de course
(e.g., la direction, le repère à voir), l’invitant par là-même à le choisir. A ce propos, au cours
de la recherche de la quatrième balise, Marie, élève de la dyade 1, a annoncé à sa partenaire
Mélanie qu’elle hésitait sur l’itinéraire et lui a demandé : « Je ne suis pas sûre… On fait
quoi ? ». Mélanie a, à cet instant, pris la main dans la course et a guidé sa partenaire : « On
doit continuer ». A la relance du chercheur concernant ce passage : « Là. Tu hésites. Tu
penses à quoi ? A quel moment sais-tu si tu es trop loin ou pas ? », Marie a répondu : « Je ne
139
suis pas sûre donc je demande son avis parce que sur le chemin on avait vu qu’on pouvait
couper. Il y avait un autre chemin qu’on prendrait, et je ne savais pas lequel… ». De même,
lorsque le chercheur a demandé à Mélanie de commenter ce passage, elle a expliqué :
« Comme elle [Marie] n’était pas sure, je voulais qu’elle me suive pour pas perdre de
temps ». Un des deux élèves invitait donc son partenaire à prendre la main pour le suivre sans
contrôler ses décisions (Tableau 22).
N°USE
(temps)
Marie
UE/E
Convergence (≈) et
Divergence (≠) des
UE/E
Mélanie
UE/E
130
(32’’38’)
UE : Hésitante,
demande la direction
à suivre
E : Questionner
Mélanie sur
l’itinéraire UE : ≈
E : ≠
UE : Ecoute le doute
de Marie
E : Ecouter Marie
131
(32’41’’)
UE : Entend la
réponse de Mélanie
E : Ecouter Mélanie
UE : Annonce la
direction à suivre à
Marie
E : Prendre la dyade
en main
Tableau 22 : Extrait de l’articulation collective de Marie et de Mélanie (Dyade 1) traduisant
une relation de convergence différée des UE et de divergence différée des E
Dans cet exemple, le contenu de l’UE de Marie était convergent avec celui de l’USE suivante
de Mélanie tandis que ses contenus des E divergeaient ; le contenu de l’UE de Marie
structurant les contenus de l’UE et du E de Mélanie. Cela caractérisait ainsi une forme
d’interaction de délégation.
140
Dispositif leurre
Dans le dispositif leurre, cette déclinaison a notamment été identifiée lorsqu’un des
deux élèves demandait à son partenaire leur position. A titre d’exemple, dans la dyade 2,
Camille, se sentant perdue, a demandé à sa partenaire Sophie : « On est où ?... là ! [pointe du
doigt un endroit]». Celle-ci a répondu en lui montrant la carte : « On est là ! », prenant ainsi
la main et guidant la dyade. A la question du chercheur dans l’autoconfrontation : « Tu
demandes souvent ta position ? », Camille a répondu : « Oui comme je ne sais pas où on est je
demande ». Un des deux élèves invitait donc son partenaire à prendre la main en
l’interrogeant sur leur position sans contrôler son choix d’itinéraire (Tableau 23).
N°USE
(temps)
Sophie
UE/E
Convergence (≈) et
Divergence (≠) des
UE/E
Camille
UE/E
48
(4’48’’)
UE : Entend le
sentiment de doute
de Camille
E : Ecouter Camille
UE : ≈
E : ≠
UE : Hésitante,
pointe un endroit sur
la carte
E : Se situer sur la
carte
49
(4’50’’)
UE : Pointe du doigt
sur la carte un
endroit à Camille
E : Répondre à la
question de Camille
UE : Regarde
l’endroit pointé par
Sophie
E : Suivre Sophie
Tableau 23 : Extrait de l’articulation collective de Sophie et de Camille (Dyade 2) traduisant
une relation de convergence différée des UE et de divergence différée des E
Dans cet exemple, le contenu de l’UE de Camille était convergent avec celui de l’USE
suivante de Sophie tandis que les contenus des E divergeaient ; le contenu de l’UE de Cédric
structurant les contenus de l’UE et du E de Sophie. Cela caractérisait ainsi une forme
d’interaction de délégation.
141
1.3.1.2 Deuxième déclinaison : divergence différée des UE et convergence différée
des E
Dispositif sans chambre
Dans le dispositif sans chambre, cette déclinaison a été essentiellement identifiée
quand l’un des deux élèves suivait la direction annoncée par son partenaire. En effet,
l’itinéraire de course devenait l’objet de décisions d’un seul élève sans que le partenaire ne les
contrôle. A ce propos, dans la dyade 2, Sophie, à plusieurs reprises, prenait la main dans la
conduite de l’itinéraire en montrant de son bras les directions à suivre : « Par-là ! ». Camille,
sans contrôler l’itinéraire, continuait de marcher en se dirigeant dans la direction indiquée par
sa partenaire. Dans l’autoconfrontation, le chercheur a demandé à Sophie d’expliciter ce
moment : « Qu’est-ce que tu fais ? ». Sophie a répondu : « Je lui indique la direction comme
elle est devant. On a marché souvent comme ça. Si elle part devant, je lui donne la direction
et elle suit ». Un des deux élèves suivait donc les indications données par son partenaire à
certains moments de la course : si l’un indiquait une direction, l’autre suivait sans la contrôler
(Tableau 24).
142
N°USE
(temps)
Sophie
UE/E
Convergence (≈) et
Divergence (≠) des
U/E
Camille
UE/E
81
(10’35’’)
UE : Désigne une
direction avec son
bras
E : Informer Camille
de la direction à
suivre UE : ≠
E : ≈
UE : Voit le chemin
indiqué
UE : Regarder dans
la direction montrée
par Sophie
82
(10’45’’)
UE : Marche
E : Suivre le chemin
de la balise
UE : Marche dans la
direction annoncée
par Sophie
E : Prendre le chemin
montré par Sophie
Tableau 24 : Extrait de l’articulation collective de Sophie et de Camille (Dyade 2) traduisant
une relation de divergence différée des UE et de convergence différée des E
Dans cet exemple, le contenu de l’UE de Sophie était divergent avec celui de l’USE suivante
de Camille tandis que les contenus des E convergeaient ; le contenu de l’UE de Sophie
structurant les contenus de l’UE et du E de Camille. Cela caractérisait ainsi une forme
d’interaction de délégation.
Dispositif chambre
Dans le dispositif chambre, cette déclinaison a été principalement identifiée dans des
moments au cours desquels l’un des deux élèves suivait la direction donnée par son
partenaire. A titre d’exemple, dans la dyade 3, Antoine, regardant seul la carte, annonçait
l’itinéraire à suivre ou les éléments remarquables à repérer. Son partenaire Cédric suivait alors
ses instructions. Antoine, dès la troisième minute de course, a regardé la carte et a précisé un
chemin à trouver pour poursuivre l’itinéraire : « Il faut chercher un chemin sur la gauche, il
143
faut tourner au prochain chemin ». Son partenaire, Cédric, a suivi ses instructions et a tourné
sur le premier chemin situé à gauche sans faire de commentaires. Dans l’autoconfrontation, à
la question du chercheur : « Vous avez fait comment pour trouver les chemins ? », Cédric a
commenté : « Il [Antoine] a trouvé le chemin là-bas [montre sur la carte]. Il a dit ‘c’est par
là où on est parti’, bah je l’ai suivi ». A la relance du chercheur : « A quoi tu penses dans ces
moments-là ? », Cédric a répondu : « Bah euh … à le suivre ». Un des deux élèves suivait
donc son partenaire à différents moments de la course : l’un indiquait les directions à prendre,
l’autre suivait sans les contrôler (Tableau 25).
N°USE
(temps)
Cédric
UE/E
Convergence (≈) et
Divergence (≠) des
UE/E
Antoine
UE/E
57
(3’08’’)
UE : Voit le chemin
indiqué par Antoine
E : Suivre la
direction indiquée UE ≠
E ≈
UE : Indique la suite
de l’itinéraire
E : Informer Cédric
du chemin à prendre
58
(3’15’’)
UE : Marche en
tournant à gauche
E : Prendre le chemin
annoncé
UE : Continue de
marcher
E : Suivre le chemin
de la balise
Tableau 25 : Extrait de l’articulation collective de Cédric et d’Antoine (Dyade 3) traduisant
une relation de convergence différée des UE et de divergence différée des E
Dans cet exemple, le contenu de l’UE d’Antoine était divergent avec celui de l’USE suivante
de Cédric tandis que ses contenus des E convergeaient ; le contenu de l’UE d’Antoine
structurant les contenus de l’UE et du E de Cédric. Cela caractérisait ainsi une forme
d’interaction de délégation.
144
Dispositif 2 cartes
Dans le dispositif 2 cartes, cette déclinaison a été notamment identifiée quand un des
deux élèves suivait la direction annoncée par son partenaire. A titre d’illustration, dans la
dyade 6, John, responsable de la deuxième balise à poinçonner (il avait la carte qui indiquait
sa position), a en permanence annoncé à Adrien les directions à suivre et les repères qu’ils
pouvaient rencontrer : « Tout droit », « Là, passe par là », « Tu dois voir un banc »… Celui-
ci se laissait alors guider en se plaçant derrière son partenaire. Lors de l’autoconfrontation, le
chercheur a interrogé John : « Quand tu dis ça. Tu le dis pour toi ou c’est important de lui
dire à Adrien ? ». Il a répondu : « Oui c’est important car il me suivait depuis le début. C’est
moi qui guidait ». Un des deux élèves donnait donc la direction à suivre à son partenaire qui le
suivait sans contrôler ni faisant de commentaires (Tableau 26).
N°USE
(temps)
Adrien
UE/E
Convergence (≈) et
Divergence (≠) des
UE/E
John
UE/E
87
(9’02’’)
UE : Voit le chemin
à suivre
E : Se diriger vers le
chemin à suivre
UE ≠
E ≈
UE : Regardant sa
carte, annonce la
direction à prendre
E : Informer Adrien
de la direction à
suivre
88
(9’04’’)
UE : Marche derrière
John
E : Prendre la même
direction que John
UE : Marche
E : Suivre le chemin
de la balise
Tableau 26 : Extrait de l’articulation collective d’Adrien et de John (Dyade 5) traduisant une
relation de convergence différée des UE et de divergence différée des E
145
Dans cet exemple, le contenu de l’UE de John était divergent avec celui de l’USE suivante de
d’Adrien tandis que ses contenus des E convergeaient ; le contenu de l’UE de John structurant
les contenus de l’UE et du E d’Adrien. Cela caractérisait ainsi une forme d’interaction de
délégation.
Dispositif leurre
Dans le dispositif leurre, cette déclinaison a été surtout identifiée lors quand l’un des
deux élèves attendait la proposition de son partenaire dans la construction de l’itinéraire de
course. En effet, dans la dyade 6, Régis espérait que David construise l’itinéraire pour se
rendre aux balises. A ce titre, après qu’ils aient localisé leur position sur la carte, David a
proposé un ordre de balises en le traçant dessus et en le commentant : « On va à la 14, puis à
la 12 et 7… ». Pendant qu’il traçait sur la carte l’itinéraire de course, Régis s’est contenté de
suivre des yeux l’itinéraire proposé et s’est mis à courir en direction de la première balise une
fois que son partenaire eut fini. Pendant l’autoconfrontation, le chercheur a commenté ce
passage : « Régis au début te pose la question : ‘on commence par la combien ?’. Vous avez
discuté ou pas de l’itinéraire », David a répondu : « Pas du tout, j’ai dit un itinéraire. Il m’a
suivi ». Un des deux élèves suivait donc son partenaire dans la construction de l’itinéraire sans
le contrôler (Tableau 27).
146
N°USE
(temps)
Régis
UE/E
Convergence (≈) et
Divergence (≠) des
UE/E
David
UE/E
8
(11’’)
UE : Entend le
numéro de la balise
E : Ecouter David UE : ≠
E : ≈
UE : Annonce le
numéro et le chemin
de la première balise
E : Informer Régis
du chemin et du
numéro de la
première balise
9
(12’’)
UE : Se met à courir
E : Se rendre à la
première balise
UE : Regarde Régis
qui s’éloigne
E : Rejoindre Régis
Tableau 27 : Extrait de l’articulation collective de Régis et de David (Dyade 6) traduisant
une relation de convergence différée des UE et de divergence différée des E
Dans cet exemple, le contenu de l’UE de David était divergent avec celui de l’USE suivante
de Régis tandis que les contenus des E convergeaient ; le contenu de l’UE de David
structurant les contenus de l’UE et du E de Régis. Cela caractérisait ainsi une forme
d’interaction de délégation.
1.3.2 Deuxième relation : digression des UE et des E
La forme de délégation a également été identifiée par une relation de digression des
contenus des composantes UE et E de l’un des deux élèves de la dyade.
1.3.2.1 Dispositif sans chambre
Dans le dispositif chambre, la relation de digression a été notamment identifiée
quand l’un des deux élèves demandait de l’aide à un ou plusieurs élèves d’une autre dyade
rencontrée durant la course. En effet, lors de ces rencontres entre les dyades d’élèves ou de
détection de la présence d’une autre dyade au loin, ils en profitaient pour demander de l’aide
147
et glaner des informations utiles à leur course : ces informations portaient le plus souvent sur
la possibilité que la dyade interrogée ait la même balise à poinçonner et sur les chemins et les
directions à suivre pour se rendre à la balise recherchée. A titre d’exemple dans la dyade 1,
Marie, après s’être assurée que l’élève interrogé avait le même numéro de balise, a demandé
si la direction qu’elle lui montrait à l’aide de son bras était la bonne : « John, John, c’est par
là ? ». Dans l’autoconfrontation, Marie a expliqué au chercheur : « Quand on rencontre des
élèves, des fois ils nous aident et donc on les aide. Dès qu’on croise quelqu’un en fait on
demande quelles sont leurs balises pour savoir si on a les mêmes et s’échanger des
informations ». Un des deux élèves demandait donc ponctuellement de l’aide à des élèves
d’une autre dyade (Tableau 28).
N°USE
(temps)
Marie
UE/E
Digression (��) des
UE/E
Elève d’une autre
dyade
17
(3’00’’)
UE : Appelle John et
lui demande si c’est
la bonne direction
E : Demander de
l’aide à John
UE : �
E : �
La présence au loin
d’une autre dyade
d’élèves
Tableau 28 : Extrait de l’articulation collective de Marie et de Mélanie (Dyade 1) traduisant
une relation de digression des UE et des E
Dans cet exemple, les contenus de l’UE et du E de Marie étaient digressifs en ce sens qu’ils
étaient orientés vers une autre dyade d’élèves, traduisant ainsi une forme d’interaction de
délégation.
Dans le dispositif sans chambre, cette relation de digression a aussi été identifiée
lorsque l’un des deux élèves répondait à la question d’un ou plusieurs élèves d’une autre
dyade. A titre d’exemple, dans la dyade 2, Sophie a répondu à une question posée par un
élève d’une autre dyade au sujet d’une balise : « La 9, elle est par là ! ». Marie lors de
l’autoconfrontation a commenté ce passage de manière spontanée sans que le chercheur
n’arrête la vidéo en disant : « On savait où elle [la balise cherchée par les autres élèves] car
148
on venait de la croiser ». Un des deux élèves apportait donc ponctuellement son aide à une
autre dyade d’élèves (Tableau 29).
N°USE
(temps)
Sophie
UE/E
Digression (��) des
UE/E
Elève d’une autre
dyade
80
(10’37’’)
UE : Annonce à un
élève d’une autre
dyade la direction à
suivre
E : Répondre à la
question d’une autre
élève
UE : �
E : �
La question d’un
élève d’une autre
dyade
Tableau 29 : Extrait de l’articulation collective de Sophie et de Camille (Dyade 2) traduisant
une relation de digression des UE et des E
Dans cet exemple, les contenus de l’UE et du E de Sophie étaient digressifs en ce sens qu’ils
étaient orientés vers une autre dyade d’élèves marquant ainsi une forme d’interaction de
délégation.
1.3.2.2 Dispositif chambre
Dans le dispositif chambre, la digression a été notamment identifiée dans des moments
au cours desquels l’un des deux élèves demandait de l’aide à un ou plusieurs élèves d’une
autre dyade rencontrée. A ce titre, en rencontrant les élèves d’une autre dyade sur un chemin,
Antoine, élève de la dyade 3, leur a demandé si elles avaient aperçu une balise sur le chemin :
« Vous avez trouvé la balise qui est sur ce chemin ? Oh les filles, vous avez vu une balise sur
le chemin ? ». Antoine a expliqué ce moment : « On a croisé les filles qui couraient vers nous
en criant sur le chemin… on a demandé si elles avaient vu la balise ». Un des deux élèves
demandait donc ponctuellement de l’aide à une autre dyade rencontrée (Tableau 30).
149
N°USE
(temps)
Elève d’une autre
dyade
Digression (��) des
UE/E
Antoine
UE/E
107
(9’39’’)
La rencontre d’une
autre dyade d’élève
UE : �
E : �
UE : Demande aux
élèves d’une autre
dyade si elles ont
trouvé une balise sur
le chemin
E : Demander de
l’aide à des élèves
d’une autre dyade
Tableau 30 : Extrait de l’articulation collective de Cédric et d’Antoine (Dyade 3) traduisant
une relation de digression des UE et des E
Dans cet exemple, les contenus de l’UE et du E d’Antoine étaient digressifs en ce sens qu’ils
étaient orientés vers une autre dyade d’élèves caractérisant ainsi une forme d’interaction de
délégation.
Dans le dispositif chambre, la digression a également été identifiée lorsqu’un des
élèves répondait à la question d’un ou plusieurs élèves d’une autre dyade. A titre
d’illustration, en rencontrant les élèves d’une autre dyade sur un chemin, Lucie, élève de la
dyade 4, a répondu à une de leur question : « Non on n’a pas vu la balise ». Celle-ci a par
conséquent apporté ponctuellement son aide à un élève d’une autre dyade qui leur avait posé
une question (Tableau 31).
150
N°USE
(temps)
Elève d’une autre
dyade
Digression (��) des
UE/E
Lucie
UE/E
329
(31’24’’)
La question d’un
élève d’une autre
dyade
UE : �
E : �
UE : Répond aux
élèves d’une autre
dyade
E : Répondre à la
question des autres
élèves
Tableau 31 : Extrait de l’articulation collective de Lola et de Lucie (Dyade 4) traduisant une
relation de digression des UE et des E
Dans cet exemple, les contenus de l’UE et du E de Lucie étaient digressifs en ce sens qu’ils
étaient orientés vers une autre dyade d’élèves témoignant ainsi d’une forme d’interaction de
délégation.
1.3.2.3 Dispositif 2 cartes
Dans le dispositif 2 cartes, la digression a été surtout identifiée quand l’un des deux
élèves demandait de l’aide à un ou plusieurs élèves d’une autre dyade rencontrée.
Effectivement, en croisant des camarades de classe sur un chemin, l’un des deux élèves
demandait leur carte pour la superposer à la sienne et établir l’itinéraire de course à suivre. A
titre d’exemple, ayant dépassé la balise n°11 qu’elles n’avaient pas à valider et ne trouvant
pas la balise n°4 alors qu’elles pensaient en être proches, Sophie, élève de la dyade 2 a
demandé à la dyade d’élèves qu’elle croisait de montrer leur carte : « Tu me prêtes la carte
pour savoir si on a dépassé la 4 ». La dyade rencontrée avait justement la balise n°11 à
valider. En comparant les emplacements des balises n°11 (qu’elles venaient de dépasser) et
n°4 (qu’elles recherchaient), Sophie et Camille ont pu en conclure qu’elles n’avaient pas
dépassé la balise n°4 (son emplacement étant plus loin dans le chemin sur lequel elles
marchaient). Dans l’autoconfrontation, lorsque le chercheur a demandé à Sophie : « Vous
faites quoi là ? », elle a répondu : « Je voulais savoir si on avait dépassé la 4. Elles avaient la
11 qui était sur leur carte donc j’ai pu voir la distance qu’il y avait si on avait dépassé la 4 ».
151
Un des deux élèves a donc demandé ponctuellement de l’aide à une autre dyade rencontrée en
utilisant les informations de leur carte (Tableau 32).
N°USE
(temps)
Sophie
UE/E
Digression (��) des
UE/E
Elève d’une autre
dyade
66
(12’50’’)
UE : Demande à un
élève rencontré sa
carte
E : Demander de
l’aide à une autre
dyade
UE : �
E : �
La rencontre d’une
autre dyade
Tableau 32: Extrait de l’articulation collective de Sophie et de Camille (Dyade 2) traduisant
une relation de digression des UE et des E
Dans cet exemple, les contenus de l’UE et du E de Sophie étaient digressifs en ce sens qu’ils
étaient orientés vers une autre dyade d’élèves traduisant ainsi une forme d’interaction de
délégation.
Dans le dispositif 2 cartes, la digression a également été identifiée dans des moments
où l’un des deux élèves répondait à la question d’un ou plusieurs élèves d’une autre dyade. A
ce titre, en rencontrant les élèves d’une autre dyade sur un chemin, John, élève de la dyade 5,
les a informé que la balise qu’ils recherchaient n’était pas dans la direction qu’ils prenaient
mais sur le côté gauche : « Non, elle [la balise] n’est pas par là, elle est par-là sur le chemin
de gauche ». John a donc apporté ponctuellement son aide à un élève d’une autre dyade qui
lui avait posé une question. Lors de l’autoconfrontation, à la question : « Vous faites ça
souvent ? », John a répondu : « Oui à chaque fois qu’on se croise ». Un des deux élèves
apportait donc ponctuellement son aide à un élève d’une autre dyade qui lui posait une
question (Tableau 33).
152
N°USE
(temps)
Elève d’une autre
dyade
Digression (��) des
UE/E
John
UE/E
83
(8’37’’)
La question d’un
élève d’une autre
dyade
UE : �
E : �
UE : Répond que la
balise n’est pas dans
les alentours
E : Répondre à la
question d’un autre
élève
Tableau 33: Extrait de l’articulation collective d’Adrien et de John (Dyade 5) traduisant une
relation de digression des UE et des E
Dans cet exemple, les contenus de l’UE et du E de John étaient digressifs en ce sens qu’ils
étaient orientés vers une autre dyade d’élèves caractérisant ainsi une forme d’interaction de
délégation.
1.3.2.4 Dispositif leurre
Dans le dispositif leurre, la digression a principalement été identifiée quand l’un des
deux élèves demandait de l’aide à un ou plusieurs élèves d’une autre dyade rencontrée. En
effet, lorsque les élèves ne trouvaient pas du premier coup la vraie balise dans la zone-leurre,
un des deux élèves demandait à une autre dyade au loin si elle l’avait vu. A titre d’illustration,
alors que les élèves de la dyade 2 étaient tombées sur une fausse balise, Camille et Sophie se
sont dirigées vers les élèves d’une autre dyade qui revenaient d’une autre balise dans la zone-
leurre. Camille leur a demandé : « Vous avez-vu la 18 ? ». Les autres élèves ont acquiescé.
Sophie a demandé aussitôt : « Où ça ? ». Ils ont répondu : « Là-bas [un élève montre une
direction avec son doigt] ». Sophie a insisté en redemandant : « Où ça là-bas ? » et Camille a
poursuivi en montrant la même direction avec son bras : « Derrière, là-bas ? ». Les deux
élèves ont chacun leur tour demandé ponctuellement de l’aide à des élèves d’une autre dyade
rencontrée au sujet de la balise qu’ils recherchaient (Tableau 34).
153
N°USE
(temps)
Sophie
UE/E
Digression (��) des
UE/E
Camille
UE/E
49
(4’56’’)
La rencontre d’une
autre dyade d’élèves
UE : �
E : �
UE : Demande à un
autre élève s’il a la
balise qu’elle
recherche
E : Demander de
l’aide à une autre
dyade
50
(5’00’’)
UE : Demande aux
autres élèves la
direction de la balise
E : Demander de
l’aide à des élèves
d’une autre dyade
UE : �
E : �
La rencontre d’une
autre dyade d’élèves
Tableau 34 : Extrait de l’articulation collective de Sophie et de Camille (Dyade 2) traduisant
une relation de digression des UE et des E
Dans cet exemple, les contenus des UE et des E de Sophie et Camille étaient digressifs en ce
sens qu’ils étaient orientés vers une autre dyade d’élèves marquant ainsi une forme
d’interaction de délégation.
Dans le dispositif leurre, la digression a également été identifiée dans des moments où
l’un des deux élèves répondait à la question d’un ou plusieurs élèves d’une autre dyade. A ce
titre, en rencontrant les élèves d’une autre dyade sur un chemin, Régis, élève de la dyade 6,
les a informé de la direction à suivre pour trouver la balise qu’ils recherchaient à l’aide de son
bras : « Elle est par-là ». Régis a donc apporté ponctuellement son aide à un élève d’une autre
dyade qui lui avait posé une question (Tableau 35).
