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L’ÉNIGME DE WARBURG Davide Stimilli Presses Universitaires de France | « Revue française de psychanalyse » 2015/4 Vol. 79 | pages 1100 à 1114 ISSN 0035-2942 ISBN 9782130651376 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2015-4-page-1100.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- !Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Davide Stimilli, « L’énigme de Warburg », Revue française de psychanalyse 2015/4 (Vol. 79), p. 1100-1114. DOI 10.3917/rfp.794.1100 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Document téléchargé depuis www.cairn.info - Katholieke Universiteit Leuven - - 134.58.253.30 - 23/09/2015 20h47. © Presses Universitaires de France Document téléchargé depuis www.cairn.info - Katholieke Universiteit Leuven - - 134.58.253.30 - 23/09/2015 20h47. © Presses Universitaires de France

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L’ÉNIGME DE WARBURGDavide Stimilli

Presses Universitaires de France | « Revue française de psychanalyse »

2015/4 Vol. 79 | pages 1100 à 1114 ISSN 0035-2942ISBN 9782130651376

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2015-4-page-1100.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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L’énigme de Warburg1

davide stiMilli*

Je suis en effet sur le point d’être heureux. Ce va être un triomphe.

Franz Kafka, Description d’un combat.2

La guérison d’Aby Warburg, comme peut-être toutes les guérisons, est une énigme. Medicus curat, natura sanat, dit le vieil adage médical. Il est évident d’après la publication de son histoire clinique (Binswanger-Warburg, 2007) qu’elle est en effet restée une énigme pour ceux qui se sont occupés de lui, notamment celui dont le nom est lié en premier lieu à sa guérison, Ludwig Binswanger, et il est légitime de conclure, en se fondant sur le même ensemble de documents, que Warburg avait une meilleure compréhension que ses méde-cins de la voie qui l’a fait revenir de la folie (Stimilli, 2007). Dans cet essai, je mènerai mon argumentation plus loin et suggérerai que Warburg a indiqué une solution à l’énigme de sa guérison, qu’il en ait eu conscience ou pas. Pour anticiper ma conclusion, je dirais que la solution est la manie, mais dans un sens du terme que Warburg nous aide lui-même à définir.

BESONNENHEIT ET SOPHROSYNE

Dans une étude des difficultés que les termes allemands de Warburg pré-sentent pour tout traducteur de ses écrits en anglais, E. H. Gombrich a noté

1. Traduit de l’anglais et de l’allemand par Anne-Lise Hacker.* Davide Stimilli est directeur du Département des langues et littératures germaniques et slaves et

maître de conférences d’allemand, de littérature comparée et d’études juives à l’Université du Colorado à Boulder (USA).

2. Franz Kafka, Description d’un combat, Paris, Gallimard, 2004, p. 111.

L’énigme de Warburg.

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en particulier, parmi d’autres termes, celui de Besonnenheit, qui apparaît asso-cié à celui, tout aussi complexe, de Denkraum dans l’une des formulations les plus connues de Warburg, celle de Denkraum der Besonnenheit. Elle apparaît de la façon la plus mémorable, peut-être, dans un passage de son grand essai sur Luther : « Nous sommes à l’âge de Faust, où le savant moderne s’efforçait – entre pratique magique et mathématique cosmologique – de conquérir l’espace de pensée de la raison réflexive (den Denkraum der Besonnenheit) à travers une conscience accrue de la distance entre le soi et le monde extérieur » (Warburg, 1920, p. 534 ; Gombrich, 1986, p. 214]). Gombrich mentionne le terme de Be - son nenheit avec deux autres termes que « la langue allemande a dérivés de concepts grecs », à savoir ceux de Pathos et de Mimik (ibid., p. 17). La juxtapo-sition de ces trois termes paraît étrange dès lors que l’on considère que les deux derniers sont des translitérations plutôt que des traductions, alors que le premier, celui de Besonnenheit, demande à être retraduit en grec, selon Gombrich : un type de traduction, toutefois, que « le lecteur allemand de culture humaniste », dit-il, effectuerait presque naturellement, puisque le mot « rappelle [immédia-tement] l’idéal grec de la sophrosyne ». Gombrich a ainsi répondu au défi de la traductibilité de Warburg en anglais de façon paradoxale en le contournant et en suggérant que nous traduisions Warburg plutôt en grec. La suggestion de Gombrich est encore plus surprenante lorsque nous considérons que le mot lui-même, sophrosyne, faisait partie du vocabulaire de Warburg sous la forme d’une translitération : dans la dernière rencontre de ses Übungen de 1926-1927, pour ne mentionner qu’un exemple bien connu, il rend hommage à Jacob Burckhardt pour avoir possédé « ce qui l’élève au-dessus de nous et ce qui est notre modèle : la capacité, à travers sa sophrosyne (durch seine Sophrosyne), de ressentir peut-être trop vivement les limites de sa propre mission, mais en tout cas de ne pas les dépasser » (Gombrich, 1986, p. 258). Il découlait de cela que les termes étaient en quelque sorte interchangeables, dans l’usage que Warburg en faisait, voire même synonymes, bien que Gombrich n’explique pas ce point ouvertement.

