thèse sur les sangsues
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UNIVERSITE DE FRANCHE-COMTE
FACULTE DE MEDECINE ET DE PHARMACIE DE BESANÇON PLACE SAINT-JACQUES – 25030 BESANÇON CEDEX – TELECOPIE : 03.81.66.55.29
ANNEE 2005 – N° 25–05–30
LES THERAPIES PAR LES SANGSUES :
DES PRATIQUES LES PLUS ANCIENNES AUX TRAITEMENTS
ACTUELS HAUTEMENT SCIENTIFIQUES
THESE présentée et soutenue publiquement
le : 7 novembre 2005 pour obtenir le diplôme d’Etat de
DOCTEUR EN PHARMACIE
PAR
Marie-Luce Jardin
Née le 31 Août 1979 à Belfort (90)
Directeur de thèse : J-P. Chaumont Professeur Honoraire Président : L. Nicod Maître de Conférences Juges : J-P. Chaumont Professeur Honoraire
C. Girard Maître de Conférences L. Obert Praticien Hospitalier D. Malot Docteur en Pharmacie
RÉSUMÉ
Nom – Prénom : Jardin Marie-Luce.
Thèse soutenue à Besançon le 7 novembre 2005.
Titre de la thèse : Les thérapies par les sangsues : des pratiques les plus anciennes aux traitements
actuels hautement scientifiques.
Résumé :
Ce travail est consacré à la sangsue médicinale Hirudo medicinalis, animal invertébré de la classe des Annélides.
Les utilisations de la sangsue à travers l’Histoire de la Médecine, la zoologie et le mode de vie de la sangsue y sont décrits. La sangsue, bien qu’ayant quitté la pharmacopée depuis près d’un demi-siècle, revient en force dans certains services de chirurgie de reconstruction plastique, mais également dans les laboratoires, où sa salive est analysée. La sangsue est de plus en plus prescrite en Europe, en tant que médecine alternative, notamment pour traiter l’arthrose. La production de sangsues est assurée par l’hirudinoculture.
La salive de la sangsue a fourni l’hirudine, puissant anticoagulant. Son étude a permis l’obtention de deux hirudines recombinantes par génie génétique : la désirudine et la lépirudine. Les industries pharmaceutiques et cosmétiques s’intéressent de près à Hirudo medicinalis.
L’avenir s’annonce prometteur pour la sangsue.
Mots-clés :
Sangsue – Hirudo medicinalis – Hirudine – Microchirurgie – Antithrombinique – Saignée.
A mon Directeur de thèse,
Monsieur le professeur Jean-Pierre Chaumont
Professeur de Botanique à la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Besançon
Vous m’avez témoigné tout au long de ces années d’étude un
grand soutien,
Vous avez su nous faire partager votre passion d’Enseignant
bien au-delà de la Botanique,
Je suis extrêmement reconnaissante que vous ayez accepté de
diriger ce travail.
A mon Président de thèse,
Madame le Docteur Laurence Nicod
Maître de Conférences de Biologie Cellulaire à la Faculté de Médecine et de Pharmacie de
Besançon
C’est avec un sujet auquel vous nous avez initié que je clôture
mon parcours au sein de cette faculté,
Je vous remercie de l’intérêt porté à ce travail en acceptant la
présidence de cette thèse.
A mes Juges,
Madame le Docteur Corinne Girard,
Maître de conférences de Pharmacognosie à la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Besançon
Monsieur le Docteur Laurent Obert
Praticien Hospitalier en Microchirurgie, Chirurgie de la main et du Membre Supérieur, au CHU de
Besançon
Madame le Docteur Delphine Malot,
Pharmacien à Besançon
Je les remercie d’être juges de cette thèse,
Qu’ils trouvent ici l’expression de ma reconnaissance.
A mes parents, qui m’ont offert les plus belles chances dans la vie dont celle d’étudier,
A mon frère François et ma sœur Louise, qui ont su me supporter pendant ces études!
A toute ma famille,
En mémoire de mes grands-parents disparus,
Et à Christopher,
Je dédie cette thèse.
Liste des abréviations
ADN : acide désoxyribonucléique
AMM : autorisation de mise sur le marché
AT III : anti-thrombine III
Ca++ : calcium
CHU : centre hospitalo-universitaire
CITES : Convention on International Trade in Endangered Species of wild flora and fauna
CIVD : coagulation intravasculaire disséminée
cm : centimetre
FDA : Food and Drug Administration
FT : facteurs tissulaires
g : gramme
HBPM : héparine de bas poids moléculaire
HNF : héparine non-fractionnée
IUCN : International Union for Conservation of Nature and natural resources
IV : intra-veineux
L : litre
mg : milligramme
mL : millilitre
mm : millimetre
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
PAI-1 : inhibiteur de l’activateur du plasminogène de type I
PL : phospholipide
rt-PA : reteplase
SC : sous-cutané
TCA : temps de céphaline activé
TIH: thrombocytopénie induite par l’héparine
t-pa : activateur tissulaire du plasminogène
TQ : temps de Quick
TT : temps de thrombine
UAT : unité antithrombine
UFC : unité formant colonie
1
Introduction
L’intérêt, qui a conduit à l’écriture de cette thèse sur la sangsue médicinale Hirudo
medicinalis, invertébré dont le prime abord peut rebuter même le plus enhardi de tous, est né
d’une perplexité : comment cette petite créature injustement réduite à une image de ver
gluant, suceur de sang et vecteur de maladies, a-t-elle pu conquérir les étagères bien garnies
des apothicaireries? Et surtout par quel mystère est-on amené à en parler de nouveau
aujourd’hui dans les revues scientifiques les plus sérieuses et les plus prisées telles que Le
Lancet1? Ces interrogations ont trouvé de multiples réponses à travers ces recherches.
Dans une première partie, nous nous intéresserons à la sangsue elle-même. Nous définirons
ses rôles à travers les siècles. Nous décrirons ses caractères zoologiques, son comportement,
ainsi que son mode de culture : l’hirudinoculture.
Dans une seconde partie, nous nous attacherons aux applications modernes de la sangsue.
Seront développés successivement les emplois actuels de la sangsue, de l’extrait de sangsue et
de ses dérivés chimiques dont l’hirudine et les hirudines recombinantes.
Il semblerait que ce formidable « remède naturel » ait encore bien des choses à nous faire
partager…
1 The Lancet. Vol 358. September 22, 2001.
2
3
PARTIE A
LA SANGSUE
4
5
I. Historique
6
7
Les sangsues font partie intégrante de l’Histoire de la Médecine. Le mot « sangsue »
traduit par « leech » en langue anglaise serait lui-même dérivé du vieil Anglais « leace » qui
est transposé littéralement par le terme « physician » soit « médecin » en français [1]. Ce qui
n’en renforce que plus l’étroite relation entre les médecins et ces annélides depuis la nuit des
temps. La connaissance des sangsues remonte en effet à la plus haute Antiquité. Leur
utilisation est née avec la pratique de la saignée. La sangsue, véritable procédé de spoliation
sanguine, peut alors être considérée comme une alternative de la Nature à la lancette2, et
autres techniques quelque peu agressives et non dénuées de barbarie. Moins douloureuse, plus
fiable quantitativement quant aux volumes effectifs de sang prélevé, la saignée par pose de
sangsue s’impose par son efficacité dans le traitement de l’inflammation locale.
1. La pratique de la saignée [2]
Le sang, c’est la vie. Loin d’une lapalissade, il s’agit là d’une évidence biologique
irréfutable. En se vidant de son sang, un blessé est en péril de mort. Tout le paradoxe de la
thérapeutique par la saignée n’en est que plus évident et déroutant : pourquoi a-t’on fait si
généreusement couler ce fluide si précieux à la vie pendant des siècles?
1.1. Définition de la saignée
Il convient de redéfinir ce terme de saignée sous lequel il est d’usage d’amalgamer
diverses méthodes pour évacuer du sang de l’organisme. La saignée au sens strict [3],
qualifiée de générale désigne, soit l’incision d’une artère (artériotomie), soit plus couramment
l’incision d’une veine (phlébotomie). D’autres méthodes de prélévement dites locales car le
sang provient alors des capillaires, consistent en des scarifications3 au bistouri, et en la pose
de ventouses scarifiées4 ou de sangsues.
2 Instrument composé d’une lame plate, pointue, tranchante sur les deux bords, de 3 cm de long et de deux plaquettes mobiles, la châsse, qui repliées protègent la lame. [3] 3 Incision superficielle faite au bistouri, au rasoir ou avec un appareil spécial nommé scarificateur et destinée à faire une saignée locale. [3] 4 Petite cloche de verre appliquée sur des scarifications après y avoir raréfié l’air ; procédé de révulsion locale. [3]
8
1.2. Historique
Ce traitement médical par la saignée d’un usage courant jusqu’au début du XXe siècle, et
qui conserve certaines indications très spécifiques encore de nos jours, est pratiqué depuis la
plus haute Antiquité. Des fouilles archéologiques ont daté les premiers instruments utilisés
dans les saignées de l’Âge de Pierre, soit de l’Ère préhistorique. Plus tard, on retrouve défini
l’usage de la saignée dans le Corpus Hippocratique [texte1] au IVe siècle av. J.C.
Celse, médecin romain, au Ier siècle de notre ère, décrit l’art de la saignée comme très
fréquent. Et depuis, la majeure partie de l’Europe occidentale, ainsi que le monde arabo-
musulman (fig. 1) n’ont cessé de l’exploiter.
Figure1: La saignée. Manuscrit persan du XVIIIe siècle. Source : Histoire illustrée de l’hématologie de l’Antiquité à nos jours. Planche IX. J.Bernard, M.Bessis. J-L Binet.
9
Schématiquement trois époques se distinguent dans la pratique de la saignée :
1.2.1. L’Antiquité
La saignée semble être l’apanage des seuls médecins à cette époque.
La doctrine des humeurs ou humorisme est alors une des clés de la médecine antique. Définie
par Hippocrate (460-377 av. J.C) le Père de la Médecine, puis reprise par Galien (129-210),
médecin à Rome de l’Empereur Marc-Aurèle et Père de la Pharmacie moderne, cette théorie
prédomine dans l’analyse de l’équilibre du corps humain. La Santé (celle de l’esprit comme
celle du corps) repose alors sur l’harmonieux équilibre des quatre humeurs du corps (le sang,
la pituite ou phlegme5, la bile jaune et la bile noire6) en correspondance analogique avec les
quatre éléments de l’Univers (l’air, l’eau, le feu et la terre) eux-mêmes affectés d’une qualité
propre : chaud, sec, froid et humide. Ainsi le déséquilibre entraîné par la prédominance de
l’une des humeurs ou l’influence excessive d’un des éléments est la source des maladies
physiques, mais aussi des désordres psychologiques. La saignée paraît dès lors toute justifiée.
Cette pratique évacuatrice permettait ainsi de libérer le patient de ses excès de secrétions,
comme en témoigne le texte 1, issu du Corpus Hippocratique :
(Affection incertaine des voies digestives.) A Oeniades, un homme était affecté de
cette maladie : quant il était à jeun, il éprouvait de violents gargouillements dans le
ventre et de la douleur ; quand les aliments pris s’étaient digérés et que du temps
s’était écoulé après le repas, il ne tardait pas à ressentir la même chose ; le corps
dépérissait et se consumait ; les aliments pris ne le nourrissaient pas ; et les selles
étaient mauvaises et brûlées. Mais, immédiatement après avoir mangé, c’était le
moment où il avait le moins de gargouillements et de souffrance. Cet homme prit des
vomitifs et des purgatifs de toute espèce, sans soulagement aucun ; mais, saigné tour à
tour de chaque bras jusqu’à devenir exsangue, il fut soulagé, et son mal le quitta.
Texte 1, extrait du livre V « Des Epidémies » du Corpus hippocratique. [4]
5 Lymphe. 6 Atrabile ou bouillie noirâtre provenant de la putréfaction post mortem de la substance médullaire surrénale. Les anciens en faisaient une humeur secrétée par la surrénale et lui attribuaient les accès d’hypochondrie. [3]
10
Galien, plus tard, privilégia la dominance du sang sur les autres humeurs. Il préconisait la
saignée parfois même jusqu’au point de syncope en toutes sortes de circonstances : de
l’inflammation locale et douloureuse jusqu’à la sciatique, ou bien encore dans les crises
hémorroïdaires, l’aliénation mentale, et ce qui peut paraître comme le plus étrange, dans les
hémorragies [5].
1.2.2. Le renouveau de la médecine en Occident à partir du XIIe siècle
Au Moyen-Age, c’est aux barbiers, jusqu’alors habilités à raser le poil et éclaircir les
barbes, qu’échoit le soin d’inciser les veines et d’appliquer la sangsue.
Le Clergé très puissant dans toutes les sphères de la Société médiévale, confiait aux religieux
la pratique de l’art médical.
La saignée ne s’adressait alors pas aux seuls malades. Mais les moines en bonne santé se
saignaient préventivement en moyenne jusqu’à quatre fois par an. On retrouve dans les
cloîtres et monastères des "maisons de saignée". Le manuscrit de St Gall (IXe siècle), conçu à
l’époque comme l’idéal prototype de l’organisation cléricale et fidèlement respecté au cours
des siècles, témoigne de l’existence de bâtisses réservées à la pratique de la saignée (fig. 2).
Figure 2 : Plan de St Gall ou code de l’organisation monastique et cléricale. (884) - A : maison des saignées et
des purgations. Source : http://www.encyclopedie-universelle.com/abbaye-medecine-infirmerie-saignee.html
A
11
En Italie du Sud, l’école de Salerne, première institution laïque et haut lieu de la médecine
Médiévale du Xe au XIIIème siècle, fondait ses connaissances sur les textes anciens grecs et
arabes. Elle transmettait son savoir grâce à des poèmes anonymes. Un poème célébra ainsi
l’art de la saignée et ses multiples vertus (texte 2) :
La saignée, aux yeux, donne un lustre nouveau
Ranime la mémoire, éclaire le cerveau
D’une douce chaleur, elle échauffe les moelles,
Apaise l’intestin et le ventre rebelles,
Calme en le délayant l’estomac irrité
Rend aux sens rafraîchis, vigueur et netteté,
Et donne à la voix une heureuse souplesse.
Texte 2 : poème dédié à l’art de la Saignée. Ecole de Salerne. [6]
1.2.3. De la Renaissance au XIXe siècle
Le monde des chirurgiens et médecins repart à la conquête de la saignée, qui
demeurera dès lors une pratique exclusivement médicale.
Pendant longtemps encore, la médecine se cantonne aux techniques soustractives : les
purgations, les clystères7 et la saignée qui étaient l’apanage des plus grands spécialistes.
Molière, en maniant habilement la satyre antimédicale, a dénoncé les travers de cette
médecine alors tâtonnante et hostile aux méthodes nouvelles, à cette époque où l’on
découvrait la circulation du sang (Harvey, 1615).
La saignée connut son heure de gloire au XVIIIe et au début du XIXe avant de tomber en
désuétude totale à la fin du XIXe siècle.
7 Seringues utilisées autrefois pour les lavements ano-rectaux. [3]
12
1.3. Instruments et méthodes
On utilisait classiquement deux méthodes pour procéder à la saignée :
La saignée généralisée était exécutée à l’aide d’un scalpel qui servait à inciser les
vaisseaux majeurs. Les médecins avaient à leurs dispositions des lancettes (fig. 3),
couteaux chirurgicaux à la pointe courte et large et à double tranchant aiguisé.
Figure 3 : Lancettes. Source : http://www.encyclopedie-universelle.com/abbaye-medecine-infirmerie-saignee.html
La saignée localisée devait soulager les parties enflées du corps par le biais de
ventouses scarifiées ou des mâchoires d’une sangsue placée sur la peau à l’aide de
petits tuyaux spécifiques (fig. 4) servant à limiter leur champ d’activité.
Figure 4 : Instruments destinés à la pose de sangsues. Source : http://www.encyclopedie-universelle.com/abbaye-medecine-infirmerie-saignee.html
Les ventouses, petits pots de verre chauffé ou encore en zinc, ou en corne, aux formes
évoluant au cours des siècles (fig. 5) servaient à intensifier la circulation sanguine par création
d’un vide sous la peau, par refroidissement de l’air chaud. On espérait ainsi dévier le sang des
parties malades et congestionnées. Pour le prélever, il fallait réaliser une incision avant la
pose des ventouses. Par la suite, certaines ventouses améliorées se sont vues munies de lames.
13
Figure 5 : Exemplaires de ventouses à travers les siècles. Source : http://www.encyclopedie-universelle.com/abbaye-medecine-infirmerie-saignee.html
1.4. Indications de la saignée en 2005
Cet art médical reste encore pratiqué de nos jours dans des indications très spécifiques,
notamment les troubles dus à une augmentation anormale des globules rouges, un excès de
fer, des perturbations du métabolisme de l’hémoglobine ainsi que l’œdème pulmonaire aigu.
Malgré les progrès de la médecine, les traitements de l’hémochromatose génétique 8 [7] et en
général de la plupart des surcharges en fer sont représentés par les saignées.
La saignée va alors consister à prélever de façon itérative et/ou régulière, par ponction d’une
veine au pli du coude, une quantité de sang (400 à 500 mL en une vingtaine de minutes en
position semi-allongée) sur prescription médicale.
Pour cela des sets de saignée sont disponibles sur le marché. Dans le cadre de la prise en
charge thérapeutique de l’hémochromatose héréditaire, la fréquence et le volume des saignées
seront évalués par le médecin en fonction du poids, de l’âge et du sexe du patient. Le
traitement d’attaque consiste en une saignée par semaine puis elles seront espacées selon la
prescription du médecin.
Le traitement de l’œdème pulmonaire cardiogénique9 [8] vise notamment à diminuer les
pressions dans la petite circulation par soustraction liquidienne. L’emploi des diurétiques
d'action rapide, et de vasodilatateurs à tropisme veineux est très largement préféré à la
saignée. Le procédé classique de la saignée ne doit être utilisé que quand il existe un oedème
pulmonaire réfractaire et à condition que la tension artérielle soit bonne. Quand cela est
nécessaire le prélèvement de sang est d'une quantité allant de 400 à 600 mL. En cas d'anémie
elle est contre-indiquée. 8 Affection héréditaire selon le mode autosomique récessif, due à un trouble constitutionnel du métabolisme du fer avec surcharge ferrique de l’organisme dont le diabète bronzé constitue la forme la plus complète. [3] 9 Infiltration séreuse pulmonaire ; œdème par hyperpression capillaire pulmonaire lié à une cause hémodynamique ou cardiaque. [3]
14
2. L’utilisation des sangsues
La Bible est l’ouvrage où l’on découvre la trace la plus ancienne des sangsues. Il est fait
mention au 30e chapitre des Proverbes, du mot « Aluka », que les experts ont désigné comme
sangsue [9].
Le premier usage rapporté des sangsues date de l’Ancienne Egypte et de la naissance de la
Civilisation. On a pu déceler des esquisses de sangsues sur les peintures murales des
sépultures de la 18e Dynastie des Pharaons (1567-1308 av. J.C) [10].