154
N°USE
(temps)
Régis
UE/E
Digression (��) des
UE/E
Elève d’une autre
dyade
83
(8’37’’)
UE : Montre une
direction du bras
E : Répondre à la
question d’un autre
élève
UE : �
E : �
La question d’un
élève d’une autre
dyade
Tableau 35: Extrait de l’articulation collective de Régis et de David (Dyade 6) traduisant une
relation de digression des UE et des E
Dans cet exemple, les contenus de l’UE et du E de Régis étaient digressifs en ce sens qu’ils
étaient orientés vers une autre dyade d’élèves caractérisant ainsi une forme d’interaction de
délégation.
2. Trois modes d’utilisation dyadique de la carte en relation avec ses
propriétés physiques et fonctionnelles
L’analyse compréhensive de l’articulation collective des cours d’action individuels des
élèves dans chaque dyade a permis de caractériser trois modes différents d’utilisation
dyadique de la carte en relation avec ses propriétés physiques et fonctionnelles chez les élèves
lorsqu’ils s’engagent dans les leçons de course d’orientation : (1) le mode partagé, (2) le mode
univoque et (3) le mode détaché. Ces modes contrastés d’utilisation de la carte ont été
qualifiés « d’utilisation dyadique » pour signifier qu’ils sont toujours le fruit d’une activité
indissolublement individuelle et sociale.
2.1 Le mode partagé
Lors d’un mode partagé, les propriétés physiques notamment les inscriptions sur la
carte ressortaient : les élèves avec leurs doigts pointaient les symboles dessinés sur la carte
(élément remarquable comme une souche d’arbre), traçaient un itinéraire en suivant les traits
noirs (les traits noirs symbolisant les chemins) ou balayaient une zone de leur doigt (plusieurs
155
éléments remarquables proches comme les dépressions) en agissant dessus alternativement ou
simultanément. Ces moments de pointage, de traçage et de balayage sur la carte faisaient
ressortir une de ses propriétés fonctionnelles relative à son « utilité d’orientation » : « Là, il
faut aller à la maison du gardien et prendre le chemin ! [pointe du doigt sur la carte un
symbole] » (Antoine, porteur de carte) / « Le chemin-là [place son doigt à côté de celui de son
partenaire] » (Cédric, non porteur de carte) / « mmm » (Antoine) / « On doit passer par là »
(Cédric). Dans l’autoconfrontation, à la question du chercheur : « Qu’est-ce que vous avez fait
dans la chambre d’appel ? », Antoine a répondu : « On a construit un itinéraire de course ».
Le chercheur a relancé : « C’est-à-dire ? » et Antoine a poursuivi en disant : « On a fait des
chemins pour aller aux balises ». Ce mode partagé a également été observé lorsque les élèves
s’arrêtaient à un croisement de chemins (i.e. un point de décision) et manifestaient des doutes
au sujet de la direction à prendre. Lors de ce mode partagé, d’autres propriétés physiques de la
carte ressortaient : sa petite taille (format A4) et sa matière légère (en papier) lui conférait une
propriété fonctionnelle « facilement transportable » qui permettait à l’élève « porteur de
carte » de la montrait à son partenaire et de l’inviter à la tenir conjointement d’une main. La
carte rapprochait les deux élèves et leurs regards étaient dirigés dessus : « Donc, la table ici
[pointe sur la carte un symbole puis le montre sur le terrain] » (Mélanie, non porteuse de
carte et la tenant d’une main la carte) / « Bah, oui [pointe du doigt de sa main libre sur la
carte le même symbole près du doigt de sa partenaire]. Je crois qu’il faut aller par-là [montre
une direction à suivre - la même montrée que celle de sa partenaire] » (Marie, porteuse de
carte et la tenant d’une main) / « Bah oui, je crois qu’il faut passer par-là [regarde la
direction montrée par sa partenaire] » (Mélanie, non porteuse de carte). Lors de
l’autoconfrontation, à la relance du chercheur : « d’accord, vous regardez ensemble…. »,
Marie a poursuivi l’autoconfrontation en disant : « Oui à chaque fois on est à côté comme ça,
elle est là et puis moi je suis comme ça [montre au chercheur qu’elles sont autour de la
carte]. On regarde la carte et on construit le chemin pour voir s’il y en a une qui dit : ‘on fait
ça’ ou que l’autre se trompe et bah du coup on peut vérifier ».
2.2 Le mode univoque
Lors d’un mode univoque, l’élève regardait seul la carte et parfois empêchait l’autre de
la consulter. Du fait de ses propriétés physiques (petite taille et légère), la carte faisait
156
apparaître sa propriété fonctionnelle « facilement transportable » : elle pouvait être tenue
d’une seule main par l’élève qui l’éloignait de la vue de son partenaire le privant ainsi
ponctuellement de toute utilisation : « Mais non, c’est mieux d’aller tout droit Marie [pointe
du doigt un chemin sur la carte] » (Mélanie, porteuse de carte) / « Ca va plus vite par là [tout
en éloignant la carte de son bras gauche, tend son bras droit et indique du doigt une
direction] » (Marie, non porteuse de carte) / « Mais non ça va pas plus vite parce que j’ai
vu [en regardant seule la carte] » (Mélanie, porteuse de carte). L’élève « porteur de carte » se
l’appropriait. Lors de l’autoconfrontation, à la question du chercheur : « Qu’est-ce qu’il se
passe à ce moment-là ? », Marie a commenté : « Elle [sa partenaire Mélanie] s’est un peu
écartée pour ne pas que je la regarde [la carte]. Après j’ai dit c’est bon tu as raison quand
elle m’a dit pour le chemin ».
2.3 Le mode détaché
Lors d’un mode détaché, les propriétés physiques de la carte ressortaient lorsque les
élèves approchaient d’un point remarquable (e.g., un banc à une intersection, une dépression,
une cabane dans la forêt) et estimaient reconnaitre des éléments de l’environnement pour
s’émanciper de son utilisation. Indissociablement, la propriété physique « pliable » de la carte
ressortait dans ces moments-là. A titre d’exemple, tout en courant, Camille a interrogé Sophie
(porteuse de carte) : « Il faut suivre quel chemin ? » (Camille, non porteuse de carte).
Toujours en courant, Sophie a répondu sans regarder la carte qui était pliée en deux dans une
main en indiquant de l’autre la direction : « A droite, c’est le chemin de droite, là où il y a le
banc. Elle est juste là-bas » (Sophie, porteuse de carte). Camille a suivi sa partenaire en
prenant le chemin de droite. Lors de l’autoconfrontation, le chercheur fait remarquer à Sophie
qu’elle n’avait pas utilisé la carte à ce moment-là, elle a alors expliqué : « Là elle [Camille]
m’a demandé quel chemin il faut suivre, je me rappelais que c’était le chemin du banc qu’il
fallait prendre et comme on le voyait [le banc] j’ai dit : ‘à droite’ ».
157
CHAPITRE 3
Discussion intermédiaire
Sur la base des résultats précédents et les études déjà réalisées sur les interactions entre
les élèves en EPS, ce chapitre présente une discussion intermédiaire relative prioritairement
aux différentes formes d’interaction identifiées en course d’orientation telles qu’elles sont
vécues par les dyades d’élèves en EPS. Nous discuterons plus tard des modes d’utilisation de
la carte repérés dans ces lignes de résultats.
158
Chapitre 3. Discussion intermédiaire
Dans les quatre dispositifs, ont émergé trois formes typiques d’interaction dyadique :
une forme de co-construction, une forme de confrontation et une forme de délégation. Nos
résultats viennent à la fois confirmer et enrichir ceux d’études antérieures concernant les
formes d’interaction entre pairs engagés dans la réalisation d’une tâche commune.
Effectivement, la forme de co-construction identifiée dans notre étude est similaire à celle de
la co-élaboration acquiesçante et celle de la co-construction mises en évidence par Gilly et al.
(1988) et reprises en EPS par Darnis et Lafont (2008). Les deux élèves pouvaient s’accorder
sur les modalités à mettre en œuvre pour résoudre la tâche soit à partir de propositions
alternatives des deux élèves aboutissant à une solution commune (e.g., dans la construction de
l’itinéraire, les deux élèves traçaient simultanément sur la carte les chemins à suivre,
reprenant pour partie ce qu’avait commencé à tracer le partenaire) (cas de la co-élaboration
acquiesçante) soit à partir de la proposition d’un des deux élèves que son partenaire contrôlait,
aboutissant à son accord (e.g., dans la construction de l’itinéraire, un des deux élèves traçait
sur la carte ou indiquait une balise à aller chercher pendant que son partenaire regardait et
acquiesçait lors de co-construction). La forme de confrontation identifiée dans notre étude
peut apparaître également similaire à celle de la confrontation contradictoire (Darnis et
Lafont, 2008 ; Gilly et al., 1988). Les deux élèves ne s’accordaient pas sur les modalités à
mettre en œuvre pour résoudre la tâche, chacun proposant des arguments pour justifier son
désaccord à la proposition du partenaire (e.g., à la proposition de suivre une direction
annoncée par leur partenaire, les élèves pouvaient refuser en proposant une autre direction et
en la justifiant) (cas de la confrontation contradictoire). Il semble donc que les interactions
dyadiques entre élèves qui sont non accessibles à l’enseignant d’EPS sont similaires à celles
déjà identifiées par les recherches étudiant les interactions entre élèves sous supervision
constante de l’enseignant.
Pourtant, une forme d’interaction ne nous paraît pas ou peu avoir été dévoilée dans les études
en milieu scolaire : la délégation. Si elle semble se rapprocher d’une forme de co-élaboration
acquiesçante (un des deux acteurs élabore une solution et la propose à son camarade qui la
contrôle et ne manifeste pas d’opposition) (Gilly et al., 1988), la délégation est différente en
ce sens qu’elle caractérise le « lâcher-prise » d’un élève qui « laisse la main » à son
partenaire : l’élève en question n’agit pas pour aider à l’atteinte de l’objectif visé devant
159
l’intervention de son partenaire (i.e. il ne contrôle pas la solution proposée par son partenaire).
Dans ce cas, soit cette délégation s’initie à la demande volontaire de l’élève (i.e. l’élève
demande à son partenaire de prendre la responsabilité de l’itinéraire et le suit sans contrôler),
soit le flux de l’activité du partenaire lui fait « lâcher-prise » (i.e. le partenaire mène la dyade
sans aucun contrôle de l’élève). La délégation dévoile donc une configuration de type
« locomotive/wagon » (Blanchard, 2008) car l’un des deux élèves de la dyade se laisse guider
par son partenaire. Aussi, la forme de délégation caractérise un « lâcher-prise » d’un élève qui
demande des informations à une autre dyade lui délégant ainsi une partie de la responsabilité
de l’itinéraire. Ce « lâcher-prise » s’illustre également lorsqu’un élève répond à la question
d’un élève d’une autre dyade - la délégation dévoile donc une configuration de type
« locomotive/wagon » dans la mesure où un des deux élèves de la dyade se laisse guider de
manière opportuniste (rencontre avec d’autres dyades) ou guide de manière spontanée une
autre dyade. La forme de délégation a été particulièrement remarquée lors des moments de
doute. Le fait de douter sur un itinéraire pouvait être lié au sentiment d’être perdu (l’élève
n’aperçoit ni les points remarquables ni la balise), à une succession de mauvais itinéraires
proposés (l’élève initialement avait pris la main et guidait la dyade mais de manière peu
performante) ou à une façon très convaincante de proposer l’itinéraire par le partenaire (le
partenaire insiste sur la validité de ces propos) : dans ces trois cas, dans l’urgence temporelle,
l’élève laissait souvent la main à son partenaire en lui faisant confiance et le suivait quelles
que soient les options retenues. Aussi, le fait de rencontrer des élèves d’une autre dyade ou de
les apercevoir au loin favorisait un échange d’informations sur les balises (les élèves
échangeaient sur la direction à prendre, sur la possibilité que la dyade rencontrée avait vu la
balise qu’ils cherchaient) : dans ce cas, les élèves faisaient confiance aux autres élèves et
suivaient leurs indications d’une part, et aidaient les autres dyades d’autre part.
Johnson, Johnson et Holubec (1994) montrent que les interactions entre élèves les plus
performantes sont celles qui sont coopératives à dominante de co-construction et qui sont
stimulées dans des dispositifs d’apprentissage pour favoriser notamment le développement
des apprentissages sociaux. En course d’orientation, bien que l’enseignant d’EPS fasse le
choix de formes de groupements spécifiques (les dyades affinitaires encourageraient les
discussions entre les élèves et diminueraient le caractère anxiogène du milieu), des
organisations spatiales particulières (la chambre d’appel inviterait les élèves à construire une
stratégie de course avant le départ de la course) et matérielles (la distribution d’une carte pour
160
deux inciterait les élèves à se regrouper autour pour une lecture commune), nos résultats
montrent qu’ils n’induisent pas nécessairement cette forme de co-construction recherchée par
les enseignants d’EPS. En effet, les résultats montrent que les interactions s’actualisent
majoritairement par une co-construction mais aussi par une délégation (la forme de
confrontation étant peu présente quel que soit le dispositif d’apprentissage). Cette forme de
délégation a déjà été évoquée en course d’orientation dans les leçons d’EPS par Blanchard
(2008) : l’étude portait sur une comparaison des avantages et des inconvénients sur l’activité
individuelle vs activité collective en course d’orientation - l’auteur catégorisant cette
configuration comme inconvénient en ce sens qu’un seul élève du groupe travaillait
activement. Pourtant, si nos résultats confirment cette présence de « locomotive/wagon », ils
montrent aussi qu’il suffit qu’un doute dans le choix du chemin apparaisse chez l’élève
porteur de carte pour que le partenaire propose un itinéraire et « reprenne la main » ou que
l’itinéraire proposé par l’élève porteur de carte conduisent la dyade dans une mauvaise
direction pour que celui-ci « laisse la main » à son partenaire. Les rôles des élèves
fluctuent donc au gré de la situation dans la course. Ce qui se joue dans cette dynamique des
interactions et qui échappe en partie au contrôle de l’enseignant d’EPS est source de savoir-
faire sociaux. C’est dans le « jeu » des confrontations, délégations ou des co-constructions
que les élèves apprennent sur eux-mêmes et sur les autres.
161
Partie 4. Analyse quantitative
La deuxième analyse comprenant le traitement quantitatif des données issues de
l’analyse qualitative précédente a consisté à représenter graphiquement la dynamique des
formes d’interaction au sein des dyades d’élèves et à caractériser cette dynamique.
Cette analyse quantitative est composée de trois chapitres :
Le chapitre 1 présente la première étape quantitative de traitement des données
Le chapitre 2 décrit les résultats issus de cette analyse quantitative
Le chapitre 3 discute des résultats obtenus
162
CHAPITRE 1 METHODE DE TRAITEMENT DES
DONNEES
Ce chapitre présente l’emprunt d’un outil hétérodoxe à notre cadre théorique et
méthodologique d’appartenance. Il ambitionnera d’expliquer la construction et l’ajustement
de la méthode de traitement quantitatif des données. Dans un premier temps, il s’agira
d’expliciter la construction de la « fenêtre mobile temporelle d’analyse » permettant de
représenter graphiquement les dynamiques des formes d’interaction identifiées entre les
élèves. Dans un second temps, nous présenterons les trois indicateurs de cette dynamique qui
la caractérise et permettent sa représentation graphique.
163
Chapitre 1. Méthode de traitement des données
1. Labellisation et définition d’une fenêtre mobile
Sur la base de l’analyse de l’articulation collective des cours d’action individuels nous
permettant d’établir des formes typiques d’interaction (i.e. la première étape de traitement des
données), nous avons attribué à chaque seconde un label correspondant à une forme
particulière d’interaction jusqu’à la fin de la course. Nous avons donc d’abord identifié à
chaque seconde de la course la forme typique d’interaction présentée par chaque dyade. A
titre d’exemple, dans la dyade 4, à la seconde « 4s », la forme typique d’interaction
correspondait à une forme de délégation et a été labélisée par un « C ». En revanche, à la
seconde « 2066s », la forme typique d’interaction correspondait à une forme de co-
construction labélisée par un « A » (Tableau 36). Cela nous a permis d’obtenir le nombre
d’occurrences pour chaque forme d’interaction, dans chaque dyade, et pour chacun des quatre
dispositifs d’apprentissage. A partir de ces résultats, nous avons pu inventorier le nombre total
d’occurrences de toutes les formes d’interaction. Nous avons ainsi pu calculer le pourcentage
de chaque forme typique d’interaction pour chaque dyade dans les différents dispositifs
d’apprentissage. A titre d’exemple, pour la dyade 4, nous avons identifié 965 occurrences en
co-construction, 81 en confrontation et 1020 en délégation. Cela donne 2066 occurrences au
total permettant de calculer la présence de chacune des formes en pourcentages (e.g., 81/2066
= 3,9% de confrontation).
164
Dyade 4 : Lola/Lucie - Dispositif chambre
Temps en secondes Labellisation des formes
d’interaction
1 C A : co-construction
B : confrontation
C : délégation
2 C
3 C
4 C
(…)
2066 A
Tableau 36 : Extrait illustrant la labellisation des formes d’interaction typiques dans la dyade
4 (Lola et Lucie)
Nous avons ensuite défini une fenêtre temporelle mobile d’analyse permettant sur toute la
durée de la course de saisir la part de l’interaction précédente et la part de l’interaction
potentiellement émergente dans l’activité des dyades. Cette fenêtre mobile d’une durée de
trois minutes a été déplacée toutes les minutes jusqu’à la fin de la course (Figure 16). Ces
paramètres ont pu être déterminés à partir de l’analyse de l’articulation collective des cours
d’action individuels des deux élèves. Elle a permis en effet d’identifier la durée de trois
minutes comme une fenêtre temporelle mobile significative pour repérer des changements de
formes d’interaction entre les élèves dans la dyade (i.e. cette durée correspondait à une durée
suffisamment grande pour pouvoir repérer des changements dans les formes d’interaction
entre les élèves dans la dyade). Afin de circonscrire dans ce laps de temps le début et la fin de
chaque forme d’interaction pour en saisir le flux, nous avons analysé minute par minute
chaque fenêtre temporelle. Ce pas d’une minute nous garantissait en effet le repérage à un
grain fin de tous les changements possibles de formes d’interaction afin de n’en manquer
aucune sur toute la durée de la course.
165
Figure 16 : Illustration de l’utilisation d’une fenêtre mobile
A partir de cette fenêtre mobile, trois indicateurs ont été calculés afin de rendre compte de la
dynamique des formes d’interaction : 1) la quantité de changements dans les formes
d’interaction présentées par chaque dyade (i.e. ratio de changements) ; 2) la tendance à la
disparition ou à l’émergence de telle ou telle forme d’interaction au cours du temps dans
chaque dyade (i.e. répartition des formes d’interaction) et 3) la nature des changements d’une
forme d’interaction à une autre dans le temps (i.e. récurrence des successions des formes
d’interaction) grâce au logiciel MATLAB2.
2 MATLAB (Matrix Laboratory) est un logiciel de programmation de calculs numériques. Il permet d’utiliser des matrices (interprétant des phénomènes linéaires et non linéaires), d’afficher des courbes, d’obtenir des représentations graphiques à partir de données numériques.
166
2. Indicateurs de la dynamique des formes d’interaction
2.1 Ratio de changements
Premièrement, la quantité de changements est caractérisée par le ratio de changements
des interactions. Il correspond au rapport en pourcentage entre le nombre réel de changements
observés dans les interactions et le nombre de changements potentiels qui auraient pu s’opérer
à l’intérieur d’une fenêtre temporelle. A titre d’exemple, dans la Figure 16, la fenêtre
temporelle « t1 » rend compte de dix interactions successives suivant la logique [A, A, A, A,
A, A, C, A, A, C]. Le ratio de changement est de 3 (nombre observé de changement) / 9
(nombre de changements potentiels) x 100 soit égal à 33,3%. Dans la fenêtre « t2 », dix
interactions successives s’organisent différemment suivant la logique [A, A, C, A, A, C, A, A,
C, B]. Le ratio de changements est de 6 / 9 x 100 soit égal à 66,9%. Dans la fenêtre temporelle
« t3 », dix interactions successives s’organisent différemment suivant la logique [A, C, A, A,
C, B, B, C, C, A]. Le ratio est alors de 6 / 9 x 100 soit égal à 66,6%. Le ratio de changements
renseigne donc sur la dynamique de la quantité des changements entre les formes
d’interaction au cours du temps.
2.2 Répartitions des formes d’interaction
Deuxièmement, l’indicateur répartition des formes d’interaction a été calculé afin de
mettre en évidence la tendance d’émergence et de disparition des formes d’interaction au
cours du temps. A l’intérieur de chaque fenêtre temporelle, il correspond à la distribution en
pourcentage des formes d’interaction relevées. A titre d’exemple, dans la Figure 16, la fenêtre
temporelle « t1 » rend compte d’une suite de dix interactions suivant la logique [A, A, A, A,
A, A, C, A, A, C]. Parmi ces dix interactions, huit ont un label « A », deux ont un label « C »,
soit, respectivement, une répartition égale à 8 / 10 x 100 (80% de présence de l’interaction
labélisée « A ») et 2 / 10 x 100 (20% de présence de l’interaction labélisée « C »). La fenêtre
temporelle « t2 » rend compte d’une suite de dix interactions successives suivant la logique
[A, A, C, A, A, C, A, A, C, B]. Parmi ces dix interactions, six ont un label « A », une a un
label « B » et trois ont un label « C » soit, respectivement, une répartition égale à 6 / 10 x 100
(60% de présence de l’interaction labélisée « A »), 1 / 10 x 100 (10% de présence de
167
l’interaction labélisée « B ») et 3 / 10 x 100 (30% de présence de l’interaction labélisée
« C »). La fenêtre temporelle « t3 » rend compte d’une suite de dix interactions suivant la
logique [A, C, A, A, C, B, B, C, C, A]. Parmi ces dix interactions, quatre ont un label « A »,
deux ont un label « B » et quatre ont un label de « C » soit, respectivement, une répartition
égale à 4 / 10 x 100 (40% de présence de l’interaction labélisée « A »), 2 / 10 x 100 (20% de
présence de l’interaction labélisée « B ») et 4 / 10 x 100 (40% de présence de l’interaction
labélisée « C »). Du fait de la superposition partielle des fenêtres mobiles, une fenêtre
temporelle à un instant donné tient compte en partie des formes d’interaction de la fenêtre
mobile précédente et aussi celles de la fenêtre suivante. La répartition des interactions
renseigne donc sur la dynamique des tendances de la distribution des formes d’interaction au
cours du temps.
2.3 Récurrence des successions des formes d’interaction
Troisièmement, la récurrence dans l’évolution d’une forme d’interaction à une autre
est caractérisée par la récurrence des successions des formes d’interaction. Cet indicateur
correspond à l’identification au cours du temps d’un changement dans la nature d’une
interaction à une autre. Cet indicateur rend compte de la répétition des interactions dans le
temps (i.e. succession d’une interaction à l’instant ‘t’ à la même interaction à ‘t + 1’) et du
changement des interactions dans le temps (i.e. succession d’une interaction à l’instant ‘t’ à
une autre interaction à ‘t + 1’). A titre d’exemple, dans la Figure 16, la fenêtre temporelle
« t1 » rend compte de dix interactions successives suivant la logique [A, A, A, A, A, A, C, A,
A, C]. Les changements d’une forme d’interaction à une autre possibles s’opérant sont
[A→A] ; [A→C] ; [C→C] ; [C→A]. Dans cette fenêtre [A, A, A, A, A, A, C, A, A, C], il y a
six répétitions [A→A], deux changements [A→C], un changement [C→A]. Dans la fenêtre
« t2 », dix interactions successives s’organisent différemment suivant la logique [A, A, C, A,
A, C, A, A, C, B]. Les changements d’une forme d’interaction à une autre possibles s’opérant
sont [A→A] ; [A→C] ; [A→B] ; [B→A] ; [B→C] ; [C→C] ; [C→A] ; [C→B]. Dans cette
fenêtre [A, A, C, A, A, C, A, A, C, B], il y a trois répétitions [A→A], trois changements
[A→C], deux changements [C→A] et un changement [C→B]. Dans la fenêtre temporelle
« t3 », dix interactions successives s’organisent différemment suivant la logique [A, C, A, A,
C, B, B, C, C, A]. Les changements d’une forme d’interaction à une autre possibles s’opérant
168
sont [A→A] ; [A→C] ; [A→B] ; [B→B] ; [B→A] ; [B→C] ; [C→C] ; [C→A] ; [C→B].
Dans cette fenêtre [A, C, A, A, C, B, B, C, C, A], il y a une répétition [A→A], deux
changements [C→A], deux changements [A→C], un changement [C→B], une répétition
[B→B], une répétition [C→C] et un changement [B→C]. La récurrence des successions des
formes d’interaction renseigne donc la nature des changements d’une forme d’interaction à
une autre que ni le ratio de changement ni la répartition des formes d’interaction pris
séparément ne permettent. La récurrence des successions des formes d’interaction renseigne
donc une dynamique des changements de la nature d’une forme d’interaction à une autre au
cours du temps.
