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VETAGRO SUP CAMPUS VETERINAIRE DE LYON Année 2015 - Thèse n°028 EVOLUTION ET ADAPTATION AU VOL DES MAMMIFERES THESE Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I (Médecine - Pharmacie) et soutenue publiquement le 14 septembre 2015 pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire par POLTURAT Marie Née le 30 novembre 1990 à Chambéry (73)

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VETAGRO SUP CAMPUS VETERINAIRE DE LYON

Année 2015 - Thèse n°028

EVOLUTION ET ADAPTATION AU VOL DES MAMMIFERES

THESE

Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I

(Médecine - Pharmacie)

et soutenue publiquement le 14 septembre 2015

pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire

par

POLTURAT Marie

Née le 30 novembre 1990

à Chambéry (73)

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VETAGRO SUP CAMPUS VETERINAIRE DE LYON

Année 2015 - Thèse n°028

EVOLUTION ET ADAPTATION AU VOL DES MAMMIFERES

THESE

Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I

(Médecine - Pharmacie)

et soutenue publiquement le 14 septembre 2015

pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire

par

POLTURAT Marie

Née le 30 novembre 1990

à Chambéry (73)

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LISTE DES ENSEIGNANTS DU CAMPUS VÉTÉRINAIRE DE LYON Mise à jour le 09 juin 2015

Civilité Nom Prénom Unités pédagogiques Grade

M. ALOGNINOUWA Théodore UP Pathologie du bétail Professeur

M. ALVES-DE-OLIVEIRA Laurent UP Gestion des élevages Maître de conférences

Mme ARCANGIOLI Marie-Anne UP Pathologie du bétail Maître de conférences

M. ARTOIS Marc UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur

M. BARTHELEMY Anthony UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences Contractuel

Mme BECKER Claire UP Pathologie du bétail Maître de conférences

Mme BELLUCO Sara UP Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Maître de conférences

Mme BENAMOU-SMITH Agnès UP Equine Maître de conférences

M. BENOIT Etienne UP Biologie fonctionnelle Professeur

M. BERNY Philippe UP Biologie fonctionnelle Professeur

Mme BERTHELET Marie-Anne UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences

Mme BONNET-GARIN Jeanne-Marie UP Biologie fonctionnelle Professeur

Mme BOULOCHER Caroline UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences

M. BOURDOISEAU Gilles UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur

M. BOURGOIN Gilles UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences

M. BRUYERE Pierre UP Biotechnologies et pathologie de la reproduction Maître de conférences

M. BUFF Samuel UP Biotechnologies et pathologie de la reproduction Maître de conférences

M. BURONFOSSE Thierry UP Biologie fonctionnelle Professeur

M. CACHON Thibaut UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences

M. CADORE Jean-Luc UP Pathologie médicale des animaux de compagnie Professeur

Mme CALLAIT-CARDINAL Marie-Pierre UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences

M. CAROZZO Claude UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences

M. CHABANNE Luc UP Pathologie médicale des animaux de compagnie Professeur

Mme CHALVET-MONFRAY Karine UP Biologie fonctionnelle Professeur

M. COMMUN Loic UP Gestion des élevages Maître de conférences

Mme DE BOYER DES ROCHES Alice UP Gestion des élevages Maître de conférences

Mme DELIGNETTE-MULLER Marie-Laure UP Biologie fonctionnelle Professeur

M. DEMONT Pierre UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur

Mme DESJARDINS PESSON Isabelle UP Equine Maître de conférences Contractuel

Mme DJELOUADJI Zorée UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences

Mme ESCRIOU Catherine UP Pathologie médicale des animaux de compagnie Maître de conférences

M. FAU Didier UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Professeur

Mme FOURNEL Corinne UP Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Professeur

M. FREYBURGER Ludovic UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences

M. FRIKHA Mohamed-Ridha UP Pathologie du bétail Maître de conférences

Mme GILOT-FROMONT Emmanuelle UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur

M. GONTHIER Alain UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences

Mme GRAIN Françoise UP Gestion des élevages Professeur

M. GRANCHER Denis UP Gestion des élevages Maître de conférences

Mme GREZEL Delphine UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences

M. GUERIN Pierre UP Biotechnologies et pathologie de la reproduction Professeur

Mme HUGONNARD Marine UP Pathologie médicale des animaux de compagnie Maître de conférences

M. JUNOT Stéphane UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences

M. KECK Gérard UP Biologie fonctionnelle Professeur

M. KODJO Angeli UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur

Mme LAABERKI Maria-Halima UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences

M. LACHERETZ Antoine UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur

Mme LAMBERT Véronique UP Gestion des élevages Maître de conférences

Mme LATTARD Virginie UP Biologie fonctionnelle Maître de conférences

Mme LE GRAND Dominique UP Pathologie du bétail Professeur

Mme LEBLOND Agnès UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur

Mme LEFRANC-POHL Anne-Cécile UP Equine Maître de conférences

M. LEPAGE Olivier UP Equine Professeur

Mme LOUZIER Vanessa UP Biologie fonctionnelle Maître de conférences

M. MARCHAL Thierry UP Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Professeur

M. MOUNIER Luc UP Gestion des élevages Maître de conférences

M. PEPIN Michel UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur

M. PIN Didier UP Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Maître de conférences

Mme PONCE Frédérique UP Pathologie médicale des animaux de compagnie Maître de conférences

Mme PORTIER Karine UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences

Mme POUZOT-NEVORET Céline UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences

Mme PROUILLAC Caroline UP Biologie fonctionnelle Maître de conférences

Mme REMY Denise UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Professeur

Mme RENE MARTELLET Magalie UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences stagiaire

M. ROGER Thierry UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Professeur

M. SABATIER Philippe UP Biologie fonctionnelle Professeur

M. SAWAYA Serge UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences

M. SCHRAMME Serge UP Equine Professeur associé

Mme SEGARD Emilie UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences Contractuel

Mme SERGENTET Delphine UP Santé Publique et Vétérinaire Maître de conférences

Mme SONET Juliette UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Maître de conférences Contractuel

M. THIEBAULT Jean-Jacques UP Biologie fonctionnelle Maître de conférences

M. TORTEREAU Antonin UP Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Maître de conférences stagiaire

M. VIGUIER Eric UP Anatomie Chirurgie (ACSAI) Professeur

Mme VIRIEUX-WATRELOT Dorothée UP Pathologie morphologique et clinique des animaux de compagnie Maître de conférences Contractuel

M. ZENNER Lionel UP Santé Publique et Vétérinaire Professeur

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A Monsieur le Professeur Bernard VALLEE,

De la Faculté de Médecine de Lyon,

Qui m’a fait l’honneur d’accepter la présidence de ce jury de thèse,

Hommages respectueux.

A Madame le Professeur Caroline BOULOCHER,

Du campus vétérinaire de VetAgro Sup,

Qui m'a fait l'honneur d’encadrer et de corriger mon travail.

Pour votre enthousiasme et vos encouragements.

Avec toute ma gratitude et mes sincères remerciements.

A Madame le Professeur Emmanuelle GILOT-FROMONT,

Du campus vétérinaire de VetAgro Sup,

Qui m’a fait l’honneur d’accepter de participer à ce jury de thèse.

Sincères remerciements.

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A Monsieur Laurent ARTHUR,

Du Muséum d'histoire naturelle de Bourges,

Qui m'a reçu et conseillé avec beaucoup de gentillesse.

Pour m'avoir initié à votre passion des chauves-souris.

Sincères remerciements.

A mon Papa et à ma Maman,

Pour avoir toujours cru en moi et pour m'avoir transmis vos valeurs.

Parce que sans vous je n'en serais pas là aujourd'hui.

(et je ne me voyais pas vraiment élever des chèvres dans la garrigue !)

Je vous aime !

A Blandine, ma petite sœur globe-trotteuse (qui l'aurait cru !),

Pour tes rêves et ton impulsivité qui te permettront de toujours trouver

les deux réponses, celle du savant et celle du poète.

Je suis fière d'être ta sœur.

A Sébastien, mon petit frère,

Pour nos délires, nos engueulades, notre complicité.

Parce que tu es quelqu'un de bien et que tu as tout pour le rester.

Le petit papio a bien grandi ! Soit heureux !

A mon papi Clo et ma mamie Odile,

Pour m'avoir transmis votre respect et votre amour de la nature et des animaux,

Parce que grâce à vous, je ne suis pas "une fille de la ville".

A mon Papa-Pierre et ma mamie Pépette,

Pour nos vacances mémorables à Monthureux et ailleurs.

Grâce à vous, ma maison sera toujours remplie d'idées et de bouts de chiffons !

A mes Totally Spies, mes amis vétos,

Aux Champis, Inès, Pierre,

Pour tous nos moments partagés. Vivement les prochains !

A Loup.

Parce que les mots ne suffiront jamais pour faire parler mon cœur.

Pour tout le bonheur passé et celui à venir, ensemble.

Je t'aime.

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TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIERES ........................................................................................................... 9

TABLE DES ILLUSTRATIONS ................................................................................................. 13

TABLE DES ABREVIATIONS .................................................................................................. 17

INTRODUCTION 19

PARTIE 1 : EVOLUTION DU VOL 21

I - PHYLOGENIE : CLASSIFICATION DES MAMMIFERES ET DES CHIROPTERES ..................... 23

A - PREREQUIS SUR LA CONSTRUCTION D'UN ARBRE PHYLOGENETIQUE ................................................ 23 1. Généralités .................................................................................................................................... 23 2. Quelques définitions ..................................................................................................................... 24 3. Explication des différentes méthodes de comparaison ................................................................ 25 4. Fabrication de l'arbre phylogénétique : mise en forme des données comparées ......................... 26

B - PHYLOGENIE DES MAMMIFERES .......................................................................................................... 27 1. Place des mammifères dans la classification des êtres vivants .................................................... 27 2. Comment se divise la classe des mammifères .............................................................................. 28

C - PHYLOGENIE DES CHIROPTERES........................................................................................................... 30 1. Caractérisation de l'ordre des chiroptères .................................................................................... 30 2. L'Ancienne classification, basée sur des critères morphologiques................................................ 31 3. La Nouvelle classification, basée sur des critères moléculaires .................................................... 33 4. Précisions sur l'origine de l'écholocation ...................................................................................... 35

II – HISTOIRE NATURELLE : DES PREMIERS MAMMIFERES AUX CHIROPTERES ................... 36

A - APPARITION ET EVOLUTION DES MAMMIFERES ................................................................................. 37 1. Les mammifères au Crétacé (de -100 à -65 millions d'années) .................................................... 37 2. Bouleversement des lignées de mammifères lors de la crise Crétacé / Tertiaire.......................... 37 3. Radiation adaptative des mammifères ........................................................................................ 38 4. Nouvelle extinction des mammifères à la fin de l'Eocène (-37 Ma) .............................................. 40

B - DESCRIPTION DES CHIROPTERES FOSSILES .......................................................................................... 41 1. Généralités .................................................................................................................................... 41 2. Fossiles de microchiroptères ......................................................................................................... 42 3. Fossiles de mégachiroptères ......................................................................................................... 59

III – GENETIQUE : LE DEVELOPPEMENT DES MEMBRES .................................................... 61

Prérequis ................................................................................................................................................... 62 A - DEVELOPPEMENT DES MEMBRES ANTERIEURS SELON L'AXE PROXIMO-DISTAL ................................ 63

1. Croissance des membres selon l'axe proximo-distal ..................................................................... 63 2. Différenciation des cellules du membre ........................................................................................ 66

B - DEVELOPPEMENT DE L'AXE ANTERO-POSTERIEUR .............................................................................. 67 C - PERSISTANCE DU MESENCHYME INTERDIGITE .................................................................................... 67

1. Principaux facteurs régulant la persistance du tissu interdigité : BMP-2, Gremlin et FGF8 ......... 67 2. Rôle probable du gène Meis-2 dans le maintien de la membrane interdigitée ............................ 68

D - ROLE DE TBX3 DANS LA CROISSANCE DES CALCARS ............................................................................ 69 E - BILAN .................................................................................................................................................... 69

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PARTIE 2 : ADAPTATION AU VOL 71

I - OSTEOLOGIE ............................................................................................................... 75 A - ARTICULATIONS ET OS FORMANT LA CEINTURE SCAPULAIRE ............................................................. 77

1. Description de la clavicule ............................................................................................................ 77 2. Description de la scapula .............................................................................................................. 77 3. Description de l'humérus .............................................................................................................. 78 4. Ceinture scapulaire ....................................................................................................................... 78

B - OS DE L'AVANT-BRAS ET ARTICULATION DU COUDE ........................................................................... 83 1. Description des os de l'avant-bras ................................................................................................ 83 2. Articulation huméro-radiale ......................................................................................................... 84

C - SQUELETTE ET ARTICULATIONS DU POIGNET ET DE LA MAIN ............................................................. 85 1. Squelette des doigts ...................................................................................................................... 85 2. Articulation du poignet (carpe) ..................................................................................................... 86

D - SQUELETTE AXIAL ................................................................................................................................. 87 E - CAGE THORACIQUE .............................................................................................................................. 88

Que faire en cas de fracture ?.......................................... ........................................................................89 Premiers réflexes lorsque l'on trouve une chauve-souris.........................................................................92 Hospitalisation d'une chauve-souris.........................................................................................................93

II - MYOLOGIE ................................................................................................................. 94

A - MUSCLES DE LA MEMBRANE ALAIRE ................................................................................................... 96 1. Muscles extrinsèques .................................................................................................................... 97 2. Muscles intrinsèques..................................................................................................................... 98 3. Bilan sur les muscles de la membrane alaire .............................................................................. 100

B - MUSCLES DE LA PHASE ASCENDANTE DE L'AILE ................................................................................ 101 1. Généralités sur la phase ascendante .......................................................................................... 101 2. Description des principaux muscles de la phase ascendante ..................................................... 103 3. Autres muscles de la phase ascendante ..................................................................................... 107

C - MUSCLES DE LA PHASE DESCENDANTE DE L'AILE .............................................................................. 108 1. Généralités .................................................................................................................................. 108 2. Description des principaux muscles de la phase descendante .................................................... 110 3. Autres muscles de la phase descendante ................................................................................... 114

D - MUSCLES RESPONSABLES DE L'AGILITE ET DE LA MANOEUVRABILITE EN VOL ................................ 115 E - BILAN : CYCLE DE BATTEMENT DES AILES .......................................................................................... 117 F - DECOLLAGE, ATTERISSAGE ................................................................................................................. 118

1. Déploiement automatique des ailes lors du décollage ............................................................... 118 2. Pliage automatique des ailes lors du perchage .......................................................................... 118

III - MEMBRES POSTERIEURS .......................................................................................... 120

A - MODIFICATIONS OSSEUSES ............................................................................................................... 120 1. Particularités de l'os coxal .......................................................................................................... 120 2. Particularités du fémur et du tibia .............................................................................................. 120 3. Particularités du tarse................................................................................................................. 121

B - ACCROCHAGE AUTOMATIQUE PENDANT LES PHASES DE REPOS...................................................... 121 Que faire en cas de lésions des membres postérieurs ? .........................................................................123

IV - MEMBRANE ALAIRE ................................................................................................. 124

A - NOMENCLATURE ................................................................................................................................ 124 B - SQUELETTE INTERNE .......................................................................................................................... 125

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C - VASCULARISATION ............................................................................................................................. 127 1. Vascularisation générale de l'aile ............................................................................................... 127 2. Présence d'anastomoses dans le réseau capillaire ..................................................................... 127 3. Contraction rythmique des vaisseaux ......................................................................................... 128

D - FONCTIONS PHYSIOLOGIQUES DE LA MEMBRANE ALAIRE ............................................................... 129

1. Commande sensorielle du vol ..................................................................................................... 129 2. Echanges gazeux ......................................................................................................................... 130 3. Thermorégulation ....................................................................................................................... 130

Que faire en cas de lésion du patagium ? ...............................................................................................132

V - ORGANES INTERNES ................................................................................................. 133

A - ADAPTATION DU CŒUR ET DU SYSTEME VASCULAIRE ..................................................................... 133 1. Modifications cardiaques ........................................................................................................... 133 2. Modifications des vaisseaux ....................................................................................................... 134 3. Particularités dans la composition du sang ................................................................................ 135

B - ADAPTATION DU SYSTEME RESPIRATOIRE ........................................................................................ 135 Evaluation de l'état général d'une chauve-souris ....................................................................................136

PARTIE 3 : IMPORTANCE ECOLOGIQUE DES CHIROPTERES 143

I - DES NICHES ECOLOGIQUES VARIEES ........................................................................... 141

A - DES SITES D'ALIMENTATION MULTIPLES ........................................................................................... 141 B - DIVERSITE DES SITES DE REPOS .......................................................................................................... 142

II - DIVERSITE DES REGIMES ALIMENTAIRES .................................................................... 143

A - ALIMENTATION GRACE A DES RESSOURCES ANIMALES .................................................................... 143 1. Insectivore ................................................................................................................................... 143 2. Carnivore..................................................................................................................................... 146 3. Piscivore ...................................................................................................................................... 148 4. Hématophage ............................................................................................................................. 149

B - ALIMENTATION GRACE A DES RESSOURCES VEGETALES ................................................................... 150 1. Frugivore ..................................................................................................................................... 150 2. Nectarivore ................................................................................................................................. 152

III - ROLES ECOLOGIQUES DES CHAUVES-SOURIS ............................................................ 154

A - IMPACTS POSITIFS DES CHIROPTERES SUR L'ENVIRONNEMENT ET LES HUMAINS ........................... 154 1. Maintien des forêts tropicales .................................................................................................... 154 2. Rôle dans la reproduction de plantes économiquement importantes ........................................ 157 3. Régulation des populations d'insectes ........................................................................................ 158 4. Intérêt agronomique du guano................................................................................................... 159

B - IMPACTS NEGATIFS DES CHIROPTERES POUR LES HUMAINS ............................................................ 160 1. Transmission de maladies zoonotiques ...................................................................................... 160 2. Ravages des cultures de fruits .................................................................................................... 164 3. Nuisance à cause des déjections dans les constructions humaines ............................................ 164

CONCLUSION 167

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 169

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

Table des figures

Figure 1 : Schéma représentant les différents groupes phylogéniques.. .............................................. 24

Figure 2 : Arbre phylogénétique simplifié de la place des mammifères dans le règne animal. .......... 27

Figure 3 : Arbre simplifié de la place des chiroptères dans la classification ......................................... 29

Figure 4 : Spécimens représentatifs des mégachiroptères et des microchiroptères ............................ 33

Figure 5 : Position de l'Eocène dans l'échelle des temps géologiques .................................................. 36

Figure 6 : Exemple de fossile partiel de chiroptères. Crâne de Myotis bechsteini intermedius............ 41

Figure 7 : Les deux spécimens connus d'Onychonycteris finneyi, vues dorsales. ................................. 42

Figure 8 : Sternum d'Onychonycteris finneyi en vue ventrale.. ............................................................. 45

Figure 9 : Position d'Onychonycteris dans la phylogénie des chiroptères.. .......................................... 47

Figure 10 : Fossile d'Icaronycteris index ................................................................................................ 48

Figure 11 : Vue latérale droite du squelette d'Icaronycteris index ....................................................... 49

Figure 12 : Fossile d'Archaeonycteris .................................................................................................... 51

Figure 13 : Fossile d'Hassianycteris messelensis. .................................................................................. 53

Figure 14 : Fossile de Palaeochiropteryx tupaiodon.............................................................................. 54

Figure 15 : Fossile de Tanzanycteris mannardi. .................................................................................... 56

Figure 16 : Synthèse des différents fossiles de microchiroptères et leur apparition au cours de

l'évolution. ............................................................................................................................................. 58

Figure 17 : Modèle de la diversification des chauves-souris depuis le Crétacé.. .................................. 59

Figure 18 : Arbre phylogénique des espèces fossiles et actuelles de chiroptères. ............................... 60

Figure 19 : Schéma d'un bourgeon de membre au cours de l'embryogénèse. Vue dorsale ................ 62

Figure 20 : Schéma du squelette de l'aile d'une chauve-souris adulte. ................................................ 64

Figure 21 : Schéma récapitulant les interactions entre les gènes de développement dans les bourgeons

des membres antérieurs des chauves-souris. ....................................................................................... 69

Figure 22 : Chauve-souris (Pteropus lylei) en vol. Photographie libre de droit. .................................... 73

Figure 23 : Différentes étapes du cycle de battement d'aile d'une chauve-souris ............................... 74

Figure 24 : Squelettes de microchiroptères. Vue latérale (A) et vue ventrale (B) ................................ 76

Figure 25 : Vue antérieure de la scapula droite de Rousettus aegyptiacus. ......................................... 77

Figure 26 : Humérus de Rousettus aegyptiacus .................................................................................... 78

Figure 27 : Schéma des mouvements de l'articulation sterno-claviculaire ........................................... 79

Figure 28 : Mouvements de la ceinture scapulaire pendant le vol ....................................................... 80

Figure 29 : Vue antérieure de l'articulation de l'épaule droite d'une espèce de Molossidae. ............. 82

Figure 30 : Radius et ulna droits de Desmodus rotundus. ..................................................................... 83

Figure 31 : Vue dorsale (A) et ventrale (B) de l'articulation du coude de Rousettus aegyptiacus. ....... 84

Figure 32 : Squelette de chauve-souris en vol. ..................................................................................... 85

Figure 33 : Carpe gauche de Rousettus aegyptiacus ............................................................................. 87

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Figure 34 : Sternum de Rousettus aegyptiacus ..................................................................................... 88

Figure 35 : Fracture ouverte du radius d'une sérotine. ........................................................................ 89

Figure 36 : Lésion du poignet ................................................................................................................ 90

Figure 37 : Comparaison entre le squelette d'une aile d'oiseau et celle d'un microchiroptère ........... 91

Figure 38 : Différentiation entre les juvéniles et les adultes grâce aux jonctions articulaires ............. 92

Figure 39 : Schéma de la disposition des muscles de la membrane alaire en vue latérale. ................. 96

Figure 40 : Schéma et photographie des muscles plagiopatagialis chez Eidolon elvum. ...................... 99

Figure 41 : Schéma de la disposition des muscles de la membrane alaire en vue ventrale. .............. 100

Figure 42 : Schéma des muscles permettant la mobilisation de l'épaule lors la phase ascendante .. 101

Figure 43 : Vue dorsale des muscles de l'épaule participant à la phase ascendante.......................... 103

Figure 44 : Vue ventrale des muscles de l'épaule participant à la phase ascendante.. ...................... 103

Figure 45 : Schéma des muscles permettant la mobilisation de l'épaule lors la phase descendante du

vol. ....................................................................................................................................................... 108

Figure 46 : Vue dorsale des muscles de l'épaule participant à la phase descendante ....................... 110

Figure 47 : Vue ventrale des muscles de l'épaule participant à la phase descendante ...................... 110

Figure 48 : schéma des muscles permettant le déploiement automatique de l'aile .......................... 118

Figure 49 : Schéma des muscles permettant le repliage de l'aile. ...................................................... 119

Figure 50 : Schéma des os du tarse chez les chauves-souris ............................................................... 121

Figure 51 : Mécanisme d'accrochage de griffes postérieures des chauves-souris ............................. 122

Figure 52 : Nomenclature de la membrane alaire .............................................................................. 125

Figure 53 : Faisceaux de fibres et réseau neuro-vasculaire du plagiopatagium vus au microscope

électronique à balayage ...................................................................................................................... 125

Figure 54 : Schéma de la disposition des faisceaux de fibres dans une aile de chauve-souris. .......... 126

Figure 55 : Illustration schématique du réseau capillaire et d'une anastomose du bord arrière du

patagium.............................................................................................................................................. 128

Figure 56 : Poils sensitif de la membrane alaire chez Antrozous pallidus. .......................................... 129

Figure 57 : Schéma du cœur et des gros vaisseaux d'un mégachiroptère (Eidolon helvum) .............. 134

Figure 58 : Chauves-souris en soin ...................................................................................................... 145

Figure 59 : Photographies de plusieurs espèces de chiroptères insectivores. .................................... 145

Figure 60 : Exemples de chiroptères carnivores ................................................................................. 147

Figure 61 : Exemples de chauves-souris piscivores ............................................................................. 148

Figure 62 : Photographies des 3 espèces de chauves-souris vampires. .............................................. 149

Figure 63 : Photographies de plusieurs espèces de chiroptères frugivores. ....................................... 151

Figure 64 : Photographies de plusieurs espèces de chauves-souris nectarivores. ............................. 153

Figure 65 : Chauve-souris se nourrissant du pollen d'une fleur .......................................................... 157

Figure 66 : Exemples de fruits tropicaux pour lesquels la reproduction via les chiroptères est

fondamentale. ..................................................................................................................................... 157

Figure 67 : Exemples d'arbres économiquement importants dont le transport du pollen et des graines

se fait grâce aux chauves-souris .......................................................................................................... 158

Figure 68 : Colonies de chauves-souris insectivores (A) et frugivores (B)........................................... 160

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Table des tableaux

Tableau 1 : Tableau comparatif des principales caractéristiques des microchiroptères et des

mégachiroptères. .................................................................................................................................. 32

Tableau 2 : Nouvelle classification des chiroptères .............................................................................. 34

Tableau 3 : Récapitulatif des différents niveaux de régulation impliqués dans le développement des

membres chez les chauves-souris ......................................................................................................... 63

Tableau 4 : Muscles mineurs de la phase de récupération ................................................................. 107

Tableau 5 : Muscles mineurs de la phase de propulsion .................................................................... 114

Tableau 6 : Muscles de la manœuvrabilité et de l'agilité en vol ......................................................... 115

Tableau 7 : Mouvements des ailes au cours d'un cycle et muscles associés ...................................... 117

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TABLE DES ABREVIATIONS

AER : apical ectodermal ridge (crête ectodermique apicale)

BMP : bone morphogenetic protein

bpm : battements par minute

FGF : fibroblast growth factor

Grem1 : gremlin 1

MA : millions d'années

PO : per os

PRX : gène codant pour la periaxine

SC : sous-cutané

SHH : sonic Hedgehog

ZPA : zone of polarizing activity (zone d'activité polarisante)

ZP : zone de progression

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INTRODUCTION

Au cours de l'évolution, les représentants de l'ordre des chiroptères ont acquis un mode de

locomotion unique parmi les mammifères, le vol. L'apparition d'ailes permet aux chauves-souris

d'exploiter les niches écologiques aériennes depuis au moins 55 millions d'années.

En effet, les chiroptères sont les seuls mammifères capables de vol actif, distinct du vol plané par le

fait qu'il est indépendant de la pesanteur. En conséquence, ils ont développé des capacités physiques

et physiologiques exceptionnelles leur permettant de répondre aux contraintes aérodynamiques et

somatiques du vol.

La formidable capacité d'adaptation des chauves-souris au milieu aérien est à l'origine des 1200

espèces actuelles. Ainsi, les chiroptères rassemblent un quart des espèces de mammifères terrestres

et forment le deuxième ordre de cette classe, la première place revenant aux rongeurs.

Du fait de leur originalité, l'étude de ces animaux est passionnante. Difficiles à observer à cause de leur

mode de vie nocturne, les chauves-souris font souvent l'objet de nombreuses peurs infondées et de

légendes urbaines. La crainte de ces animaux s'est récemment renforcée à cause de leur implication

dans la transmission de virus majeurs et émergents tels que le virus de la rage ou Ebola. Les

conséquences majeures qu'ils peuvent engendrer en santé publique renforcent l'intérêt de l'étude de

ces animaux.

En dépit de ces impacts négatifs, leur capacité à voler, leur diversité et leur abondance confèrent aux

chauves-souris des rôles écologiques multiples les rendant primordiales dans le fonctionnement de

nombreux écosystèmes.

Dans une première partie, nous nous sommes intéressés à l'évolution du vol en étudiant la

place des mammifères et des chiroptères au cours de l'Histoire, avant de nous tourner vers la biologie

du développement des chauves-souris.

Dans ce travail, nous avons choisi d'étudier la totalité des espèces de chiroptères en effectuant une

dichotomie entre les mégachiroptères et les microchiroptères lorsque cela paraissait nécessaire. En

effet, même s'il est phylogénétiquement inexact de répartir les chauves-souris dans ces deux groupes

récemment remaniés, le vol est un aspect partagé par tous les chiroptères. La classification en fonction

de l'aspect morphologique permet plus de clarté dans les explications physiologiques et anatomiques.

Nous développerons ensuite les principales adaptations anatomiques liées au vol. Lorsque cela

s'avèrera judicieux, des encarts sur la prise en charge médicale et l'évaluation clinique des chauves-

souris seront insérés.

Les modes de vie des chiroptères, leurs rôles environnementaux et leurs impacts négatifs pour

l'Homme seront détaillés dans une troisième partie.

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PARTIE I :

Evolution du vol chez les

mammifères

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PARTIE 1 :

EVOLUTION DU VOL

Les chiroptères composent, avec les oiseaux et les ptérosaures, les trois seules lignées de

vertébrés ayant développé le vol battu. Grâce à cette capacité, les chauves-souris sont en mesure

d'exploiter des ressources que les autres mammifères ne peuvent pas atteindre ce qui offre un

avantage indéniable. Savoir comment le vol est apparu à partir d'ancêtres terrestres est une question

fascinante à laquelle nous nous sommes intéressés en étudiant l'évolution des mammifères. Dans un

premier temps, nous définirons la place des mammifères et celle des chiroptères dans l'évolution du

règne animal. Ensuite, nous étudierons l'histoire évolutive des chiroptères grâce aux données récentes

de paléontologie et de biologie embryonnaire.

I - PHYLOGENIE : CLASSIFICATION DES MAMMIFERES ET DES

CHIROPTERES

A - PREREQUIS SUR LA CONSTRUCTION D'UN ARBRE PHYLOGENETIQUE

1. Généralités

La classification du vivant est une science très active et très complexe étant donné le nombre

d’espèces animales dont seulement 1,7 millions sont actuellement recensées sur les 8,7 millions

d'espèces supposées (Mora et al., 2011). Cette classification se fait traditionnellement sous forme

d'arbre phylogénétique.

L'arbre phylogénétique est un schéma illustrant l'émergence successive des groupes d'êtres vivants au

cours du temps. Il permet d’identifier les racines communes à différentes espèces et donne de

nombreuses informations sur les liens de parenté entre les groupes représentés.

L'arbre peut intégrer des données morphologiques, moléculaires ainsi que des données écologiques

et géographiques en partant d'un principe assez simple : s'il y a des similitudes de caractères, il y a très

probablement des relations de parenté. Il existe plusieurs façons de construire un arbre

phylogénétique mais toutes sont basées sur la comparaison de données récoltées suivant différents

protocoles.

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La classification exacte et définitive des êtres vivants est loin d'être trouvée. En effet, de nouvelles

espèces animales sont encore régulièrement découvertes et de nouvelles méthodes de construction

d'arbres phylogénétiques sont expérimentées, aboutissant à de nouvelles classifications.

La phylogénie est une science complexe qui manipule des notions propres à ce domaine. Nous allons

les définir afin de comprendre la construction et la lecture de l'arbre phylogénétique des mammifères

et plus précisément la place phylogénétique des chiroptères.

2. Quelques définitions

Un taxon correspond à un groupe d'être vivants assemblés parce qu'ils possèdent des

caractères en commun. II existe plusieurs rangs taxonomiques comme le domaine (exemple :

Eucaryotes), le règne (Animal), l'embranchement ou phylum (Chordés), la classe (Mammifère), l'ordre

(Chiroptères), la famille (Vespertilionidae), le genre (Pipistrellus), et l'espèce (subflavus).

Un groupe monophylétique, ou clade (cf. Figure 1A), englobe tous les descendants dérivant

d'un même ancêtre commun, lui y compris. Les mammifères sont un exemple de groupe

monophylétique.

Un groupe polyphylétique regroupe des animaux de différents taxons et dont l'ensemble ne

peut pas être considéré comme un taxon au sens phylogénétique du terme car la ressemblance qui les

lie n'a pas été héritée d'un ancêtre commun (cf. Figure 1B). Par exemple le groupe des animaux

homéothermes est polyphylétique, car il regroupe les mammifères et les oiseaux.

Un groupe est dit paraphylétique quand il rassemble une espèce ancestrale et une partie

seulement de ses descendants (cf. Figure 1C). Ainsi, contrairement au groupe polyphylétique, les

ressemblances communes ont été héritées de l'ancêtre commun. Les reptiles par exemple, sont un

groupe paraphylétique. En effet, les oiseaux dérivent du même ancêtre commun mais ne sont pas

inclus dans ce groupe (Francour, 2007).

Figure 1 : schéma représentant les différents groupes phylogéniques. D'après Francour (2007).

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3. Explication des différentes méthodes de comparaison

a - Comparaison de critères morpho-anatomiques

La première méthode de création d'arbre phylogénétique consiste à établir une classification

basée sur des critères morpho-anatomiques. Elle présente trois limites majeures :

(i) Il est possible que le caractère étudié, définissant un nouveau taxon, soit apparu ailleurs dans

l'évolution par un phénomène de convergence, c’est-à-dire que des organismes non apparentés ont

pu résoudre un problème de manière indépendante en développant des caractéristiques similaires.

On peut prendre l'exemple du taxon des mammifères marins et celui des poissons : bien qu'ils aient

des relations de parenté très lointaines, ils ont comme caractéristique commune de posséder des

membres antérieurs adaptés à la nage.

(ii) Le caractère que l'on pensait être spécifique d'un taxon peut être finalement absent chez certains

représentants de ce taxon.

(iii) Et parfois, on ne sait pas où classer certaines espèces, car elles n'ont pas assez de caractères en

commun avec les taxons déjà établis. Toutes ces espèces non classables forment donc elles-mêmes un

taxon (Delsuc et al., 2003).

Toutefois, cette méthode de classification présente un avantage certain car elle permet de

prendre en compte les fossiles ce qui permet de réduire certaines lacunes car ils apportent souvent

des associations de caractères qui n'existent pas chez les organismes actuels (Barriel et Tassy, non

daté).

b - Comparaison de critères moléculaires

La classification basée sur des critères moléculaires est effectuée grâce à des comparaisons de

séquences d'ADN. On cherche à comparer entre elles les séquences d'un grand nombre d'espèces afin

d'en déterminer les caractères homologues, ce qui permettra de classer ces espèces dans différents

clades.

Il existe deux types d'ADN comparables pour effectuer ce type de classification : l'ADN

nucléaire et l'ADN mitochondrial ; chacun présentant des avantages et des inconvénients. L’ADN

mitochondrial se retrouve en quantité abondante dans les cellules, il est compact et surtout plus petit.

Il est donc plus facile à analyser que l’ADN nucléaire. Cependant, il subit un taux de mutations

beaucoup plus élevé que l’ADN nucléaire, or la multitude de ces mutations rend les reconstitutions

phylogénétiques plus hasardeuses. Finalement, l'utilisation de l'ADN nucléaire s'est démocratisée dans

les études phylogénétiques (Delsuc et al., 2003).

Une fois que les séquences ont été déterminées, elles doivent être comparées entre elles. Pour

ce faire, il existe plusieurs méthodes comme l'hybridation ADN-ADN, la cartographie de restriction et

le séquençage de l'ADN (Francour, 2007).

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On pourrait penser que cette méthode est moins soumise à la controverse que les

comparaisons morphologiques par son objectivité apparente. Cependant, elle présente une limite

importante dont il faut tenir compte : l'analyse moléculaire nécessite l'alignement des séquences

d'ADN à comparer, mais si au cours de l'évolution il y a eu des mutations de type insertion ou délétion,

la subjectivité de l'opérateur intervient au moment de l'alignement de ces séquences (Barriel et Tassy,

non daté).

De plus, même dans les comparaisons moléculaires, des caractères qui semblent homologues peuvent

avoir été acquis par évolution convergente, ce qui rajoute encore un degré d'incertitude aux résultats

obtenus.

4. Fabrication de l'arbre phylogénétique : mise en forme des données comparées

Une fois que les données morphologiques ou moléculaires ont été comparées, les résultats sont

mis en forme sous l'apparence d'un arbre phylogénétique. Il existe plusieurs méthodes statistiques

visant à trouver l'arbre le plus probable en tenant compte des contraintes de la nature. Ainsi, la

méthode qui semble actuellement la plus pertinente est la méthode de parcimonie, qui consiste à

choisir l'arbre le plus simple, celui qui implique le moins de changement, lorsque plusieurs solutions

sont possibles (Francour, 2007).

