Stratégie diagnostique d'une tumeur graisseuse
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Stratégie diagnostique d'une tumeur Stratégie diagnostique d'une tumeur graisseusegraisseuse
O. Rouvière
Service d'Imagerie Urinaire et Vasculaire
Hôpital E. Herriot - Lyon
PlanPlan
1. Rappels sur l'AML– Histologie, épidémiologie, histoire naturelle, etc…
2. Aspect typique en imagerie
3. Questions pratiques– Une tumeur hyperéchogène est-elle toujours un AML ?– Quand faut-il pratiquer un scanner devant une tumeur hyper-
échogène ?– L'absence de graisse élimine-t-elle l'AML ?– La présence de graisse élimine-t-elle une lésion maligne ?
1. Rappels sur l'angiomyolipome1. Rappels sur l'angiomyolipome
Rappels histologiquesRappels histologiques Tumeur bénigne, membre de la famille de tumeurs dérivées de la
"Perivascular Epithelioid Cell" (PEC)
Famille complexe: – Tumeurs de type épithélial : tumeurs à cellules claires du poumon et du
pancréas, AML épithélioïdes, PEComes viscéraux– Tumeurs de type mésenchymateux: AML, Lymphangioleiomyomatose
pulmonaire, rhabdomyome cardiaque…
Elément commun: expression de marqueurs mélanocytiques– HMB-45– Melan A/Mart-1– Microophtalmia transcription factor, etc…
Eble JN et al, Semin Diagn Pathol 1998; 15: 21Bonsib SM et al, Human Pathology 2009; 40: 374
Rappels histologiquesRappels histologiques
Trois composants:
– Adipocytes, typiquement normaux
– Cellules musculaires lisses
– Vaisseaux dysmorphiques: Parois épaisses mais faible contenu en élastine : plus fragiles Micro-anévrysmes
Proportion et disposition variables des 3 composants– AML Mono, bi, ou triphasiques
Rappels histologiquesRappels histologiques
Forme épithélioïde:
– Exceptionnelle
– Prédominance de cellules musculaires épithélioïdes
– Potentiel malin mais comportement pas toujours très agressif
– Explication des tumeurs du rein de la sclérose tubéreuse de Bourneville? (1)
– Pas de définition histologique claire Proposition récente: Au moins 5% de composant épithélioïde (1)
(1) Eble JN et al, Semin Diagn Pathol 1998; 15: 21(2) Lane BR et al, J Urol 2008; 180: 836
Prévalence Prévalence
Série autopsique (1) : – 8501 autopsies– 27 patients avec AML (0.3%)– 2 hommes et 25 femmes
Dépistage échographique (2) : – 17000 patients– 0.1% chez l'homme– 0.22% chez la femme
(1) Hajdu et al, J Urol 1969; 102:396(2) Fujii et al, Eur Urol 1995; 27:124
Formes cliniquesFormes cliniques Forme sporadique (80%):
– Tumeur solitaire ou tumeurs peu nombreuses et plutôt unilatérales
Forme associée à la Sclérose Tubéreuse de Bourneville ou à la LAM (20%):
– Au moins 50% des patients des patients atteints de STB(1-4)
Généralement multiples et bilatéraux
– 32-88% des patientes atteintes de LAM(5,6,7)
Distinction LAM sporadique / LAM STB
– Two-hit hypothesis
– Complications plus fréquentes: 44% vs 14% (8)
(1) Cook JA et al, J Med Genet 1996; 33:480-484(2) Webb DW et al, Br J Urol 1994; 74:151(3) Rakowski SB et al, Kidney Int 2006; 70:1777(4) O'Callaghan FJ et al, BJU Int 2004; 94:853
(5) Ryu JH et al, Am J Respi Crit Care Med 2006; 173:105(6) Urban et al, Medicine 1999; 78:321(7) Avila NA et al, Radiology 2000; 216:147(8) Nelson et al, J Urol 2002; 168:1315
Formes cliniquesFormes cliniques
European Respiratory Society (2009)
– Chez les patients avec un angiomyolipome unilatéral, sans signes cliniques de STB et sans symptômes pulmonaires une recherche de LAM par scanner thoracique peut être réalisée
– Chez les patients avec des angiomyolipomes bilatéraux, une recherche de STB et de LAM doit être pratiquée
Vitesse de croissanceVitesse de croissance Diversement appréciée (1)
– 0.37 cm / an (2)
– < 0.5 cm sur 52 mois (3)
– < 0.5 cm / an (fourchette: 0.2-0.95 cm) (4)
Croissance plus rapide en cas de STB:– 5% / an versus 18% / an (4) – Surtout chez les enfants et adolescents
Jusqu'à plus de 4 cm en un an (5)
– Plateau à l'âge adulte ?