Dans le cadre de notre étude centrée sur la dynamique des formes d’interaction en course
d’orientation, la labellisation des données d’expérience puis leur traitement quantitatif à partir
des indicateurs de ratio de changements, de répartitions des formes d’interaction, et de
récurrence des successions des formes d’interaction favorisent la compréhension de cette
dynamique pour chaque dyade en rendant compte de la quantité des changements d’une forme
d’interaction à une autre, de la tendance à émerger ou à disparaître de ces formes
d’interaction, et de la nature des changements opérés entre ces formes au fil de la course et en
fonction du dispositif d’apprentissage.
169
CHAPITRE 2
Résultats
Ce chapitre présente les résultats issus d’une analyse quantitative opérée dans la
deuxième étape de traitement des données. Particulièrement, celle-ci mettra en évidence trois
lignes de résultats : premièrement, à partir du nombre d’occurrences de chaque forme
d’interaction, il pointe la répartition en pourcentage des formes d’interaction pour chaque
dyade d’élèves dans les différents dispositif d’apprentissage étudiés ; deuxièmement, il ressort
des singularités et des similarités dans les dynamiques des formes d’interaction des dyades
d’élèves selon les différents dispositifs d’apprentissage de course d’orientation ;
troisièmement, il résulte que le mode d’utilisation dyadique de la carte participe à la
dynamique des formes d’interaction, et précisément à trois stabilités récurrentes de formes
d’interaction et à six changements récurrents entre ces formes.
170
Chapitre 2. Résultats
L’analyse quantitative nous a permis de rendre compte du nombre d’occurrences des
différentes formes d’interaction dans chaque dyade d’élèves pour chacun des dispositifs
d’apprentissage et de caractériser la dynamique de ces formes d’interactions.
1. Nombre d’occurrences des formes d’interaction
1. 1 Dispositif sans chambre
Dans le dispositif sans chambre, le nombre d’occurrences des trois formes
d’interaction montre dans les deux dyades étudiées que la forme de confrontation est
minoritaire avec un pourcentage inférieur à 3%. La délégation, quant à elle, est
systématiquement supérieure à 80% tandis que celle de la co-construction est inférieure à 20%
(Tableau 37).
Forme d’interaction Occurrences %
Dyade 1
(Marie/Mélanie)
Co-construction 300/2065 14,5%
Confrontation 60/2065 2,9%
Délégation 1705/2065 82,6%
Dyade 2
(Sophie/Camille)
Co-construction 323/1891 17,1%
Confrontation 20/1891 1,1%
Délégation 1548/1891 81,8%
Tableau 37 : Nombre d’occurrences et pourcentages des formes d’interaction dans le
dispositif sans chambre
171
1. 2 Dispositif chambre
Dans le dispositif chambre, le nombre d’occurrences des trois formes d’interaction
montre chez les deux dyades étudiées que la forme de confrontation est minoritaire avec un
pourcentage inférieur à 4%. La délégation, quant à elle, oscille entre 38,4% et 49,4% tandis
que celle de la co-construction entre 46,7% et 61,6% (Tableau 38).
Forme d’interaction Occurrences %
Dyade 3
(Cédric/Antoine)
Co-construction 879/1426 61,6%
Confrontation 0/1426 0%
Délégation 547/1426 38,4%
Dyade 4
(Lola/Lucie)
Co-construction 965/2066 46,7%
Confrontation 81/2066 3,9%
Délégation 1020/2066 49,4%
Tableau 38 : Nombre d’occurrences et pourcentages des formes d’interaction dans le
dispositif chambre
172
1. 3 Dispositif 2 cartes
Dans le dispositif 2 cartes, le nombre d’occurrences des trois formes d’interaction
montre que la forme de confrontation est minoritaire avec un pourcentage oscillant de 0,1% à
2,2% selon la dyade. La délégation, quant à elle, oscille entre 48,7% et 69,6% tandis que celle
de la co-construction entre 30,3% et 49,1% (Tableau 39).
Forme d’interaction Occurrences %
Dyade 1
(Marie/Mélanie)
Co-construction 805/2656 30,3%
Confrontation 3/2656 <1%
Délégation 1848/2656 69,6%
Dyade 2
(Sophie/Camille)
Co-construction 664/1799 36,9%
Confrontation 5/1799 <1%
Délégation 1130/1799 62,8%
Dyade 5
(Adrien/John)
Co-construction 1164/2369 49,1%
Confrontation 53/2369 2,2%
Délégation 1152/2369 48,7%
Tableau 39 : Nombre d’occurrences et pourcentages des formes d’interaction dans le
dispositif 2 cartes
173
1. 4 Dispositif leurre
Dans le dispositif leurre, le nombre d’occurrences des trois formes d’interaction
montre dans les deux dyades étudiées que la forme de confrontation est minoritaire avec un
pourcentage avoisinant les 5%. La délégation, quant à elle, oscille entre 50,9% et 54,1%
tandis que celle de la co-construction entre 40,6% et 44,3% (Tableau 40).
Forme d’interaction Occurrences %
Dyade 2
(Sophie/Camille)
Co-construction 925/2277 40,6%
Confrontation 121/2277 5,3%
Délégation 1231/2277 54,1%
Dyade 6
(Régis/David)
Co-construction 722/1630 44,3%
Confrontation 78/1630 4,8%
Délégation 830/1630 50,9%
Tableau 40 : Nombre d’occurrences et pourcentages des formes d’interaction dans le
dispositif leurre
1. 5 Synthèse comparative
La présence des formes d’interaction quel que soit le dispositif montre que seule la
présence de la forme de confrontation reste minoritaire par rapport aux deux autres (elle
n’excède pas 5%). De plus, dans le dispositif sans chambre, la forme délégation est nettement
supérieure à celle de la co-construction tandis que, dans les trois autres dispositifs, cette
différence n’est pas aussi importante. Seul le dispositif chambre montre une supériorité de la
présence de la forme co-construction par rapport à la délégation (Tableau 41).
174
Forme
co-construction
Forme
confrontation
Forme
Délégation
Dispositif
sans chambre 15,8% 2% 82,2%
Dispositif
chambre 54,1% 1,9% 44%
Dispositif
2 cartes 38,8% <1% 60,3%
Dispositif
leurre 42,5% 5% 52,5%
Tableau 41 : Pourcentages de la présence des formes d’interaction en fonction des dispositifs
d’apprentissage
175
2. Dynamiques des formes d’interaction
Nos résultats montrent que les dynamiques des formes d’interaction entre les élèves
pour chaque dyade présentent à la fois des singularités et des similarités entre les différents
dispositifs d’apprentissage.
2.1 Dispositif sans chambre
2.1.1 Ratio de changements
Dans la dyade 1 (Marie/Mélanie), les valeurs du ratio de changements oscillent de 0%
à 5% avec un plateau à 0% durant la deuxième moitié de la course. Ce ratio remonte en toute
fin de course à 1% (Figure 17).
Figure 17 : Ratio de changements des formes d’interaction de la dyade 1 (Marie/Mélanie)
dans le dispositif sans chambre
176
Dans la dyade 2 (Sophie/Camille), les valeurs oscillent de 0% à 6% au cours du temps.
A partir de la 15ème minute, elles diminuent avec un plateau à 0% en fin de course (Figure 18).
Figure 18 : Ratio de changements des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille)
dans le dispositif sans chambre
Dans le dispositif sans chambre, les ratios de changements montrent donc une
similitude dans la dynamique des formes d’interaction chez les deux dyades étudiées : si elle
se caractérise dans la première partie de la course par des changements d’une forme
d’interaction à une autre, celle-ci, dans la deuxième, se caractérise par une diminution du
nombre de ces changements jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus aucun.
177
2.1.2 Répartition des formes d’interaction
Dans la dyade 1 (Marie/Mélanie), la répartition des formes d’interaction montre en
première partie de course une tendance à l’alternance de forme de co-construction, de
délégation et de confrontation jusqu’à une deuxième partie où une tendance majoritaire à la
délégation émerge. En toute fin de course, cette tendance majoritaire s’efface en partie au
profit de la forme de co-construction qui réapparait (Figure 19).
Figure 19: Répartition des formes d’interaction de la dyade 1 (Marie/Mélanie) dans le
dispositif sans chambre
178
Dans la dyade 2 (Camille/Sophie), la répartition des formes d’interaction montre
quatre pics de co-construction tout au long de la course au cours desquels la tendance à la
délégation s’efface. Cette tendance devient cependant exclusive en fin de course (Figure 20).
Figure 20 : Répartition des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille) dans le
dispositif sans chambre
Dans le dispositif sans chambre, la répartition des formes d’interaction montre des
fluctuations au cours du temps avec soit une tendance à la co-construction soit une tendance à
la délégation et très peu de confrontation. Particulièrement, elle montre une similitude
manifeste dans la dynamique des formes d’interaction chez les deux dyades étudiées : en
début de course, il est possible de noter des fluctuations dans les formes d’interaction puis en
fin de course une tendance à la stabilisation de la forme délégation.
179
2.1.3 Récurrence des successions des formes d’interaction
Dans la dyade 1, la récurrence de successions des formes d’interaction montre la
présence de 4 changements et des 3 stabilités possibles : 1) une stabilité de co-construction ;
2) un changement co-construction/confrontation ; 3) un changement co-
construction/délégation ; 4) une stabilité de confrontation ; 5) un changement
confrontation/délégation ; 6) un changement délégation/co-construction ; 7) une stabilité de
délégation (Figure 21).
Figure 21 : Récurrence de successions des formes d’interaction de la dyade 1
(Marie/Mélanie) dans le dispositif sans chambre
nombre d’occurrences
180
La stabilité délégation est majoritaire et représente 72,6% de l’ensemble des
stabilités/changements dans la dyade 1 (Tableau 42).
Stabilité/Changement Occurrences Pourcentages
co-construction
� co-construction 529/2064 25,6%
co-construction
� confrontation 2/2064 <1%
co-construction
� délégation 10/2064 <1%
Confrontation
� confrontation 14/2064 <1%
Confrontation
� délégation 2/2064 <1%
Délégation
� co-construction 8/2064 <1%
Délégation
� délégation 1499/2064 72,6%
Tableau 42 : Occurrences et pourcentages des stabilités/changements opérés dans la
dynamique des formes d’interaction de la dyade 1 (Marie/Mélanie) dans le dispositif sans
chambre
181
Dans la dyade 2, la récurrence de successions des formes d’interaction montre la
présence des 6 changements et des 3 stabilités possibles : 1) une stabilité de co-construction ;
2) un changement co-construction/confrontation ; 3) un changement co-
construction/délégation ; 4) un changement confrontation/co-construction ; 5) une stabilité de
confrontation ; 6) un changement confrontation/délégation ; 7) un changement délégation/co-
construction ; 8) un changement délégation/confrontation ; 9) une stabilité de délégation
(Figure 22).
Figure 22 : Récurrence de successions des formes d’interaction de la dyade 2
(Sophie/Camille) dans le dispositif sans chambre
nombre d’occurrences
182
La stabilité de la forme délégation est majoritaire et représente 81,6% de l’ensemble des
stabilités/changements dans la dyade (Tableau 43).
Stabilité/Changement Occurrences Pourcentages
co-construction
� co-construction 301/1890 15,9%
co-construction
� confrontation 2/1890 <1%
co-construction
� délégation 10/189 <1%
Confrontation
� co-construction 2/1890 <1%
Confrontation
� confrontation 20/1890 1,1%
Confrontation
� délégation 2/1890 <1%
Délégation
� co-construction 8/1890 <1%
Délégation
� confrontation 2/1890 <1%
Délégation
� délégation 1543/1890 81,6%
Tableau 43 : Occurrences et pourcentages des stabilités/changements opérés dans la
dynamique des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille) dans le dispositif sans
chambre
183
2.2 Dispositif chambre
2.2.1 Ratio de changements
Dans la dyade 3 (Cédric/Antoine), la valeur du ratio de changements en début de
course est de l’ordre de 9% et chute dans les cinq premières minutes très rapidement à 1%.
Jusqu’à la fin de la course, ce ratio reste inférieur à 1%. Au milieu de la course et en fin de
course, le ratio stagne à 0% pendant quelques minutes (Figure 23).
Figure 23 : Ratio de changements des formes d’interaction de la dyade 3 (Cédric/Antoine)
dans le dispositif chambre
184
Dans la dyade 4 (Lola/Lucie), la valeur du ratio de changements en début de course est
l’ordre de 10% et diminue progressivement pour atteindre près de 2% en fin de course (Figure
24).
Figure 24: Ratio de changements des formes d’interaction de la dyade 4 (Lola/Lucie) dans
le dispositif chambre
Dans le dispositif chambre, les ratios de changement montrent une similitude dans la
dynamique des formes d’interaction chez les deux dyades étudiées : elle se caractérise par une
diminution du nombre de changements d’une forme d’interaction à une autre au cours du
temps.
185
2.2.2 La répartition des formes d’interaction
Dans la dyade 3 (Cédric/Antoine), la répartition des formes d’interaction montre une
distribution soit avec une tendance à la co-construction soit avec une tendance à la délégation
tout au long de la course (Figure 25).
Figure 25 : Répartition des formes d’interaction de la dyade 3 (Cédric/Antoine) dans le
dispositif chambre
186
Dans la dyade 4 (Lola/Lucie), la répartition des formes d’interaction montre une
distribution fluctuante en « dents de scie » entre la forme de co-construction et la forme de
délégation avec des moments ponctuels de confrontation (Figure 26).
Figure 26 : Répartition des formes d’interaction de la dyade 4 (Lola/Lucie) dans le dispositif
chambre
Dans le dispositif chambre, les répartitions des formes d’interaction ne montrent pas
de similitudes manifestes dans la dynamique de ces formes exceptées les présences en fin de
course d’une inversion des tendances : d’une tendance à la co-construction qui s’efface au
profit d’une délégation, à une tendance à cette délégation qui s’efface au profit d’une co-
construction.
187
2.2.3 Récurrence des successions des formes d’interaction
Dans la dyade 3, la récurrence de successions des formes d’interaction montre la
présence de 2 changements et de 2 stabilités : 1) une stabilité de co-construction ; 2) un
changement co-construction/délégation ; 3) un changement délégation/co-construction ; 4)
une stabilité de délégation (Figure 27).
Figure 27 : Récurrence de successions des formes d’interaction de la dyade 3
(Cédric/Antoine) dans le dispositif chambre
nombre d’occurrences
188
Les stabilités des formes co-construction et délégation sont majoritaires et représentent
respectivement 53,1% et 45,1% de l’ensemble des stabilités/changements dans la dyade
(Tableau 44).
Stabilité/Changement Occurrences Pourcentages
co-construction
� co-construction 757/1425 53,7%
co-construction
�délégation 12/1425 <1%
Délégation
� co-construction 13/1425 <1%
Délégation
� délégation 643/1425 45,3%
Tableau 44 : Occurrences et pourcentages des stabilités/changements opérés dans la
dynamique des formes d’interaction de la dyade 3 (Cédric/Antoine) dans le dispositif
chambre
189
Dans la dyade 4, la récurrence de successions des formes d’interaction montre la
présence des 6 changements et des 3 stabilités possibles : 1) une stabilité de co-construction ;
2) un changement co-construction/confrontation ; 3) un changement co-
construction/délégation 4) un changement confrontation/co-construction ; 5) une stabilité de
confrontation ; 6) un changement confrontation/délégation ; 7) un changement délégation /co-
construction ; 8) un changement délégation/confrontation ; 9) une stabilité de délégation
(Figure 28).
Figure 28 : Récurrence de successions des formes d’interaction de la dyade 4 (Lola/Lucie)
dans le dispositif chambre
nombre d’occurrences
190
Les stabilités des formes co-construction et délégation sont majoritaires et représentent
respectivement 36,4% et 59% de l’ensemble des stabilités/changements dans la dyade
(Tableau 45).
Stabilité/Changement Occurrences Pourcentages
co-construction
� co-construction 751/2065 36,4%
co-construction
� confrontation 5/2065 <1%
co-construction
� délégation 25/2065 1,2%
Confrontation
� co-construction 2/2065 <1%
Confrontation
� confrontation 36/2065 1,7%
Confrontation
� délégation 4/2065 <1%
Délégation
� co-construction 21/2065 1%
Délégation
� confrontation 2/2065 <1%
Délégation
� délégation 1219/2065 59%
Tableau 45 : Occurrences des stabilités/changements opérés dans la dynamique des formes
d’interaction de la dyade 4 (Lola/Lucie) dans le dispositif chambre
191
2.3 Dispositifs 2 cartes
2.3.1 Le ratio de changements
Dans la dyade 1 (Marie/Mélanie), les valeurs du ratio de changements oscillent
constamment de 0% à 2,5% durant toute la course. Au milieu de la course, le ratio stagne à
0% pendant quelques minutes (Figure 29).
Figure 29 : Ratio de changements des formes d’interaction de la dyade 1 (Marie/Mélanie)
dans le dispositif 2 cartes
192
Dans la dyade 2 (Sophie/Camille), les valeurs du ratio de changements oscillent
constamment entre 0% et moins de 4%. A deux reprises, le ratio atteint 0% dans la course
(Figure 30).
Figure 30 : Ratio de changements des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille)
dans le dispositif chambre
193
Dans la dyade 5 (Adrien/John), les valeurs du ratio de changements oscillent
constamment entre 0% et 5%. A trois reprises, le ratio est de 0% dans la course (Figure 31).
Figure 31 : Ratio de changements des formes d’interaction de la dyade 5 (Adrien/John) dans
le dispositif chambre
Dans le dispositif 2 cartes, les ratios de changements montrent une similitude chez les
trois dyades étudiées : la dynamique des formes d’interaction se caractérise par une
fluctuation constante de changement d’une forme d’interaction à une autre tout au long de la
course.
194
2.3.2 Répartitions des formes d’interaction
Dans la dyade 1 (Marie/Mélanie), la répartition des formes d’interaction montre en
première partie de course une alternance de formes de co-construction et de délégation avec
une tendance majoritaire de la délégation. Cette tendance s’inverse en deuxième partie de
course avec une alternance entre les formes de co-construction et de délégation avec une
tendance majoritaire à la co-construction. Au milieu de la course, un plateau de délégation
apparaît (Figure 32).
Figure 32 : Répartition des formes d’interaction de la dyade 1 (Marie/Mélanie) dans le
dispositif 2 cartes
195
Dans la dyade 2 (Sophie/Camille), la répartition des formes d’interaction montre une
alternance équilibrée entre les formes de délégation et de co-construction. Cette tendance
majoritaire est accompagnée de la présence de la forme confrontation de manière minoritaire
(Figure 33).
Figure 33 : Répartition des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille) dans le
dispositif 2 cartes
196
Dans la dyade 5 (Adrien/John), la répartition des formes d’interaction montre en
première partie de course une alternance de forme de co-construction et de délégation avec
une tendance très majoritaire à la co-construction. Cette tendance s’inverse en deuxième
partie de course avec une alternance entre formes de co-construction et de délégation avec une
tendance majoritaire à la délégation. Tout au long de la course, une tendance minoritaire de
confrontation émerge (Figure 34).
Figure 34 : Répartition des formes d’interaction de la dyade 5 (Adrien/John) dans le
dispositif 2 cartes
Dans le dispositif 2 cartes, les répartitions des formes d’interaction montrent une
tendance à l’alternance majoritaire des formes de co-construction et des formes de délégation
tout au long de la course.
197
2.3.3 Récurrence des successions des formes d’interaction
Dans la dyade 1, la récurrence de successions des formes d’interaction montre la
présence de 4 changements et des 3 stabilités : 1) une stabilité de co-construction ; 2) un
changement co-construction/délégation ; 3) une stabilité de confrontation ; 4) un changement
confrontation/délégation ; 5) un changement délégation/co-construction ; 6) un changement
délégation/confrontation ; 7) une stabilité de délégation (Figure 35).
Figure 35 : Récurrence de successions des formes d’interaction de la dyade 1
(Marie/Mélanie) dans le dispositif 2 cartes
nombre d’occurrences
198
Les deux stabilités majoritaires sont la délégation et celle de la co-construction et représentent
respectivement 71,9% et 27,4% de l’ensemble des stabilités/changements dans la dyade
(Tableau 46).
Stabilité/Changement Occurrences Pourcentages
co-construction
� co-construction 718/2655 27,4%
co-construction
� délégation 17/2655 <1%
confrontation
� confrontation 1/2655 <1%
confrontation
� délégation 1/2655 <1%
délégation
� co-construction 10/2655 <1%
délégation
� confrontation 1/2655 <1%
délégation
� délégation 1907/2655 71,9%
Tableau 46 : Occurrences et pourcentages des stabilités/changements opérés dans la
dynamique des formes d’interaction de la dyade 1 (Marie/Mélanie) dans le dispositif 2 cartes
199
Dans la dyade 2, la récurrence de successions des formes d’interaction montre la
présence de 4 changements et des 3 stabilités : 1) une stabilité de co-construction ; 2) un
changement co-construction/délégation ; 3) une stabilité de confrontation ; 4) un changement
confrontation/délégation ; 5) un changement délégation/co-construction ; 6) un changement
délégation/confrontation ; 7) une stabilité de délégation (Figure 36).
Figure 36 : Récurrence de successions des formes d’interaction de la dyade 2
(Sophie/Camille) dans le dispositif 2 cartes
nombre d’occurrences
200
Les deux stabilités majoritaires sont la délégation et la co-construction et représentent
respectivement 57,3% et 40,9% de l’ensemble des stabilités/changements dans la dyade
(Tableau 47).
Stabilité/Changement Occurrences Pourcentages
co-construction
� co-construction 735/1798 40,9%
co-construction
� délégation 13/1798 <1%
confrontation
� confrontation 4/1798 <1%
confrontation
� délégation 2/1798 <1%
délégation
� co-construction 12/1798 <1%
délégation
� confrontation 2/1798 <1%
délégation
� délégation 1030/1798 57,3%
Tableau 47 : Occurrences et présence des stabilités/changements opérés dans la dynamique
des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille) dans le dispositif 2 cartes
201
Dans la dyade 5, la récurrence de successions des formes d’interaction montre la
présence de 5 changements et des 3 stabilités : 1) une stabilité de co-construction ; 2) un
changement co-construction/délégation ; 3) un changement confrontation/co-construction ; 4)
une stabilité de confrontation ; 5) un changement confrontation/délégation ; 6) un changement
délégation/co-construction ; 7) un changement délégation/confrontation ; 8) une stabilité de
délégation (Figure 37).
Figure 37: Récurrence de successions des formes d’interaction de la dyade 5 (Adrien/John)
dans le dispositif 2 cartes
nombre d’occurrences
202
Les deux stabilités majoritaires sont la délégation et la co-construction, et représentent
respectivement 54,4% et 43,4% de l’ensemble des stabilités/changements dans la dyade
(Tableau 48).
Stabilité/Changement Occurrences Pourcentages
co-construction
� co-construction 1028/2368 43,4%
co-construction
� délégation 10/2368 <1%
confrontation
� co-construction 1/2368 <1%
confrontation
� confrontation 21/2368 <1%
confrontation
� délégation 4/2368 <1%
délégation
� co-construction 9/2368 <1%
délégation
� confrontation 6/2368 <1%
délégation
� délégation 1289/2638 54,4%
Tableau 48 : Occurrences et pourcentages des stabilités/changements opérés dans la
dynamique des formes d’interaction de la dyade 5 (Adrien/John) dans le dispositif 2 cartes
Dans le dispositif 2 cartes, la récurrence des successions des formes d’interaction
montrent une similitude manifeste chez les deux dyades étudiées : les changements
majoritaires sont la co-construction et la forme délégation.
203
2.4 Dispositif leurre
2.4.1 Ratio de changements
Dans la dyade 2 (Sophie/Camille), les valeurs du ratio de changements oscillent
constamment de 0% à 4% tout au long de la course avec un plateau à 0% en fin de course
(Figure 38).
Figure 38 : Ratio de changements des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille)
dans le dispositif leurre
204
Dans la dyade 6 (Régis/David), les valeurs du ratio de changements oscillent
constamment de 0% à 5% tout au long de la course. Dans la deuxième moitié, le ratio atteint
0% pendant quelques minutes (Figure 38).
Figure 39 : Ratio de changements des formes d’interaction de la dyade 6 (Régis/David)
dans le dispositif leurre
Dans le dispositif leurre, les ratios de changements montrent une similitude chez les
deux dyades étudiées : la dynamique des formes d’interaction se caractérise par une
fluctuation constante de changement d’une forme d’interaction à une autre tout au long de la
course.