On attribue la première trace écrite se rapportant à leur utilisation médicinale au Grec
Nicandre de Colophain (200-130 av. J.C) dans son poème « médical » intitulé Alexipharmaca
[11].
Les écrits à leur sujet se multiplient au début de l’ère Chrétienne. Des mémoires chinois de
cette époque témoignent de l’art médical des sangsues, référencé également dans la littérature
sanscrite10, persane et arabe. Les Romains les utilisaient couramment, et les avaient baptisées
"Hirudo" dans leurs ouvrages, d’après le latin hoero qui signifie j’adhère [12].
Pline l’Ancien (23-79) naturaliste et écrivain latin, fit une description détaillée des sangsues,
et répertoria leurs effets bénéfiques parmi lesquels le traitement des douleurs rhumatismales
(en grand précurseur), de la goutte et fièvres de toutes sortes. Il les nomma "Sanguisuga", de
sanguis, sang et sugo, sucer.
Le Syrien Themisson de Laodicea, un élève d’Asclépiades (médecin grec, 129-40 av. J.C) fit
progresser leur usage dans l’art de la saignée.
Mais la saignée devint, peu à peu, d’un usage plus courant car elle est alors perçue au temps
d’Hippocrate comme une technique plus énergique et plus savante que les sangsues. Et elle ne
cessa de se populariser chez ses successeurs dont Galien.
Les écrits de Galien ont influencé nombres de médecins grecs, romains et arabes, et leurs
intérêts se sont pérennisés au-delà des époques, du Moyen-Age par l’école de Salerne avec
Jean d’Aquila, aux médecins de la Renaissance dont Ambroise Paré (1510-1590). Le plus
fameux des chirurgiens français de la période de la Renaissance a consacré un plein chapitre à
l’art de l’utilisation des sangsues, dans ses Œuvres complètes (1574) [13].
10 Relatif à la langue indo-aryenne qui fut la langue sacrée et la langue littéraire de l’Inde ancienne.
15
PLANCHE 1
Figure 6 : Les Sangsues, par Louis Boilly. 1827. Source : http://www.ulb.ac.be/erasme/fr/visiteguidee/museedelamedecine/images/big-sangsues.jpg
16
Mais les sangsues ont peu à peu, au cours des siècles détrôné les autres techniques
mécaniques douloureuses. On avait de plus observé un effet thérapeutique généralisé chez le
patient. Pendant les XVIIe et XVIIIe siècles, la saignée et plus particulièrement l’utilisation
des sangsues devinrent des outils incontournables de l’arsenal des chirurgiens-barbiers (fig.
6).
L’emploi des sangsues atteint son apogée au cours du XIXe siècle notamment grâce au
chirurgien français François Broussais (1772-1838) (fig. 7) surnommé alors « le médecin le
plus sanguinaire de tous les temps » [14-15]. Cet ancien médecin-chef des armées
napoléoniennes défendait une conception particulière des maladies rapportant toute la
pathologie à une inflammation des organes. La théorie elle-même n’était pas dangereuse et
bénéficiait du prestige du médecin, mais le remède, par contre, s’avérait bien moins anodin :
diète, saignées répétées et sangsues à foison s’avéraient être les meilleurs moyens de
décongestionner les zones irritées de l’organisme. Ce qui fit dire à Daremberg (1817-1872),
historien spécialisé dans l’Histoire de la Médecine que : « si Napoléon décima la France,
Broussais la saigna à blanc! » [14].
Broussais se servait des sangsues dans presque toutes les affections : diabète, phlegmons11,
arthrites, rhumatismes, ophtalmies, otites, croups12, amygdalites ; dans l’entérite il appliquait
jusqu’à deux cents sangsues jusqu’à guérison, et dans la tuberculose pulmonaire il préconisait
de les placer sur la poitrine du malade dès la découverte d’un son mat [9].
Figure 7: L'aide-major Broussais soignant des malades pendant les premières campagnes du Ier Empire. Source : Histoire de la médecine aux armées. Tome 2. De la Révolution française au conflit mondial de 1914.
11 Inflammation du tissu conjonctif superficiel ou profond périviscéral. [3] 12 Terme qui, jadis, désignait toute laryngite suffocante. [3]
17
Mais la Médecine en abusa tellement qu’elle provoqua un discrédit presque complet de ces
hirudinées en faveur de l’ancienne technique, la saignée. Sous son influence, la France qui en
avait exporté un million en 1820, devra en importer onze millions en 1833 ! On estime à près
de quatre-vingt millions le nombre de sangsues qui furent acheminées à cette époque de
Hongrie pour alimenter le marché français [9]. Le gouvernement français allait même jusqu’à
accorder des récompenses aux compagnies pour les inciter à accroître leurs stocks à partir des
étangs, marais et marécages de France. La récolte des sangsues devint un formidable moyen
de gagner de l’argent. Chacun se livrait à des récoltes personnelles par les moyens les plus
archaïques, comme celui aventureux et téméraire de patauger jambes nues dans les marais
pour ensuite vendre les sangsues attachées à même la peau [10] !
La sangsue était devenue le centre des intérêts les plus diversifiés. On relate même que les
coquettes de l’époque se paraient de robes aux voluptueuses garnitures aux formes de
sangsues. Et elles en détournèrent l’usage médical vers un usage cosmétique, en vue de
rehausser la pâleur de leurs teints [10] !
La demande mondiale en sangsues est alors tellement importante au début du XIXe siècle que
près de 30 millions d’exemplaires sont embarqués chaque année d’Allemagne vers les Etats-
Unis [13]. Leurs indications étaient légion. Et toutes les situations pathologiques de la
poliomyélite à la laryngite semblaient trouver en la sangsue une panacée. A cette époque, leur
exploitation irraisonnée, ainsi que l’assèchement des marais provoqua la réduction des
populations de sangsues.
De plus, à la fin du XIXe siècle, l’usage médical des sangsues commence à décliner. Leur
emploi thérapeutique ne s’accorde pas avec les nouveaux concepts de la médecine moderne,
notamment avec les théories de l’hygiène de Pasteur. La pratique des sangsues est désormais
reléguée à la médecine des charlatans et autres guérisseurs de petite vertu.
Mais les sangsues réapparaissent en 1884, lorsque le professeur Haycraft, de la faculté de
médecine du Pays de Galles, isola une substance anticoagulante secrétée naturellement dans la
salive des sangsues, qu’il nomme hirudine. Il faudra attendre 1955 pour qu’elle soit isolée et
totalement analysée.
18
Près de 150 ans après leur disparition de la trousse des médecins, les sangsues amorcent leur
retour au sein de la médecine actuelle.
Elles s’affirment comme des outils indispensables à la chirurgie plastique et reconstructrice
afin de pallier aux congestions veineuses. Cette récente résurrection date de 1960 lorsque les
chirurgiens slovènes les utilisèrent avec succès dans les greffes chirurgicales, et du milieu des
années 70 quand les chirurgiens français en démontrèrent les bénéfices dans la survie des
greffons tissulaires et des réimplantations digitales.
Rappelons toutefois que les sangsues ont été utilisées pour la première fois avec succès en
chirurgie plastique par Johann Friedrich Dieffenbach (1792-1847) chirurgien allemand,
parfois considéré comme le Père de la chirurgie plastique pour ses avances dans le domaine
de la rhinoplastie et des autres techniques de reconstruction [16].
En octobre 2001, une étude pilote allemande, concernant un nombre restreint de patients,
suggérait l’influence bénéfique des sangsues dans le soulagement de la douleur arthrosique
[17].
Ces chercheurs allemands persévérant et d’autres équipes internationales ont étendu leurs
cohortes de patients et ont depuis publié des résultats encourageants en novembre 2003 [18,
19].
Le 12 juillet 2004, la Food and Drug Administration (FDA), puissante agence du médicament
américaine autorisait pour la première fois l’utilisation des sangsues à des fins médicales.
Curieux destin, donc, que celui de la sangsue. Parmi ces plus célèbres « patients », citons tout
de même Jules César, Napoléon, le Duc de Wellington, Tolstoï l’écrivain russe et même le
président américain George Washington. Bien que la méfiance vis à vis des sangsues était de
mise au XXe siècle, Hitler et Staline y ont eu recours [20].
Utilisée depuis l’Antiquité, puis tour à tour idolâtrée par Broussais, abandonnée par Pasteur,
célébrée en microchirurgie, la voici réapparaissant en rhumatologie, et présageant quelques
nouveaux espoirs pour la médecine du XXIe siècle…
19
II. Etude zoologique
20
21
On doit accorder peu de valeur (si ce n’est une valeur poétique !) à la fable suivant
laquelle "Hirudo" viendrait de "Hirundo" (Hirondelle) : « on avait prétendu que les
hirondelles, au lieu d’émigrer dans les pays chauds, comme la plupart des volatiles, se
cachaient pendant l’hiver dans les marais, sous l’eau » [21].
1. Systématique
Les sangsues appartiennent au Règne Animal, au groupe des Métazoaires triploblastiques
cœlomates13, à l’embranchement des Annélides14, et à la classe des Achètes assimilés à la
famille des Hirudinées. On dénombre plus de 300 espèces de sangsues réparties en 4 ordres
subdivisés en 127 genres [21].
Nous limiterons notre étude anatomique à la description d’Hirudo medicinalis (synonyme :
Hirudo officinalis), de l’ordre des Gnathobdelliformes du fait de l’importance moindre des
autres genres.
Figure 8 : aspect dorsal d’Hirudo medicinalis. [22] Source : http://animaldiversity.ummz.umich.edu/site/accounts/pictures/Hirudo_medicinalis.html
13 Animaux pluricellulaires caractérisés par l’apparition d’un 3e feuillet embryonnaire, le mésoderme, évoluant en vésicules closes organisées en cœlome de façon répétitive au sein de l’organisme. [23] 14 Vers annelés. [23]
22
2. Caractères généraux
Les Hirudinées sont des Annélides très évolués présentant des affinités avec les
Oligochètes.
Par définition, il s’agit de vers présentant une annelure caractéristique, mais aucune
métamérie15 au sens strict du terme, et dont les segments sont dépourvus de
parapodes16 et de soies d’où le terme Achètes sous lequel on les désigne également.
Ces vers possèdent deux ventouses : une ventouse antérieure perforée par la bouche
qui fonctionne alors comme un organe de succion, et de fixation, et une ventouse
postérieure servant uniquement à la fixation.
Les Hirudinées présentent un aplatissement dorso-ventral caractéristique et une
symétrie bilatérale parfaite avec trois régions bien différenciées :
o Une tête souvent réduite, présentant les organes sensoriels et la bouche,
o Un tronc,
o Un pygidium ou telson qui correspond à l’extrémité terminale.
Les Hirudinées sont doués d’une reproduction sexuée. La sangsue est un animal
hermaphrodite.
Ce sont des vers souvent ectoparasites17 de Vertébrés, dont certaines espèces sont
aquatiques et d’autres exotiques sont terrestres.
Le genre Hirudo appartient à l’ordre des Gnathobdelliformes qui se distingue par l’existence
d’un pharynx armé de trois mâchoires dentées en général, cinq paires d’yeux, un sang rouge,
et l’absence de système vasculaire distinct du cœlome et de spermatophores. On observe
également au sein de ce groupe de grands cocons spongieux déposés dans la terre humide au
cours de leur développement.
15 Disposition segmentaire par métamères successifs des organes d’un animal. [23] 16 Appendices latéraux. [21] 17 Parasite externe. [23]
23
3. Morphologie externe [21-28] TAILLE
Hirudo medicinalis adulte possède un corps élastique, dépourvu de véritable squelette,
à l’aspect d’accordéon de 7 à 12 cm de longueur, plus ou moins 4 cm en fonction de sa
position en contraction ou en étirement. L’animal mesure 6 à 7 mm de diamètre. Ces
dimensions varient en fonction de la date du dernier repas.
METAMERIE
Le corps des sangsues est divisé extérieurement par des stries transversales en un
grand nombre d’anneaux, qui, chez Hirudo medicinalis, ne correspondent pas à un
cloisonnement interne. Il n’existe donc pas une métamérie « au sens strict du terme ».
Toutefois, la disposition des viscères implique que les sangsues sont fondamentalement
métamérisées.
La métamérie primitive est masquée par la subdivision de chaque métamère en un nombre
variable d’anneaux. On observe 101 anneaux chez Hirudo medicinalis, qui correspondent aux
33 métamères primitifs ou segments (fig. 9).
FORME
Face dorsale : elle est de teinte brune à gris-vert foncé avec des raies longitudinales
rouges ou brunes plus ou moins régulières (fig. 8).
Elle porte cinq paires d’yeux rudimentaires ou ocelles (au niveau des cinq premiers
segments), des plaques sensorielles sur l’ensemble des métamères et l’anus précédant
la ventouse postérieure.
Face ventrale : elle est de couleur vert pâle ou jaunâtre et présente deux bandes
longitudinales jaune orangé.
Elle est pourvue de nombreux orifices dont les orifices génitaux mâle (sur le Xe
segment) et femelle (sur le XIe segment), et les 17 paires d’orifices excréteurs (du VIe
au XXIIe segment).
24
VENTOUSES
Ces organes sont caractéristiques des Hirudinées. Les ventouses sont toujours au
nombre de deux : l’une antérieure dite buccale, et l’autre postéro-terminale.
Chez Hirudo medicinalis, la ventouse antérieure, formée par les cinq premiers segments, est
perforée par la bouche, et fonctionne comme un organe de succion (fig. 10).
La ventouse antérieure possède une conformation qui lui permet d’exercer une succion sur le
support auquel elle s’applique. Sa musculature, peu puissante, est réduite à une unique fibre
circulaire et quelques muscles longitudinaux qui s’amenuisent avant de s’insérer à la cuticule.
La ventouse postérieure plus grosse est de forme discoïde et non perforée. Elle est en position
ventrale par rapport à l’anus et est indispensable à la locomotion.
Mécanisme d’adhérence des ventouses [24] :
Le mécanisme d’action des ventouses n’est toujours pas parfaitement élucidé. On a
pensé tout d’abord que l’adhérence de la ventouse était due au seul phénomène de dépression
créée entre la ventouse et son support. Mais, même en atmosphère raréfiée, les ventouses
permettent aux sangsues de se mouvoir par arpentage. On a comparé le fonctionnement des
ventouses à celui du pied des Gastéropodes, où la musculature se contracte par ondes
successives et où abonde du mucus. Ainsi le mucus collant intervient dans l’adhérence des
ventouses à un support lisse. La turgescence des vaisseaux capillaires joue également un
rôle dans la fixation.
La succion réalisée par la ventouse buccale est un effet de la dépression induite par la
contraction des muscles de la ventouse et des muscles du pharynx. La ventouse antérieure
permet d’adhérer à la proie et de la saigner.
25
4. Morphologie interne [21-28]
4.1. Tégument (fig. 12)
Le corps d’Hirudo medicinalis est entièrement recouvert d’un épithélium unistratifié
composé de cellules épithéliales, sensorielles et glandulaires de type muqueux.
L’épithélium est recouvert d’une fine cuticule qui se renouvelle à chaque mue.
4.2. Musculature (fig. 12)
Le derme, sous le tégument, est constitué de fibres musculaires organisées en une couche
circulaire externe et une couche longitudinale interne continues, ce qui confère à Hirudo
medicinalis une très grande contractilité.
4.3. Cœlome18
Il est extrêmement réduit, et occupé par un tissu de remplissage parenchymateux, le
cœlenchyme. Il est représenté par deux sinus longitudinaux (un dorsal, un ventral) réunis par
de fins sinus transversaux, et où circule un liquide plasmatique rouge (fig. 9).
Le tissu mésenchymateux ou bothryoidal constitue « un rein d’accumulation » (fig. 12).
4.4. Appareil digestif
L’appareil digestif d’Hirudo medicinalis est situé en position dorsale, excepté la bouche à
l’extrémité ventrale. Il comporte quatre parties distinctes.
La bouche a une forme en étoile à trois branches et elle est munie de trois mâchoires
en forme de demi-lune, dont le bord libre, arrondi, porte de très nombreuses dents de
calcite (fig. 10). Ces mâchoires servent à inciser la peau des Vertébrés et y laissent une
morsure caractéristique qui rappelle l’emblème de Mercedes-Benz (fig. 11). L’appareil
buccal de la sangsue peut facilement percer le cuir des bovins.
18 Cavité générale de l’organisme creusée dans des dérivés mésodermiques. [23]
26
PLANCHE 2
Figure 9 : Hirudo medicinalis. Source : [27]
A : face ventrale ; B : face dorsale ; C : appareil digestif en vue dorsale. An, anus ; B, bouche ; Cae. Lat, caecums latéraux ; Est, estomac ; Ggl. Cer, ganglions cérébroïdes ; Gl. Sal, glandes salivaires ; Int, intestin ; L. V, lèvre ventrale ; M. Asp, muscles aspirateurs ; O, ocelle ; O. ♀, orifice femelle ; O. ♂, orifice mâle ; O. Exc, orifice excréteur ; Ph, pharynx (hérissé de glandes salivaires) ; Pl. Sens, plaques sensorielles ; Sin. D, sinus dorsal ;
Vent. Buc, ventouse buccale ; Vent. Post, ventouse postérieure.
B A
ml mmd
ph
oe
vb
ob
Figure 10 : Ventouse buccale d’Hirudo medicinalis. Source : [24]
A , extrémité antérieure; B, coupe médio-ventrale de l’extrémité antérieure : mmd, ml, mâchoires médio-dorsale et latérale ; ob, orifice buccal ; oe, œsophage ; ph, pharynx ; vb, ventouse buccale.
A C
B
27
Figure 11 : Morsure de sangsue. [29] Source : http://www.studentbmj.com/back_issues/0898/data/0898ed5.htm
Le pharynx (fig. 9) très musculeux, assure la succion du sang et présente, dans le
prolongement des mâchoire, trois replis longitudinaux. Il s’évagine dans la plaie pour
absorber le sang. Sa paroi contient de très nombreuses glandes salivaires dont la
substance anticoagulante (hirudine) qui permet une succion prolongée.
L’estomac ou proventricule (fig. 9) précédé d’un court œsophage, présente 11 paires
d’évaginations latérales ou caecums gastriques, dont 10 paires transversales, et une 11e
paire longitudinale à la base de laquelle prend naissance un intestin dorsal et central.
Les caecums sont d’autant plus longs qu’ils sont postérieurs, Ils sont munis de
valvules afin d’y retenir le sang ingéré ainsi que les matières alimentaires. Cet estomac
très particulier permet à la sangsue de stocker un volume de sang très important
autorisant des jeûnes parfois très prolongés jusqu’à deux ans.
Chez la sangsue à jeûn, les caecums sont atrophiés.
Le rectum (fig. 9) est un tube cylindrique qui succède à l’intestin, et aboutit à l’anus.
4.5. Appareil circulatoire
L’appareil circulatoire d’Hirudo medicinalis comporte quatre vaisseaux sanguins, dont un
vaisseau ventral accolé à la chaîne nerveuse, un vaisseau dorsal, et deux vaisseaux latéraux
contractiles réunis par des réseaux de fins capillaires.