Rôle de la stimulation hormonale ?– Croissance pendant la grossesse
Les taux de croissance des AML chevauchent ceux du cancer du rein (0.1-0.46 cm/an) (6-8)
(1) Patel U, Clin Radiol 2005; 60: 665(2) Steiner MS, J Urol 1993; 150:1782(3) Höbarth K et al, Eur Urol 1993; 24: 239(4) Lemaitre L et al, Radiology 1995; 197: 598
(5) Ewalt DH et al, J Urol 1998; 160: 141(6) Bosniak MA et al, Radiology 1995; 197: 589(7) Volpe A et al, Cancer 2004; 100:738(8) Kassouf W et al, J Urol 2004; 171: 111
Possibilité de métastases ?Possibilité de métastases ? Possibilité de développement de:
– Thrombus tumoral– Métastases ganglionnaires– Métastases viscérales (poumon, foie, pelvis)
Rares
AML épithélioïdes ?
Très peu de récidives après chirurgie
LAM: rôle de micro-métastases à partir des AML rénaux ??
(1) Nelson CP, J Urol 2002; 168: 1315(2) Lane BR, J Urol 2008; 180: 836(3) Christiano AP, J Urol 1999; 161: 1900
2. Aspect typique en imagerie2. Aspect typique en imagerie
EchographieEchographieTumeur rénale:
– Hyperéchogène (>90%)– Homogène (>90%)– Atténuante (30%)
TomodensitométrieTomodensitométrie
Tumeur hypervasculaire avec plages de densité graisseuse (-10 UH à -100 UH)
Intérêt :– Diagnostique– Thérapeutique :
Taille exacte Localisation Importance du contingent vasculaire
Technique d'examen rigoureuse: – Minimiser les effets de volume partiel
Coupes fines (millimétriques) Examen sans injection
TomodensitométrieTomodensitométrie
Meilleur seuil de densité ?
– Simpson E & Patel U, Clin Radiol 2006; 61:410
22 AML prouvés histologiquement
3 seuils étudiés: 0 UH, -10 UH et -20 UH– 0 UH Se: 77% ; Spe: 97%
– -10 UH Se: 73% ; Spe: 100%
– -20 UH Se: 50% ; Spe: 100%
- 50 UH
Intérêt de l'IRM?Intérêt de l'IRM?
Présence de graisse: – Hypersignal T1 disparaissant après saturation de graisse– Déplacement chimique : India Ink artifact
Peu pratiquée en première intention– Grossesse– TDM non conclusive ?
Saturation de graisseSaturation de graisse
India Ink artifactIndia Ink artifactPerte de signal linéaire à la jonction graisse /eau
– A la jonction tumeur / parenchyme– Dans la tumeur entre les plages graisseuses et non
graisseuses
Israel GM et al, AJR 2005; 184:1808
India Ink ArtifactIndia Ink Artifact
Halpenny D et al, Clin Radiol 2010; 65:99
3. Questions pratiques 3. Questions pratiques
3.1. Une tumeur hyperéchogène est-elle toujours un AML ?
NON
Environ 8% des adénocarcinomes à cellules claires seraient hyperéchogènes
Siegel CL et al, Radiology 1996; 198:789Hélénon O et al, Radiographics 1997; 17:129
Tumeur hyperéchogèneTumeur hyperéchogène Indices de malignité
– Hyperéchogénicité moins prononcée– Anneau périphérique hypo-échogène– Caractère très hétérogène ou micro-kystique– Calcifications– Croissance rapide ?
Indices de bénignité– Homogénéité– Caractère atténuant
Siegel CL et al, Radiology 1996; 198:789Halpenny D et al Clin Radiol 2010; 65:99
3. Questions pratiques3. Questions pratiques
3.2. Quand faut-il pratiquer un scanner devant une tumeur hyper-échogène ?
Exploration TDM des tumeurs Exploration TDM des tumeurs hyper-échogèneshyper-échogènes
Toujours surveiller
Indication de TDM à nuancer en fonction de la taille(1)
– Probabilité de trouver de la graisse– Incidence thérapeutique– Risque métastatique
(1) Mindell HJ, AJR 1996; 167: 1590
Exploration TDM des tumeurs Exploration TDM des tumeurs hyper-échogèneshyper-échogènes