205
2.4.2 Répartition des formes d’interaction
Dans la dyade 2 (Sophie/Camille), la répartition des formes d’interaction montre 4
pics de co-construction tout au long de la course au cours desquels la tendance à la délégation
s’efface. A deux reprises, la forme de confrontation apparaît et devient plus importante en fin
de course sur quelques minutes (Figure 40).
Figure 40 : Répartition des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille) dans le
dispositif leurre
Dans la dyade 6 (Régis/John), la répartition des formes d’interaction montre 3 pics de
co-construction tout au long de la course au cours desquels la tendance à la délégation
206
s’efface. Cette tendance devient cependant majoritaire en deuxième partie de course pendant
une minute. Les 3 pics de co-construction sont accompagnés d’une tendance minoritaire à la
forme confrontation (Figure 41).
Figure 41: Répartition des formes d’interaction de la dyade 6 (Régis/John) dans le dispositif
leurre
Dans le dispositif leurre, les répartitions des formes d’interaction montrent une
similitude chez les deux dyades étudiées. La dynamique des formes d’interaction se
caractérise par une distribution particulière de ces formes : tout au long de la course, émergent
des pics de co-construction atteignant dans les dyades les mêmes valeurs au détriment de la
délégation.
207
2.4.3 Récurrence des successions des formes d’interaction
Dans la dyade 9, la récurrence de successions des formes d’interaction montre la
présence des 6 changements et des 3 stabilités : 1) une stabilité de co-construction ; 2) un
changement co-construction/confrontation ; 3) un changement co-construction/délégation ; 4)
un changement confrontation/co-construction ; 5) une stabilité de confrontation ; 6) un
changement confrontation/délégation ; 7) un changement délégation/co-construction ; 8) un
changement délégation/confrontation ; 9) une stabilité de délégation (Figure 42).
Figure 42 : Récurrence de successions des formes d’interaction de la dyade 2
(Sophie/Camille) dans le dispositif leurre
nombre d’occurrences
208
Les stabilités des formes co-construction et délégation sont majoritaires et représentent
respectivement 58,4% et 40,1% de l’ensemble des stabilités/changements dans la dyade
(Tableau 49).
Stabilité/Changement Occurrences Pourcentages
co-construction
� co-construction 912/2276 40,1%
co-construction
� confrontation 2/2276 <1%
co-construction
� délégation 9/2276 <1%
confrontation
� co-construction 1/2276 <1%
confrontation
� confrontation 7/2276 <1%
confrontation
� délégation 1/2276 <1%
délégation
� co-construction 9/2276 <1%
délégation
� confrontation 2/2276 <1%
délégation
� délégation 1333/2276 58,4%
Tableau 49 : Occurrences et pourcentages des stabilités/changements opérés dans la
dynamique des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille) dans le dispositif leurre
209
Dans la dyade 6, la récurrence de successions des formes d’interaction montre la
présence des 6 changements et des 3 stabilités possibles : 1) une stabilité de co-construction ;
2) un changement co-construction/confrontation ; 3) un changement co-
construction/délégation ; 4) un changement confrontation/co-construction ; 5) une stabilité de
confrontation ; 6) un changement confrontation/délégation ; 7) un changement délégation/co-
construction ; 8) un changement délégation/confrontation ; 9) une stabilité de délégation
(Figure 43).
Figure 43 : Récurrence de successions de la dynamique des formes d’interaction de la
dyade 6 (Régis/David) dans le dispositif leurre
nombre d’occurrences
210
Les stabilités des formes co-construction et délégation sont majoritaires et représentent
respectivement 40,6% et 55,9% de l’ensemble des stabilités/changements dans la dyade
(Tableau 50).
Stabilité/Changement Occurrences Pourcentages
co-construction
� co-construction 661/1629 40,6%
co-construction
� confrontation 5/1629 <1%
co-construction
� délégation 9/1629 <1%
confrontation
� co-construction 3/1629 <1%
confrontation
� confrontation 19/1629 1,2%
confrontation
� délégation 6/1629 <1%
délégation
� co-construction 9/1629 <1%
délégation
� confrontation 6/1629 <1%
délégation
� délégation 911/1629 55,9%
Tableau 50 : Occurrences et pourcentages des stabilités/changements opérés dans la
dynamique des formes d’interaction de la dyade 6 (Régis/David) dans le dispositif leurre
Dans le dispositif leurre, la récurrence des successions des formes d’interaction
montrent une similitude manifeste chez les deux dyades étudiées : les changements
majoritaires sont la co-construction et la forme délégation.
211
3. Dynamique des formes d’interaction indexée aux modes d’utilisation de la
carte
Nos résultats montrent que le mode d’utilisation dyadique de la carte participe à la
dynamique des formes d’interaction, et précisément à trois stabilités récurrentes dans les
formes d’interaction et à six changements récurrents entre ces formes.
3.1 Stabilité de la forme de co-construction
La première stabilité récurrente identifiée était celle de la forme co-construction. Cette
stabilité s’accompagnait majoritairement d’un maintien du mode d’utilisation détaché de la
carte et celui du mode partagé. Respectivement, ces modes représentaient toutes dyades et
dispositifs confondus 88,3% et 9,8%, les autres modalités d’utilisation de la carte
correspondant à un pourcentage inférieur ou égal à 1 (Tableau 51). A titre d’exemple, dans la
chambre d’appel, Cédric et Antoine traçaient chacun leur tour l’itinéraire de course, reprenant
en partie ce que venait de montrer le partenaire. A titre d’illustration, alors que Cédric et
Antoine, élèves de la dyade 3, découvraient la carte, tous les deux cherchaient à construire un
itinéraire de course. Antoine a proposé un itinéraire pour se rendre à la deuxième balise : « En
fait, on fait tout le tour et on passe à côté du stade de foot ». Cédric a acquiescé, reprenant
pour partie des éléments descriptifs de la proposition de son camarade : « Voilà, d’accord.
Oui, à côté du terrain de foot ». La forme de co-construction s’est maintenue accompagnée
d’un maintien du mode partagé de la carte durant cette construction d’itinéraire.
212
Stabilité de la forme co-construction
Maintien d’un même
mode/Passage d’un mode à
un autre
Occurrences Pourcentages
mode partagé
� mode partagé 626/6391 9,8%
mode partagé
� mode univoque 1/6391 <1%
mode partagé
� mode détaché 17/6391 <1%
mode univoque
� mode univoque 75/6391 <1%
mode univoque
� mode détaché 9/6391 <1%
mode détaché
� mode partagé 6/6391 <1%
mode détaché
� mode univoque 7/6391 <1%
mode détaché
� mode détaché 5645/6391 88,3%
autre (utilisation de la carte
d’une autre dyade) 5/6391 <1%
Tableau 51 : Présence des maintiens/passages d’un mode d’utilisation de la carte à un autre
dans la stabilité de la co-construction
213
3.2 Changement d’une interaction de co-construction à une interaction de
confrontation
Le premier changement récurrent repéré était celui d’une interaction de co-
construction à une interaction de confrontation au cours de laquelle les élèves ne s’accordaient
plus sur les modalités à suivre pour résoudre le problème posé. Ce changement
s’accompagnait majoritairement d’un maintien du mode partagé de la carte et d’un passage
d’un mode partagé à un mode univoque. Respectivement, ils ont représenté 25% et 62,6%
toutes dyades et dispositifs confondus, les autres modalités d’utilisation de la carte avoisinant
les 6% (Tableau 52). A titre d’exemple, Marie et Mélanie, élève de la dyade 1, ont dans un
premier temps utilisé conjointement la carte pour définir une direction à prendre, caractérisant
un mode partagé de la carte : « Ensuite on continue tout droit. Après, on tourne vers un
chemin vers la gauche et on prend la balise qui est juste ici » [suit avec son doigt un trait noir
sur la carte] (Marie, porteuse de carte) / « Ici ! » [Pointe sur la carte un endroit à côté de
celui de sa partenaire] (Mélanie, non porteur de carte). La forme d’interaction entre les élèves
était alors une co-construction. Celle-ci s’est prolongée jusqu’à ce que Mélanie ait manifesté
son désaccord : « Mais non ! Fais voir [prends la carte des mains de Marie]… On est mal
orientée. Regarde ! [tourne la carte]». Durant cette interaction, Mélanie a pu alors
s’approprier la carte, privant sa partenaire de toute utilisation : le mode d’utilisation de la
carte est devenu alors un mode univoque.
214
Changement d’une interaction de co-construction à une interaction de confrontation
Maintien d’un même
mode/Passage d’un mode à
un autre
Occurrences Pourcentages
mode partagé
� mode partagé 4/16 25%
mode partagé
� mode univoque 7/16 62,6%
mode détaché
� mode partagé 1/16 6,2%
mode détaché
� mode détaché 1/16 6,2%
Tableau 52 : Occurrences et pourcentages des maintiens/passages d’un mode d’utilisation de
la carte à un autre dans le changement de formes co-construction/confrontation
3.3 Changement d’une interaction de co-construction à une interaction de
délégation
Le deuxième changement récurrent repéré était celui d’une interaction de co-
construction à une interaction de délégation. Les élèves poursuivaient un objectif commun et
s’accordaient ensemble sur les modalités à mettre en œuvre pour résoudre le problème auquel
ils étaient confrontés (co-construction). Si les élèves poursuivaient le même objectif, au fil de
l’interaction l’un des deux « laissait la main » en restant relativement passif et n’agissait plus
pour aider à l’atteinte de l’objectif commun (délégation). Ce changement s’accompagnait
d’une présence plus importante d’un maintien du mode détaché de la carte (30,4%) et d’un
changement d’un mode partagé à un mode détaché (27%). Egalement, le maintien du mode
partagé et le passage d’un mode détaché vers un mode partagé ont représenté respectivement
14,8% et 17,3%, celui « autre » 8,7%, les autres modalités d’utilisation de la carte
correspondant à un pourcentage inférieur à 1% toutes dyades et dispositifs confondus
(Tableau 53). A titre d’illustration, l’utilisation partagée de la carte au sein de la dyade 1
(Marie/Mélanie) a, dans un premier temps, engagé les élèves dans des interactions de co-
215
construction afin de s’accorder sur le choix de l’itinéraire pour se rendre à la deuxième
balise : « Elle [la balise] est par-là [en balayant de son doigt une zone sur la carte] » (Marie,
porteuse de carte)/« Oui [pointant avec son doigt successivement le trait noir du chemin
carrossable et le cercle rouge représentant la balise] » (Mélanie, non porteuse de la carte).
Une fois l’itinéraire défini, les élèves ont commencé à suivre celui-ci en pointant de leur doigt
le trait noir représentant le chemin sur lequel ils évoluaient. Le mode d’utilisation partagé de
la carte et la forme d’interaction entre les deux élèves se sont modifiés lorsque Marie s’est
référée à des expériences passées pour poursuivre l’itinéraire sans consulter la carte : « C’est
comme au cross » (Marie, porteuse de carte). Elle a alors accéléré jusqu’au croisement de
chemins sans s’aider de la carte qu’elle avait plié pour courir plus vite et Mélanie l’a suivi en
accélérant également son allure sans demander d’explication. L’interaction est alors devenue
une interaction de délégation et le mode de la carte est devenu un mode détaché.
216
Changement d’une interaction de co-construction à une interaction de délégation
Maintien d’un même
mode/Passage d’un mode à
un autre
Occurrences Pourcentages
mode partagé
� mode partagé 17/115 14,8%
mode partagé
� mode univoque 1/115 <1%
mode partagé
� mode détaché 31/115 27%
mode univoque
� mode détaché 1/115 <1%
mode détaché
� mode partagé 19/115 17,3%
mode détaché
� mode univoque 2/115 1,7%
mode détaché
� mode détaché 35/115 30,4%
autre (utilisation de la carte
d’une autre dyade) 10/115 8,7%
Tableau 53 : Occurrences et pourcentages des maintiens/passages d’un mode d’utilisation de
la carte à un autre dans le changement de formes de co-construction/délégation
3.4 Changement d’une interaction de confrontation à une interaction de co-
construction
Le troisième changement récurrent identifié était celui d’une interaction de
confrontation à une interaction de co-construction au cours de laquelle les deux élèves, après
un désaccord (confrontation), parvenaient à s’entendre sur les modalités à mettre en œuvre
pour résoudre le problème auquel ils étaient confrontés (co-construction). Ce changement
s’est accompagné majoritairement du passage du mode univoque au mode partagé de la carte
217
(55,5%) et du maintien du mode partagé (33,5%). Le passage d’un mode détaché à un mode
partagé représentait également 11% de l’ensemble des modes d’utilisation de la carte, toutes
dyades et dispositifs confondus (Tableau 54). A titre d’illustration, Marie et Mélanie étaient,
dans un premier temps, en désaccord sur le chemin à suivre caractérisant une interaction de
confrontation : « Mais non, c’est mieux d’aller tout droit Marie [pointe du doigt un chemin
sur la carte] » (Mélanie, porteuse de carte)/« Ca va plus vite par là [tout en éloignant la carte
de son bras gauche, tend son bras droit et indique du doigt une direction] » (Marie, non
porteuse de carte)/« Mais non ça va pas plus vite parce que j’ai vu [en regardant seule la
carte] » (Mélanie, porteuse de carte) : l’élève porteur de carte se l’ait appropriée, privant ainsi
ponctuellement sa partenaire de toute utilisation, caractérisant le mode univoque d’utilisation
de la carte. Ce n’est que dans un deuxième temps que Mélanie a tendu la carte à sa partenaire
pour justifier son choix et avoir son accord : « Regarde. On est là [montre la carte à sa
partenaire en la tenant avec une main et en pointant une position sur la carte de son autre
main]. C’est mieux de continuer tout droit parce qu’après on passe par là [trace sur la carte
un chemin] » (Mélanie, porteuse de carte). Marie, tenant aussi la carte d’une main, a suivi du
regard le tracé proposé par sa partenaire et a acquiescé : « Oui ok d’accord [place son doigt à
côté de celui de sa partenaire » (Marie, non porteuse de carte). Le mode d’utilisation de la
carte correspondait à ce moment à un mode partagé et, dans le même temps, la forme
d’interaction devenait une forme de co-construction.
218
Changement d’une interaction de confrontation à une interaction de co-construction
Maintien d’un même
mode/Passage d’un mode à
un autre
Occurrences Pourcentages
mode partagé
� mode partagé 3/9 33,5%
mode partagé
� mode univoque 5/9 55,5%
mode détaché
� mode partagé 1/9 11%
Tableau 54 : Occurrences et pourcentages des maintiens/passages d’un mode d’utilisation de
la carte à un autre dans le changement de formes confrontation/co-construction
3.5 Stabilité de la forme confrontation
La deuxième stabilité récurrente repérée était celle de la forme confrontation au cours
de laquelle les élèves ne s’accordaient pas sur les modalités à mettre en œuvre au regard d’un
problème posé. Cette stabilité s’est accompagnée majoritairement d’un maintien du mode
univoque de la carte (48,4%). Aussi, les maintiens du mode partagé et détaché ont représenté
respectivement 23,8% et 27% des modalités d’utilisation de la carte toutes dyades et
dispositifs confondus, la modalité restante (mode détaché vers un mode univoque)
correspondant à un pourcentage inférieur à 1 (Tableau 55). A titre d’illustration, alors que
Lola, élève de la dyade 4, montrait la direction à suivre avec son bras : « C’est par là », sa
partenaire, Lucie, a refusé regardant seul la carte : « Non je ne pense pas, je pense que c’est
par là, il faut suivre le chemin ». Le mode de la carte était alors univoque et la forme de
confrontation. Lola, ne faisant pas confiance à sa partenaire, lui a alors arraché la carte des
mains : « Fais-voir » et a regardé seule la carte pour vérifier les propos de Lola. La forme
d’interaction de confrontation s’est alors prolongée et le mode univoque d’utilisation de la
carte se maintenait.
219
Stabilité de la forme de confrontation
Maintien d’un même
mode/Passage d’un mode à
un autre
Occurrences Pourcentages
mode partagé
� mode partagé 29/122 23,8%
mode univoque
� mode univoque 59/122 48,4%
mode détaché
� mode univoque 1/122 <1%
mode détaché
� mode détaché 33/122 27%
Tableau 55 : Occurrences et pourcentages des maintiens/passages d’un mode d’utilisation de
la carte à un autre dans la stabilité de l’interaction de confrontation
3.6 Changement d’une interaction de confrontation à une interaction de
délégation
Le quatrième changement récurrent repéré était celui d’une interaction de
confrontation à une interaction de délégation au cours de laquelle un des élèves décidait de
suivre son partenaire alors qu’il proposait un itinéraire différent. Ce changement se
caractérisait majoritairement par un passage du mode univoque de la carte vers un mode
détaché. Il représentait à ce titre 77,4% des modalités possibles toutes dyades et dispositifs
confondus. Le maintien du mode détaché de la carte était quant à lui égal à 13,6%, les deux
modalités restantes étant inférieures à 5% (Tableau 56). A titre d’illustration, Antoine et
Cédric cherchaient à rejoindre le point de ralliement. Au croisement d’un chemin, Cédric a
proposé un nouvel itinéraire qu’Antoine a refusé : « On fait le chemin en sens en inverse ? »
(Cédric, non porteur de carte) / « Bah non … » (Antoine, porteur de carte). L’interaction était
alors une confrontation et le mode d’utilisation de la carte univoque. Antoine à ce moment-là
était l’unique possesseur de la carte. C’est par sa (re)connaissance du chemin et en affirmant
qu’ils allaient gagner du temps (« ... vaut mieux prendre ce chemin-là c’est moins long
220
[montre le chemin], je connais bien ! » [Antoine, porteur de carte, sans la regarder]), que
Antoine a convaincu Cédric : « Ah ouais ! Je te suis, j’te fais confiance » (Cédric, non porteur
de carte). Cédric s’est alors placé derrière son partenaire et s’est laissé guider, marquant ainsi
le changement d’une interaction de confrontation en une interaction de délégation sans que la
carte n’ait été utilisée - caractérisant par là-même le maintien du mode d’utilisation détaché.
Changement d’une interaction de confrontation à une interaction de délégation
Maintien d’un même
mode/Passage d’un mode à
un autre
Occurrences Pourcentages
mode partagé
� mode partagé 1/22 4,5%
mode univoque
� mode détaché 17/22 77,4%
mode détaché
� mode univoque 1/22 4,5%
mode détaché
� mode détaché 3/22 13,6%
Tableau 56: Présence des maintiens/passages d’un mode d’utilisation de la carte à un autre
dans le changement des formes confrontation/délégation
3.7 Changement d’une interaction de délégation à une interaction de co-
construction
Le cinquième changement récurrent repéré était celui d’une interaction de délégation à
une interaction de co-construction au cours de laquelle l’élève qui avait « laissé la main » à
son partenaire dans la conduite de l’itinéraire donnait de nouveau son avis et participait
activement et conjointement à la construction de l’itinéraire. Ce changement se traduisait
majoritairement par le passage d’un mode détaché à un mode partagé d’utilisation de la carte
(30,3%) et le maintien du mode détaché (37,3%). Egalement, le maintien du mode partagé et
de la modalité « autre » (superposition des deux cartes) ont représenté respectivement 16,1%
221
et 14,1% de l’ensemble des modalités possibles, la dernière (passage du mode partagé au
mode détaché) étant égale à 2,2% toutes dyades et dispositifs confondus (Tableau 57). A titre
d’illustration, David s’est, à plusieurs reprises, laissé guider dans les choix d’itinéraires par
Régis sans que celui-ci ne regarde la carte qui était à cet instant pliée en quatre dans sa poche :
« Il faut chercher un chemin sur la gauche au prochain carrefour » (Régis, porteur de carte).
L’interaction était alors une délégation et témoignait d’une confiance de David dans la
connaissance et reconnaissance du parcours par Régis qui le guidait (mode détaché de la
carte). Cette forme d’interaction s’est prolongée jusqu’à ce que Régis doute de l’itinéraire :
« Je ne suis pas sûr. Le chemin recherché est plus loin » (Régis, porteur de carte). Face à ce
doute, Régis a ressorti la carte de sa poche, l’a déplié et les deux élèves l’ont consulté
conjointement. Ils ont cherché à se repérer pour décider ensemble d’un nouvel itinéraire,
faisant évoluer l’interaction en une interaction de co-construction : « Regarde David [pointe
un endroit] » (Régis) / « Oui, c’est proche d’un trou » (David) / « Oui il faut trouver un
trou [pointe une dépression sur la carte] » (Régis). Le mode d’utilisation de la carte
correspondait alors à un mode partagé.
222
Changement d’une forme de délégation à une forme de co-construction
Maintien d’un même
mode/Passage d’un mode à
un autre
Occurrences Pourcentages
mode partagé
� mode partagé 16/99 16,1%
mode partagé
� mode détaché 2/99 2,2%
mode détaché
� mode partagé 30/99 30,3%
mode détaché
� mode détaché 37/99 37,3%
Autres (superposition des
deux cartes) 14/99 14,1%
Tableau 57 : Occurrences et pourcentages des maintiens/passages d’un mode d’utilisation de
la carte à un autre dans le changement des formes délégation/co-construction
3.8 Changement d’une interaction de délégation à une interaction de
confrontation
Le sixième changement récurrent repéré était celui d’une interaction de délégation à
une interaction de confrontation au cours de laquelle l’élève, qui était mené (délégation),
manifestait son désaccord sur l’itinéraire à suivre (confrontation). Ce changement se traduisait
majoritairement par le passage d’un mode détaché de la carte à un mode univoque (57,1%) et
par le maintien du mode détaché (28,6%), les deux autres modalités étant inférieures à 9,5%
(Tableau 58). A titre d’illustration, dans la dyade 2, Sophie suivait Camille en marchant
derrière elle sur le chemin de la troisième balise. Camille ne regardait pas la carte qu’elle
tenait et indiquait à sa partenaire qu’elles étaient proches de la balise : « Sophie, c’est au
bout ». Sophie a alors suivi sa partenaire caractérisant une forme d’interaction de délégation.
Cette délégation s’est poursuivie jusqu’à ce que les deux élèves arrivent à l’emplacement
supposé de la balise. S’apercevant que la balise n’y était pas, Sophie a pris des mains la carte
223
à Camille : « Fais voir ! » et se l’est appropriée. Elle a précisé à sa partenaire qui n’avait plus
la carte « Vas-y toi continues » et a poursuivi en regardant seule la carte « Non, la balise… il
fallait tourner à droite avant ». Le mode de la carte a évolué d’un mode détaché à un mode
univoque, et la forme d’interaction a changé d’une délégation à une confrontation.
Changement d’une forme de délégation à une forme de confrontation
Maintien d’un même
mode/Passage d’un mode à
un autre
Occurrences Pourcentages
mode partagé
� mode partagé 2/21 9,5%
mode détaché
� mode partagé 1/21 4,8%
mode détaché
� mode univoque 12/21 57,1%
mode détaché
� mode détaché 6/21 28,6%
Tableau 58 : Occurrences et pourcentages des maintiens/passages d’un mode d’utilisation de
la carte à un autre dans le changement des formes délégation/confrontation
3.9 Stabilité de la forme délégation
La troisième stabilité récurrente identifiée était celle de la forme délégation. Cette
stabilité s’accompagnait majoritairement des maintiens du mode détaché (69%) et partagé de
la carte (27,3%) d’une part, et de manière beaucoup moins importante du mode univoque
(2,7%), le reste des modalités étant inférieures à 1% (Tableau 59). A titre d’illustration, alors
que Cédric et Antoine, élèves de la dyade 3, marchaient le long d’un chemin, Antoine a pris
l’initiative de retourner sur leurs pas pour recommencer la recherche de la balise car ils ne la
trouvaient pas : « Je pense qu’il faut retourner sur nos pas ». Cédric, sans contester ni
contrôlant sur la carte, a suivi son partenaire : « J’te fais confiance » engageant la dyade dans
une forme de délégation. Lors de ce moment, la carte n’a pas été consultée par les élèves qui
224
ont fait demi-tour. Cette forme de délégation a perduré au premier croisement rencontré
quand Antoine a pris le chemin de gauche : Cédric l’a suivi en se mettant derrière sans faire
de commentaire. La carte était utilisée encore dans le mode détaché.
Stabilité de la forme délégation
Maintien d’un même
mode/Passage d’un mode à
un autre
Occurrences Pourcentages
mode partagé
� mode partagé 3103/11373 27,3%
mode partagé
� mode univoque 1/11373 <1%
mode univoque
� mode univoque 304/11373 2,7%
mode univoque
� mode détaché 12/11373 <1%
mode détaché
� mode partagé 7/11373 <1%
mode détaché
� mode univoque 29/11373 <1%
mode détaché
� mode détaché 7846/11373 69%
autre (utilisation de la carte
d’une autre dyade) 71/11373 <1%
Tableau 59 : Occurrences et pourcentages des maintiens/passages d’un mode d’utilisation de
la carte à un autre dans la stabilité de l’interaction délégation.
