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    the thing.

    Une prquelle explicative, pour un chef-d'oeuvre qui fonctionne entirement sur l'ide

    d'inconnu? En voil une mauvaise ide !

    "Let's find a shovel"

    Un camp abandonn, gel, partiellement incendi. Les vhicules sabots, un grand cercueil deglace ventr dans l'appentis ouvert aux quatre vents. Des notes, photos et bandes vidonigmatiques. Un homme mort assis devant la radio muette, un rasoir dans une main et desstalactites de sang au poignet. Une crature indescriptible, d'un composite dlirant, au visagehumain presque ddoubl, calcine, l'extrieur. Dans The Thing, c'est tout ce qu'il faut John Carpenter pour voquer les vnements du camp de scientifiques norvgiens, d'o deuxhommes apparemment fous et un chien de traineau ont atteint les lieux de son rcit la

    premire bobine. La force d'vocation de la squence, soutenue par un sens de l'allusion toutlovecraftien (cf la redcouverte du camp de base dans les Montagnes Hallucines) et un

    dcoupage au cordeau, place d'emble ce qui va suivre dans une optique mythologiquecrasante en en dcuplant les dveloppements. Plus tard, deux mate paintings et trois bouts demtal suffisent pour figurer un vaisseau spatial fossile. Sans montrer quoi que soit d'autre quiexplique la nature profonde de la Chose.

    L'incertitude est souvent le prtexte des fanfictions, ces objets btards et la plupart du tempsparfaitement vains qu'on trouve sur des forums internet datant de 2002. Le schma de AlienVS Predator s'est manifestement rpt ici : comme si toute zone de flou ou d'allusion dansune histoire tait une source de frustration insupportable, l'on s'est jet sur l'objet du problme(le camp norvgien pourThe Thing, nagure la salle des trophes de Predator 2) pour enclairer tous les aspects sous un projecteur de mirador. En terme de narration et pluslargement de construction mythologique, l'ide est pour le moins discutable, en cela qu'ellerduit l'univers auquel elle touche en le circonscrivant dans un cercle toujours trop petit pourses potentialits*. Cette mauvaise ide, c'est prcisment celle qui prside cereboot/remake/prquelle (ou n'importe quel terme qui sera la mode le mois prochain pourdsigner cette logique crative de planqus qui fait rage depuis quelques annes Hollywood).

    Des scientifiques norvgiens trouvent un vaisseau spatial enfoui depuis la prhistoire aumilieu de l'Antartique. En tant que pays sous-dvelopp et dpourvu de la technologieadquate (a doit tre a), ils amnent une biologiste amricaine pour analyser son occupant.

    Celui-ci s'avre tre un mtamorphe hostile, qui absorbe les tres vivants pour les imiter etremplacer terme la population endogame. La rsistance pour le confinement de la menaces'organise, dans une chaine d'vnements qui mnera ceux du film de 1982.

    En l'tat il n'y a pas beaucoup dire sur ce The Thing de 2011, pour peu qu'on l'envisageindpendamment de celui de Big John. Un huis-clos fantastique typique de ce qui se faisaitdans les annes 80 et 90, ou un groupe plus ou moins htroclite fait face une entitquelconque qui bien entendu le dcime un par un. Devant cet objet on pense beaucoup ces

    petits mtrages post-Alien, ou mieux aux productions sous-marines d'aprs Abyss, commel'innarrable Leviathan de chez de Laurentiis. Et en effet ce n'est pas un compliment. Et, eneffet, c'est mrit. Globalement, The Thing pourrait tre honorable pour une premire

    ralisation de long pour le cinma, ou pour un DTV luxueux compltement hors de l'ombred'un grand film. Au nombre des qualits du film, une bonne interprtation (pour peu que

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    Winstead ait quelque chose jouer, elle est bien plus qu'un joli visage) et une bonne ide :l'organisme tranger ne pouvant apriori imiter que des matires organiques, la chasse aux

    prothses, boucles d'oreilles et plombages dentaires constitue le meilleur moyen de testerl'humanit de ses petits camarades. Pas une purge complte, mais certainement pas un trs

    bon film non plus, tout au plus un produit de consommation courante sans grande

    personnalit. Les dfauts de son excution, nanmoins, deviennent pires que rdhibitoirestant donn que par nature, ce tlfilm augment est accol l'un des chefs-d'oeuvre ducinma d'horreur (du cinma tout court) aussi cavalirement que lors d'une saillie de chiens derace.

    Car le bt blesse mchamment prcisment aux entournures qu'il tente de gratouilleravantageusement chez l'admirateur de l'original. Et s'appuyer sur le statut de classique dufilm de 1982 pour faire passer le cochon payeur la caisse, mais sans JAMAIS se donner la

    peine de rflchir ce qui fait l'essence dudit classique, ce The Thing passe rapidementd'erron embarrassant, avant (mais sans doute fortuitement) de carrment nier son modle.On se dsole donc devant un jeu des sept erreurs qui revient identifier les cibles d'un autre

    jeu, de massacre celui-ci.