Commentant les conférences de Warburg sur Léonard de Vinci, de 1899, Gombrich réaffirme tout à fait clairement son hypothèse sous-jacente :

Si Botticelli avait cédé aux tentations du mouvement de l’art décoratif, Léonard a lutté pour une libération vers la Besonnenheit, ce terme éthique employé en allemand pour rendre la valeur grecque de sophrosyné, qui signifie retenue, détachement, équilibre. C’est cette capacité à résister aux incitations de l’impulsion et aux pressions de la mode qui permet à Léonard d’arriver au style classique de ses chefs-d’œuvre. Mais, comme nous le dit la conclusion de Warburg, ce résultat trouve un équilibre sur le fil d’un rasoir. Il représente un moment précieux et précaire arraché aux nombreux dangers qui menacent l’équilibre de l’homme (Gombrich, 1986, p. 105).

On peut en fait dater d’une façon précise le premier emploi du terme allemand Besonnenheit pour rendre le grec sophrosyne, car Friedrich

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Schleiermacher note de façon significative, dans l’introduction à sa traduction du Charmide de Platon, que le terme avait jusque-là été traduit par Mäßigung [la mesure], en imitation de Cicéron, et que sa traduction représente de ce fait un écart conscient à l’égard de cette habitude (Schleiermacher, 1805, p. 6-7). Pour être juste envers Cicéron, il avait affronté la tâche difficile dans ses Tusculanes, où il propose pas moins de quatre possibilités de traduire sophrosyne : temperantia, moderatio, modestia, frugalitas. Cette multipli-cité de choix reflète en partie le fait que le dialogue de Platon est lui-même aporétique ; mais Schleiermacher nie avec force que l’on puisse soupçonner Platon de scepticisme et interprète le terme comme « die wahre Gesundheit der Seele » [la vraie santé de l’âme] (Schleiermacher, 1805, p. 4), en se fon-dant sur la discussion qui ouvre le dialogue. Dans cette escarmouche qui introduit la discussion de fond sur la sophrosyne (Charm. 156e), Socrate oppose l’art de soigner du shaman thrace Zalmoxis à celui des médecins grecs qui « méconnaissent le tout [to holon] dont il faut prendre soin, ce tout sans le bon comportement duquel il est impossible que se comporte bien la partie [to meros] » (Platon, 1921, p. 21 [1950, p. 257]). Platon suggère que Socrate se sert de l’anecdote comme d’une allégorie de sa propre technique thérapeutique, qui a pour but de soigner le corps à travers l’esprit. Quand il recommande à Charmide la feuille d’une plante non spécifiée contre son mal de tête, Socrate prend soin d’ajouter que le remède ne serait pas efficace sans la prononciation simultanée de ce qu’il appelle des « mots justes… (tous logous […] tous kalous) », des mots capables d’engendrer la sophrosyne dans l’âme (Schleiermacher traduit plus littéralement par « die schönen Reden » [les beaux discours] (Schleiermacher, 1805, p. 15). C’est le point de départ de son enquête sur la signification de sophrosyne qui, toutefois, ne mènera pas à une définition acceptée de façon consensuelle à la fin du dialogue. Mais la vision de la méthode de Socrate comme une thérapie de l’âme inaugure la tradition de ce que Pedro Laín Entralgo a appelé « la curación por la pala-bra », « la cure par la parole » (Laín Entralgo, 1970) dans l’antiquité clas-sique et au-delà, allant au moins jusqu’à Marsile Ficin. Dans l’introduction générale à son Liber de Vita, Marsile suggère que Socrate, à la différence du médecin Hippocrate, promet la santé de l’esprit au lieu de seulement celle du corps : « Sanitatem quidem corporis Hippocrates, animi vero Socrates pollicetur » (Ficin, 1989, p. 107 [2000, p. 68]). Et je présume que cette nuance particulière de signification compte parmi celles que nous devrions garder à l’esprit quand nous examinons l’emploi du terme Besonnenheit chez Warburg – à savoir, le sens thérapeutique, plutôt que le sens éthique, que Gombrich met en avant : la Besonnenheit comme le résultat d’une « cure par la parole » ou, plus modestement, d’un « ramonage de cheminée », comme

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Bertha Pappenheim a appelé (en anglais) la thérapie dont elle a été la pre-mière à faire l’expérience3.