225
CHAPITRE 3 Discussion intermédiaire
Sur la base des résultats précédents et les études déjà réalisées sur la dynamique des
interactions dans le domaine sportif et en EPS, nous discuterons, à partir de deux points de
réflexions, les quantités de changement d’interaction et la nature de ces changements, pour
questionner le caractère fécond d’une démarche du chercheur alternant apports qualitatifs sur
les résultats et apports quantitatifs sur les résultats. Aussi, nous envisagerons un dernier point
au sujet de la dynamique des « coordinations humaines » autour des différentes échelles dans
lesquelles ces coordinations interpersonnelles existent. Ce dernier point de discussion
ambitionnera une amorce de réflexion qui sera reprise dans la discussion générale de ce
travail de thèse.
226
Chapitre 3. Discussion intermédiaire
L’analyse de l’articulation collective des cours d’action individuels des élèves de
chaque dyade montrent la présence de trois formes d’interaction quelles que soient les
caractéristiques des dispositifs d’apprentissage à savoir une forme de co-construction, de
forme de confrontation et de forme de délégation. La dynamique de ces formes dévoile en
revanche une autre définition de la course d’orientation. Nos résultats montrent que la course
d’orientation est bien plus qu’une activité de co-construction et de délégation entre les élèves
car elle propose des dynamiques singulières indexées aux dispositifs d’apprentissage choisis
par les enseignants d’EPS.
1. Les quantités de changements d’une interaction à une autre
Si des études ont déjà pointé les liens entre les caractéristiques spatiales et
matérielles, et l’émergence de certaines formes d’interaction (Adé et al., 2010 ; Saury, &
Rossard, 2009), nos résultats amènent à discuter du rôle de ces caractéristiques sur la
dynamique même des formes d’interaction.
Effectivement, les ratios de changements diminuent progressivement au cours du temps pour
les dyades engagées dans le dispositif chambre tandis que ceux des dispositifs 2 cartes et
leurre fluctuent continuellement au cours du temps. Aussi, le début de la course dans le
dispositif chambre est marqué par des ratios de changements qui sont supérieurs à ceux des
autres dispositifs de pratique. Le dispositif chambre invite donc les élèves à explorer
majoritairement deux formes d’interaction (la co-construction et la délégation) de façon
fugace en début de course - ils changent souvent d’une interaction à une autre - au profit
d’une stabilisation plus durable d’une forme d’interaction durant la course. Dans ce dispositif,
la chambre d’appel est un élément qui semble participer à des changements importants dans
les formes d’interaction en début de course tendant vers une stabilisation de l’une d’elle : dans
un premier temps, la découverte de la carte dans cet espace aménagé peut occasionner des
accords, des désaccords entre les élèves voire une imposition du point de vue de l’un d’eux
renvoyant à des changements dans les formes d’interaction. Dans un second temps, en quittant
la chambre, et du fait que les deux élèves ont conscience que chacun d’eux a visualisé
l’itinéraire, l’un des deux pouvait « laisser faire » son partenaire dans la responsabilité des
227
itinéraires pouvant donc conduire à une stabilisation de la forme délégation. Aussi, dans la
chambre d’appel, les élèves font l’expérience de discussions (accords, désaccords, imposition
du point de vue induisant des changements dans les formes d’interaction) aboutissant à un
itinéraire global où chacun d’eux participe à sa construction durant la course, tendant ainsi
plus tard à une stabilisation de la co-construction pour un moment.
Par contraste, les dispositifs 2 cartes et leurre invitent les élèves à vivre des changements
d’interaction moins fréquents mais réguliers sur toute la durée de la course. Dans le dispositif
2 cartes, la distribution d’une carte pour chaque élève de la dyade et sur lesquelles figurent
deux balises constituent pour eux autant d’opportunités qui, lorsqu’elles sont exploitées,
participent à des changements qui émergent de manière régulière dans les formes
d’interaction : l’alternance de balise à poinçonner peut occasionner un changement de porteur
de carte (les deux cartes indiquent des balises différentes) et potentiellement de rôle
« locomotive/wagon » (Blanchard, 2008) chez les élèves. Dans le dispositif leurre, la
présence des balises-leurres dans une zone où se situe la « vraie » balise est également un
élément pouvant perturber le flux stable d’une interaction et favoriser des changements vers
d’autres formes.
Les résultats soulignent donc le caractère singulier de la dynamique des quantités de
changements dans les formes d’interaction en fonction des caractéristiques du dispositif
d’apprentissage.
2. Nature des changements
Plus que la caractérisation d’interactions successives, c’est aussi la caractérisation de
la nature des changements entre les interactions en lien avec le dispositif d’apprentissage qui
nous paraît également importante de discuter. Ces changements semblent en effet en partie
stimulés par des évènements de la course et les histoires de course vécues par les élèves dans
les leçons.
Dans le dispositif sans chambre, la dynamique de répartition des formes d’interaction met en
évidence une distribution particulière avec la présence majoritaire de la forme de délégation
(82,6% et 81,8%) (Tableau 37) qui tend à se stabiliser durablement (Figures 19 et 20).
L’analyse croisée de l’articulation collective des cours d’action individuels montre, dans les
deux cas, que les plateaux de délégation correspondent à un regroupement de dyades d’élèves.
228
C’est précisément à ces moments que les élèves de dyades différentes décidaient de rester
ensemble pour poursuivre leur course de manière durable. A titre d’exemple, dès le début de
l’exercice, la dyade 1 (Marie/Mélanie) a pris connaissance du fait qu’une autre dyade (non
appareillée) avait les mêmes balises qu’elle. Malgré le départ alterné des deux dyades, les
élèves de la dyade 1 ont attendu leur homologue sur le chemin en direction de la première
balise et ont fait la majeure partie de course ensemble délégant en grande partie à l’autre
dyade la responsabilité des itinéraires.
Dans le dispositif chambre, la répartition des formes d’interaction montre pour la dyade 3
(Cédric/Antoine) une distribution soit avec une tendance à la co-construction soit une
distribution avec une tendance à la délégation tout au long de la course (Figure 25). L’analyse
croisée des cours d’action individuels montre que cette distribution est en partie liée à une
histoire vécue par les élèves et à des évènements survenus pendant la course. A titre
d’exemple, après avoir poinçonné la balise à la deuxième minute, Antoine a pointé sur la carte
l’endroit où son partenaire Cédric et lui se situaient. Cédric a immédiatement acquiescé et
confirmé cette position. Juste après, Antoine s’est contredit en justifiant qu’il n’avait pas bien
orienté la carte et a pointé son doigt sur un autre endroit. A partir de ce moment-là,
l’affirmation de Cédric, acquiesçant à une proposition de son partenaire qui était fausse,
semble l’avoir plongé dans une volonté de suivre Antoine, marquant ainsi une forme
importante d’interaction de délégation. Celle-ci s’est achevée lorsque, sous le guidage
d’Antoine, la dyade ne trouvait pas la balise. Dès lors, les deux élèves sont tombés d’accord
pour revenir sur leurs pas caractérisant un changement vers une forme de co-construction.
Cette dernière s’est poursuivie jusqu’à ce qu’un doute s’installe chez Cédric confiant de
nouveau à Antoine la responsabilité de l’itinéraire. Enfin, cette forme d’interaction de
délégation a perduré jusqu’au signal de fin de l’exercice : les élèves se sont accordés pour
rentrer au point de ralliement en faisant le chemin en sens inverse.
Dans le dispositif 2 cartes, la répartition des formes d’interaction montre un plateau traduisant
une relative permanence de la forme de délégation (Figure 32). L’analyse croisée de
l’articulation collective des cours d’action individuels fait correspondre ce moment à une
rencontre avec une autre dyade. Marie a interpellé un élève d’une autre dyade pour se
renseigner de la position de la balise qu’ils recherchaient. Malgré la réponse négative de cet
élève, Marie lui a demandé sa carte pour vérifier si la balise qu’elle venait de croiser était
inscrite dessus (Marie était en possession d’une carte qui ne l’avait pas) : Marie a alors pris la
229
carte de l’élève rencontré et l’a superposée à la sienne pour définir un nouvel itinéraire de
course (la carte empruntée détenait l’emplacement de la balise rencontrée).
Dans le dispositif leurre, la dynamique de répartition des formes d’interaction met en
évidence une distribution particulière : à plusieurs reprises, des tendances à la co-construction
émergent régulièrement au détriment de la délégation (Figures 40 et 41). L’analyse croisée de
l’articulation collective des cours d’action individuels des deux élèves montre que ces pics
sont concomitants avec l’approche des zones de balises. C’est à ce moment que les élèves
s’accordaient sur la stratégie à mettre en place : vérifier toutes les balises à vue dans la zone
des balises-leurres pour trouver la bonne. A titre d’illustration, le guidage de la course par un
élève de la dyade 6 (Régis/David) (i.e. délégation) prenait fin systématiquement lorsque son
partenaire et lui arrivaient dans la zone de balises. Précisément, à la vue de la première balise,
David est allé vérifier son numéro et a constaté qu’elle était fausse. Son partenaire Régis et lui
se sont immédiatement accordés pour de nouveau regarder la description de l’emplacement de
la balise et vérifier les autres balises qu’ils voyaient à vue soit en se répartissant les tâches (un
élève allait voir une balise, le partenaire une autre) soit en les cherchant ensemble (les deux
élèves se dirigeaient vers les balises une par une) jusqu’à trouver la bonne balise rendant
compte dans les deux cas d’une interaction de co-construction.
Ce dernier point invite à poursuivre les réflexions sur l’importance du choix des
caractéristiques matérielles (les balises leurres) lors de la conception de dispositif
d’apprentissage puisqu’elles co-déterminent les flux transitoires de formes d’interaction entre
les élèves.
3. La dynamique des formes d’interaction
Malgré des caractéristiques différentes des dispositifs d’apprentissage, il semble qu’il
y ait une permanence dans l’émergence et la présence des formes d’interaction entre élèves en
course d’orientation. Toutefois, cette deuxième partie de résultats met en avant des
dynamiques singulières d’interactions dans les différents dispositifs d’apprentissage et apporte
un autre regard. Précisément, ils permettent d’interroger à nouveau les formes d’interaction
telle qu’elles sont appréhendées par les approches psychosociales : un certain nombre
d’études s’étant intéressé à l’impact du travail en dyades sur le développement de compétence
motrices et/ou sociales des élèves en EPS, ont souvent assigné un rôle prédéfini aux deux
230
élèves de la dyade (le tuteur et le tutoré) (Cicéro & Lafont, 2007 ; Ensergueix & Lafont,
2007 ; 2009). Nos résultats invitent à ne pas considérer ces rôles au sein des dyades comme
figés lors de la réalisation d’une tâche commune. A titre d’exemple, la désignation par
l’enseignant d’EPS d’un élève comme porteur de la carte (e.g., lors du moment de distribution
de la carte) et donc comme orienteur, ne garantit pas qu’il conserve et assume ce rôle tout au
long de la course d’orientation. Nos résultats permettent d’interroger à nouveaux frais les
formes d’interaction telle qu’elles sont appréhendées par les approches situées et notamment
celle relative au cadre théorique et méthodologique du CA dans lequel nous nous situons :
certaines recherches s’étant intéressées à la dynamique des formes d’interaction entre
plusieurs acteurs ont montré l’apparition, la disparition, la réapparition des formes
d’interaction au cours du temps (e.g., Bourbousson et al., 2013 ; Evin, 2013) ou encore des
catégories d’interprétation au sujet de la qualité de navigation des coureurs en course
d’orientation (Mottet, 2015). Nos résultats invitent à ne pas s’attacher seulement à l’étude
« de photographies d’états » mais aussi à caractériser la dynamique des formes d’interaction
entre des acteurs utilisant des indicateurs de la dynamique comme le ratio de changement
(évolution du nombre de changements d’une interaction à une autre), la répartition des formes
d’interaction au cours du temps (la tendance à l’émergence des formes d’interaction) ou la
récurrence de succession des formes d’interaction (caractérisation de la nature du changement
d’une forme d’interaction à une autre au cours du temps). Autrement dit, si par exemple,
Bourbousson et al. (2013) rendent compte au sein d’une équipe de basket-ball de la
dynamique de la présence ou non d’un degré de connexion entre deux joueurs (car c’est leur
objet d’étude), ces auteurs ne s’intéressent pas à caractériser cette dynamique à partir
d’indicateurs calculés issus des données d’expériences. Cela pourrait être une piste
d’investigation à réaliser et systématiser dans les travaux menés dans le cadre théorique et
méthodologique du CA afin de rendre compte de la dynamique de plusieurs acteurs.
Aussi, d’autres approches s’intéressent à la complexité notamment sur les cycles de
coordinations interpersonnelles qui impliquent des éléments rendant compte notamment des
signatures qui fondent la dynamique d’un système (e.g., Ramenzoni, Riley, Shockley &
Baker, 2012 ; Riley, Richardson, Shockley & Ramenzoni, 2011). Dans cette veine, il est
possible d’envisager une discussion autour des différentes échelles dans lesquelles les
coordinations interpersonnelles, entendues dans un sens large, existent (e.g., niveau
231
biomécanique, niveau phénoménologique) : est-ce qu’il est possible de trouver les mêmes
« signatures » selon l’échelle appréhendée ?
Cette discussion pose les questions suivantes : s’il est possible de créer de la
fluctuation dans la coordination motrice selon certaines formes de contraintes (i.e. attracteur),
le dispositif d’apprentissage 2 cartes de notre étude ne remplit-il pas ce même rôle en
générant également de la fluctuation dans les formes de coordination (i.e. interactions) ?
Autrement dit, jouer sur des contraintes dans les interactions entre élèves du type distribution
de carte (une carte pour 2 vs 1 carte chacun), ou chambre d’appel (présence ou absence de
chambre d’appel), ou encore la présence ou non de balises leurres ne reviendrait-il pas à
évoquer des conditions de pratique critique ?
232
Partie 5. Discussion générale
Cette partie conclut cette thèse sur des volets épistémique, transformatif et réflexif
discutés à partir de nos résultats et de nos discussions intermédiaires.
Cette discussion générale se compose de trois chapitres :
Le chapitre 1 présente une discussion autour de la connaissance sur l’activité des élèves en
course d’orientation
Le chapitre 2 discute de la conception de dispositifs d’apprentissage dans l’activité course
d’orientation
Le chapitre 3 présente une discussion sur la contribution de cette thèse à une réflexion
méthodologique et épistémologique dans le cadre théorique et méthodologique du Cours
d’Action
233
CHAPITRE 1
Apports épistémiques
Ce chapitre ambitionnera de discuter des apports de connaissances sur la dynamique
des formes d’interaction entre les élèves en course d’orientation à partir d’une analyse
rapprochant approche qualitative et approche quantitative des résultats. A ce titre, nous
discuterons des liens entre la dynamique des formes d’interaction des élèves, les modes
d’utilisation dyadique de la carte et ses propriétés physiques et fonctionnelles. Aussi, nous
discuterons de la forme d’interaction de délégation qui ne nous semble pas avoir été pointée à
notre connaissance dans les études portant sur les interactions entre élèves en EPS.
234
Chapitre 1. Apports épistémiques
L’analyse qualitative complétée par l’analyse quantitative permet de discuter les
résultats obtenus en prenant en compte notamment ce qui participe à la dynamique des formes
d’interaction comme par exemple les caractéristiques matérielles et fonctionnelles de la carte,
et en discutant de la forme d’interaction de délégation.
1. Le rôle des propriétés physiques et fonctionnelles de la carte en lien avec
les modes d’utilisation
Les recherches conduites dans le paradigme de l’écologie de la classe (Doyle, 1977)
appréhendent l’espace de la leçon comme un système éco-social (Lemke, 2000) pointant ainsi
les relations d’interdépendance entre les formes de travail de l’enseignant, des élèves, et de la
matérialité du dispositif d’apprentissage. En plaçant au même niveau d’analyse l’activité des
acteurs de la classe et le dispositif matériel, ce paradigme participe à « prendre au sérieux »
les objets matériels dans les situations d’enseignement. En effet, les objets matériels en tant
que composants des dispositifs d’apprentissage contribuent à générer des ressources offrant
ou non aux élèves des possibilités d’interaction entre eux et des ancrages concrets à leurs
négociations et redéfinitions collectives de « ce qu’il convient de faire » (Adé, 2010). A ce
propos, des recherches ont déjà pointé l’importance des objets matériels dans la structuration
de la dynamique des interactions en EPS. A titre d’illustration, Saury et Rossard (2009) se
sont intéressés à l’utilisation de fiches d’observation dans l’activité badminton. Dans une
première situation, les élèves n’avaient pas à disposition les fiches d’observation. Ils
respectaient les consignes de l’enseignant d’EPS et augmentaient l’intérêt de l’interaction
duale (mise en place de challenge plus attractif du point de vue des élèves). Dans une
deuxième situation, les élèves avaient à disposition les fiches d’observation à remplir dans le
cadre d’une évaluation. L’activité des élèves a évolué en relation avec son utilisation. Les
élèves étaient toujours engagés sur le respect des consignes de l’enseignant (remplissage de
fiche). Toutefois, une préoccupation relative à la négociation des normes communes
concernant le but de l’activité a émergé. Cette dernière s’est actualisée par une mise en œuvre
d’une entraide spontanée visant à améliorer la performance de l’élève-observé par un meilleur
remplissage de la fiche (e.g., l’élève observateur rappelait la nécessité de faire telle ou telle
235
action pour avoir tel ou tel remplissage) et une surveillance des joueurs sur l’activité des
observateurs aboutissant à une négociation du remplissage de la fiche (négociations des
inscriptions des points-bonus). Cette étude montre donc que l’objet matériel participe à
structurer des interactions entre les élèves au sein de la classe. Aussi, dans cette perspective,
nos travaux de recherche dans le cadre du Master (Jourand, 2010) ont mis en évidence
l’utilisation particulière de la carte de course d’orientation par les élèves organisés en dyades
influençant des formes d’interaction. Ces travaux se sont intéressés aux objets matériels en
tant que support de la dynamique d’interactions entre les élèves et se sont focalisés sur le rôle
de l’objet dans l’activité des élèves. Bien que l’ensemble de ces travaux ait démontré
l’importance de la matérialité dans la structuration de l’activité des acteurs de la classe, ils ne
se sont pas intéressés prioritairement à ce qui dans l’objet matériel participait à structurer cette
activité. Une étude récente a cependant abordé les liens entre l’activité des élèves et les
caractéristiques physiques des appareils de musculation (Adé et al., 2013). L’organisation des
ateliers dans l’activité musculation et des postures associées pour le travail sur les appareils
modifiaient les interactions entre les élèves : l’atelier « développé-couché » et sa position
allongée limitaient les interactions avec les élèves d’autres ateliers alors que celui du
« développé-assis » et sa position assise favorisaient chez l’élève-pratiquant une observation
de l’activité dans l’atelier voisin aboutissant parfois à une forme d’interaction d’entraide.
Nos résultats mettent en avant les liens entre les modes d’utilisation de la carte par les
élèves, ses propriétés physiques et fonctionnelles et les formes d’interaction. Précisément, les
objets ne sont plus considérés comme « content free » (Dyson & Grineski, 2001) mais comme
des médiateurs dans l’activité de l’enseignant et des élèves. L’ensemble de ces travaux
converge notamment avec ceux réalisés dans des domaines extra sportifs, défendant l’idée
d’une intervention des objets matériels dans les processus mentaux (e.g., Conein, 1997 ;
Goodwin & Goodwin, 1997 ; Heath & Luff 1994 ; Heath & Hindsmarsh, 1997 ; Hutchins,
1995 ; Kirsh, 1995 ; Norman, 1993). Parmi eux, Norman a particulièrement mis en avant
l’importance des propriétés physiques des objets comme révélateur d’actions pratiques
(Norman, 1988). L’argumentation de l’auteur repose sur la présence à la surface des objets de
« propriétés visibles » (« Physically visible ») (p.79, opt. cité 1988) qui constituent le « design
naturel » (p.12, opt. cité 1988) de l’objet et qui participent à définir certaines actions à
accomplir, à faciliter l’accès à l’information. Ces propriétés convoquent ainsi une forme
d’utilisation qui dessine les propriétés fonctionnelles des objets et amènent Norman à
236
distinguer de bon et de mauvais design. Le bon design de l’objet est celui qui est rendu
explicite par les propriétés physiques (forme, couleur, texture) de l’objet qui rendent visibles
les utilisations possibles et souhaitées. Le mauvais design est celui qui génère des difficultés
d’utilisation ou de manipulation de l’objet. Dans le domaine sportif, des recherches ont fait un
« pas en avant » sur le rôle des objets matériels dans la structuration de l’activité des sportifs
en dévoilant l’importance des propriétés physiques et fonctionnelles des objets matériels. Par
exemple, dans le domaine de l’entrainement sportif, une étude conduite avec des nageurs
élites évoluant sur un dispositif technologique immergé, montrent que les nageurs en ont une
utilisation qui varie au fil de la situation en fonction des vitesses de nage prescrites (Adé,
Poizat, Gal-Petitfaux, Toussaint & Seifert, 2009 ; Gal-Petitfaux, Adé, Poizat & Seifert, 2013).
Cette variation s'explique notamment par les différentes forces repérées au niveau du ressenti
des nageurs indexé aux propriétés physiques du dispositif technologique et aux seuils de
vitesse de nage. C'est au seuil de vitesse rapide que le dispositif technologique est vécu par les
nageurs comme « transparent », alors qu'il est vécu comme perturbant et contraignant aux
vitesses lentes et maximales. Dans le domaine de l’expertise en sport, une étude récente en
cascade de glace a mis en avant le rôle de la forme de la lame et du manche du piolet mais
aussi des matériaux qui les constituent, pour amplifier lors de la frappe certaines informations
(e.g., le son produit par la lame pénétrant la glace et les vibrations ressenties dans l’avant-bras
véhiculées par le manche) indispensables aux experts pour estimer la fiabilité de l’ancrage
(Seifert et al., 2014).
Ces travaux montrent donc qu’il ne suffit pas de prendre en compte l’objet matériel en
tant que médiateur dans l’activité d’acteurs mais aussi ses propriétés physiques dans les
formes d’interaction entre individus. Nos résultats, à ce titre, prolonge ce point de discussion.
Le mode univoque de la carte a été plutôt observé dans les moments de désaccord au cours
desquels le porteur de carte, à l’arrêt ou en courant, souhaitait imposer son point de vue. Dans
ce cas, les propriétés physiques de la carte encourageaient ce mode d’utilisation de part sa
petite taille (A4) et sa matière (en papier) permettant de faire émerger des propriétés
fonctionnelles (facilement transportable) : l’élève pouvait la tenir à une main pour l’éloigner
de sa partenaire, l’empêchant ainsi de la consulter. Le rôle de la carte ne peut donc se
comprendre en dehors des gestes qui la font exister et de ses caractéristiques matérielles et
fonctionnelles. En effet, la carte se dévoile comme à la fois suffisamment petite pour qu’un
élève s’en saisisse et prive son partenaire de toute utilisation, et suffisamment grande pour
237
engager les élèves dans un mode d’utilisation partagée. C’est par exemple dans les moments
de doute quant au choix de l’itinéraire à suivre et lorsque les deux élèves étaient arrêtés, que
des propriétés physiques de la carte se dévoilaient de façon similaire pour chaque élève qui
s’engageait alors à la consulter conjointement. Sa taille invitait chaque élève à la saisir,
favorisait leur rapprochement, et engageait les élèves à prendre en compte différents symboles
de la carte (e.g., dépression, talus, chemins carrossables, sentiers) pour co-construire un
itinéraire en traçant, pointant ou balayant avec leur doigt sur la carte. A ce titre, nos résultats
montrent que 55,5% de ces passages de modes d’utilisation de la carte (partagé à univoque)
s’inscrivent dans ce changement de formes d’interaction (confrontation à co-construction). En
revanche, la conservation d’un mode partagé entre les élèves durant ce changement
correspond à 33,5% des différentes utilisations de la carte (Tableau 54), ce qui laisse suggérer
que la dynamique des formes d’interaction est indissociable du mode d’utilisation de la carte
mais également de la situation dans laquelle ils prennent tous deux forme. C’est aussi parce
que les élèves ont le sentiment d’être à proximité de la balise recherchée qu’ils valorisaient un
mode d’utilisation détaché de la carte, indissociable d’une forme de co-construction dans
laquelle les deux élèves s’accordaient par exemple pour rechercher la balise à vue. Les
travaux de Mottet et Saury (2014) vont d’ailleurs dans ce sens en pointant chez des
pratiquants débutants des formes récurrentes de « recherches à vue » des balises lorsqu’ils
estimaient en être proches. Dans ces moments-là, les élèves se déplaçaient de manière
approximative et opportuniste (Mottet & Saury, 2014) favorisant un mode détaché de la carte
que nous pointons dans notre étude. Si nos résultats montrent une tendance à la
correspondance entre certains passages d’un mode d’utilisation de la carte à un autre et un
changement d’une forme d’interaction à une autre, ils renforcent aussi le caractère
indissociable des liens entre les propriétés physiques et fonctionnelles de la carte et son
utilisation par les élèves, les formes d’interaction entre ces mêmes élèves et la situation en
cours. A ce propos, la conservation du mode détaché de la carte dans le
changement délégation/co-construction représente l’apparition la plus importante (33,7%)
toutes dyades et dispositifs confondus (Tableau 57) : l’expérience régulière vécue dans
chaque leçon par les élèves au cours du cycle (pour rappel, cette présente étude s’intéresse
aux leçons 5, 6, 7 et 8 sur un cycle en comptant 9) peut faciliter une (re)connaissance du
milieu. Cette expérience progressive du terrain associée à des lectures communes de la carte
peut faire ressortir, à différents moments de la course, ses propriétés physiques (les
238
inscriptions dessus) et ses propriétés fonctionnelles de rappel et favoriser le changement de la
forme délégation à la forme co-construction, au cours de laquelle les élèves s’accordent sur un
itinéraire notamment en discutant des éléments remarquables. A ce propos, Antoine s’est
rappelé, sans regarder la carte et en courant, que le chemin que son partenaire et lui devaient
prendre pour se rendre à la balise était celui qui se trouvait à côté du banc, ce qu’a
immédiatement confirmé Cédric.