Le système circulatoire est dépourvu de cœur. Le sang d’Hirudo medicinalis contient des
leucocytes, et il est coloré en rouge par une chromoprotéine proche de l’hémoglobine.
28
PLANCHE 3
Figure 12 : Coupe transversale schématique d’ Hirudo medicinalis au niveau d’un stomite testiculaire. Source : [27]
C.N.V, chaîne nerveuse ventrale ; Ep, épiderme ; Int, intestin ; M.C, muscles circulaires ; M.L, muscles
longitudinaux ; Neph, néphridie ; Par, parenchyme ; P.Exc, pore excréteur ; S.D, sinus dorsal ; Spd, spermiducte ; S.P.Test, sinus péritesticulaire ; S.V, sinus ventral ; Test, testicule ; V.L, vaisseau latéral.
Figure 13 : Régions antérieure (A) et postérieure (B) du système nerveux d’Hirudo medicinalis.
Source : [27]
C.P.Oe, collier périoesophagien ; Ggl. An, ganglion anal ; Ggl. Cer, ganglions cérébroïdes ; N. Oc, nerf
ocellaire ; Ph, pharynx.
29
4.6. Appareil respiratoire
Les sangsues ne possèdent pas de système respiratoire. Les échanges gazeux s’effectuent
directement au travers des téguments.
4.7. Système nerveux
Le système nerveux d’Hirudo medicinalis se décompose en une grosse masse
ganglionnaire cérébroïde située sous les muscles pharyngiens donnant naissance à une chaîne
nerveuse ventrale. (fig. 9C, 13)
Les ganglions cérébroïdes sont réunis par un collier péri-œsophagien à la masse sous-
œsophagienne, qui innerve la ventouse buccale, et qui est constituée par la coalescence des
ganglions des cinq premiers métamères.
La chaîne nerveuse logée dans le sinus ventral comporte 19 paires de ganglions à raison d’une
paire par métamère.
Elle se termine par une masse ganglionnaire volumineuse formée par la réunion des sept
derniers métamères qui participent à la constitution de la ventouse postérieure.
4.8. Appareil excréteur
L’appareil excréteur d’Hirudo medicinalis (fig. 14, 15) est métamérisé et hypertrophié. Il
comporte 17 paires de néphridies (du VIe au XXIIe segment) abouchant sur 17 paires
d’orifices excréteurs ventraux. Chaque néphridie constitue une unité autonome et comprend :
Une glande en fer à cheval, constitué par un tissu excréteur, se prolongeant par :
Un court canal excréteur qui débouche sur
Une vessie en position ventrale aboutissant au pore néphridien.
30
PLANCHE 4
Figure 14 : Coupe schématique transversale d’une néphridie d’Hirudo medicinalis montrant ses rapports
topographiques avec les systèmes circulatoire et génitaux. Source : [24]
C.B, cellules botryoïdes ; Cl. Def, canal déférent ; Cl. Neph, canal néphridien ; C.N.V, chaîne nerveuse ventrale ; M.L, muscles longitudinaux ; Neph, néphridie ; O. Cil, organe ciliaire ; O. Neph, pore néphridien ; S.V, sinus
ventral ; Test, testicule ; V. L, vaisseau latéral ; Ves, vessie urinaire.
Figure 15 : Appareil génital d’Hirudo medicinalis. Source : [24]
C.N.V, Chaîne nerveuse ventrale ; Epd, épididyme ; Neph, néphridie ; Ov, ovaire ; Ovd, oviducte ; Pr, prostate ; Spd, spermiducte ; Test, testicule ; Vag, vagin ; V.L, vaisseau latéral ; V.Ur, vessie urinaire.
31
4.9. Appareil génital
Les sangsues sont des organismes hermaphrodites.
4.9.1. Organe génital mâle (fig. 15)
L’appareil mâle est constitué par neuf paires de testicules situés de part et d’autre de la
chaîne nerveuse ventrale entre le XIIe au XXe métamère. Chaque testicule est situé dans une
poche cœlomique. Les spermatozoïdes sont évacués via un court canal efférent, dans l’un des
deux canaux déférents longitudinaux.
Au niveau du dixième segment, chaque spermiducte forme un peloton tubulaire ou épididyme
puis rejoint son symétrique pour former un canal éjaculateur logé dans un long pénis
filiforme. La base du pénis est pourvue d’une prostate, formation glandulaire qui élabore un
spermatophore contenant les spermatozoïdes. L’orifice mâle ventral est situé entre le XXIVe
et XXVe segment.
4.9.2. Organe génital femelle (fig. 15)
L’appareil femelle se concentre dans le XIe métamère. Il comporte deux ovaires
globuleux, deux oviductes latéraux, un utérus et un vagin. L’utérus est niché dans une glande
nidamentaire dont les sécrétions constituent la coque des œufs.
32
5. Reproduction et développement embryonnaire [24,
27]
Les sangsues sont hermaphrodites, mais elles exigent l’accouplement pour se reproduire.
Hirudo medicinalis se reproduit généralement une fois l’an, du printemps jusqu’en été.
L’accouplement se produit sur terre. Les sangsues se rapprochent ventre à ventre pendant la
copulation. Le pénis de l’un des partenaires est introduit dans le vagin de l’autre où le sperme
est déposé ; il n’y a pas de fécondation réciproque.
Les sangsues sont ovipares, le produit de la conception consiste en un cocon.
Au moment de la ponte, le clitellum, renflement épidermique ventral au niveau des Xe et XIe
métamères, sécrète un anneau muqueux d’où la sangsue se dégage. La sangsue abandonne ce
manchon muqueux qui se ferme aux deux extrémités, et devient un cocon de ponte plein de
liquide albumineux nutritif dans lequel nagent les spermatozoïdes et des œufs.
La ponte se produit à des temps variables après l’accouplement : un à neuf mois chez Hirudo
medicinalis.
Les cocons (fig. 16) d’Hirudo medicinalis sont déposés dans la terre. Ils sont ovoïdes, de
consistance assez ferme, et ont de 2 à 3 cm de long sur 1 à 1,5 cm de large ; Leur enveloppe
devient spongieuse sous l’action de l’humidité, et l’on y aperçoit un grand nombre d’ovules (3
à 24) [32].
Fig. 16 : Cocon d’Hirudo medicinalis. Source : [24]
33
L’éclosion survient six à huit semaines après la ponte, et libère une forme évoquant, aux
dimensions près, l’organisation adulte. La croissance (hypertrophie et hyperplasie) est lente,
et dure environ 5 ans ; la durée de vie est de 12 à 20 ans.
La reproduction asexuée est inexistante chez les Hirudinées, et leur pouvoir de régénération
est nul. Ce dernier caractère peut être mis en relation avec l’absence de croissance
métamérique postembryonnaire.
34
35
III. Etude éthologique19
19 Etude du comportement des animaux. [3]
36
37
1. Ecologie et répartition géographique
Les sangsues peuplent la plupart des milieux aquatiques ; elles habitent les eaux douces :
les rivières, les fosses, les vases des eaux stagnantes, la surface des terres humides, mais
surtout les eaux des douves des marais, car ce sont des eaux qui se renouvellent lentement.
En France, les sangsues abondaient autrefois en Vendée, en Grande Brière, dans les marais de
Gironde et des Landes, ainsi que les étangs de Camargue [7]. Actuellement, leur distribution
géographique s’étend à travers toute l’Europe jusqu’aux montagnes de l’Oural. Hirudo
medicinalis demeure rare en France et en Belgique. On la trouve en Amérique du Nord, où les
milieux humides sont propices à son développement [22, 28].
On peut aussi observer des sangsues dans les océans (1/5e des sangsues vivent en eau salée) et
dans les oasis du désert [31].
Les facteurs limitatifs au développement des sangsues sont la température et la forte acidité
des eaux, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux pesticides et herbicides agricoles, et
en a fait des indicateurs de pollution [30].
La disparition des mares, habitat naturel des sangsues, et leur collecte irraisonnée au XIXe
siècle ont considérablement réduit les populations de sangsues médicinales en France, et dans
toute l’Europe. Hirudo medicinalis a été classée espèce en voie de disparition par la
Convention de Washington.
En outre, le réchauffement climatique actuel est une sérieuse menace pour les sangsues, car il
est à l’origine de l’assèchement des zones humides, et de la disparition des grenouilles qui
sont les hôtes privilégiés des sangsues juvéniles [32].
La sangsue est le témoin du bon équilibre écologique du milieu dans lequel elle vit.
38
2. Comportement alimentaire
2.1. Régime alimentaire
Les Hirudinées se nourrissent exclusivement de matière animale.
Hirudo medicinalis est une espèce réputée strictement sanguivore. Mais les nouveaux-nés et
très jeunes sangsues médicinales mangent des larves d’insectes.
D’autre part les sangsues soumises au jeûne peuvent se sustenter avec des lombrics et des
grenouilles.
Toutes les sangsues possèdent une extraordinaire résistance au jeûne. Hirudo medicinalis peut
supporter avec aisance, après un copieux repas, un jeûne de six mois.
2.2. Comportement pré-prandial
On a pu observer un comportement caractéristique chez les sangsues affamées. Elles
restent regroupées à la surface de l’eau. Dès qu’elles localisent une source de vibrations, elles
nagent en sa direction avec une étonnante précision. La sérotonine est le neurotransmetteur
qui semblerait contrôler ce comportement pré-prandial typique. Elle a été isolée en quantité
significatrice dans les cellules de Retzius, qui sont les neurones les plus importants du
système nerveux de la sangsue [31].
Chez la sangsue, la recherche de nourriture et la morsure sont stimulées par la chaleur,
notamment la température corporelle des mammifères (35-40°C), ainsi que la présence de
sodium et d’arginine dans le sang.
2.3. Succion
Hirudo medicinalis entaille les téguments de sa victime par l’action de ses mâchoires
denticulées. La succion du sang se fait par des contractions rythmiques de la région
postérieure du pharynx.
39
Le saignement est favorisé par les mouvements des mâchoires, et l’hirudine secrétée par les
glandes salivaires. Le peu d’hirudine injectée dans la blessure suffit à rendre le sang
incoagulable et rendre l’hémorragie durable (24 à 48 heures) [31].
Outre l’hirudine, la sangsue injecte :
une substance anesthésiante qui rend la morsure indolore,
une hyaluronidase : l’orgelase qui accélère le flux sanguin dans la région de la
blessure,
différents inhibiteurs des protéinases aux propriétés antithrombotiques et
antifibrinolytiques suggérées,
des apyrases et une collagénase, qui auraient la propriété d’inhiber l’agrégation
plaquettaire et l’activation des leucocytes [13],
et un antibiotique permettant d’éviter les complications septiques au niveau de la
plaie.
Hirudo medicinalis prélève en moyenne 5 à 10 mL de sang à sa victime. Certaines sangsues
peuvent ingérer jusqu’à neuf fois leur propre poids, ce qui leur constitue un repas pour une
année entière !
Une fois "pleine" (ce qui nécessite généralement 10 à 30 minutes), la sangsue se détache
d’elle-même de son hôte. La succion est automatique et se prolonge jusqu’au rassasiement
même si l’on tente de la retirer de la proie ou que l’on entaille le corps de la sangsue.
2.4. Digestion
La digestion intestinale du sang est assurée par la flore bactérienne commensale dont
principalement Pseudomonas hirudinis et Aeromonas hydrophila.
Aucune enzyme digestive n’a été identifiée à ce jour chez Hirudo medicinalis. Le sang
contenu par les diverticules stomacaux est concentré d’environ 40% par les néphridies, qui
vont éliminer de l’eau. Le processus de digestion est extrêmement long chez Hirudo
medicinalis, et dure plus de trois mois.
40
Il est assuré par Pseudomonas hirudinis douée de propriétés protéolytiques importantes et qui
scinde l’hémoglobine en globine et hème. La globine est utilisée par la sangsue pour son
propre métabolisme, tandis que l’hème est scindé en fer excrété et en protoporphyrine.
Aeromonas hydrophila sécrète un antibiotique mortel vis à vis des bactéries chargées de la
putréfaction du repas sanguin [12].
2.5. Comportement post-prandial
Après s’être nourrie, la sangsue s’écarte pour gagner le fond de l’eau et se protéger sous
une roche.
La sangsue rassasiée ne mord pas. C’est la distension du corps de l’animal par son repas, qui
est à l’origine de ce changement de comportement.
Le cycle alimentaire de la sangsue est ainsi régi par la succession de deux principales phases :
la faim et la satiété (fig. 17).
Figure 17 : Cycle alimentaire de la sangsue. Source : [12]
41
3. Particularité de la physiologie sensorielle
Bien que n’étant pas richement dotée d’organes sensoriels, Hirudo medicinalis dispose de
récepteurs variés captant des stimuli dont la nature exacte demeure inconnue.
La vue
Les Hirudinées possèdent toutes des photorécepteurs. Hirudo medicinalis possède cinq
paires d’yeux ou ocelles. Il a été démontré que le comportement d’Hirudo medicinalis vis à
vis de la lumière ne change pas lorsqu’on prive la sangsue de ses yeux [24].
Le tact
Ce sens bien développé a son siège dans les téguments. Les ventouses dont la lèvre
supérieure de la ventouse antérieure, sont les organes du tact utilisés lors du contact avec une
proie éventuelle. La sangsue allonge sa lèvre et palpe la surface choisie, avant de la mordre.
Le goût - l’odorat
Hirudo medicinalis réagit aux sels de quinine, à la saccharine, à l’hydrate de chloral, mais
non aux sucres.
D’aucuns considéraient comme mauvaise pratique, celle consistant à amorcer la sangsue par
application de lait ou de sucre sur la peau [30]. Tandis que d’autres préconisaient d’en
humecter la peau, voire même avec du jaune d’œuf ! [24].
Il convient de l’avis général de nettoyer la peau à l’eau pure afin d’en éliminer les sécrétions
sébacées et sudoripares.
Les sangsues s’éloignent des solutions salées. Si on veut les faire tomber, on peut ainsi
employer l’eau salée ou… le tabac !
Les sangsues sont sensibles aux solvants odorants. Il est d’usage d’effectuer un rinçage
soigneux au sérum physiologique, après avoir désinfecter la zone d’application de la sangsue
au moyen d’un antiseptique. Ceci car les sangsues sont extrêmement sensibles aux odeurs.
L’ouie
Les sangsues sont sensibles aux bruits.
42
4. Locomotion [24]
La locomotion s’effectue soit par la nage, soit par la marche, permettant ainsi à la
sangsue de faire face aux exigences de la vie aquatique et terrestre.
La sangsue peut se déplacer relativement vite sous l’eau mais elle se fatigue vite et exécute
rarement plus de 100 mouvements de nage.
Lorsqu’on observe la sangsue en aquarium, on ne peut s’empêcher à un allant soudainement
poétique pour décrire leur façon unique de se mouvoir ou plutôt d’onduler dans l’eau limpide.
Oubliée alors la sangsue noirâtre terrorisant le touriste des tropiques et le spectateur de ces
films moites se déroulant dans une jungle inextricable. Elles apparaissent alors telles que des
naïades à reflets verts et or, orangés ondulant en un gracieux ballet aquatique.
La marche s’opère le plus souvent par arpentage (fig. 18) ; La sangsue fixée par sa ventouse
postérieure s’étend et se fixe au support par sa ventouse antérieure, elle détache alors la
ventouse postérieure qu’elle ramène auprès de l’antérieure et continue de la sorte. Sa vitesse
peut atteindre 80 cm à 1 mètre par minute.
La sangsue possède également la faculté de ramper sur le substrat par ondulation
péristaltique du corps.
La sangsue peut adhérer à la surface de l’eau, et y sont réellement suspendues. Mucus et
muscles interviennent dans ce processus de suspension.
Figure 18 : Locomotion de la sangsue. Source :
http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://simulium.bio.uottawa.ca/bio2525/notes/images/Les_Annelides9.gif&imgrefurl=http://s
imulium.bio.uottawa.ca/bio2525/notes/Les_Annelides.htm&h=225&w=346&sz=29&tbnid=peZIlHZ8N1wJ:&tbnh=75&tbnw=116
&hl=fr&start=2&prev=/images%3Fq%3Dannelides%26svnum%3D10%26hl%3Dfr%26lr%3D
43
IV. L’hirudinoculture
44
45
1. Historique
Autrefois on se contentait de la production spontanée des sangsues. Actuellement
l’exploitation et le commerce des sangsues sont strictement réglementés. On dénombre quatre
fermes productrices de sangsues dans le monde : RICARIMPEX en France, ZAUG en
Allemagne, BIOPHARM au Royaume-Uni, et LEECHES USA aux Etats-Unis.
2. Réglementation du commerce des sangsues [22, 28, 32]
Plusieurs pays ont introduit une législation au XXe siècle afin de contrôler le marché des
sangsues (IUCN, 1983). Hirudo medicinalis est inscrite à l’annexe II de la Convention sur le
commerce international d’espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction
(CITES) dont le commerce n’est autorisé que si un permis d’exportation CITES est délivré
par le pays exportateur.
La sangsue médicinale est également inscrite sur la liste rouge des espèces menacées,
élaborée par l’Union mondiale pour la nature (IUCN International Union for Conservation of
Nature and natural resources). Elle est classée dans la catégorie Faible risque – Quasi-menacé.
3. Elevage [33]
Les collectes intempestives des sangsues au XIXe siècle, ainsi que la raréfaction de leurs
habitats écologiques due à l’assèchement des marais, ont fait de la sangsue médicinale une
espèce en voie de disparition en Europe centrale. Actuellement des fermes en assurent
l’élevage et la promotion.
La société RICARIMPEX, unique producteur français, élève ses sangsues à Audenge
(Gironde) et à Pouydesseaux (Landes) dans des bassins en plein air, et en laboratoire.
Nous décrirons les techniques d’élevage chez RICARIMPEX.
46
3.1. Elevage en habitats reconstitués
L’élevage des sangsues en bassins naturels s’avère très difficile, l’eau devant rester pure
afin d’optimiser la croissance des jeunes sangsues très fragiles. Celles-ci sont très sensibles
aux variations climatiques, et du fait de leur système nerveux des plus frustes, elles vont en
cas de stress, se sucer mutuellement. Le cannibalisme est une des difficultés de ces élevages à
grande échelle.
Les bassins (10 mètres de long, 5 mètres de large et 1 mètre de profondeur) contiennent
jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’individus. Ils se doivent d’être à niveau d’eau
constant afin que les cocons ne soient pas détruits par d’éventuelles inondations. On devra
favoriser le développement de joncs sur les bords des bassins, de nénuphars, et autres plantes
aquatiques au contact doux et cotonneux tout particulièrement apprécié des jeunes sangsues
qui s’y cachent. De plus une abondante végétation purifie l’eau, abrite les sangsues et favorise
leur multiplication.
Le milieu aquatique est équilibré, oxygéné et constitué de planctons.
Des îlots ont été aménagés au centre des bassins pour favoriser la ponte. Les sangsues ne
pondent jamais dans l’eau. Elles déposent ainsi leurs cocons sur ces îlots et les berges des
bassins, le plus souvent en été. Les cocons éclosent au bout de six mois, et libèrent une
dizaine à une trentaine de jeunes sangsues.