Les données à notre disposition pour étudier la phylogénie étant en perpétuelle évolution, il

est primordial d'utiliser des données comparables, qui doivent être irréfutables, validées et non

variables dans le temps. Ceci est en effet une condition essentielle si l'on veut obtenir les résultats les

plus fiables possibles et pouvoir prétendre affiner les recherches dans le futur.

Chaque méthode de comparaison, utilisée seule, donne en général des résultats différents et donc des

arbres différents. Les résultats les plus fiables sont donc ceux qui reposent sur l'utilisation simultanée

de ces méthodes (Lehel, 2006).

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B - PHYLOGENIE DES MAMMIFERES

La phylogénie est une discipline en constante évolution. Comme nous l'avons vu précédemment,

il existe de nombreux critères comparables dans l'objectif de comprendre les relations

phylogénétiques entre deux taxons. Selon les critères utilisés (morphologie, ADN…), les arbres

phylogénétiques résultants et les liens supposés entre les groupes sont différents. Malgré tout, la place

des mammifères placentaire semble à ce jour bien définie (Springer et al. 2004).

1. Place des mammifères dans la classification des êtres vivants

Figure 2 : Arbre phylogénétique simplifié de la place des mammifères dans le règne animal.

D'après Sayers et al. (2009).

L'arbre phylogénétique conduisant aux mammifères (cf. Figure 2) commence dans le domaine

des Eucaryotes, qui regroupe tous les organismes unicellulaires ou pluricellulaires, possédant un noyau

vrai dans leurs cellules.

Vient ensuite le règne Animal qui rassemble les êtres vivants complexes multicellulaires et

hétérotrophes (i.e. se nourrissant de matière organique préexistante).

Puis arrive le phylum des Chordés, apparu il y a environ 500 Ma, englobant les organismes qui

présentent notamment une symétrie bilatérale, un corps segmenté et un cordon nerveux unique et

creux.

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Leurs descendants, les Vertébrés, possèdent tous une colonne vertébrale ou une chaîne d'éléments

osseux qui courent le long de la face dorsale de la tête à la queue et forment l'axe du squelette principal

du corps.

La superclasse des Tétrapodes, apparue il y a 365 Ma, comporte des animaux possédant deux paires

de membres et une respiration pulmonaire.

Les tétrapodes se divisent ensuite, il y a environ 312 Ma au Carbonifère supérieur, pour former le clade

des Amniotes (groupe d'organisme ayant un amnios) et le groupe paraphylétique des amphibiens.

Les amniotes sont divisibles en deux clades :

- les sauropsides qui seront à l'origine des oiseaux, des reptiles actuels et de certains reptiles

fossiles,

- les Synapsides qui ont donnés naissance aux Cynodontes, aussi appelés "reptiles

mammaliens".

Les seuls descendants actuels des Cynodontes sont les mammifères, apparus il y a 220 Ma (Myers et

al. 2014).

2. Comment se divise la classe des mammifères

Les mammifères sont traditionnellement définis comme étant des animaux vertébrés,

vivipares, caractérisés essentiellement par la présence de mamelles, d'un cœur à 4 cavités, d'un

système nerveux et encéphalique développé, une homéothermie et une respiration de type

pulmonaire.

Actuellement, l'importance quantitative des mammifères sur Terre est indéniable. En effet, parmi la

multitude de formes vivantes existantes sur Terre, les mammifères, avec leurs 4550 espèces

différentes, représentent seulement 0,25% de la diversité de la faune terrestre (Delsuc et al., 2003).

Le nombre d'espèces de mammifères est en constante augmentation du fait de la découverte de

nouvelles espèces ou de l'impact de l'outil génétique qui permet de distinguer des espèces à

l'apparence quasi identique.

Les mammifères comportent deux sous-classes bien distinctes, dont une qui se subdivise également

en deux infra-classes :

- Les Protothériens ou monotrèmes sont les mammifères les plus anciens. Ils sont à la fois

ovipares et mammifères, c’est-à-dire qu'ils pondent des œufs et allaitent leurs petits. Les

ornithorynques et échidnés sont les deux seuls représentants actuels de la sous-classe des

monotrèmes. Il reste beaucoup de zones d'ombres concernant l'origine des monotrèmes en

raison du peu de fossiles retrouvés.

- La deuxième sous-classe est celui des Thériens, qui comporte tous les autres mammifères et

qui est subdivisé en deux infra-classes :

o Les Métathériens ou marsupiaux, comptant aujourd'hui environ 270 espèces comme

les opossums, les wombats, les kangourous, les koalas... Les marsupiaux sont vivipares

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mais le développement de l'embryon est inachevé à la naissance et se poursuit dans

la poche marsupiale.

o La deuxième infra-classe est celle des Euthériens ou mammifères placentaires (cf.

Figure 3). Apparus il y a environ 125 Ma, ils dominent à l'heure actuelle la classe des

mammifères en regroupant à eux seuls environ 4500 espèces différentes

(Hartenberger, 2003 ; Gheerbrant, non daté ; Delsuc et al., 2003).

Figure 3 : Arbre simplifié de la place des chiroptères dans la classification. D'après Sayers et al., (2009).

Les Euthériens sont divisés en 4 clades :

- les Afrotheria représentés par exemple par les oryctéropes, les éléphants et les lamantins,

- les Euarchontoglires regroupant les rongeurs, lagomorphes et primates notamment,

- les Xenarthra rassemblant entre autres les tatous et les paresseux,

- les Laurasiatheria dont font partie les chiroptères.

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L'évolution a doté certains mammifères de capacités uniques, comme le vol actif. Les chauves-souris

sont les seuls représentants du règne animal ayant cette faculté, et ces animaux forment l'ordre des

chiroptères. Leur place dans la classification semble être définie mais pourrait encore changer en

fonction des découvertes scientifiques, notamment fossiles.

C - PHYLOGENIE DES CHIROPTERES

1. Caractérisation de l'ordre des chiroptères

Les chiroptères (du grec "kheir"= main et "pteron=aile") sont les seuls mammifères doués du

vol actif. On distingue le vol actif du vol plané pratiqué par les écureuils volants, ou celui des phalangers

volants (Petaurus breviceps) ou des galéopithèques (Cynocephalus volans) par exemple qui ont, eux,

un vol toujours descendant. Les chiroptères ont développé une faculté extraordinaire : ils sont

capables de battre des ailes pour combattre la pesanteur et ainsi se déplacer vers le haut. Par cette

caractéristique, leur mode de déplacement est comparable à celui des oiseaux.

Les chiroptères présentent comme caractéristiques communes :

- une adaptation pour le vol des membres antérieurs avec :

- un allongement majeur des doigts II à IV

- la présence d'un patagium, englobant les doigts II à IV des membres antérieurs et reliant

l'extrémité du doigt V aux chevilles (i.e. Tarse des membres postérieurs)

- au niveau de l’épaule, la ceinture scapulaire est très développée avec une scapula de grande

taille positionnée dorsalement par rapport à la cage thoracique

- un sternum caréné permettant l'insertion des muscles du vol,

- des membres postérieurs avec une rotation à 180° par rapport aux autres mammifères, les genoux

se pliant vers l'arrière (Neuweiler, 2000).

L'ordre des chiroptères est représenté par un total de plus de 1200 espèces de chauves-souris

réparties partout à travers le monde à l'exception des pôles (Teeling et al., 2005; Teeling, 2009). C'est

au niveau de l'équateur que les chauves-souris sont les plus représentées : on ne compte que 36

espèces en Europe pour 170 en Colombie par exemple, bien que ce soit un territoire quatre fois moins

vaste.

Leurs biotopes sont si diversifiés que toutes ces espèces peuvent cohabiter sans qu'il y ait de

concurrence. La diversité de cet ordre est incroyable. Les chauves-souris diffèrent par leur taille allant

de 23 millimètres d'envergure et 3 grammes pour la chauve-souris bourdon (Crasseonycteris

thonglongyai) à 1,7 mètre d'envergure et 1,5 kg pour la roussette de Malaisie (Pteropus vampyrus),

par leur régime alimentaire (insectivore, frugivore, nectarivore, carnivore, piscivore, hématophage)

ainsi que par leur mode de vie (migration, hibernation pour les espèces de l'hémisphère nord

notamment etc.) (Site du MNHN de Bourges, 2009).

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Les chiroptères forment a priori un groupe monophylétique, c’est-à-dire que tous les

chiroptères ont le même ancêtre commun, malgré des différences importantes entre les deux grandes

lignées de chauves-souris (les frugivores et les insectivores).

Il existe des études en faveur de la monophylie des chiroptères (Baker et al., 1991; Simmons, 1994) et

d'autres en faveur d'une paraphylie (Pettigrew et al., 1989). La résolution de ce conflit est un prérequis

pour la compréhension de l’évolution de l’écholocation et du vol chez les chiroptères. En effet, la

classification des chiroptères a notamment pour enjeu de déterminer si chez les mammifères le vol a

évolué une seule fois (chez un ancêtre commun aux deux lignées, si le groupe est monophylique) ou

deux fois (distinctement dans les deux lignées qui ont un ancêtre commun non volant si le groupe est

paraphylétique). D'après les études les plus récentes, la monophylie des chiroptères semble faire

consensus (Teeling et al., 2005).

La classification divisant l'ordre des chiroptères en sous-ordre a été bouleversée relativement

récemment par une étude basée sur des comparaisons de données moléculaires. Nous allons

développer l'ancienne classification, encore largement utilisée dans le milieu des amateurs de

chauves-souris, puis nous nous intéresserons à la nouvelle classification des chiroptères.

2. L'Ancienne classification, basée sur des critères morphologiques

L'ordre des chiroptères est traditionnellement divisé en deux sous-ordres considérés comme

monophylétiques (Jones et al., 2002).

Le premier sous-ordre est celui des microchiroptères. Il regroupe toutes les espèces de

chauves-souris pouvant utiliser l'écholocation laryngée, soulignant la différence de mode de

perception sensorielle entre les mégachiroptères et les microchiroptères (Teeling, 2009). Les chauves-

souris de ce groupe sont de petite taille et pèsent généralement entre 5 et 20 grammes, avec une

exception pour certaines espèces de Phyllostomidae qui peuvent peser jusqu'à 100 grammes. Ce

groupe rassemble le plus grand nombre d'espèces (environ 782). Les chauves-souris européennes

appartiennent toutes aux microchiroptères excepté une espèce de roussette vivant à Chypre

(Neuweiler, 2000).

Le second sous-ordre est celui des mégachiroptères. Il est composé d'une seule famille

rassemblant environ 170 espèces de chauves-souris de l'Ancien Monde (Afro-Eurasie). Les

mégachiroptères sont considérés comme des chauves-souris "basiques" et rassemblent toutes les

chauves-souris qui n'utilisent pas une écholocation laryngée sophistiquée. Seule une espèce est

capable d'une forme d'écholocation à base de "clics" émis avec la langue, Rousettus aegyptiacus, qui

vit dans des grottes et qui se sert de l'écholocation pour s'orienter dans l'obscurité complète. Toutes

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les espèces de mégachiroptères sont frugivores, ont une vue en couleur et vivent la journée

suspendues aux branches des arbres. Leur taille est très variable : avec une envergure de 1,7 mètre,

Pteropus vampyrus est la plus grande chauve-souris au monde tandis que la plus petite espèce

ressemble plutôt à un microchiroptère de taille moyenne (Site du MNHN de Bourges, 2009).

Tableau 1 : tableau comparatif des principales caractéristiques des microchiroptères et des mégachiroptères.

Mégachiroptères Microchiroptères

Distribution Régions tropicales Partout sur Terre sauf aux

pôles

Aspect Museau allongé sans feuille nasale, grands yeux, petites

oreilles

Petits yeux, oreilles généralement très

développées

Taille

Taille variable mais globalement plus grand que les microchiroptères (parfois > 1m50)

Petite taille

Position perchée Cou fléchi Cou tendu

Mode de perception sensorielle

Visuel Acoustique

Echolocation Absente (sauf Roussettus

aegyptiacus : écholocation primitive)

Présente

Oreilles externes Simple, absence de tragus

(protubérance) Complexes, bien développées

Yeux Grands et bien développés, très

bien adaptés à la vision nocturne Petits

Alimentation Frugivores, nectarivores Très diversifiée : insectivore,

piscivore, carnivore, frugivore et parfois hématophage

Poils Présence de sous-poils et de poils Absence de sous-poils

Membres antérieurs Généralement présence d'une griffe sur le doigt II en plus de

celle sur le pouce

Griffe uniquement sur le pouce

Queue Queue courte ou absente Queue reliée à l'uropatagium

Membrane "caudale" Peu ou pas développée Bien développée

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Figure 4 : Spécimens représentatifs des mégachiroptères (Roussette juvénile à gauche) et des

microchiroptères (Oreillard à droite). Photographies : Ariane KLEIN

3. La Nouvelle classification, basée sur des critères moléculaires

D'après les études basées sur des données moléculaires de Teeling et al. 2002, le sous-ordre

des microchiroptères apparait comme étant paraphylétique (cf. Tableau 2).

Le large échantillonnage effectué dans les différents taxons (neuf groupes, une vingtaine d'espèces de

chauves-souris, y compris toutes les familles de Rhinolophoidea existantes) et la grande quantité de

séquences nucléaires analysées ont permis de trouver des preuves génétiques en faveur de la

paraphylie des microchiroptères, définissant ainsi une nouvelle classification (Teeling et al., 2002).

La grande nouveauté qui ressort de ces études est que la super-famille des Rhinolophoidea,

pourtant capable d'écholocation, serait plus étroitement liée aux Ptéropodes qu'aux autres chauves-

souris capables d'écholocation (Simmons, 2005). Cette super-famille des Rhinolophoidea apparait donc

comme polyphylétique. Cela s'expliquerait notamment par une évolution indépendante d'innovations

anatomiques permettant l'émission nasale d'impulsions d'écholocation (Teeling et al., 2002). De ce

fait, les familles Rhinopomatidae, Megadermatidae et Rhinolophidae appartiennent au sous-ordre

Yinpterochiroptera. Tandis que la famille Nycteridae appartient au sous-ordre des Yangochiroptera.

Le nouveau groupe des Yinpterochiroptera rassemble donc les anciens mégachiroptères

(c’est-à-dire les chauves-souris non capables d'écholocation), ainsi que les familles Megadermatidae,

Rhinolophidae et Rhinopomatidae qui étaient précédemment considérées comme des

microchiroptères.

Le groupe des Yangochiroptera regroupe les anciens microchiroptères excepté les familles ayant

rejoint les groupes des Yinpterochiroptera.

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Sous-ordre : Yinpterochiroptera

Super-famille : Pteropodoidea Famille : Pteropodidae (Genres = Pteropus, Cynopterus, Nyctimene, Rousettus)

Super-famille : Rhinolophoidea(*) Famille : Rhinopomatidae (Rhinopoma) Famille : Megadermatidae (Megaderma, Macroderma, Cardioderma) Famille : Rhinolophidae (Rhinolophus) Famille : Hipposideridae (Hipposideros, Asellia…) Famille : Craseonycteridae (Craseonycteris)

Sous-ordre : Yangochiroptera

Super-famille : Rhinolophoidea(*) Famille : Nycteridae (Nycteris)

Super-famille : Emballonuroidea Famille : Emballonuridae (Emballonura, Taphozous)

Super-famille : Noctilionoidea Famille : Noctilionidae (Noctilio) Famille : Phyllostomidae (Tonatia, Desmodus…) Famille : Furipteridae (Furipterus) Famille : Mormoopidae (Mormoops, Pteronotus) Famille : Myzopodidae (Myzopoda) Famille : Mystacinidae (Mystacina) Famille : Thyropteridae (Thyroptera)

Super-famille : Vespertilionoidea Famille : Natalidae (Natalus, Nyctiellus, Chilonatalus) Famille : Vespertilionidae (Antrozous, Barbastella, Pipistrellus, Rhogeessa, Myotis…) Famille : Molossidae (Tadarida, Eumops, Nyctinomops…) Famille : Cistugidae (Cistugo) Famille : Miniopteridae (Miniopterus)

(*) La super-famille des Rhinolophoidea est polyphylétique

Tableau 2 : Nouvelle classification des chiroptères. D'après Teeling, 2009b; Agnarsson et al., 2011; Lack et al., 2010.

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4. Précisions sur l'origine de l'écholocation

La nouvelle classification des chiroptères soulève un nouveau problème concernant la

compréhension de l'apparition de l'écholocation chez les chiroptères.

En effet, avec l'ancienne classification, on pensait que les microchiroptères avaient acquis cette

caractéristique et que les mégachiroptères en avaient toujours été dépourvus.

Or, avec le mélange dans ces deux sous-ordres d'espèces capables d'écholocation avec d'autres qui en

sont incapables, deux hypothèses se présentent :

- la première est qu'il y ait une double origine à l'écholocation, c’est-à-dire que l'écholocation

serait apparue deux fois au cours de l'évolution, une fois chez les Yangochiroptera et une fois

chez les Yinpterochiroptera ;

- la seconde est que l'écholocation ait une origine unique grâce à l'ancêtre commun aux deux

sous-ordres et que l'ancêtre commun aux mégachiroptères aurait ensuite perdu cette fonction

(Springer et al., 2004).

Les études moléculaires complétées par des analyses phylogénétiques de données morphologiques

incluant les chauves-souris fossiles sont en faveur d'une origine unique de l'écholocation suivit de sa

perte chez les mégachiroptères.

De surcroit, l'écholocation est un système complexe impliquant la spécialisation du système

respiratoire, de l'oreille et du cerveau. Ainsi, si l'on applique la méthode de parcimonie, la seconde

hypothèse semble là encore la plus probable (Simmons, 2005).

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II – HISTOIRE NATURELLE : DES PREMIERS MAMMIFERES AUX

CHIROPTERES

Introduction

Afin d'expliquer l'évolution du vol chez les mammifères, nous allons nous intéresser à l'évolution

des mammifères, puis à celle des ancêtres des chauves-souris, qui sont les seuls mammifères volants

connus à l'heure actuelle.

Dans un premier temps, l’apparition des mammifères et leur évolution au cours des temps géologiques

seront étudiées. Parallèlement, nous nous intéresserons à l’apparition et au développement des

chiroptères.

Ensuite, à partir de la paléontologie des chiroptères, nous étudierons particulièrement les étapes

évolutives ayant pu conduire un mammifère terrestre à utiliser le ciel pour se déplacer et se nourrir.

Figure 5 : Position de l'Eocène dans l'échelle des temps géologiques. D'après l’International Commission on Stratigraphy (2013).

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A - APPARITION ET EVOLUTION DES MAMMIFERES

L’histoire des mammifères remonte, comme celle des dinosaures, à l'époque du Trias il y a 220

millions d’années. Cependant, les mammifères modernes sont apparus bien plus tardivement au début

du Crétacé, il y a 130 Ma.

La quasi-totalité des informations données dans cette partie sont issues d'études faites à partir de

fossiles, toutefois les données fossiles sont très hétérogènes et certains anciens continents comme le

Gondwana sont très peu représentés. De ce fait, certaines informations et notamment les dates

supposées peuvent encore changer au gré des découvertes paléontologiques.

1. Les mammifères au Crétacé (de -100 à -65 millions d'années)

Au Crétacé supérieur, il y a 100 à 65 millions d'années (Ma) (cf. Figure 5), les mammifères sont

peu nombreux et peu variés. Leur taille varie entre celle d'une souris et celle d'un blaireau et leur

morphologie se rapproche plus ou moins de celle des musaraignes actuelles. On distingue deux

groupes, les mammifères primitifs (les multituberculés) et les mammifères modernes :

- largement représentés, les multituberculés sont herbivores et ressemblent aux rongeurs

actuels. Même si cette lignée est maintenant éteinte, elle représentait alors la plus grande part des

mammifères et avait une répartition spatiale très étendue ;

- les mammifères modernes, eux, sont insectivores ou carnivores. Ils ont toutefois déjà

développé plusieurs modes de locomotion, avec des espèces fouisseuses, sauteuses, et grimpeuses.

Ils sont représentés par les monotrèmes (ornithorynques, échidnés…) et les thériens (mammifères

marsupiaux et mammifères placentaires) mais leurs formes sont encore très généralisées.

Les monotrèmes sont inconnus au Crétacé supérieur, mais ce groupe est signalé en Australie dans le

Crétacé inférieur. C'est le grand ensemble de mammifères vivants le moins bien connu à l'état fossile.

Les thériens sont bien diversifiés à la fin du Crétacé, avec une dominance par les marsupiaux même si

les placentaires ont une plus large répartition dans l'hémisphère Nord (Gheerbrant, non daté).

A la fin du Crétacé, il y a 70 à 65 Ma, le groupe primitif des Laurasiatheria a commencé à se développer

sur l'ancien continent regroupant l'Amérique du nord, l'Europe et l'Asie : la Laurasie. Les analyses

moléculaires placent les chiroptères dans cette ancienne lignée. Les Laurasiatheria primitifs et donc

les ancêtres des chauves-souris, étaient probablement des créatures apparentées aux chiroptères ou

aux écureuils, insectivores et quadrupèdes (Simmons, 2008; Gunnell et Simmons, 2005).

2. Bouleversement des lignées de mammifères lors de la crise Crétacé / Tertiaire

La période entre le Crétacé supérieur et le Paléocène, souvent désignée comme la limite

Crétacé/Tertiaire (K / T) est marquée par plusieurs changements majeurs dans l'histoire de la vie sur

Terre (Lehel, 2006).

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Il y a -65 Ma environ, a lieu la 5ème extinction massive recensée dans l'histoire. Tous règnes

confondus (i.e. animal et végétal), près de six à huit espèces sur dix ont disparu, dont les dinosaures

(excepté le rameau évolutif à l'origine des oiseaux), ainsi que les ptérosaures (reptiles volants), et de

nombreux reptiles marins.

Cependant, de nombreux groupes semblent avoir été relativement épargnés par cette crise. Chez les

végétaux c'est le cas des angiospermes (i.e. Les plantes à fleurs) et chez les animaux, c'est le cas des

crocodiliens, des tortues, des lézards mais aussi des insectes et des mammifères (Billet et Bonnefoy,

2007).

Toutefois, les extinctions ont été très sélectives chez les mammifères : tous les groupes ne sont pas

affectés de la même manière. Les placentaires souffrent notablement moins que les marsupiaux, dont

les deux tiers des espèces disparaissent, et que les multituberculés dont les dernières lignées

s'éteindront pendant l'Oligocène (Gheerbrant, non daté).

La spécialité des niches écologiques semble jouer un rôle important quant aux espèces ayant survécu

à cette crise. En effet, les organismes spécialisés pour une niche écologique ont été beaucoup plus

affectés que ceux plus ubiquistes. L'analyse de la diversité des espèces à cette période indique que

cette crise n'a pas été brutale et généralisée mais sélective et étendue sur la durée (Billet et Bonnefoy,

2007).

3. Radiation adaptative des mammifères

Après le Crétacé, s'est produit en seulement quelques millions d’années une diversification

majeure et sans précédent des mammifères (Hartenberger, 2003). Cette évolution rapide à partir d'un

ancêtre commun et à l'origine d'une grande diversité écologique et morphologique est appelée

radiation adaptative.

La radiation adaptative des mammifères modernes s'étend du Paléocène (-65 Ma) au Lutétien (-45 Ma)

et comprend plusieurs grandes étapes. Elle est mieux connue chez les placentaires que chez les

marsupiaux (Gheerbrant, non daté).

a - Début de la diversification des mammifères au Paléocène (-65 à -55 Ma)

Cette époque correspond à l'explosion initiale des lignées de placentaires et de marsupiaux.

Les mammifères deviennent plus nombreux mais les ordres actuels ne sont pas encore représentés, à

l’exception des marsupiaux et des placentaires insectivores. Les groupes de mammifères placentaires

primitifs sont quant à eux encore bien présents (Grandperrin, 2001).

Les lignées de marsupiaux subissent deux radiations adaptative, une en Amérique du Sud et la

seconde, beaucoup plus importante, a eu lieu en Australie.

Les lignées de placentaires vont subir de nombreux changements au cours de cette période,

aboutissant à une diversification sans précédent liée à une diversification morphologique et

anatomique, ainsi qu'à l'évolution de leur régime alimentaire.

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Les mammifères placentaires présentent une augmentation de taille extraordinaire et très

rapide à l'échelle des temps géologique. Le spectre de taille s'étend énormément avec l'apparition

d’espèces de très petite taille (quelques grammes) et d'autres de très grande taille (plusieurs centaines

de kilos). Ces changements majeurs de morphologie vont de pair avec une modification de caractères

physiologiques et écologiques (Hartenberger, 2003).

D'autres transformations morphologiques décisives portent sur l'extrémité des membres. Dès

le Paléocène, les milieux terrestres, aériens et aquatiques commencent à être colonisés par les

mammifères et les squelettes de leurs membres reflètent très bien ces adaptations.

Ces mammifères étaient presque exclusivement insectivores mais à partir du Paléocène, ils

développeront des appareils masticateurs très performants et variés menant à des régimes

alimentaires très diversifiés. On observe notamment l'apparition de mammifères frugivores,

granivores et herbivores grâce à une mastication des végétaux rendue plus efficace. C'est aussi à cette

époque qu'apparaissent les premiers prédateurs.

Dans l'ensemble, les mammifères du Paléocène restent peu spécialisés, et sont adaptées à des

écosystèmes essentiellement forestiers. Ils ont des régimes alimentaires assez diversifiés, comportant

des insectivores-omnivores, des herbivores généralisés et des carnivores-omnivores (Hartenberger,

2003; Gheerbrant, non daté).

b - Apogée des mammifères pendant l'Eocène (-56 à -34 Ma)

L'Eocène est caractérisé par une explosion de la diversité des espèces présentes sur la Terre,

tant animales que végétales et cette période représente le début de l'apogée des mammifères.

Au début de l’Éocène s'est produit un réchauffement global extrême avec une augmentation de la

température moyenne d’au moins 7°C. Ce réchauffement est à l'origine d'un climat tropical humide et

doux, les forêts sont alors l'habitat dominant sur Terre avec une augmentation significative de la

diversité végétale et un pic dans la diversité des insectes.

La plupart des ordres à l'origine des placentaires actuels se développent en parallèle de l'extinction

progressive des lignées primitives. Les grands groupes de mammifères se dessinent avec l'apparition

ou le développement des lignées de mammifères fouisseurs, insectivores, carnassiers, omnivores et

herbivores ongulés. Les milieux terrestres, aériens et aquatiques sont colonisés. La diversité des

membres en est une bonne illustration avec l'apparition de sabots, d'antérieurs adaptés à la nage, de

griffes, et aussi ce qui nous intéresse plus particulièrement, l'élongation spectaculaire des os de la main

chez les chiroptères. Ainsi, la plupart des continents sont conquis par les placentaires à l'exception de

l'Australie, domaine réservé des marsupiaux (Gheerbrant, non daté).

A partir de l'Eocène moyen, la diversification des espèces se stabilise et c'est la fin de la radiation

explosive des mammifères.

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c - Radiation adaptative des chiroptères pendant l'Eocène

Pendant l'Eocène inférieur, une diversification sans précédent dans l'histoire des mammifères

a eu lieu et les chiroptères ont aussi profité de cette période. En effet, les premiers spécimens de

chiroptères connus date de l'Eocène inférieur (-52 Ma) et lorsque les chauves-souris apparaissent dans

les archives fossiles, elles sont déjà pratiquement partout : des fossiles ont été retrouvés en Amérique

du nord, en Europe, en Afrique et en Australie (Gunnell et Simmons, 2005). Cette observation va dans

le sens d'une radiation adaptative explosive : l'évolution des chauves-souris et leur répartition

géographique a eu lieu à une vitesse fulgurante à l'échelle géologique. A la fin de l'Eocène, on compte

déjà 26 groupes de chauves-souris distincts dont plusieurs lignées fossiles, aujourd'hui éteintes, dont

les ancêtres communs sont à l'origine de toutes les chauves-souris actuelles. Aussi, il est probable que

les proto-chauves-souris datent de la fin du Paléocène, voire plus tôt (Simmons, 2008).

L'explication cette diversification au cours de l'Eocène se trouve peut-être dans l'augmentation

de la variété des proies à cette période. Les différentes familles de chauves-souris peuvent avoir

développé des stratégies différentes d'écholocation et de vol en fonction des niches écologiques

exploitables. Aussi, en tant que prédateurs nocturnes capables de capturer des proies en plein vol, les

chauves-souris avaient peu de concurrents : à cette époque les seuls autres vertébrés qui exploitaient

les mêmes niches écologiques étaient des oiseaux nocturnes comme les hiboux et les engoulevents

qui ont d'ailleurs aussi subi une radiation adaptative à l'Eocène (Simmons, 2005).

4. Nouvelle extinction des mammifères à la fin de l'Eocène (-37 Ma)

Au début de l'Oligocène (-35 Ma), un nouveau changement climatique a lieu. On constate un

refroidissement général, une aridité croissante et une diminution du milieu forestier en faveur

d'habitats ouverts de type savane. C'est aussi le moment de l'apparition des premières glaces aux

pôles. A cette époque, il y a un déclin majeur des espèces marines, notamment du plancton

(Gheerbrant, non daté). Ces modifications de l'environnement affectent directement les faunes de

mammifères placentaires: on parle de "Grande Coupure" Eocène-Oligocène.

Cette période correspond à d'importantes extinctions de lignées endémiques et à des migrations

intercontinentales des mammifères placentaires (Hartenberger, 2003). De plus, les groupes de

mammifères primitifs qui étaient encore bien présents au cours de l'Eocène déclinent ou s'éteignent

lors de cette nouvelle crise (Grandperrin, 2001).

Au cours de l'Oligocène, les lignées des mammifères se spécialisent et leur diversité augmente

jusqu'à l'Oligocène inférieur où pratiquement toutes les familles de mammifères modernes sont

établies (Gheerbrant, non daté).

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B - DESCRIPTION DES CHIROPTERES FOSSILES

Afin d'expliquer l'apparition du vol chez les mammifères, nous allons nous intéresser aux

ancêtres des chauves-souris qui sont actuellement les seuls mammifères capables de vol actif et aux

étapes évolutives ayant pu conduire un mammifère terrestre à voler. Pour ce faire, nous allons nous

intéresser à la paléontologie de l'ordre des chiroptères c’est-à-dire à l'étude de leurs fossiles.

1. Généralités

Un fossile est le "reste" (coquille, dent, graine…) ou le moulage d'un animal ou d'un végétal

conservé dans une roche sédimentaire. La fossilisation est un phénomène exceptionnel car des

conditions très particulières doivent être réunies pour aboutir à la création d'un fossile. De plus, les

êtres vivants ont tendance à se décomposer relativement rapidement après leur mort. Ainsi, pour

qu'un organisme soit fossilisé, il doit être recouvert par des sédiments très rapidement afin d'être

protéger des charognards et des processus d’oxydation par les bactéries aérobies.

Il existe d'autres processus plus anecdotiques que la fossilisation aboutissant à la conservation d'un

corps comme la congélation et le dessèchement.

Les plus vieux fossiles de chauves-souris ancestrales connus datent de l'Eocène inférieur (-52 Ma). Dans

la plupart des cas, on retrouve des fragments de squelettes avec en grande majorité des mâchoires et

des dents (cf. Figure 6), ce qui dans notre cas, informe sur le probable régime alimentaire de ces

animaux mais pas sur leur capacité à voler (Gunnell et Simmons, 2005). Cependant quelques spécimens

de chauves-souris ancestrales datant de l'Eocène ont été retrouvés en excellent état de conservation.

Ce sont à ces fossiles que nous nous intéresserons, afin d'apporter des arguments les plus pertinents

possibles sur la transition vers la capacité au vol.

Figure 6 : Exemple de fossile partiel de chiroptères. Crâne de Myotis bechsteini intermedius.

Photo : Laurent ARTHUR, MNHN de Bourges.

Il est cependant assez limité de se baser uniquement sur l'étude des fossiles pour comprendre

l'apparition de caractères, ici les adaptations anatomiques au vol, étant donné la rareté du phénomène

de fossilisation. Ainsi, les espèces intermédiaires entre celles ne présentant pas le caractère étudié et

d'autres chez qui il est pleinement développé sont souvent des espèces ayant vécu sur une courte

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période et avec une aire de répartition géographique réduite, leur fossilisation est donc d'autant plus

rare. De plus, la quasi-totalité des fossiles de chiroptères retrouvés sont des fossiles apparentés aux

microchiroptères et malgré cela il reste encore des lacunes à combler. Les quelques fossiles de

mégachiroptères identifiés sont des dents ou au mieux des squelettes partiels, cette lignée est par

conséquent très peu connue. Il reste donc encore une bonne partie de l'histoire des chauves-souris à

découvrir.

La paléontologie reste cependant science intéressante pour expliquer l'évolution du vol. L'étude de la

génétique des chiroptères en est complémentaire c'est pourquoi nous consacrerons une partie d'étude

à l'analyse des informations supplémentaires qu'elle apporte.

2. Fossiles de microchiroptères

a) Onychonycteris finneyi

Figure 7 : Les deux spécimens connus d'Onychonycteris finneyi, vues dorsales. D'après le Royal Ontario Museum (à gauche) et Simmons et al. 2008 (à droite).

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i. Généralités

Onychonycteris est la chauve-souris la plus primitive connue. Elle date de la fin de l'Eocène inférieur (-

52,5 Ma). Les deux spécimens existants ont été découverts en 2003 dans la Green River Formation du

sud-ouest du Wyoming aux États-Unis. Cette chauve-souris est de taille moyenne mais sensiblement

plus grande que les autres chauves-souris connues de l'Eocène (Simmons, 2008). Ses caractéristiques

physiques uniques ont conduit à la création d'une nouvelle famille, les Onychonycteridae.

ii. Crâne

Echolocation

La cochlée d'Onychonycteris est sous-développée, la base du marteau n'est pas élargie et l'os stylohyal

a une extrémité petite et arrondie. Ces caractéristiques anatomiques ne sont pas en faveur d'une

capacité d'écholocation, qui n'est donc pas encore utilisée par cette espèce, contrairement aux autres

chauves-souris datant de l'Eocène (Simmons et al., 2008).

Dentition et régime alimentaire

La formule dentaire d'Onychonycteris est I 2/3, C 1/1, P 3/3, M 3/3. Les molaires sont tribosphéniques,

c’est-à-dire que leur plateau supérieur est constitué de trois cuspides, ce qui est aussi le cas chez les

autres chiroptères de l'Eocène.

La morphologie de la dentition mise en relation avec la richesse des fossiles d'insectes également

retrouvés dans les roches de la formation de Green River permettent de confirmer qu'Onychonycteris

était insectivore. Comme elles n'étaient a priori pas capable d'écholocation, ces chauves-souris

capturaient probablement leurs proies en se servant seulement de leur vue, de leur odorat ou d'indices

auditifs passifs (Simmons et al., 2008).

Vision

Les mégachiroptères actuels utilisent la vision pour percevoir l'environnement et sont caractérisés par

des orbites oculaires agrandis en comparaison avec les microchiroptères qui utilisent l'écholocation.

Ainsi, chez une chauve-souris ancestrale diurne, on peut s'attendre à des orbites de taille intermédiaire

entre ceux des chauves-souris utilisant l'écholocation et ceux des Ptéropodes. La taille des orbites

d'Onychonycteris ne peut pas être estimée en raison de l'écrasement post-mortem des deux

spécimens connus. On ne peut donc pas déterminer si cette espèce était diurne ou nocturne (Simmons

et al., 2008).

iii. Squelette axial

Le squelette axial d'Onychonycteris est similaire à celui d'Icaronycteris. Elle possède 7 vertèbres

cervicales, 12 vertèbres thoraciques, 7 vertèbres lombaires et 12 ou 13 vertèbres caudales. La fusion

de certaines vertèbres est un caractère commun à plusieurs lignées de chauves-souris mais ce n'est

pas le cas chez Onychonycteris chez qui les vertèbres sont bien individualisées (Simmons et al., 2008).

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iv. Membres antérieurs

Doigts

Onychonycteris possède des griffes parfaitement formées sur les cinq doigts des membres antérieurs,

cette caractéristique est d'ailleurs à l'origine de son nom (en grec, onycho = griffes et nycteris =

chauves-souris). Les doigts I, II et III portent des grandes griffes et les doigts IV et V des griffes plus

petites. Ce modèle est unique parmi les chauves-souris actuelles ou ancestrales : les autres chauves-

souris fossiles ont au maximum 3 griffes (1 vraie et 2 vestigiales) et à l'heure actuelle, les

mégachiroptères ont une griffe sur les doigts I et II, et les microchiroptères en ont uniquement sur le

doigt I.

Les doigts d'Onychonycteris sont très longs par l'allongement important des métacarpes et des

phalanges, comme c'est le cas chez les chauves-souris actuelles. Ils supportent une vraie membrane

alaire, le patagium, et ses ailes sont relativement courtes.