A travers ces liens entre la carte, l’activité de chaque élève et les formes d’interaction,
nous souhaitons surtout mettre en avant deux points interdépendants venant préciser le rôle de
médiateur des objets déjà développé dans des travaux récents en EPS (Adé & de Saint
Georges, 2010 ; Adé et al., 2009).
Le premier point est une invitation à dépasser la vision statique et objectiviste des objets. Les
caractéristiques physiques et fonctionnelles des objets ne pré-existent pas à l’activité mais se
dévoilent dans l’action (Semprini, 1995) ou l’interaction entre des acteurs. Nous défendons
ainsi l’idée que les objets possèdent un « potentiel praxique » dans le sens où en fonction de
l’engagement du ou des acteurs dans la situation, ils délimitent des possibilités d’interaction
entre l’objet et le ou les acteurs. A titre d’illustration, le fait de douter en étant arrêté à un
croisement de chemins, constitue des opportunités pour faire ressortir certaines propriétés
physiques et fonctionnelles de la carte qui la définissent, pour cet instant-là, comme un objet à
partager. Dans ce cas, ces « propriétés visibles » (Norman, 1993, p.79) invitent les deux
élèves de la dyade à s’en saisir en la tenant chacun par une main et à les engager dans une
interaction de co-construction. Mais notre conception diverge de celle de Norman pour qui
ces « propriétés visibles » caractérisant le design des objets, pré-existent à l’activité des
acteurs. Nos résultats montrent au contraire qu’elles s’offrent ou s’effacent en fonction de
l’engagement des acteurs dans la situation.
Notre conception nous semble renforcée par notre deuxième point qui met en avant la
participation des objets au processus d’intersubjectivité. Le potentiel praxique de la carte
participe au sein des dyades à la distribution tacite et plus ou moins implicite de rôles
(orienteur, poinçonneur) et de statuts (leader, suiveur) mais aussi à une organisation
émergeante des tâches à réaliser. Ce point n’est pas négligeable lorsqu’on vise le
développement d’apprentissages sociaux car il met en avant le rôle des objets dans la
construction du sujet, de son identité, de son savoir-être. Le rôle de médiateur des objets est
donc également à envisager en termes d’ « agentivité » (Engeström, 2006). L’idée
239
d’agentivité renforce celle qui considère que les intentions des acteurs sont des phénomènes
émergents non réductibles à des représentations mentales individuelles de buts et de plans.
L’intentionnalité découle de l’interaction sociale, c'est-à-dire de l’interaction entre plusieurs
acteurs et leur environnement matériel (Gibbs, 2001). Dans la veine des travaux d’Engeström
(2006), nous pouvons ainsi qualifier les interactions entre élèves en course d’orientation de
« structuration nodale » (« knotworking ») (p. 147, opt. cité 2006), pour assimiler l’activité
coopérative entre élèves comme distribuée (entre les élèves de la dyade et les propriétés
physiques de la carte), partiellement improvisée et en mouvement perpétuel (les formes
d’interaction et les modes d’utilisation de la carte se transformant au fil de la situation).
Reprenant la métaphore de la « structuration nodale » d’Engeström, nos résultats montrent
qu’en course d’orientation autour des propriétés physiques et fonctionnelles de la carte, se
nouent, se dénouent et se renouent des formes d’interaction et des modes d’utilisation de la
carte, participant ainsi à définir de façon plus ou moins durable dans le temps les rôles et
statuts des élèves dans la dyade. Au final, considérer le « potentiel praxique » et
l’« agentivité » des objets matériels revient à envisager leur rôle de médiateur non plus
comme une propriété exclusive, mais comme émergeante du couplage des acteurs avec la
situation dans laquelle l’activité collective se déploie. En d’autres termes, leurs propriétés
physiques et fonctionnelles et leurs modes d’utilisation se révèlent, s’imposent, s’effacent ou
s’inventent dans la dynamique du couplage structurel acteur/situation (Julien & Rosselin,
2009 ; Stewart, Khatchatourov & Lenay, 2004).
Aussi, cette conception du rôle des objets dans l’activité collective, nous semble
devoir être prise en compte au niveau des pratiques professionnelles des enseignants.
2. La forme d’interaction de délégation
Les textes programmes suggèrent l’atteinte pour tous les élèves d’une compétence que
ce soit au niveau 1 ou niveau 2, notamment relative au choix et à la conduite d’un
déplacement pour trouver toutes les balises à l’aide d’une carte. L’analyse des fiches-
ressources rendent compte de capacités chez les pratiquants servant de tremplins à
l’acquisition de la compétence. Nos résultats montrent que la course d’orientation lorsqu’elle
est pratiquée dans un travail collectif (ce qui est souvent le cas) se définit par des formes
d’interaction dyadique s’actualisant majoritairement sous forme de co-construction mais aussi
240
de délégation. Cette forme de délégation peut s’expliquer par le fait qu’une partie de l’activité
des élèves échappe à la supervision des enseignants : les comportements entre élèves
différeraient selon la présence ou l’absence de l’enseignant (Ward et Lee, 2005). A ce titre,
une étude montre que la dynamique de l’activité des élèves en classe est fondée sur des
processus ostentatoires et de masquages selon l’éloignement de l’enseignant (Vors & Gal-
Petitfaux, 2009) : si les élèves rendent visibles de manière ostentatoire le travail demandé par
l’enseignant lorsque celui-ci est proche, ils ont tendance à transgresser ce même travail de
manière dissimulée lorsque l’enseignant s’éloigne. Etant éloignés et cachés de l’enseignant
d’EPS lorsqu’ils agissent ensemble en leçon de course d’orientation (l’enseignant en course
d’orientation est tenu de rester au point de ralliement), les élèves pourraient par exemple
moins tendre à répondre à ses exigences par une participation moins active laissant à son
partenaire la responsabilité de guider la course. Une autre explication pourrait référer au
caractère incertain voire anxiogène de l’activité course d’orientation lié notamment au fait que
les élèves entrent dans leur premier cycle et que les leçons se passent dans un milieu forestier
partiellement connu. Le caractère incertain d’une situation peut en effet être perçue de
manière subjective par les individus comme anxiogène. A ce propos, une étude montre que
cette perception anxiogène chez un individu peut l’amener à y « faire face » en opérant un
comportement de fuite (Frijda, 2006). Ce comportement de fuite peut être réinterprété dans
notre étude par une interaction de délégation : la peur du milieu ou d’être perdu pourrait être
vécue par l’élève comme des « émotions négatives » déclenchant chez lui un comportement
« de faire face » caractérisé par une délégation à son partenaire de la responsabilité de
conduite d’itinéraire. Le dispositif émotionnel pourrait prendre ainsi le pas sur le dispositif de
l’aménagement matériel. Ces deux suggestions semblent limiter l’importance des variables
des dispositifs d’apprentissage dans la mesure où l’interaction de délégation émerge de façon
majoritaire dans trois dispositifs sur les quatre étudiés (Tableau 41).
Au regard des éléments de discussion ci-dessus, nous proposons, sans visée
d’exhaustivité, quatre pistes indissociables de réflexion, visant à utiliser la dynamique des
interactions comme levier pour des apprentissages sociaux. En premier lieu, nous invitons les
enseignants à envisager les dyades d’élèves non pas comme une forme de travail pédagogique
organisée et figée, mais comme un véritable processus dynamique. Nos résultats montrent que
les rôles de locomotive/wagon fluctuent au gré de la situation. Il s’agit donc de considérer les
dyades comme des « dispositifs d’interactions encouragées » au cours desquels se dévoilent
241
des épisodes variés et changeants d’interactions sources d’apprentissages sociaux. En
deuxième lieu, nous incitons les enseignants à interroger à nouveau frais la notion de travail
collectif et/ou coopératif. Différents auteurs (e.g., Slavin, 1996 ; Ward & Lee, 2005) ont
pointé que le fait de proposer aux élèves de réaliser un travail en groupe, ne s’accompagnait
pas forcément d’une coopération effective entre les élèves. Nos résultats le confirment en
montrant que si certaines interactions peuvent effectivement relever de la coopération
effective (co-construction), d’autres engagent les élèves dans de la concurrence
(confrontation), ou dans l’abandon ponctuel de responsabilité (délégation).
Toutefois nous défendons l’idée que développer des apprentissages sociaux, c’est pour
les élèves faire l’expérience de ces différentes formes d’interaction.
242
CHAPITRE 2
Apports transformatifs
Ce chapitre vise, à partir des résultats de cette présente étude, à proposer des pistes de
réflexions sur les conceptions de dispositifs d’apprentissage en course d’orientation. S’il
questionnera la prise en compte de l’aspect des dynamiques des formes d’interaction entre
élèves dans cette conception, il invitera également à réfléchir sur l’intérêt de « prendre au
sérieux » les propriétés physiques et fonctionnelles de la carte d’orientation pour
encourager/dissuader certaines formes d’interaction entres les élèves.
243
Chapitre 2. Apports à la conception de dispositifs d’apprentissage pour
l’enseignement de la course d’orientation
Si l’approche du CA met en avant la nécessité à prendre en compte le point de vue des
élèves, c’est pour mieux en tirer des bénéfices dans la conception des dispositifs
d’apprentissage : elle a montré à ce propos l’importance qu’il y a à prendre en compte
l’environnement matériel comme « espace d’actions et d’interactions encouragées » (Saury et
al., 2013). Ces dispositifs d’apprentissage constituent des espaces d’actions et d’expériences,
supposés induire un apprentissage/développement (Durand, 2008) : à titre d’exemple, c’est
parce qu’il y a un arrangement spatial des ateliers de musculation (les appareils sont répartis
dans une salle) qu’émergent des interactions anticipatrices d’entraide relatives au travail à
réaliser entre les élèves (un élève quittait son atelier pour conseiller un autre partenaire avant
que celui-ci ne travaille dessus à travers une démonstration du geste sécuritaire par exemple)
(Adé et al., 2013). Les dispositifs d’apprentissage mis en place par les enseignants d’EPS
constituent alors des ressources ouvrant des possibles pour la construction des interactions
entre les élèves en classe. Pour se faire, les enseignants d’EPS doivent porter une attention sur
la matérialité (le choix des objets pédagogiques), la spatialité (l’agencement des objets et des
personnes dans l’espace de la leçon), la temporalité (la durée du travail) et l’organisation
sociale du travail (choix des formes de travail) (Saury et al., 2013).
Dans cette veine, nous proposons de poursuivre l’idée d’une ergonomie didactique (Saury et
al., 2013) centrée sur l’expérience des élèves. Cette ergonomie favorise la conception des
dispositifs d’apprentissage visant à être au plus près à la fois des préoccupations pédagogiques
des enseignants d’EPS et de l’activité des élèves, et des conditions écologiques de
l’intervention.
1. Les effets de dispositifs d’apprentissage en course d’orientation
La dynamique temporelle des interactions au sein de dyades d’élèves nous semble
ouvrir des perspectives intéressantes dans le cadre des recherches sur les apprentissages
coopératifs (Ward & Lee, 2005). Certains travaux, comme ceux relatifs à l’analyse des
programmes anglo-saxons du « Sport Education » ou de « Sport for Peace » (Ennis, Solmon,
Satina, Loftus, Mensch, & McCauley, 1999 ; Siedentop, 1994), défendent l’importance
244
d’engager les élèves dans des projets d’apprentissage à long terme pour apprendre à travailler
en équipe. Nous pensons que d’autres pistes sont possibles, comme celles consistant à
exploiter le potentiel éducatif contenu dans la dynamique même des interactions entre les
élèves. Faire expérimenter aux élèves une situation stimulant des changements de formes
d’interaction, notamment dans des situations de course d’orientation n’excédant pas les 15mn
constituent selon nous autant d’expériences complémentaires pour développer chez les élèves
des compétences d’entraide (Dyson, Griffin & Hastie, 2004 ; Kirk & Kinchin, 2003 ; Patrick,
Ward & Crouch, 1998). Même si, comme nous l’avons déjà signalé, la dynamique des
interactions entre élèves au sein de dyades n’est pas tout le temps accessible à l’enseignant,
nous croyons en la possibilité de concevoir des dispositifs d’apprentissage susceptibles
d’influer sur elles.
Nous suggérons donc que ce qui se joue dans cette dynamique des interactions et qui est non
accessible en partie à la supervision de l’enseignant d’EPS est source d’apprentissage et
notamment de savoir-faire sociaux relatifs à « apprendre […] à travailler en équipe »
(Programmes du collège, 28 août 2008). A ce titre, nos résultats permettent de mettre en débat
la question des apprentissages sociaux et notamment des apprentissages coopératifs : si les
études psychosociales mettent en avant le rôle bénéfique de la coopération (Ward & Lee,
2005), à notre connaissance, elles n’ont pas discuté de savoir s’il était mieux de stabiliser une
même forme d’interaction ou de stimuler des changements de formes d’interaction chez les
élèves pour favoriser ces apprentissages sociaux. Nos résultats ont mis plus particulièrement
en avant le caractère singulier des ratios de changement (i.e. quantités de changements) dans
la dynamique des formes d’interaction en fonction des caractéristiques du dispositif
d’apprentissage au cours du temps. En effet, dans les dispositifs sans chambre et chambre, il
semble apparaître une période autour de laquelle la dynamique tend à la stabilité des formes
d’interaction dans le temps (à partir d’une zone autour de 15mn) (Figures 17 et 23). C’est
donc pour faire vivre aux élèves des changements fréquents dans les formes d’interaction que
l’enseignant d’EPS va privilégier des durées de course courtes (inférieures à 15 minutes) dans
des dispositifs de pratique sans chambre ou chambre. Dans cette optique, cela renforce
l’intérêt du dispositif couramment utilisé par les enseignants des « parcours en papillon » au
cours desquels les élèves vont chercher une ou plusieurs balises avant de revenir au point de
ralliement, pour obtenir une nouvelle carte distribuée par l’enseignant d’EPS et repartir sur
d’autres balises.
245
Si au-delà d’une quinzaine de minutes la quantité de changements dans la dynamique des
formes d’interaction diminue dans ces dispositifs, c’est par l’utilisation du dispositif 2 cartes
ou leurre avec une durée de course estimée à 40 minutes que l’enseignant d’EPS encourage
de façon régulière les changements de forme d’interaction à une autre entre les élèves
(Figures 31 et 38). Autrement dit, selon la posture de l’enseignant d’EPS en rapport à sa
perception de ce qui est le mieux pour le développement des apprentissages sociaux (vivre de
nombreux changements dans la dynamique des formes d’interaction sur des durées courtes vs
vivre des changements d’interaction moins nombreux mais réguliers sur des empans plus
longs vs vivre peu de changements au travers d’une interaction qui se stabilise), celui-ci peut
choisir le dispositif d’apprentissage qui semble être au plus près de ses objectifs de formation.
Aussi, conjointement aux ratios de changements des formes d’interaction, la caractérisation de
ces changements est également une source de discussions. Nos résultats montrent que la
présence de la forme d’interaction de délégation est supérieure dans trois dispositifs
d’apprentissage sur quatre (sans chambre, chambre, leurre). Conscient qu’une partie de
l’activité des élèves lui échappe en partie en course d’orientation, l’enseignant d’EPS
« redoute » les activités collectives de type « locomotive/wagon » (i.e. délégation) : elles
seraient enclines en effet à ne pas créer les mêmes conditions de la réussite pour tous. Elle est
d’ailleurs à ce propos catégorisée comme un inconvénient par Blanchard (2008) lorsqu’il met
en avant les avantages et les inconvénients des formes de pratiques individuelle vs collective
en course d’orientation. Toutefois, la connaissance de la dynamique de répartition des formes
d’interaction nuance cet « allant de soi ». En effet, la conception d’un dispositif
d’apprentissage en course d’orientation avec des balises-leurres permet à l’approche de
chaque zone de balises de limiter une persistance de l’interaction de délégation au profit d’une
co-construction dans la mesure où les deux élèves tombent d’accord sur les stratégies à mettre
en place (à plusieurs reprises, des tendances à la co-construction émergent régulièrement au
détriment de la délégation) (Figures 40 et 41) : à l’approche de la zone des balises-leurres, les
deux élèves se concentrent davantage sur la lecture de carte pour identifier la caractéristique
remarquable de l’emplacement de la balise à poinçonner et se mettent d’accord sur ce qu’il
faut rechercher à vue comme élément prioritaire.
C’est donc en composant avec la matérialité, la temporalité et avec le caractère
indéterminé des interactions entre élèves, que l’enseignant en tant que « praticien enactif »
246
(Masciotra, Roth, & Morel, 2007), peut encourager/dissuader des dynamiques particulières
d’interaction, sources d’apprentissages variés chez les élèves.
2. Domestiquer la carte de course d’orientation
Nos résultats ont mis en avant les liens entre les modes d’utilisation dyadique de la
carte par les élèves, ses propriétés physiques et fonctionnelles, et la dynamique des formes
d’interaction : la conception de l’objet carte dans l’activité dyadique en course d’orientation
nous semble devoir être prise en compte au niveau des pratiques professionnelles des
enseignants d’EPS. Pour cela, nous proposons une réflexion visant à « domestiquer la
matérialité » dans les situations de classe où l’enseignant d’EPS cherche à encourager les
interactions coopératives à dominante de co-construction entre les élèves ; ces interactions
favorisant le développement des apprentissages cognitifs, moteurs et sociaux (Johnson &
Johnson, 1994). Nos résultats ont montré que les propriétés physiques de la carte relatives aux
inscriptions figurant dessus favorisaient notamment un mode d’utilisation partagé engageant
les deux élèves de la dyade dans des formes de co-construction : ces derniers agissaient dessus
en traçant, en balayant ou en pointant de leurs doigts des éléments remarquables pour définir
des itinéraires.
A partir de ces résultats, la première piste d’intervention suggère d’équiper chacun des deux
élèves de la dyade d’un extrait de carte différent, de telle sorte que la carte soit rendue
inutilisable si ses deux parties ne sont pas associées. Cette proposition fondée sur la
complémentarité des propriétés physiques des deux extraits de carte distribués nous semble
encourager des interactions de co-construction entre élèves engagés dans une tâche
commune : la particularité des inscriptions (i.e. les différentes positions des cercles rouges
correspondant aux emplacements des balises) sur les deux extraits de carte inviteraient les
élèves, chacun en possédant un, à les coller l’un à côté de l’autre ou à les superposer pour
établir un ordre des balises à chercher par exemple en début de course. De plus, d’un point de
vue des consignes de sécurité systématiquement appliquées par les enseignants d’EPS
inhérentes « à rester ensemble » lors d’un travail dyadique en course d’orientation, cette
proposition garantit tout au long de la course la proximité des élèves de la dyade : dès que
l’un deux souhaite construire un itinéraire entre deux balises, adapter leur itinéraire, vérifier
leur position, ce dernier a besoin de l’extrait de carte de son partenaire nécessitant sa présence
247
immédiate. En favorisant une forme d’interaction de co-construction entre les élèves par un
jeu de propriétés physiques des deux cartes, cette proposition vise à garantir une expérience
relative à « prendre des décisions communes » (Fiche ressources, Course d’orientation niveau
1, 2009). Cette attitude suggérée dans les textes officiels pour un niveau débutant est donc une
opportunité à l’exploration de cette conception de la carte chez les enseignants d’EPS.
Nos résultats ont montré aussi que les mêmes propriétés physiques et fonctionnelles de la
carte pouvaient entraîner des modes différents d’utilisation selon l’engagement des élèves : sa
petite taille ainsi que sa légèreté favorisaient aussi bien un mode partagé invitant les élèves à
une interaction de co-construction en centrant leurs regards dessus, qu’un mode univoque
invitant l’un des deux élèves à s’emparer de la carte les engageant dans une interaction de
confrontation. La deuxième proposition consiste alors à plastifier la carte et à doter chaque
élève de la dyade d’un feutre effaçable. Le fait de plastifier la carte et donc de la rigidifier,
ouvre de nouveaux possibles dans son mode d’utilisation. Ces caractéristiques peuvent inviter
les élèves à la tenir d’une seule main et les engager dans une lecture partagée. De plus,
l’utilisation des feutres effaçables permet d’objectiver des choix d’itinéraires, de les
conserver, les modifier ou les supprimer, et par conséquent d’engager différemment les élèves
dans leur travail. Cela rejoint la proposition de Mottet (2015) qui suggère la mise en place de
dispositif en milieu de cycle pour un niveau débutant permettant de se focaliser sur la
construction des itinéraires chez les élèves après que ces derniers aient vécu des tâches de
suivi d’itinéraire. La carte plastifiée associée aux feutres effaçables garantit une conservation
des traces de cette construction de l’itinéraire emprunté par les élèves. Aussi, une des pistes de
réflexion pour tendre vers des dispositifs « d’espaces d’actions et d’interactions encouragées »
évoquée par Saury et al. (2013, p. 173) consiste pour les enseignants d’EPS à enquêter sur
l’expérience vécue par les élèves au cours de l’apprentissage en se plaçant dans leurs espaces
de travail. Toutefois, en course d’orientation, l’enseignant d’EPS est tenu de rester au point de
ralliement pour des raisons de sécurité (e.g., si un des deux élèves se blesse, le partenaire peut
alerter l’enseignant qui se trouve au point de ralliement). Les moments potentiels de
régulations directes de l’enseignant sont donc les moments de départ, d’arrivée et des
passages ponctuels des élèves au point de ralliement. Ces moments sont propices de manière
fugace à des échanges verbaux au cours desquels l’enseignant d’EPS se renseigne, enquête,
contrôle l’activité des élèves et le cas échant la régule. En fin d’exercice, les interventions en
termes de régulations se font sur la base d’inférences, a posteriori, à partir soit des récits des
248
élèves ou soit des traces de performances (le nombre de balises trouvées, le temps de course
réalisé). Cette proposition présente l’intérêt, en plus d’encourager des formes d’interaction de
co-construction, de rendre compte de ces traces de performances (itinéraire tracé sur la carte).
En favorisant une forme d’interaction de co-construction entre les élèves par un jeu de
propriétés physiques de la carte, cette proposition vise à garantir une expérience relative à
« prendre des décisions communes » (Fiche ressources, Course d’orientation niveau 1, 2009)
mais aussi à « choisir et planifier son itinéraire d’un point à un autre en s’appuyant sur des
éléments connus » (Fiche ressources, Course d’orientation niveau 1, 2009). Cette capacité
suggérée dans les textes officiels pour un niveau débutant est donc une opportunité à
l’exploration de cette conception de la carte chez les enseignants d’EPS.
Nos résultats ont montré que du fait de ses propriétés physiques (petite et légère), la carte
faisait ressortir sa propriétés fonctionnelle « facilement transportable » : à plusieurs reprises,
les élèves la pliait, la conservait à la main et se déplaçait. Parfois, l’élève la rangeait dans une
de ses poches. Il la ressortait à l’occasion d’un doute, ou à la demande de son partenaire : le
porteur de carte indiquait ou confirmait la direction à suivre sans que le partenaire ne la
contrôle entraînant une forme d’interaction de délégation. C’est en ce sens que la dernière
piste d’intervention vise à imposer un changement du porteur de la carte toutes les 5 minutes,
l’enseignant d’EPS désignant au début un élève porteur de carte et son partenaire responsable
du temps. Lors du changement d’utilisateur de carte, en plus d’échanger la carte et le
chronomètre, il est probable que les deux élèves soient amenés à discuter pour se repérer sur
la carte : le détenteur antérieur de la carte fournissant probablement des indications à l’autre
élève concernant leur position par rapport à des points remarquables. C’est au cours de ces
changements institués de rôles que nous faisons le pari de stimuler la dynamique des
interactions entre élèves.