Il faut attendre neuf mois pour qu’elles atteignent une taille propice à l’utilisation médicale.
Une sangsue sur dix atteindra l’âge adulte.
L’hiver, les sangsues vont s’enterrer pour hiberner.
Les jeunes sangsues sont nourries de grenouilles, têtards et planctons, et les adultes de
poissons à chair fine pour stimuler leur instinct de piqûre et morsure.
Autrefois, on promenait des chevaux épuisés et déferrés dans les bassins. [34]
47
3.2. Elevage en laboratoire
Chez RICARIMPEX, 20 000 individus vivent en laboratoire à différentes périodes de
croissance, qui demandent chacune des manipulations précises.
La nurserie
Les sangsues gravides (reconnaissables par la tâche blanchâtre évoluant en ceinture jaune
au tiers supérieur du ventre) sont déposées dans des bocaux avec un fond de tourbe humide et
à l’obscurité.
Elles sont retirées des pots de tourbe en fin de ponte, lorsque leurs ceintures jaunâtres
disparaissent.
Les cocons sont observés très régulièrement. Dès que l’on y distinguent les petites sangsues
massées à une extrémité, et ainsi prêtes à sortir, ils sont isolés dans des bocaux aux fonds
tapissés de cailloux.
Les repas
Les sangsues sont nourries avec du sang de canard non traité certifié par les services
réglementaires. Le sang de bœuf est strictement évité, suite au scandale de la Vache Folle, et
aux risques de transmission du prion pathogène pourvoyeur de l’encéphalite spongiforme
bovine. Des préservatifs ou des gants de latex sont remplis de sang chauffé de 25°C à 37°C,
sur lesquels viennent s’agglutiner les sangsues. Les sangsues peuvent alors piquer et relarguer
leur enzymes. Le repas dure entre 30 et 45 minutes. Les sangsues prennent alors six à sept
fois leur poids initial. Ensuite, elles entameront une longue période de jeûne.
La date de ce repas est relevée précisément, car les sangsues ne pourront être mises en vente
qu’après trois mois de jeûne, afin qu’elles puissent reconstituer leurs stocks d’enzymes et
ainsi retrouver leur efficacité thérapeutique.
Les sangsues destinées aux centres de Recherche nécessitent six mois d’élevage. Elles vont
ensuite être congelées pour subir extractions et purifications de leurs différents composés.
48
Le suivi
Les sangsues sont régulièrement observées pendant leur période de jeûne. Les exemplaires
de taille insuffisante sont mises en quarantaine et examinées, avant de les soumettre à un
nouveau repas sanguin.
Le milieu aquatique
Les sangsues ne vivent qu’en eaux douces. L’eau du robinet ne peut être utilisée, car trop
calcaire et trop chlorée.
L’eau de forage trop ferrugineuse doit être déferrisée.
L’eau de source traitée par adjonction d’un oxydant tel que le permanganate de potassium
(KMnO4) est communément utilisée. Le permanganate de potassium est également utilisé
pour désinfecter les bocaux vides. Son action est désinfectante et antiseptique.
L’expédition - le stockage
Les sangsues sont ainsi surveillées régulièrement et stockées jusqu’à leur expédition.
L’élevage est une opération très pointue, et réclame une constante attention afin de limiter les
inévitables pertes.
Les sangsues sont vendues à de fins thérapeutiques, à un poids moyen de 1 à 1,5 grammes.
Les plus grosses sont vouées à la fabrication d’extrait total ou à la reproduction.
L’expédition des sangsues aux hôpitaux et autres clients (commandes individuelles sous la
responsabilité d’un médecin ou d’un pharmacien) se fait dans des bacs de polystyrène avec
cotons humides par Chronopost, par avion, ou par transporteur. Elles peuvent supporter ces
conditions cinq à six jours.
49
3.3. Quelques chiffres sur la production des sangsues
Le prix de la sangsue vivante en 2005 est de 4,75 euros chez RICARIMPEX.
Désormais, chez RICARIMPEX, la production annuelle atteint les 60 000 sangsues, dont près
des deux tiers sont exportées vers les Etats-Unis. Une procédure stricte (norme ISO 9001)
garantissant une sécurité absolue, ainsi qu’une traçabilité parfaite de ces produits à usage
unique ont permis une homologation des sangsues comme « dispositif médical » en bonne et
due forme par la FDA américaine.
50
51
PARTIE B
DE SES APPLICATIONS
ANCIENNES AUX
APPLICATIONS
MODERNES
52
53
I. L’usage de la sangsue
en nature
54
55
L’utilisation des sangsues en nature est réservée au secteur hospitalier, et notamment au
domaine de la microchirurgie. Leur rôle majeur est le rétablissement de la circulation
veineuse au cours de transplantations digitales ou de greffe de lambeau de peau. La pharmacie
hospitalière a en charge le stockage et la délivrance des sangsues. Une antibioprophylaxie est
de rigueur avant chaque application de sangsues, ceci pour éviter leur effet indésirable majeur
qui est l’infection à Aeromonas hydrophila, hôte intestinal de la sangsue.
1. Utilisation pratique - manipulation des sangsues
La sangsue n’est pas considérée comme médicament puisque c’est un organisme animal.
Mais elle bénéficie du statut de dispositif médical20 car elle présente des propriétés curatives,
et elle est destinée à être appliquée chez l’homme afin de restaurer des fonctions organiques.
Le protocole d’application des sangsues est le suivant :
1) La peau du patient est nettoyée à l’eau et au savon afin d’éliminer toute substance à
forte odeur ou à goût prononcé. Si le patient a subi une anesthésie, il convient de
respecter le temps correspondant à l’élimination des produits anesthésiques, afin de ne
pas « inactiver » la sangsue. Ce phénomène était injustement appelé « lazy leech
syndrom21 » alors que la seule faute en revenait aux agents anesthésiants toujours
présents dans la zone de succion des sangsues.
2) On place un carré de gaze humidifié et percé en son centre d’un trou de 1 cm de
diamètre sur la zone à traiter.
3) On dépose la tête de la sangsue aux abords du trou de la gaze. La sangsue reste en
place jusqu’à ce qu’elle soit gorgée de sang, en moyenne 45 minutes à une heure
après.
20 Art. L.5211-1 : On entend par dispositif médical tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l’exception des produits d’origine humaine, ou autre article utilisé seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels intervenant dans son fonctionnement, destiné par le fabriquant à être utilisé chez l’homme à des fins médicales et dont l’action principale voulue n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques, ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens. [72] 21 Le syndrome de la sangsue paresseuse. [35]
56
4) La sangsue se détache spontanément. Il ne faut pas tenter de l’arracher car les
mâchoires de la sangsue restent dans les tissus et sont à l’origine de petits phlegmons
très douloureux. En cas de résistance de la sangsue, on peut provoquer son décrochage
par application d’une solution salée.
5) La sangsue est ensuite anesthésiée par une solution alcoolique à 5%. Puis on la place
dans une solution alcoolique à 70% pendant 5 minutes, et elle est éliminée avec les
déchets contaminés à fort potentiel infectieux.
Chaque sangsue est à usage unique.
Les sangsues sont appliquées une à deux fois par jour jusqu’au rétablissement de la
circulation capillaire par angiogénèse22 soit quatre à cinq jours environ.
Grâce à la collagénase et la hyaluronidase salivaires, il y a lyse des tissus et instauration d’une
circulation capillaire, maintenue par injection d’anticoagulants, d’agents anti-agrégants et de
substances vasodilatatrices.
22 Formation, développement des vaisseaux. [3]
57
2. Procédure d’entretien [36]
Les sangsues sont réceptionnées au sein des pharmacies hospitalières. Les deux consignes
cruciales concernant leur entretien sont d’éviter la chaleur et l’eau du robinet chlorée. Les
sangsues pouvant jeûner plusieurs mois, il n’est pas nécessaire de les nourrir à l’hôpital.
Température
Elles sont conservées au réfrigérateur, ou dans un endroit frais n’excédant pas 15°C. Il est
recommandé une vigilance particulière dans les salles d’hôpitaux surchauffées. Il ne faut
jamais exposer les sangsues au soleil.
Récipient
Les sangsues sont détenues dans des bocaux stériles remplis à demi, recouverts d’une gaze
tissée et fermement maintenue par des élastiques. Le corps des sangsues est très élastique, et
celles-ci peuvent se faufiler rapidement à travers de minces ouvertures.
Il convient de ne pas surpeupler les récipients : 50 sangsues maximum pour un volume de 2,5
litres d’eau. A chaque nouveau lot de sangsues, correspond un bocal stérile. Des cailloux sont
disposés au fond des bocaux pour aider les sangsues à se débarrasser de leur ceinture
muqueuse. Un nettoyage hebdomadaire des bocaux est réalisé avec changement de l’eau.
Eau
L’eau du robinet est proscrite. De l’eau minérale à pH 7 et titre hydrométrique bas est
recommandée. On peut également utiliser de l’eau distillée associée à de l’hirudose (2g/L),
mais il ne doit pas être utilisé d’eau distillée seule car cela pourrait induire un déséquilibre
ionique chez la sangsue. La qualité bactériologique de l’eau est analysée chaque mois. Ces
manipulations font l’objet d’un contrôle qualité rigoureux. La présence d’Aeromonas sp., de
Pseudomonas aeruginosa, de germes mésophiles ou aérobies en quantité supérieure à 1000
UFC/mL implique la destruction des sangsues.
58
3. Utilisations cliniques
3.1. Historique
L’utilisation des sangsues en thérapeutique dans le but de d’obtenir une spoliation
sanguine est très ancien. Et il fut généré par des courants de mode, notamment sous la
vindicte de Broussais au XVIIe siècle (cf. partie A, §1). De nombreux auteurs, tel qu’Ebrard
(1857) se sont appliqués à nous en décrire les diverses utilisations. Voici, résumé en quelques
lignes le « modus operandi » : la sangsue agit par morsure et par la sécrétion d’hirudine
anticoagulante qui détermine chez le patient une véritable hémophilie, marquée après
l’application des sangsues par des modifications très nettes du temps de saignement. On
distingue trois utilisations des sangsues [24] :
la spoliation sanguine générale nécessitant l’emploi simultané d’une vingtaine de
sangsues, qui peuvent amener en quelques heures à la soustraction d’un demi-litre de
sang,
la saignée locale dans une région enflammée pour amener la sédation des phénomènes
douloureux et congestifs,
et la saignée locale aux environs d’un territoire dans lequel on pressent la formation
d’un caillot incluant le traitement des phlébites chirurgicales ou puerpérales.
La consommation de sangsues entre 1829 et 1936 a été estimée à 5-6 millions de sangsues
soit 84 150 kg de sang prélevés par an [37]. Elles étaient alors assimilées à une panacée. Elles
soignaient ainsi toutes sortes de maladies, dont voici quelques exemples décrits par MA.
Denis [6] :
Dans les contusions simples, la sangsue empêche la formation d’une
ecchymose importante et supprime la douleur.
Dans la laryngite striduleuse : deux à trois sangsues disposées dans le cou
permettent d’obtenir des résultats immédiats et durables.
59
En thérapeutique oculaire, dans le glaucome et dans l’iritis rhumatismal : la
sangsue apporte une sédation remarquable.
Dans les congestions aussi diverses soient-elles :
congestion du petit bassin, les sangsues améliorent notablement les
fluxions hémorroïdaires,
congestions cérébrales,
congestions rénales et néphrites avec œdème.
En gynécologie, dans les dysménorrhées tantôt à la face interne des cuisses
tantôt dans le voisinage du col utérin, dans l’éclampsie des femmes enceintes,
ainsi que dans les troubles ménopausiques.
Dans les phlébites post-opératoires.
Dans l’hypertension permanente et progressive.
La sangsue a été également employée pour traiter l’obésité, les lumbagos, les insolations, et
même les troubles psychiatriques.
Mais le petit animal bienfaisant fut chassé par la modernité et les molécules pharmaceutiques
de synthèse : la sécurité sociale en supprima le remboursement en 1972. La sangsue disparut
du Codex officiel, les médecins cessèrent de la prescrire, Hirudo medicinalis déserta les
dernières apothicaireries rurales qui la proposaient en location.
60
3.2. Propriétés de la salive d’Hirudo medicinalis
De nombreuses substances ont pu être mises en évidence dans la salive de la sangsue
médicinale. L’hirudine n’est qu’une des multiples substances secrétées (cf. tableau I).
Tableau I : Substances actives présentes dans la salive d’Hirudino medicinalis, d’après Whitaker [38]
Substances Rôle physiologique
Hyaluronidase, collagénase Augmentation de la perméabilité cutanée aux sécrétions
salivaires de la sangsue
Substances histamine-like Vasodilatation et augmentation de l’afflux sanguin
Calines, apyrases, saratines Inhibition de l’agrégation plaquettaire
Hirudine Inhibition de la coagulation
Eglines Intervention dans le processus inflammatoire, inhibiteur de la
chémotrypsine et de l’élastase
Bdellines Inhibition de la plasmine
Actuellement, on attribue à la salive de la sangsue diverses propriétés : elle serait à la fois
analgésique, anticoagulante, antibactérienne, anti-inflammatoire et anesthésiante.
On a mis en évidence plus récemment une action lymphagogue liée à l’hirudine, qui exalterait
le pouvoir phagocytaire des leucocytes et qui expliciterait l’action anti-infectieuse de la
saignée dans les phlébites.
Des propriétés anti-allergiques de la salive sont mises en application dans les extraits de
sangsues.
61
3.3. Place en microchirurgie et en chirurgie plastique
3.3.1. Introduction
De nos jours, les sangsues sont couramment utilisées en microchirurgie [39] dans une
indication précise : le rétablissement de la circulation veineuse dans les tissus réimplantés
congestionnés. La survie des réimplants dépend pleinement du retour veineux.
Les sangsues sont indiquées en chirurgie réparatrice chaque fois qu’il y a stase veineuse. Elles
ont été utilisées avec succès dans les avulsions23 complètes d’oreilles [40] et de doigts [41,
42], dans les avulsions partielles de lèvre, pénis [43], nez [44] et scalp [45]. Les sangsues ont
aussi été utilisées dans les hématomes périorbitaux, et dans la prise en charge des nécroses du
mamelon après exérèse mammaire [46].
La sangsue ne s’intéressant qu’aux tissus vivants, elle constitue également un test de viabilité
des tissus réimplantés. Si les tissus sont nécrosés, la sangsue ne va pas s’y accrocher, révélant
ainsi la non viabilité du greffon.
3.3.2. Indications
Les sangsues peuvent être appliquées d’emblée après une intervention
microchirurgicale.
Elles assurent le drainage du greffon et permettent ainsi la mise en place d’une
néovascularisation veineuse. La succion exercée par les sangsues stimule l’irrigation des
cellules menacées de nécrose, et favorisent la restauration de l’anastomose des capillaires [38,
47]. Elles sont utilisées dans la revascularisation lors des microchirurgies et la chirurgie
reconstructrice plastique. En voici les indications majeures :
a) Replantations au niveau de la main
Les sangsues sont indiquées afin de pallier à la stase veineuse observée lors de la
réimplantation distale de phalanges, la replantation de pouce après avulsion, et la prise en
charge d’un ring finger appelé encore syndrome de l’alliance [41].
23 Arrachement, extraction. [3]
62
Le ring syndrom
Le syndrome de l’alliance se définit par l’arrachage du doigt par bague. Le plus souvent,
la bague ou l’alliance s’accroche dans les rouages d’une machine ou une aspérité quelconque.
Il suffit d’un faible accrochage pour retourner entièrement la peau du doigt à la manière d’une
chaussette (fig. 19A, B). L’alliance dégante totalement ou ampute le doigt par traction.
Figure 19 :
Apparence pré-opérative (A) et radiographie (B) d’un arrachage du doigt par bague. [41]
Les blessures par arrachage du doigt par bague sont très hétérogènes. Elles ont été classées
par Vladimir Mitz en 5 stades :
Stade O : éraillure cutanée.
Stade I : plaie cutanée nécessitant un lambeau ou une greffe cutanée.
Stade II : arrachage dorsal des veines nécessitant une réparation micro-
chirurgicale.
Stade III : dévascularisation artérielle et veineuse avec dévascularisation osseuse
nécessitant un geste chirurgical artériel et veineux.
Stade IV : arrachement complet du doigt.
Les prises en charge du ring syndrom s’inscrivent de la suture microvasculaire simple à
l’amputation. La congestion veineuse est la principale difficulté rencontrée après
microchirurgie. Elle peut conduire à la formation d’œdème, à un ralentissement des
circulations capillaires et artérielles, se compliquant de thromboses veineuses et artérielles
avec ischémie, pour finalement conduire à une nécrose du lambeau de peau greffé.
Il est crucial de traiter le plus rapidement possible la congestion veineuse. Les sangsues sont
alors indiquées comme adjuvants à la microchirurgie.
A B
63
Il existe une prévention du ring syndrom qui repose sur une alliance fragilisée soit par siège
soit par l'utilisation d'un matériel adéquat.
En conclusion, les sangsues peuvent être utilisées conjointement à la microchirurgie dans la
chirurgie de la main. Elles peuvent offrir une alternative intéressante à la microchirurgie
digitale, en terme de coût et de temps, dans certains cas précis.
b) Utilisation en chirurgie maxillofaciale
La sangsue a été utilisé fréquemment ces dernières années dans la prise en charge de
divers greffons dont la survie était largement compromise par une déficience du retour
veineux.
De nombreux cas cliniques ont été relatés :
Replantation microchirurgicale d’oreille [40]
La reconstruction plastique d’oreille est très difficile et conduit souvent à de terribles
difformités. La microchirurgie a permis d’obtenir des résultats esthétiquement réussis.
L’application de sangsues est très utilisée dans les replantations de lambeaux d’oreilles avec
insuffisance veineuse.
Replantation microchirurgicale de nez [44]
L’usage des sangsues a été également rapporté dans la reconstruction nasale, afin de
décongestionner les lambeaux de nez réimplantés.
Réimplantation de pénis [43]
L’amputation pénienne est un traumatisme urologique rare, nécessitant une
réimplantation chirurgicale immédiate. Les techniques de microchirurgie peuvent en réduire
la survenue des complications. Toutefois leur prévalence reste élevée. Le cas clinique décrit
par Mineo et collaborateurs [43] relate une réimplantation pénienne non chirurgicale en
association à une thérapie par les sangsues.
64
Les sangsues appliquées sur le gland pénien ont joué un rôle majeur dans la réduction de
l’œdème postopératoire causé par la congestion veineuse du pénis réimplanté. L’œdème fut
rapidement résorbé, mais une nécrose cutanée est apparue, nécessitant un débridement
superficiel. Les contrôles ultérieurs mirent en évidence une bonne re-épithélialisation avec des
sensations et des érections normales.
Reconstruction plastique d’un scalp [45]
Le cas clinique relaté par Medjoub et al [45] fit état de la contribution des sangsues à
l’amélioration de la reconstruction plastique d’un scalp.