La formule des métacarpes d'Onychonycteris est unique parmi les chauves-souris : le métacarpe 1 est

le plus court puis la longueur augmente progressivement jusqu'au métacarpe V qui est le plus long.

Chaque doigt possède 3 phalanges ossifiées dont la phalange terminale ce qui n'est plus le cas chez les

chauves-souris actuelles car a priori la non-ossification des phalanges terminales nécessite moins

d'énergie lors du vol. La première phalange est plus longue que la deuxième phalange dans les doigts

I et V contrairement aux doigts II, III et IV pour lesquels la deuxième phalange est la plus longue

(Simmons et al., 2008).

Avant-bras et bras

Chez Onychonycteris, l'allongement du radius est moins prononcé que chez les autres chiroptères.

L'humérus est long et son tubercule majeur s'étend du bord proximal jusqu'à la tête de l'humérus

(comme chez Icaronycteris et Archaeonycteris).

Ses épaules permettent l'ancrage de muscles puissants grâce à une clavicule solide et une scapula

facettée ressemblant à celle d'Icaronycteris. Le propatagium (membrane entre le cou et la base du

doigt I) est bien développé.

La morphologie des éléments de l'aile semble assez similaire à celle des autres chauves-souris

(Simmons et al., 2008).

v. Cage thoracique et sternum

La cage thoracique est grande et volumineuse.

Onychonycteris possède un large sternum vraisemblablement destiné à ancrer les muscles puissants

du vol, car le manubrium sternal présente un processus ventral bien développé et aplati latéralement

(cf. Figure 8).

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Figure 8 : Sternum d'Onychonycteris finneyi en vue ventrale. D'après Simmons et al., (2008).

vi. Membres postérieurs et queue

Le bassin d'Onychonycteris ressemble à celui des autres chauves-souris.

Les membres postérieurs sont beaucoup plus longs que ceux des chauves-souris contemporaines mais

ils sont tournés à 180° vers l'extérieur, comme chez tous les chiroptères connus. Ils sont robustes et

les fibula sont complètes, contrairement aux chauves-souris actuelles.

Le doigt I est plus petit que les doigts II à V, ce qui est aussi le cas chez Icaronycteris mais pas chez la

plupart des chauves-souris actuelles qui ont les 5 doigts de longueur quasiment égale (Simmons et al.,

2008).

Onychonycteris possède des calcars relativement allongés (cf. Figure 7). Le calcar est un élément

osseux supportant l'uropatagium, la membrane reliant les postérieurs à la queue, et qui est présent

chez la plupart des microchiroptères actuels. La présence de calcars suggère qu'Onychonycteris

possédait elle aussi un uropatagium bien développé. Actuellement le rôle principal de cette membrane

est de servir de "filet" pour rabattre les proies en vol. La capture d'insecte en vol exige une habilité et

une adaptation au vol sophistiquée qui semble au-delà des capacités d'Onychonycteris. On suppose

donc que l'uropatagium a peut-être évolué dans cette espèce comme une aile supplémentaire pour

augmenter la portance ou comme un genre de gouvernail. Puis, au cours de l'évolution cette

membrane se serait incorporée dans l'appareil de capture aérienne d'insectes, capture reposant aussi

sur l'écholocation.

Onychonycteris possède une longue queue, composée de 12 à 13 vertèbres ayant pu jouer le

rôle de balancier lors de ses déplacements arboricoles (Simmons et al., 2008).

vii. Les signes d'adaptation au vol d'Onychonycteris

Onychonycteris possède plusieurs caractéristiques en faveur d'une capacité au vol :

- une membrane alaire soutenue par une main aux doigts très allongés ;

- une grande cage thoracique et un sternum bien développé, qui ancre les muscles du vol ;

- des clavicules robustes qui rattachent les antérieurs au corps ;

- des scapula facettées ancrant aussi les muscles du vol.

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Toutes ces particularités morphologiques des membres et du thorax indiquent clairement

d'Onychonycteris était capable de vol actif.

Les ailes d'Onychonycteris étaient probablement courtes et larges car les proportions des bras et des

doigts sont presque similaires. Les Rhinopomatidae actuels ont des ailes semblables qui leurs confèrent

un vol particulier, d'allure maladroite, constitué d'une alternance de brefs planés entre des périodes

de vol battu. Ce style de vol permet de réduire les coûts énergétiques dans la plupart des vitesses de

vol, il est donc probable qu'Onychonycteris volait de cette façon.

Proportionnellement, Onychonycteris a les avant-bras plus courts et les postérieurs plus longs que les

autres chauves-souris et ses proportions sont intermédiaires entre celles des autres chauves-souris et

celles des mammifères arboricoles qui s'aide de leurs antérieurs pour se déplacer (paresseux, gibbons).

Aussi, la longueur des postérieurs et la présence de griffes sur les cinq doigts des antérieurs indiquent

une aptitude pour la marche ou l'escalade et suggère que les chauves-souris ont pu évoluées à partir

d'ancêtres arboricoles.

Les chauves-souris ont donc probablement commencé par planer, certainement d'arbre en arbre, puis

elles ont développé une technique de vol en alternance plané/battu avant d'acquérir une musculature

suffisamment développée pour passer progressivement au vol battu et actif permanent (Simmons et

al., 2008).

viii. Indices sur l'évolution des chiroptères

Onychonycteris est l'espèce transitionnelle qui permet une meilleure compréhension de l'évolution

des chauves-souris. En effet, avant la découverte d'Onychonycteris, il y avait trois hypothèses quant à

l'ordre d'apparition du vol et de l'écholocation (Simmons, 2008) :

- La première hypothèse est l'apparition du vol en premier. Le vol actif aurait évolué comme un

moyen d'améliorer le déplacement et de faciliter la prise de nourriture en réduisant le temps et

l'énergie nécessaire à combler les besoins. L'écholocation aurait évolué ensuite, facilitant la

détection et le suivi des proies chassées en vol.

- La deuxième repose sur l'apparition de l'écholocation en premier. Si l'on suit cette théorie, les

chauves-souris ancestrales chassaient les insectes volants, perchées dans les arbres, à l'aide de

l'écholocation. L'écholocation aide à la traque des proies en augmentant la précision et la distance

de détection. Le vol battu a ensuite évolué améliorant les chances de succès en facilitant la chasse.

- La troisième hypothèse évoque une apparition et une évolution simultanée du vol et de

l'écholocation. Cette idée est basée sur des données expérimentales montrant qu'il est très

coûteux en énergie pour les chauves-souris de produire des signaux d'écholocation quand elles

sont au repos. Au cours du vol par contre, le coût énergétique de l'écholocation devient moindre,

car la contraction des muscles de vol favorise la contraction des poumons permettant de produite

le flux d'air nécessaire à l'émission des signaux d'écholocalisation.

L'étude du squelette d'Onychonycteris a permis de valider la première hypothèse. En effet, cette étude

montre qu'Onychonycteris était capable de vol propulsé et que parallèlement, elle pouvait courir,

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grimper aux arbres et s'y suspendre grâce à ses griffes. Par contre, les caractéristiques de son crâne et

plus particulièrement de son oreille interne montrent qu'Onychonycteris n'était pas capable

d'écholocation. Ainsi, ce fossile montre clairement que dans la lignée des chiroptères, le vol est apparu

en premier et l'écholocation ensuite.

Cette conclusion est cohérente avec les études menées sur les chauves-souris existantes, qui ont

suggérées que, pratiquée en l'absence de vol, l'écholocation est très voire trop coûteuse en énergie.

Les analyses phylogénétiques basées sur des critères moléculaires et celles basées sur des critères

morphologiques aboutissent aux mêmes résultats et placent Onychonycteris comme la chauve-souris

dont la position phylogénétique est actuellement la plus basale (cf. Figure 9). Le groupe qu'elle forme

est le groupe frère du clade incluant Icaronycteris et toutes les autres chauves-souris existantes et

disparues (Simmons et al., 2008).

Figure 9 : Position d'Onychonycteris dans la phylogénie des chiroptères. D'après Simmons et al. (2008).

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b) Icaronycteris index

i. Généralités

Icaronycteris a été découverte dans les années 1960 dans la formation de Green River dans le Wyoming

et est représentée par plusieurs squelettes presque complets et remarquablement bien conservés

datant de l'Eocène inférieur (-52.5 Ma) jusqu'à l'Eocène moyen. Ils ont été identifiés dans la même

couche de roches qu'Onychonycteris, et sont donc considérés d'ancienneté comparable, malgré leurs

grandes différences morphologiques (Simmons, 2008).

La particularité sûrement la plus remarquable chez cette espèce est l'importance de sa ressemblance

aux microchiroptères existants (cf. Figure 10).

ii. Echolocation

La cochlée d'Icaronycteris est de taille intermédiaire entre celle des chauves-souris capables

d'écholocation et celle des chauves-souris qui ne le sont pas. L'os marteau de son oreille moyenne à

Figure 10 : Fossile d'Icaronycteris index - University of Edinburgh - Natural history collection.

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une base élargie et l'os stylohyal est large et aplati au niveau de son extrémité crâniale (Simmons et

al., 2008).

Ces éléments indiquent qu'Icaronycteris était capable d'écholocation même si leur technique était

sûrement moins bien aboutie que pour les microchiroptères actuels. Ainsi, il est possible

qu'Icaronycteris chasse grâce à l'écholocation mais étant donné que le développement des structures

spécifiques à la pratique l'écholocation n'est pas optimal chez cette espèce, il est probable qu'il

chassait à partir du sol ou des arbres (Simmons et Geisler, 1998 ; Gunnell et Simmons, 2005).

iii. Dentition et régime alimentaire

Icaronycteris possède des dents très pointues et des molaires tribosphéniques ce qui indique qu'il était

très probablement insectivore. Cette hypothèse est soutenue par la quantité de fossiles d'insectes

retrouvés dans la formation de Green River (Simmons, 2008 ; Novacek, 1987).

iv. Squelette axial

Le squelette axial est similaire à celui d'Onychonycteris avec 7 vertèbres cervicales bien individualisées,

12 vertèbres thoraciques, 7 vertèbres lombaires et 12 ou 13 vertèbres caudales (Simmons et al., 2008).

Figure 11 : Vue latérale droite du squelette d'Icaronycteris index. D'après Novacek (1987).

v. Membres antérieurs

Doigts

La caractéristique la plus distinctive d'Icaronycteris est la présence d'une griffe bien développée sur le

doigt II, possible vestige d'un ancêtre terrestre car la plupart des microchiroptères possèdent

uniquement une griffe sur doigt I (cf. Figure 11). Les doigts III et IV se terminent par de petites

ossifications assimilables à des griffes vestigiales.

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Les doigts d'Icaronycteris sont très allongés comme ceux des chauves-souris actuelles. Les métacarpes

et les phalanges sont très longs. De plus, chaque doigt est composé de trois phalanges ossifiées

(Simmons et al., 2008).

Bras

D'importants muscles du vol s'attachent dans la fosse infra-spinale de la scapula. Chez Icaronycteris,

elle est relativement plus petite que la fosse supra-spinale, comme c'est le cas dans une moindre

mesure chez les Ptéropodes mais à l'inverse des microchiroptères actuels.

L'humérus est long contrairement au radius qui est plus court que chez les autres chauves-souris.

Malgré tout, les bras d'Icaronycteris ont des proportions similaires à celles des chauves-souris

modernes. La structure osseuse supporte un patagium bien développé pour une envergure d'environ

30 cm et un poids d'environ 10 à 16 grammes (Novacek, 1987).

vi. Cage thoracique et sternum

La cage thoracique est grande et bien développée.

Le sternum d'Icaronycteris est composé de sternèbres bien individualisées. Le processus ventral du

manubrium sternal n'est pas aussi proéminent que celui des chauves-souris actuelles même s'il reste

bien développé (Novacek, 1987).

vii. Membres postérieurs et queue

Les membres postérieurs d'Icaronycteris possèdent presque toutes les caractéristiques typiques des

microchiroptères existants, avec des proportions similaires et une rotation de l'articulation des genoux

à 180°. Toutefois, le doigt I est inférieur en taille par rapport aux autres doigts et les phalanges

terminales sont rudimentaires pour les doigts II à V (Gunnell et Simmons, 2005).

De plus, il n'a jamais été observé de calcar chez Icaronycteris. Cette absence est imputable à un artefact

de conservation, ou alors il n'en possédait réellement pas : il existe plusieurs espèces actuelles qui ne

possèdent pas ce caractère comme la plupart des Phyllostomidae, ainsi que quelques Pteropodidae,

Rhinopomatidae et Craseonycteridae (Novacek, 1987).

La queue d'Icaronycteris est longue et composée d'environ 12 à 13 vertèbres caudales.

viii. Signes d'adaptation au vol

Icaronycteris possède une structure osseuse fine et légère avec des doigts très allongés ce qui a une

grande importance pour l'équilibre et la vitesse en vol. Le squelette des épaules et de la cage

thoracique est adapté à l'insertion de muscles du vol et soutient une membrane alaire bien

développée: Icaronycteris était donc a priori capable de voler activement sur de longues distances.

L'étude de la morphologie des taxons d'Onychonycteris et d'Icaronycteris démontre que ces deux

espèces étaient tout à fait capables de vol battu. Subséquemment, la transition entre les mammifères

non-volants et les mammifères volants est antérieure à la fin de l'Eocène (Gunnell et Simmons, 2005).

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ix. Indices sur l'évolution

Icaronycteris mélange des caractéristiques propres aux mégachiroptères avec d'autres, propres aux

microchiroptères.

Ainsi, la présence d'une griffe sur les doigts II des antérieurs et la forme de l'articulation de leur épaule

rappellent les Pteropodidae, tandis que leur dentition d'insectivore, leur longue queue et leur oreille

interne bien développée rappellent les microchiroptères.

Icaronycteris possède aussi des caractères primitifs comme des radius courts, et la présence de toutes

les phalanges (trois par doigts) (Arthur et Lemaire, 2015).

c) Archaeonycteris sp.

Figure 12 : Fossile d'Archaeonycteris - Musée régional de la Hesse, Darmstadt, Allemagne.

i. Généralités

Archaeonycteris est un nouveau genre de chauves-souris ancestrales découvert sur le site de Messel

en Allemagne sous forme de squelette complet avec empreinte des tissus mous (cf. Figure 12). On

retrouve de nombreux fossiles de chauves-souris dans la région de Messel car pendant l'Eocène il y

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avait dans cette zone un lac, un climat doux, et de nombreux insectes aériens, aquatiques et terrestres

si l'on en croit les fossiles retrouvés (Gunnell et Simmons, 2005).

Les spécimens d'Archaeonycteris connus datent de la fin de l'Eocène inférieur (-48 Ma) jusqu'à l'Eocène

moyen. Ils sont donc légèrement plus jeunes que ceux de la formation de Green River.

Actuellement, on reconnait cinq espèces dans la famille Archaeonycteris : Archaeonycteris trigonodon

(Messel), A. pollex (Messel), A. brailloni (France), A. relicta (Angleterre), et A. storchi (Simmons et

Geisler, 1998).

ii. Echolocation

La cochlée osseuse de l'oreille interne d'Archaeonycteris n'est pas totalement développée : sa taille est

intermédiaire entre celle des chauves-souris capables d'écholocation et celles qui ne le sont pas

(Simmons et al., 2008).

iii. Dentition et régime alimentaire

Leur dentition montre que les chauves-souris de cette famille étaient insectivores. L'étude des

contenus stomacaux des fossiles indique qu'elles étaient spécialisées dans un sous ensemble

particulier d'insectes : les coléoptères (Simmons, 2008).

iv. Membres antérieurs et vol

Archaeonycteris possède une griffe sur le doigt II (Simmons et al., 2008).

Comme les autres fossiles de chiroptères, Archaeonycteris possède une main aux doigts très allongés

soutenant une membrane alaire bien développée.

A. trigonodon avait probablement une envergure de 32 à 37 centimètres, pour une longueur d'avant-

bras de 53 millimètres et pouvait peser entre 17 et 27 grammes. A. pollex était légèrement plus grand

avec un poids estimé entre 30 et 35 grammes.

L’avant-bras est proportionnellement plus court chez Archaeonycteris que dans les autres espèces de

l'Eocène. Les individus de cette famille sont trapus et le rapport poids du corps / taille des ailes suggère

que leur vol était plutôt lent (Simmons et Geisler, 1998).

v. Membres postérieurs

Il n'a pas été observé de calcar chez Archaeonycteris. Nonobstant, comme pour Icaronycteris, cette

constatation peut être liée à un artefact de conservation ou alors cette absence est réelle.

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d) Hassianycteris sp.

i. Généralités

Le genre Hassianycteris a lui aussi été découvert sur le site de Messel en Allemagne. On compte

aujourd'hui cinq espèces (H. messelensis, H. magna, H. revilliodi, H. joeli, et H. kumari) dont seulement

deux sont représentées par des squelettes relativement complets : H. messelensis et H. magna.

Certaines de ces espèces datent de l'Yprésien et d'autres du Lutétien (Simmons et Geisler, 1998 ;

Gunnell et Simmons, 2005).

ii. Echolocation

D'après sa morphologie crânienne et ses bulles tympaniques très développées, Hassianycteris était

capable d'écholocation (Simmons et al., 2008).

iii. Régime alimentaire

Du fait de sa grande envergure, on peut penser que les individus de ce genre chassaient probablement

de gros insectes. Cette hypothèse a été confirmée par l'étude de leur contenu stomacal qui était

essentiellement composé de papillons de nuit et de grands coléoptères. Ces insectes sont

principalement nocturnes ce qui indiquent que ces chauves-souris étaient capables de chasser de nuit

(Simmons, 2008).

Figure 13 : Fossile d'Hassianycteris messelensis. Institut de recherche Senckenberg.

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iv. Membres antérieurs et vol

Hassianycteris possède beaucoup des caractéristiques des chiroptères actuels, avec des doigts très

allongés mais contrairement aux espèces actuelles, elle possède une troisième phalange ossifiée sur

les doigts II à IV (Simmons et al., 2008).

H. messelensis avait une envergure de 35 à 40 centimètres et devait probablement peser entre 25 et

45 grammes.

H. magna avait une envergure de 45 à 50 centimètres et pouvait peser environ 65 g, ce qui en fait la

plus grande chauve-souris connue de l'Éocène (Simmons et Geisler, 1998).

v. Membres postérieurs

Les représentants du genre Hassianycteris possèdent un calcar relativement allongé (cf. Figure 13).

e) Palaeochiropteryx

Figure 14 : Fossile de Palaeochiropteryx tupaiodon. Institut de recherche Senkenberg.

D'après Simmons et Geisler (1998).

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i. Généralités

Il existe deux espèces du genre Palaeochiropteryx qui représentent une large majorité des fossiles

découverts sur le site de Messel en Allemagne : P. spiegeli et P. tupaiodon. Ce genre est représenté

tout au long de l'Eocène et principalement pendant le Lutétien (Gunnell et Simmons, 2005).

ii. Echolocation

Les cochlées osseuses de Palaeochiropteryx sont très développées. Cela suggère que ces chauves-

souris étaient capables d'utiliser l'écholocation de façon précise à la manière des microchiroptères

modernes (Simmons et al., 2008 ; Novacek, 1987).

iii. Dentition et régime alimentaire

Palaeochiropteryx possède 38 dents dont quatre incisives sur la mâchoire supérieure et six sur la

mâchoire inférieure, quatre canines, douze prémolaires et douze molaires.

L'étude de leurs contenus stomacaux révèle qu'ils se nourrissaient principalement de petits papillons

de nuit et de trichoptères. Ces insectes sont principalement nocturnes ce qui indique que ces chauves-

souris étaient capables de chasser de nuit (Simmons, 2008).

iv. Membres antérieurs et vol

Les deux espèces de Palaeochiropteryx possèdent une griffe sur le doigt II et une troisième phalange

non ossifiée sur les doigts II à IV (Simmons et al., 2008).

P. tupaiodon est la plus petite des deux espèces avec un poids d'environ 7 à 10 grammes et une

envergure estimée entre 24 à 28 centimètres. P. spiegeli pesait environ 10 à 18 grammes pour une

envergure de 26 à 30 centimètres (Simmons et Geisler, 1998).

Leurs ailes étaient larges et courtes ce qui est en faveur d'un vol lent et probablement près du sol.

v. Membres postérieurs et queue

La forme des postérieurs rejoint celles des microchiroptères actuels et Palaeochiropteryx possède des

calcars relativement allongés.

Sa queue est relativement grande avec environ 8 vertèbres et avait probablement un rôle de balancier

(cf. Figure 14).

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f) Tanzanycteris mannardi

Figure 15 : Fossile de Tanzanycteris mannardi. Photographie à droite et aux rayons-X à gauche.

D'après Gunnell et al. (2003).

i. Généralités

Tanzanycteris est le seul fossile de chauves-souris pratiquement complet découvert dans l'hémisphère

sud. Ce spécimen a été découvert en 2003 dans les sédiments du lac de Mahenge en Tanzanie.

Cette chauve-souris datant du Lutétien (-46 Ma) est le plus vieux mammifère placentaire d'Afrique

subsaharienne connu.

Seule la moitié supérieure du squelette de Tanzanycteris a été retrouvée (cf. Figure 15) incluant le

crâne, la mâchoire inférieure, une partie de la colonne vertébrale, les deux épaules, et une partie des

deux humérus et du radius gauche. Il manque donc la plupart des éléments constituant les ailes, la

majorité du bassin et les membres postérieurs.

La place de Tanzanycteris dans la phylogénie est restée longtemps mal définie notamment en raison

de l'absence de la dentition dans les restes retrouvés. Cependant, Tanzanycteris est maintenant

considéré comme le taxon frère d'Hassianycteris (Gunnell et Simmons, 2005).

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ii. Echolocation

Tanzanycteris diffère des autres microchiroptères de l'Éocène et des chauves-souris actuelles (excepté

les Rhinolophidae et Pteronotus Parnellii) par son très grand diamètre cochléaire. Cette espèce était

capable d'une forme dérivée de l'écholocation : les chauves-souris modernes ayant une morphologie

similaire sont capables de naviguer avec précision dans les sous-bois denses (Simmons et al., 2008;

Gunnell et al., 2003).

iii. Dentition

Non retrouvée chez Tanzanycteris.

iv. Membres antérieurs

Les spécialisations de l'épaule et la morphologie du squelette axial indiquent que Tanzanycteris était

très probablement capable de vol actif (Gunnell et al., 2003).

v. Membres postérieurs

Non retrouvés chez Tanzanycteris.

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Figure 16 : Synthèse des différents fossiles de microchiroptères et leur apparition au cours de l'évolution.

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3. Fossiles de mégachiroptères

La lignée des mégachiroptères est très peu représentée dans les découvertes fossiles.

Archaeopteroptus transiens datant d'environ 30 Ma (Oligocène), un fossile africain, Propotto leakeyi,

datant du Miocène (-23 à -24 Ma) et du matériel dentaire retrouvé dans le gisement de Lo-Fournas en

Europe datant également du Miocène forment l'ensemble des fossiles anciens connus de cet ordre

(Aguilar et al., 1986).

Il n'existe donc pas d'argument paléontologique soutenant l'hypothèse d'une origine indépendante

des mégachiroptères et des microchiroptères.

Aussi, comme aucun fossile ne permet de déterminer l'origine et la date d'apparition exacte de

l'ancêtre commun aux mégachiroptères et aux microchiroptères, des études moléculaires ont été

menées.

Figure 17 : Modèle de la diversification des chauves-souris depuis le Crétacé. D'après Simmons (2005).

Ces études démontrent que le dernier ancêtre commun à tous les chiroptères, microchiroptères et

mégachiroptères compris, date de la limite Crétacé/Paléocène (cf. Figure 17). De plus, on objective

l'existence de quatre lignées majeures des chauves-souris capables d'écholocation (de A à D sur la

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Figure 17) semblant avoir pris leur origine dans l'Éocène inférieur, il y a 52 à 50 Ma (Simmons, 2005 ;

Teeling et al., 2005).

Ces études ont aussi permis de déterminer que les familles apparues lors de l'Eocène comme

Onychonycteris, Icaronycteris, Archaeonycteris, Hassianycteris, et Palaeochiropteryx sont plus liées aux

microchiroptères qu'aux mégachiroptères (cf. Figure 18) (Simmons et Geisler, 1998).

Figure 18 : Arbre phylogénique des espèces fossiles et actuelles de chiroptères.

D'après Simmons et Geisler (1998).

Aujourd'hui, les chauves-souris fossiles représentent 6 familles aujourd'hui éteintes, et les chauves-

souris actuelles sont réparties dans 5 superfamilles constituées de 20 familles distinctes.

Conclusion

Grâce à l'étude des fossiles de chiroptères nous avons recueilli quelques indices sur

l'adaptation au vol au cours de l'évolution mais pas sur l'apparition du vol chez ces mammifères étant

donné qu'à l'exception d'Onychonycteris, les chauves-souris fossiles de l'Eocène possédaient déjà

presque tous les éléments morphologiques d'adaptation présents chez les chauves-souris actuelles.

Cette constatation nous indique que les améliorations majeures de l'évolution des chiroptères que

sont le vol et l'aptitude à l'écholocation sont apparues antérieurement à l'Eocène (Simmons & Geisler,

1998).

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III – GENETIQUE : LE DEVELOPPEMENT DES MEMBRES

Introduction

Comme l'étude des fossiles de chiroptères ne permet pas de comprendre les étapes ayant

abouti à la capacité de vol actif chez les chauves-souris, c'est vers la biologie du développement que

se sont orientées les recherches dans ce domaine.

L'évolution des chauves-souris et plus particulièrement celle des membres antérieurs, hautement

spécialisés pour le vol d'un point de vue anatomo-fonctionnel est un processus encore mal connu.

Plusieurs changements majeurs se sont produits au cours de leur évolution : les doigts II à V de

membres antérieurs s'allongent considérablement, le tissu interdigité se maintient au cours du

développement embryonnaire et une formation particulière, le calcar, apparaît sur les membres

postérieurs. Ces modifications ont conduit à la création de la silhouette si particulière des chauves-

souris actuelles (Dai et al., 2014).

De nombreux gènes sont susceptibles d'avoir une expression différente chez les chauves-souris

par rapport aux autres mammifères, aboutissant ainsi à la création de ces ailes qui leurs sont propres.

Ces différences peuvent être engendrées par des modulations dans l'expression de certains gènes du

développement. Actifs pendant la croissance embryonnaire, ces gènes régulent l'organisation finale

de l'organisme. Ils codent pour des facteurs de transcription capables de se fixer sur la séquence

régulatrice de gènes cibles et pouvant ainsi influer sur leur expression.

Par la singularité de leur anatomie, les chauves-souris sont un modèle unique pour explorer les

programmes génétiques qui régulent la diversité des membres chez les vertébrés. Elles sont donc au

centre de nombreuses études dont le but est d'élucider les mécanismes moléculaires à l'origine des

différences morphologiques entre les espèces (Cretekos et al., 2007, 2008; Chen et al., 2005). Dans ces

études, les chauves-souris sont souvent comparées aux souris, dont les membres antérieurs ont gardé

l’aspect des membres ancestraux des mammifères.

C'est pourquoi nous proposons d'étudier les particularités du développement embryonnaire des

chauves-souris pour mieux comprendre les mécanismes aboutissant à la formation de leurs ailes.

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Prérequis

Lors de l'embryogenèse, la formation des membres thoraciques et pelviens se fait à partir de

bourgeons qui apparaissent sous la forme de petites protubérances issues de la paroi latérale du tronc.

Chaque bourgeon de membre se compose d'une partie centrale mésenchymateuse d'origine

mésodermique recouverte d'une coiffe d'ectoderme.

Leur croissance s'effectue selon 3 axes : l'axe proximo-distal qui est l'axe propre du membre, l'axe

antéro-postérieur qui va du premier au cinquième doigt et l'axe dorso-ventral. Cette croissance est

régie par 3 centres de signalisation exprimant chacun des signaux qui déterminent la position des

différents éléments des membres (cf. Figure 19) :

- L'AER (apical ectodermal ridge), ou crête ectodermique apicale, est un épithélium qui va de

la partie antérieure à la partie postérieure du bord distal du bourgeon. Elle a plusieurs rôles

primordiaux dans le développement des membres : elle maintient une croissance continue du

bourgeon le long de l'axe proximo-distal en maintenant le mésenchyme sous-jacent dans une phase

proliférative ; elle maintient l’expression des molécules qui génèrent l’axe antéro-postérieur et elle

interagit avec les protéines spécifiant les axes antéro-postérieur et dorso-ventral, permettant à chaque

cellule d'intégrer les instructions pour se différencier.

- La ZPA (zone of polarizing activity), ou zone d'activité polarisante, est localisée dans le

mésenchyme au bord postérieur du bourgeon. Elle est à l'origine de l'asymétrie du membre le long de

l'axe antéro-postérieur.

- La zone de progression (ZP), composée de cellules mésenchymateuses indifférenciées et à

fort pouvoir proliférant, permet de la croissance des membres selon l'axe proximo-distal (Huret J.L. et

al., 2013).

Figure 19 : Schéma d'un bourgeon de membre au cours de l'embryogénèse. Vue dorsale.

D'après Mallick (2014).

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Les trois centres de signalisation décrits plus haut agissent sur le développement des membres des

chauves-souris grâce à des régulateurs de trois natures différentes : des gènes, des facteurs de

croissance et des protéines, ayant chacun un ou des rôles bien définis (cf. Tableau 3).

Tableau 3 : Récapitulatif des différents niveaux de régulation impliqués dans le développement des membres chez les chauves-souris

Rôles Nature du signal

dans le régulateur

développement

embryonnaire

Gènes Facteurs de

croissance Protéines

Développement selon l'axe

proximo-distal

Sonic Hedgehog (SHH)

Gremlin 1 (Grem1)

PRX 1

Hoxd 8, 9, 13

Fibroblast growth

factor (FGF) 8 et 4

Bone

Morphogenetic

Protein 2 (BMP-2)

Développement selon l'axe

antéro-postérieur

SHH

Grem1

voie FGF

FGF8 BMP-2

Persistance de la membrane

interdigitée

Grem1

Meis-2 FGF8 voie BMP

Développement des calcars Tbx3

A - DEVELOPPEMENT DES MEMBRES ANTERIEURS SELON L'AXE PROXIMO-DISTAL

1. Croissance des membres selon l'axe proximo-distal

La croissance des membres est possible grâce à la prolifération des chondrocytes et à leur

différenciation, régulées de façon complexe par un grand nombre de signaux.

Cette croissance est assurée par la crête ectodermique apicale qui agit sur les cellules

mésenchymateuses de la zone de progression, qui sont des cellules indifférenciées à fort pouvoir

proliférant (Cooper et Tabin, 2008). Dans cette partie, nous développerons l'action des principaux

régulateurs impliqués dans la croissance proximo-distale des membres antérieurs de la chauve-souris.

a- Rôles du Fibroblast growth factor 8 (FGF8)

Le FGF8, Fibroblast growth factor 8, est un facteur de croissance qui code pour une protéine

impliquée dans la structuration et la croissance des membres au cours du développement. Il est

également un régulateur important du développement cranio-facial, de l'oreille et du système nerveux

central (Cretekos et al., 2007).

Le facteur FGF8 est secrété par l'AER avec un domaine d'expression nettement plus large chez les

chauves-souris que chez les souris au début du développement embryonnaire.

Les signaux transmis par FGF8 ont plusieurs conséquences sur le développement des membres :

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- les cellules mésenchymateuses de la zone de progression sont maintenues dans un état

indifférencié par l'inhibition de leur différentiation en cartilage (Hockman et al., 2008).

- la prolifération des cellules de la zone de progression est stimulée via leur activité mitogène.

Cependant, au fur et à mesure de la croissance du membre, l'AER s'éloigne de la zone de progression

: le facteur FGF8 n'atteint plus les cellules les plus lointaines qui entrent donc en phase de

différenciation. Ainsi, les éléments proximaux (stylopode) se différencient avant les structures les plus

distales (zeugopode et autopode) (cf. Figure 20) (Huret J.L. et al., 2013).

Plus tard dans le développement des embryons de chauves-souris, FGF8 est exprimé dans de nouveaux

domaines comme le mésenchyme interdigital des antérieurs et l'autopode des membres postérieurs

(Hockman et al., 2008).

Figure 20 : Schéma du squelette de l'aile d'une chauve-souris adulte. D'après Bell et al. (2011).

Un autre facteur de croissance de la même famille, FGF4, est nécessaire dans le développement des

membres par son rôle de maintien de l'expression du gène Sonic hedgehog (SHH) lors de l'allongement

du membre selon l'axe proximo-distal. Les interactions régulatrices entre FGF4 et SHH sont

réciproques puisque le SHH synthétisé dans la ZPA induit et maintien l'expression de FGF4 dans la crête

apicale (Huret J.L. et al., 2013).

b- Actions du gène Sonic hedgehog (SHH)

Le gène Sonic hedgehog (SHH) a aussi un rôle dans le développement des membres

embryonnaires. En effet, la protéine synthétisée par ce gène favorise la survie et la prolifération

cellulaire en diminuant de la proportion de cellules en phase G1 (i.e. croissance de la cellule), et en

augmentant le taux de cellules entrant dans la phase S (i.e. réplication de l'ADN).

Chez les chauves-souris, les produits de l'expression de FGF8 et de SHH diffusent probablement à

travers le tissu interdigital contrairement aux souris où FGF8 est exprimé uniquement dans l'AER et

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SHH est exprimé uniquement dans la ZPA. Ainsi, lors du développement embryonnaire des chauves-

souris, les métacarpes et les phalanges en contact avec le tissu interdigité ont été exposés aux signaux

de prolifération de FGF8 et de SHH. Ce processus explique en partie l'allongement généralisé des

métacarpes et des phalanges des doigts III à V des membres antérieurs (Hockman et al., 2008).

c- Importance des Bone morphogenetic protein 2 (BMP-2)

Lors de la croissance embryonnaire, le squelette est d'abord formé à partir de cartilage qui

s'allonge et s'épaissit avant d'être remplacé progressivement par du tissu osseux. Ce phénomène

d'ossification endochondrale, aboutissant à la formation des os à proprement parler, est permis par

les effets chondro-ostéo-inducteurs des protéines de la morphogénèse osseuse (BMP).

Au fur et à mesure de l'embryogenèse, les BMP :

- stimulent la prolifération des cellules mésenchymateuses,

- permettent la chondrogenèse et la maturation du tissu cartilagineux en favorisant

l'engagement des chondroblastes vers leur différenciation terminale en chondrocytes,

- puis entrainent la résorption du cartilage en parallèle de la formation du nouveau tissu osseux

qui sera ensuite remanié pour arriver à un tissu osseux mature (Sautier et Forest, 1996).

Chacune des protéines constituant la voie BMP possède un rôle bien défini dans le développement des

membres et leur expression spatiale et temporelle est régulée différemment en fonction du stade

embryonnaire. Ainsi, les protéines BMP-2 stimulent la prolifération des chondrocytes et permettent

en conséquence d'augmenter la longueur des doigts des antérieurs de la chauve-souris.

L'action des BMP-2 est concentration dépendante : plus le gène BMP-2 est exprimé, plus la croissance

est importante.

La localisation de l'expression des BMP-2 est la même pour les embryons de souris et de chauves-

souris : BMP-2 est exprimé dans les membres antérieurs et dans les membres postérieurs. Cependant,

il existe une différence dans le niveau d'expression de ces protéines. En effet, l'étude de Sears et al. en

2006 a montré par RT-PCR semi quantitative que l'expression de BMP-2 est significativement plus

élevée dans les doigts embryonnaires des membres antérieurs des chauves-souris que dans les

membres antérieurs des souris et les membres postérieurs des chauves-souris. Cette différence

d'expression de BMP-2 suggère la présence d'une régulation positive pour ce gène chez les chauves-

souris. Toutefois, les auteurs montrent que cette différence de niveau d’expression n’influe pas sur sa

régulation spatiale ni sur sa régulation temporelle (Sears et al., 2006).

Il existe une interaction antagoniste entre les voies BMP et FGF : Cooper et Tabin ont montré

en 2008 que, chez les chauves-souris, l'inhibition de la voie BMP entraine une différenciation des

chondrocytes et une diminution de la prolifération, comme on pouvait s'y attendre, mais aussi que

cette inhibition de la voie BMP a provoqué une activation de la voie FGF (Cooper et Tabin, 2008).

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d- Le gène Gremlin 1 (Grem 1)

Gremlin 1 (Grem1) est un gène connu pour son action antagoniste des BMP. L'inhibition de la

voie des BMP par Grem1 permet l'expression de la voie de croissance des fibroblastes FGF dans l'AER.