Dans l’atlas Mnemosyne, Besonnenheit n’apparaît que dans les légendes de la planche 74, sur laquelle elle est représentée par différentes images du « guérir sans toucher » (Heilung ohne Berührung) (Warburg, 2000, p. 122). Et la recommandation de Warburg à propos de Burckhardt vaut également pour lui : « Il est insuffisant d’aborder ces questions avec des critères éthiques », les notes pour la rencontre finale des Übungen, que j’ai déjà cités, nous avertissent, « Burckhardt était un nécromancien avec les yeux ouverts. Il faisait ainsi apparaître des fantômes qui le menaçaient très gravement. Il leur a échappé en construisant sa tour d’observation (seinen Seherturm) » (Gombrich, 1986, p. 255). Dans le cas de Warburg, bien entendu, l’épithète goethéenne était plus qu’une figure quand il l’appliquait à l’édifice de sa nou-velle bibliothèque4.

BESONNENHEIT ET RÉFLEXION

Je voudrais suggérer que trois composantes supplémentaires contribuent à la complexité de l’usage que Warburg fait du terme Besonnenheit, mais confirment également qu’il est fondamentalement sans rapport avec la sphère de l’éthique. Il a été justement observé que, si Besonnenheit est « un mot difficile à traduire », cela est principalement « dû à sa riche histoire philo-sophique » (Watkins, 2004, p. 197), qu’Herder inaugure indiscutablement avec son Abhandlung über den Ursprung der Sprache [Traité sur l’origine de la langue] de 1772. Hamann avait raison de dénoncer le terme comme une « invention néologique (neologisches Kunstwort) » dans sa réponse polémi-que, Philologische Einfälle und Zweifel über eine akademische Preisschrift (Hamann, 1967, p. 159), Herder le redéfinissant consciemment « afin d’évi-ter de la confondre avec des forces propres de la raison, etc. (mit eignen Vernunftkräften usw.) » (Herder, 2002, p. 84 ; Herder, 1891, p. 31 [1977, p. 73]). Alors que pour lui, « sensibilité et instinct, imagination et raison »

3. Bertha Pappenheim, la célèbre Anna O., était apparentée à Warburg et, comme lui, patiente au Sanatorium Bellevue, à Kreuzlingen, dans les années 1880. Freud l’a citée devant un public américain dans ses conférences de 1909 sur la psychanalyse à la Clark University (Freud, 1909, p. 7 [1993, p. 9]).

4. Et, encore plus littéralement, à son projet d’une Bildersammlung zur Geschichte von Sternglaube und Sternkunde dans le Planetarium d’Hambourg, pour lequel il revendiquait « la majesté et l’efficacité d’une “tour de Lyncée” (die Würde und Wirksamkeit eines ‘Lynkeus-Turmes’) » (lettre à Felix von Eckhardt du 3 octobre 1928, reproduite dans Warburg, 1993, p. 59).