L’observation porte sur une patiente de 59 ans , victime d’un accident du travail. Ses cheveux
ont été happés dans un rotor, et il s’en est suivi un décollement et un arrachement de son
scalp. Le bilan initial mentionne un réseau artériel suffisant mais une interruption du retour
veineux. La patiente est prise en charge dans le service de chirurgie maxillo-faciale du Centre
hospitalier universitaire (CHU) de Besançon. Une chirurgie visant à replacer le scalp est
réalisée. Des sangsues sont posées sur les berges cicatricielles, à la sortie du bloc opératoire.,
afin de résorber les épanchements de sang s’accumulant au niveau sus-orbitaire, et limiter les
risques de nécrose.
Les résultats sont satisfaisants, avec une recoloration rapide de la peau. Au total, le traitement
a nécessité l’utilisation de 30 sangsues sur 4 jours. Malgré un placement délicat, la patiente a
très bien toléré le traitement.
Les sangsues ont certes un petit rôle mais pouvant s’avérer occasionnellement important dans
la prise en charge des traumatismes et des reconstructions maxillofaciales. Elles demeurent un
outil indispensable aux chirurgiens en de nombreuses circonstances.
c) Autres indications
Les sangsues sont également préconisées en cas de thromboses veineuses, sur des lambeaux
pédiculés ou cutanés [47]. Elles permettent d’éviter une nouvelle intervention chirurgicale en
permettant de passer le stade de la cicatrisation primaire (de 5 jours) [33].
Les sangsues permettent aussi de nettoyer les plaies de part la hyaluronidase salivaire qui
lysent les capsules bactériennes. Les bactéries vectrices de surinfections des greffons sont
ainsi rendues plus sensibles aux mécanismes immunitaires et aux antibiotiques.
65
La hyaluronidase renforce également l’effet antiphlogistique24 et analgésique local.
Certains préconisent l’utilisation post-chirurgicale des sangsues en cas d’insuffisance
artérielle. La vasodilatation et la décompression créée par l'aspiration de la sangsue, pourrait
faciliter la circulation artérielle [35]. Mais cette indication est moins communément utilisée.
3.3.3. Cas clinique : Application de sangsues dans le cadre d’une replantation digitale
au CHU de Besançon
Exposé du cas
Mr. A est un homme âgé de 20 ans. Il a passé la main droite dans une scie à ruban suite à
un accident domestique en coupant du bois de chauffage. Il a subi une amputation complète
du pouce et de l’index de la main droite.
Une réimplantation du pouce a été réalisée en urgence dans le service de chirurgie
orthopédique traumatologique, plastique du CHU de Besançon. Une suture micro-chirurgicale
de l’artère et des veines, une ostéosynthèse et une suture nerveuse ont été réalisées. La
réimplantation a été un succès sur le plan artériel, mais des problèmes de retour veineux sont
rapidement apparus. La teinte bleue du greffon traduit cette stase veineuse (fig. 20A).
L’engorgement du pouce a nécessité la mise en place d’un drainage veineux par la sangsue.
L’index n’a pas été réimplanté afin d’optimiser la prise du pouce. En effet le système artériel
restauré alimente ainsi exclusivement le pouce greffé, et majore le taux de survie de ce
dernier. On reconstitue préférentiellement la pince de préhension avec le pouce greffé et le
majeur. Il existe une perte de substance de l’appareil fléchisseur et des nerfs collatéraux, au
niveau du pouce. Ceux-ci ne sont pas réparés dans la mesure où la section tangentielle de
l’index ne permet pas d’utiliser celui-ci en doigt banque25 quant aux nerfs collatéraux et aux
tendons fléchisseurs disparus.
24 Qui combat l’inflammation. Synonyme : anti-inflammatoire. [3] 25 Doigt « sacrifié » fournissant les divers constituants nécessaires à la remise en fonction d’un autre doigt.
66
Figure 20 : A, 3 jours après réimplantation du pouce ; B, 3 mois post réimplantation du pouce. Source : © 2004. CHU Jean Minjoz. Besançon.
Traitements
1) Le patient a bénéficié de l’application de sangsues dès le troisième jour après
l’intervention chirurgicale. Un pansement avec 2 ou 3 sangsues est réalisé chaque jour.
Au total 13 sangsues auront été appliquées en 5 jours de traitement.
Parallèlement, un suivi strict de l’hémoglobinémie est réalisé 2 fois par jour. 9 culots
globulaires ont du être transfusés au patient au décours de son intervention.
2) Le patient a reçu parallèlement un traitement médicamenteux (cf. annexe 1)
comportant:
des antalgiques :
- Perfalgan® (paracétamol injectable, analgésique périphérique) instauré
en perfusion IV de 1g en 15 min par jour, les premiers jours suivant
l’hospitalisation, puis relais par :
- Dafalgan® (paracétamol, analgésique périphérique) à raison de 3g par
jour,
- Contramal® (tramadol, analgésique morphinique mineur de niveau II
selon la classification de l’OMS26) à raison de 150mg par jour.
26 Organisation Mondiale de la Santé.
A B
67
un antiinflammatoire : Bi-profénid® (kétoprofène, antiinflammatoire non
stéroïdien du groupe des acides arylcarboxyliques) à raison de 300mg par jour,
en association avec Inexium® (esoméprazole, inhibiteur de la pompe à
protons). L’antiinflammatoire est utilisé dans le traitement symptomatique des
douleurs post-traumatiques. L’antiulcéreux permet de prévenir la formation
des ulcères iatrogènes favorisés par les antiinflammatoires.
une antibioprophylaxie à base d’Augmentin® (amoxicilline / acide
clavulanique, aminopénicilline associée à un inhibiteur des bêta-lactamases) :
2000mg / 200mg à la sortie du bloc puis 1000mg / 125mg x 3 fois par jour,
trois jours après le début de l’application des sangsues.
Cette antibioprophylaxie est débutée en injectable à l’arrivée du patient afin de
prévenir tout risque d’infections bactériennes de la blessure liées à l’acte
chirurgical. Puis un relais par la voie orale est poursuivi dès l’application des
sangsues, afin de prévenir une infection nosocomiale.
un traitement anti-ischémique: Fonzylane® 300mg (buflomédil, anti-
ischémique)) : 900mg par jour en 3 prises. Fonzylane® de part ses effets
alpha-adrénolytique et papavérinique, induit une vasodilatation artériolaire
visant à soulager les symptômes douloureux des syndromes ischémiques.
un traitement fluidifiant vasculaire à base d’Aspegic® 75mg (acétylsalicylate
de lysine, antiagrégant plaquettaire): 75mg par jour. L’aspirine à faible dose
est un antiagrégant plaquettaire d’efficacité démontrée.
Ce traitement vise à éviter tout risque de thrombose post-chirurgicale.
un traitement psychotrope : Lexomil® (bromazépam, benzodiazépine
anxiolytique) à raison de 6mg par jour , Atarax® (hydroxyzine, anxiolytique) :
100mg par jour.
Les anxiolytiques vont permettre de part leur composante sédative de réduire
l’anxiété et les insomnies d’endormissement du patient traumatisé par son
accident. La posologie des psychotropes est augmentée dès l’application des
sangsues afin de contrôler au mieux l’anxiété majorée par le contact avec les
sangsues.
68
Un traitement antianémique à base de Fumafer® (fumarate ferreux, sel de fer
ferreux) : 99mg par jour. Le fer est un oligo-élément indispensable à la
constitution des pigments respiratoires, notamment de l’hémoglobine. Cet
apport ferreux permet de traiter les carences martiales engendrées par les
saignements post-traumatiques répétés.
Evolution
Il est apparu une nécrose à la base du pouce nécessitant une excision sous anesthésie
générale. La détersion de la zone nécrosée est indispensable afin de stimuler le processus de
réparation cutanée. Il n’y a eu aucun geste sur le pouce réimplanté, car celui-ci présente une
bonne vitalité comme le témoigne la figure 20B.
Discussion
La replantation digitale a été motivée par la jeunesse du patient, qui se destinait à une
profession manuelle. En dehors de ces circonstances l’indication doit être prudente,
l’amputation étant généralement privilégiée. Car les replantations digitales sont très souvent
compliquées d’une insuffisance du retour veineux.
Les sangsues se sont révélées dans ce cas des outils complémentaires et indispensables à la
survie du greffon après une étude approfondie du rapport bénéfice/risque chez ce patient. Le
patient est jeune et présente un état général satisfaisant, ce qui constitue des avantages en cas
d’une potentielle infection nosocomiale. Le caractère de l’intervention chirurgicale nécessitait
la prise du risque infectieux. Toutefois une antibioprophylaxie avait été instaurée avant la
mise en place des sangsues, afin de minimiser ce risque.
69
3.3.4. Supports pharmacologiques
Les sangsues constituent des outils doublement intéressants pour les chercheurs.
Elles constituent des remarquables supports pharmacologiques à diverses études de recherche.
Leur muscle dorsal, doué d’une exceptionnelle sensibilité a permis l’étude des anesthésiques
et du système cholinergique. Et leurs cellules nerveuses à l’organisation stéréotypée
constituent un matériel de premier choix en neurobiologie.
Et grâce à la facilité de conserver dans leur tube digestif des germes sanguicoles, on peut très
commodément transporter à distance des Spirochètes des fièvres récurrentes, ainsi que des
Hématozoaires du paludisme. Elles contribuent alors indirectement à la recherche. Il est en
effet très intéressant de se procurer ces parasites vivants, non seulement dans une perspective
scientifique mais également dans un but thérapeutique : pyrétothérapie27, malariathérapie28 de
la paralysie générale. Actuellement la malariathérapie n’est plus pratiquée.
Il a été récemment mis en évidence chez la sangsue des peptides aux propriétés
antimicrobiennes… une découverte qui permettrait la création d’une nouvelle génération
d’antibiotiques.
27 Thérapie basée sur une hyperthermie provoquée par voie endogène. Le concept (François-Xavier Bichat, 1771-1802) préconise la fièvre comme moyen de guérison. 28 Paludothérapie. Inoculation de l’hématozoaire du paludisme dans un but thérapeutique. [3]
70
3.3.5. Arthrose [17-19]
L’utilisation des sangsues faisait partie des principaux remèdes des syndromes
douloureux et inflammatoires depuis l’Antiquité, et jusqu’au début du XXe siècle.
Actuellement les sangsues bénéficient d’un regain d’intérêt et sont très utilisées en médecine
alternative.
En Allemagne, les ventes des quatre principaux fournisseurs de sangsues ont
considérablement augmenté ces dernières années. On a estimé à 70 000 le nombre de
traitements annuels en Allemagne, sachant que 350 000 sangsues ont été vendues par année, à
raison de quatre à cinq sangsues par cure [Roth M, dates non publiées]. La majorité de ces
traitements avait pour but la prise en charge d’un syndrome douloureux, spécialement
l’arthrose du genou.
Le traitement par les sangsues n’a pour autant jamais été évalué par le biais d’études
cliniques. Une étude non randomisée a été conduite par une équipe allemande en 2001 afin
d’analyser l’impact d’une application de sangsues en association à une prise en charge d’une
arthrose du genou.
Définition
L’arthrose est une affection très douloureuse qui touche 9 millions de Français. Elle se
place en tête des maladies rhumatismales.
L’arthrose ou ostéo-arthrite hypertrophique dégénérative désigne les affections chroniques
dégénératives non inflammatoires des articulations. Celles-ci se caractérisent,
anatomiquement, par la lésion puis la destruction du cartilage avec production des lésions
cartilagineuses, et cliniquement, par des douleurs, des craquements, des raideurs, des
déformations et parfois une impotence [3].
L’arthrose survient surtout après la cinquantaine, et touche surtout le genou, la hanche, les
articulations vertébrales et les articulations des doigts.
71
Les traitements classiques de l’arthrose reposent sur les antalgiques et les anti-inflammatoires
non-stéroïdiens et stéroïdiens (corticoïdes). Ils permettent d’atténuer les douleurs
(antalgiques), calmer l’inflammation articulaire (anti-inflammatoires) et ralentir l’évolution de
l’arthrose vers l’ankylose29.
Toutefois la survenue d’effets indésirables importants, notamment avec la corticothérapie,
constitue une limite à leur utilisation. L’application des sangsues constitue alors une
alternative intéressante, de part l’absence d’effets indésirables majeurs.
Etude pilote [17]
Une étude non randomisée allemande [17] a démontré que l’application de sangsues
apporte un soulagement rapide et durable des douleurs chez des patients souffrant d’arthrite
du genou (fig. 21).
Cette étude a été conduite chez un groupe de 16 patients souffrant d’une arthrite primaire du
genou depuis plus de six mois avec signes radiologiques. Les critères majeurs d’exclusion
étaient les traitements à base d’anticoagulants, les ostéo-arthrites secondaires, une pathologie
sous-jacente ainsi qu’un traitement intra-articulaire de cortico-stéroïdes dans les trois mois
précédents l’étude.
10 patients ont reçu quatre sangsues appliquées localement sur l’articulation du genou.
La durée moyenne de l’application des sangsues a été de 80 minutes.
6 patients ont bénéficié d’un traitement conventionnel antiinflammatoire.
La douleur a été réduite de façon significative en trois jours et pendant quatre semaines chez
les patients ayant reçu les sangsues.
Cette action bénéfique serait attribuée à l’activité analgésique, anesthésique, et histamine-like
(vasodilatatrice) de la salive de sangsue. Cette action analgésique et antiphlogistique est
notamment renforcée par la hyaluronidase salivaire.
Cette étude sur un échantillon de faible taille peut paraître limitée. Toutefois les effets
bénéfiques de l’application des sangsues apparaissent clairement comme remarquables.
29 Diminution subtotale ou impossibilité absolue des mouvements d’une articulation naturellement mobile. [3]
72
Figure 21 : Application de quatre sangsues sur les zones typiques de l’articulation du genou. Source : http://ard.bmjjournals.com/content/vol60/issue10/images/large/01109.f1.jpeg
Etude randomisée [18, 19]
L’efficacité et la sécurité qu’offre ce traitement traditionnel de l’arthrose du genou,
l’application de sangsue, ont contribué à la réalisation de nouvelles études. En 2003, a été
réalisée une étude randomisée [18] sur un échantillon de 51 patients souffrant d’arthrose du
genou :
24 patients ont reçu une unique application locale de quatre à six sangsues.
27 patients ont subi un traitement topique antiinflammatoire à base de
diclofénac pendant 28 jours. L’efficacité de cet antiinflammatoire non
stéroïdien a été démontrée dans la prise en charge des douleurs arthrosiques du
genou.
L’application de sangsue a démontré une meilleure efficacité par rapport au diclofénac
percutané dans la prise en charge des douleurs arthrosiques du genou une semaine après leur
application. Le groupe de patients ayant reçu les sangsues a montré des améliorations 91 jours
durant sur divers symptômes de l’arthrose, tels que la rigidité, et la mobilisation des
articulations du genou.
73
Conclusion
En résumé, ces études semblent prouver l’efficacité de l’application des sangsues dans le
traitement de l’arthrose du genou. Toutefois, ces résultats doivent être relativisés. En effet ces
études ont dénoté plusieurs limites : premièrement, les résultats ont pu être influencés par
l’effet même des sangsues sur les patients. Il reste toutefois difficile de réaliser une étude avec
des sangsues en double aveugle. De plus, l’arthrose est une maladie chronique, alors qu’ici les
études ont duré pour la plus longue 91 jours.
L’efficacité et l’innocuité de ce traitement, notamment en applications répétées, pourraient
faire l’objet de nouvelles études randomisées à plus large échelle et sur de plus longues
périodes afin d’être plus pertinentes. Les composants actifs mis en évidence dans la salive de
la sangsue, ainsi que leur sécrétion locale (au niveau du liquide synovial) méritent des études
complémentaires. Actuellement rappelons qu’aucune substance pharmacologique n’a pu
démontrer d’effets rémanents similaires sur les douleurs arthrosiques après une seule
administration locale.
Des recherches futures sur les composants salivaires de la sangsue pourraient conduire à
l’élaboration de nouveaux médicaments antiinflammatoires indiqués dans la prise en charge
l’arthrose.
3.3.6. Succès dans le traitement d’un cas de purpura fulminans30
Il a été rapporté [48] le succès de l’utilisation des sangsues dans un cas de purpura
fulminans. Il s’agit d’une fillette âgée de 8 mois, souffrant d’une forme aiguë de purpura des
suites d’une septicémie pneumococcique. Des sangsues furent appliquées au niveau des
lésions des doigts des deux mains, ainsi que celles des extrémités inférieures. Une complète
guérison fut mise en évidence au niveau des tissus traités. Le bébé fut “tiré d’affaires”. Les
mécanismes par lesquels les sangsues ont contribué à la guérison clinique restent encore très
discutés.
30 Variété suraiguë de purpura caractérisée par l’existence de phlyctènes sanglantes, d’hématurie, de convulsions, et aboutissant à la mort en quelques jours. [3]
74
3.4. Effets indésirables liés à l’application des sangsues
3.4.1. Risque infectieux [49-51]
Le développement d’une infection est la complication la plus redoutée de la thérapie
par les sangsues. Aeromonas hydrophila est l’agent bactérien le plus fréquemment mis en
cause.
Description
En 1983, Whitlock et collaborateurs [39] ont décrits pour la première fois des
infections nocosomiales à Aeromonas en relation avec l’utilisation de sangsues. Aeromonas
hydrophila est l’agent majeur impliqué dans la transmission d’infections nosocomiales par les
sangsues. De nombreux auteurs négligent le risque d’infections lié aux sangsues. Il s’agit
pourtant d’un risque réel dont l’incidence concernant la survenue d’infections à Aeromonas
hydrophila est comprise entre 7 et 20% [50].
D’après Adams [37], il est possible que les sangsues transmettent d’autres pathogènes,
notamment les trypanosomes31, divers virus, et des microorganismes vecteurs de la syphilis,
de l’érysipèle32 et des fièvres puerpuréales33. Mais le protocole actuel basé sur l’usage unique
des sangsues, écarte le risque de transmission de telles infections.
L’infection cutanée à Aeromonas se caractérise par une réaction inflammatoire du tissu sous-
cutané, associant rougeur et œdème. Le délai d’apparition est variable de un à sept jours voire
plus dans certains cas. Elle se présente en général sous forme de cellulite ou d’un abcès local.
Elle peut évoluer en nécrose musculaire et se compliquer d’une septicémie, notamment chez
les patients neutropéniques et immunodéficients. Des formes fulminantes avec destruction des
tissus mous accompagnée de crépitation34 et gangrène ont été décrites [52].
31 Protozoaires flagellés, fusiformes, parasites du sang, et agents spécifiques d’un certain nombre de maladies des pays chauds. [3] 32 Dermo-hypodermite infectieuse aiguë streptococcique. [3] 33 Etat fébrile accompagné de symptomes génénraux plus ou moins graves apparaissant chez l’accouchée et dus à une infection à point de départ utérin. [3] 34 Bruit spécial obtenu par la pression sur un emphysème sous-cutané. [3]
75
En présence d’infections, le taux de réussite de la réimplantation chirurgicale peut descendre
en-dessous de 30% [49].