Fgf8 active alors l'expression de Sonic Hedgehog (SHH) dans la ZPA. Ces deux voies étant toutes les

deux nécessaires au bon développement des membres, l'action de Grem1 est, elle aussi, primordiale

dans le développement des membres (Hockman et al., 2008).

e- Le gène Prx1 (anciennement Mhox)

Le gène de développement Prx1 est un gène codant pour un facteur de transcription agissant

notamment au niveau des membres de la souris en régulant la longueur des os longs de l'avant-bras

(radius, ulna) par l'augmentation de la prolifération des chondrocytes.

Weatherbee a montré en 2008 que malgré une dissemblance de deux acides aminés, les protéines

codées par Prx1 sont fonctionnellement équivalentes chez la souris et la chauve-souris.

De plus, il a montré que l'augmentation de la longueur des os chez les embryons de chauves-souris

est spécifique aux membres antérieurs, bien que le gène Prx1 soit présent dans les quatre membres.

Cela suggère que les changements déterminant la longueur des os sont codés uniquement dans les

membres antérieurs (Weatherbee, 2008).

En parallèle, Cretekos et al. (2008) concluent que Prx1 est régulé positivement dans le cartilage et le

périchondre des membres antérieurs des chauves-souris.

Les différences dans l'activité de Prx1 peuvent donc, elles aussi, contribuer aux différences

morphologiques entre les membres antérieurs des souris de morphologie similaire aux membres

ancestraux des mammifères et ceux des chauves-souris (Cretekos et al., 2008).

Les gènes Prx1 et de la BMP-2 se complètent pour réguler la longueur des os : l'augmentation de

l'expression de Prx1 est probablement directement responsable de l'augmentation de l'expression du

gène de la BMP-2 au niveau du périchondre (Cooper et Tabin, 2008).

2. Différenciation des cellules du membre

La différentiation des cellules se fait grâce à l'expression de gènes de développement de la voie

Hoxd dont le rôle est de spécifier aux cellules mésenchymateuses leur devenir en stylopode,

zeugopode, ou autopode.

a- Hoxd13

Le gène Hoxd13 est un régulateur important du développement de l'autopode des vertébrés

(Wang et al., 2010). Chen et al. (2005) ont démontré que l'expression de ce gène est similaire dans les

membres postérieurs des souris et des chauves-souris, expliquant que les fibula soient bien

développées dans ces deux espèces. Cependant, il existe une divergence d'expression au niveau des

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antérieurs entre ces deux mammifères pouvant en partie expliquer la variation morphologique de leurs

membres thoraciques.

De plus, une interaction entre les gènes SHH et Hodx13 est envisagée telle que le gène SHH maintienne

l'expression d'Hoxd13 et qu'il permette l'élargissement de son domaine d'expression aux membres

antérieurs et postérieurs (Chen et al., 2005).

b- Hoxd8 et Hoxd9

Les gènes Hoxd8 et Hoxd9 contribuent principalement au développement des doigts. Ils sont plus

fortement exprimés dans les doigts II à V des ailes de chauve-souris que dans le doigt I ou les doigts de

leurs membres postérieurs (Wang et al., 2010).

B - DEVELOPPEMENT DE L'AXE ANTERO-POSTERIEUR

La régulation du développement des membres selon l'axe antéro-postérieur est sous contrôle de

la zone d'activité polarisante (ZPA) dans laquelle s'exprime le gène SHH. Cette protéine n'agit en

théorie que sur une courte distance même s'il semble que chez la chauve-souris, elle diffuse en partie

dans le tissu interdigité (cf. sous partie I-A-b p64). La ZPA étant située sur le bord proximal postérieur

du membre, il y a création d'un gradient de concentration du produit d'expression de SHH. Ainsi, les

structures se développant en position postérieure (région du doigt V) bénéficient d'une concentration

très élevée en SHH alors que celles se développant en région antérieure (doigt I) correspondent aux

zones où la concentration en SHH est minimale (Hockman et al., 2008 ; Huret J.L. et al., 2013).

Le produit d'expression de SHH agit indirectement via une boucle de régulation sur plusieurs autres

gènes régulant la croissance des membres : BMP-2, FGF8 et Gremlin1 (cf. Bilan p69). Ainsi, le gradient

de SHH va provoquer la création d'un gradient des produits d'expression de ces gènes à l'origine de la

différence morphologique observable entre les doigts.

Par ailleurs, la voie FGF va permettre le maintien de l'expression de SHH au niveau de la ZPA, refermant

ainsi cette boucle de régulation.

C - PERSISTANCE DU MESENCHYME INTERDIGITE

La conservation de la membrane interdigitée au cours de l'évolution des chauves-souris est une

étape clef ayant très probablement contribuée à l'évolution radiative de ces mammifères.

1. Principaux facteurs régulant la persistance du tissu interdigité : BMP-2, Gremlin et

FGF8

Le gène BMP-2 est connu pour stimuler la mort cellulaire par apoptose dans l'autopode des vertébrés.

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Ainsi, chez les souris, les protéines morphogénétiques osseuses (BMP) déclenchent l'apoptose du

mésenchyme interdigital, conduisant à des doigts bien individualisés. Chez les canards, les

antagonistes des Bmp inhibent cette apoptose, aboutissant à des pieds palmés.

Chez les chauves-souris, BMP-2 est exprimé à la fois dans les tissus interdigitaux des membres

antérieurs et des membres postérieurs, bien que le tissu interdigital des membres postérieurs subira

une régression par apoptose, alors que le tissu interdigital des membres antérieurs sera conservé et

formera le patagium (Sears et al., 2006). Le gène Gremlin inhibe cette apoptose dans les antérieurs par

son action antagoniste de la voie BMP, cependant un autre mécanisme entre aussi en jeu dans le

maintien du tissu interdigité chez la chauve-souris (Hockman et al., 2008).

En effet, Weatherbee et al. (2006) ont comparé l'expression dans les antérieurs et dans les postérieurs

de plusieurs gènes du développement et ont ainsi prouvé l'existence d'un nouveau domaine

d'expression de FGF8 chez la chauve-souris Carollia perspicillata (Phyllostomatidae). Ainsi, en plus de

son expression dans l'AER des antérieurs et des postérieurs, ils ont montré que FGF8 est aussi exprimé

à des niveaux élevés dans le mésenchyme interdigital entre les doigts II à V des membres antérieurs à

des stades embryonnaires ultérieurs correspondant au moment où la régression de ce mésenchyme

devrait se produire. Parallèlement, son expression s'arrête dans les postérieurs.

Cette étude suggère donc que le maintien du tissu interdigité dans les antérieurs des chauves-souris

s'explique par l'inhibition de l'apoptose Bmp-induite par le gène Gremlin d'une part et par l'expression

de FGF8 à un niveau élevé d'autre part.

Il est intéressant de noter que la régulation de deux des caractéristiques du développement

de l'aile des chauves-souris dépend de la voie BMP : l'élongation des doigts et la persistance des tissus

interdigités. L'expression de BMP-2 est augmentée dans les doigts et réduite dans les tissus

interdigités. Ainsi, un même gène peut avoir des rôles multiples, variant en fonction des niveaux

d'expression, de la localisation et du moment d'expression soulignant la difficulté des recherches dans

le domaine de la biologie du développement (Weatherbee et al., 2006).

2. Rôle probable du gène Meis-2 dans le maintien de la membrane interdigitée

Le gène Meis-2 a certainement un rôle dans la persistance du mésenchyme interdigité. En

effet, Dai et al. (2014) ont montré qu'au début du développement des ailes des chauves-souris, Meis-

2 n'est pas exprimé dans les antérieurs puis au cours de l'embryogenèse, l'étendue et le niveau

d'expression de ce gène augmente jusqu'à atteindre son maximum au niveau des tissus interdigités

entre les doigts II à V des membres antérieurs. Ces tissus formeront le patagium une fois le

développement terminé. En revanche, le niveau d'expression de Meis-2 est faible dans les tissus

interdigités des doigts qui resteront courts (doigts I des antérieurs, doigts des postérieurs).

Chez la souris, Meis-2 est aussi exprimé dans les tissus interdigités mais à des niveaux beaucoup plus

faibles que ceux observés dans les ailes des chauves-souris.

Cette expression élevée et prolongée du gène Meis-2 suggère qu'il participe à la conservation du tissu

interdigital entre les doigts des chauves-souris (Dai et al., 2014).

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Figure 21 : Schéma récapitulant les interactions entre les gènes de développement dans les bourgeons des membres antérieurs des chauves-souris.

L'expression de FGF8 est nécessaire pour initier et maintenir l'expression de SHH. SHH active BMP-2, qui à son tour active l'expression de Gremlin1. Gremlin1 inhibe la voie BMP et cette inhibition de la voie BMP active ensuite la voie FGF, refermant la boucle de rétroaction à l'origine de l'allongement des doigts. Au cours du développement, les gènes FGF8, SHH ainsi que le gène Meis-2 sont exprimés dans le tissu interdigité et participent au maintien de celui-ci.

D - ROLE DE TBX3 DANS LA CROISSANCE DES CALCARS

Les calcars sont des excroissances cartilagineuses prenant naissance à la face interne de la cheville

et se prolongeant en direction de la queue. Ils permettent le développement de l'uropatagium, la

membrane reliant la queue aux membres inférieurs qui a un rôle important dans la capture des proies

chez les chauves-souris.

Au cours de la morphogenèse des os, le gène Tbx3 joue un rôle essentiel dans la différenciation

ostéogénique et favorise la prolifération et la différenciation des ostéoblastes.

En 2014, Dai et al. ont montré que Tbx3 est fortement exprimé dans le membre postérieur au niveau

de la zone du calcar. La souris, qui ne possède pas de structure homologue au calcar, ne présente pas

d'expression de Tbx3 dans la zone comparable à des stades comparables. Cette observation suggère

que Tbx3 a un rôle dans la croissance et l'allongement du calcar en régulant la prolifération et la

différenciation des chondrocytes ostéogénique, et qu'il contribue ainsi au développement de cette

structure propre aux chauves-souris (Dai et al., 2014).

E - BILAN

Nous avons développé les rôles de plusieurs gènes dans le développement des membres des

chauves-souris et nous avons vu que ces gènes peuvent avoir plusieurs fonctions et qu'il existe des

interactions entre ces gènes. Ainsi, la boucle de signalisation SHH-FGF est à l'origine de signaux

permettant la survie et la prolifération des cellules (cf. Figure 21). La régulation très fine de l'expression

des gènes rentrant en jeu dans cette boucle contribue à l'allongement des doigts et mais aussi à la

survie de la membrane interdigitale des membres antérieurs.

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Conclusion

Les membres antérieurs des chauves-souris ont évolué de façon très particulière pour aboutir

aux ailes de chauves-souris actuelles. Les changements les plus marquants sont l'élongation marquée

des métacarpes et des phalanges des doigts II à V, la persistance de la membrane interdigitée des

membres antérieurs et la formation d'excroissances cartilagineuses au niveau des postérieurs, les

calcars.

Ces évolutions majeures ont été permises par l'accumulation de petites modifications dans la

régulation de certains gènes du développement comme SHH, BMP-2, Prx1, Hoxd, Grem1, FGF8 et

Meis-2 notamment. Ainsi, ces gènes n'ont pas subi de modifications fonctionnelles et les différences

d'expression notées entre les souris et les chauves-souris par exemple sont dues à des changements

dans l'expression spatiale (i.e. avec des lieux d'expression différents) et temporelle (i.e. expression à

des stades embryonnaires différents) (Sears et al., 2006 ; Dai et al., 2014).

Ces modifications de régulation dans les gènes des chauves-souris ont pu entrainer un changement

évolutif rapide relativement aux temps géologiques (Sears et al., 2006). Si l'on suit cette hypothèse, il

est même possible que l'évolution chez les chauves-souris ait été si rapide qu'il n'existe que peu de

formes de transition entre les mammifères non-volant et les chauves-souris aux longs doigts telles

qu'Onychonycteris, ce qui pourrait expliquer en partie l'absence de fossiles intermédiaires (Simmons,

2008). Le concept de changement progressif n'est pas écarté pour autant. En effet, des études

suggèrent que l'ancêtre commun des chauves-souris est vieux de 64 millions d'années environ, date

de la limite entre le Crétacé et le Tertiaire. Les plus vieux fossiles retrouvés datant de 50 millions

d'années, il reste encore 14 millions d'années de fossiles potentiels à explorer (Teeling et al., 2005 ;

Cooper et Tabin, 2008).

Par la suite, l'étude de la biologie du développement pourrait aussi répondre à une autre des

interrogations concernant l'apparition du vol chez les chauves-souris. En effet, en comparant

l'expression des gènes du développement entre différentes lignées de chauves-souris, Hockman et al.

ont montré en 2008 que les domaines d'expression de certains de ces gènes sont communs au sein

des microchiroptères. Ces observations suggèrent que le mode de développement des ailes est

constant au sein de ce taxon. Si l'on croit l'hypothèse selon laquelle le vol a évolué en une seule fois

chez les chauves-souris, le mode de développement des ailes est peut-être même commun à tous les

chiroptères (microchiroptères et mégachiroptères). L'étude du développement des ailes au sein de ces

deux sous-ordres pourrait ainsi permettre d'avancer des arguments en faveur - ou en défaveur - de la

monophylie des chauves-souris. Les différences légères qui existent entre les ailes des adultes de

différentes espèces (ailes longues et étroites chez les molossoïdes par exemple) s'expliqueraient alors

par de subtiles différences dans les régulations des gènes du développement, en particulier SHH

(Hockman et al., 2008).

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PARTIE II : Adaptation au vol

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PARTIE 2 :

ADAPTATION AU VOL

Les chauves-souris se distinguent par plusieurs aspects des autres mammifères non volants. La

particularité morphologique la plus notable est la présence d'ailes dont la structure correspond à une

celle d'une main d'homme dont on aurait allongé les phalanges (cf. Figure 22). Entre les segments

osseux (doigts, bras et membres postérieurs) et entre les doigts et le corps s'insère la membrane alaire

(aussi appelée patagium) qui possède des rôles majeurs dans le mode de vie et la physiologie des

chauves-souris. Des muscles très puissants s'insèrent sur la poitrine et sur les scapula, afin d'apporter

une puissance suffisante au vol actif.

Figure 22 : Chauve-souris (Pteropus lylei) en vol. Photographie libre de droit.

Les chauves-souris insectivores sont incroyablement agiles quand elles volent à la poursuite

d'une proie. A cause de la souplesse de leur membrane elles sont obligées de battre des ailes en

permanence pour se maintenir en l'air mais en contrepartie leur agilité en vol est spectaculaire. Elles

sont capables de faire des virages à angle droit, plonger en piqué, remonter à la verticale, voler sur le

côté, et même parfois voler la tête en bas. Les mégachiroptères sont moins habiles et moins rapides

en vol mais ils sont capables d'une plus grande endurance.

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Le mouvement des ailes lors du vol chez les chauves-souris est décomposable en deux phases,

la phase ascendante (ou phase de récupération) et la phase descendante (ou phase de propulsion) (cf.

Figure 23). La plupart des adaptations liées à leur mode unique de locomotion sont reflétées dans la

structure et l'organisation des systèmes squelettique et musculaire et dans la physiologie des organes

internes.

Figure 23 : Différentes étapes du cycle de battement d'aile d'une chauve-souris. D'après Swartz et al. (2007)

(A) Début de la phase de propulsion. Le corps entier est étiré longitudinalement. (B) Milieu de la phase descendante, l'aile est fortement bombée. (C) Fin de la propulsion / début de la phase ascendante, l'aile est toujours gonflée par le flux d'air. (D) Milieu de la phase de récupération, l'aile est repliée vers le corps.

Dans cette deuxième partie, nous allons nous intéresser à ces adaptations anatomiques,

directement liées au vol. Après avoir détaillé l'ostéologie et ses spécificités chez les chiroptères, nous

décrirons la myologie de ces animaux en insistant sur les muscles ayant une fonction majeure dans le

vol actif. Nous aborderons ensuite brièvement les singularités des membres postérieurs des

chiroptères. Puis, nous nous intéresserons à la membrane alaire et à ses particularités uniques dans le

règne animal. Pour finir, nous évoquerons les principales caractéristiques des organes internes adaptés

de façon à couvrir les besoins physiologiques de ces animaux.

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I - OSTEOLOGIE

Le squelette des membres antérieurs des chauves-souris est unique parmi les vertébrés tant

par son aspect macroscopique que microscopique (cf. Figure 24). Des caractéristiques spécifiques sont

apparues au cours de l'évolution des chiroptères car le vol actif nécessite des ailes avec une grande

portance, capables de résister aux forces déséquilibrées auxquelles elles sont soumises pendant le vol

et de supporter une tension suffisante pour maintenir la membrane tendue (Pennycuick, 2008).

Pour la majorité des vertébrés la fonction mécanique primaire des os est la rigidité.

Paradoxalement, les chauves-souris ont des os d'une rigidité relativement faible ce qui leur permet

d'avoir une locomotion aérienne liée à une déformation contrôlée du squelette.

Cette flexibilité est due à la faible minéralisation des os de la main : le contenu minéral des os de l'aile

diminue de manière significative dans un gradient proximal-distal. Ainsi, les éléments distaux sont très

déminéralisés, à l'exception de la proximité immédiate des articulations. Cette particularité est unique

parmi les vertébrés. Aussi, le diamètre des os est supérieur en région proximale par rapport à la région

distale de l'aile. La faible rigidité des os est également liée au fort allongement des os de l'aile

(notamment les métacarpes et les phalanges) qui sont proportionnellement plus longs chez les

chauves-souris que chez les autres mammifères.

L'association entre la faible minéralisation, la diminution du diamètre et l'allongement des os rend

possible des déformations considérables même sous des charges relativement faibles (Cooper et Tabin,

2008; Swarz et al., 2006; Swartz et al., 2012).

L'augmentation de la surface portante est permise par l'allongement des éléments du squelette et par

la présence d'une membrane alaire.

Ces particularités améliorent les performances aérodynamiques des chauves-souris et minimisent le

coût métabolique du vol (Swartz, 1997).

Afin de mettre en évidence les adaptations liées au vol dans le squelette des chauves-souris,

nous décrirons les particularités des os et des articulations des membres antérieurs, de la cage

thoracique et de la colonne vertébrale des chiroptères.

Les principaux composants du squelette étant pratiquement similaires entre les microchiroptères et

les mégachiroptères, nous ne ferons pas de distinction entre les deux groupes dans nos descriptions ;

toutefois, si les différences sont fondamentales, celles-ci seront précisées.

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Figure 24 : Squelettes de microchiroptères. Vue latérale (A) et vue ventrale (B).

D'après Hill et Smith (1984) et Neuweiler (2000).

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A - ARTICULATIONS ET OS FORMANT LA CEINTURE SCAPULAIRE

Chez la plupart des vertébrés, des articulations sont consolidées par des ligaments solides et

les muscles les entourant. Dans le cas des mammifères volants le poids des muscles et des tendons

doit être minimisé. Ainsi, la résistance articulaire dans les ailes est réalisée par des modifications des

articulations elles-mêmes de sorte que le mouvement est restreint au plan horizontal,

perpendiculairement aux forces de déformation (Hill et Smith, 1984).

1. Description de la clavicule

La clavicule est un os allongé et plus ou moins courbe selon les espèces. Sa diaphyse est aplatie

latéralement. Chaque clavicule s'articule avec l'acromion de la scapula, le processus coracoïde, ou les

deux. Leur fonction est de guider la rotation de la scapula pendant le vol (Norberg, 1972; Gatesy et

Middleton, 2007).

2. Description de la scapula

Les scapulas sont de forme plutôt rectangulaire chez les chiroptères. Elles sont situées sur la

surface dorsale de la cage thoracique, presque parallèlement à la colonne vertébrale.

Comme chez les autres mammifères, l'épine scapulaire sépare la fosse supraspinale de la fosse

infraspinale. Cependant, le processus coracoïde est extrêmement allongé, atteignant parfois jusqu'à la

moitié de la longueur de l'omoplate (cf. Figure 25). Il est dirigé ventralement et incurvé latéralement

(Hill et Smith, 1984; Novacek, 1987; Gatesy et Middleton, 2007; Maniakas et Youlatos, 2012).

La scapula fournit l'attachement à la plupart des muscles de vol et elle est mobile à l'arrière de

la cage thoracique pendant le cycle de battement d'ailes (Swartz et al., 1992).

Figure 25 : Vue antérieure de la scapula droite de Rousettus aegyptiacus. D'après Norberg (1972).

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3. Description de l'humérus

L'humérus des chauves-souris est similaire à celui des autres mammifères. Effectivement, de

tous les os de l'aile l'humérus est celui qui est le moins allongé. Sa diaphyse est droite ou légèrement

sigmoïde et sa tête est de forme ronde à elliptique. L'arête pectorale est proéminente. Elle fait saillie

à partir du bord crânial et fusionne avec la grande tubérosité.

Chez certaines espèces de chauves-souris la grande tubérosité se projette proximalement au-

delà de la tête humérale, assez loin pour s'articuler avec la scapula et former le "verrou scapulo-

huméral" (Norberg, 1972, 1998; Hill et Smith, 1984).

Les animaux présentant une fracture de l'humérus ont des chances de survie très diminuée

étant donné le rôle majeur de cet os dans le cycle de battement des ailes (cf. encadré p.89).

Figure 26 : Humérus de Rousettus aegyptiacus. Vue dorsale (A) et ventrale (B) de l'épiphyse proximale. Vue

antérieure (C) et postérieure (D) de l'épiphyse distale. D'après Norberg (1972).

4. Ceinture scapulaire

a) Articulation sterno-claviculaire

Le mouvement principal permis par l'articulation sterno-claviculaire est la rotation de la

clavicule autour de son l'axe longitudinal. Les limites de cette rotation sont déterminées par la

longueur des ligaments sternoclaviculaires médial et latéral. La clavicule des chiroptères étant plus ou

moins fortement courbée, la rotation autour de sa partie proximale provoque des mouvements en

forme d'arc de cercle au niveau de son extrémité distale (Panyutina et al., 2013).

La clavicule peut aussi se déplacer médialement et latéralement (adduction/abduction) mais

l'amplitude de ce mouvement reste faible (cf. Figure 27).

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Figure 27 : Schéma des mouvements de l'articulation sterno-claviculaire. D'après Panyutina et al. (2011).

(A) début de la phase de propulsion. La clavicule est en position médiane, l'humérus est dressé vers le haut. (B) fin de la phase de propulsion. La clavicule est en abduction et a effectué une rotation autour de son axe.

b) Articulation acromio-claviculaire

L'articulation acromio-claviculaire est très peu mobile car les mouvements entre la scapula et

la clavicule sont limités par deux solides ligaments, le ligament acromio-claviculaire et le ligament

coraco-claviculaire. Puisque son processus acromial est étroitement relié à la clavicule, la position de

la partie antérieure de la scapula est principalement déterminée par les mouvements de l'extrémité

distale de la clavicule. Ainsi, elle est déplacée ventro-latéralement et dorso-médialement à l'arrière de

la cage thoracique pendant le cycle de battement d'ailes (Panyutina et al., 2011 ; 2013).

c) Articulation scapulo-humérale (ou articulation de l'épaule)

Les mouvements de la scapula et de la clavicule contribuent très peu à l'amplitude des

mouvements de l'aile. Ils sont considérablement plus réduits que ceux permis par l'articulation de

l'épaule (cf. Figure 28). En effet, l'humérus peut se mouvoir dans toutes les directions (i.e.

abduction/adduction, flexion/extension et rotation autour de son axe longitudinal) grâce à son

articulation avec la scapula.

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Figure 28 : mouvements de la ceinture scapulaire pendant le vol. D'après www.transitionrig.com.

Pendant la phase descendante de l'aile, la scapula (S) et la clavicule (C) se déplacent latéralement et ventralement (petites flèches). Cela permet un plus large arc de rotation de l'humérus (H) (grande flèche). Pendant la course ascendante, la scapula glisse en arrière dans sa position plus dorsale.

L'articulation scapulo-humérale des chiroptères - comme pour les autres mammifères - est

consolidée par les tendons des muscles adjacents i.e. les muscles du groupe suprascapulaire, le muscle

subscapularis et le chef long du triceps brachial. Cependant, il n'existe pas de ligament permettant de

réduire les mouvements de pronation lors de la phase de descente de l'aile. Ces mouvements sont

pourtant délétères car ils réduisent la portance de l'aile et donc la force de propulsion. En réponse à

ces contraintes et afin de maintenir un angle d'attaque optimal avec un effort musculaire minimal,

certains chiroptères possèdent une articulation de l'épaule très modifiée. On compte ainsi trois

variantes de l'articulation scapulo-humérale (Schlosser et Schliemann, 1995; Schliemann et Schlosser,

1999; Panyutina et al., 2013).

i. Articulation basique non spécialisée

Le premier type d'articulation est basique, similaire à celle des autres mammifères. La cavité

glénoïde de la scapula, seule surface articulaire, englobe parfaitement la tête sphérique de l'humérus.

Aussi, le tubercule majeur de l'humérus ne se projette pas au-delà de la tête humérale.

On retrouve ce type d'articulation chez les Pteropodidae, les Rhinopomatidae et les Nycteridae

(Schlosser et Schliemann, 1995; Schliemann et Schlosser, 1999; Panyutina et al., 2013).

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ii. Articulation spécialisée avec une surface articulaire modifiée

Dans la deuxième variante d'articulation scapulo-humérale, la scapula possède toujours une

unique surface articulaire mais celle-ci est modifiée. La tête humérale ne présente pas une forme

sphérique mais une forme allongée dans le sens de la diaphyse humérale. La cavité glénoïde est plus

profonde avec une forme ovale entourée par des bords cartilagineux particulièrement élevés.

Ce type d'articulation est observé dans trois superfamilles de chiroptères : les Emballonuroidea, les

Rhinolophoidea et les Noctilionoidea (Schlosser et Schliemann, 1995; Schliemann et Schlosser, 1999;

Panyutina et al., 2013).

iii. Articulation spécialisée avec deux surfaces articulaires

Le dernier type d'articulation scapulo-humérale est le plus spécialisé. Il est caractérisé par une

articulation supplémentaire entre l'humérus et l'omoplate.

En effet, le tubercule majeur de l'humérus est élargi et s'appuie sur une seconde surface articulaire

située au-dessus de la cavité glénoïde sur face dorsale de la scapula. Ce mécanisme forme le "verrou

scapulo-huméral" (cf. Figure 29).

Cette caractéristique anatomique permet de restreindre la liberté de mouvement de l'humérus en

arrêtant la course ascendante de l'humérus en extension un peu au-dessus de l'horizontale car à ce

niveau le tubercule majeur se bloque contre la scapula. Cependant, le bras peut être soulevé au-dessus

de l'horizontale lorsqu'il est en flexion. Ce dispositif de verrouillage réduit le coût énergétique du vol

en soulageant les muscles des ailes qui amorcent la phase de propulsion (Norberg, 1972, 1998; Hill et

Smith, 1984).

Chez certaines espèces, on retrouve en plus un allongement du tubercule supraglénoïde de la

scapula qui repose alors entre la grande et la petite tubérosité de l'humérus lorsque celui-ci est en

abduction lors de la phase descendante.

Ces modifications de l'épaule sont présentes dans quatre superfamilles de microchiroptères :

les Phyllostomidae, les Craseonycteridae, les Rhinolophidae et les Vespertilionoidea (Schlosser et

Schliemann, 1995; Schliemann et Schlosser, 1999; Panyutina et al., 2013).

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Figure 29 : Vue antérieure de l'articulation de l'épaule droite d'une espèce de Molossidae.

Le tubercule majeur verrouille l'articulation scapulo-humérale au cours de la phase de propulsion. (A) L'aile est dirigée vers le bas : l'humérus est replié vers le corps de sorte que seule la tête humérale est en contact avec la scapula. (B) L'aile est en position horizontale : l'humérus en extension et en légère abduction. (C) L'aile est dirigée vers le haut et entièrement déployée, la grande tubérosité s'articule pleinement avec la surface dorsale de la scapula. D'après Hill et Smith (1984).

Il est intéressant de noter que deux espèces fossiles, Hassianycteris et Palaeochiropteryx, possédaient

déjà une facette articulaire secondaire sur la scapula. Cette observation, ajoutée à l'acquisition à

plusieurs reprises et de façon indépendantes des articulations de l'épaule spécialisée chez les

chiroptères, souligne la forte pression de sélection existant sur le développement de cette articulation

(Schliemann et Schlosser, 1999).

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B - OS DE L'AVANT-BRAS ET ARTICULATION DU COUDE

1. Description des os de l'avant-bras

Dans l'ensemble, l'avant-bras de la chauve-souris est considérablement allongé par rapport à

ceux des autres mammifères. Ainsi sa longueur peut atteindre celle du corps (excepté la queue) chez

certaines espèces.

Le radius, épais et robuste, est l'élément osseux principal de l'avant-bras. Fusionné avec l'ulna

à son extrémité proximale et distale, il participe à la stabilisation de l'aile contre les rotation délétères

au cours du vol (Hill et Smith, 1984; Neuweiler, 2000; Adams, 2008).

L'ulna est un os filiforme considérablement réduit comparativement au radius qui est

beaucoup plus développé. Proximalement, l'olécrane est le plus grand vestige de cet os. Elle est

généralement fusionnée au radius et sa fonction principale est de rigidifier voire de verrouiller

l'articulation du coude quand l'aile est en extension pendant la phase descendante du vol.

Distalement, l'ulna s'amincit ou devient cartilagineuse. Elle est fusionnée avec le radius et peut être

réduite au point ne pas atteindre l'articulation du poignet (Hill et Smith, 1984; Lollar et Schmidt-French,

1998; Chen et al., 2005).

Figure 30 : radius et ulna droits de Desmodus rotundus.

(A) vue dorsale, (B) vue ventrale, (C) vue antériomédiale de l'extrémité proximale, (D) vue ventrale de l'extrémité proximale. D'après Altenbach, 1979.

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2. Articulation huméro-radiale

Chez les chiroptères, le coude est conçu de façon à ce que l'articulation s'ouvre et se ferme

uniquement dans le plan horizontal. Ainsi, seuls les mouvements dans le plan antéropostérieur sont

possibles. La perte totale des mouvements de pronation et de supination permet aux ailes de résister

aux forces verticales générées par le flux d'air pendant le vol (cf. Figure 31). En effet, si une telle

rotation avait lieu, les ailes seraient placées dans une position verticale à chaque battement ce qui

occasionnerai une perte de résistance incompatible avec la propulsion.

Les articulations huméro-radiales de certaines chauves-souris sont très modifiées avec la

présence de profondes rainures et de bords osseux inclinés de sorte que lorsque l'articulation s'ouvre,

elle se verrouille à la manière d'une vis (Hill et Smith 1984; Schlosser et Schliemann 1995; Adams 2008;

Vaughan 2012).

Figure 31 : Vue dorsale (A) et ventrale (B) de l'articulation du coude de Rousettus aegyptiacus. D'après Norberg (1972).

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C - SQUELETTE ET ARTICULATIONS DU POIGNET ET DE LA MAIN

1. Squelette des doigts

La main est composée de cinq doigts à leurs tours composés chacun d'un métacarpe et de

plusieurs phalanges.

Le doigt I (ou pouce) est le moins modifié avec une morphologie similaire à celle des doigts

postérieurs. Sa longueur varie beaucoup entre les espèces. En effet, il est court dans les familles de

microchiroptères et relativement long chez certains mégachiroptères.

Le squelette du pouce est composé d'un métacarpe et de deux phalanges terminées par une griffe bien

développée chez tous les chiroptères.

Extrêmement mobile, il est utilisé dans la locomotion pour grimper et se déplacer sur le sol. Pendant

le vol, il empêche le bord crânial de l'aile de s'affaisser. Chez les mégachiroptères, le pouce est aussi

utilisé pour manipuler les aliments (Hill et Smith, 1984; Pennycuick, 2008; Wang et al., 2010).

L'allongement des doigts II à V est extrême. Les métacarpes II à V rayonnent à partir de

l'articulation du poignet et s'écartent sur près de 180 degrés lorsque les ailes sont complètement

déployées (cf. Figure 32). Le doigt II est composé d'un métacarpe très allongé et d'une ou deux

phalanges relativement courtes. Chez la majorité des espèces de mégachiroptères, le doigt II se

termine par une griffe bien développée. Cette griffe terminale est absente chez tous les

microchiroptères mises à part certaines espèces fossiles comme Onychonycteris, Icaronycteris,

Archaeonycteris, et Palaeochiropteryx.

Les doigts III, IV et V ont aussi des métacarpes allongés. Cependant, le doigt III possède deux ou trois

phalanges allongées elles-aussi, tandis que les doigts IV et V n'en ont que deux. Les articulations des

doigts permettent de déterminer l'âge des chauves-souris. En effet, celles des adultes sont sphériques

et noueuses, tandis que celles des juvéniles sont encore cartilagineuses et plus allongées (cf. encadré

p.92) (Pettigrew et al., 1989; Lollar et Schmidt-French, 1998; Neuweiler, 2000; Gatesy et Middleton,

2007).

Figure 32 : Squelette de chauve-souris en vol. Collection du muséum national d'histoire naturelle de Bourges.

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Les doigts sont remarquablement affinés compte tenu des forces auxquelles ils sont soumis

pendant le vol. Pour supporter la surface de l'aile et les forces qui s'exercent sur elle tout en permettant

une propulsion, des adaptations structurelles sont apparues au cours de l'évolution.

Les os des doigts sont conformés de telle sorte que leur diamètre est supérieur dans les zones où les

forces de flexion sont les plus grandes. Cette caractéristique permet de minimiser le poids tout en

gardant une bonne résistance à la déformation.

Aussi, les phalanges ont des diaphyses coniques (i.e. à diamètre dégressif). De plus, leur épaisseur

corticale et leur degré de minéralisation suivent un gradient proximo-distal. Ainsi, les phalanges

terminales peuvent être entièrement cartilagineuses ce qui permet de favoriser plutôt que de résister

à la flexion.

De plus, à l'extrémité distale des doigts IV et V se situe un morceau de cartilage en forme de cuvette.

Ils forment des zones de fixation pour le bord de fuite de la membrane et réduisent ainsi le risque de

rupture de cette partie de la membrane (Norberg, 1969, 1972; Gatesy et Middleton, 2007).

2. Articulation du poignet (carpe)

L'articulation du poignet est une articulation complexe composée de plusieurs os carpiens

interposés entre la partie distale de l'avant-bras et les métacarpes des doigts (cf. Figure 33).

Même s'il est essentiellement similaire à celui des autres mammifères, le poignet des chauves-

souris est moins souple car l'ulna est réduite et le radius a perdu ses capacités de rotation. En effet, le

radius distal est rainuré et s'articule fermement avec les os carpiens proximaux (os lunaire et os

cunéiforme). Les mouvements sont ainsi restreints à la flexion et à l'extension.

Les os carpiens sont élargis et articulés avec les métacarpes de manière à permettre le déplacement

des doigts dans un plan horizontal, à la façon d'un éventail.

Les fonctions de cette articulation sont complexes car elle doit résister aux forces de flexion produites

pendant le vol en plus de permettre une mobilisation coordonnée des doigts (Norberg, 1972; Hill et

Smith, 1984; Lollar et Schmidt-French, 1998; Vaughan, 2012).

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Figure 33 : Carpe gauche de Rousettus aegyptiacus. Vue ventrale. D'après Norberg (1972).

D - SQUELETTE AXIAL

Le corps des chauves-souris est relativement court. Cela se traduit par une compression

antéro-postérieure des vertèbres et un emboitement parfait de leurs surfaces articulaires, limitant

ainsi leurs mouvements individuels.

Les chiroptères possèdent un nombre de vertèbres variables en fonction des espèces avec sept

vertèbres cervicales, onze à treize vertèbres thoraciques, cinq vertèbres lombaires, et quatre à six

vertèbres sacrées. Les microchiroptères possèdent cinq à douze vertèbres caudales fines et allongées

contrairement aux mégachiroptères qui n'ont pas forcément de queue.

Dans certaines familles (Nycteridae, Rhinolophidae, Hipposideridae, Megadermatidae,

Molossidae et certains Vespertilionidae) la dernière vertèbre cervicale est fusionnée avec la première

vertèbre thoracique. Dans d'autres espèces (e.g. Thyropteridae), la première et la deuxième vertèbre

thoracique sont également fusionnées. Les autres vertèbres thoraciques sont fermement ajustées les

unes avec les autres formant ainsi une structure rigide capable de supporter les grands muscles du vol.

