TECHNIQUES MISE EN ŒUVRE UNE ALTERNATIVE EFFICACE À … · fil en 2G, 3G, 4G ou bientôt 5G;...

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44 QUALITÉ CONSTRUCTION N° 169 JUILLET / AOÛT 2018 TECHNIQUES MISE EN ŒUVRE Simple, souple, peu coûteux et peu consommateur en énergie, le monde des objets connectés offre de nouveaux moyens de suivi, d’alerte et d’intervention dans les bâtiments performants de petite surface. TEXTE : PASCAL POGGI PHOTOS & ILLUSTRATIONS : ORANGE, PASCAL POGGI/AQC, SEMTECH, SIGFOX U U N N E E A A L L T T E E R R N N A A T T I I V V E E E E F F F F I I C C A A C C E E À À L L A A G G T T B B P P O O U U R R L L E E S S P P E E T T I I T T S S B B Â Â T T I I M M E E N N T T S S P P E E R R F F O O R R M M A A N N T T S S INTERNET DES OBJETS INTERNET DES OBJETS Photo SigFox Photo SigFox

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TECHNIQUES MISE EN ŒUVRE

Simple, souple, peu coûteux et peu consommateuren énergie, le monde des objets connectés offre de

nouveaux moyens de suivi, d’alerte et d’intervention dans les bâtimentsperformants de petite surface.

TEXTE : PASCAL POGGIPHOTOS & ILLUSTRATIONS : ORANGE,PASCAL POGGI/AQC, SEMTECH, SIGFOX

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Campons le débat. Dans un bâtiment clas-sique, avec des consommations d’énergievariant de 200 à 500 kWhEP/m².an, unesur consommation de 10kWhEP/m².an estinvisible et ne constitue pas une dérive

insupportable. Dans un bâtiment très performant,dont la consommation se situe aux environs de50kWhEP/m².an et a fortioridans un bâtiment à énergiepositive dont le bilan annuel tend vers 0 kWh/m².an,la même surconsommation de 10kWh/m².an repré-sente pour le coup 20 % des consommations an-nuelles. L’exploitant doit être en mesure de s’enapercevoir très vite, afin de comprendre la naturedu dysfonctionnement et apporter rapidement unremède efficace.Depuis au moins 40 ans, la GTB (Gestion technique desbâtiments) est là pour ça. Pourtant, tous les bâtimentstertiaires sont loin d’être équipés en GTB, même enconstruction neuve; et lorsqu’ils le sont, les per-sonnels d’exploitation sur site ne sont pas toujoursparfaitement formés à son utilisation.Une GTB est un système complexe que l’on peut ai-sément désorganiser par des manipulations erro-nées. L’Internet des objets (IoT) offre l’opportunitéde simplifier les architectures physiques de contrôle-commande des équipements techniques et transfèreà des spécialistes le soin d’analyser les donnéescollectées et de préconiser les actions nécessaires.Ces spécialistes se trouvent hors site et utilisent deslogiciels d’analyse spécifique: quelques opérateurspeuvent suivre des centaines de bâtiments. De plus,l’IoT consomme très peu d’énergie et propose uneexploitation peu coûteuse.

Le dilemme financierDans un grand bâtiment tertiaire, au-dessus de5000 m² par exemple, une GTB bien conçue et cor-rectement exploitée joue ce rôle de détection, d’alerteet d’aide au diagnostic. Néanmoins, il faut prendreen compte la consommation des automates de GTBdans le bilan annuel du bâtiment et disposer de ré-seaux de communication permanents: des réseauxcâblés soit en TCP/IP soit en l’un des protocoles de GTBles plus répandus, voire des réseaux sans fil irriguanttout le bâtiment. Dans les bâtiments plus petits enrevanche, le coût de l’installation, de la maintenanceet de l’exploitation d’une GTB classique est dissuasif.D’une manière générale, la promesse d’une consom-mation d’énergie très faible, voire nulle, doit logi-quement se traduire par un coût d’exploitation dubâtimentréduit. Sinon, c’est incompréhensible pourles utilisateurs et le maître d’ouvrage et peut conduireà des revendications et des litiges à l’encontre desconcepteurs et des entreprises. Par conséquent, ils’agit d’éviter que le coût des instruments destinés àexploiter finement un bâtiment performant annuleles gains financiers issus de la forte réduction desconsommations d’énergie. C’est là que le dévelop-pement de l’IoT peut s’avérer extrêmement utile. L’IoT,en raison du type de communication utilisé, est par -ti cu liè rement bien adapté aux bâtiments ou auxusages dans un bâtiment qui ne sont pas connectésà Internet en permanence par un réseau TC/IP, doncpas raccordables à une GTB. En l’absence de

connexion Internet permanente, deux autres moyensde communication sont ainsi disponibles: premiè-rement, les réseaux cellulaires de téléphonie sansfil en 2G, 3G, 4G ou bientôt 5G; deuxièmement, lesréseaux à bas débit et longue portée, comme LoRa ouSigFox. Le choix entre les deux modes de commu-nication relève d’une logique à la fois fonctionnelleet financière.