Aeromonas hydrophila
Hirudo medicinalis entretient une relation de symbiose avec de nombreuses bactéries.
Aeromonas est le genre dominant de la flore bactérienne de la sangsue. Depuis 1976, les 3
espèces d’Aeromonas déjà décrites (Aeromonas hydrophila, Aeromonas sobria, et Aeromonas
caviae) ont été subdivisées en quatorze sous-espèces. D’autres agents bactériens responsables
de complications infectieuses après application de sangsues, ont été rapportés dans la
littérature, notamment Serratia marcescens et Vibrio fluvialis [51]. On retrouve également à
la surface des sangsues des faibles quantités de bacilles Gram négatif incluant des
Pseudomonas. Mais leur croissance est totalement inhibée par la présence majoritaire
d’Aeromonas hydrophila au niveau intestinal.
Les Aeromonas sont des bactéries ubiquitaires et vivant dans les eaux douces. Elles sont
également des endosymbiotes du tube digestif de la sangsue.
Aeromonas hydrophila est un bacille à Gram négatif de l’environnement, et anaérobie
facultative. Ce bacille est bien connu en médecine humaine car il provoque des épidémies
dans les parcs d’ostréiculture et des infections chez les véliplanchistes et les pêcheurs,
victimes de tenaces infections cutanées sur des plaies banales. Il sécrète en effet des toxines
cytotoxiques. Cette bactérie a une affinité particulière pour les muscles et est capable de
générer une protéolyse massive de type myonécrose clostridiale35 avec production de gaz. En
outre, elle est capable d’envahir la paroi des vaisseaux sanguins et de générer vascularite,
thrombose, et nécrose hémorragique [50].
Aeromonas hydrophila est indispensable à la sangsue à différents égards. La bactérie secrète
un antibiotique qui prévient la croissance d’autres bactéries. Elle retarde le processus de
putréfaction du sang ingéré par la sangsue, qui peut ainsi le garder en réserve sur de longues
périodes. A. hydrophila secrète aussi des enzymes qui jouent un rôle majeur dans la digestion
de la sangsue. Elle intervient également dans la production de vitamines.
35 Fait référence à Clostridium perfringens, agent de la gangrène gazeuse.
76
Des travaux de recherche pourraient tendre dans l’avenir vers la création d’un génotype
d’Aeromonas moins invasif, qui ne conserverait que les déterminants protéolytiques
indispensables à la sangsue. Ou alors, on pourrait envisager la vaccination de sujets traités par
des sangsues, tout en s’assurant qu’Aeromonas ne soit pas lysée dans l’estomac des sangsues.
Décontamination - prévention - traitement
Des chercheurs [49] ont tenté de décontaminer l’intestin des sangsues, des bactéries,
en les immergeant dans une solution de chlorhexidine aqueuse à 0.02%, ou dans une solution
d’antibiotiques (tétracyclines ou cefoperazone) pendant 12 heures. Mais ces manipulations
suivies de rinçages à l’eau stérile afin d’éliminer toute trace d’antibiotiques ou d’antiseptiques
allergisants, se sont révélées inefficaces quant à la prévention du risque infectieux.
La prévention du risque infectieux, et secondairement le traitement d’une infection à
Aeromonas hydrophila, consistent principalement en une antibioprophylaxie par voie
veineuse avant application des sangsues.
L’incidence élevée des β-lactamases, enzymes conférant leur résistance aux germes
impliqués, exclut l’utilisation des β-lactamines de première et deuxième génération. Des
résistances aux tétracyclines ont été mises en évidence. On a donc recours aux
céphalosporines de troisième génération, aux aminosides, au chloramphénicol, à l’association
dihydropyridines-sulfamide telle que triméthoprine-sulfaméthoxazole, et la céfoxitine. Les
fluoroquinolones peuvent être utilisées, telle que la ciprofloxacine, en association avec ou non
avec un aminoglycoside.
Les patients traités par des sangsues, et présentant des escarres ou des blessures ouvertes
bénéficieront de l’antibiothérapie orale jusqu’à cicatrisation.
Etant donné le pouvoir pathogène d’Aeromonas hydrophila notamment au niveau musculaire,
il convient d’éviter d’appliquer des sangsues sur un muscle blessé, à moins que celui-ci ne
soit sain et soit pourvu d’une bonne circulation artérielle.
Certaines équipes hospitalières dont aucune infection à Aeromonas n’a été décrite ne
prescrivent aucune antibiothérapie. L’utilisation d’une chimioprophylaxie anti-infectieuse
relève d’un consensus propre à chaque équipe médicale.
77
3.4.2. Risque hémorragique
L’utilisation des sangsues peut se compliquer d’une certaine spoliation sanguine,
nécessitant une transfusion. Toutefois il est recommandé d’évaluer l’état général des patients
afin d’éviter tout risque d’anémie.
La sangsue aspire peu de sang, en moyenne 5 mL de sang, pendant 20 à 30 minutes. Mais la
blessure peut continuer de saigner dix heures après, de part l’anticoagulant secrété par
l’animal, l’hirudine. 150 mL de sang peuvent alors avoir été ponctionnés.
En 1819, A. White rendit compte du cas tragique d’une fillette de deux ans, décédée des
suites de la perte sanguine occasionnée par une unique sangsue [53]. Des décès similaires
furent décrits tout au long du XIXe siècle. Actuellement le patient sous sangsue subit un
contrôle de sa pression artérielle, ce qui écarte le risque potentiel de déplétion sanguine aiguë.
Il est également recommandé de procéder à un bilan journalier des constantes sanguines
(notamment la concentration en hémoglobine), particulièrement chez les jeunes enfants
soumis à une pose de sangsues.
Il existe également un risque indirect lié à l’acte de transfusion bien que minimisé par les
mesures de vigilance réglementant les centres de transfusion. L’accident suite à la transfusion
d’une poche de sang ABO incompatible est le risque majeur, suivi du risque infectieux
notamment lié à une manœuvre à risque (transfusion d’un sang contaminé etc.).
78
3.4.3. Impact psychologique [54]
L’impact psychologique chez les patients traités par des sangsues est très important et
peut influencer sur la réussite de la chirurgie réalisée. Chez certains patients, la seule pensée
des vers provoquent un profond sentiment de dégoût. L’application de sangsues chez un sujet
malade et émotionnellement fragilisé par un traumatisme peut être perçue comme une
violation de l’intégrité physique et psychologique. La sangsue est alors assimilée à un
« envahisseur ».
De nombreux patients décrivent l’angoisse liée à l’imagination de la pénétration possible de la
sangsues par leurs orifices naturels. Un sentiment d’impuissance face aux sangsues peut vite
dégénérer en désespoir et idées suicidaires. Le stress lié à l’application de sangsues peut
exacerber une dépression existante, souvent observée dans les traumatismes nécessitant
l’emploi des sangsues. Une consultation psychiatrique peut être utile, particulièrement dans
les cas d’antécédents de maladie mentale ou de troubles psychiatriques sous-jacents. Un
traitement pharmacologique peut également être envisagé pour prévenir les risques de
psychoses.
Les manifestations émotionnelles les plus fréquentes sont un sentiment d’impuissance, et des
fabulations. Mais de l’anxiété, une hypervigilance, des pensées obsessionnelles, des
comportements compulsifs, des hallucinations et des dysphories36 ont été décrits.
Il a été rapporté des attaques de panique chez une patiente traitée par des sangsues à la suite
d’un scalp provoqué par un accident en milieu industriel [54]. Cette jeune femme de 35 ans
souffrait, depuis l’application des sangsues, de crises soudaines avec hyperventilation,
diaphorèse37, constriction thoracique, suivies d’épisodes paranoïdes et de cauchemars. Elle
refusa dès lors toute application de sangsues, craignant que ces dernières « s’égarent » ou
« dévorent sa peau saine ». L’équipe médicale lui expliqua que le recours aux sangsues
permettait d’éviter de la chirurgie supplémentaire. Un miroir afin d’observer le déplacement
des sangsues, ainsi que 2 mg d’halopéridol toutes les deux heures eurent raison de l’angoisse
de la patiente.
36 Instabilité de l’humeur, avec malaises, anxiété et souvent réactions coléreuses. [3] 37 Transpirations, sueurs abondantes. [3]
79
La revascularisation du scalp fut un succès et la médication par les psychotropes fut
rapidement stoppée. Ce cas clinique démontre l’intérêt du dialogue médical indispensable au
bon déroulement de la guérison.
Les patients peuvent développer une résistance aux traitements chirurgicaux. En proie à leurs
angoisses, ils deviennent psychologiquement vulnérables. Il s’en suit un défaut du processus
de cicatrisation qui compromet le pronostic de guérison de leur blessure. L’équipe médicale
se doit d’expliquer aux patients l’utilité d’une telle technique à l’aspect si effrayant, en
discuter les attentes thérapeutiques, et encourager les patients à exprimer leurs réserves sur
l’emploi des sangsues.
La vigilance des médecins à ce sujet permet de détecter des perturbations émotionnelles et
ainsi d’en minimiser les effets indésirables.
3.4.4. Autres complications
Des réactions d’hypersensibilité ont été décrites.
Des cas d’"égarement" de sangsues à l’intérieur de l’organisme des patients traités, dans des
cavités parfois inaccessibles, ont été rapportés, notamment au niveau de la trachée,
l’œsophage, l’anus, l’urètre et le vagin. Des précautions d’emploi adéquates, ainsi que
l’utilisation à bon escient des sangsues, réduisent ce risque. La pénétration des sangsues dans
les cavités naturelles demeure exceptionnelle [50].
80
3.5. Contre-indications et précaution d’emploi
L’utilisation des sangsues est contre-indiquée dans les cas suivants :
Chez les patients sous anticoagulants ou antiagrégants plaquettaires, ou présentant une
anémie sévère ou un problème hémorragique (hémophilie, risque hémorragique). Le
risque principal chez les patients atteints d’un trouble de l’hémostase, est
l’hémorragie, la sangsue rendant le sang incoagulable.
Chez les patients présentant un déficit immunitaire grave, du fait du risque infectieux.
Chez tout patient présentant un état cachectique.
Chez toute personne opposée aux transfusions sanguines (Témoins de Jehovah, ou
autres groupes religieux).
En cas d’antécédent d’allergie suite à une exposition directe à la sangsue ou à ses
protéines.
En cas d’incapacité psychologique à accepter la thérapie par les sangsues.
Il faut également utiliser les sangsues avec précaution chez les patients atteints de
troubles hépatiques, car ceux-ci peuvent présenter des anomalies dans la synthèse
hépatique des facteurs de la coagulation. Ces patients seront donc susceptibles de
présenter une hémorragie lors d’une application de sangsue.
81
3.6. Analyse clinique du rapport bénéfice/risque dans l’emploi médical des
sangsues
De Chalain et ses collaborateurs canadiens ont exploré le rapport bénéfice/risque dans
l’utilisation médicale des sangsues [50]. Ils ont réalisé une étude rétrospective en analysant les
données fournies par les hôpitaux affiliés à l’Université Emory d’Atlanta (Georgie, Etats-
Unis) couvrant 1998 à 1993. Ils ont de plus analysés tous les rapports sur l’utilisation des
sangsues dans ces hôpitaux publiés durant la période 1960-1994. Toutefois les échantillons
étudiés restant faibles, une analyse statistique rigoureuse n’a pas pu être possible.
Ces études ont estimé à 70-80% le taux de succès de réimplantation des tissus à l’aide de
sangsues. Le taux des infections nosocomiales associées à ce même échantillon de patients,
est compris entre 7 et 20%. Le taux de succès de la prise du greffon, en cas d’infections
cliniquement déclarées associées chute dès lors de 70% à 30% voire moins.
Ces études tendent à suggérer que l’utilisation des sangsues en vue de soulager une
insuffisance veineuse, est devenue une pratique bien implantée dans le paysage médical. Les
sangsues ne peuvent en aucun cas se substituer à l’acte chirurgical, ni compenser des erreurs
techniques telles qu’une anastomose insuffisante, une torsion d’un pédicule ou la réalisation
d’un canal sous-cutané excessivement étroit, et aboutissant à l’asphyxie des tissus
réimplantés.
Les indications et les contre-indications de l’application des sangsues sont clairement
définies. Et les risques encourus sont pleinement identifiés. Des protocoles concernent la
manipulation des sangsues, et la prévention des infections par le biais de l’antibioprophylaxie.
Chaque fois qu’une procédure chirurgicale nécessite le besoin d’application de sangsues, le
médecin doit y recourir dans les plus brefs délais. L’option sangsue doit préférentiellement
être engagée plus tôt que plus tard.
Une analyse du rapport bénéfice/risque doit être effectuée pour chaque patient. Si le risque
potentiel s’avère trop important, la thérapie par les sangsues doit être automatiquement
écartée sans hésitation aucune.
82
Un muscle sévèrement blessé au niveau de la zone de réimplantation, et donc sujet à des
troubles du drainage veineux est un facteur de risque majeur dans l’instauration d’une
myonécrose infectieuse.
Le principe de base « primum non nocere 38» se doit d’être appliqué dans tous les cas.
38 Locution latine « D’abord ne pas être nuisible » qui est le précepte fondamental d’Hippocrate (460-377 av. J.C) et qui est depuis la maxime des médecins.
83
4. En extrait
4.1. Préparation
L’extrait de sangsue est préparé industriellement en deux étapes :
Obtention d’une poudre : les sangsues sont mises à dégorger dans une solution de
chlorure de sodium à 0.1%, puis elles sont broyées. Le broyat est desséché sous vide à
basse température ou à l’air chaud en vue d’obtenir une poudre , conservée sous vide.
Obtention de l’extrait : La poudre précédemment obtenue est mise à macérer, à froid,
pendant 18 heures. Puis on pratique une filtration et une déprotéinisation par
acidification et chauffage.
La stérilisation est obtenue par tyndallisation39.
Les propriétés chimiques de l’extrait de sangsue ne sont pas dues exclusivement à l’hirudine
mais aux autres substances actives extraites de la salive de la sangsue (cf. tableau 1).
Les utilisations sont limitées à la voie percutanée (Hirucrème®) et à la préparation de souches
homéopathiques.
4.2. Dermatologie
Les laboratoires Roche commercialisent une crème dermique Hirucrème® [55, 56] à base
d’extrait d’Hirudo medicinalis lyophilisé, titré à 500 unités antithrombine.
Composition
- 10 mL d’extrait de sangsue pour 100g de crème
- excipients : Lanoline, glycérol, stéarate de glycol, stéarate d’éthylène de glycol auto-
émulsinnable, laurylsulfate de sodium, diméticone, salicylate de sodium, essence de lavande,
parahydroxybenzoates de méthyle, d’éthyle et de propyle, eau purifiée.
Indications
39 Procédé de stérilisation qui consiste à porter plusieurs fois de suite, à vingt-quatre heures d’intervalle, une substance fermentescible (milieu de culture) à une température de 58°C (parfois 80°C à 100°C). Les micro-organismes sont détruits mais la composition chimique du milieu n’est pas altéré. [3]
84
Ce médicament est préconisé :
- dans le traitement des manifestations fonctionnelles de l’insuffisance veineuse chronique et
de ses complications inflammatoires (hypodermites inflammatoires),
- dans le traitement des manifestations veineuses inflammatoires aiguës (phlébites
superficielles, incidents de perfusion, et suite de sclérose),
- et dans le traitement symptomatique des manifestations douloureuses et prurigineuses
anales, en particulier dans la crise hémorroïdaire.
Posologie
Elle consiste à déposer une noisette de crème, deux à trois fois par jour, sur la région à
traiter, et de la faire pénétrer par des massages légers.
Dans le cas des hémorroïdes, on réalisera une application matin et soir, avec un massage léger
et on introduira au doigt, une petite quantité de crème dans le canal rectal.
Précautions d’emploi et mises en gardes
Il est contre-indiqué d’appliquer la crème directement sur des plaies ulcérées.
Le traitement de la crise hémorroïdaire doit rester de courte durée, et ne doit pas dispenser du
traitement spécifique de la maladie anale. Si les symptômes ne cèdent pas rapidement, le
traitement doit être interrompu et un examen proctologique doit être envisagé.
Le produit contient de la lanoline, qui est un excipient à effet notoire pouvant entraîner une
allergie de contact à type d’eczéma. Il convient donc de prendre en compte toute
hypersensibilité à la lanoline.
Pharmacodynamie
On met à profit dans cette spécialité les activités anticoagulante, anti-inflammatoire et
anti-exsudative de l’extrait de sangsue.
Chez des adultes volontaires sains, on a démontré une efficacité d’Hirucrème® sur la
résorption de la papule post-injection de sérum physiologique, et sur la résorption des
hématomes provoqués par application d’une ventouse à dépression.
Pharmacocinétique
Malgré l’absence de preuve formelle de la résorption transcutanée de l’hirudine, on
observe après administration chez l’animal, un allongement du temps de saignement et du
temps de coagulation. Chez l’homme, on a pu détecter de l’hirudine dans le tissu sous-cutané.
85
Conservation
Hirucrème® se conserve à une température comprise entre +2°C et +8°C.
Législation
Ce produit n’est pas listé, et est inscrit sur la liste des médicaments dont la prescription est
autorisée par les sage-femmes.
Sa mise sur le marché date de 1974.
Le service médical rendu (SMR) est jugé de niveau insuffisant.
Le remboursement par la sécurité sociale est de 35%.
86
4.3. Cosmétologie
Les laboratoires BIORICA ont été créés par RICARIMPEX, en 1994, afin de développer
des produits cosmétiques à base de sangsue [33].
La gamme de produits met en exergue différentes vertus de la salive de sangsue, telles que
des propriétés vasodilatatrices, antiradicalaires et hydratantes. Elle se décline en une trentaine
de produits pour le visage et le corps. Rides, taches, rougeurs, jambes lourdes, mains abîmées,
démangeaisons, stress et anxiété sont ainsi l’apanage de la sangsue cosmétique!
Le réseau de diffusion de cette gamme cosmétique est toutefois réservée aux officines, les
pharmaciens étant considérés, de par leur formation, comme des connaisseurs des sangsues, et
donc aptes à délivrer des conseils avisés en la matière…
BIORICA a réalisé 60% de son chiffre d’affaire en France en 2004, et exporte vers
l’Allemagne, l’Espagne, et le marché asiatique Singapour, Hong-Kong, et la Chine. La
sangsue cosmétique devrait très prochainement étendre son territoire, avec l’ouverture de
nouveaux marchés au Japon, Taiwan, le Canada et L’Italie.
4.4. Homéopathie
Hirudo medicinalis est répertoriée comme remède homéopathique, mais ses applications
sont limitées actuellement.
L’homéopathie est une médecine qui repose sur les principes synthétisés par Samuel
Hahnemann (1755-1843), dont l’infinitésimalité, la similitude : « Le semblable soigne le
semblable », et la globalité. Ainsi à doses homéopathiques, la sangsue qui « fait saigner »,
stoppe le saignement. Il en résulte l’emploi de faibles dilutions afin d’obtenir une activité
coagulante. L’inversion d’action se produit seulement à des dilutions supérieures à 7CH. Au-
delà, le risque d’aggravation dans les syndromes hémorragiques est réel et donc à proscrire.