Au total, c’est entre autre pour ces raisons que nous défendons l’idée de l’enseignant
d’EPS comme « designer » (Adé, 2010), considérant les objets à la fois comme des « appels »
à susciter des comportements attendus par l’enseignant, et des « potentiels » pour les élèves,
modifiant en permanence leur champ de possibles et participant à la dynamique de leurs
formes d’interaction.
249
CHAPITRE 3
Apports réflexifs
Ce chapitre ambitionne de présenter une discussion gravitant autour d’une réflexion
épistémologique. En effet, l’emprunt méthodologique d’un outil hétérodoxe au cadre
théorique et méthodologique d’appartenance soulèvera deux points de réflexions : d’une part,
nous envisagerons l’exploitation de la signature graphique des données d’expérience pour
mettre en avant une démarche « ré-itérative » chez le chercheur entre approche qualitative et
approche quantitative des mêmes données d’expérience. Enfin, nous viserons une réflexion
confirmant le positionnement épistémologique de notre travail de thèse.
250
Chapitre 3. Contribution à la méthodologie du cadre théorique et
méthodologique du Cours d’Action sur l’étude de la dynamique des
interactions
1. Les données d’expérience
L’étude des phénomènes dans leur complexité et leur dynamique fait l’objet de plus en
plus de travaux scientifiques. Ces travaux qui visent à renseigner ces phénomènes de la façon
la plus précise le font à notre connaissance de trois manières différentes : 1) l’articulation de
données de nature différente (e.g., Sève, Nordez, Poizat, & Saury, 2013) ; 2) la juxtaposition
de cadres théoriques différents (e.g., Mecheri, 2015) ; 3) l’emprunt d’outils hétérodoxes
d’analyse (notre travail de recherche ici présenté). L’articulation de données de nature
différentes étant actuellement la plus développée dans le Programme de Recherche du CA,
nous choisissons de discuter cette option.
L’articulation de données de nature différente issues d’une approche quantitative et d’une
approche qualitative peut se faire en accordant le primat soit aux données quantitatives soit
aux données qualitatives. Dans le premier cas, une étude s’est attachée à partir des données
d’expérience de sportifs de haut-niveau en aviron, à vérifier leurs ressentis au cours du temps
en les couplant à des mesures cinématiques précises exercées sur le bateau (Sève et al., 2013).
Les résultats ont montré que les ressentis des sportifs étudiés (e.g., impression d’être poussé
par leur partenaire, impression d’être en retard sur leur partenaire) pouvaient être soit
convergents avec les données cinématiques (e.g., le partenaire exerçait à ce moment-là une
pression supérieure au sportif qui commentait son activité) soit divergents (e.g., le sportif était
synchronisé à son partenaire). Autrement dit, les données d’expérience viennent enrichir les
données cinématiques en précisant une convergence ou une divergence dans l’analyse de la
dynamique de l’activité des sportifs. Dans le deuxième cas, Seifert et al. (2014) ont montré
que la coordination motrice des grimpeurs débutants (e.g., une coordination visant à conserver
un équilibre prioritairement sur les quatre appuis) convergeaient avec leurs activités telles
qu’ils la vivaient (e.g., en cascade de glace, les grimpeurs décrivaient une activité consistant à
réaliser de nombreuses frappes de piolets et de crampons pour avoir un ancrage profond pour
s’équilibrer). Autrement dit, les données biomécaniques viennent enrichir les données
d’expérience dans le sens où elles confirment les expériences vécues par les grimpeurs.
251
Une autre option consiste à ne pas accorder le primat ni aux données quantitatives ni aux
données qualitatives. A titre d’illustration, une étude a mesuré la force exercée par des
nageurs de haut-niveau lors des trajets propulsifs à l’aide de capteurs disposés sur plaques
immergées (données cinématiques) et a corrélé ces données avec leurs sensations (données
d’expérience) (Gal-Petitfaux et al., 2013). Les résultats ont montré que si les ressentis des
nageurs indiquaient une sensation de stabilisation dans la force exercée lors des trajets
propulsifs, les mesures de la résistance active montrent parfois des irrégularités de force dans
ces mêmes trajets. Autrement dit, les données biomécaniques et les données d’expérience
enrichissent l’analyse de la dynamique de l’activité des acteurs en montrant par exemple qu’il
existe des convergences et des divergences entre les données objectives et les données
interprétatives ; et en révélant différemment l’activité des acteurs enrichie de l’articulation des
données qualitatives et quantitatives.
Une autre option récente et ambitieuse vise la construction d’un « méta-cadre » théorique. Les
approches dynamiques ont par exemple été couplées avec la psychologie écologique donnant
le cadre théorique et méthodologique « ecological dynamics » (Davids & Araújo, 2010). Si
ces approches mixtes sont controversées car elles soulèvent des questionnements sur la
possibilité de « combinaisons épistémologiques » des différents cadres théoriques et
méthodologiques d’une part, de leurs objets théoriques d’autre part, tout comme le
rapprochement des libellés « approche quantitative », « approche qualitative » ou « données
subjectives » et « données objectives », la réflexion de « l’incommensurabilité » (Feyerabend,
1975) se pose : le choix du cadre théorique et méthodologique d’une part, et de ses objets
théoriques inhérents d’autre part, entraine celui de savoir lequel, parmi les multiples critères
de comparaison à d’autres cadres théoriques et méthodologiques ou d’autres objets
théoriques, doit être préféré dans une situation où ces critères entrent en conflit (Feyerabend,
1975). Au vu des rapprochements récents de plusieurs cadres théoriques et méthodologiques,
cette réflexion de Feyerabend doit être désormais étendue : le choix du cadre théorique et
méthodologique d’une part, et de ses objets théoriques inhérents d’autre part, doit être préféré
dans une situation où une complémentarité est envisagée avec d’autres pour savoir lequel
implique la meilleure combinaison possible. Autrement dit, ce qui est central ce n’est plus « le
noyau dur » du cadre théorique et méthodologique, ce qui le légitime en « arguments
d’autorité » et le rendant pérenne, mais jusqu’où le chercheur peut s’affranchir de ce noyau
252
pour effectuer un rapprochement avec d’autres cadres théoriques et méthodologiques. La
quête de la complexité pousse désormais les chercheurs à ne plus uniquement opter pour un
cadre théorique permettant d’investiguer leur objet d’étude mais à considérer également le
potentiel de leur cadre à se combiner à d’autres. Si les débats existent sur ce type de
démarches scientifiques, c’est que les discussions entre chercheurs portent sur certains points
d’achoppement dans l’utilisation complémentaire de ces différents cadres. A l’inverse, si le
chercheur ne considère pas l’incommensurabilité comme un frein à sa démarche, alors il peut
- autant faire se peut - utiliser deux cadres théoriques et méthodologiques différents pourvu
que (1) les hypothèses princeps du noyau dur de chaque cadre théorique et méthodologique ne
soient pas modifiées et (2) que l’objet de recherche nécessite ce questionnement. Ces
réflexions issues des différentes options précédentes ont contribué à jalonner notre travail en
termes de garde-fous épistémologiques.
Cette thèse de doctorat cherche à poursuivre la réflexion sur une option
méthodologique permettant d’appréhender la dynamique des formes d’interaction telle qu’elle
est vécue par des acteurs. Elle propose une méthodologie qui exploite d’autres possibilités
contenues dans la donnée d’expérience en tant que signature graphique et non plus seulement
en tant que signature littérale. L’ensemble de ce travail nous a amené à conduire une
investigation méthodologique dans le cadre théorique et méthodologique du CA qui
envisageait autrement le traitement des données pour appréhender la dynamique des
interactions entre des acteurs. Nous n’avons pas croisé des données de nature différente mais
nous avons pris une option méthodologique permettant d’avoir une autre analyse de ces
mêmes données.
Sans proposer une réflexion sur un « méta-cadre théorique » (i.e. il ne suffit pas de prendre
deux ou trois cadres théoriques et méthodologiques ou objets théoriques de nature
épistémologiques différentes et les faire fonctionner ensemble à partir de leurs ressemblances
pour en créer un nouveau) pour répondre à l’éventuelle incomplétude du cadre théorique et
méthodologique du CA (i.e. la limite d’un cadre étant atteinte, le chercheur en utilise un
autre), ni ignorer l’essor actuel des approches mixtes nécessitant une proximité
épistémologique (il s’agit d’aller chercher les présupposés théoriques qui sont partagés par les
différents cadres théoriques et méthodologiques), notre démarche emprunte une option
méthodologique située à l’interface d’une complémentarité entre approche qualitative et
approche quantitative. En effet, convoquer un outil méthodologique étranger à l’observatoire
253
de référence n’est pas un problème d’incomplétude mais une volonté du chercheur à trouver
des opportunités d’interprétations nouvelles. Deux questions se posent alors : dans quelles
mesures pouvons-nous emprunter des outils hétérodoxes restant compatibles avec les
hypothèses théoriques fondatrices ? Quelle(s) plus-value(s) le chercheur peut-il espérer de cet
emprunt ?
1. 1 Exploiter la signature graphique des données d’expérience
La littéralisation des données d’expérience, organisée et présentée dans l’articulation
collective des cours d’action individuels de deux élèves pour chaque dyade, ne semble pas
« intuitive » lorsqu’il s’agit de rendre compte de la dynamique des interactions entre les
élèves : à être trop près des données dans l’analyse locale du cours d’action et des
composantes du signe hexadique (qui exige de la part du chercheur une démarche rigoureuse
et itérative), le chercheur peut passer à côté d’autres aspects de la dynamique des interactions
comme la quantité de changements d’une forme d’interaction à une autre, ou la nature de ces
changements au cours du temps. C’est pourquoi, il semble judicieux si l’on ambitionne
d’approcher la complexité de la dynamique des interactions d’opter pour une approche
différente des données d’expérience à travers des représentations graphiques. Pour cela,
l’utilisation d’un outil d’analyse extérieur au cadre théorique d’origine semble judicieuse.
L’exploitation de la signature graphique des données d’expérience pourrait alors
constituer une « avancée méthodologique » pour le cadre théorique et méthodologique du CA
permettant de réaliser des représentations graphiques de phénomènes complexes pourvu que
l’outil utilisé ne rentre pas en conflit avec les hypothèses princeps du noyau dur du cadre
théorique et méthodologique du CA.
Dans notre étude, les outils choisis ne remettent pas en question le noyau dur du cadre
théorique et méthodologique du CA au moins pour deux raisons.
- 1) La traduction de la signature littérale en signature graphique se fonde sur la même donnée
d’expérience recueillie par le chercheur. Cette traduction, comme le rappelle Theureau (2004,
p. 6) n’est pas forcément une quantification mais peut être aussi une littéralisation, c’est-à-dire
que « l’on use de symboles qu’on peut et doit prendre à la lettre, sans avoir égard à ce
qu’éventuellement ils désignent » (Theureau, 2004, p.6). Autrement dit, le fait de coder une
forme d’interaction pour l’outil utilisé en label « A », « B » ou « C » est envisageable. Le fait
254
d’exploiter les données d’expérience en tant que signature graphique à partir de la signature
littérale permet d’avoir accès à « une description symbolique graphique acceptable » - pour
reprendre les propos de Theureau - de la dynamique des interactions des acteurs car la
traduction réalisée est fondée sur le primat de l’intrinsèque (Theureau, 2006). Dès lors, les
règles de traduction de la signature littérale vers la signature graphique de la donnée
d’expérience ne rentrent pas en conflit avec les notions théoriques du cadre du CA.
- 2) L’utilisation de l’outil d’analyse fait intervenir une fenêtre mobile (fenêtre de calcul qui a
une durée de trois minutes et qui se déplace de minute en minute jusqu’à la fin de la course)
pour permettre la représentation graphique de la dynamique des formes d’interaction. Celle-ci
saisit sur toute la durée de la course la part de l’interaction précédente et la part de
l’interaction potentiellement émergente dans l’activité des dyades. Cela est en correspondance
avec un des présupposés du cadre théorique et méthodologique du CA : en s’intéressant à
l’activité des élèves, le cours d’action de ces derniers traduit l’expérience vécue par les élèves
sur une plage temporelle au cours de cette leçon. Le cours d’action traduit aussi les
expériences passées dans cette leçon et celles qui les tirent vers leurs futures activités (i.e.
chevauchement dans le calcul des fenêtres mobiles) - ces expériences passées et futures
participant à structurer leurs activités à un instant donné.
La démarche d’emprunt d’outil méthodologique réalisée reste donc garante de
l’épistémologie fondatrice du CA parce qu’elle rend compte de l’adhésion aux présupposés
théoriques constituant son noyau dur et donc potentiellement le protège de contestations
scientifiques.
1. 2 Une démarche « ré-itérative » entre approche qualitative et approche
quantitative
La signature graphique, même si elle met en évidence sous forme graphique des
indicateurs de la dynamique des formes d’interaction des dyades étudiées, ne nous renseignent
pas sur les significations de la situation telles qu’elles sont vécues par les deux acteurs. Si l’on
souhaite étudier la dynamique de ces formes d’interaction dans la perspective de comprendre
ce qui s’y joue du « dedans », effectuer un rapprochement de l’approche qualitative (i.e.
signature littérale) et de l’approche quantitative (i.e. signature graphique) sous forme d’allers-
retours semble alors indiqué.
255
L’exploitation de la signature graphique contenue dans les données d’expérience voit donc
son intérêt augmenter en favorisant une démarche « ré-itérative » du chercheur vers la
signature littérale. Ce point conforte la nécessité de recourir aux représentations graphiques
pour avoir accès à une activité d’acteurs qui pourrait rester cachée au chercheur s’il reste sur
une première analyse littérale. A titre d’exemple, dans notre étude, les pics de co-construction
visibles sur les Figures 39 et 40 sont associés à une activité d’élèves qui approchent la zone de
balises-leurres : ils s’accordent alors à chercher à vue les balises, à vérifier leurs numéros
jusqu’à valider la bonne.
Par conséquent, exploiter dans une démarche de traitement des données les possibilités « ré-
itératives » de la signature littérale (i.e. tableaux des articulations collectives des cours
d’action individuels de chaque dyade) et de la signature graphique (i.e. représentations
graphiques) semble s’avérer une voie prometteuse pour accéder à la dynamique des formes
d’interaction entre plusieurs acteurs avec comme objectif d’être le plus précis possible.
1. 3 Limites de la démarche
La limite principale à cette démarche réside dans le fait que les représentations
graphiques donnent une certaine vision de la réalité faussée. Ceci est d’autant plus vrai que le
choix de l’ordonnée est hiérarchisé. Par exemple, dans notre étude, le premier niveau
correspond à la co-construction, le deuxième à la confrontation et le troisième à la délégation
dans l’étape de quantification. Or, si l’ordre avait été différent, les représentations graphiques
l’auraient été également, ne suggérant pas la même démarche en « aller-retour » entre
l’analyse quantitative et qualitative. Le graphique dépend également des valeurs des échelles
de la fenêtre mobile. Précisément, nous ne nous sommes pas intéressés à une valeur absolue
parce qu’elle est dépendante de ces échelles choisies : si la valeur avait été de cinq minutes, il
aurait été possible que le chercheur évince d’un point de vue graphique des changements.
Autrement dit, si on avait pris une durée de cinq minutes et un pas de deux minutes trente, les
descriptions graphiques auraient été différentes.
La deuxième limite correspond au fait que des représentations graphiques n’ont de
sens que sur une certaine temporalité. Il est en effet difficile de reproduire cette démarche
dans le cadre d’une articulation collective de cours d’action individuels relativement longs
256
(les représentations graphiques ne traduiraient pas tous les changements d’interaction par
exemple) ou sur l’articulation collective de cours de vie.
2. Croisement méthodologique ou inspiration issue des approches
dynamiques
2.1 Complexité du système
Le cadre théorique et méthodologique du CA s'inscrit clairement dans une ontologie
complexe. Ses références à une conception énactive de l’activité humaine (Varela, 1989)
illustrent en partie cette ontologie complexe.
Un système complexe, pour Von Bertalanffy (1982), est « un ensemble d’unités en
interrelations mutuelles » pour peu qu’elles existent (s’il n’y a pas d’interrelation, il n’y a pas
de système) et pour peu qu’elles soient non linéaires : « ce sont des qualités qu’on retrouve au
niveau du tout et qu’on ne retrouve pas au niveau des parties » impliquant nécessairement
donc de concevoir que « le tout est plus que la somme des parties » (Morin, cité par Fortin,
2005). Dans ce sens, ce n’est pas un nombre d’éléments qui renvoie à la complexité mais les
relations qu’ils entretiennent entre eux qui est le plus important. Autrement dit, les
interactions entre des éléments du système doivent être considérées comme un ensemble
systémique dont ses unités (acteurs) sont en interrelations mutuelles. L’idée de l’auto-
organisation s’articule autour de la conception suivante : « La stratégie […] est de construire
un système cognitif à partir, non pas de symboles et de règles, mais de constituants simples
qui peuvent dynamiquement être reliés les uns aux autres de manière très dense. […] chaque
constituant fonctionne seulement dans son environnement local de sorte que le système […]
peut être actionné grâce à la nature configurationnelle du système, une coopération globale
émerge spontanément lorsque l’état de chaque neurone en cause atteignent un stade
satisfaisant. Un tel système ne requiert donc pas d’unité centrale de traitement pour contrôler
son fonctionnement » (Varela, 1989). En d’autres mots, l’idée est de penser le système
comme composé de constituants (les différents partenaires d’une équipe) qui peuvent être
dynamiquement reliés les uns aux autres (les interactions potentielles entre chaque acteur).
Chaque constituant fonctionne de manière locale (activité individuelle) mais grâce à la nature
257
de la configuration du système (interactions), émerge un nouvel état du système global (les
actions individuelles liées les unes aux autres) par rapport par exemple à une tâche (une
équipe qui s’adapte à un jeu adverse). L’auto-organisation est donc à la fois processus et
produit (i.e. état). Le but est de parvenir à une compréhension des processus constitutifs d’une
interaction en tant qu’état d’un système complexe : les interactions entre des activités
individuelles aboutissent à une configuration d’activité collective évoluant dans le temps
caractérisable par des structures d’interactions répétées (ou patterns), et autonomes (niveau
local de l’activité individuelle) dans le même temps où l’état de la configuration collective se
reconstitue avec les activités individuelles et leurs interactions. Les interactions peuvent être
alors considérées à la fois comme processus (e.g., les activités interindividuelles connectées)
et comme état (e.g., ce qui émerge de ces activités interindividuelles connectées et sans que
les acteurs du système en aient forcément conscience) marquant un aspect complexe et
récursif.
Dès lors, si l’on considère l’interaction entre deux acteurs comme ancrée dans une vision
complexe, il faut considérer l’analyse de ces interactions dans un principe récursif (qui permet
de reconnaître les processus où les produits et les effets sont nécessaires à leur production et à
leur causalité) et dans un principe dialogique (qui permet de reconnaitre les phénomènes où il
faut lier des termes antagonistes, voire contradictoires, pour appréhender leur réalité) : « une
analyse qui n’occulte pas les liaisons, articulations, imbrications et interdépendances des deux
acteurs… » (Fortin, 2005) et non plus les stimulateurs de ces liaisons, de ces articulations, de
ces imbrications et de ces interdépendances.
2.2 Dynamique du système
Au delà de la complexité de structure se pose celle de l'évolution des produits de cette
complexité dans le temps, en fonction d'éléments qui eux-mêmes viennent interagir avec le
système. Particulièrement, un pan de la recherche sur les systèmes complexes s'est intéressé à
ces questions : l'analyse dynamique des systèmes et notamment la synergétique (Haken,
1983). A ce titre, cet auteur développe cinq signatures caractéristiques d’un système
dynamique, à savoir : 1) la multistabilité (i.e. existence de plusieurs états stables) ; 2) la
transition (i.e. passage brusque, non linéaire, d'un état à un autre sous l'effet d'un « paramètre
de contrôle ») ; 3) la fluctuations critique (i.e. perte de stabilité à l'approche des zones de
258
transition) ; 4) l’hystérèse (i.e. la transition dépend de l'histoire du système) et 5) la relaxation
(i.e. le temps pour revenir à un état stable après déstabilisation du système). Si Haken étudie
la dynamique de phénomènes complexes dans les domaines de la physique, d’autres l’ont
investi dans le domaine de la motricité humaine : dans ce champ, des travaux princeps portant
sur la coordination bi-manuelle (e.g., Haken, Kelso, & Bunz, 1985) et de la posture (e.g.,
Bardy, 2002) ont effectivement montré la présence des cinq signatures du système dynamique
précédemment évoquées. Dès lors, il est possible d'envisager d'étudier le système perceptivo-
moteur en tant qu'un système dynamique dont le comportement et son adaptation émerge de
l'interaction de contraintes (Newell, 1986). Sur cette base d’influence et de porosité, la
tentation de faire le lien direct entre d'une part, ces approches fécondes et, d'autre part, nos
résultats et ceux qui s'inscrivent dans le même courant, est grande.
Notre étude, dans la même veine que d’autres recherches (e.g., Bourbousson et al., 2008 ;
Evin, 2013 ; Vors & Gal-Petitfaux, 2011) ancrée dans une perspective située, montre que
l’état d’un système (i.e. les deux élèves en interaction) se transforme dans le temps : il y a
plusieurs états identifiables de ce système (forme d’interaction de co-construction, de
confrontation, de délégation). Vors et Gal-Petitfaux montrent que c’est par l’activité de
déplacement de l’enseignant d’EPS vis-à-vis de ses élèves que ces derniers vont construire
une configuration d’activité (activité stable de masquage de certaines de leurs activités
collectives lorsque l’enseignant est loin d’eux), la déconstruire et la reconstruire différemment
(activité ostentatoire de certaines de leurs activités collectives lorsque l’enseignant est près
d’eux). Il est tentant de faire le lien entre cette identification de plusieurs états et le critère de
multi-stabilité mentionné dans les approches des systèmes dynamiques (Hacken, 1983) qui
confère en partie le caractère dynamique au système.
Notre étude montre également que les élèves passent d’une forme à une autre. De la même
manière, Bourbousson et al. (2008) expliquent que l’état du système étudié (une équipe de
basket-ball) alterne entre des coordinations préférentielles (systématiquement connectés
ensemble) et des coordinations ponctuelles entre deux joueurs. Ce critère d’alternance des
états peut faire écho à celui de la transition mentionnée dans les approches des systèmes
dynamiques (Hacken, 1983) conférant également le caractère de dynamique au système.
Nos résultats montrent aussi que l’état d’un système est ancré par son activité précédente (i.e.
les élèves se souvenaient par exemple d’un élément particulier de leçons précédentes qui
organisaient l’activité en cours). Evin (2013) montre d’ailleurs que les histoires collectives
259
d’élèves au cours d’un cycle peuvent apparaître en début de cycle, disparaître puis
réapparaître en fin de cycle en EPS selon un élément de travail particulier. Ce critère relatif à
une expérience vécue n’est pas sans rappeler celui de l’hystérèse mentionné dans les
approches des systèmes dynamiques (Hacken, 1983) conférant aussi le caractère de
dynamique au système.
Notre étude montre enfin que l’évolution des formes d’interaction des élèves est indissociable
des modes d’utilisation de la carte d’orientation (e.g., le passage d’un mode partagé à un
mode détaché favorise dans 62,6% des cas un changement de la forme d’interaction de co-
construction à une forme de confrontation). Autrement dit, le passage d’un mode d’utilisation
de la carte à un autre peut annoncer une évolution dans les formes d’interaction. Dans cette
même perspective, Evin (2013) montre que les histoires collectives sont traversées par des
« bruits » qui peuvent aboutir à la fin de l’histoire et à l’émergence d’une autre. Il est tentant
encore de faire le lien avec le critère de fluctuations critiques mentionné dans les approches
des systèmes dynamiques définissant ce caractère dynamique (Hacken, 1983).
Toutefois, si évoquer ces rapprochements entre l'analyse dynamique et les résultats de
notre étude est tentant, il n’en reste pas moins que cela n’est pas aussi simple. Il faudrait par
exemple vérifier, systématiquement, l'existence des états stables pour pouvoir prédire leur
émergence. Autrement dit, il faudrait passer d’un éventuel lien identifiable du processus à la
mesure de son existence. Si l’on considère que cela peut être fait, il aurait fallu mettre en
œuvre des outils méthodologiques propres à l'analyse dynamique, ce qui n'a pas été fait dans
notre travail de thèse. De fait, l'application de ces outils dans l'étude des comportements
sensori-moteurs telle qu'elle a pu être mise en œuvre par Haken, Kelso et Bunz (1985) ou
Bardy (2002) ne semble pas être applicable directement à nos données d’expérience.