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ne sont que des « mots », car ce ne sont « que les déterminations d’une force unique (Bestimmungen einer einzigen Kraft), où les contraires se détruisent les uns les autres » (Herder, 2002, p. 84-85 ; Herder, 1891, p. 31 [1977, p. 73]), avec Besonnenheit il voudrait nommer non pas « une faculté séparée qui est simplement ajoutée à notre nature animale » (Taylor, 1991, p. 54), mais plutôt « toute la disposition des forces humaines (die ganze Einrichtung aller menschlichen Kräfte), toute la conduite de sa nature sensible et cogni-tive, cognitive et volitive » (Herder, 2002, p. 83 ; Herder, 1891, p. 28 [1977, p. 71]). Herder insiste sur le fait que Besonnenheit nomme « une orientation tout à fait différenciée et un développement de toutes les forces (Richtung und Auswickelung aller Kräfte) » (Herder, 2002, p. 83 ; Herder, 1891, p. 29 [1977, p. 71]), qui est uniquement humaine et constitue « un caractère propre de l’humanité » et est, avant tout, la condition préalable de l’émergence du langage : « L’homme se trouve en état de circonspection (Besonnenheit) qui lui est propre, et cette circonspection (réflexion) (Reflexion), agissant pour la première fois librement, a découvert la langue » (Herder, 2002, p. 87; Herder, 1891, p. 34 [1977, p. 76]). L’équivalence sans précédent qu’Herder établit ainsi entre Besonnenheit et réflexion est une autre composante que je voudrais mettre en avant dans l’usage que Warburg fait du terme et que Gombrich a négligée ou supprimée. S’il est vrai qu’avec Besonnenheit Herder propose « sa traduction du terme pan-européen de réflexion – et une alternative à celui-ci » (Trabant, 1992, p. 11)5, il est également vrai que, ce faisant, il fait de la Besonnenheit elle-même une catégorie spéculative. Le langage naît comme résultat d’ « une attitude nouvelle, “réflexive” à l’égard des choses » (Taylor, 1991, p. 55, 49), plutôt que d’une « faculté créatrice de langue (sprach-schaffende Fähigkeit) » ad hoc, une « qualitas occulta arbitraire » (Herder, 2002, p. 81 ; Herder, 1891, p. 27 [1977, p. 69]), que des critiques comme Hamann avaient accusé Herder de postuler : « au lieu d’être submergé par l’océan des sensations comme elles déferlent sur nous, nous sommes capables de distinguer une vague, et de la maintenir dans une attention claire, calme. C’est ce nouvel espace d’attention, de distance à l’égard de la signification

5. Trabant interprète de plus le terme en tant que « circonspection », « modération », « bien-veillance » (Trabant, 1992, p. 19) et ajoute sa propre traduction : ob-audience [écoute obéissante], « ce qui signifie que l’on a écouté quelqu’un et est par là même obligé envers l’autre » (Trabant, 1992, p. 1), comme alternative à la Hörigkeit d’Heidegger. [Dans son livre, Penser entre les langues, Heinz Wismann écrit : « Le mot allemand pour “appartenance”, Zugehörigkeit, vient du verbe hören. Et die Hörigkeit, c’est le mot qui signifie “addiction” ou “dépendance”. Alors si on veut “apparte-nir”, il faut “écouter” ; comme on écoute un ordre, il faut obtempérer » (Paris, Albin Michel, 2012) N.d.T.]

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instinctuelle immédiate des choses qu’Herder veut appeler “réflexion” » (Taylor, 1991, p. 49-50), et Warburg Besonnenheit après lui.

BESONNENHEIT ET SCHIZOPHRÉNIE

Le troisième élément, relié au premier, la nuance de signification plato-nicienne, est la proéminence du terme dans le discours sur la folie tel que la psychiatrie allemande naissante le développe, en particulier dans la ter-minologie de Johann Christian Reil (1759-1813), auteur des Rhapsodieen über die Anwendung der psychischen Curmethode auf Geisteszerrüttungen (1803), « peut-être l’œuvre la plus déterminante dans la formation de la psychiatrie allemande avant Freud » (Richards, 1988, p. 713). Reil est main-tenant reconnu comme ayant inventé en 1808 le nom de « Psychiaterie » pour la nouvelle discipline, mais on peut dire qu’il était déjà à l’époque de la parution du livre le chercheur le plus réputé dans le domaine des sciences médicales en Allemagne (Richards, 1988, p. 702). Les troubles mentaux apparaissent, selon Reil, comme résultat d’une « intempérature dynamique (dynamische Intemperatur) » (Reil, 1803, p. 33 [2007, § 5]), une pertur-bation dans l’interaction harmonieuse des trois fonctions essentielles de l’esprit : Selbstbewußtsein, Besonnenheit et Aufmerksamkeit (conscience de soi, discernement et attention), qui opèrent normalement en tant que « ce triumvirat de facultés de l’âme étroitement apparentées (dies Triumvirat nahe verwandter Kräfte der Seele) » (Reil, 1803, p. 53 [op. cit., § 8]). Il a été justement observé que Reil « a conçu la conscience de soi comme une force distinctement active, beaucoup à la manière de Schelling » (Richards, 1988, p. 717), et l’a rendue responsable de produire les sentiments d’unité et d’individualité qui constituent la personnalité humaine. Surtout, la cons-cience de soi fait de nous plus qu’un simple miroir de la nature, « l’image vide du miroir d’une mer qui esquisse même les objets fuyants mais ne peut retenir les images accueillies ni les assimiler comme sa propriété » (Reil, 1803, p. 53-54 [ibid., § 9]). Pour sa part, la Besonnenheit est « le compas [der Compass] qui dirige l’action de l’âme [Thatkraft der Seele] vers la fin de sa félicité [den Zweck ihrer Glückseligkeit] », sans « adhérer à un seul objet » ou errer « sans Étoile polaire pour la guider » ; de façon encore plus éloquente, Reil appelle cela « l’oreille de l’esprit (das Ohr des Geistes), une oreille que nous pouvons intentionnellement diriger », avant d’être saisie par un objet et transformée en attention (Aufmerksamkeit) (Reil, 1803, p. 98, 101 [ibid., § 10]).