    La plus vidente de ces ngations est bien entendu le rle-titre et clou du spectacle, la Choseelle-mme. Et d'abord le choix systmatique de l'imagerie de synthse, de surcrot de qualit

    plus que moyenne : textures la trane, intgrations hasardeuses et surtout un designquelconque, un comble pour une telle crature et une vritable insulte Rob Bottin. QuandCarpenter faisait tout pour chapper au syndrome du "guy in a suit" pour son monstre, TheThing 2011 se vautre grands dlices dans son quivalent actuel, le machin-en-CGI-on-verra-a--la-post-prod. C'est bien simple, grands renfort de bras cavaleurs, de bestiasses quisautent partout, de surgissements incongrus, de visages factices foutus la va-comme-jte-

    pousse sur des corps zarbis comme dans un Stephen Sommers, la Chose n'est plus l'incroyableprotoplasme agressif de 1982. Elle n'voque au mieux que les ncromorphes de Dead Space.Son comportement et ses manifestations sont d'ailleurs raccord avec cette analogie ; attaquesopportunistes et indpendantes du contexte, comme un prdateur de base, alors que dansl'original (soit seulement trois jours plus tard dans le scenario) le mode opratoire du mmeorganisme consiste n'attaquer que lorsqu'il est seul avec sa proie, ou ne se rvlerqu'accul par le groupe (la ranimation de Norris, le test sanguin). Moins maline, la Chosed'aujourd'hui est aussi nettement moins inquitante. Mais surtout, srement pour relancerrgulirement l'intrt d'un spectateur qu'on a suppos gav de zapping, les squencesd'attaques sont d'un spectaculaire absolument disproportionn : il faut voir la crature bcles'extirper d'un bon de son bloc de glace, et traverser le plafond dans le mme mouvement,

    pour mesurer le point auquel ce projet est ct de la plaque. Tout est de la mme eau, commencer par les pripties obliges par le statut de prquelle, celles qui doiventcorrespondre aux dgts que les protagonistes du film de 1982 vont dcouvrir. La craturecalcine dans la cour se retrouve ainsi justifie par une fusion la va-vite (presque unmorphing!), la hache dans la porte est place l par un prtexte honteux, d'autres actions ne

    bnficiant mme pas de ce traitement expditif pour tre purement et simplement passessous silence. Quant aux survivants qui poursuivent le chien en hlico, l'ensemble de l'actionest relgue en plein gnrique de fin (!), avec un nouveau norvgien qui se pointe en hlicocomme le beau deus ex machina qu'il est. Jamais squence aussi fondamentale (c'est quandmme la raison d'tre du film) n'avait t expdie de la sorte. Belle cohrence.

    Des actions prtextes quand elles ne sont pas strictement fausses dans l'conomie du rcit :Pourquoi diable mettre le vaisseau spatial sous la glace alors que les vidos vues dans

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    l'original montrent sa dcouverte ciel ouvert, puisqu'il est remont suite aux mouvementsmillnaires du permafrost ? Avait-on rellement besoin d'entrer l'intrieur du vaisseau, et dele remettre en route histoire de montrer des installations qu'on jurerait sorties de Cowboys vsAliens ? Encore une fois, adieu mystre, angoisse et inconnu - adieu, donc, toute la paranomtaphysique qui faisait l'intrt de l'original - ne reste qu'un festival d'incohrences pour

    stimuler le neurone esseul. Idem des quelques plans ou scnes qui mulent maladroitementceux de Carpenter, comme un traveling dans un couloir, un plan de l'unique chien dans sonenclos (un seul chien, est-ce bien srieux?), ou la squence de confrontation entre les deuxsurvivants en fin de troisime acte, qu'une simple comparaison confine au ridicule : aucuneambigut, on sait prcisment qui est qui et la squence se rsout au lance-flammes sanssoucis aucun. Ouf, chacun sait quoi s'en tenir et les veaux iront au pr. tait-il possible demoins comprendre l'essence de The Thing?

    Ajoutons tout ceci une caractrisation incroyablement floue et fonctionnelle servie par uncast transparent ( part un roux et le chef, les seuls persos un peu dvelopps sont lesamricains, les autres sont une masse scandinave indiffrencie dont manifestement tout le

    monde se fout), un dcoupage certes tanche mais ne vhiculant strictement rien ( nouveau,quand on passe aprs Big John au sommet de sa forme, a la fout mal) et un scoreanecdotique, et on comprendra l'absence complte d'enjeux thmatiques et dramatiques dufilm: d'ailleurs, la comprhension de la Chose et des implications de son fonctionnement sefont en trois rpliques dbites sur le ton d'une conversation de salon de th. Ce qui est

    problmatique pour une histoire d'apocalypse... Autant rester chez soi et remater son vieuxDVD, en tous points plus tangible, plus lovecraftien, plus intressant et plus consistantartistiquement que cette classe de neige qui tourne mal. Pff, mme la suite sur PS2 rendaitmieux justice son modle.

    *Voir par exemple les successives explications des origines de la configuration de Lamentdans l'univers de Hellraiser, dont le film original avait l'intelligence de se prvaloir.