Partie utilisée
On utilise l’animal entier. La souche est nommée Sanguisuga officinalis.
87
Indications
- Hémorragies : hypocoagulabilité sanguine, thrombopénie (hémorragies gingivales,
ulcération saignante de la luette40 et du voile du palais, crachats hémoptoïques, épistaxis,
saignements hémorroïdaires, purpura, pétéchies, ecchymoses spontanées)
- Autres indications : précordialgies41 améliorées en se redressant, arythmie, nausées,
intolérance aux matières grasses, faiblesse le matin, soif, diarrhées, hémorroïdes, mains et
pieds froids.
40 Appendice conique, médian et vertical du voile du palais. 41 Nom donné à toutes les douleurs de la région située devant le cœur.
88
89
II. Hirudines
90
91
1. L’hirudine
Les propriétés anticoagulantes de la salive de la sangsue médicinale ont été décrites en
1884 par John B. Haycraft, professeur de physiologie à l’Université de Wales. L’hirudine a
été le premier anticoagulant naturel décrit dans le monde, 30 ans avant la découverte de
l’héparine.
L’hirudine est le plus puissant inhibiteur de la thrombine à ce jour.
1.1. Structure
Ce n’est qu’en 1955 que les travaux de Fritz Markwardt permirent d’isoler la protéine.
Puis, la séquence des acides aminés et la structure biochimique de l’hirudine naturelle ont pu
être caractérisées et son gène cloné.
L’hirudine [57] est un polypeptide de 65 acides aminés et de poids moléculaire de 7000
daltons. Les acides aminés de l’extrémité N-terminale sont hydrophobes, et constituent une
région centrale (acides aminés 1-39) stabilisée par trois ponts disulfure. L’extrémité C-
terminale (acides aminés 40-65) est caractérisée par la présence de diacides aminés, et est très
importante pour la liaison de l’hirudine au site de reconnaissance de la thrombine.
L’hirudine naturelle est caractérisée par la présence d’un groupement sulfate sur la tyrosine 63
(fig. 22).
Certains travaux ultérieurs ont mis en évidence l’existence de plusieurs variants de l’hirudine
naturelle, générés par la sangsue. Ces variants diffèrent en terme de séquence en acides
aminés, mais ils possèdent une activité biologique comparable.
1.2. Activité biologique – Pharmacocinétique
L’hirudine naturelle et ses variants sont des inhibiteurs puissants et spécifiques de la
thrombine, avec laquelle ils forment un complexe stoechiométrique (1:1), non covalent mais
stable. Ce complexe est quasi irréversible du fait de la très grande affinité de l’hirudine, ce qui
explique l’importance du risque hémorragique observé.
92
PLANCHE 5
Figure 22 : Structure primaire de l’hirudine naturelle montrant l’emplacement des trois ponts disulfure
Cys6-Cys14, Cys16-Cys28, Cys22-Cys39. Source : [58]
93
La demi-vie de l’hirudine est courte, de l’ordre de 8 à 12 minutes par voie intra-veineuse
directe. L’élimination se fait par voie rénale, ce qui nécessite une adaptation posologique chez
l’insuffisant rénal. De structure chimique totalement différente des héparines, l’hirudine
n’expose à aucun risque de réactivité croisée en cas de thrombocytopénie induite par
l’héparine (TIH).
1.3. Interaction avec la thrombine
La thrombine est une, si ce n’est « la » cible à inhiber en pathologie thrombotique.
L’hirudine, ainsi que les hirudines recombinantes, puissants inhibiteurs directs de la
thrombine, apparaissent comme des agents efficaces pour y parvenir.
1.3.1. La thrombine [59-60]
1.3.1.1. Définition des processus de l’hémostase
L’hémostase est la résultante de l’interaction dynamique entre la paroi vasculaire, les
plaquettes, le système de la coagulation, et le système de la fibrinolyse. L’hémostase
comprend classiquement trois phases, l’hémostase primaire aboutissant à la formation du clou
plaquettaire, la coagulation conduisant à la formation du caillot fibrineux, et la fibrinolyse
permettant d’éliminer les dépôts fibrineux.
La thrombine est produite au terme d’une cascade de réactions enzymatiques, induites par une
lésion vasculaire permettant l’activation des différents facteurs de la coagulation (tableau II).
La coagulation englobe l’ensemble des mécanismes permettant la prévention des saignements
spontanés, mais aussi l’oblitération localisée, rapide et non extensive des brèches vasculaires.
La coagulation est initiée par deux systèmes (fig. 23) :
le système extrinsèque déclenchée par les facteurs tissulaires libérés par les tissus
lésés,
et le système intrinsèque amorcé par le contact des facteurs sanguins de coagulation
avec les fibres de collagène de la paroi des vaisseaux.
94
Ces deux systèmes activent le facteur X, lequel associé à la prothrombinase, formée par la
complexation des facteurs Xa et Va, et de calcium à la surface des phospholipides
plaquettaires PF3, entraîne la transformation de la prothrombine en thrombine.
1.3.1.2. Place de la thrombine dans les phénomènes de l’hémostase (fig.23)
La thrombine, ou facteur II activé (IIa), est une enzyme protéolytique physiologique
de la famille des sérine-protéases. Elle résulte de la transformation de la prothrombine
(facteur II), glycoprotéine synthétisée par le foie.
La thrombine convertit le fibrinogène (facteur I) en monomères de fibrine insolubles et de
fibrinopeptides A et B. Les monomères de fibrine se polymérisent spontanément, ce qui
conduit à la formation du thrombus42.
1.3.1.3. Rôle central de la thrombine dans la régulation de la coagulation
La thrombine intervient à plusieurs niveaux du processus de la coagulation :
amplification du temps plaquettaire : la thrombine induit le recrutement, la
sécrétion, et l’agrégation plaquettaire.
rétro-contrôle positif sur la coagulation : la thrombine est un agent essentiel de la
formation du complexe prothrombinase par rétro-activation des facteurs V et VIII.
Elle induit alors sa propre production.
stabilisation du thrombus : la thrombine stabilise le thrombus, en activant en
présence de calcium le facteur stabilisant la fibrine, ou facteur XIII.
contrôle négatif de la coagulation : la thrombine stimule à la fois sa production et
son inactivation, en agissant sur les mécanismes physiologiques inhibiteurs de la
coagulation. Elle active la protéine C, qui en présence de protéine S, de calcium et de
phospholipides, inactive les facteurs Va et VIIIa. Il en résulte une perte de l’activité
coagulante de la thrombine.
effets sur la fibrinolyse : la thrombine initie la fibrinolyse endogène. Elle induit la
lyse du thrombus par génération de plasmine via l’activateur tissulaire du
plasminogène (t-PA), et module cette lyse via l’inhibiteur de l’activateur du
plasminogène (PAI-1).
42 Masse sanguine coagulée in situ dans le cœur ou dans un vaisseau où elle détermine une thrombose. [3]
95
Libération de facteurs tissulaires (FT) Contact du sang avec une surface non-endothélialisée
X
XI XIa
VIII
IXa
Ca++
IX
PF3
XII XIIa
Va
Xa
Ca++ PL
VIIa—FT
Prothrombine (II) Thrombine (IIa)
Fibrinogène Fibrine
Voie extrinsèque Voie intrinsèque
Figure 23 : Schéma simplifié de la coagulation : les deux voies d’activation. [59]
Tableau II : Nomenclature des protéines de la coagulation, d’après [59].
FACTEURS NOMS USUELS
I Fibrinogène
II Prothrombine
V Proaccélérine
VII Proconvertine
VIII Anti-Hémoph. A
IX Anti-Hémoph. B
X Stuart
XI Rosenthal
XII Prékallicréine
XIII Facteur stabilisant la fibrine
96
La frontière entre hémostase et thrombose est ainsi très dépendante de l’équilibre entre les
mécanismes pro- et anticoagulants contrôlés par la thrombine.
En résumé, la thrombine, en particulier liée au thrombus ou à la matrice sous-
endothéliale, et donc agissant localement, est responsable de la constitution et du
développement du thrombus : d’une part en formant, puis en stabilisant le réseau de fibrine,
d’autre part en recrutant des plaquettes.
Elle intervient dans les différents mécanismes qui contrôlent sa propre synthèse en les
amplifiant, mais en les limitant simultanément en agissant sur les mécanismes régulateurs
plasmatiques et endothéliaux.
La thrombine joue donc un rôle-clé dans l’établissement d’une balance complexe entre
les événements prothrombotiques initiaux et les événements anticoagulants secondaires visant
à stabiliser ou limiter le processus thrombotique.
1.3.2. Interaction hirudine-thrombine
La thrombine possède plusieurs domaines fonctionnels lui permettant de se fixer sur
ses substrats :
Le site catalytique, ou site actif de l’enzyme, indispensable à l’action de la thrombine
dans la formation du thrombus.
Le site de reconnaissance des substrats ou exosite de liaison anionique 1 : il est chargé
positivement. Il est responsable de la liaison de la thrombine au fibrinogène, à la
fibrine, aux facteurs V, VIII et XIII.
L’exosite de liaison anionique 2 impliqué dans la liaison de la thrombine avec
l’antithrombine III (AT III, inhibiteur polyvalent de sérine protéases) et avec
l’héparine.
Le site de liaison apolaire ; il s’agit d’une poche hydrophobe.
L’activité anti-thrombinique de l’hirudine dépend strictement de la présence et de l’intégrité
de la structure tertiaire de la molécule et nécessite la connexion correcte des trois ponts
disulfure.
La thrombine lie l’hirudine en trois sites (fig. 24). Mais il existe de nombreux autres contacts
entre les deux molécules rendant cette interaction spécifique.
97
L’extrémité C-terminale anionique de l’hirudine se lie spécifiquement au site de
reconnaissance des substrats. Cette interaction inhibe la liaison de la thrombine avec le
fibrinogène, la thrombomoduline, et le facteur XIII. (fig. 24)
La région centrale hydrophobe N-terminale de l’hirudine occupe sélectivement la
région du site actif de la thrombine opposée au sillon de liaison du fibrinogène, et le
site de liaison apolaire. L’accès de substrats naturels et synthétiques au site catalytique
de la thrombine est bloqué. (fig. 24)
Figure 24 : Sites d’interaction de la thrombine avec l’hirudine. Source : [58]
L’interaction hirudine-thrombine se fait en deux temps :
1) Dans un premier temps, l’extrémité C-terminale de l’hirudine bloque le site de liaison
du fibrinogène
2) Puis son extrémité N-terminale bloque le site catalytique inhibant ainsi l’activité
enzymatique de la thrombine.
98
1.4. Effets biologiques
L’hirudine empêche la transformation du fibrinogène en fibrine.
L’hirudine inhibe l’activation des facteurs V, VIII, et XIII.
L’hirudine prévient l’amplification de la production de thrombine en bloquant le rétro-
contrôle positif exercé par la thrombine sur elle-même.
L’hirudine bloque le recrutement, la sécrétion, et l’agrégation des plaquettes induits
par la thrombine.
L’hirudine inhibe la synthèse et la libération de certains médiateurs induites par la
thrombine.
L’hirudine inhibe la liaison de la thrombine avec la thrombomoduline, ce qui réduit
l’activité de la protéine C.
1.5. Interaction avec la thrombine liée au thrombus
Le thrombus sert de réservoir à la thrombine. Elle y est protégée des protéines inhibitrices
telle que l’antithrombine III de taille trop importante pour pouvoir y pénétrer. La thrombine
piégée est toujours active et est susceptible de diffuser spontanément, ou bien d’être libérée
lors de la lyse du caillot.
Au cours d’une thrombolyse thérapeutique, il y a relargage de thrombine incorporée, source
potentielle de re-thrombose.
L’héparine, anti-coagulant majeur qui agit par l’intermédiaire de l’antithrombine III, ne peut
accéder à la thrombine liée au thrombus.
A l’inverse, les inhibiteurs directs de la thrombine telle que l’hirudine, sont capables d’inhiber
la thrombine liée, et ainsi de prévenir tout risque de re-thrombose.
L’hirudine possède une activité moins limitée que l’héparine, en inhibant la thrombine,
qu’elle soit libre ou liée.
99
1.6. Mesure de l’activité anticoagulante
L’hirudine étant un inhibiteur spécifique de la thrombine, c’est-à-dire sans action
inhibitrice directe sur d’autres sérines-protéases, la mesure spécifique de son activité
anticoagulante repose sur des tests fondés sur l’action de la thrombine.
La puissance de l’hirudine est exprimée en terme d’activité anticoagulante, en unité
antithrombine (UAT).
Une UAT est la quantité d’hirudine qui neutralise une unité de thrombine à 37°C.
Cette mesure de l’activité anticoagulante de l’hirudine, par la mesure du temps de coagulation
de la thrombine, est fondée sur le fait essentiel qu’une molécule d’hirudine interagit avec une
molécule de thrombine par une réaction rapide et spécifique.
L’effet anticoagulant de l’hirudine se traduit par son retentissement sur les tests usuels de
laboratoire, que la coagulation soit induite par la voie intrinsèque (temps de céphaline
activée43, TCA), ou extrinsèque (temps de Quick44, TQ). Le test le plus sensible permettant
d’évaluer l’activité anticoagulante de l’hirudine est le temps de thrombine (TT), mais sa
sensibilité est trop grande pour des concentrations élevées en hirudine. (Tableau3)
Tableau III : Les facteurs de la coagulation explorés par les différents tests, d’après [59]
TESTS FACTEURS DE COAGULATION EXPLORES
TCA XII, XI, KHPM, PK, X, IX, VIII, V, II, Fibrinogène TQ X, VII, V, II, Fibrinogène TT Fibrinogène
Le TCA est un test global qui a l’avantage de mesurer l’ensemble de l’action inhibitrice de l’hirudine,
y compris celle sur le rétro-contrôle exercé par la thrombine.
Le TCA est donc le test le plus pertinent pour la surveillance pharmacologique de l’hirudine.
43 C’est le temps de coagulation à 37°C d’un plasma citraté en présence des phospholipides plaquettaires (la céphaline), de Ca++, et d’un activateur de la phase contact (silice, kaolin…). Il est normalement de 65 à 85 secondes. [3] 44 C’est le temps de coagulation à 37°C d’un plasma citraté en présence de thromboplastine tissulaire et de calcium. N=70à100%. [3]
100
1.7. Avantages et inconvénients des hirudines par rapport aux héparines [61]
Bien que l’héparine soit actuellement l’agent le plus utilisé pour le traitement des troubles
médicaux associés à un risque thrombotique, elle présente certaines limites. Quelles sont ces
différences entre hirudines et héparines qui tendraient à faire des hirudines des meilleurs
agents thrombolytiques mais plus dangereux?
1.7.1. Avantages potentiels
Les hirudines sont obtenues par génie génétique et non à partir de préparations
animales.
Elles sont constituées d’une chaîne polypeptidique bien définie, et non d’un mélange
de chaînes polysaccharidiques de différentes longueurs.
Les hirudines sont faiblement liées aux protéines plasmatiques, et leur effet biologique
est donc moins sujet à des variations inter-individuelles.
La demi-vie plasmatique des hirudines est brève, ce qui permet un maniement plus
facile dans certaines indications thérapeutiques.
Les hirudines ne nécessitent pas la présence de cofacteurs tels que l’antithrombine III
ou le cofacteur II de l’héparine pour exercer leur effet. Les hirudines ont donc un effet
épargneur d’anti-thrombine III., alors que la perfusion d’héparine induit une déplétion
progressive en cet anticoagulant naturel.
Les hirudines peuvent inactiver la thrombine liée au thrombus, comme la thrombine
libre. Les hirudines pourraient représenter des anticoagulants plus efficaces que
l’héparine dans les thromboses artérielles, y compris après angioplastie ou traitement
thrombolytique.
101
Les hirudines n’ont pas d’action directe sur les plaquettes, ni sur les cellules
endothéliales susceptibles de majorer le risque hémorragique, à l’inverse des
héparines.
Les hirudines ne sont ni liées, ni activées par les diverses protéines anti-héparines
telles que la facteur plaquettaire 4 ou l’héparinase libérés par les plaquettes activées.
L’augmentation des concentrations plasmatiques de ces substances chez des patients
souffrant de désordres inflammatoires ou de tumeurs malignes peut générer des
phénomènes de résistance à l’héparine.
1.7.2. Inconvénients des hirudines
Il n’existe pas d’antidote spécifique à l’hirudine, ce qui dans un contexte chirurgical
peut apparaître comme un inconvénient.
Un possible risque immunogène existe bien qu’actuellement, il n’est pas été mis en
évidence d’anticorps anti-hirudine chez l’homme, susceptibles d’induire une
thrombopénie par un mécanisme auto-immun. Des études ont permis de détecter des
anticorps chez le mouton [61]. La vigilance par rapport à l’apparition de réactions
auto-immunes doit demeurer constante. Elle s’inscrit dans la politique de
pharmacovigilance, garantissant la sécurité des médicaments après leur mise sur le
marché.
Le risque immunogène est par contre clairement défini avec les héparines. Environ 2%
des patients traités par héparine non fractionnée (HNF) présentent une thrombopénie
avec développement d’anticorps anti-héparine et complications thromboemboliques ou
hémorragiques pouvant être graves [62]. Il s’agit des thrombopénies induites par
l’héparine ou TIH. Ce risque apparaît également avec les héparines de bas poids
moléculaire (HBPM), mais il est moins important. Tout traitement par héparine exige
une numération plaquettaire régulière.
Un risque hémorragique existe en cas de surdosage. Toutefois ce risque est plus faible
qu’avec les héparines, du fait de l’élimination très rapide de l’hirudine. En cas
d’excrétion ralentie, l’hirudine pourrait être efficacement éliminée par hémodialyse.
102
L’innocuité de l’hirudine reste à établir. Ainsi pour des raisons d’éthique, cet
anticoagulant devra être réservé aux cas d’intolérance ou d’inefficacité vis à vis des héparines.
103
2. Application : les hirudines recombinantes
(hirudines-r)
La sangsue médicinale ne synthétise que de très faibles quantités d’hirudine (60 µg par
tête) très insuffisantes pour l’usage clinique et la recherche. Par conséquent, les chercheurs eu
recours à la biotechnologie. Le clonage des gènes en vue d’obtention d’ADN recombinant a
révélé tout son intérêt dans la production pharmaceutique à grande échelle des hirudines
recombinantes.
Les récentes avancées en matière de génie génétique ont ainsi permis l’expression
d’hirudines-r [63, 64] dans les systèmes eucaryotes et procaryotes. Plusieurs hirudines-r ont
ainsi été mises au point à partir d’Escherichia coli, de Bacillus subtilis, ou de levures
génétiquement modifiées, dont Saccharomyces qui permet d’obtenir un meilleur rendement.
Ces hirudines-r ont des caractéristiques et des propriétés physico-chimiques très proches de
celles de l’hirudine naturelle. Comme l’hirudine naturelle, elles préviennent la transformation
du fibrinogène en fibrine et l’activation plaquettaire induite par la thrombine, en formant un
complexe enzymatique thrombine-hirubines-r non-covalent, étroit, et très stable.