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Contrairement au statut de ce terme chez Herder, la Besonnenheit a perdu chez Reil son rôle fondateur, mais elle est néanmoins une composante centrale de la psyché humaine. Elle continuera de l’être dans tous les manuels de psy-chiatrie, jusqu’au traitement de Warburg à Kreuzlingen. On pourrait examiner les définitions qu’en donnent Otto Binswanger6 – l’oncle de Ludwig, qui a eu Nietzsche comme patient à Iéna –, Karl Jaspers7, Ludwig Binswanger lui-même8, mais je me limiterai à Eugen Bleuler, qui a été le maître de Ludwig, et a inventé le terme de « Schizophrenie » – un néologisme non-classique qui est néanmoins étymologiquement relié à sophrosyne –, et à son traducteur, A.A. Brill, un autre Viennois qui a joué un rôle de médiation extrêmement important en introduisant des concepts psychiatriques et psychanalytiques dans la langue anglaise après avoir émigré aux États-Unis. On se souvient maintenant le plus souvent de Brill pour son travail de traduction d’œuvres de Freud, mais il a également été chargé de la traduction du Lehrbuch der Psychiatrie de Bleuler. Nous trouvons là la caractérisation suivante, qui ne mène pas à une définition, car la « lucidité (Besonnenheit) » est « un concept que tout le monde connaît, bien qu’on ne puisse bien le définir », selon Bleuler :

« Dans les états de lucidité, chaque trouble de la conscience est absent, l’orientation est bonne, les affects ne conduisent ni à des actes irréfléchis,

6. « On appelle “discernement” (Besonnenheit) cette activité de la conscience dans laquelle la capacité de remarquer et l’attention, ainsi que le déroulement de l’association d’idées n’est pas endom-magé d’un point de vue formel. Ici, les troubles les plus étendus du processus de la pensée peuvent être présents malgré une orientation qui est tout à fait maintenue » (O. Binswanger, 1915, p. 14).

7. « […] nous avons l’habitude de dire que le malade est à l’état réfléchi (besonnen). Cet état est l’état de conscience dans lequel, en l’absence d’un caractère affectif intense, les contenus de la con-science possèdent une clarté et une netteté moyenne, et dans lequel le déroulement de la vie psychique est ordonné et dépend de représentations, de buts. Les signes objectifs sont l’orientation (la conscience présente de la totalité ordonnée du moi) et la capacité de faire un effort de réflexion quand on vous ques-tionne, de fixer quelque chose. Cet état de la conscience est le plus favorable à une relation avec d’autres hommes, à une compréhension réciproque » (Jaspers, 1933 [1923, p. 93], p. 131).

8. « Si cette connexion de vécu, cette époque de l’histoire intérieure de vie que l’on définit ici comme éloignement du père ou de la mère, doivent être effectivement féconds du point de vue historique […] il faut trouver le tempo particulier non seulement pour cette connexion entière de vécus, mais égale-ment pour chacun de ces vécus uniques. C’est en premier lieu la “sagesse” et la prudence (Besonnenheit), et donc le comportement existential, que nous jugeons médicalement comme un développement “sain”. C’est bien par le tempo en effet, dans lequel l’histoire intérieure de vie “se déroule” comme une unité dialectique du sujet psychologique et de son histoire “de monde”, que se différencie en premier lieu le style de toute l’histoire intérieure de vie, unique, individuelle, du style de toute autre, alors que ce que l’homme vit, la teneur spécifique de son vécu, ne vient qu’en second lieu » (L. Binswanger, 2000 [1933, p. 179], p. 295-296).

Voir également L. Binswanger, 1949, p. 13 : « Ibsen appelle “sérieux” cette hauteur dont il est ici question ; d’autres l’appellent “discernement” (Besonnenheit) (= la phronesis des Grecs depuis Héraclite), et d’autres encore l’“esprit” ».