Les vertèbres sacrées sont aussi soudées entre elles.

Ces fusions vertébrales favorisent la rigidité du squelette axial ce qui facilite le vol par la limitation des

mouvements de l'axe principal du corps (Norberg, 1972; Hill et Smith, 1984; Neuweiler, 2000; Gatesy

et Middleton, 2007).

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E - CAGE THORACIQUE

La cage thoracique de chauves-souris est proportionnellement plus grande que celles des

autres mammifères de taille comparable. Elle est significativement plus large et plus profonde.

Les chiroptères possèdent onze à treize paires de côtes, sept à neuf côtes sternales et six côtes

vertébrales. Les côtes sont élargies à tel point que celles de la partie antérieure de la cage thoracique

sont presque en contact les unes avec les autres. Elles sont totalement ossifiées et solidement fixées

au sternum et/ou à la colonne vertébrale ce qui permet l'ancrage de puissants muscles du vol (Norberg,

1972; Hill et Smith, 1984).

Le sternum des chiroptères, en forme de "T", est divisible en trois parties (cf. Figure 34) :

- la partie antérieure, le manubrium, se prolonge par deux bras latéraux et par une quille

ventrale développée. Les clavicules et premières côtes s'ajustent sur les extrémités distales

des bras latéraux.

- le corps du sternum, en position centrale, est long et étroit. Il possède une arête médiane en

position ventrale et deux quilles se projetant dorsalement.

- le processus xiphoïde est étroit dans sa portion antérieure et élargi dans sa portion postérieure

en une partie cartilagineuse discoïde.

Entre le manubrium et les quilles du corps du sternum s'étend une feuille ligamentaire qui forme la

surface de fixation du muscle pectoral. Cette structure permet d'agrandir la surface d'attache sans

augmentation significative du poids. Cette structure s'apparente au bréchet des oiseaux (Norberg,

1972; Gatesy et Middleton, 2007; Pennycuick, 2008).

Figure 34 : Sternum de Rousettus aegyptiacus. D'après Norberg (1972).

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Que faire en cas de fracture ? (1/2)

Les fractures des membres sont de loin les blessures les plus rencontrées chez les chauves-souris qui ont des os très allongés, très fins et donc très fragiles. Les premières causes de fractures sont les collisions avec des véhicules et l'attaque par des chats domestiques. Lorsque l'on utilise des attelles ou des bandages pour réduire les fractures, les chauves-souris s'automutilent en s'attaquant à leur patagium, à la peau entourant l'os et à l'os lui-même. Il est donc fortement déconseillé d'en faire usage.

Fracture des bras et des avant-bras

Les fractures du bras et de l'avant-bras ont souvent des conséquences néfastes pour les chauves-souris. Parfois, il est envisageable de poser une broche : des essais de réductions de fractures de l'humérus et du radius par une broche centromédullaire (aiguille hypodermique) ont été effectués par une équipe californienne, et ont permis la guérison et la remise en liberté de chauves-souris. Cependant, ces cas restent anecdotiques et la majorité de ce genre de fracture guérit avec des imperfections rendant le vol difficile et donc inefficace pour la chasse.

Les fractures franches peuvent guérir seules mais cela prend beaucoup de temps (deux à trois mois). Il faut replacer l’aile en position normale et placer la chauve-souris en cageothérapie dans une petite boite lui permettant juste de se suspendre. Si la fracture est ouverte (cf. Figure 35) il faut avant tout laver la plaie avec une solution antiseptique et placer l'animal sous antibiothérapie.

Les os les plus près du thorax sont les plus importants dans l'aérodynamique du vol, donc s'ils sont lésés la chauve-souris a peu de chance de retrouver un vol normal. La plupart des fractures des bras et des avant-bras (humérus, radius, ulna) aboutissent

malheureusement à l'euthanasie de l'animal blessé.

Figure 35 : Fracture ouverte du radius d'une sérotine. Photo: Laurent ARTHUR.

(Lollar, Schmidt-French 1998; Schach-Duc 1999; Communications personnelles avec Mr Laurent ARTHUR)

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Que faire en cas de fracture ? (2/2)

Fracture des doigts

La plupart des fractures des os des doigts guérissent rapidement (en 4 à 6 semaines) à condition que la chauve-souris puisse se toiletter et se nourrir.

Lors de fractures ouvertes de la main ou des doigts, le risque d'automutilation est très élevé. De plus, la cicatrisation est souvent imparfaite ce qui entraine des déformations de l'aile empêchant la remise en liberté de l'animal blessé. Si seule la dernière phalange est scalpée (comme cela arrive régulièrement), il faut procéder à une amputation de celle-ci et rabattre la peau sur le moignon osseux en la fixant avec un point de colle.

Les fractures fermées de la main et des doigts ne nécessitent pas énormément de soins : - rapprochement des deux embouts osseux en remettant l'aile en position physiologique ; - le nursing de l'animal (nourriture…) ; - cageothérapie le temps de la cicatrisation.

Des cals osseux parfois impressionnants se forment et permettent à la chauve-souris d'être relâchée. Si un ou plusieurs doigts sont fracturés mais que le pouce est fonctionnel, la chauve-souris peut vivre en captivité car elle peut chasser dans sa boite et faire sa toilette. Si les pouces ne sont pas fonctionnels, la chauve-souris se traine et des escarres apparaissent rapidement. Dans ce cas, l'euthanasie de l'animal est conseillée.

Fracture des articulations : épaule, coude, poignet

La phase descendante du vol comprend des rotations des bras et des avant-bras. Les lésions graves des articulations altèrent donc la capacité de vol des chauves-souris de façon permanente. Ainsi, les animaux blessés au niveau des épaules, des coudes ou des poignets peuvent rarement être relâchés.

Parfois, les articulations sont gonflées à la suite de petites blessures ou de morsures d'autres chauves-souris (cf. Figure 36). S'il n'y a pas de fracture associée, les chauves-souris présentant ces lésions peuvent en général être relâchées une fois guéries.

Figure 36 : Lésion du poignet. Photo : Laurent ARTHUR, MNHN de Bourges.

Les chauves-souris maintenues en captivité permanente peuvent servir d'individus pilotes pour effectuer des études sur ces animaux encore mal connus (analyses sanguines, longévité…) et aussi pour tenir compagnie aux animaux malades en convalescence et faciliter leur guérison.

(Lollar, Schmidt-French 1998; Communications personnelles avec Mr Laurent ARTHUR)

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Conclusion

Contrairement aux oiseaux, aucune partie du squelette des ailes des chauves-souris n'a été

réduite ou perdue au cours de l'évolution (cf. Figure 37).

Aussi, la résistance des ailes est permise par des modifications articulaires de sorte que le mouvement

est restreint au plan horizontal, perpendiculairement aux forces de déformation (Hill et Smith, 1984;

Pennycuick, 2008).

Bien que les muscles aient un rôle réduit dans le renforcement de leurs articulations, les ailes des

chauves-souris sont contrôlées par des actions musculaires complexes.

Figure 37 : Comparaison entre le squelette d'une aile d'oiseau (A) et celle d'un microchiroptère (B).

D'après Hill et Smith (1984).

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Premiers réflexes lorsque l'on trouve une chauve-souris

Prendre des précautions

Les chauves-souris sont porteuses d'un virus apparenté au virus de la rage (European Bat Lyssavirus) : il est nécessaire de mettre des gants épais avant toute manipulation.

Symptômes de la rage chez la chauve-souris = anomalies du système nerveux central - mouvements incoordonnés ou spastiques ; - paralysie de certaines parties du corps impliquant souvent une paralysie spastique de

l'hémicorps inférieur, avec des membres pelviens serrés contre l'abdomen ; - Incapacité de se nourrir ; - crises de tétanie ; - mâchonnement incontrôlable etc.

S'il y a des signes de rage, l'examen s'arrête là : il faut euthanasier l'animal (cf. encadré p.138) et envoyer son cadavre à l'institut Pasteur (s’il y a eu contamination humaine) ou celui de l’AFSSA-Nancy (dans tous les autres cas).

Attention : on ne peut pas exclure la rage chez une chauve-souris sans symptôme car elle peut être en période d'incubation !

Il faut bien désinfecter les instruments et la surface de travail en contact avec les chauves-souris, car elles sont aussi porteuses d'autres pathogènes.

Déterminer s'il s'agit d'un adulte ou d'un juvénile

Juvéniles : roses et sans poil, ailes non formées, cartilage de jonction des articulations des ailes visible par transparence (cf. Figure 38). Ils sont principalement retrouvés entre juin et septembre. Les juvéniles ont peu de chance de survie : mieux vaut le raccrocher de là où il est tombé.

Adultes : poilus et de couleur foncée, avec des ailes bien formées. Ne pas se fier à la taille: certaines chauves-souris adultes sont minuscules et pèsent 3 grammes !

Figure 38 : Différentiation entre les juvéniles et les adultes grâce aux jonctions articulaires

(Lollar et Schmidt-French, 1998 ; http://agriculture.gouv.fr/)

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Hospitalisation d'une chauve-souris

Les animaux gardés en hospitalisation sont des animaux suffisamment valides pour être relâcher dans la nature une fois les soins effectués. La plupart du temps, on laisse aux chauves-souris le temps de cicatriser seules, cependant il faut les nourrir et pratiquer du nursing pour qu'elles puissent s'en sortir.

Il est possible et même conseillé de mélanger les espèces pour les hospitalisations longues. Les chauves-souris sont des animaux qui vivent en groupe : si elles sont toutes seules, elles dépérissent.

Une chauve-souris se dégrade très rapidement si ça ne va pas, et le premier signe est un pelage gras et piqué. Si ce symptôme apparait, la chauve-souris va très probablement mourir dans les 10 jours : à ce stade mieux vaut euthanasier l'animal (cf. encadré p.138).

Logement

La chauve-souris doit être placée dans une cage appropriée : par exemple dans une boîte de bouteille de vin placée à la verticale, recouverte de grillage plastique et avec une guillotine en plastique lisse (pour ne pas qu'elle puisse s'accrocher dessus et soit blessée lorsque l'on ouvre la boîte). Eviter les boites en carton : elle pourrait la ronger et s'échapper. La cage d'hospitalisation doit être placée dans un endroit sec et tempéré (environ 20-22°C). Lors de l'hospitalisation, le transfert des animaux dans des boîtes de plus en plus grandes permet de les rééduquer au vol.

Alimentation

Vers de farine, grillons : Il est facile de se procurer ces insectes pour nourrir les chauves-souris, cependant si l'hospitalisation est de longue durée, il est nécessaire de varier le régime alimentaire. Une chauve-souris active (i.e. non en état de léthargie physiologique) doit manger dans la minute où l'aliment lui est présenté sinon ce n'est pas bon signe (contrairement aux mammifères domestiques qui sont souvent anorexiques en état de stress). Si l'animal est en léthargie, il faut d'abord le réchauffer pendant une vingtaine de minutes. Si la chauve-souris ne mange pas, il ne faut pas la gaver : il faut être patient et persister.

Une chauve-souris qui refuse de s'alimenter va dépérir et mourir en quelques jours. A ce point, la meilleure option à envisager est l'euthanasie.

Eau !!!!! Les chauves-souris ont besoin de s'abreuver régulièrement. Mettre une cuillère à soupe d'eau fraiche dans un couvercle plat, pour ne pas risquer la noyade si l'animal est faible.

Soins

Soins spécifiques aux pathologies de l'animal.

Toilettage si la chauve-souris est dans l'incapacité de le faire elle-même : à l'aide d'une brosse à dent pour le corps et d'un chiffon humide pour le patagium.

Pesée régulière : avant d'être relâchée, la chauve-souris doit être en excellente condition, avoir entièrement récupérée et avoir un bon poids pour sa taille et son espèce.

Garder des chauves-souris en hospitalisation demande des installations appropriées, une bonne connaissance de leur mode de vie et de leur physiologie : si l'on trouve une chauve-souris, l'objectif est de la confier vite et dans de bonnes conditions à quelqu'un qui sait s'en occuper.

(Communications personnelles avec Mr Laurent ARTHUR)

Boite pour hospitalisation

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II - MYOLOGIE

Chez les chauves-souris, le vol est permis par des adaptations morphologiques du squelette et

aussi par une adaptation de la musculature qui lui est associée.

En effet, beaucoup de différences marquées existent entre les muscles des mammifères non

volants et ceux des chauves-souris, notamment dans les dimensions relatives des muscles, leurs

insertions et leurs fonctions. Ces différences s'expliquent en partie par le fait que chez les mammifères

terrestres les membres sont situés sous le corps, verticalement au sol, et donc que leur locomotion

repose sur un mouvement antéro-postérieur permis par l'interaction de muscles déplaçant le membre

en avant et en arrière. Les chiroptères, eux, luttent contre l’effet de gravité grâce à une forte

stabilisation des angles articulaires, et leurs ailes sont tendues sur les côtés du corps avec des

mouvements vers le haut et vers le bas mettant en jeu des interactions musculaires différentes.

Néanmoins, les muscles qui ne sont pas impliqués dans le vol sont similaires à ceux des autres

mammifères.

L'organisation de la musculature des chauves-souris est aussi très différente de celle des

oiseaux, soulignant leur divergence évolutive. Les chauves-souris utilisent des muscles antagonistes

situés principalement sur la poitrine (pour la phase de propulsion) et dorsalement (pour la phase de

récupération), contrairement aux oiseaux chez qui les muscles antagonistes sont tous situés sur la

poitrine. Aussi, un nombre de muscles plus réduit est nécessaire au cycle de battement d'aile des

oiseaux par rapport aux chauves-souris (Hill et Smith, 1984).

Pour que la chauve-souris avance, les ailes doivent générer une poussée horizontale de l'avant

vers l'arrière. Le mouvement des ailes lors du vol chez les chauves-souris est donc décomposable en

deux phases, la phase de récupération et la phase de propulsion, permises par l'association de

différents mouvements parmi la flexion et l'extension (aile pliée ou dépliée), l'adduction ou l'abduction

(aile vers le bas ou vers le haut) et la rotation (aile en supination ou en pronation).

Dans cette, partie, nous allons nous intéresser à la myologie des chiroptères et à ses

particularités. Dans un premier temps, nous détaillerons un complexe musculaire propre aux chauves-

souris, les muscles de la membrane alaire.

Après avoir détaillé chaque phase du vol, nous développerons les principaux muscles intervenant dans

chacune des phases. Pour ce faire, nous avons regroupé les données issues de plusieurs publications,

portant chacune sur une ou plusieurs espèces de chiroptères. En effet, les différentes espèces de

chiroptères possèdent des modes de vie très variables en corrélation avec leur technique de vol. Par

exemple, certaines espèces ont un vol très rapide et agile alors que d'autres ont un vol lent mais

endurant. Ces spécificités ont influencé leur développement anatomique et les chauves-souris ont

adopté une musculature adaptée à leurs habitudes. De ce fait, il existe de très nombreuses variations

anatomiques entre les espèces de chauves-souris.

Le but de ce travail n'étant pas de faire une description détaillée et exhaustive des insertions des

muscles du vol mais d'expliquer les relations entre leurs insertions et leurs rôles dans le vol actif, il

faudra se référer aux ouvrages cités pour plus de détails concernant les descriptions anatomiques.

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Ainsi, Norberg (1972) décrit l'anatomie de Rousettus aegyptiacus (Pteropodidae). Vaughan (2012)

décrit la myologie d'Eumops perotis (Molossidae), de Myotis velifer (Vespertilionidae), de Macrotus

waterhousii (Phyllostomidae), et d'Hipposideros armiger (Rhinolophidae). Hermanson et Altenbach

(1983) décrivent les muscles d'Antrozous pallidus (Vespertilionidae). Hermanson et Altenbach (1985)

décrivent Artibeus jamaicensis (Phyllostomidae). Enfin, Maniakas et Youlatos (2012) décrivent

Tadarida teniotis (Molossidae).

Enfin, les muscles contrôlant la phase ascendante et la phase descendante de l'aile sont activés

alternativement. Cependant, certains muscles sont bi-fonctionnels, c’est-à-dire qu'ils interviennent

dans les deux phases. Nous avons choisi de les développer dans la partie dédiée à la phase du vol dans

laquelle ils ont le rôle le plus important.

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A - MUSCLES DE LA MEMBRANE ALAIRE

Deux types de muscles s'insèrent dans le réseau conjonctif de la membrane alaire des chauves-

souris (cf. Figure 39). Certains proviennent du squelette de l'aile et s'insèrent dans la membrane : ils

ancrent la membrane sur les os et contrôlent précisément la tension de la membrane et la cambrure

de l'aile. D'autres sont intrinsèques, provenant et s'insérant dans la membrane elle-même. Ces muscles

sont une caractéristique commune des ailes de chauves-souris, bien que les muscles proximaux soient

plus puissants chez les Mégachiroptères que chez les Microchiroptères (Norberg 1972; Swartz et al.

1996).

Figure 39 : Schéma représentant la disposition des muscles de la membrane alaire en vue latérale.

D'après Neuweiler (2000).

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1. Muscles extrinsèques

a) Muscle occipito-pollicalis

Origine : crête lambdoïde et crête sagittale du crâne.

Insertion :

- mégachiroptères : doigt I et bord antérieur du dactylopatagium brevis ;

- microchiroptères : surface antérieure du métacarpe 2.

Fonction : Etend le propatagium (en direction crâniale et ventrale) et étend le dactylopatagium brevis

(Norberg 1972, 1969; Vaughan 2012).

b) Muscle coraco-cutaneus

Origine :

- mégachiroptères : processus coracoïde de la scapula ;

- microchiroptères : bord médial de l'humérus ou processus coracoïde de la scapula.

Insertion : réseau de fibres de la partie axillaire du plagiopatagium.

Fonction : Aide à maintenir la tension dans la partie proximale du plagiopatagium pendant le vol

(Norberg 1972; Swartz et al. 1996; Vaughan 2012).

c) Muscle humero-patagialis

Origine: surface médiale et épicondyle médial de l'humérus, base de l'ulna.

Insertion : fibres élastiques divergentes émergeant dans la partie distale du plagiopatagium.

Fonction : tend et soutient la partie distale du plagiopatagium.

Ce muscle est propre aux Molossidae. Il maintient la membrane sous tension contrôlée afin de

supporter la haute fréquence de battement d'aile nécessaire à la vitesse. Ce muscle est remplacé par

des faisceaux de fibres élastiques chez les mégachiroptères (Swartz et al. 1996; Vaughan 2012;

Maniakas, Youlatos 2012).

d) Muscle tensor-plagiopatagii

Origine : 2 parties : surfaces médiale du tibia et surface ventrale du tarse / os cunéiforme interne et

base du premier métatarse.

Insertion : 2 parties : sur le plagiopatagium, adjacent au membre postérieur / le long du bord de fuite

du plagiopatagium par des fibres élastiques.

Fonction : fixe et consolide le bord de fuite du plagiopatagium et la partie de cette membrane qui

s'attache aux membres postérieurs.

Ce muscle est propre aux Molossidae. Comme le muscle huméro-platagialis, il maintient la membrane

sous tension contrôlée afin de supporter la haute fréquence de battement d'aile nécessaire à la vitesse

(Vaughan 2012; Maniakas, Youlatos 2012).

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e) Muscle uropatagialis

Ce muscle longe l'uropatagium le long du bord de fuite, entre les parties proximales des calcars gauche

et droit. Il passe dorsalement à la queue à laquelle il est relié par du tissu conjonctif. Il permet de tendre

l'uropatagium. Le muscle uropatagialis n'a pas été retrouvé chez les microchiroptères (Norberg, 1972).

f) Muscle depressor ossis styliformis

Origine : os calcaneus et base du 5e métatarse.

Insertion : deux tiers proximaux du calcar.

Fonction : aide à déployer l'uropatagium en entrainant le calcar latéralement, à l'écart du membre

postérieur (Vaughan, 2012).

2. Muscles intrinsèques

Les muscles intrinsèques sont limités au plagiopatagium. Leur nombre, leur longueur et leur diamètre

sont variables entre les différentes espèces de chauves-souris (Swartz et al., 1996).

a) Muscle bicipito-plagiopatagialis

Origine : surface ventrale du muscle coraco-brachial, et partie antérieure du plagiopatagium.

Insertion : face antérieure de la cuisse.

Fonction : tend la partie proximale du plagiopatagium (Norberg, 1972).

b) Muscles plagiopatagialis propii

La membrane des chauves-souris est déformable grâce à plusieurs systèmes. Le premier est le

squelette de l'aile qui permet d'ajuster la position et la cambrure de la membrane. Le second est le

système musculaire bien particulier formé par les muscles plagiopatagialis proprii. Ils proviennent et

s'insèrent directement dans le tissu conjonctif du plagiopatagium et sont placés selon l'axe antéro-

postérieur, presque parallèlement les uns aux autres (cf. Figure 40).

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Figure 40 : Schéma et photographie des muscles plagiopatagialis chez Eidolon elvum (Pteropodidae).

D'après Cheney et al. (2014).

Deux hypothèses existent quant à leur fonction : ces muscles peuvent fonctionner tous

ensemble de manière à améliorer leur puissance, ou alors ils peuvent s'activer individuellement et

servir uniquement de capteurs d'étirement.

Une étude récente de Cheney et al. (2014) a montré que les muscles plagiopatagialis ne se comportent

pas de manière passive, mais agissent collectivement en fonction des conditions de vol. Ils permettent

aux chauves-souris d'augmenter la rigidité de leurs ailes et réduire ainsi la déformation passive de la

membrane. Ces muscles s'activent de manière synchrone, en fournissant assez de force collective pour

rigidifier l'aile. Cette synchronisation de leur activation est un moyen de maximiser leur puissance, car

individuellement, ces muscles sont faibles.

La période d'activation des muscles plagiopatagialis varie entre les vols rapides et lents, ce qui indique

que les chauves-souris modulent la raideur de la membrane différemment en fonction de la vitesse de

vol. Ces muscles ont donc un grand rôle dans l'affinement du vol chez les chauves-souris et contribuent

certainement aux performances de haut-vol chez ces animaux.

Aucune donnée cependant ne réfute l'hypothèse que ces structures aient aussi une fonction

sensorielle (Norberg, 1972; Cheney et al., 2014).

c) Muscle dorso-plagiopatagialis

Origine : base de la cuisse.

Insertion : partie postéromédiale du plagiopatagium.

Fonction : Resserre légèrement la partie proximale du plagiopatagium (Norberg, 1972).

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3. Bilan sur les muscles de la membrane alaire

Chez les microchiroptères et les mégachiroptères, le propatagium et le dactylopatagium brevis

sont tendus par le muscle occipito-pollicalis. De plus, le doigt I permet d'abaisser ces parties de la

membrane, entrainant ainsi une cambrure de la partie distale de l'aile (cf. Figure 41).

Le plagiopatagium est tendu par plusieurs faisceaux musculaires : la partie proximale est tendue par

les muscles bicipito-plagioplatagialis et dorso-plagiopatagialis, et la plus grande partie du

plagiopatagium est mise en tension grâce au muscle coraco-cutaneus et aux muscles plagiopatagialis.

Chez les Molossidae, la tension du plagiopatagium est aussi maintenue par les muscles humero-

patagialis et tensor plagiopatagii.

L'uropatagium est tendu par le muscle depressor ossis styliformis et par le muscle uropatagialis chez

les mégachiroptères.

Figure 41 : Schéma représentant la disposition des muscles de la membrane alaire en vue ventrale.

D'après Hill et Smith (1984).

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B - MUSCLES DE LA PHASE ASCENDANTE DE L'AILE

1. Généralités sur la phase ascendante

La phase ascendante est aussi nommée phase de récupération car le mouvement des ailes,

presque passif, ne va pas à l'encontre du flux d'air. Pendant cette phase, l'aile subit un mouvement de

flexion qui ramène les éléments osseux près du corps et un mouvement d'abduction qui soulève l'aile

vers le haut.

Au niveau de l'épaule, l'ascension est contrôlée par une combinaison de muscles incluant le

groupe trapèze, le groupe deltoïde, le groupe suprascapulaire et le muscle latissimus dorsi (cf. Figure

42). Les muscles ancrés aux vertèbres thoraciques et insérés sur la scapula se contractent pour basculer

la scapula en arrière. Dans le même temps, les muscles ancrés à la scapula et insérés sur l'humérus

proximal se contractent pour tirer l'humérus - et le reste de l'aile - vers le haut. Ces muscles sont

globalement plus petits que ceux qui agissent pendant la phase descendante.

L'action commune des muscles du groupe deltoïde, du groupe suprascapulaire et du muscle

teres major permet non seulement de stabiliser l'articulation de l'épaule mais aussi de lui appliquer

des rotations subtiles orientant le bord d'attaque de l'aile. Les articulations humérobrachiale et carpale

ne permettent des mouvements que dans un seul plan donc la rotation de l'humérus entraine une

rotation de toute l'aile et change l'angle d'attaque ce qui a une grande importance dans

l'aérodynamisme des chauves-souris.

Le nombre de muscles nécessaire à la phase ascendante de l'aile est nettement supérieur que chez les

oiseaux chez lesquels un seul muscle possède cette fonction : le muscle supracoracoideus (Hermanson

et Altenbach, 1983; Swartz et al., 1992 ; 2012 ; Maniakas et Youlatos, 2012).

Les muscles de l'épaule actifs lors de la phase de récupération sont situés sur la partie supérieure du

dos. Ainsi, la masse de ces muscles est situé sur le corps et contribue à la stabilité du centre de gravité.

Figure 42 : Schéma des muscles permettant la mobilisation de l'épaule lors la phase ascendante du vol.

D'après Neuweiler (2000).

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Au niveau du bras, les principaux muscles impliqués dans la flexion sont le muscle biceps

brachial et le muscle flexor carpi ulnaris.

L'action du biceps entraîne une activation automatique du muscle flexor carpi ulnaris ayant pour

conséquence la flexion des parties distales de l'aile. En effet, comme l'articulation du coude est fermée

par l'action du muscle biceps, l'origine du muscle fléchisseur ulnaire du carpe (épicondyle médiale de

l'humérus) s'éloigne de son insertion au niveau du poignet (os pisiforme). Cette action provoque une

tension sur le tendon de ce muscle qui tire alors sur le cinquième métacarpe et affaisse partiellement

le dactylopatagium.

Chez certaines chauves-souris comme les Molossidae, le processus épineux de l'humérus distal peut

être grandement allongé ce qui permet d'augmenter la tension sur le muscle flexor carpi ulnaris et

ainsi améliorer la nature automatique de la flexion de l'aile lors de la phase de récupération. Les

chauves-souris avec cette adaptation ont généralement des vols rapides (Hill et Smith, 1984).

D'autres muscles aident à la maniabilité de l'aile pendant la phase ascendante, c'est le cas des

muscles levator scapulae, teres major, et teres minor qui aident à fléchir l'épaule et à stabiliser

l'articulation scapulo-humérale et les muscles supinator, brachioradialis, pronator teres, et brachialis

qui aident à la flexion de l'avant-bras.

Les origines, les insertions et les fonctions de tous les muscles participants à la phase de récupération

sont décrites ci-après.

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2. Description des principaux muscles de la phase ascendante

Dans cette partie, nous décrivons tous les muscles ayant un rôle dans la phase de récupération

afin de mettre en évidence les relations entre les insertions des muscles et leurs fonctions. Nous

décrirons d'abord les muscles ayant des rôles majeurs, puis nous décrirons les muscles avec des rôles

mineurs (cf. Figure 43 et Figure 44).

Figure 43 : Vue dorsale des muscles de l'épaule participant à la phase ascendante chez Eumops perotis.

(A) muscles superficiels. (B) muscles profonds. D'après Vaughan (2012).

Figure 44 : Vue ventrale des muscles de l'épaule participant à la phase ascendante chez Eumops perotis.

D'après Vaughan (2012).

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a) Groupe trapèze

i. Muscle clavotrapezius

Origine : ligne dorsale des dernières vertèbres cervicales et des premières vertèbres thoraciques.

Insertion :

- mégachiroptères : partie distale de la clavicule

- microchiroptères : extrémité distale de la clavicule, processus acromial et épine scapulaire.

Fonction : tire médialement la clavicule et la scapula et incline ventralement le bord vertébral de la

scapula. Le muscle clavotrapezius participe à l'ascension de l'aile en consolidant l'articulation de

l'épaule. Innervation par le nerf axillaire (Norberg, 1972; Hermanson Altenbach, 1983; Vaughan, 2012).

ii. Muscle acromiotrapezius

cf. muscle clavotrapezius : le muscle acromiotrapezius est fusionné avec le muscle clavotrapezius dans

plusieurs espèces de microchiroptères comme Eumops, Myotis, Macrotus et Plecotus auritus. Chez ces

espèces il existe un autre muscle absent chez les mégachiroptères : le muscle spinotrapezius.

Origine : ligne dorsale des dernières vertèbres cervicales et des vertèbres thoraciques.

Insertion : processus acromial de la scapula et épine scapulaire.

Action : tire la scapula postéro-médialement en lui appliquant rotation et fait basculer l'épine

scapulaire médialement. Ce muscle est innervé par le nerf axillaire (Norberg, 1972 ; Vaughan ,2012).

iii. Muscle spinotrapezius

Le muscle spinotrapezius est inexistant chez les mégachiroptères.

Origine : dernières vertèbres thoraciques et premières vertèbres lombaires.

Insertion : bord vertébral de la scapula.

Fonction : tire la scapula caudalement et médialement et incline le bord vertébral ventralement. Il est

innervé par le nerf axillaire (Norberg 1972 ; Hermanson et Altenbach, 1983, 1985 ; Vaughan 2012).

iv. Muscle rhomboideus

Origine : 5 à 7 premières vertèbres thoraciques.

Insertion : bord vertébral de la scapula

Fonction : tire le bord médial de la scapula ventralement et de ce fait, attire médialement le complexe

scapula-clavicule (Norberg, 1972; Hermanson et Altenbach, 1983; Vaughan, 2012).

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b) Groupe deltoïde (excepté le muscle clavodeltoideus)

i. Muscle acromiodeltoideus

Origine : processus acromial de la scapula +/- épine scapulaire.

Insertion : arête pectorale de l'humérus.

Fonction : abduction, rotation et légère flexion de l'humérus. Ce muscle participe à la fin de la phase

ascendante et au début de la phase descendante. Innervation par la branche antérieure du nerf

axillaire (Norberg, 1972 ; Hermanson et Altenbach, 1983, 1985 ; Vaughan, 2012).

ii. Muscle spinodeltoideus

Origine : épine scapulaire +/- bord médial de la scapula.

Insertion : arête pectorale de l'humérus

Fonction : abduction, flexion et supination de l'humérus. Le muscle spinodeltoideus a une importance

dans l'initiation et le contrôle de la phase ascendante. Il est innervé par le nerf axillaire (Norberg, 1972;

Hermanson et Altenbach, 1983, 1985 ; Vaughan, 2012; Maniakas et Youlatos, 2012).

c) Groupe suprascapulaire

i. Muscle supraspinatus

Origine : fosse supra-épineuse, épine scapulaire.

Insertion : grande tubérosité de l'humérus.

Fonction : extension, abduction (élévation) et faible rotation de l'humérus. Le muscle supraspinatus

bloque la grande tubérosité de l'humérus contre la scapula à la fin de la phase ascendante.

Ce muscle est aussi actif au début de la phase descendante par son action élévatrice de l'humérus. De

plus, il initie le déploiement des ailes lors du décollage. Innervation par le nerf suprascapulaire

(Norberg, 1972; Hermanson et Altenbach, 1983, 1985 ; Neuweiler, 2000; Vaughan, 2012).

ii. Muscle infraspinatus

Origine : épine scapulaire et fosse infraspinale.

Insertion : grande tubérosité de l'humérus.

Fonction : supination, flexion et abduction de l'humérus. Le muscle infraspinatus participe à la phase

ascendante avec les muscles deltoideus. Il contrôle en partie la stabilité de la rotation de l'articulation

scapulo-humérale pendant la phase ascendante avec les muscles supraspinatus, subscapularis, et teres

major. Le muscle infraspinatus est innervé par le nerf suprascapulaire (Norberg, 1972; Hermanson et

Altenbach 1983, 1985 ; Vaughan, 2012).

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d) Muscle latissimus dorsi

Origine : ligne dorsale des dernières vertèbres thoraciques et des premières vertèbres lombaires.

Insertion : extrémité distale du bord médial de l'humérus.

Fonction : flexion et rotation (pronation) de l'humérus. Dans les membres antérieurs, toutes les

articulations distales à l'articulation scapulohumérale permettent le mouvement dans un seul plan.

Ainsi, le membre entier est tourné par l'action de ce muscle. Pendant la phase ascendante, l'action

associée du muscle latissimus dorsi avec le muscle teres major permet de stabiliser la rotation de l'aile

en résistant contre l'action du groupe deltoïde et du muscle infraspinatus.

Ce muscle est aussi responsable de pronation humérale, participant ainsi au contrôle de l'orientation

de l'aile pendant la phase descendante.

Pendant la locomotion terrestre, le muscle latissimus dorsi participe à la propulsion des membres

antérieurs par une flexion de l'épaule et une pronation de l'aile (Norberg, 1972; Hermanson et

Altenbach 1983, 1985 ; Vaughan, 2012; Maniakas et Youlatos, 2012).

e) Muscle biceps brachii

i. Chef coracoïde

Origine : partie ventrale du processus coracoïde de la scapula.

Insertion : flexor fossa du radius (tendon commun aux deux chefs pour certaines espèces).

ii. Chef glénoïde

Origine : base latérale du processus coracoïde.

Insertion : flexor fossa du radius.

Fonction : les deux chefs entrainent une flexion de l'avant-bras, une extension de l'humérus, et une

rotation en supination du membre antérieur. Le chef coracoïde permet en plus une adduction de

l'humérus et un maintien de la rigidité de l'aile pendant la phase descendante. Le muscle biceps est

innervé par le nerf musculocutané (Norberg, 1972; Hermanson et Altenbach, 1983, 1985 ; Vaughan

2012; Maniakas et Youlatos, 2012).

f) Muscle flexor carpi ulnaris

Origine : épicondyle médial de l'humérus.

Insertion : os pisiforme s'articulant avec le 5ème métacarpe.

Fonction : flexion de la main (Norberg, 1972; Vaughan, 2012).

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3. Autres muscles de la phase ascendante

Dans le Tableau 4, nous présentons les autres muscles des membres antérieurs ayant un rôle dans la

phase de récupération.

Tableau 4 : muscles mineurs de la phase de récupération

(Norberg, 1972 ; Hermanson et Altenbach, 1983, 1985 ; Vaughan, 2012).

Muscles Origines Insertions Actions

M. levator scapulae

Processus transverses des vertèbres cervicales 3 à 7.

Bord vertébral de la scapula.

Tire le bord antéromédial de la scapula en direction ventrale et crâniale. Agit avec les muscles trapèzes et rhomboïdes pour stabiliser la scapula pendant la phase ascendante.

M. teres major

Facette postérolatérale de la scapula

Crête médiale de l'humérus.

Flexion de l'épaule et rotation médiale de l'humérus. Initie le repliage de l'aile. Innervation par le nerf subscapulaire.

M. teres minor Bord latéral de la scapula.

Surface latérale de la grande tubérosité de l'humérus.

Flexion et rotation de l'humérus. Innervation par le nerf axillaire.

M. supinator Centre de l'épicondyle latéral de l'humérus.

Extrémité proximale de la surface antérolatérale du radius.

Flexion du radius. Soutien de l'articulation huméro-brachiale.

M. brachio-radialis

Surface dorsale de l'extrémité distale de l'humérus.

Face antérieure de l'extrémité proximale du radius.

Flexion de l'avant-bras. Ce muscle est inhabituel chez les microchiroptères.

M. pronator teres Epicondyle médial de l'humérus

Extrémité proximale de la surface médiale du radius.

Flexion de l'avant-bras. Consolide l'articulation du coude.

M. brachialis Surface antérieure de l'humérus.

Flexor fossa du radius.

Flexion de l'avant-bras et rotation du radius. Innervation par le nerf musculocutané.

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C - MUSCLES DE LA PHASE DESCENDANTE DE L'AILE

1. Généralités

Pendant la phase descendante (ou phase de propulsion), les ailes en extension balayent vers

le bas puis vers l'avant. La cambrure des ailes est modulable, ce qui permet aux chauves-souris de

changer leur vitesse et leur direction de vol.

Quatre grands muscles permettent la propulsion par leur action sur l'humérus. Ils sont situés sur la

poitrine et sur la partie supérieure de l'humérus (cf. Figure 45). Ce sont les muscles :

- serratus anterior, qui est le premier muscle à s'activer dans la phase descendante ; sa contraction

coupe l'inertie liée à l'ascension de l'aile dans la phase de récupération et démarre la phase de

propulsion ;

- pectoral, de loin le plus grand muscle des quatre ;

- subscapularis qui permet l'adduction de l'aile et sa pronation au début descendante ;

- clavo detoideus.