Communiqueren réseau 2G, 3G ou 4GDepuis dix à quinze ans, les fabricants de grandssystèmes de climatisation comme Daikin pour sesDRV (débit de réfrigérant variable), et les industrielsdu froid commercial comme Carrier, Trane ou Cli-maveneta (devenu une marque de Mitsubishi Elec-tric), proposent une communication cellulaire en 2,3 ou 4G. Il faut pour cela une puce GSM, appeléeaussi carte SIM, et un abonnement téléphonique. Àces conditions, un groupe froid, par exemple, estcapable d’envoyer à l’exploitant désigné une masseimportante de données sur son fonctionnement.L’exploitant peut de son côté envoyer des interroga -tions au groupe froid pour obtenir d’autres donnéeset il peut facilement modifier la programmation dugroupe à distance. Lorsqu’il s’agit d’un équipementcritique dans un bâtiment, qui est par ailleurs dé-pourvu d’une GTB connectée – un groupe froid dansune supérette, par exemple–, l’investissement dansune carte SIM et un abonnement téléphonique estpleinement justifié. D’autant que trois opérateursde téléphonie mobile – Orange, Bouygues Telecomet SFR – s’intéressent à ce marché des communi-cations dites M2M «Machine to Machine» (ou deMachine à Machine). Ils proposent des abonnementsspécifiques, voire des solutions sans abonnementavec un seul paiement à la mise en service, donnantdroit à un service «éternel» ou en tout cas aussilong que la durée de vie de la carte SIM, sanslimitation de la quantité de données transmise dansle temps.Pour les équipements qui ne possèdent pas en sériela possibilité d’utiliser une communication GSM,des fabricants comme Lacroix Sofrel proposent desboîtiers de communication en 2G ou 4G pour ajoutercette fonctionnalité à des chaufferies, des installa-tions de climatisation, des CTA (Centrales de trai-tement d’air)… Il faut néanmoins que le générateursoit pourvu d’un automate de pilotage. Le boîtier decommunication de Lacroix Sofrel récupère les don-nées de cet automate, les transmet par GSM et traduitles demandes arrivant par GSM en ordres compré-hensibles par l’automate de pilotage embarqué surle générateur.

Les réseauxLow power wide area (LPWA)L’autre solution, en l’absence de raccordement per-manent à Internet, est celle des réseaux Low powerwide area (LPWA). Ils assurent une communicationsans fil à longue distance avec de faibles débits dedonnées. Ils s’adressent ainsi aux objets connectésfonctionnant à pile ou à partir de récolte d’énergie,qui n’ont pas besoin de transmettre de

“Tous lesbâtimentstertiairessont loin d’être équipésen GTB, mêmeen constructionneuve ; et lorsqu’ilsle sont, lespersonnelsd’exploitationsur sitene sont pastoujoursparfaitementformés à sonutilisation”

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forts débits de données: les compteurs de toustypes, les détecteurs d’ouverture, de présence, lessondes de température, d’humidité relative, lessondes de COV (Composés organiques volatiles) oude CO2 pour juger de la qualité de l’air intérieur…Ces réseaux transmettent un petit volume de don-nées dans les deux sens. Il existe une douzaine deréseaux bas débit dans le monde. En France, deuxstandards de communication LPWA sont très pré-sents: LoRaWAN (pour Long range wide aera net-work), développé et soutenu par la LoRa Alliance(1),et les réseaux UNB (Ultra narrow band). Le plusconnu des réseaux UNB est celui du français Sig-Fox (2). LoRa est utilisé en France par Orange et parBouygues Telecom, tandis que SigFox s’est alliéavec SFR. Qowisio (3), une autre société française,se présente comme opérateur de réseau bas débit

à destination des PME et des ETI (Entreprise detaille intermédiaire) et déploie en France son propreréseau utilisant conjointement les deux technologiesUNB et LoRa.

Des communicationsà très faibles coûtsL’une des promesses principales de l’IoT est de ré-duire les coûts, donc d’ouvrir la connectivité, le trans-fert de données et leur analyse, à des équipementsqui ne sont pas gérés par une GTB ou à des bâtimentsqui ne sont pas équipés de GTB. Le français Qowisio,par exemple, a proposé fin 2016 une nouvelle ap-plication de l’IoT: le suivi des caissons de ventilation.Un pressostat connecté en Sigfoxou LoRaselon l’em-placement des bâtiments et la couverture des réseaux,est alimenté en électricité par le secteur ou par piles(ce qui lui assure cinq ans d’autonomie). Il mesurerégulièrement la pression en sortie de ventilateur,envoie les résultats vers le Cloud Qowisio où un lo-giciel les analyse, détecte les pannes (pression nullenotamment), les dérives (pression en baisse ou enhausse)…, puis renvoie résultats et alertes

(1) www.lora-alliance.org(2) www.sigfox.com/en/smart-building(3) www.qowisio.com/decouvrir-iot/notre-

positionnement

Un nombre croissantde fondeurs fabriquentdes puces capables de gérerdes communications Lora. Des intégrateurs comme Actilityles incorporent dans de mini-cartesélectroniques qui forment la briquede base d’un objet connecté, gèrentla connectivité et les fonctionspropres de l’objet : mesure detempérature, d’humidité,etc.