Seulement deux d’entre elles ont obtenues une autorisation de mise sur le marché (AMM) et
dans des indications très particulières. Il s’agit de la désirudine (Revasc®) [55, 58, 62] et la
lépirudine (Refludan®) [55, 65]. Leur utilisation est réservée au secteur hospitalier.
Figure 25 : Structure des hirudines recombinantes : A, désirudine ; B, lépirudine. Source : [58]
A B
104
2.1. Caractéristiques pharmaceutiques
2.1.1. La désirudine
La désirudine est une désulfato-hirudine analogue de l’hirudine naturelle, ayant pour
indication officielle la prévention des complications thromboemboliques après chirurgie
orthopédique.
Il s’agit d’une hirudine-r, obtenue par expression et sécrétion à partir d’une lignée de levure
Saccharomyces cerevisiae, dans laquelle a été introduit un plasmide45 contenant un gène
d’hirudine synthétisé chimiquement.
La désirudine est une mono-chaîne polypeptidique constituée de 65 acides aminés et de 3
ponts disulfure. Sa structure diffère de l’hirudine naturelle par l’absence du groupement
sulfaté sur la tyrosine en position 63 (fig. 25A).
2.1.2. La lépirudine
La lépirudine est également obtenue par sécrétion à partir de levures Saccharomyces
cerevisiae, modifiées génétiquement.
La lépirudine diffère uniquement de la désirudine par les deux premiers acides-aminés de la
chaîne N-terminale (fig. 25B).
2.2. Indications – posologie
2.2.1. La désirudine
La désirudine a reçu une AMM européenne pour la prévention des thromboses
veineuses profondes après chirurgie orthopédique programmée (prothèse de la hanche ou du
genou).
45 Minuscule élément génétique présent dans certaines bactéries, constitué d’acide desoxyribonucléique et porteurs de gènes. [3]
105
Le traitement par désirudine doit être initié sous le contrôle d’un médecin ayant une
expérience dans les troubles de la coagulation. Il doit être prescrit par voie sous-cutanée (une
injection de 15 mg, 2 fois par jour), la première injection de désirudine doit avoir lieu 5 à 15
min avant le début de l’intervention chirurgicale, mais toujours après la mise en place d’un
cathéter lombaire en cas d’anesthésie loco-régionale. Ce traitement doit être poursuivi en
période post-opératoire pendant 9 à 12 jours maximum, ou jusqu’à déambulation complète du
patient (maximum 12 jours).
Une surveillance accrue du TCA est préconisée chez des patients à risque hémorragique
accru. Après injection sous-cutanée de désirudine à la dose recommandée, le TCA mesuré au
pic d’activité est allongé d’environ 1,4 fois par rapport à la valeur initiale.
2.2.2. La lépirudine
La lépirudine a obtenu une AMM européenne pour le traitement des
thrombocytopénies induites par l’héparine accompagnées d’une manifestation
thromboembolique évolutive [66, 67].
La TIH est une complication rare mais grave de l’héparinothérapie. Elle peut être à l’origine
de maladies thromboemboliques veineuses, mais surtout artérielles et potentiellement létales.
Le traitement par héparine doit être immédiatement stoppé. L’hirudine–r constitue un
traitement substitutif de choix.
La posologie requise est de 0,15 mg/kg/h en perfusion intraveineuse continue après un bolus
initial de 0,4 mg/kg. La posologie est ensuite adaptée sur le TCA. Le TCA doit être maintenu
entre 1,5 et 2,5 fois le temps témoin. La durée du traitement est de deux à dix jours. Puis le
relais peut être pris par les anticoagulants oraux.
2.2.3. Indications potentielles
Des indications potentielles [68] de l’hirudine ont été décrites. On sélectionnera de
préférence les pathologies où :
- la thrombine joue un rôle prépondérant,
- les héparines n’offrent pas de rapport bénéfice/risque satisfaisant.
106
L’hirudine pourrait être prochainement proposée :
Dans le traitement aigu de l’infarctus du myocarde en association aux
thrombolytiques.
Dans les circulations extra-corporelles et l’hémodialyse, en tant qu’anticoagulant.
Dans l’angioplastie coronaire afin de prévenir les occlusions aiguës peropératoires.
Dans le traitement de la phase aiguë de l’angor instable, alors que l’héparine est peu
efficace.
Dans les coagulations intravasculaires disséminées (CIVD). L’hirudine serait capable
de prévenir les thromboses veineuses ou artérielles et diminueraient la consommation
du fibrinogène et des plaquettes.
2.3. Contre-indications
Les hirudines-r sont contre-indiquées chez la femme enceinte.
Il a été établi une tératogénécité de la désirudine chez le rat et le lapin à des doses proches
des doses utilisées en médecine humaine. Un test de grossesse doit être effectué avant
l’administration de désirudine.
Au cours d’une étude d’embryofoetotoxicité sur la lépirudine, on a observé une réduction
du taux de survie des petits et des mères.
On ne dispose d’aucunes informations sur les effets des hirudines-r pendant l’allaitement.
Par conséquent elles sont proscrites chez la femme allaitant.
Les hirudines-r sont contre-indiquées en cas d’hypertension sévère non contrôlée et/ou
d’endocardite bactérienne subaiguë.
Les autres contre-indications des hirudines-r sont comparables à celles des HBPM :
insuffisance rénale et/ou hépatique sévère, hémorragies ou troubles de la coagulation.
107
2.4. Interactions médicamenteuses
Tout traitement pouvant augmenter le risque hémorragique (traitement concomitant
par des anticoagulants coumariniques -anti-vitamines K- ou par des thrombolytiques -
rt-PA ou la streptokinase-) devra être interrompu avant d’initier le traitement par
désirudine ou lépirudine.
Comme tous les médicaments intervenant sur la fonction plaquettaire, les hirudines-r
devront être utilisées avec précaution en association avec des médicaments modifiant
la fonction plaquettaire tels que l’aspirine, les dérivés salicylés, les anti-
inflammatoires non stéroïdiens, la ticlopidine (Ticlid®, antiagrégant plaquettaire) et le
clopidogrel (Plavix®, antiagrégant plaquettaire), l’iloprost (Ilomédine®, anti-
ischémique), et les antagonistes des récepteurs GP IIb/IIIa, récepteurs plaquettaires au
fibrinogène et au facteur de Willebrand : l’abciximab (Réopro®), l’eptifibatide
(Integrilin®), le tirofiban (Agrastat®).
2.5. Effets indésirables
Comme avec les autres anticoagulants les effets indésirables les plus fréquents sont d’ordre
hémorragique. Des rares cas d’hémorragie, parfois fatale ont été rapportés. Il n’existe pas
d’antidote connu à l’hirudine alors que l’héparine peut être neutralisée partiellement par la
protamine (Protamine Choay®).
La lépirudine peut être à l’origine de réactions allergiques à type d’anaphylaxie ou de choc.
Des réactions anaphylactiques fatales ont été décrites au cours d’une exposition à la lépirudine
[69]. Avant toute ré-introduction de lépirudine, une autre alternative thérapeutique devra avoir
été envisagée et discutée. Tout traitement par lépirudine devra être initié au sein d’une
structure permettant de traiter un choc anaphylactique.
108
2.6. Pharmacocinétique
Par voie intra-veineuse (IV), l’étude pharmacocinétique des hirudines-r fait
apparaître deux phases :
o Une phase de distribution initiale de 10 à 15 minutes selon les espèces.
o Une phase d’élimination de 40 à 80 minutes.
L’excrétion est essentiellement urinaire.
Par voie sous-cutanée (SC), l’absorption nécessite 4 à 5 heures. Le pic plasmatique
est atteint en 1 à 3 heures. La biodisponibilité de l’hirudine par voie SC varie de 35 à
80%. Afin de maintenir un taux constant d’hirudine, des injections SC toutes les 8
heures doivent être faites. La demi-vie d’élimination est de 20 à 60 minutes.
Cette voie d’administration est appropriée quand on désire maintenir une
concentration sanguine de l’hirudine sur un temps prolongé. C’est le cas de la
désirudine dans la prévention post-opératoire des thromboses veineuses profondes.
Les clairances des hirudines-r ont été trouvées identiques quelle que soit la voie
d’administration, SC ou IV (2 mL/min/kg) et indépendantes des doses administrées.
2.7. Discussion de l’efficacité des hirudines recombinantes
2.7.1. La désirudine
L’AMM de la désirudine repose sur trois essais en aveugle [58]: deux versus héparine non
fractionnée et une versus énoxaparine (Lovenox®, HBPM). Ces trois essais ont étudié
l’efficacité comparée dans la prévention des complications thromboemboliques veineuses
(essentiellement les thromboses veineuses profondes ou TVP), après prothèse totale de
hanche.
Les résultats montrent une supériorité de la désirudine sur la survenue des TVP post-
opératoires, diagnostiquées par phlébographie46 systématique, sans augmentation du risque
hémorragique. Mais la fiabilité de ce résultat est mise en question du fait de l’exclusion d’un
46 Radiographie d’une veine après une injection, dans cette veine, d’un produit opaque aux rayons X ou d’un groupe de veines après injection de ce produit dans l’artère correspondante. [3]
109
nombre important de patients dans la comparaison statistique. Par ailleurs, aucune étude n’a
été réalisée dans le cadre des interventions chirurgicales sur le genou, considérées comme
étant les plus emboligènes.
Le coût particulièrement élevé du traitement (six fois le coût journalier d’un traitement par
HBPM) et l’absence de supériorité démontrée sur des critères cliniques, réservent le
traitement par la désirudine aux malades à haut risque thrombo-embolique et/ou avec des
antécédents de TIH.
2.7.2. La lépirudine
Actuellement la lépirudine est préconisée en deuxième intention dans le traitement curatif
des TIH, uniquement en cas de réaction croisée héparine/danaparoïde (Orgaran®, héparine de
bas poids moléculaire utilisée dans la prise en charge des TIH). La fréquence du risque
hémorragique grave plus important qu’avec le danaparoïde , et une réelle difficulté du suivi
biologique avec le TCA, réserve le traitement par la lépirudine en deuxième intention.
2.8. Perspectives
D’autres études sont menées actuellement en vue d’obtenir de nouvelles hirudines-r. La
bilavirudine, un dérivé semi-synthétique de l’hirudine est à l’étude et pourrait être
commercialisée prochainement [70]. Elle présenterait l’avantage d’une fixation réversible à la
thrombine et d’une demi-vie plus courte permettant d’envisager un risque hémorragique
moindre.
110
111
Conclusion
La sangsue médicinale Hirudo medicinalis, adulée dans le passé, a pendant très
longtemps été considérée comme une panacée. Tout mal semblait une indication à une
application de sangsues.
La fin du XIXe siècle mis un terme à son apogée. Les avancées de la Médecine, les
découvertes sur l’asepsie, ainsi qu’une nouvelle rigueur médicale reléguèrent les sangsues aux
médecines charlatanesques.
Le XXe siècle fit subitement renaître l’intérêt de la sangsue médicinale dans des domaines
très inattendus. Entre innovations médicales et développements cosmétiques, la sangsue a fait
son retour à l’hôpital, en médecine de ville et à l’officine. La sangsue s’avère un outil très
appréciable en microchirugie, où elle favorise la prise des greffons, ainsi qu’en rhumatologie.
De nombreux champs d’application d’Hirudo medicinalis restent encore à explorer. De plus
en plus d’unités de recherche se passionnent pour cet invertébré unique. Des études sont
développées en psychiatrie dans le domaine des antidépresseurs. Des avancées étonnantes
sont réalisées pour la compréhension des mécanismes de régénération des cellules nerveuses.
Et une nouvelle génération d’antibiotiques issus de la salive d’Hirudo medicinalis est à
l’étude.
On parle désormais d’appliquer la sangsue au traitement de la phlébite, de l’hypertension, du
psoriasis, voire même de la maladie de Parkinson, grâce à la dopamine sécrétée par l’animal.
Déjà, chez Ricarimpex, l’unique producteur français de sangsues, plusieurs brevets ont été
déposés.
Sans compter l’ambitieux «projet Hiru 4», lancé l’an dernier par le professeur Latrille avec
l’université de Pampelune [71]. Celui-ci consiste à habiller d’extraits de sangsue les «stents»,
ces cylindres grillagés microscopiques que l’on introduit dans les artères des victimes de
maladies cardiovasculaires, pour en empêcher l’obturation. Hirudo medicinalis se prépare
peut-être à révolutionner le traitement de l’un des fléaux de notre époque stressée.
Un avenir prometteur s’offre à Hirudo medicinalis. Et il se pourrait qu’elle regagne
rapidement sa place sur les étagères des officines…
112
113
ANNEXES
114
115
Annexe 1 Tableau récapitulatif des prescriptions médicamenteuses de Mr. A
Médicament Posologie J0 J1 J2 J3 J4 J5 J6 J7 J8 J9
Lexomil ® 6mg ¼.¼.1/2
Atarax ® 25mg 1.1.2
Inexium ® 40mg 0.0.1
Biprofenid ® 150mg 1.0.1
Fumafer ® 66mg 1.1.1
Fonzylane ® 300mg 1.1.1
Aspegic ® 75mg 0.1.0
Dafalgan ® 500mg 2.2.2
Contramal ® 50mg 1.1.1
Augmentin ® 1g/125mg Perfalgan ® 1g/100mL
1.1.1
perfusion IV
Section du pouce et de
l’index
Séjour en Réanimation
116
Annexe 2 Suivi de l’hémoglobinémie de Mr. A
Suivi biologique de Mr. A
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
JO J1 J2 J3 J4 J5 J6 J7 Date
Hémoglobinémie (g/dL)
CG : culot globulaire.
Section du pouce et de
l’index
20h : 2
sangsues
16h : 2
sangsues
9h : 3
sangsues
16h : 3
sangsues
16h : 3
sangsues
4 CG
2 CG
3 CG
117
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
118
119
FIGURES
Figure 1 : La saignée-manuscrit persan du XVIIe siècle. [14] Figure 2 : Plan de St Gall ou code de l’organisation monastique et cléricale.
Figure 3 : Les modèles de lancettes au cours des siècles.
Figure 4 : Les instruments utilisés pour la pose des sangsues.
Figure 5 : Les ventouses.
Figure 6 : Les Sangsues.
Figure 7 : L’aide-major Broussais soignant des malades pendant les premières
campagnes du Ier Empire. Histoire de la médecine aux armées.
Figure 8 : Aspect dorsal d’Hirudo medicinalis. [29]
Figure 9 : Hirudo medicinalis. [27]
Figure 10 : Ventouse buccale d’Hirudo medicinalis. [24]
Figure 11 : Morsure de sangsue. [29]
Figure 12 : Coupe transversale schématique d’ Hirudo medicinalis au niveau d’un stomite testiculaire. [27]
Figure 13 : Régions antérieure (A) et postérieure (B) du système nerveux d’Hirudo
medicinalis. [27]
Figure 14 : Coupe schématique transversale d’une néphridie d’Hirudo medicinalis montrant ses rapports topographiques avec les systèmes circulatoire et génitaux. [24]
Figure 15 : Appareil génital d’Hirudo medicinalis. [24]
Figure 16 : Cocon d’Hirudo medicinalis.
Figure 17 : Cycle alimentaire de la sangsue. [14]
Figure 18 : Locomotion de la sangsue.
Figure 19 : Apparence pré-opérative et radiographie d’un arrachage du doigt par bague.
[41]
Figure 20 : Application de sangsues 3 jours après réimplantation du pouce de Mr. A.
Figure 21 : Application de quatre sangsues sur les zones typiques de l’articulation du genou. [17]
120
Figure 22 : Structure primaire de l’hirudine naturelle montrant l’emplacement des trois ponts disulfures Cys6-Cys14, Cys16-Cys28, Cys22-Cys39. [58]
Figure 23 : Schéma simplifié de la coagulation : les deux voies d’activation. [59]
Figure 24 : Sites d’interaction de la thrombine avec l’hirudine. [58]
Figure 25 : Structure des hirudines recombinantes : A, désirudine ; B, lépirudine. [58]
TABLEAUX Tableau I : Substances actives présentes dans la salive d’Hirudino medicinalis.
Tableau II : Nomenclature des protéines de la coagulation.
Tableau III : Les facteurs de la coagulation explorés par les différents tests.
121
BIBLIOGRAPHIE
122
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Loi n° 5211-1 du 4 janvier 1994, relative aux dispositifs médicaux. Paris : Dalloz ; 1993.
130
131
TABLE DES MATIERES
132
133
ABREVIATIONS INTRODUCTION PARTIE A : LA SANGSUE
I. HISTORIQUE 1. LA PRATIQUE DE LA SAIGNEE
1.1. DEFINITION DE LA SAIGNEE 1.2. HISTORIQUE 1.3. INSTRUMENTS ET METHODES 1.4. INDICATIONS DE LA SAIGNEE EN 2005
2. L’UTILISATION DES SANGSUES
II. ETUDE ZOOLOGIQUE 1. SYSTEMATIQUE 2. CARACTERES GENERAUX 3. MORPHOLOGIE EXTERNE 4. MORPHOLOGIE INTERNE
4.1. TEGUMENT 4.2. MUSCULATURE 4.3. COELOME 4.4. APPAREIL DIGESTIF 4.5. APPAREIL CIRCULATOIRE 4.6. APPAREIL RESPIRATOIRE 4.7. SYSTEME NERVEUX 4.8. APPAREIL EXCRETEUR 4.9. APPAREIL GENITAL
5. REPRODUCTION ET DEVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE
III. ETUDE ETHOLOGIQUE 1. ECOLOGIE ET REPARTITION GEOGRAPHIQUE 2. COMPORTEMENT ALIMENTAIRE 3. PARTICULARITE DE LA PHYSIOLOGIE SENSORIELLE 4. LOCOMOTION
IV. HIRUDINOCULTURE 1. HISTORIQUE 2. REGLEMENTATION DU COMMERCE DES SANGSUES
PARTIE B : DE SES APPLICATIONS ANCIENNES AUX APPLICATIONS MODERNES
I. L’USAGE DE LA SANGSUE EN NATURE 1. UTILISATION PRATIQUE – MANIPULATION DES SANGSUES 2. PROCEDURE D’ENTRETIEN 3. UTILISATIONS CLINIQUES 4. EN EXTRAIT
134
II. HIRUDINES 1. L’HIRUDINE 2. APPLICATION : HIRUDINES RECOMBINANTES
2.1. CARACTERISTIQUES PHARMACEUTIQUES 2.2. INDICATIONS – POSOLOGIE 2.3. CONTRE-INDICATIONS 2.4. EFFETS INDESIRABLES 2.5. PHARMACOCINETIQUE 2.6. DISCUSSION DE L’EFFICACITE DES HIRUDINES RECOMBINANTES 2.7. PERSPECTIVES
CONCLUSION ANNEXES LISTE DES FIGURES. - LISTE DES TABLEAUX BIBLIOGRAPHIE TABLE DES MATIERES