Effectivement, pour chacune des signatures répertoriées par Hacken (1983), il est nécessaire
de faire varier et d’incrémenter des paramètres, déterminés à l'avance (i.e. les paramètres
d'ordre), ce qui ne semble pas envisageable dans le cadre d'une leçon de course d'orientation
(quand bien même l’enseignant d’EPS fait varier la présence ou non d’une chambre d’appel,
la distribution de la carte ou la présence de balises-leurres). L'autre limite tient à la nature
même des données puisqu'il ne s'agit pas de mesurer des valeurs physiques (comme les
travaux de Hacken) ou des comportements en troisième personne (comme les travaux de
Haken et al.) mais bien de partir de données expérientielles accordant le primat de
l’intrinsèque. De plus, s’il est envisageable à ce jour de placer sur un même continuum
260
différents niveaux de processus répondant aux mêmes lois, comme par exemple du neurone
au comportement (Kelso, Fuchs, Lancaster, Holroyd, Cheyne & Weinberg, 1998), la
possibilité de le faire entre comportement mesurable et expérience vécue n'a pas à notre
connaissance été faite. C'est sans doute pourquoi il paraît plus raisonnable dans notre travail
de thèse de parler d'inspirations issues de l'analyse dynamique plutôt que de réel croisement
des méthodologies.
Avoir été confronté à ces approches (approche qualitative et approche quantitative) a
suscité des questionnements et a ambitionné le choix d'outils hétérodoxes (qui
paradoxalement ne sont pas nécessairement à proprement parler ceux de l'analyse
dynamique) : dire que ce travail est une articulation des deux ne serait pas dire la réalité de ce
qu'il est ; en revanche, il nous semble que cette confrontation ouvre des pistes de réflexions
théoriques et méthodologiques qui restent à explorer, ou tout au moins à envisager pour le
cadre théorique et méthodologique du CA.
261
Conclusion générale
Cette étude s’est intéressée dans un premier temps à caractériser les formes
d’interaction entre les élèves engagés dans différents dispositifs d’apprentissage en course
d’orientation. Dans un deuxième temps, elle ambitionnait de caractériser la dynamique de ces
formes d’interaction. Pour cela, des options méthodologiques ont été prises. Au-delà des
apports épistémiques et transformatifs mis en avant dans ce travail sur les liens entre les
dynamiques des formes d’interaction d’élèves et la conception de dispositifs d’apprentissage
particuliers, l’utilisation d’un outil appréhendant les phénomènes complexes, et son
ajustement dans le cadre théorique et méthodologique sur lequel notre travail s’est développé,
ont permis de montrer qu’il était possible de caractériser la dynamique de ces formes
d’interaction telles qu’elles étaient vécues par des acteurs, c’est-à-dire de leurs propres points
de vue. Les représentations graphiques relatives à cet emprunt méthodologique ont favorisé
une démarche qui exploitait la signature littérale des données d’expérience recueillies (i.e.
étape qualitative) ainsi que la signature graphique (i.e. étape quantitative) : la démarche « ré-
itérative » entre l’articulation collective des cours d’action de chaque dyade et leurs
représentations graphiques a permis de montrer que les différents dispositifs d’apprentissage
influençaient la dynamique des formes d’interaction entre les élèves. A ce titre, les variables
chambre, 2 cartes et balises-leurres ainsi que les propriétés physiques et fonctionnelles de
l’objet carte d’orientation sont autant d’éléments participant à cette dynamique.
Notre travail cherchant à caractériser la dynamique des interactions, nous avons été
conduits à une réflexion méthodologique. L’emprunt d’outils méthodologiques hétérodoxes
peut encourager de nouvelles interprétations des données. Toutefois, le risque possible est
d’assujettir ces interprétations à celles déjà mises en avant par l’outil emprunté. A titre
d’exemple, une des dérives aurait consisté dans notre étude à vouloir reconnaître dans la
dynamique expérientielle les signatures identifiées dans le cadre des travaux relatifs aux
dynamiques des coordinations motrices.
262
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Table des illustrations
Tableaux
Tableau 1 : Récapitulatif des dispositifs d’apprentissage des leçons de course d’orientation 90
Tableau 2 : Récapitulatif des durées des données d’enregistrements in situ ........................... 99
Tableau 3 : Synthèse des durées des données issues des entretiens d’autoconfrontation ..... 102
Tableau 4 : Extrait du Cours d’Action d’Antoine (Dyade 3) ................................................. 109
Tableau 5 : Illustration d’une synchronisation temporelle à partir d’un extrait d’une articulation collective des cours d’action individuels de la Dyade 3 (Cédric/Antoine) .................................................................................................................................... 113
Tableau 6 : Extrait de l’articulation collective des cours d’action de Marie et Mélanie (Dyade 1) illustrant une analyse simultanée des relations entre les contenus des UE et des E de chaque élève ........................................................................................................... 116
Tableau 7 : Extrait de l’articulation collective des cours d’action de Marie et Mélanie (Dyade 1) illustrant une analyse différé des relations entre les contenus des UE et des E de chaque élève ............................................................................................................... 117
Tableau 8 : Extrait de l’articulation collective de Sophie et de Camille (Dyade 2) traduisant une relation de convergence simultanée de leurs composantes UE et E ................... 120
Tableau 9 : Extrait de l’articulation collective de Lucie et de Lola (Dyade 4) traduisant une relation de convergence simultanée de leurs composantes UE et E .......................... 121
Tableau 10 : Extrait de l’articulation collective des cours d’action d’Adrien et de John (Dyade 5) traduisant une relation de convergence simultanée de leurs composantes UE et E ....................................................................................................................... 122
Tableau 11 : Extrait de l’articulation collective des cours d’action de Régis et de David (Dyade 6) traduisant une relation de convergence simultanée de leurs composantes UE et E ....................................................................................................................... 123
275
Tableau 12 : Extrait de l’articulation collective de Sophie et de Camille (Dyade 2) traduisant une relation de convergence différée de leurs composantes UE et E ........................ 125
Tableau 13 : Extrait de l’articulation collective de Cédric et d’Antoine (Dyade 3) traduisant une relation de convergence différée de leurs composantes UE et E ........................ 127
Tableau 14 : Extrait de l’articulation collective d’Adrien et de John (Dyade 5) traduisant une relation de convergence différée de leurs composantes UE et E ............................... 128
Tableau 15 : Extrait de l’articulation collective de Régis et David (Dyade 6) traduisant une relation de convergence différée de leurs composantes UE et E ............................... 129
Tableau 16: Extrait de l’articulation collective de Marie et de Mélanie (Dyade 1) traduisant une relation de divergence différée des composantes UE et E .................................. 131
Tableau 17 : Extrait de l’articulation collective de Lola et de Lucie (Dyade 4) traduisant une relation de divergence différée des composantes UE et E ......................................... 132
Tableau 18 : Extrait de l’articulation collective des cours d’action de Sophie et de Camille (Dyade 2) traduisant une relation de divergence différée des composantes UE et E 134
Tableau 19 : Extrait de l’articulation collective de Sophie et de Camille (Dyade 2) traduisant une relation de divergence différée des composantes UE et E .................................. 135
Tableau 20 : Extrait de l’articulation collective de Cédric et d’Antoine (Dyade 3) traduisant une relation de convergence différée des UE et de divergence différée des E ........... 137
Tableau 21: Extrait de l’articulation collective de Lola et de Lucie (Dyade 4) traduisant une relation de convergence différée des UE et de divergence différée des E ................. 138
Tableau 22 : Extrait de l’articulation collective de Marie et de Mélanie (Dyade 1) traduisant une relation de convergence différée des UE et de divergence différée des E ........... 139
Tableau 23 : Extrait de l’articulation collective de Sophie et de Camille (Dyade 2) traduisant une relation de convergence différée des UE et de divergence différée des E ........... 140
276
Tableau 24 : Extrait de l’articulation collective de Sophie et de Camille (Dyade 2) traduisant une relation de divergence différée des UE et de convergence différée des E ........... 142
Tableau 25 : Extrait de l’articulation collective de Cédric et d’Antoine (Dyade 3) traduisant une relation de convergence différée des UE et de divergence différée des E ........... 143
Tableau 26 : Extrait de l’articulation collective d’Adrien et de John (Dyade 5) traduisant une relation de convergence différée des UE et de divergence différée des E ................. 144
Tableau 27 : Extrait de l’articulation collective de Régis et de David (Dyade 6) traduisant une relation de convergence différée des UE et de divergence différée des E ........... 146
Tableau 28 : Extrait de l’articulation collective de Marie et de Mélanie (Dyade 1) traduisant une relation de digression des UE et des E ................................................................ 147
Tableau 29 : Extrait de l’articulation collective de Sophie et de Camille (Dyade 2) traduisant une relation de digression des UE et des E ................................................................ 148
Tableau 30 : Extrait de l’articulation collective de Cédric et d’Antoine (Dyade 3) traduisant une relation de digression des UE et des E ................................................................ 149
Tableau 31 : Extrait de l’articulation collective de Lola et de Lucie (Dyade 4) traduisant une relation de digression des UE et des E ....................................................................... 150
Tableau 32: Extrait de l’articulation collective de Sophie et de Camille (Dyade 2) traduisant une relation de digression des UE et des E ................................................................ 151
Tableau 33: Extrait de l’articulation collective d’Adrien et de John (Dyade 5) traduisant une relation de digression des UE et des E ....................................................................... 152
Tableau 34 : Extrait de l’articulation collective de Sophie et de Camille (Dyade 2) traduisant une relation de digression des UE et des E ................................................................ 153
Tableau 35: Extrait de l’articulation collective de Régis et de David (Dyade 6) traduisant une relation de digression des UE et des E ....................................................................... 154
277
Tableau 36 : Extrait illustrant la labellisation des formes d’interaction typiques dans la dyade 4 (Lola et Lucie) ......................................................................................................... 164
Tableau 37 : Nombre d’occurrences et pourcentages des formes d’interaction dans le dispositif sans chambre .............................................................................................. 170
Tableau 38 : Nombre d’occurrences et pourcentages des formes d’interaction dans le dispositif chambre ...................................................................................................... 171
Tableau 39 : Nombre d’occurrences et pourcentages des formes d’interaction dans le dispositif 2 cartes ........................................................................................................ 172
Tableau 40 : Nombre d’occurrences et pourcentages des formes d’interaction dans le dispositif leurre ........................................................................................................... 173
Tableau 41 : Pourcentages de la présence des formes d’interaction en fonction des dispositifs d’apprentissage .......................................................................................................... 174
Tableau 42: Occurrences et pourcentages des stabilités/changements opérés dans la dynamique des formes d’interaction de la dyade 1 (Marie/Mélanie) dans le dispositif sans chambre .............................................................................................................. 180
Tableau 43 : Occurrences et pourcentages des stabilités/changements opérés dans la dynamique des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille) dans le dispositif sans chambre .............................................................................................................. 182
Tableau 44 : Occurrences et pourcentages des stabilités/changements opérés dans la dynamique des formes d’interaction de la dyade 3 (Cédric/Antoine) dans le dispositif chambre ...................................................................................................................... 188
Tableau 45 : Occurrences des stabilités/changements opérés dans la dynamique des formes d’interaction de la dyade 4 (Lola/Lucie) dans le dispositif chambre ......................... 190
Tableau 46 : Occurrences et pourcentages des stabilités/changements opérés dans la dynamique des formes d’interaction de la dyade 1 (Marie/Mélanie) dans le dispositif 2 cartes .......................................................................................................................... 198
278
Tableau 47 : Occurrences et présence des stabilités/changements opérés dans la dynamique des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille) dans le dispositif 2 cartes 200
Tableau 48 : Occurrences et pourcentages des stabilités/changements opérés dans la dynamique des formes d’interaction de la dyade 5 (Adrien/John) dans le dispositif 2 cartes .......................................................................................................................... 202
Tableau 49 : Occurrences et pourcentages des stabilités/changements opérés dans la dynamique des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille) dans le dispositif leurre .......................................................................................................................... 208
Tableau 50 : Occurrences et pourcentages des stabilités/changements opérés dans la dynamique des formes d’interaction de la dyade 6 (Régis/David) dans le dispositif leurre .......................................................................................................................... 210
Tableau 51 : Présence des maintiens/passages d’un mode d’utilisation de la carte à un autre dans la stabilité de la co-construction ........................................................................ 212
Tableau 52 : Occurrences et pourcentages des maintiens/passages d’un mode d’utilisation de la carte à un autre dans le changement de formes co-construction/confrontation .... 214
Tableau 53 : Occurrences et pourcentages des maintiens/passages d’un mode d’utilisation de la carte à un autre dans le changement de formes de co-construction/délégation .... 216
Tableau 54 : Occurrences et pourcentages des maintiens/passages d’un mode d’utilisation de la carte à un autre dans le changement de formes confrontation/co-construction .... 218
Tableau 55 : Occurrences et pourcentages des maintiens/passages d’un mode d’utilisation de la carte à un autre dans la stabilité de l’interaction de confrontation ...................... 219
Tableau 56: Présence des maintiens/passages d’un mode d’utilisation de la carte à un autre dans le changement des formes confrontation/délégation ......................................... 220
Tableau 57 : Occurrences et pourcentages des maintiens/passages d’un mode d’utilisation de la carte à un autre dans le changement des formes délégation/co-construction ....... 222
Tableau 58 : Occurrences et pourcentages des maintiens/passages d’un mode d’utilisation de la carte à un autre dans le changement des formes délégation/confrontation ........... 223
279
Tableau 59 : Occurrences et pourcentages des maintiens/passages d’un mode d’utilisation de la carte à un autre dans la stabilité de l’interaction délégation. ............................... 224
280
Figures
Figure 1 : « Modélisation graphique de l’activité de navigation sur un interpose dans la tâche
de CO classique et de ‘poseurs-contrôleurs’ » (Mottet & Saury, 2014) ...................... 45
Figure 2 : Modélisation de l’évolution des préoccupations-typiques au fil des tours chez Benjamin (axe des abscisses : le nombre de tour / axe des ordonnées : les préoccupations-types) (Adé et al., 2010) ...................................................................... 46
Figure 3 : « Graphe représentant le faisceau de préoccupations de Sim lors de la leçon 5 dans une tâche compétitive » (axe des abscisses : le temps en minutes / axe des ordonnées : les préoccupations-archétypes) (Saury & Rossard, 2009) ....................... 47
Figure 4 : « Graphe représentant l’ordonnancement temporel des histoires collectives au cours du cycle d’arts du cirque » (axe des abscisses : le numéro de leçon dans le cycle / axe des ordonnées : les histoires collectives) (Evin, 2013) ........................................ 49
Figure 5 : « Synthèse des patterns identifiés au cours des trois cycles d’enseignement » (axe des abscisses : chaque colonne délimitée par des pointillés correspond à une leçon dans les cycles / axe des ordonnées : les histoires collectives) (Evin, 2013) ............... 50
Figure 6 : a) Evolution de la densité de l’équipe en fonction du temps. b) Evolution de la transitivité de l’équipe en fonction du temps. c) Evolution de la réciprocité de l’équipe en fonction du temps (axe des abscisses : le temps en secondes / axe des ordonnées : 1 est la valeur maximale et 0 la valeur minimale de l’indicateur) (R’Kiouak, 2013) ..... 52
Figure 7: a) Evolution de la corrélation fenêtrée entre réciprocité et densité pour une fenêtre de 10 données. b) Evolution de la corrélation fenêtrée entre réciprocité et densité pour une fenêtre de 20 données. c) Evolution de la corrélation fenêtrée entre transitivité et densité pour une fenêtre de 10 données. d) Evolution de la corrélation fenêtrée entre transitivité et densité pour une fenêtre de 20 données. e) Evolution de la corrélation fenêtrée entre transitivité et réciprocité pour une fenêtre de 10 données. f) Evolution de la corrélation fenêtrée entre transitivité et réciprocité pour une fenêtre de 20 données (les pointillés au dessus de la valeur 0 : seuil de significativité positive/les pointillés en dessous de la valeur 0 : seuil de significativité négative/axe des abscisses : le temps en secondes / axe des ordonnées : les valeurs maximales des indicateurs) (R’Kiouak, 2013) ...................................................................................... 53
Figure 8 : Exemple de carte utilisée par la dyade 1 (Marie/Mélanie)..................................... 89
281
Figure 9 : Exemple de carte distribuée pour la Dyade 2 (Camille/Sophie) dans le dispositif sans chambre ................................................................................................................ 91
Figure 10 : Exemple de carte distribuée pour la Dyade 3 (Cédric/Antoine) dans le dispositif chambre ........................................................................................................................ 92
Figure 11 : Exemple de cartes distribuées pour la dyade 5 (Adrien/John) dans le dispositif 2 cartes ............................................................................................................................ 94
Figure 12 : Exemple de carte distribuée pour la Dyade 6 (Régis/David) dans le dispositif leurre ............................................................................................................................ 95
Figure 13 : Illustration des données d’enregistrements audio-visuels avec une paire de lunettes-caméra ............................................................................................................ 97
Figure 14 : Illustration des données d’enregistrements audio-visuels avec une caméra type « paluche » ................................................................................................................... 98
Figure 15 : Illustration du dispositif lors des entretiens d’autoconfrontation ...................... 100
Figure 16 : Illustration de l’utilisation d’une fenêtre mobile ................................................ 165
Figure 17 : Ratio de changements des formes d’interaction de la dyade 1 (Marie/Mélanie) dans le dispositif sans chambre .................................................................................. 175
Figure 18 : Ratio de changements des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille) dans le dispositif sans chambre .................................................................................. 176
Figure 19: Répartition des formes d’interaction de la dyade 1 (Marie/Mélanie) dans le dispositif sans chambre .............................................................................................. 177
Figure 20 : Répartition des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille) dans le dispositif sans chambre .............................................................................................. 178
282
Figure 21 : Récurrence de successions des formes d’interaction de la dyade 1 (Marie/Mélanie) dans le dispositif sans chambre (en z : le nombre d’occurrences / en abscisses : la forme d’interaction, en ordonnées : la forme d’interaction à t + 1 en fonction du temps - plus la couleur est chaude - rouge - plus la fin de la course approche) .................................................................................................................... 179
Figure 22 : Récurrence de successions des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille) dans le dispositif sans chambre ...................................................... 181
Figure 23 : Ratio de changements des formes d’interaction de la dyade 3 (Cédric/Antoine) dans le dispositif chambre .......................................................................................... 183
Figure 24: Ratio de changements des formes d’interaction de la dyade 4 (Lola/Lucie) dans le dispositif chambre ...................................................................................................... 184
Figure 25 : Répartition des formes d’interaction de la dyade 3 (Cédric/Antoine) dans le dispositif chambre ...................................................................................................... 185
Figure 26 : Répartition des formes d’interaction de la dyade 4 (Lola/Lucie) dans le dispositif chambre ...................................................................................................................... 186
Figure 27 : Récurrence de successions des formes d’interaction de la dyade 3 (Cédric/Antoine) dans le dispositif chambre .............................................................. 187
Figure 28 : Récurrence de successions des formes d’interaction de la dyade 4 (Lola/Lucie) dans le dispositif chambre .......................................................................................... 189
Figure 29 : Ratio de changements des formes d’interaction de la dyade 1 (Marie/Mélanie) dans le dispositif 2 cartes ........................................................................................... 191
Figure 30 : Ratio de changements des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille) dans le dispositif chambre .......................................................................................... 192
Figure 31 : Ratio de changements des formes d’interaction de la dyade 5 (Adrien/John) dans le dispositif chambre ................................................................................................... 193
Figure 32 : Répartition des formes d’interaction de la dyade 1 (Marie/Mélanie) dans le dispositif 2 cartes ........................................................................................................ 194
283
Figure 33 : Répartition des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille) dans le dispositif 2 cartes ........................................................................................................ 195
Figure 34 : Répartition des formes d’interaction de la dyade 5 (Adrien/John) dans le dispositif 2 cartes ........................................................................................................ 196
Figure 35 : Récurrence de successions des formes d’interaction de la dyade 1 (Marie/Mélanie) dans le dispositif 2 cartes ................................................................ 197
Figure 36 : Récurrence de successions des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille) dans le dispositif 2 cartes ............................................................... 199
Figure 37: Récurrence de successions des formes d’interaction de la dyade 5 (Adrien/John) dans le dispositif 2 cartes ........................................................................................... 201
Figure 38 : Ratio de changements des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille) dans le dispositif leurre .............................................................................................. 203
Figure 39 : Ratio de changements des formes d’interaction de la dyade 6 (Régis/David) dans le dispositif leurre ....................................................................................................... 204
Figure 40 : Répartition des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille) dans le dispositif leurre ........................................................................................................... 205
Figure 41: Répartition des formes d’interaction de la dyade 6 (Régis/John) dans le dispositif leurre .......................................................................................................................... 206
Figure 42 : Récurrence de successions des formes d’interaction de la dyade 2 (Sophie/Camille) dans le dispositif leurre .................................................................. 207
Figure 43 : Récurrence de successions de la dynamique des formes d’interaction de la dyade 6 (Régis/David) dans le dispositif leurre .................................................................... 209
284
Annexe
Extrait de l’articulation collective des cours d’action individuels de la dyade 3 (Cédric/Antoine) - dispositif chambre - de la chambre d’appel à la validation de la première balise.
285
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Clément JOURAND
Dynamique des interactions lors de leçons d’Education Physique et Sportive en Course d’Orientation Une étude de l’activité d’élèves dans différents dispositifs d’apprentissage
Résumé
Cette thèse visait à caractériser les formes d’interaction émergentes entre des élèves engagés dans différents dispositifs d’apprentissage en course d’orientation et ambitionnait de caractériser la dynamique de ces formes d’interaction. Cette recherche a été conduite dans le cadre théorique et méthodologique du Cours d’Action (Theureau, 2006). 12 élèves de 6ème, volontaires, ont été répartis en 6 dyades affinitaires. Les enseignants ont proposé aux élèves des parcours d’orientation similaires du point de vue du niveau de difficulté et de la durée. Toutefois, les leçons étudiées étaient contrastées par le dispositif d’apprentissage choisi par les enseignants. Deux catégories de données ont été recueillies : (a) des données d’enregistrements audiovisuels pendant l’activité de recherche des balises par les élèves, et (b) des données de verbalisation lors d’autoconfrontations avec les élèves, rendant compte d’un recueil fondée sur les données d’expérience. Le traitement des données a été réalisé en deux étapes. La première étape qualitative a caractérisé les formes d’interaction émergentes entre les élèves. Sur cette base, la deuxième étape, en faisant appel à des outils hétérodoxes du Cours d’Action a représenté graphiquement la dynamique de ces formes d’interaction pour chaque dyade. Les résultats issus de la première étape ont permis de montrer la présence, quel que soit le dispositif d’apprentissage, de trois formes typiques d’interaction entre les élèves (co-construction, confrontation, délégation) et de trois modes d’utilisation dyadique de la carte (partagé, univoque, détaché). Les résultats issus de la deuxième étape ont permis d’une part de caractériser les dynamiques des formes d’interaction en pointant leurs singularités et similarités selon les dispositifs d’apprentissage, et d’autre part les éléments participant à cette dynamique comme les propriétés physiques et fonctionnelles de la carte d’orientation. Ces résultats sont discutés en trois points : un apport épistémique sur les interactions entre élèves lorsqu’ils s’engagent en course d’orientation ; un apport transformatif pour la conception de dispositifs d’apprentissage en course d’orientation ; et un apport réflexif au sujet du choix de la méthode de traitement des données.
Mots-clés : Interactions, Dynamiques d’interaction, Cours d’action, Course d’orientation, Education Physique et Sportive.
Abstract This thesis aimed to characterize both the modes of coordination that emerge in student dyads and the
dynamics of the dyadic interactions during performance under learning contexts involving orienteering tasks. The Course of Action framework was adopted to underpin theoretical and methodical concerns that arose (Theureau, 2006). Twelve students were recruited across two separate seventh-grade classes were placed into six affinity-based dyads. Orienteering lessons were designed by experienced teachers at similar levels of difficulty and duration but, modified in terms of their contextual features. Two types of data were collected: (a) data from audiovisual recordings made during students search for check points; and, (b) verbalization data during individual interviews after the orienteering lessons were completed. Data processing involved two steps. The first, qualitative step, consisted of characterizing the interaction modes that emerged between the students. The second step consisted of graphically representing the students’ activity dynamics within the dyads, using heterodox instrument for analysis. Results from the first step, showed, across all four learning contexts, three consistent modes of inter-student interaction (co-construction, confrontation, delegation), and three modes of map using (shared, exclusive, detached). Results highlighted the dynamics of the dyadic interactions showed features that were specific to each learning context and that these features were shared by dyads within each context; that, in general, across all learning contexts identified were dynamics that correlated to physical and functional properties specific to orienteering maps. Results are discussed across three major points of interest: the epistemic contribution in conceptualizing the nature of orienteering interactions; applications for professionals involved in the design of learning contexts in orienteering, and; novel perspectives supported by the data processing techniques as applied.
Key words: Interaction, Dynamics of interactions, Course of Action, Orienteering, Physical Education