Ces quatre muscles équivalent au seul muscle pectoral des oiseaux. Ils agissent directement sur

l'humérus pour l'entrainer vers le bas au cours de la propulsion.

Figure 45 : Schéma des muscles permettant la mobilisation de l'épaule lors la phase descendante du vol.

D'après Neuweiler (2000).

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D'autres muscles participent aussi à l'adduction de l'aile, comme le chef coracoïde du muscle

biceps brachii, le muscle subclavius et le muscle coraco-brachialis.

Pendant la phase de propulsion, l'extension de l'avant-bras est initiée par le muscle triceps. Sa

contraction ouvre l'articulation du coude entrainant à son tour la contraction automatique de deux

muscles tendineux : le muscle extensor carpi radialis longus et le muscle extensor carpi radialis brevis.

Leur action aboutit à l'extension des doigts I, II et III, et étend ainsi le dactylopatagium. Le triceps

entraine donc l'ouverture complète de l'aile pendant la propulsion (Hill et Smith, 1984; Swartz et al.,

1992; Vaughan, 2012).

Le contrôle de l'orientation de l'aile se fait notamment par les muscles bi-fonctionnels

latissimus dorsi et subscapularis, responsables de la pronation humérale lors de la course descendante

ainsi que par le muscle bi-fonctionnel infraspinatus responsable de la supination. Par leur fonction de

rotation de l'aile, ces muscles orientent l'angle d'attaque de l'aile par rapport au flux d'air (Hermanson

et Altenbach 1983, 1985 ; Maniakas et Youlatos 2012).

D'autres muscles interviennent également dans la phase descendante, notamment pour

consolider les articulations et pour renforcer la rigidité des doigts contre les forces des courants d'air.

C'est le cas des muscles abductor pollicis longus, abductor digiti quinti et opponens digiti quinti.

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2. Description des principaux muscles de la phase descendante

Dans cette partie, nous décrivons tous les muscles ayant un rôle dans la phase de propulsion

en mettant en évidence les relations entre les insertions des muscles et leurs fonctions. Nous décrirons

d'abord les muscles avec une fonction majeure dans la propulsion, puis nous décrirons les muscles

avec une fonction mineure (cf. Figure 46 et Figure 47).

Figure 46 : Vue dorsale des muscles de l'épaule participant à la phase descendante chez Eumops perotis.

(A) muscles superficiels. (B) muscles profonds. D'après Vaughan (2012).

Figure 47 : Vue ventrale des muscles de l'épaule participant à la phase descendante chez Eumops perotis.

D'après Vaughan (2012).

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a) Muscle serratus

i. Partie antérieure

Origine : surfaces latérales des premières côtes.

Insertion : bord vertébral de la scapula.

ii. Partie postérieure

Origine : surfaces latérales de pratiquement toutes les côtes.

Insertion : bord latéral de la scapula.

Fonction : initie la phase descendante par son action sur la scapula qui se transmet à l'humérus,

provoquant une adduction du bras. En effet, chez les chauves-souris, le long axe de la scapula est

pratiquement parallèle à la colonne vertébrale, et le muscle serratus s'insère sur le bord latéral (ou

axillaire) de la scapula et tire cette partie de la scapula ventralement. Ainsi, la scapula oscille en

direction latérale le long de son long axe. C'est le mouvement inverse de celui provoqué par la

contraction des muscles du groupe trapèze. Ce rôle est propre aux chiroptères.

Pendant la locomotion terrestre, le corps est maintenu entre les scapula en partie grâce à ces muscles.

Ce muscle est innervé par le nerf long thoracique (Norberg, 1972; Hermanson et Altenbach, 1983, 1985

; Vaughan, 2012 ; Maniakas et Youlatos, 2012).

b) Muscle pectoralis

i. Partie antérieure (claviculaire)

Origine : surface ventrale de la clavicule +/- extrémité du manubrium sternal.

Insertion : arête pectorale de l'humérus.

ii. Partie postérieure (sternale)

Origine : du manubrium au processus xiphoïde de la face ventrale du sternum.

Insertion : partie distale de l'arête pectorale de l'humérus.

Fonction : la phase descendante du vol est alimentée en grande partie par la paire de muscles

pectoraux qui prennent leur origine sur une vaste zone des côtes et au sternum. Les chauves-souris

n'ont pas de quille ventrale proéminente sur leur sternum contrairement aux oiseaux, elles possèdent

seulement de courtes sections osseuses aux extrémités avant et arrière, avec une feuille ligamentaire

médiale étirée longitudinalement entre elles. Les muscles pectoraux de chauve-souris s'attachent de

chaque côté de cette feuille de tissu conjonctif.

Comme chez les oiseaux, le muscle pectoral des chauves-souris applique un mouvement de piqué à

l'aile par une adduction de l'humérus et en tirant le bord d'attaque de l'aile vers le bas. Aussi, il permet

la pronation de l'humérus et de ce fait, contrôle de l'angle d'attaque et stabilise la rotation de l'aile par

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une rotation contraire à celle engendrée par le muscle biceps. Ce muscle est donc très important dans

la phase descendante, lorsque l'aile est emmenée contre les forces du courant d'air. Il est innervé par

le nerf pectoral crânial pour la partie antérieure et par le nerf pectoral caudal pour la partie postérieure

(Norberg, 1972; Hermanson et Altenbach, 1983, 1985 ; Meyers et Hermanson, 1994 ; Pennycuick, 2008;

Vaughan, 2012; Maniakas et Youlatos, 2012).

c) Muscle clavodeltoideus

Origine :

- mégachiroptères : surface ventrale de la clavicule et parfois processus acromial de la scapula

ou manubrium sternal ;

- microchiroptères : partie distale de la surface ventrale de la clavicule.

Insertion : partie proximale de l'arête pectorale de l'humérus.

Fonction : extension et adduction de l'humérus. Lors de la marche terrestre, le muscle clavodeltoideus

permet l'extension de l'humérus au début de la foulée (Norberg, 1972; Hermanson et Altenbach, 1983,

1985 ; Vaughan, 2012).

d) Muscle subscapularis

Origine : surface ventrale de la scapula.

Insertion : petite tubérosité de l'humérus.

Fonction : adduction et extension de l'humérus en association avec les muscles pectoralis et serratus.

Ces actions sont les deux plus importantes de la phase descendante.

Pendant la locomotion terrestre, ce muscle aide à supporter le poids de la partie antérieure du corps

en participant à l'adduction de l'humérus. Innervation par le nerf subscapulaire (Norberg, 1972;

Hermanson et Altenbach, 1983, 1985 ; Vaughan, 2012; Maniakas et Youlatos, 2012).

e) Muscle triceps brachii

i. Chef latéral

Origine : face postérieure de l'humérus distal, entre la grande et la petite tubérosité.

Insertion : tendon parfois commun aux trois chefs, sur l'extrémité proximale de l'olécrâne de l'ulna.

ii. Chef long

Origine : bord latéral de la scapula.

Insertion : tendon parfois commun aux trois chefs, sur l'extrémité proximale de l'olécrâne de l'ulna.

iii. Chef médial

Origine : face postérieure de l'humérus distal.

Insertion : tendon parfois commun aux trois chefs, sur l'extrémité proximale de l'olécrâne de l'ulna.

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Fonction : extension de l'avant-bras : pour permettre une poussée maximale l'aile doit être étendue

rapidement au début de la phase descente et maintenue en extension pendant toute sa durée. Cette

action est en grande partie sous le contrôle du muscle triceps. De plus, les actions antagonistes des

muscles biceps et triceps sont importants dans le maintien de la rigidité de la partie distale de l'aile

pendant la course descendante. Chaque chef est innervé par des branches du nerf radial (Norberg,

1972; Hermanson et Altenbach 1983, 1985; Vaughan, 2012; Maniakas et Youlatos, 2012).

f) Muscle extensor carpi radialis longus

Origine : épicondyle latéral de l'humérus.

Insertion :

- mégachiroptères : base du métacarpe 2 ;

- microchiroptères : base des métacarpes 1 et 2.

Fonction : extension du doigt II et indirectement de la main entière (excepté le doigt I) par

l'intermédiaire d'un ligament entre les doigts II et III qui transfère la tension au doigt III, gardant ainsi

le chiropatagium en extension (Norberg, 1972; Swartz et al., 1992; Vaughan, 2012).

g) Muscle extensor carpi radialis brevis

Origine : épicondyle latéral de l'humérus.

Insertion : métacarpes des doigts 1 à 3 (variable en fonction des espèces).

Fonction : extension des doigts I à III. Comme les doigts II et III sont rattachés aux doigts IV et V par la

membrane, cette action entraine l'extension de tous les doigts et déploie le chiropatagium (Norberg,

1972; Vaughan, 2012).

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3. Autres muscles de la phase descendante

Dans le Tableau 5, nous présentons les muscles ayant un rôle mineur mais néanmoins

indispensable dans la phase de propulsion du vol.

Tableau 5 : Muscles mineurs de la phase de propulsion

(Norberg 1972; Hermanson et Altenbach 1983, 1985; Vaughan 2012; Maniakas et Youlatos 2012).

Muscles Origines Insertions Actions

M. subclavius Bord postérieur de la clavicule.

Surface ventrale de la première côte.

Entraine la clavicule en direction caudale et ventrale. Consolide la clavicule contre les muscles dorsaux. Innervation par le nerf subclavius.

M. coraco-brachiaIis

Processus coracoïde de la scapula.

Surface postéroventrale de la diaphyse proximale de l'humérus ou surface médiale de l'humérus (selon les espèces)

Faible adducteur et extenseur (ou fléchisseur chez Roussetus) de l'humérus. Innervation par le nerf musculocutané. Ce muscle n'existe pas chez les Molossidae.

M. abductor pollicis Iongus

Surface postérieure du radius.

Face médiale de l'os scaphoïde. [Insertion et fonction unique chez les chauves-souris. Dans les autres espèces, il s'insère sur le pouce et en permet l'abduction]

Tire le scaphoïde médialement et indirectement (via le ligament entre l'os scaphoïde et l'os pisiforme) renforce la 5ème articulation carpométacarpale contre la force des courants d'air au cours de la descente.

M. abductor digiti quinti

Os scaphoïde et os pisiforme.

Mégachiroptères : base de la phalange 2 du doigt V. Microchiroptères : surface médiale de la 5ème articulation métacarpo-phalangienne.

Mégachiroptères : tire le doigt V ventralement, le renforçant ainsi contre la force des courants d'air pendant la descente. Flexion du doigt V. Microchiroptères : consolide la 5ème articulation carpo-métacarpale et aide à maintenir la cambrure du 5ème métacarpe. Flexion du 5ème doigt.

M. opponens digiti quinti

Os pisiforme. 5ème articulation métacarpo-phalangienne.

Tire le doigt V ventralement, le renforçant ainsi contre la force des courants d'air pendant la descente, et participe au maintien de la cambrure du doigt V.

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D - MUSCLES RESPONSABLES DE L'AGILITE ET DE LA MANOEUVRABILITE EN VOL

Dans cette partie sont développés les autres muscles du membre antérieur participant au vol

chez les chauves-souris (cf. Tableau 6). Ils permettent de changer la cambrure et la direction de l'aile

dans chaque phase du vol permettant d'améliorer leur dextérité en vol. Certaines chauves-souris sont

ainsi capables de faire des vols stationnaires - de la même manière que les colibris - ou de faire de la

"haute voltige" comme voler sur le dos ou à travers des feuillages denses. A l'inverse, le mode de vie

d'autres chiroptères (e.g. certains Pteropodidae) demande un vol lent et endurant, et donc une

musculature adaptée. En plus des mouvements des ailes, la forme et la taille de la membrane influent

aussi beaucoup sur les performances en vol des chauves-souris.

Pour des raisons d'économie d'énergie et d'aérodynamisme, il est avantageux que la pointe

des ailes ait un poids minimum et donc que les composants les plus lourds soient positionnés le plus

près possible du corps. Ainsi, les muscles responsables de l'extension et la flexion des parties distales

des ailes s'insèrent principalement via de longs tendons.

Tableau 6 : Muscles de la manœuvrabilité et de l'agilité en vol (Norberg 1972; Swartz et al. 1992; Vaughan 2012).

Muscles Origines Insertions Actions

M. extensor pollicis brevis

Surface latérale de la partie proximale de l'ulna.

Mégachiroptères : surface latérale de la première articulation métacarpophalangienne, base de la phalange 2 du doigt II, et base du 3ème métacarpe. Microchiroptères : première articulation métacarpophalangienne et extrémité distale de la phalange 2 du doigt I.

Mégachiroptères : extension des doigts I, II et III. Microchiroptères : extension du doigt I.

M. extensor digitorum communis

Epicondyle latérale de l'humérus.

Faces latérales des phalanges 2 des doigts III, IV et V.

Extension des doigts III à V : déploiement de la partie distale de l'aile.

M. extensor indicis

Extrémité proximale de l'ulna.

Surface dorsale du métacarpe 1, deuxième articulation métacarpo-phalangienne, et base de la phalange 2 du doigt II.

Extension du premier métacarpe et du doigt II.

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Muscles Origines Insertions Actions

M. pectoralis abdominalis

Aponévrose abdominale jusqu'au niveau de la dixième côte.

Face ventrale de la crête pectorale.

Flexion de l'humérus. Propulsion lors de la locomotion terrestre. Innervation par le nerf thoracique antérieur.

M. palmaris longus

Epicondyle médial de l'humérus.

Première et deuxième articulations métacarpophalangiennes, deuxième métacarpe et base de la phalange 2 du doigt II ; métacarpe 3 chez certaines espèces.

Flexion du doigt I, II et III, en donnant une forte courbure antéro-postérieure.

M. flexor carpi radialis

Mégachiroptères : épicondyle médial de l'humérus, partie proximale médiale du radius et surface du muscle pronator teres. Microchiroptères : partie distale du muscle pronator teres.

Base des métacarpes 1, 2 ou 3 en fonction des espèces.

Contribue à donner la cambrure latérale de l'aile en tirant la main ventralement.

M. flexor digitorum profundus

Epicondyle médial de l'humérus ou extrémité proximale du radius en fonction des espèces.

Phalanges 2 des doigts I, II et/ou III selon les espèces.

Flexion des doigts I, II et III et indirectement de la main entière.

M. abductor pollicis brevis

Carpe (os trapezium ou os lunaire en fonction des espèces).

Surface médiale de la première articulation métacarpophalangienne.

Abduction et flexion du doigt 1.

M. flexor pollicis brevis

Base du métacarpe 1, et ligament entre le métacarpe 1 et l'os lunaire.

Partie distale du métacarpe 1, et base de la phalange 1 ou 2 du doigt I.

Flexion du doigt I.

M. adductor pollicis

Os pisiforme ou extrémité proximale du métacarpe 2 selon les espèces.

Phalange 1 et 2 du doigt I.

Adduction et rotation du pouce.

M. extensor digiti quinti

proprius

Base latérale de l'ulna ou épicondyle latéral de l'humérus en fonction des espèces.

Phalange 2 du doigt V. Extension du doigt V. Ce muscle n'est présent que dans quelques espèces.

M. interosseux Entre les os des doigts de la main Maintien des articulations

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E - BILAN : CYCLE DE BATTEMENT DES AILES

Tableau 7 : Mouvements des ailes au cours d'un cycle et muscles associés. (Norberg 1972, 1998; Hermanson, Altenbach 1983, 1985; Vaughan 2012; Maniakas, Youlatos 2012)

COURSE DESCENDANTE : les ailes balayent vers le bas puis vers l'avant en extension.

DEBUT

Elévation de l'humérus M. supraépineux, M clavodeltoideus, et

M. acromiodeltoideus

Extension de l'avant-bras M. triceps brachii

Extension de la main M. extensor carpi radialis longus et brevis

M. extensor indicis

MILIEU Ailes en pronation : maintien d'un

angle d'attaque favorable

Division postérieure du M. pectoralis

M. pectoralis abdominalis, M. latissimus dorsi

FIN

Abaissement des ailes : flexion du

coude et adduction de l'humérus

M. pectoral, M. clavodeltoideus, M. serratus,

M. subscapularis, M. coracobrachialis

chef coracoïde du M. biceps brachial

Cambrure de l'aile par abaissement

des parties antérieure et

postérieure

M. occipito-pollicalis (tend le propatagium et le

dactylopatagium brevis)

M. longus palmaris (abaisse les doigts I, II et V)

Cambrure antéro-postérieure de la

main

M. extensor indicis, M. extensor pollicis brevis et

M. extenseur digitorum communis

Gestion de la cambrure latérale M. fléchisseur radial du carpe

Maintien des articulations carpo-

métacarpiennes (notamment celles

des doigts IV et V qui sont

soumises à des forces importantes)

Muscles interosseux

Extension du doigt V M. interosseux, M. abductor digiti quinti

M. opponens du quinti digiti

COURSE ASCENDANTE : les ailes sont entrainées vers le haut en flexion

DEBUT Flexion de l'avant-bras

M. biceps, M. brachialis, M. supinator,

M. pronator teres, M. brachio-radialis

Flexion de la main M. flexor carpi ulnaris

MILIEU

Flexion importante des phalanges

des doigts III, IV, V

M. flexor digitorum profondus et/ou par la force

du flux d'air quand M. extenseur indicis et

M. extensor digitorum communis sont détendus

Elévation des ailes en tension vers

l'arrière

M. acromiodeltoideus, M. spinodeltoideus, M.

latissimus dorsi, M. trapezius, M. rhomboideus,

M triceps, M. infra-épineux, M. supra-épineux

FIN Les ailes sont élevées avec une grande amplitude et sont progressivement étendues à

nouveau pour préparer la phase descendante suivante.

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F - DECOLLAGE, ATTERISSAGE

1. Déploiement automatique des ailes lors du décollage

Lorsque la chauve-souris est au repos, les ailes sont repliées comme un accordéon. Les doigts

II à V sont parallèles les uns aux autres et sont regroupés près du corps.

Quand elle prend son envol, une extension rapide des segments osseux se produit, aboutissant

à une extension complète de l'aile. Cette extension de l'aile principalement accomplie grâce à la

contraction du muscle supraspinatus (cf. Figure 48). La contraction de ce muscle initie une réaction en

chaîne qui se propage automatiquement le long de l'aile. L'action du muscle supraspinatus entraine un

raccourcissement de la distance entre l'origine du triceps sur la scapula et son insertion sur le radius.

Ce raccourcissement entraîne une extension automatique du coude.

L'extension des doigts se fait par un mécanisme similaire. Lorsque la partie supérieure du bras et le

coude sont étendus, la distance entre l'origine et l'insertion des muscles extensor carpi radialis longus

et brevis augmente, provoquant leur contraction et donc l'extension des doigts I à III. Comme les doigts

IV et V sont reliés au doigt III par le patagium, ils sont étendus passivement. Ainsi, l'extension passive

au coude provoque le déploiement de l'ensemble du chiropatagium.

Figure 48 : schéma des muscles permettant le déploiement automatique de l'aile. D'après Neuweiler (2000).

2. Pliage automatique des ailes lors du perchage

Le pliage des ailes est lui aussi accompli grâce à un mécanisme automatique, initié cette fois

par le muscle teres major (cf. Figure 49). Le muscle biceps, responsable de la flexion du coude, est

attaché à la scapula et le muscle flexor carpi ulnaris, fléchisseur des doigts, est attaché à l'humérus

distal. Ainsi, lorsque le bras est ramené vers le corps par la contraction du muscle teres major, une

tension passive du biceps et du muscle flexor carpi ulnaris est créée, entraînant une flexion complète

du bras et de la vers l'intérieur (Norberg, 1972; Neuweiler, 2000).

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Figure 49 : Schéma des muscles permettant le pliage de l'aile. D'après Neuweiler (2000).

Ce mécanisme de déploiement/pliage automatique de l'aile permet une économie d'énergie pour les

animaux et une réactivité importante lors du perchage et du décollage.

Conclusion

Malgré la simplification volontaire dans les descriptions anatomiques de ce travail, la

complexité de la myologie des chauves-souris ne fait aucun doute. En effet, la description peut être

poussée encore plus loin, car chaque espèce de chauves-souris possède des muscles équivalents mais

avec des insertions, des tailles voire même des fonctions différentes. Ces disparités marquées

s'expliquent par des modes de vie variés (habitudes de vol, habitudes alimentaires…) qui influent sur

les muscles en plus d'influer sur la forme de la membrane des ailes.

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III - MEMBRES POSTERIEURS

En parallèle de l'essor du vol, les chiroptères ont développé une position de repos inhabituelle,

suspendue la tête en bas. En plus d'un rôle majeur lors du perchage, les membres postérieurs des

chauves-souris sont un élément primordial dans la structure des ailes en servant de support pour la

membrane alaire. Les membres pelviens ont subi de nombreuses modifications lors du développement

du vol bien que les muscles, similaires à ceux des autres mammifères, soient peu développés.

A - MODIFICATIONS OSSEUSES

1. Particularités de l'os coxal

L'os coxal a subi plusieurs adaptations le rendant particulièrement bien adapté pour le vol.

Chez les microchiroptères, l'ilium et le sacrum sont fusionnés jusqu'au niveau de l'acétabulum, et chez

les mégachiroptères ces deux os sont complètement fusionnés. Il n'y a donc pas de mobilité sacro-

illiaque.

A la différence des autres mammifères chez lesquelles l'ouverture de l'acétabulum est ventro-caudale,

l'acétabulum des chiroptères s'ouvre vers le haut et vers l'arrière. Cette configuration est idéale pour

le perchage mais ne permet pas aux membres postérieurs d'être placés perpendiculairement sous

corps. Ainsi, les membres postérieurs d'une chauve-souris sont situés transversalement au corps,

comme ceux des reptiles, lorsqu'elle rampe sur le sol (Neuweiler, 2000).

2. Particularités du fémur et du tibia

Le fémur est attaché à la hanche d'une manière qui est inversée par rapport à celle observée

chez les autres mammifères. En effet, les membres postérieurs des chauves-souris ont subi une

rotation de 180° de sorte que les genoux et les pieds pointent vers l'arrière quand les chauves-souris

sont perchées. Aussi, quand une chauve-souris rampe sur le sol, son corps ne repose pas directement

sur ses membres pelviens mais il est suspendu entre les ailes et les membres postérieurs, eux-mêmes

soutenus par les poignets et les chevilles en contact avec le sol.

Cette rotation permet aussi le contrôle coordonné de l'uropatagium et du reste de la membrane alaire.

De plus, l'articulation de la hanche (i.e. entre l'acétabulum et la tête du fémur) offre une vaste

gamme de mouvement aux membres postérieurs. Certaines espèces peuvent tourner leur corps sur

près de 360° autour de leurs membres pelviens. Cette capacité permet par exemple aux rhinolophes

perchés de tourner d'avant en arrière en envoyant des signaux d'écholocation dans tous les sens,

favorisant la capture d'insectes.

Le fémur et le tibia des chauves-souris sont minces, et proportionnellement plus grands que

ceux d'un autre mammifère de taille et de poids similaires. Contrairement aux autres mammifères, les

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chauves-souris ont une fibula vestigiale et un tibia bien développé s'articulant avec l'os talus du tarse

(Hill et Smith, 1984; Lollar et Schmidt-French, 1998; Neuweiler, 2000).

Grâce à ces modifications, il est beaucoup plus facile pour la chauve-souris de décoller à partir

d'une position suspendue qu'à partir du sol. Aussi, les membres postérieurs sont différents de ceux

des autres mammifères car ils sont adaptés pour tirer plutôt que de pousser.

3. Particularités du tarse

Les chauves-souris possèdent une structure particulière au niveau de leurs tarses, les calcars.

Ces os uniques dans le règne animal se projettent au niveau des os calcanéus pour soutenir

l'uropatagium et peuvent être utilisés pour en faire varier la cambrure pendant le vol (cf. Figure 50).

Figure 50 : Schéma des os du tarse chez les chauves-souris. D'après Lollar et Schmidt-French (1998).

En raison de la diversité de forme de l'uropatagium et de la diversité de la structure des calcars

(présence/absence, caréné/non caréné, long/court etc.), ces éléments sont souvent utilisés dans

l'identification des espèces ou groupes d'espèces de chauves-souris (Hill et Smith, 1984; Simmons,

2008).

B - ACCROCHAGE AUTOMATIQUE PENDANT LES PHASES DE REPOS

Les cinq doigts des membres postérieurs sont pourvus de fortes griffes et d'un système de

blocage automatique permettant aux chauves-souris d'être suspendue sans effort pendant leurs

phases de repos, de sommeil ou d'hibernation sans tomber de leur perchoir (cf. Figure 51).

Pratiquement tous les chiroptères possèdent ce système de suspension, exception faite des

Phyllostomidae et de quelques autres espèces pour lesquelles la facilité d'accroche est permise par

des ventouses qui se sont développées aux extrémités des membres.

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Figure 51 : Mécanisme d'accrochage de griffes postérieures des chauves-souris. D'après Hill et Smith (1984).

Le poids de la chauve-souris tire sur le tendon fléchisseur du muscle plantaris longus et bloque

la griffe et la troisième phalange en position fléchie sans contraction musculaire.

Le maintien du tendon dans cette position se fait grâce à une gaine constituée de 19 à 50 anneaux

cartilagineux fixés à la phalange. Le tendon, rugueux, est en contact avec la surface interne striée de

la gaine et la bande élastique ventrale tire la gaine proximalement ce qui rétrécit son diamètre

intérieur. Ces particularités anatomiques permettent de limiter les mouvements du tendon.

Grâce à ce mécanisme à crans, les griffes continuent de s'agripper à la surface sur laquelle la chauve-

souris est perchée tant que le poids du corps tire sur le tendon. Lorsque la chauve-souris décolle la

tension sur le tendon est libérée et la griffe libère son emprise.

Un mécanisme de verrouillage similaire a été décrit pour les griffes des pouces des Roussettes

(Neuweiler, 2000).

Conclusion

Le vol est si essentiel à l'évolution des chauves-souris que même les membres postérieurs sont

adaptés à ce mode de locomotion. Ils présentent ainsi un uropatagium parfois supporté par des calcars,

des hanches et genoux tournés à 180° de manière à faciliter le vol et la possibilité d'utiliser les membres

pelviens comme des organes suspensifs.

En dépit de ces modifications, les membres postérieurs restent assez efficace lors de la

locomotion quadrupède et certaines espèces comme les vampires, étonnamment agiles sur le sol,

peuvent même sauter (Pennycuick, 2008; Vandoros et Dumont, 2004).

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Que faire en cas de lésions des membres postérieurs ? Les chauves-souris blessées au niveau des os longs des membres pelviens ont une perte totale ou partielle des mouvements de ces membres : ils paraissent flasques ou raides et trainent derrière le corps de la chauve-souris lorsqu'elle essaye de ramper. Il est possible d'obtenir une guérison correcte en hospitalisant l'animal, mais si la cicatrisation n'est pas parfaite, la remise en liberté est impossible :

- incapacité de se tenir perchée dans la position classique ; - lésion du membre non lésé qui doit compenser en supportant tout le poids de l'animal ; - toilettage correct impossible.

Si la chauve-souris est blessée au niveau de la cheville, sa survie est compromise pour les mêmes raisons. En revanche, si seul un ou deux doigts sont blessés, la chauve-souris survivra très bien. Soins :

- Cageothérapie dans un logement approprié (cf. encadré hospitalisation p.93) - Nourrissage - Toilettage si la chauve-souris n'est pas capable de le faire elle-même - Couper les griffes de la patte blessée pour éviter des blessures supplémentaires.

Image 1 : Nourrissage d'une chauve-souris hospitalisée.

Une chauve-souris est très rarement agressive : elle mord par gourmandise (si on lui présente le doigt comme on le fait avec les vers de farine par exemple…), parce qu'on lui fait mal ou parce qu'elle a la rage.

(Lollar et Schmidt-French, 1998, Communications personnelles avec Mr Laurent ARTHUR)

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IV – MEMBRANE ALAIRE

La membrane alaire des chiroptères est une structure unique parmi les mammifères.

Fondamentalement conçue pour le vol, elle a aussi de nombreuses autres fonctions telles que la

thermorégulation, la manipulation des aliments et la capture des insectes.

Le vol battu nécessite des ailes permettant une portance beaucoup plus importante que celle

nécessaire pour le vol plané et qui sont capables de résister à la flexion et à la torsion. Nous allons

montrer pourquoi, en réunissant toutes ces caractéristiques grâce à sa forme, sa structure interne et

ses fonctions physiologiques majeures, la membrane alaire des chauves-souris est exceptionnelle.

A - NOMENCLATURE

La membrane alaire ou patagium est tendue entre les os du bras, les doigts, le corps et les

membres postérieurs. Elle se compose de plusieurs petites surfaces (cf. Figure 52) :

- le propatagium qui s'attache sur l'épaule et s'étend le long du bras jusqu'au pouce. Il permet

de contrôler l'incurvation de l'aile pendant le vol grâce au muscle occipito-pollicalis ;

- le chiropatagium est la partie de la membrane qui se situe entre le doigt V et l'extrémité de

l'aile ;

- le dactylopatagium brevis est une petite section du chiropatagium située entre le pouce et le

doigt II. Le propatagium et le dactylopatagium brevis forment le bord d'attaque de l'aile ;

- le dactylopatagium minus s'étend entre le doigt II et le doigt III ;

- le plagiopatagium est la plus grande partie de l'aile. Il se fixe sur les bras et le long du corps en

s'étendant des membres postérieurs jusqu'au cinquième doigt ;

- l'uropatagium s'attache aux talons directement ou via les calcars et englobe une partie ou la

totalité de la queue. Il aide à la capture des proies et à la stabilisation de la chauve-souris

pendant le vol (Hill et Smith, 1984; Lollar et Schmidt-French, 1998; Neuweiler, 2000).

Les ailes de chauves-souris possèdent une grande variété de tailles et de formes. La taille des

ailes est corrélée avec la taille du corps contrairement à leur forme. Les chauves-souris avec des ailes

courtes sont généralement lentes mais ont une plus grande habilité en vol et celles avec des longues

ailes sont généralement rapides mais moins agiles en milieu dense (Hill et Smith, 1984; Stockwell,

2001).

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Figure 52 : Nomenclature de la membrane alaire. D'après Pennycuick (2008).

B - SQUELETTE INTERNE

D'apparence fragile, le patagium est en fait à la fois souple et résistant. Il est composé de deux

feuillets de peau renfermant des fibres élastiques, des petits faisceaux musculaires assurant sa tension,

des nerfs sensitifs et moteurs et d'un réseau dense de vaisseaux sanguins (cf. Figure 53) (Lollar et

Schmidt-French, 1998; Adams, 2008; Swartz et al., 2012).

Figure 53 : Faisceaux de fibres (flèches noires) et réseau neuro-vasculaire (flèches blanches) du

plagiopatagium vus au microscope électronique à balayage. D'après Holdbrook et Odland (1978).

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La peau de la membrane de l'aile est similaire à celle de la plupart des autres mammifères, sauf

que l'épiderme et le derme sont très minces et que le derme est fortement enrichi en fibres élastiques.

En effet, le tissu conjonctif de l'aile est composé de fibres de collagène et d'élastine organisées en un

maillage orthogonal régulier de 130 à 300 µm de diamètre s'étendant sur toute la surface alaire (cf.

Figure 54A). Les fibres de collagène et d'élastine sont groupées en faisceau de façon à former un noyau

composé principalement d'élastine entouré par une gaine de fibres de collagène (cf. Figure 54B)

(Holbrook et Odland, 1978; Swartz et al., 1996).

Figure 54 : (A) Schéma de la disposition des faisceaux de fibres dans une aile de chauve-souris. Les muscles plagiopatagialis sont également illustrés. (B) Représentation schématique d'une coupe transversale d'un faisceau composé de fibres d'élastine (blanches) et de fibres de collagène (noires). D'après Swartz et al. (1996).

La membrane renferme aussi un réseau interne de fibres musculaires bien organisé en plus

des muscles intrinsèques à la membrane (cf. partie myologie p.94).

La haute concentration en fibres élastiques et en faisceaux musculaires facilite la contraction passive

lorsque l'aile est pliée en plus de fournir une grande flexibilité et une résistance à la traction, propriétés

mécaniques primordiales pour le vol (Hill et Smith, 1984).

L'extensibilité de la membrane est maximale dans le sens de l'envergure. En revanche, elle est

beaucoup plus rigide dans le sens antéro-postérieur. On constate également qu'il existe une variabilité

de résistance importante entre les différentes régions de l'aile. Ainsi, l'uropatagium est plus résistant

que le propatagium lui-même plus résistant et moins extensible que le plagiopatagium. Ces variations

influent fortement sur la forme tridimensionnelle de l'aile. Les régions les moins résistantes seront

significativement plus gonflées que les autres pour une pression équivalente (Swartz et al., 1996;

Swartz et al., 2006; Pennycuick, 2008; Swartz et al., 2012).

La membrane alaire renferme aussi un important réseau vasculaire présentant des caractéristiques

uniques (cf. infra).

Grâce à la structure particulière de leur membrane, les chauves-souris peuvent modifier la

cambrure de leurs ailes, optimisant ainsi leur forme en fonction des conditions de vol. Cette cambrure

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variable associée à des articulations très mobiles permet aux chiroptères de voler avec une agilité et

une maniabilité qui n'est pas possible chez les oiseaux (Neuweiler, 2000).

C - VASCULARISATION

Comme nous l'avons vu précédemment, la membrane de l'aile est parcourue par un important

réseau vasculaire permettant de la nourrir et favoriser une cicatrisation à une vitesse étonnante en cas

de blessure (cf. encadré p.132). En plus d'une forte densité capillaire, la vascularisation de la

membrane possède des caractéristiques uniques ayant évoluées de manière à faciliter le vol.

1. Vascularisation générale de l'aile

La membrane alaire formant une grande surface, elle possède une vascularisation complexe

permettant de bien irriguer toutes les parties de l'aile. L'artère sous-clavière diverge au niveau de

l'épaule en plusieurs branches, dont trois sont les artères les plus importantes pour le vol :

- les branches de l'artère ulnaire irriguent la partie avant du plagiopatagium.

- les branches de l'artère radiale et les collatérales de l'artère ulnaire irriguent le bras et le

propatagium,

- l'artère médiane passe le long du bras jusqu'au poignet où elle se ramifie pour former les

artères des doigts, qui à leur tour, irriguent la totalité du chiropatagium.

La veine principale de l'aile est la veine céphalique qui longe le bord crânial du propatagium (Neuweiler,

2000).

2. Présence d'anastomoses dans le réseau capillaire

Les chauves-souris sont capables de réguler le volume de sang circulant dans le réseau

capillaire de leurs ailes grâce à des shunts spécifiques (i.e. des anastomoses entre les artères et les

veines), particulièrement nombreux sur le chiropatagium et sur les bords de la membrane (cf. Figure

55).

Du côté artériel, les anastomoses peuvent être fermées par l'action de sphincters musculaires

contrôlant l'écoulement sanguin. Ils permettent de maintenir un gradient de pression sanguine

constant et optimal dans l'ensemble de l'aile tout en rendant possible la variation de débit sanguin

localement. En effet, lorsque les sphincters sont fermés, tout le sang artériel circule à travers le réseau

capillaire, la circulation dans la membrane est alors maximale. Lorsque les sphincters sont ouverts, une

grande partie du sang de la membrane est shuntée directement vers les veines et ne passe donc pas à

travers le réseau capillaire. Ainsi, en fonction des circonstances, la circulation peut être très réduite

voire bloquée dans certains segments de l'aile.

Le rôle de ces anastomoses est encore mal connu. Certaines hypothèses évoquent le fait que

les anastomoses s'ouvrent pendant le vol car lorsque la fréquence cardiaque est élevée, une quantité

de sang plus grande que nécessaire est envoyé dans la membrane. A l'inverse, les anastomoses se

ferment au repos pour que le sang circule dans le réseau capillaire très ramifié.

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Au contraire, d'autres hypothèses sont en faveur d'une ouverture des shunts capillaires pendant le vol,

de manière à favoriser la dissipation de la chaleur générée par les actions musculaires. Les shunts

seraient fermés pour conserver la chaleur lorsque la chauve-souris est au repos.

Un consensus existe cependant dans le fait que la régulation de la circulation sanguine par les

anastomoses joue un rôle dans la thermorégulation (Hill et Smith, 1984; Lollar et Schmidt-French, 1998;

Neuweiler, 2000).