Les communications surdes réseaux bas débits LPWAne font pas appel à une carte SIM,mais exploitent tout de mêmeune technologie radio gérée parun processeur spécifique.

Certains objets connectéspeuvent être conçus de manière àrésister à des contraintes detempérature, pression, humidité,vibrations, poussières…importantes. Ils sont destinés à vivre sans maintenance durantdes années.

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Les objets connectés alimentés par pile ou par récolte d’énergie ne possèdent pas eux-mêmes de puissance de traitement des données. Ils se contentent derécolter les données, de les transmettre par un réseau bas débit – ici un réseau LoRa – qui les achemine vers Internet et des serveurs de traitement embarquantdes applications informatiques qui se chargent d’exploiter des données: analyse et facturation de consommation d’eau, de gaz… par exemple.

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“L’une des promesses principales de l’IoT est de réduire les coûts, doncd’ouvrir la connectivité, le transfert de données et leur analyse, à deséquipements qui ne sont pas gérés par une GTB ou à des bâtiments quine sont pas équipés de GTB”

La communication en LoRa ne fait pas appel à une carte SIM, c’est uniquement de la radio bas débit. Le modèle économique (qui paye et combien) dépendde l’application. Le coût de communication par objet connecté – extrêmement réduit et souvent inférieur à 1 €/an – peut être englobé dans le contrat d’entretienannuel.

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vers une application sur smartphone ou par SMSvers des interlocuteurs désignés. Pour chaque cais-son équipé, Qowisio propose un coût de commu -nication de 1 € HT pour 10 ans soit 10 c€ HT/an. Qo-wisio aide également des industriels à développerleurs propres objets connectés en leur fournissantles briques matérielles et logicielles nécessaires.L’entreprise estime que l’on peut mettre au point enquelques mois un objet connecté dont le coût dumatériel et des logiciels nécessaires à la connexionne dépassera pas 10 € HT.

La gestion de patrimoineconnecté grâce à l’IoTL’application par excellence des objets connectésen tertiaire est la relève des compteurs à distance.Le français m2ocity, qui s’appuie plutôt sur le réseauLoRa d’Orange, est un spécialiste de la relève descompteurs connectés. À la demande de ses clients,

Pour accélérer l’utilisationde la technologie LoRa, Orange met à la dispositiondes start-up partenaires un kit decommunication LoRa.

Voici une consolecommuniquant en Lora, à laquelleplusieurs sondes de températuresde formes différentes peuvent êtreraccordées: mesure extérieure dela température d’une canalisation,mesure de la température sur desdéparts spécifiques d’un tableauélectrique,etc.

L’une des applications les pluscourantes des objets connectésest la relève de compteurs àdistance. Ces compteursSogedo communiquent leursdonnées en SigFox.

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m2ocity est rapidement passé de la télérelève gé-nérale à la télérelève de compteurs divisionnaires eneau, gaz, électricité, chaleur, froid, de durée d’emploiou de durée de fonctionnement,etc. Les donnéessont analysées par les programmes du Cloud m2ocity.Ce genre d’exercice est particulièrement utile dansles bâtiments très performants. WinErgia, une so-ciété de conseil en performance et énergétique, etle groupe Perial ont notamment équipé le bâtimentÉtoile Pleyel (au Carrefour Pleyel en Seine-Saint-Denis) de solutions de télérelève après compteurde m2ocity pour optimiser les consommations d’eau,d’énergie, réduire les charges des occupants et, sur-tout, pour pousser vers les occupants des informationssur le fonctionnement du bâtiment. Par expérience,WinErgia est en effet convaincu que la per formanced’un bâtiment n’est acquise dans le temps qu’avec laparticipation active de tous ses occupants. L’IoT metà leur disposition, de manière simple et compré-hensible, toutes les informations dont ils ont besoinpour bien vivre et travailler dans un bâtiment trèsperformant. Comme m2ocity le découvre en déve-loppant son activité, l’IoT apporte de nombreusessolutions à des problèmes qui ne se posaient pasjusqu’à présent, parce que le maître d’ouvrage oul’exploitant ne disposaient d’aucune ou de très peud’information(s) sur les équipements techniquesqu’ils géraient – depuis les compteurs jusqu’auxascenseurs –, et n’avaient donc aucune consciencedes problèmes existants. L’intervention de m2ocityet de ses concurrents a pour première conséquencede mettre à leur disposition une masse d’informationsdont l’analyse révèle ce qui était ignoré jusqu’à présent .C’est pourquoi m2ocity, au-delà des solutions deconnectivité des équipements et d’analyse des données,envisage volontiers l’évolution de sa mission vers une«gestion du patrimoine connecté». ■

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