Notre pratique:– Nodule très hyperéchogène, homogène de moins
de 8-10 mm Pas de TDM; surveillance écho
Autres cas: TDM
3. Questions pratiques3. Questions pratiques
3.3. L'absence de graisse élimine-t-elle l'AML ?
AML sans graisseAML sans graisse
NON
AML: histologie "surprise" dans 2.5% à 5% des tumorectomies / néphrectomies (1,2)
Absence de graisse en TDM:– Contingent graisseux très minoritaire (AML "monophasiques")
Souvent uniquement musculaires, peu vasculaires Graisse < 5%
– Contingent graisseux intimement mêlé aux autres : pas de densité graisseuse en TDM
(1) Milner J et al, J Urol 2006; 176: 905(2) Lane B et al, J Urol 2008; 180: 836
Age, sexe, taille tumoraleAge, sexe, taille tumorale
Age et sexe:– AML plus fréquent chez la femme jeune (< 40 ans)– Cancer: homme, plus âgé (> 50 ans)– Reste peu discriminant (1)
– Attention à ne pas sous-estimer le diagnostic d'AML chez l'homme ! (2)
Taille tumorale:– Taille moyenne des AML sans graisse
20-35 mm (2-4)
– Surtout un problème de "petites" masses
(1) Kim JK et al, Radiology 2006; 239:174(2) Berger J et al, Prog Urol (in press)(3) Kim JK et al, Radiology 2004; 230:677(4) Milner J et al, J Urol 2006; 176:905(5) Catalano OA et al, Radiology 2008; 247:738
EchographieEchographie
Peu contributive….
La plupart des AML sans graisse sont hypo-échogènes !!!
TDM: présence de calcificationsTDM: présence de calcifications
Jamais dans les AML
Très évocateur de cancer
Kim JK et al, Radiology 2004; 230:677
– 19 AMLs sans graisse, 62 cancers
– Calcifications AML: 0% Cancer: 13%
TDM: hyperdense avant injectionTDM: hyperdense avant injection
Quelques courtes séries(1-2) :– 100% des AML sans graisse étaient spontanément hyperdenses
Série plus large (19 AMLs sans graisse, 62 cancers)(3) – 53% des AML sans graisse– 13 % des cancers (p = 0.04)
(1) Jinzaki M et al, Radiology 1997; 205:497(2) Hafron J et al, Urology 2005; 66:1155(3) Kim JK et al, Radiology 2004; 230:677
TDM: Analyse de la densité TDM: Analyse de la densité individuelle des pixelsindividuelle des pixels
Catalano OA et al, Radiology 2008; 247:738– 22 AMLs sans graisse prouvés histologiquement– Coupes sans injection– ROI: au moins ¾ de la plus grande surface– Histogrammes : distribution de la densité des pixels– Pourcentage de pixels en dessous d'un certain seuil (-20 UH à
+10 UH)
Pas de différence significative pour chaque seuil Analyse ROC:
– Plus de pixels négatifs en faveur… d'un cancer!!!
AML !!
Cancer !!
TDM: Analyse de la densité TDM: Analyse de la densité individuelle des pixelsindividuelle des pixels
Simpson E & Patel U, Clin Radiol 2006; 61:410
– 22 AML prouvés histologiquement (pas forcément sans graisse)
– ROI de petite taille sur région la moins dense de la tumeur avant injection
Mesure de la densité moyenne Carte des pixels
Ligne ou carré d'au moins 4 pixels contigus dont la densité est ≤ -10 UH:– Se: 86% ; Spe: 97%
ROI avec densité moyenne ≤ -10 UH:– Se: 73% ; Spe: 100%
TDM: Profil de rehaussementTDM: Profil de rehaussement
Rehaussement homogène– 79% - 100% des AML sans graisse
Non spécifique:– Carcinomes tubulo-papillaires et chromophobes– Surtout si petite taille (< 30 mm) (1)
(1) Jinzaki M et al, Radiology 1997; 205:497(2) Kim JK et al, Radiology 2004; 230:677(3) Kim JK et al, AJR 2002; 178:1499
TDM: Profil de rehaussementTDM: Profil de rehaussement
Kim JK et al, Radiology 2004; 230:677
– 19 AMLs sans graisse, 62 cancers
– 3 types de rehaussement
SI 30 s 120-150 s
> 20UH
Washout précoce Rehaussement graduel
SI 30 s 120-150 s
> 20UH
Rehaussement en plateau
SI 30 s 120-150 s
± 20UH
TDM: Profil de rehaussementTDM: Profil de rehaussement
Pic de rehaussement à la phase corticale:
– Plus élevé pour les cancers
– Meilleure valeur discriminante: 115 UH Rehaussement (cortical – sans inj) > 115 UH
– 50% des cancers (31/62)
– 5% des AML (1/19)
TDM: Profil de rehaussementTDM: Profil de rehaussement
Washout précoce Plateau Rehaussement graduel
AML sans graisse 6 (32%) 11 (58%) 2 (11%)
Cancer 53 (85%) 6 (10%) 3 (5%)
p < 0.001
TDM: Profil de rehaussementTDM: Profil de rehaussement
Mais…
– Rehaussement en plateau (ou graduel) retrouvé dans 60% des petits (< 35 mm) cancers tubulo-papillaires
(1) Jinzaki M et al, JCAT 2000; 24: 835(2) Jinzali M et al, Radiology 2005; 234: 311
TDM: cas des AML très vasculairesTDM: cas des AML très vasculaires
Très nombreux vaisseaux dysmorphiques
– Washout précoce
– Diagnostic: Contexte (STB, LAM) Micro-anévrysmes visibles en TDM
IRM: Imagerie en opposition de IRM: Imagerie en opposition de phasephase
Principe:
– Imagerie en phase: Addition du signal des protons de l'eau et de la graisse
– Imagerie en opposition de phase: Soustraction du signal des protons de l'eau et de la graisse
– Si, dans le même voxel, contenu en graisse et en eau d'importance voisine : Chute massive du signal en opposition de phase
– Utilisé pour la caractérisation des adénomes surrénaliens non sécrétants
IRM: Imagerie en opposition de IRM: Imagerie en opposition de phasephase
Kim JK et al, Radiology 2006; 239:174
– 55 masses radiologiquement indéterminées: TDM:
– Rehaussement homogène
– Rehaussement graduel ou en plateau
IRM: Imagerie en opposition de IRM: Imagerie en opposition de phasephase
Chute du signal:– AML: 42% ± 11– Non-AML: 5%
Chute du signal relatif (par rapport à la rate)– AML: -43%– Non AML: -4%
p < 0.01 dans les deux cas
En résumé…En résumé…
Portrait robot de l'AML sans graisse:– Echo: isoéchogène – TDM:
Spontanément hyperdense Sans calcification Rehaussement homogène et en plateau
– IRM: Chute du signal en opposition de phase
– Si contingent graisseux pas trop faible !!!
Diagnostic diff:Tubulo-papillaire !
Et la biopsie ?Et la biopsie ?
En cas de doute, peut trancher entre AML et tumeur maligne
Si petite tumeur (< 3-4 cm) (1,2)
– Echec technique: 21-37%– Lésion bénigne: 10-20%
(1) Lechevallier E et al, Radiology 2000; 216:506(2) Lebret T et al, J Urol 2007; 178:1184
Et en cas de STB et/ou LAM?Et en cas de STB et/ou LAM?
13-33% des AML associés à la STB et/ou à la LAM n'ont pas de graisse en TDM (1,2)
Impensable de les biopsier tous : diagnostic de probabilité fait sur le contexte
Critère de biopsie ?– Croissance > 0.5 cm/an (3)
(1) Avila NA et al, Radiology 2000; 216:147(2) Lane BR et al, J Urol 2008; 180:836(3) Patel U et al, Clin Radiol 2005; 60:665
3. Questions pratiques3. Questions pratiques
3.4. La présence de graisse élimine-t-elle une lésion maligne ?
Tumeurs malignes à contenu Tumeurs malignes à contenu graisseuxgraisseux
OUI… presque
Quelques rares exceptions dans la littérature– Incorporation de graisse péri-rénale ou sinusale dans une
volumineuse tumeur– Métaplasie osseuse avec éléments graisseux de moelle osseuse– Nécrose cholestérolique intra-tumorale
(1) Hélénon O et al, Radiographics 1997; 17:129(2) Henderson RJ et al, J Urol 1997; 157:1347(3) Roy C et al, Br J Urol 1998; 71:977 (4) Schuster TG et al, AJR 2004; 183:1402
Tumeurs malignes à contenu Tumeurs malignes à contenu graisseuxgraisseux
Eléments diagnostiques:– Calcifications +++– Large nécrose intra-tumorale avec petits foyers
graisseux– Association avec ADP et thrombus tumoral non
graisseux
D'une manière générale, se méfier d'un "AML" à croissance rapide…
Hélénon O et al, Radiology 1993; 188:429
Hélénon O et al, Radiographics 1997; 17:129
Schuster TG et al, AJR 2004; 183:1402