Figure 55 : Illustration schématique du réseau capillaire et d'une anastomose du bord arrière du patagium.

D'après Neuweiler (2000).

3. Contraction rythmique des vaisseaux

La longue distance par rapport au cœur et la force centrifuge créée par le battement des ailes

a conduit une autre adaptation particulière dans les ailes de chauves-souris. En effet, les fibres

musculaires lisses des parois des vaisseaux sanguins se contractent avec une action péristaltique et

rythmique en plus de se contracter de manière tonique comme chez d'autres mammifères. Ces

contractions ont lieu plus fréquemment et plus puissamment dans les veines de l'aile que dans les

artères.

Cette régulation de la pression par la contraction et la dilatation des parois vasculaires est un

mécanisme majeur pour le contrôle de la circulation sanguine membranaire. Il permet de maintenir

une pression artérielle constante en régulant la résistance vasculaire (Hogan et Kallen, 1978 ;

Neuweiler, 2000).

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D - FONCTIONS PHYSIOLOGIQUES DE LA MEMBRANE ALAIRE

En plus d'augmenter la portance de l'animal et de permettre le vol par ses propriétés

mécaniques, la membrane alaire possède des rôles importants dans le contrôle du vol et dans la

physiologie de l'animal.

1. Commande sensorielle du vol

Les surfaces dorsale et ventrale de la membrane alaires des chauves-souris sont recouvertes

de poils microscopiques avec une base en forme de dôme (cf. Figure 56).

Figure 56 : Poils sensitif de la membrane alaire chez Antrozous pallidus. D'après Swartz et al. (2012).

Il en existe deux types. Les premiers sont longs (jusqu'à plusieurs millimètres) et relativement

épais (6 à 18 µm). Ils sont situés au niveau des avant-bras, des membres postérieurs, et sur

l'uropatagium. Les poils du second type sont retrouvés sur les autres parties de la membrane et

organisés en rangées avec une densité d'environ 1 poil/mm². Invisibles à l'œil nu, ils sont très courts

(100-600 µm) et extrêmement fins avec un diamètre de seulement 200 à 900 nm.

Sterbing-D’Angelo et al. ont montré en 2011 que ces poils sont associés à des récepteurs tactiles

impliqués dans la commande sensorielle du vol. Ils forment un réseau de capteurs de surveillance de

la vitesse de vol et/ou de la direction de l'air circulant sur les ailes, alertant l'animal sur le danger de

décrochage et lui permettant d'effectuer d'impressionnantes manœuvre de voltige.

En effet, sans leurs poils tactiles, les chauves-souris augmentent leur vitesse et font des virages plus

larges. Ces observations suggèrent le manque d'information est interprété comme une vitesse faible,

les incitant à accélérer.

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Ces poils sont une évolution propre aux chauves-souris et permettent d'apporter des

indications quant à leur grande capacité de précision en vol dans l'obscurité et dans la capture des

proies (Sterbing-D’Angelo et al., 2011 ; Turner, 2011).

2. Echanges gazeux

L'aile représente environ 85% de la superficie totale du corps des chauves-souris et possède

un réseau capillaire dense qui amène les nutriments et l'oxygène nécessaire aux muscles de la

membrane. Pendant le vol, une grande quantité de dioxyde de carbone (CO2) est générée par la grande

activité métabolique de ces muscles. Normalement la surproduction de CO2 est échangée dans les

poumons via la respiration. C'est aussi le cas chez les chauves-souris. Cependant, ces animaux

possèdent aussi la capacité d'éliminer via leur membrane 0,4% de leur production de CO2 lorsqu'ils

sont au repos et jusqu'à 11,5% pendant le vol (Hill et Smith, 1984).

De par sa structure, l'aile a ses deux faces exposées à l'air pendant le vol ce qui augmente

considérablement la surface disponible pour la diffusion de gaz.

L'échange de CO2 entre le sang et le milieu extérieur se fait à travers les couches cutanées. Or la peau

de la membrane a une épaisseur réduite permettant une diminution de la masse de l'aile et donc de

l'énergie nécessaire à ses mouvements mais cette faible épaisseur réduit aussi considérablement la

distance de diffusion des gaz. Cette diffusion cutanée est aussi facilitée par l'absence de pelage sur la

membrane.

La diffusion cutanée de gaz est un avantage pour les chiroptères car elle se produit sans dépense

d'énergie, à la différence de la ventilation pulmonaire où les muscles respiratoires sont impliqués

(Makanya et Mortola, 2007; Swartz et al., 2012).

3. Thermorégulation

Au cours du vol d'énormes quantités de chaleur sont générées par l'activité métabolique des

muscles. La dissipation de la chaleur en excès est essentielle afin que la température corporelle ne

dépasse pas le seuil physiologique de tolérance. Chez les animaux, la chaleur peut être éliminée par

des voies internes telles que l'évaporation dans les voies respiratoires ou dans les sacs aériens des

oiseaux, et externes via les glandes sudoripares de nombreux mammifères et la peau des chiroptères.

En effet, les chauves-souris éliminent la majorité de leur excès de chaleur par l'intermédiaire de leur

membrane. Cette capacité est particulièrement importante car la membrane est un excellent

échangeur de chaleur et son contrôle de la perte de chaleur influe directement sur la température

corporelle de la chauve-souris.

La dissipation de la chaleur par la membrane est permise par l'immense surface de l'aile, l'absence de

pelage et son réseau dense de capillaires qui permet la perte de chaleur par convection à condition

que la température de l'air soit inférieure à celle du sang de la chauve-souris.

Ces caractéristiques prédisposent aussi les chauves-souris à la perte d'eau par évaporation, c'est

pourquoi l'abreuvement des chauves-souris est essentielle notamment lors d'hospitalisation (cf.

encadré p93) (Kluger et Heath, 1970; Hill et Smith, 1984; Zubaid et. al., 2006; Cryan et al., 2010).

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Conclusion

Il existe de nombreuses caractéristiques de la membrane alaire qui font d'elle un organe du

vol à part entière. La réduction de l'épaisseur de la peau est suffisamment grande pour engendrer un

gain de poids important mais aussi pour diminuer significativement la distance de diffusion entre l'air

et les capillaires, permettant ainsi d'importants échanges gazeux et une perte de chaleur primordiale.

La forte densité capillaire associée aux anastomoses et aux propriétés contractiles des veines et des

artères permet d'approvisionner la totalité de la membrane et des muscles du vol.

De plus, les terminaisons nerveuses sont particulièrement abondantes et diversifiées dans la

membrane, et des poils sensoriels spécialisés fournissent le détail de l'écoulement de l'air sur l'aile

(Neuweiler, 2000; Swartz et al., 2012).

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Que faire en cas de lésions du patagium ?

Bien vérifier l'intégrité de toutes les membranes : - Plagiopatagium - Propatagium : les entailles au niveau de cette membrane risque de toucher des muscles spéciaux contrôlant la courbure de l'aile pendant le vol (e.g. le muscle occipito-pollicatis) et changer significativement les capacités aérodynamiques de la chauve-souris. - Uropatagium : les chauves-souris sont capables de voler même s'il est lésé mais elles seront gênées pour la capture de leurs proies.

L'aile possédant un grand réseau de vaisseaux sanguins, l'évaluation de l'état de la membrane n'est pas définitive dans les 24 à 48 premières heures. En effet, une nécrose tissulaire peut se produire

jusqu'à 10 jours après l'accident ne pas se fier aux lésions visibles le jour du sauvetage.

Le patagium se régénère uniquement de mars à juin. Si la chauve-souris n'a pas cicatrisé dans cette période, elle ne cicatrisera probablement jamais.

Soins généraux :

Le patagium possède un très fort pouvoir régénérant et des accrocs de plusieurs centimètres peuvent cicatriser parfaitement. Cependant, la cicatrisation prend du temps et les chauves-souris avec les ailes trouées ne peuvent pas survivre sans soin car leur vol et/ou leur capacité à capturer les insectes sont très altérés avant que la membrane ne soit complètement guérie. Il faut donc les hospitaliser le temps de la cicatrisation.

Déchirure du patagium. Photo : Laurent ARTHUR, MNHN de Bourges.

Soins spécifiques = NE RIEN FAIRE (ou presque)

Il ne faut surtout pas suturer les plaies du patagium car l'on risque de créer des lésions supplémentaires des tissus, notamment dans les fibres musculaires du patagium.

Petites entailles < 10% de la superficie de l'aile : Ces blessures guérissent seules dans la plupart des cas. La cicatrisation est très rapide : il faut généralement 3 semaines pour que la déchirure soit complètement comblée.

Grandes entailles / déchirures des bords de l'aile : Ces lésions mettent beaucoup plus longtemps à cicatriser. Les larges brèches et même celles touchent le bord de l'aile sont susceptibles de guérir, et les chances s'améliorent si les tissus sont déchirés de manière à ce que la vascularisation persiste, permettant une meilleure croissance des nouveaux tissus. La membrane peut être massée quotidiennement, pour diminuer la formation de tissu cicatriciel.

(Communications personnelles avec Mr Laurent ARTHUR, Lollar et Schmidt-French, 1998)

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V - ORGANES INTERNES

Le vol est le mode de locomotion le plus efficace pour les longues distances mais il nécessite

trois fois plus d'énergie que la marche ou la course. Par conséquent, les systèmes circulatoire et

respiratoire des chauves-souris se sont spécialisés pour répondre à ces besoins élevés.

La physiologie des chiroptères est encore peu étudiée mais nous nous efforcerons d'en expliquer les

principales adaptations liées au vol dans la suite de ce travail.

A - ADAPTATION DU CŒUR ET DU SYSTEME VASCULAIRE

Les forts besoins métaboliques du vol nécessitent un transport de l'oxygène très efficace par le

système cardiovasculaire qui s'est donc adapté de différentes façons.

1. Modifications cardiaques

Les chauves-souris ont proportionnellement le cœur le plus grand et le plus musclé de tous les

mammifères. Il est par exemple deux à trois fois plus lourd que le cœur d'une souris de la même taille.

L'augmentation de poids est principalement due à la forte masse musculaire du ventricule droit et à la

grande taille de l'oreillette droite. Ce développement du cœur droit est probablement en lien avec

l'important retour veineux qui a lieu au cours du vol, afin de permettre à un volume sanguin maximal

de s'oxygéner dans les poumons. En conséquence, les valvules cardiaques sont également très

musclées chez les chauves-souris.

Les fibres musculaires cardiaques des chiroptères contiennent le taux de réserves d'énergie

sous forme d'adénosine triphosphate (ATP) le plus haut de tout le règne animal.

De plus, le cœur des chauves-souris est irrigué par un réseau de vaisseaux coronaires beaucoup

plus dense que chez les autres mammifères (Jürgens et al., 1981; Canals et al., 2005; Neuweiler, 2000).

La modification du rythme cardiaque des chauves-souris est impressionnante (cf. encadré

p.136). En effet, lorsque les besoins en oxygène de la chauve-souris augmentent, la fréquence

cardiaque augmente. Ainsi, elle peut passer de 400 battements par minute au repos à plus de 1100

battements par minute pendant le vol chez les microchiroptères. Aussi, le rythme cardiaque varie

considérablement en fonction de la température et du stade physiologique (i.e. hibernation, activité).

Le fonctionnement cardiaque est le même que celui des autres mammifères (cf. Figure 57). Le

sang en provenance des poumons arrive dans le ventricule gauche par les veines pulmonaires avant

d'être envoyé dans l'aorte pour être distribué aux différents organes. Pour optimiser l'irrigation des

différents organes, les artères sont rapidement différenciées après la sortie du cœur. Le retour au cœur

se fait dans l'oreillette droite par les veines caves inférieure et supérieure puis le sang est expulsé vers

les poumons via les artères pulmonaires (Neuweiler, 2000; Rowlatt, 2012).

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Figure 57 : Schéma du cœur et des gros vaisseaux d'un mégachiroptère (Eidolon helvum), vue dorsale.

D'après Neuweiler, 2000.

La position du cœur dans le thorax est modifiée chez les chauves-souris par rapport aux autres

mammifères et présente des particularités au sein de l'ordre. Chez les mégachiroptères le cœur est en

position centrale voire légèrement dévié vers la gauche. Chez les microchiroptères, le cœur est basculé

et a une position pratiquement transversale (Hill et Smith, 1984).

2. Modifications des vaisseaux

L'augmentation de la puissance cardiaque ne suffit pas à satisfaire les besoins en oxygène. Des

adaptations du système circulatoire se sont donc également mises en place au cours de l'évolution.

Comme nous l'avons décrit précédemment, les vaisseaux de la membrane des chauves-souris

possèdent des adaptations uniques comme la présence d'anastomoses et une contractilité

péristaltique. Aussi, les muscles du vol et les poumons des chiroptères possèdent une très forte densité

de capillaires.

De plus, la veine cave postérieure est élastique et a un grand diamètre jusqu'au diaphragme à

partir duquel sa paroi est extrêmement musclée et épaisse. Il a été suggéré que cette veine joue le rôle

de réservoir sanguin pour réguler le retour du sang vers l'oreillette droite.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la position perchée ne pose pas problème aux

chiroptères et facilite même la circulation car seul le sang situé dans les veines du crâne doit lutter

contre la gravité et elles ne sont pas loin du cœur.

La seule adaptation morphologique à la position à l'envers est le ligament sterno-ventral péricardique

qui permet de stabiliser la position du cœur dans le thorax (Pietschmann et al., 1982; Hill et Smith,

1984; Neuweiler, 2000).

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3. Particularités dans la composition du sang

La capacité du système circulatoire à fournir de l'oxygène aux tissus ne dépend pas seulement

du débit cardiaque mais dépend également de la capacité de transport de l'oxygène du sang lui-même

dépendant à son tour du nombre d'érythrocytes, de leur teneur en hémoglobine et de l'affinité de

l'hémoglobine pour l'oxygène.

Chez les chiroptères, le volume sanguin n'est pas particulièrement important. Il va de 7 à 10

ml/100 g de poids corporel. De même, l'affinité pour l'oxygène de l'hémoglobine des chauves-souris

n'est pas significativement différente de celle des autres mammifères. En revanche leur taux

d'hémoglobine est relativement élevé à 18-24g/dL.

La différence majeure avec les autres mammifères vient de leur très grand nombre de globules rouges.

La valeur maximale mesurée chez une chauve-souris est de 26 M/mm3. En comparaison, les souris

insectivores en possèdent 18 M/mm3. Aussi, la taille de leurs globules rouges est inférieure à celle des

autres mammifères.

L'association entre le grand nombre de globules rouges et leur petite taille entraine l'augmentation de

la surface d'échange pour l'oxygénation (Neuweiler, 2000).

B - ADAPTATION DU SYSTEME RESPIRATOIRE

Le volume du poumon, les surfaces d'échanges alvéolaires et les capacités de diffusion

pulmonaire sont très augmentés chez les chauves-souris. Ces caractéristiques sont à mettre en lien

avec les adaptations cardio-vasculaires décrites précédemment pour expliquer comment les organes

des chiroptères subviennent aux besoins d'oxygène élevés pendant le vol (Maina et al., 1982; Canals

et al., 2005).

De la même façon que la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire des chauves-souris

augmente fortement pendant le vol puis diminue rapidement dès qu'elles se perchent. En effet, le

cycle de battement des ailes est synchronisé avec la respiration. Ainsi l'inspiration est associée à la

phase de propulsion et l'expiration à la phase de récupération.

Le fonctionnement des poumons des chiroptères est le même que celui des autres

mammifères. L'oxygène diffuse dans le sang au niveau des alvéoles qui bordent la paroi du poumon et

le dioxyde de carbone diffuse à l'extérieur. Ces échanges étant liés au gradient de pression entre l'air

et le sang, les chauves-souris ne sont pas capables de voler à des altitudes très élevées car leur

métabolisme ne peut pas s'adapter à des pressions aussi faibles (Neuweiler, 2000; Makanya et

Mortola, 2007)..

Conclusion

Les poumons des chauves-souris sont modifiés par rapport à ceux des autres mammifères.

Combinées avec leurs améliorations cardiovasculaires, la physiologie des chiroptères est parfaitement

adaptée pour obtenir et distribuer les grandes quantités d'oxygène nécessaires au vol.

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Evaluation de l'état général d'une chauve-souris (1/2)

Contention

Délicate, dans le creux de la main sans serrer le poing. Ne pas oublier de porter des gants !

La chauve-souris est-elle :

Blessée ? - Rechercher tout signe de blessure (sang, plaies ouvertes, os exposés…) en observant bien la tête, les oreilles et le thorax et étendant délicatement les ailes pour évaluer l'intégrité du patagium. - Vérifier que les deux pouces font la même longueur, sinon il est probable que l'un des deux soit fracturé. Ces doigts sont primordiaux pour la survie de l'animal : elles s'en servent pour grimper, se toiletter, et manipuler la nourriture. - Ne pas négliger les membres postérieurs et la queue : si une chauve-souris a des lésions au niveau des membres pelviens, elle est incapable d'effectuer correctement sa toilette et surtout de se percher correctement. Elle n'est donc pas apte à être relâchée. - Observer si un corps étranger est enroulé autour du corps, du patagium ou des doigts (toile d'araignée, ficelle…)

En état de choc ? Déterminer l'état de conscience de l'animal (normal, torpeur, agitation…). Une chauve-souris en état de choc est prostrée, molle, avec une respiration rapide et superficielle.

Ne pas confondre l'état de choc avec la léthargie physiologique : l'animal peut mettre 20 minutes à se réchauffer et à sortir de son état de torpeur.

Prise en charge : Réchauffer la chauve-souris dans les mains, puis la placer dans un endroit chaud. La mettre si possible sous oxygène jusqu'au retour d'une respiration normale (en cage à oxygène ou en adaptant un embout de seringue de 2,5mL sur le tuyau à O2) et contacter rapidement un centre de soin. Une fluidothérapie par voie sous cutanée peut être débutée à l'aide de Ringer lactate réchauffé. Mettre la chauve-souris au calme, en évitant au maximum le bruit et les déplacements.

Déshydratée ? - Plagiopatagium sec, d'aspect "papier" voire déployé, au lieu d'être souple et brillant ; - Yeux fermés et paupières tombantes, avec des yeux secs et ternes ; - Léthargie ; - Pli de peau persistant avec un pelage terne ; - Reins creusés avec le bas de la colonne très apparent.

Prise en charge : Réchauffer la chauve-souris avant d'administrer le fluide (quelle que soit la voie : SC, PO). Il est possible de réhydrater une chauve-souris par voie PO en lui proposant de l'eau. Si la déshydratation est sévère, une réhydratation par voie sous-cutanée est envisageable à l'aide d'1mL de Ringer lactate réchauffé (environ 35°C) pour 10 grammes de poids. Renouveler l'injection au besoin une fois par jour.

Parasitée ? Inspecter minutieusement la fourrure, les ailes, la face et l'intérieur des oreilles : les parasites des chauves-souris sont en grandes majorité des petits acariens mais elles peuvent aussi être parasitées par des mouches, des tiques, des mites etc. Il est normal de retrouver un petit nombre d'acariens, mais les animaux blessés ou faibles sont souvent très parasité. Prise en charge = Ivermectine : préparer une dilution d'IvomecND à 1% (0,1mL pour 9,9mL d'huile soit 10µg/mL) et administrer par voie orale 0,1mL pour 10g de chauve-souris, à renouveler une seule fois au bout de 2 semaines si nécessaire. Utiliser la même dilution en topique s'il y a présence de mites.

(Cottrell, 2008; Lollar et Schmidt-French, 1998)

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Evaluation de l'état général d'une chauve-souris (2/2)

Figure 58 : Chauves-souris en soin. Photo : Laurent ARTHUR, MNHN de Bourges

Examen clinique

Température : Elle peut varier considérablement donc ce paramètre n'est pas très utile pour

évaluer l'état de santé de l'animal. La température corporelle est très liée à la température

ambiante et à l'état d'activité : lorsque la chauve-souris est en léthargie sa température peut

descendre à 0°C et lorsqu'elle est active sa température peut atteindre 40°C.

Fréquence cardiaque : Elle peut atteindre 1100 battements par minute (bpm) en vol, 500-600

bpm au repos et est comprise entre 40 et 80 bpm lorsque la chauve-souris est en hibernation.

Fréquence respiratoire : Elle est variable. Normalement, la respiration d'une chauve-souris est

visible à la fois sur la face inférieure de l'animal (dans la région abdominale et sur les deux côtés

du bassin), et à l'arrière (sur les deux côtés des hanches).

Une respiration qui semble être difficile et visible dans la région de la poitrine est souvent un signe de détresse respiratoire, qui peut être une indication de blessures, d'étouffement ou de pneumonie. L'auscultation pulmonaire est similaire à celle des autres mammifères.

Couleur des muqueuses : les muqueuses pâles sont un signe d'anémie (parasites, désordres

gastro-intestinaux, intoxication à certains pesticides….)

Ne pas oublier de noter sa taille, la forme de ses oreilles et de ses volutes nasales, sa couleur et la présence (ou l'absence) d'une queue afin d'être en mesure d'identifier l'espèce.

En bref

(Communications personnelles avec Mr Laurent ARTHUR, Lollar et Schmidt-French, 1998)

CHAUVE-SOURIS BLESSÉE OU

INCAPABLE DE VOLER

OUIEffectuer les premiers soins, mettre la chauve-souris dans

une cage appropriée et référer à un centre de soins spécialisé.

NON

Remise en liberté : si possible là où elle a été trouvée, sinon dans un rayon inférieur à 5km. A la tombée de la nuit,

placer la chauve-souris sur une surface plane, en hauteur : si elle en est capable, elle devrait s'envoler rapidement.

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Euthanasie d'une chauve-souris

Les chauves-souris étant des animaux sauvages, les soins ne doivent être donnés que dans le but de les relâcher. Si l'état de l'animal recueilli ne permettra pas sa survie dans la nature, il doit être euthanasié.

Inhalation d'halotane ou d'isoflurane

Une exposition à une dose trop forte ou prolongée conduit à la mort de l'animal.

Un coton imbibé d'isoflurane ou d'halotane est placé au fond d'un tube de façon à en saturer l'atmosphère, puis la tête de la chauve-souris est placée délicatement à l'autre extrémité. Un effet anesthésique rapide est instauré, suivi de la mort par arrêt cardio-respiratoire.

Injection intrapéritonéale de pentobarbital sodique (DolethalND)

(Lollar et Schmidt-French, 1998)

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PARTIE III : Importance

écologique des chiroptères

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PARTIE 3 :

Importance écologique

des chiroptères

Au fur et à mesure de l'évolution, la morphologie des chauves-souris s'est spécialisée pour

différents modes de vie leur permettant de coloniser des niches écologiques extrêmement diverses et

de développer des régimes alimentaires variés. Ainsi, certaines chauves-souris sont capables de voler

dans des sous-bois très denses à la recherche de petits insectes, d'autres sont capables d'attraper de

petits animaux en vol ou de porter des fruits presque aussi lourds qu'elles.

Dans un premier temps, nous nous intéresserons aux différents habitats et régimes alimentaires des

chiroptères. Nous développerons ensuite les rôles écologiques en résultant, en distinguant les impacts

positifs et négatifs que ces animaux peuvent avoir sur l'environnement et les sociétés humaines. Ce

faisant, nous soulignerons le rôle primordial des chiroptères pour de nombreux écosystèmes

terrestres.

I - DES NICHES ECOLOGIQUES VARIEES

Les chauves-souris sont partout sur le globe excepté dans les régions les plus froides comme

l'Arctique et l'Antarctique. Grâce à leur capacité de voler qui ne leur impose aucune barrière, ces

animaux occupent des niches écologiques très diversifiées allant des forêts tropicales aux rues des

grandes villes. Les chauves-souris sont difficiles à observer car actives la nuit, elles se cachent la journée

dans différents abris. Leurs habitats et sites de repos sont variables en fonction des espèces.

A - DES SITES D'ALIMENTATION MULTIPLES

Avec la diversification de leur morphologie et notamment la diversification de la forme de leurs

ailes, les microchiroptères insectivores ont développé des techniques de vol variées ayant abouti à des

méthodes de chasse multiples. Ainsi, on trouve des chauves-souris chassant très facilement en milieu

encombré comme dans les sous-bois où dans les rues des villes et d'autres qui préfèrent les terrains

découverts comme les plaines ou les clairières. Certaines chassent au ras du sol tandis que d'autres

privilégient les couloirs aériens de haute altitude.

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Il en est de même pour les chauves-souris frugivores ou nectarivores des tropiques pour

lesquelles chaque espèce à ses préférences en matière d'alimentation et donc occupe des niches

écologiques différentes.

B - DIVERSITE DES SITES DE REPOS

Chez les chauves-souris insectivores et carnivores, les gîtes changent en fonction du cycle

annuel. En effet, certaines espèces hibernent et leurs sites d'hibernation ne sont pas forcément les

mêmes que ceux de mise-bas.

Ainsi, pendant les périodes froides, les chauves-souris choisissent un lieu calme avec une température

constante, à l'abri du gel et avec un fort taux d'humidité. Elles se perchent alors dans des cavités

souterraines (grottes, tunnels…), des cavités végétales (arbres creux ou fendus, trous de piverts…) ou

dans des fissures (falaises, murs…). Le gîte d'hiver est occupé par les mâles et les femelles et parfois

des espèces différentes se partagent le même lieu.

Pendant la période de mise-bas, les femelles se regroupent dans des gîtes chauds et qui gardent la

chaleur la nuit comme les clochers des églises, les combles et les bardages, les arbres creux, les cavités

souterraines. Les chauves-souris occupent ainsi de nombreuses constructions humaines comme le

pont de la ville d'Austin aux Etats-Unis où vivent pratiquement 1 million de chauves-souris (Genoways

et Baker, 1978).

Plusieurs espèces de chauves-souris migrent au moment du printemps à la sortie de

l'hibernation. Les femelles rejoignent leurs lieux de mise-bas en Europe du nord puis elles reviennent

à leurs gîtes d'origine en automne pour rejoindre les mâles au moment de l'accouplement. La distance

entre les sites d'hiver et ceux d'été est variable en fonction des espèces. La plupart des chauves-souris

font des migrations sur des distances plutôt courtes (environ 200 km) mais des migrations plus longues

(au moins 1000 km) sont rapportées chez certaines espèces comme Nyctalus sp et Tadarida sp.

Les mégachiroptères n'ont pas les mêmes habitudes. Comme elles vivent dans des régions

tropicales ou subtropicales, elles n'hibernent pas et ne migrent pas. Leurs sites de repos se situent

dans le feuillage perché sur les branches, dans les creux des arbres ou sous l'écorce pour les espèces

de petite taille (Marshall, 1983 ; Perry et al., 2007).

En plus d'avoir colonisé quasiment tous les continents et îles océaniques du monde, les

chauves-souris occupent de nombreux biotopes sur chacun des sites colonisés. Elles se sont très bien

adaptées à des modes de vie variés et ont développé des régimes alimentaires divers en relation avec

leurs morphologies et leurs méthodes d'alimentation.

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II - DIVERSITE DES REGIMES ALIMENTAIRES

La morphologie des chiroptères est adaptée à des régimes alimentaires multiples. La diversité

de forme de leur crâne, de leur mâchoire et aussi de leurs ailes reflète cette adaptation. Les chauves-

souris ont ainsi développé des techniques de vol différentes leur permettant d'évoluer dans de

nombreux environnements et de varier leur alimentation (insectes, fruits de sous-bois denses ou de la

canopée, poissons etc.).

A - ALIMENTATION GRACE A DES RESSOURCES ANIMALES

1. Insectivore

Les microchiroptères possèdent une capacité remarquable, l'écholocation. En effet, au cours

de l'évolution, ces chauves-souris ont développé un système de sonar très développé qui se reflète sur

la morphologie de leur tête (cf. Figure 59) et qui fonctionne grâce à l'émission/réception d'ultrasons.

Cette faculté leur permet de détecter facilement les insectes en vol et donc de faciliter leur capture en

plein vol et plus rarement à terre.

Tous les chiroptères européens sont insectivores au sens large du terme. C’est-à-dire que leur régime

alimentaire est majoritairement composé d'insectes, mais aussi d'autres invertébrés comme les

arachnides, les myriapodes ou les collemboles. Les différentes espèces de chauves-souris n'utilisent

pas les mêmes signaux d'écholocation et par conséquent, elles ne détectent pas les mêmes proies. La

plupart des espèces sont opportunistes mais chacune à une catégorie d'insectes dominante. Les

chauves-souris de grande taille se nourrissent principalement d'insectes de grande taille et

inversement (Marshall, 1983 ; Bogdanowicz et al., 1999).

En règle générale, les chauves-souris abordent l’insecte par derrière, leurs ailes leur servant de

filet. L’insecte est ensuite récupéré dans l’uropatagium avant d'être saisi par les mâchoires.

Il existe plusieurs variantes de techniques de chasse chez les chauves-souris insectivores.

La chasse rapide en terrain découvert : les chauves-souris pratiquant cette technique se

reposent sur leur vitesse et leur agilité pour attraper des insectes dans des zones dégagées. Elles volent

souvent à hautes altitudes, au-dessus de la canopée ou à l'intérieur des grands couloirs aériens

naturels, en larges cercles ou en lignes régulières. Ces espèces utilisent l'écholocation pour repérer

leurs proies avec une portée relativement longue (minimum 3 à 5 mètres). C'est par exemple le cas de

certaines espèces des familles Molossidae, Emballonuridae et Rhinopomatidae (Norberg et Rayner,

1987).

La chasse lente en zone encombrée : les chiroptères utilisant cette technique chassent à

l'intérieur et autour de zones encombrées par la végétation. Ces chauves-souris localisent leurs proies

par écholocation à courte portée et leur vol est relativement lent. Leurs ailes sont légères, relativement

courtes et bombées ce qui les rend très manœuvrables. Beaucoup de ces chauves-souris peuvent aussi

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glaner repos insectes. Ce sont principalement de petites chauves-souris qui appartiennent notamment

aux familles Megadermatidae, Rhinolophidae, Thyropteridae et Vestertilionidae (Norberg et Rayner,

1987).

La chasse à la surface de l'eau : beaucoup d'insectes pullulent sur l'eau et ils ne sont pas oubliés

par les chauves-souris. Ce mode d'alimentation est utilisé de façon opportuniste par de nombreuses

espèces à chasse lente mais la technique de capture de ces proies est favorisée par des animaux avec

les ailes les plus longues comme certaines chauves-souris de la famille des Vespertilionidae, des

Noctilionidae et des Phyllostomidae (Norberg et Rayner, 1987).

La capture de proies perchées : de nombreuses chauves-souris effectuent des vols

stationnaires brefs devant la végétation ou des surfaces telles que les murs et les troncs d'arbres pour

attraper des insectes qui y ont perchés, tandis que d'autres les attrapent au sol ce qui nécessite qu'elles

soient capables de s'envoler avec leur proie. C'est le cas de de certains Vespertilionidae,

Phyllostomidae et Hipposideridae (Norberg et Rayner, 1987).

La chasse perchée : certaines chauves-souris attrapent les insectes en faisant des vols courts

entre deux perchoirs, dans un genre d'embuscade. Elles chassent alors des insectes volants ou perchés

sur les branches. Les chauves-souris des familles Megadermatidae, Rhinolophidae et Hipposideridae

utilisent cette technique de chasse qui est considérée comme primitive. Cependant, comme les vols

sont rares et brefs, les animaux consomment moins d'énergie lors de la chasse en vol permanent

(Norberg et Rayner, 1987).

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Figure 59 : Photographies de plusieurs espèces de chiroptères insectivores.

(A) Chauve-souris à ailes jaunes (Lavia frons) (B) Oreillard gris (Plecotus austriacus) (C) Thyroptera tricolor (D) Nyctalus noctulla (E) Rhinolophus euryale.

D'après www.naturfoto.cz, Milos Andera (photos A, B, D et E) et www.flickr.com, Alan Wolf (photo C).

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2. Carnivore

Il existe des chiroptères carnivores appartenant notamment aux familles Nycteridae,

Megadermatidae et Phyllostomidae.

Ainsi, certaines chauves-souris comme Trachops cirrhosus sont connues pour manger divers petits

lézards et des grenouilles (cf. Figure 60). D'autres espèces comme Phyllostomus hastatus et le grand

murin (Myotis myotis) s'alimentent de petits mammifères comme des souris ou des musaraignes. La

chauve-souris "faux-vampire" (Chrotopterus auritus) s'attaque même aux autres chauves-souris.

La chauve-souris javelot (Vampyrum spectrum) et la grande noctule (Nyctalus lasiopterus) se

nourrissent de petits passereaux qu'elles chassent la nuit. Les caractéristiques de la morphologie de

leurs ailes et de leurs signaux d'écholocation suggèrent qu'elles capturent les oiseaux en vol. La

prédation des oiseaux est un phénomène relativement rare dans la nature. Pourtant des millions de

petits oiseaux se rassemblent au moment de leur migration et il existe peu de prédateurs nocturnes

profitant de cette énorme ressource alimentaire. Les chauves-souris en font partie, illustrant une fois

de plus leur fascinante capacité adaptative (Ibáñez et al., 2001).

Pour capturer de petits animaux, ces espèces carnivores doivent être capables de voler avec

des chargements importants, ce que permet la diminution de la charge alaire observée au cours de

l'évolution de ces espèces. Ces chauves-souris complètent généralement leur alimentation en se

nourrissant également d'insectes (Genoways et Baker 1978; Norberg et Rayner, 1987; Neuweiler,

2000).

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Figure 60 : Exemples de chiroptères carnivores. (A) Nyctalus lasiopterus (B) Vampyrum spectrum

(C) Phyllostomus hastatus (D) Trachops cirrhosus (E) Chrotopterus auritus. D'après flickr.com, Dietmar Nill (photo A), J.G. Martinez Fonseca (photos B, C et E) et Vincent Fugère (photo D).

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3. Piscivore

Certains Chiroptères sont piscivores et se nourrissent donc de poissons et de crustacés. C'est

le cas de la chauve-souris bulldog (Noctilio leporinus), de Noctilio albiventris (Noctilionidae), de Pizonyx

vivesi et de Myotis stalkeri (Vespertilionidae) (cf. Figure 61).

Ces espèces possèdent une morphologie adaptée à leur régime alimentaire avec des pieds larges et

des orteils comprimés latéralement terminés par des griffes bien développées leur permettant de saisir

une zone la plus large possible sur le corps des poissons. Ces chauves-souris sont même capables de

nager.

Elles localisent leurs proies en détectant les ondulations sur la surface de l'eau causées par la nage des

poissons et les attrapent en plongeant leurs membres postérieurs dans l'eau (Hill et Smith, 1984;

Norberg et Rayner, 1987; Neuweiler, 2000; Pennycuick, 2008).

Figure 61 : Exemples de chauves-souris piscivores. (A) Noctilio albiventris, (B et C) Noctilio leporinus.

D'après flickr.com, Bruce Thomson (photo A), Giancarlo Zorzin (photo B) et J.G. Martinez Fonseca (photo C).

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4. Hématophage

Les chauves-souris hématophages appartiennent toutes à la famille des Phyllostomidae et à la

sous-famille des Desmodontinae. Seulement trois des 1200 espèces de chauves-souris sont des

vampires (cf. Figure 62). Elles vivent uniquement en Amérique centrale et en Amérique du sud.

Le vampire commun (Desmodus rotundus) se nourrit principalement de sang d'autres

mammifères, principalement du bétail même si le sang d'oiseaux et d'humains peuvent aussi parfois

servir de repas. Ces chauves-souris sont impliquées dans la transmission de zoonoses étant donné leur

mode alimentaire.

Le vampire à pattes velues (Diphylla ecaudata) et le vampire à ailes blanches (Diaemus youngi)

se nourrissent principalement de sang d'oiseaux.

Les chauves-souris vampires ne sucent pas le sang de leurs proies à proprement parler. En fait,

elles font une petite incision indolore sur la peau à l'aide de leurs dents et comme leur salive contient

un anticoagulant, le sang coule de la blessure ce qui leur permet de le lécher.

Ces chauves-souris sont de bons marcheurs et de bons sauteurs grâce à leurs membres

postérieurs longs et musclés. Ce sont les seules capables de se lancer en vol à partir du sol par un saut

puissant (Genoways et Baker, 1978; Marshall, 1983; Neuweiler, 2000).

Figure 62 : Photographies des 3 espèces de chauves-souris vampires.

(A) Diphylla ecaudata, (B et C) Desmodus rotundus, (D) Diaemus youngi. D'après flickr.com, Bruce Thomson (photos A et B), Dietmar Nill (photo C) et Bruno Da Silva (photo D).

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B - ALIMENTATION GRACE A DES RESSOURCES VEGETALES

Si la majorité des microchiroptères ont des régimes alimentaires divers (insectivore, carnivore,

piscivore ou hématophage), les microchiroptères de la famille des Phyllostomidae et les

mégachiroptères (Pteropodidae) se nourrissent uniquement grâce aux ressources florales (nectar,

pollen mais aussi pétales et bractées), aux fruits et aux feuilles des végétaux.

Aucune espèce de chauve-souris n'a évolué en granivore spécialisée contrairement aux oiseaux

(Marshall, 1983).

1. Frugivore

Dans les zones tropicales, certaines espèces de chauves-souris se nourrissent principalement

de fruits. Les plus importants sont les chiroptères de la famille des Phyllostomidae et des Pteropodidae

bien que des espèces d'autres familles (e.g. Noctilionidae, Vespertilionidae et Mystacinidae) mangent

parfois des fruits pour subsister (cf. Figure 63) (Norberg et Rayner, 1987).

Les chauves-souris des familles Pteropodidae et Phyllostomidae ne s'intéressent pas aux

mêmes plantes tropicales et n'ont pas la même technique pour consommer les fruits.

Les Pteropodidae se nourrissent des fruits de la canopée (e.g. des fruits de l'arbre à pain, des mangues,

des papayes, des figues, des bananes). Parfois ils mangent les fruits de grande taille directement sur

l'arbre mais généralement, ils les emportent sur un arbre qui leur sert de perchoir pour s'alimenter.

Ces chauves-souris sont donc capables de transporter des poids considérables.

Les mégachiroptères ingèrent seulement le jus et la pulpe des fruits. Ceux avec une peau épaisse sont

d'abord pelés puis la chair est mâchée et râpée par l'action de leur langue contre leur palais strié. Les

restes fibreux et les grosses graines sont ensuite recrachés tandis que le jus et les très petites graines

sont avalés.

Les Phyllostomidae consomment majoritairement les fruits des sous-bois qui sont principalement des

baies. Ils ingèrent les baies en entier sans recracher les graines ni la peau (Marshall, 1983 ; Roberto

Dos Reis et Guillaumet, 1983 ; Muscarella et Fleming, 2007).

Ce groupe a une grande importance écologique et économique (cf. infra).

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Figure 63 : Photographies de plusieurs espèces de chiroptères frugivores.

(A) Ectophylla alba (B) Pteropus vampyrus (C) Pteropus anetianus (D) Uroderma bilobatum (E) Pteropus conspicillatus. D'après www.flickr.com, Duncan.lake (photo A), Bakterlus (photo B), Bruce Thomson (photos C

et E) et Mat D (photo D).

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2. Nectarivore

Certaines chauves-souris se nourrissent de pollen et de nectar et chacune possède des plantes

favorites. C'est le cas de certaines espèces de la famille des Pteropodidae qui vivent dans toutes les

régions tropicales et subtropicales d'Afrique, d'Asie, d'Australie et Papouasie-Nouvelle-Guinée et dans

les îles du Pacifique, ainsi que de la famille des Phyllostomidae qui habitent les régions tropicales et

subtropicales d'Amérique. Comme pour les espèces frugivores, les Pteropodidae ont une préférence

pour les fleurs de la canopée tandis que les Phyllostomidae se nourrissent des végétaux des sous-bois.

Les espèces nectarivores ont des caractéristiques morphologiques communes (cf. Figure 64). Celles-ci

comprennent un museau allongé, une dentition réduite et une longue langue terminée par des papilles

en forme de cheveux qui permettent de collecter rapidement le nectar. La forme de leur tête et de

leur langue permet à ces chauves-souris d'atteindre facilement le pollen, en particulier celui des fleurs

en forme de trompette. Aussi, le pollen adhère à leurs poils et est ingéré lors des toilettages ultérieurs

(Marshall, 1983; Fleming et al., 2009).

Les chauves-souris nectarivores peuvent atterrir sur les fleurs pour les butiner. Cependant,

elles sont très habiles en vol et sont capables de faire du sur-place à la manière des colibris pour laper

le nectar.

Ces animaux peuvent parcourir jusqu'à 50 km par nuit pour butiner assez de fleurs pour couvrir leurs

besoins (Norberg et Rayner, 1987).

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Figure 64 : Photographies de plusieurs espèces de chauves-souris nectarivores. (A) Phyllostomus elongatus (B) Macroglossus minimus (C) Glossophaga soricina

(D) Choeronycteris Mexicana (E) Syconycteris australis. D'après www.flickr.com, Bruce thomson (photos A, B, C et E) et Joe Coelho (photo D).

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III - ROLES ECOLOGIQUES DES CHAUVES-SOURIS

Grâce au vol, les chauves-souris ont pu occuper des niches écologiques variées ainsi que

diversifier leurs régimes alimentaires et leurs modes de vie. Leurs rôles écologiques sont divers et si

les chauves-souris n'ont que des impacts positifs sur l'environnement, leur présence peut aussi parfois

se traduire par un impact négatif sur les humains.

A - IMPACTS POSITIFS DES CHIROPTERES SUR L'ENVIRONNEMENT ET LES HUMAINS

1. Maintien des forêts tropicales

a) Dissémination des graines (zoochorie)

La dispersion des graines par les vertébrés a été identifiée comme un mécanisme clé pour la

reproduction de nombreuses plantes tropicales. En effet, ces plantes produisent des fruits charnus

adaptés à la consommation par les animaux grâce à leurs caractéristiques morphologiques et

nutritionnelles spécifiques telles que leur couleur, leur odeur, leur taille, leur constitution chimique et

leur position sur la plante.

Dans les régions tropicales, les chauves-souris frugivores sont, avec les oiseaux, les animaux

disséminant les plus de graines. De ce fait, elles jouent un rôle crucial dans le renouvellement des

forêts (Medellin et Gaona, 1999 ; Muscarella et Fleming, 2007).

i. Mode de dissémination

Dans les régions tropicales où vivent la grande majorité des chiroptères frugivores, la

nourriture est disponible tout au long de l'année. Les chauves-souris vivent perchées seules dans les

arbres à proximité de leur zone d'alimentation ou alors elles se regroupent en grandes colonies et

parcourent de longues distances pour se nourrir.

Les chiroptères partagent notamment avec les oiseaux le rôle de disséminateurs de graines,

mais leurs méthodes de dispersion sont différentes. Contrairement aux oiseaux frugivores qui restent

longtemps perchés sur l'arbre après s'être alimentés et défèquent donc souvent les graines

directement sous l'arbre mère, les chauves-souris frugivores ont tendance à déféquer ou cracher les

graines pendant le vol.

De nombreuses chauves-souris utilisent plusieurs gîtes d'alimentation chaque soir et déposent

donc des graines autour et entre ces gîtes. Comme elles déposent les graines en vol, les chauves-souris

sont plus susceptibles de permettre aux graines d'atteindre des zones très perturbées où les oiseaux

ne peuvent se percher. Ainsi, les chauves-souris déposent des graines sur les terres agricoles

abandonnées, dans les bandes claires de forêts primaires mais aussi aux bords des forêts et autour des

arbres fruitiers isolés dans les pâturages. Les chauves-souris sont donc des disséminateurs de graines

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primordiaux au cours des premières étapes du renouvellement de la forêt. En plus, comme les

chiroptères se nourrissent de fruits issus de plantes très diverses, ils assurent une dissémination d'une

grande quantité et d'une grande variété de graines (Marshall, 1983 ; Medellin et Gaona, 1999 ;

McConkey et Drake, 2006 ; Muscarella et Fleming, 2007).

ii. Différences entre les Phyllostomidae et les Pteropodidae

Il existe deux grands groupes de chauves-souris frugivores, les Pteropodidae et les

Phyllostomidae, qui n'ont pas les mêmes modes d'alimentation et qui participent donc différemment

à la dissémination des graines.

Les chauves-souris frugivores de la famille des Phyllostomidae sont particulièrement

importantes dans les premiers stades du renouvellement forestier en raison de la grande importance

des fruits d'arbustes et d'arbres de début de renouvellement dans leur régime alimentaire. Aussi, ces

chauves-souris mangent des fruits de petite taille non fibreux, elles ont donc tendance à les

consommer très rapidement et à ingérer la plupart des graines qu'ils contiennent. Comme les

chiroptères sont très efficaces pour la digestion des aliments en absorbant les nutriments très

rapidement (environ 20-30 minutes), les petites graines qui sont avalées n’ont pas le temps d’être

digérées et ce passage dans le système digestif favorise même leur germination.

Les Phyllostomidae changeant de site d''alimentation très régulièrement, la dispersion des graines se

fait donc sur de grandes zones.

Les chauves-souris de la famille des Pteropodidae jouent un rôle légèrement différent dans la

régénération des forêts tropicales car elles se nourrissent souvent de fruits à grosses graines provenant

des grands arbres de la canopée. Les Pteropodidae contribuent donc à favoriser la régénération des

espèces végétales de fin de renouvellement. Ces chauves-souris mangent principalement des fruits

fibreux et de grande taille. Elles ont tendance à manger lentement et avalent beaucoup moins de

graines que les Phyllostomidae. Elles sont donc moins susceptibles de disperser les graines sur de

longues distances que les mangeurs rapides. Cependant, en dispersant les graines d'arbres de la

canopée, les Pteropodidae fournissent un avantage direct pour des plantes de grande valeur

économique (Roberto Dos Reis et Guillaumet, 1983 ; Muscarella et Fleming, 2007).

iii. Bilan

Par leur forte consommation de fruits, la défécation en vol, l'influence bénéfique de leur transit

intestinal, leur activité intense de déplacement et leur densité élevée, les chiroptères frugivores

facilitent sans aucun doute la colonisation des terres abandonnées et la distribution des plantes

pionnières dans les zones tropicales. Pour toutes ces raisons, les chauves-souris jouent un rôle majeur,

peut-être même le rôle le plus important, devant les oiseaux et les autres mammifères frugivores dont

beaucoup détruisent les graines, dans la dissémination et la constitution du stock de semences du sol

(Roberto Dos Reis et Guillaumet, 1983 ; Muscarella et Fleming, 2007).

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b) Pollinisation (cheiroptérophilie)

La pollinisation est l'élément clef pour la reproduction de nombreuses plantes et ses acteurs

sont variés. Certaines plantes s'appuient sur des phénomènes naturels comme le vent ou la circulation

de l'eau. Pour d'autres, majoritaires, la pollinisation est assurée par l'intermédiaire d'animaux. Il

s'agit principalement d'insectes mais aussi d'oiseaux et de quelques espèces de mammifères dont les

chauves-souris (cf. Figure 65).

La pollinisation par les chiroptères offre deux avantages capitaux pour les plantes.

Tout d'abord, les chauves-souris déposent sur les stigmates des fleurs d'importantes quantités de

pollen avec des génotypes très variés, permettant ainsi le maintien de la diversité génétique des

populations.

Aussi, une grande partie des plantes pollinisées par les chiroptères sont très dispersées et ont de

grandes fleurs peu nombreuses. Comme les chauves-souris forment le groupe d'animaux pollinisateurs

disséminant le pollen sur les plus longues distances, elles contribuent à la conservation de ces espèces

végétales en plus du maintien de leur diversité génétique (Fleming et al., 2009).

Quasiment toutes les plantes tropicales et subtropicales sont pollinisées par des animaux,

principalement des insectes ou des oiseaux. Cependant, la cheiroptérophilie (i.e. la pollinisation par

les chiroptères) est très commune dans certaines sous-familles d'angiospermes. En effet, un petit

groupe de plantes représenté par 528 espèces sont pollinisées par les chauves-souris nectarivores

(Fleming et al., 2009).

Les chauves-souris ont aussi un rôle majeur en tant que principaux pollinisateurs des forêts

présentes sur les îles isolées du Pacifique. Les plantes de ces îles ont évolué de façon à faciliter leur

pollinisation par les espèces de chiroptères endémiques. Si elles venaient à disparaitre, il n'existerait

pas d'autres pollinisateurs pour jouer ce rôle.

Dans les déserts, les chiroptères sont indispensables à la pollinisation des centaines d'espèces

de cactus et d'agaves. Sans elles, de nombreuses plantes disparaîtraient de cet environnement hostile

et tout l'écosystème s'en trouverait bouleversé (Newman et al., 2011).

Il semble que la cheiroptérophilie soit un phénomène nouveau pour les plantes à l'échelle de

l'évolution. Cette hypothèse est renforcée par la quasi-absence de pollinisation par les chauves-souris

chez les angiospermes basales. Cependant, cette faculté leur donne un rôle écologique clef dans le

fonctionnement et le maintien des forêts tropicales et de la végétation des milieux arides, renforcé par

un rôle économique majeur de par la diversité des utilisations humaines possibles pour les plantes

cheiroptérophiles (Fleming et Sosa, 1994; Fleming et al., 2009).

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Figure 65 : chauve-souris se nourrissant du pollen d'une fleur. Photographie de Tuttle M. D.

http://photo.nationalgeographic.fr/

2. Rôle dans la reproduction de plantes économiquement importantes

Par leurs rôles de pollinisateurs et de dispersion de graines, environ 200 espèces de chauves-

souris ont une fonction majeure dans l'écologie des forêts tropicales et des milieux arides. En

permettant le maintien de ces écosystèmes, elles ont également un rôle économique majeur. Les

espèces de plantes dépendantes des chauves-souris pour leur reproduction sont à l'origine d'environ

450 produits de grandes valeurs économiques.

Par exemple, les chiroptères sont à la base de la pollinisation d’environ 30% des espèces de

fruits tropicaux commercialisés dans le monde (cf. Figure 66). Ainsi, la chauve-souris Musonycteris

harrissoni pollinise les bananiers, tandis que d'autres espèces pollinisent les manguiers, les figuiers, les

anacardiers (sur lesquels poussent les noix de cajou), les palmiers-dattiers, les avocatiers, les petais,

les durians etc. Les chauves-souris frugivores participent aussi à la conservation des fruits tropicaux en

dispersant les graines de ces mêmes arbres (Marshall, 1983; Fujita et Tuttle, 1991).

Figure 66 : Exemples de fruits tropicaux pour lesquels la reproduction via les chiroptères est fondamentale.

(A) petais, (B) bananes, (C) avocat, (D) noix de cajou, (E) durian, (F) figues. Images d'après https://www.flickr.com/

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Aussi, les chauves-souris permettent aussi le maintien de nombreuses espèces végétales à

usage humain, ayant un intérêt dans l'alimentation, l'industrie pharmaceutique et la transformation

du bois, ce qui leur confère une importance économique non négligeable.

C'est le cas des agaves à partir desquels la tequila est produite, du kapokier (ou arbre-fromager) réputé

pour son bois, du baobab dont le fruit à des propriétés cosmétiques et alimentaires et des arbres à

saucisses aux nombreuses vertus thérapeutiques (cf. Figure 67). Ces végétaux ont développé des

caractéristiques leur permettant d'être pollinisés spécifiquement par des chauves-souris, avec de

grandes fleurs riches en nectar qui ne s'ouvre qu'à la nuit tombée (Coe et Isaac, 1965; Muscarella et

Fleming, 2007).

Figure 67 : exemples d'arbres économiquement importants dont le transport du pollen et des graines se fait grâce aux chauves-souris. (A) baobab africain, (B) arbre à saucisses. Images d'après https://www.flickr.com/

3. Régulation des populations d'insectes

Les chauves-souris insectivores possèdent elles-aussi un rôle écologique essentiel en

participant à la régulation des populations d'insectes. En effet, les chiroptères insectivores sont

capables d'attraper jusqu'à 500 insectes en une heure. Ainsi, une chauve-souris mange environ de 3 à

20 grammes d'insectes par nuit, ce qui représente 250 à 1500 grammes pendant la belle saison.

Les insectes capturés par les chauves-souris font parfois partie d'espèces indésirables comme

les moustiques qui sont des parasites et des vecteurs de nombreuses maladies, les mouches ou les

mites. De nombreux insectes parasites agricoles et des ravageurs des cultures humaines se trouvent

aussi parmi les proies des chauves-souris. La régulation de leur population par les chiroptères se traduit

par des avantages économiques et écologiques importants grâce à la diminution de la quantité de

pesticides utilisée. Dans les endroits où les populations de chauves-souris ont été réduites à cause de

l'activité humaine, le nombre de ces insectes a augmenté de façon spectaculaire (Newman et al.,

2011).

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Par leur mode de vie même, les chauves-souris parviennent à réguler certaines populations

d'insectes tout en maintenant l'équilibre de l'écosystème dans lequel elles vivent. Ainsi, comme elles

chassent la nuit, elles ne détruisent pas les pollinisateurs diurnes (e.g les abeilles et les bourdons). De

plus, les différentes espèces de chiroptères n'ont pas les mêmes cibles. Leurs actions sont donc

complémentaires au sein d'un écosystème avec par exemple la cohabitation de chauves-souris se

nourrissant plutôt de chenilles, de punaises, de papillons de nuit, de criquets etc.

4. Intérêt agronomique du guano

La matière fécale des chauves-souris insectivores, appelée guano, est reconnue pour être un

engrais pour les cultures agricoles de très bonne qualité grâce à sa forte teneur en azote et en

potassium.

Le guano est principalement récolté à échelle locale, pour un usage personnel, par les particuliers

possédant une habitation où logent des chauves-souris. Il est aussi récolté à une plus grande échelle

dans les grandes grottes pour le commerce international (Newman et al., 2011).

Conclusion

Les chauves-souris sont victimes d'une mauvaise image auprès du grand public à cause de leur

réputation de créatures aveugles s'accrochant dans les cheveux et surtout par méconnaissance de

leurs modes de vie. Il est clair que ces légendes sont totalement injustifiées et qu'en plus de leur rôle

écologique indéniable, les chauves-souris sont très bénéfiques aux humains grâce à la pollinisation de

plantes économiquement majeures, la dispersion de leurs graines et la régulation de populations

d'insectes nuisibles (Fleming et Sosa, 1994).

Malheureusement, à cause de l'incompréhension humaine et des pratiques telles que la

déforestation et l'utilisation sans discernement de pesticides, de nombreuses espèces de chauves-

souris sont menacées et certaines ont même déjà disparu.

Cependant, la prise de conscience de l'importance de ces mammifères a permis de classer toutes les

chauves-souris européennes comme espèces protégées et les autres espèces du monde bénéficient

de programmes de protection de plus en plus nombreux.

En parallèle, des études sont menées dans le but d'objectiver précisément le rôle des chauves-souris

frugivores dans le maintien des forêts tropicales et le rôle écologique des chauves-souris insectivores.

Les résultats de ces études seront des arguments importants pour l'amélioration des efforts de

conservation des chiroptères (Muscarella et Fleming, 2007).

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B - IMPACTS NEGATIFS DES CHIROPTERES POUR LES HUMAINS

1. Transmission de maladies zoonotiques

a) Des modes de vie facilitant la transmission des maladies

Les chiroptères vivent selon des modes de vie facilitant la transmission des maladies. En effet,

les chauves-souris sont présentes sur quasiment tous les continents et les différentes espèces peuvent

cohabiter pendant les périodes d'hibernation et de repos. Aussi, ce sont des animaux grégaires, et

certaines chauves-souris constituent des populations très denses, vivant confinées dans des grottes ou

regroupées dans les arbres et pouvant former des colonies de quelques dizaines à quelques milliers

d'individus, offrant ainsi des milieux idéaux pour la propagation d'agents pathogènes (cf. Figure 68).

Figure 68 : Colonies de chauves-souris insectivores (A) et frugivores (B).

D'après flickr.com, Olivier farcy (A) et Alain Gicart (B).

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De plus, le vol affranchit des barrières naturelles telles que les fleuves et les océans et certaines

chauves-souris effectuent d'importantes migrations. De ce fait, le vol est un facteur favorisant la

dissémination des agents pathogènes en permettant le transport d'agents infectieux sur de longues

distances.

La transmission de maladies zoonotiques aux humains est facilitée par la proximité avec l'homme.

Comme les habitats des chauves-souris sont de plus en plus réduits par les activités humaines, la

fréquence des interactions entre les animaux et les hommes risque d'augmenter, ouvrant la voie à

l'émergence de nouvelles maladies et à la transmission de nouveaux pathogènes.

A cause de leur mode d'alimentation, les espèces hématophages sont les plus susceptibles de

transmettre des maladies aux humains et aux autres espèces. Cependant d'autres espèces de chauves-

souris forment aussi des réservoirs pour des agents pathogènes à l'origine de maladies mortelles

(Pulliam et al., 2012 ; O’Shea et al., 2014).

b) Zoonoses bactériennes

La principale zoonose bactérienne transmise par les chauves-souris est la salmonellose. Les

chiroptères, comme de nombreux autres mammifères, sont naturellement porteurs de salmonelles.

Les chauves-souris insectivores peuvent transmettre cette bactérie en souillant l'eau ou la nourriture

des leurs déjections lorsqu'elles vivent à proximité d'humains. Dans les pays tropicaux, la

contamination s'effectue par la consommation de fruits souillés par les excréments de chauves-souris

frugivores et lors de la consommation de viande de chauve-souris (Sara, 2002).

c) Zoonoses virales

Les chauves-souris sont porteuses de nombreuses zoonoses virales dont la plupart sont des maladies

graves voire mortelles pour les humains.

i. Virus rabique

La rage est la plus vieille maladie découverte chez les chauves-souris et certainement la plus

documentée même si de nombreuses inconnues subsistent encore.

Le virus rabique appartient au genre Lyssavirus de la famille des Rhabdoviridae. Il existe 7 génotypes

actuellement connus de Lyssavirus. Tous les génotypes entraînent des symptômes similaires à la rage

chez les mammifères et ils sont tous sont susceptibles de contaminer les humains. Les chiroptères

hébergent six des sept génotypes (Moutou et Spony, 2008).

En Europe, le virus rabique des chauves-souris européennes est distinct d'un point de vue

antigénique du virus rabique vulpin, les chauves-souris ne se sont donc pas contaminées au contact

des renards.

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On rencontre principalement deux génotypes de virus rabique chez les chauves-souris européennes.

Le génotype 5 (aussi appelé EBL1 pour European Bat Lyssavirus 1) qui concerne particulièrement les

chauves-souris du genre Eptesicus, communément nommée sérotines. Ces chauves-souris sont les plus

touchées par le virus de la rage.

Le génotype 6 (ou EBL2), isolé principalement dans le nord et l'est de l'Europe et qui concerne les

chauves-souris insectivores du genre Myotis.

Lorsqu'il est transmis à d’autres mammifères dont l’homme, ces virus peuvent provoquer la

rage. Cependant, la fréquence de transmission du virus de la chauve-souris à d’autres espèces est

faible.

La transmission entre les chauves-souris se fait principalement par morsure, par léchage et par

partage de sang chez les vampires qui sont des espèces très sociales partageant la nourriture qu'elles

ont ingurgité en cas de famine.

La transmission à l'homme peut se faire de plusieurs façons. Parfois, les vampires infectés se

nourrissent de sang humain, mais ce phénomène est très rare et a lieu uniquement s'il y a un manque

d'approvisionnement en sang d'autres espèces. L'Homme peut aussi se contaminer lors de

manipulation d'individus même si les morsures délibérées sont rares. C'est pourquoi il est vivement

conseillé aux personnes susceptibles d'être en contact avec des chauves-souris de prendre de grandes

précautions lors de leur manipulation et de se faire vacciner contre la rage. Enfin, il peut aussi se

contaminer par voie aérosol. En effet, l’excrétion virale se fait par la salive mais aussi par l’urine, les

fèces et le lait chez les chiroptères, ce qui peut générer au niveau des gîtes d’importantes colonies des

aérosols de virus rabique. C’est le cas notamment dans certaines grottes aux Etats-Unis où l’air très

humide est contaminé.

Des transmissions sporadiques de cas de rage de chauves-souris à des mammifères terrestres

ont été signalées mais les chiroptères ne sont pas une source de rage enzootique pour ces animaux

(Bourhy et al., 1992 ; Sara, 2002).

ii. Virus Ebola

Ebola est une maladie virale provoquant une fièvre hémorragique mortelle chez les humains

et d'autres mammifères. Les épidémies d'Ebola dans les populations humaines sont relativement rares

mais lorsqu'elles se produisent les taux de mortalité peuvent atteindre 90%.

Il a été prouvé que les chauves-souris frugivores de la famille des Pteropodidae peuvent agir comme

un réservoir pour le virus Ebola. En effet, la présence d'anticorps contre ce virus a été détecté chez

plusieurs chiroptères asymptomatiques ce qui suggère que les chauves-souris sont impliquées dans le

cycle naturel du virus Ebola (Leroy et al., 2005; Pourrut et al., 2009; Newman et al., 2011).

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iii. Virus Hendra

Le virus Hendra est un paramyxovirus émergent qui touche principalement les chevaux et les

personnes qui s'en occupent. Il provoque des symptômes respiratoires ou encéphaliques pouvant

s'avérer mortels.

Il a été établi que chauves-souris frugivores sont un réservoir de ce virus cependant, les modalités du

passage du virus Hendra des chiroptères à l’homme et au cheval ne sont pas connues (Halpin et al.,

2000).

iv. Virus Nipah

Le virus Nipah est également un Paramyxovirus. Il a émergé en Malaisie dans les années 1990 en

touchant d'abord des élevages de porcs puis l'Homme.

Ce virus est responsable d'une maladie contagieuse et mortelle qui a été observée chez les porcs et les

humains. Les chauves-souris frugivores de la famille des Pteropodidae sont un réservoir de ce virus.

La transmission des chauves-souris aux porcs s'est produite par l'intermédiaire de vecteurs passifs

(salive sur de la pulpe de fruit) ou par contamination des porcheries par les déjections. Les porcs

agissent comme hôtes amplificateurs permettant ensuite l'infection des humains. Les humains

peuvent aussi se contaminer directement en ingérant des aliments souillés par les déjections de

chauves-souris porteuses du virus mais ce risque est considéré comme faible (Yob et al., 2001;

Wacharapluesadee et al., 2005; Pulliam et al., 2012).

d) Zoonoses fongiques

La principale zoonose fongique transmise par les chauves-souris est l'histoplasmose. Cette

mycose des voies respiratoires profondes est particulièrement grave chez les patients

immunodéficients.

Les chiroptères peuvent être porteurs dans leurs organes digestifs d'Histoplasma capsulatum, le

champignon responsable de cette maladie. Ils peuvent donc contaminer un site et agir comme des

agents disséminateurs du champignon. En effet, la contamination des humains a lieu par l’inhalation

de poussières riches en spores et comme le guano des chauves-souris est propice à la croissance des

histoplasmes par sa richesse en matières organiques, les poussières des grottes où logent des chauves-

souris porteuses peuvent être une source de contamination (Sara, 2002; González-González et al.,

2014).

Conclusion

Avec développement des activités humaines et la démographie croissante, les contacts entre

les chauves-souris, les Hommes et les autres espèces animales ne font que croitre, augmentant le

risque de transmission d'agents pathogènes potentiels des chiroptères à d'autres animaux ou à

l'homme.

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Cependant, les chauves-souris ont des rôles écologiques positifs indéniables en pollinisant les plantes

et en disséminant leurs graines. Aussi, leur participation à la régulation des populations d'insectes

permet de limiter la transmission des arboviroses, c’est-à-dire les maladies transmises par des

arthropodes hématophages comme le chikungunya, l'encéphalite de West Nile ou l'encéphalite

japonaise. Actuellement, ces avantages l'emportent largement sur leur potentiel de transmission de

maladies.

2. Ravages des cultures de fruits

Comme nous l'avons vu précédemment, la plupart des chauves-souris des familles Phyllostomidae

et Pteropodidae sont frugivores. Grâce à ce régime alimentaire, elles possèdent un rôle écologique

primordial en participant au renouvellement des forêts et un rôle économique majeur car les plantes

qu'elles disséminent sont de grandes valeurs économiques.

Cependant, leurs modes d'alimentation leur confèrent aussi un impact négatif. En effet, les

espèces frugivores les plus communes consomment plus de 70 fruits différents de fruits tels que les

mangues, les papayes, les bananes, les fruits de palmiers, les figues, les goyaves etc.

Ces animaux sont donc d'une importance économique considérable parce que beaucoup des fruits

consommés par ces chauves-souris le sont également par les humains. Ils peuvent donc causer des

dégâts importants dans les vergers destinés à la production de fruits exotiques.

Des études ont montré que les chauves-souris préfèrent se nourrir dans la forêt naturelle intacte,

même lorsque les zones agricoles sont disponibles à proximité. Leur intérêt pour les plantations

humaines grandit au fur et à mesure que leur habitat naturel est détruit par les activités humaines.

Avec une population humaine toujours croissante, les paysages ont été modifiés et des zones agricoles

ont été créée à l'intérieur et autour des habitats de chauves-souris, créant plus de possibilités

d'interactions négatives entre les hommes et les chiroptères (Genoways et Baker, 1978 ; Mildenstein

et al., 2005 ; Newman et al., 2011).

3. Nuisance à cause des déjections dans les constructions humaines

Un autre impact négatif que peuvent avoir les chauves-souris sur les humains est la détérioration

des constructions humaines par leurs déjections et notamment par leur urine, riche en ammoniac. En

effet, les chauves-souris des régions tempérées trouvent souvent refuge dans les habitations pendant

les journées d'été ou pour hiberner. Leurs déjections se retrouvent alors sur les sols et peuvent le

dégrader.

Il est assez facile d'éviter ces désagréments en étendant une bâche au sol qui sera retirée une fois

la colonie partie. De plus, le guano ainsi récupéré fait un très bon engrais pour le jardin.

Les déjections sont les seuls désagréments dans les constructions imputables aux chauves-souris

car contrairement aux idées reçues, elles ne rongent rien et ne dégradent pas le matériel d'isolation ni

les charpentes pour pénétrer à l'intérieur.

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Conclusion

Les chauves-souris ont des régimes alimentaires très variés qui dépendent notamment de la

niche écologiques qu'elles occupent. Représentant environ 70% des espèces, les insectivores sont

majoritaires et possèdent un rôle important dans la régulation des populations d'insectes. Cependant,

les frugivores et nectarivores, bien que minoritaires quantitativement, ont un rôle environnemental

primordial par le renouvellement des forêts tropicales grâce à leurs fonctions de pollinisateurs et de

disséminateurs de graines. Ce rôle à d'autant plus d'importance aujourd'hui en raison de la grande

superficie de terres perturbées créées par l'activité humaine (Muscarella et Fleming, 2007).

Les chiroptères peuvent parcourir de longues distances pour se nourrir, ce qui renforce leurs

actions positives sur l'environnement mais favorise dans le même temps la transmission des maladies.

Leurs impacts négatifs peuvent parfois nécessiter leur contrôle, mais l'avenir de certaines espèces est

plus sérieusement menacé par l'Homme qui modifie leurs habitats ou, pour les grandes espèces, qui

les tue directement. Elles sont en effet considérées comme de la nourriture ou comme des ravageurs

du fait des dommages économiques considérables qu'elles peuvent causer dans les plantations

(Marshall, 1983).

Causes principales de morbidité chez les chauves-souris européennes

Chats domestiques

Epuisement par enfermement : les chauves-souris enfermées par mégarde dans une pièce s'épuisent parfois jusqu'à en mourir pour trouver une sortie.

Papier tue-mouche : les chauves-souris s'y engluent et comme elles ne peuvent s'en libérer seules, elles meurent d'épuisement.

Collision routière

Pesticides : - diminution des ressources alimentaires ; - mort par intoxication : accumulation dans les graisses brunes des chauves-

souris et relargage lors de l'hibernation.

Modifications du milieu : diminution du nombre de prairies et du nombre de zones humides -> réduction du territoire de chasse et des ressources.

Traitement des charpentes : les chauves-souris nichent souvent dans les greniers et peuvent s'empoisonner avec les traitements du bois (par inhalation, par diffusion dans le sang si le produit se dépose sur le patagium ou encore par ingestion lors de la toilette).

(Communication personnelle avec Mr Laurent ARTHUR et Groupe Chiroptères de Provence)

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CONCLUSION

Au cours de leur évolution certains mammifères, les chiroptères, ont acquis une capacité hors

du commun, le vol. Peu connus par le grand public, ces animaux forment pourtant l'un des ordres les

plus diversifié en regroupant plus de 1200 espèces. L'objectif de ce travail fut de répertorier les

multiples adaptations anatomiques apparues chez les chauves-souris au cours de leur histoire

évolutive et ainsi de comprendre les mécanismes adaptatifs ayant donné aux mammifères la capacité

de voler et de coloniser la majeure partie du globe.

Afin de déterminer la période d'apparition du vol chez les mammifères, nous avons défini leur

place au cours de l'évolution avant de nous intéresser à la paléontologie des chiroptères. Cependant,

les données bibliographiques nous ont permis d'établir que même les plus vieux ancêtres connus des

chauves-souris possédaient une anatomie entièrement dédiée à ce mode de locomotion. Nous nous

sommes alors tournés vers l’étude du développement embryonnaire des chiroptères dans le but de

comprendre les mécanismes évolutifs ayant abouti à la formation de leurs ailes. Nos recherches

bibliographiques ont montré qu'une régulation spécifique des gènes du développement des chauves-

souris a pu entrainer un changement évolutif rapide pouvant expliquer l'absence de forme fossile

intermédiaire.

Dans la suite de notre travail, nous avons développé les principales modifications anatomiques

inhérentes au vol en détaillant les caractéristiques propres aux chiroptères au niveau des os, des

articulations et de leur système musculaire. Aussi, nous avons vu que des adaptations du système

cardio-respiratoire permettent aux chauves-souris de subvenir à leurs besoins physiologiques,

nettement augmentés pendant le vol. Nous avons ainsi établi que d'un point de vue morphologique et

physiologique, les chiroptères sont caractérisés par des spécificités uniques dans le règne animal.

La diversité incroyable des chauves-souris nous a conduits à nous intéresser de plus près à

leurs implications au sein des écosystèmes dans lesquels elles interviennent. Les chiroptères occupent

de nombreuses niches écologiques et ont des régimes alimentaires très divers selon les espèces. Le vol

leur donne un avantage certain par rapport aux espèces non-volantes et leur confère une grande

variété de rôles écologiques allant de la pollinisation de nombreuses espèces végétales à la régulation

des populations d'insectes.

La répartition mondiale des chauves-souris et la pluralité de leurs modes de vie rend fascinante

l'étude de ces animaux. Néanmoins, ces propriétés sont à double tranchant car les chauves-souris sont

aussi vecteurs et réservoirs de maladies d'intérêt majeur en santé publique comme le virus de la rage

et le virus d'Ebola.

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NOM et PRENOM : POLTURAT Marie

TITRE : Evolution et adaptation au vol des mammifères

Thèse d’Etat de Doctorat Vétérinaire : Lyon, 2015

RESUME : Au cours de leur évolution les mammifères de l'ordre des chiroptères ont acquis une capacité hors du commun, le vol. Peu connu par le grand public, ces animaux forment pourtant l'un des ordres les plus diversifié en regroupant plus de 1200 espèces. L'objectif de ce travail fut de répertorier les multiples adaptations anatomiques apparues chez les chauves-souris au cours de leur histoire évolutive et ainsi de comprendre les mécanismes adaptatifs ayant donné aux mammifères la capacité de voler et de coloniser la majeure partie du globe. Dans un premier temps, nous avons essayé de déterminer la période d'apparition du vol chez les mammifères en définissant leur place au cours de l'évolution et en nous intéressant à la paléontologie des chiroptères. Nous avons ainsi établi que les plus vieux ancêtres connus des chauves-souris possédaient déjà une anatomie entièrement dédiée au vol. Nous nous sommes alors tournés vers l’étude du développement embryonnaire des chiroptères pour comprendre les mécanismes évolutifs ayant abouti à la formation de leurs ailes. Dans la suite de notre travail, nous avons développé les principales modifications anatomiques inhérentes au vol et nous avons ainsi constaté que les chiroptères sont caractérisés par des spécificités uniques dans le règne animal, d'un point de vue morphologique et physiologique. La diversité incroyable des chauves-souris nous a conduits à nous intéresser à leurs implications au sein des écosystèmes dans lesquels elles interviennent et nous avons montré que le vol confère aux chiroptères une grande variété de rôles écologiques.

MOTS CLES : - Evolution

- Adaptation - Vol - animal - Chauves-souris - Mammifères

JURY :

Président : Monsieur le Professeur Bernard VALLEE 1er Assesseur : Madame le Professeur Caroline BOULOCHER 2ème Assesseur : Madame le Professeur Emmanuelle GILOT-FROMONT

DATE DE SOUTENANCE : 14 septembre 2015

ADRESSE DE L’AUTEUR : 8, rue du bas de Courbeau 39 210 VOITEUR