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1107L’énigme de Warburg

3 août 2015 10:00 - Revue de psychanalyse 4-2015 - Manie - Collectif - Revue de psychanalyse - 175 x 240 - page 1107 / 1324 - © PUF -

ni à la stupeur. Le mélancolique le plus inhibé peut encore penser dans le cadre du cercle des idées auquel il a accès et s’orienter ; il est donc lucide. La plupart des états chroniques de la schizophrénie ne manquent pas de discer-nement bien que, dans certaines circonstances, les malades agissent de façon tout à fait insensée. La majeure partie de la fonction de penser se déroule correctement ; notamment, l’orientation est bonne et la possibilité de bien se comprendre sur beaucoup de choses avec le patient reste présente. » Bleuler souligne l’importance du concept car « dans la lucidité, des symptômes iden-tiques ont une signification tout à fait différente que dans des états présentant un trouble de la conscience. Dans les états de conscience crépusculaire, les idées délirantes les plus confuses ne disent rien sur le pronostic, et les hal-lucinations somatiques pas grand-chose non plus. Dans la lucidité, les deux symptômes indiquent un état grave, ce dernier indiquant spécifiquement un état schizophrène9 ». Bleuler ajoute la remarque intéressante, qui a peut-être joué un rôle dans le diagnostic de Warburg, disant que « dans ce type d’états schizophréniques – pratiquement jamais dans d’autres maladies – la bonne orientation accompagne le plus souvent la mauvaise ; il y a donc une double orientation. Selon la constellation, le patient se sert tantôt de l’une, tantôt de l’autre, aussi souvent des deux ensemble » (Bleuler, 1924, p. 110-111). La conséquence étonnante de cela est qu’il ne paraît pas y avoir de différence réelle entre la Besonnenheit d’une personne mentalement saine et celle d’une personne mentalement malade : la Besonnenheit est simplement la constel-lation au regard de laquelle certains symptômes acquièrent leur signification, et l’on ne peut s’empêcher de penser à certains personnages de Robert Walser comme le meilleur exemple de cette lucidité, pour s’en tenir à la traduction en français du terme de Brill.

BESONNENHEIT ET GÉNIE

La dernière composante sur laquelle je voudrais attirer l’attention nous mène également en dehors de la sphère éthique, ayant été introduite par l’un des écrivains préférés de Warburg, Jean Paul, dans sa Vorschule der Ästhetik de 1804 – un texte que l’on devrait plus souvent lire en rapport avec lui10 –, puis reprise par Hoffmann dans sa célèbre étude de la Cinquième symphonie

9. Bleuler, 1924, p. 116-117 ; Bleuler, 1920, p. 89.10. Roland Kany a esquissé une histoire du concept de Besonnenheit, qui mentionne Herder comme

son point de départ et comme ayant eu une influence sur Jean Paul (Kany, 1987, p. 141).

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1108 Davide Stimilli

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3 août 2015 10:00 - Revue de psychanalyse 4-2015 - Manie - Collectif - Revue de psychanalyse - 175 x 240 - page 1109 / 1324 - © PUF -

de Beethoven, de 1810 (Watkins, 2004, p. 191-202), et Schopenhauer avec sa théorie du génie dans Die Welt als Wille und Vorstellung (III, § 31) [Le monde comme volonté et comme représentation]. Pour Jean Paul, la Besonnenheit est l’un des pouvoirs qui distinguent le génie et sa « première manifestation (erste Escheinung) ». En même temps, un écho des nuances médico-thérapeutiques, dont nous avons parlé plus haut, peut être détecté dans la distinction que Jean Paul fait entre une gemeine et une göttliche Besonnenheit, une « réflexion divine » et une « réflexion ordinaire » (Jean Paul, 1963, p. 57 ; [1862, p. 167]), qui anticipe d’une certaine façon l’idée de Nietzsche d’une « große Gesundheit » [grande santé] (Die fröhliche Wissenschaft, § 382 [Le Gai Savoir, § 382]). En d’autres termes, l’idée d’une bonne santé de l’esprit en question ici n’est pas celle prise en compte dans l’expression der gesunde Menschenverstand qui, en allemand, ajoute l’idée de santé mentale à celle du bon sens ; et Jean Paul ne souscrit certainement pas à la connexion philistine entre génie et folie. Sa Besonnenheit n’est certainement pas non plus une vertu, ou tout au plus une vertu au sens de dynamis, virtus, dont Ficin se propose d’enseigner la maîtrise dans son traité, de façon à garantir une vraie santé de l’âme, ou de la Kraft d’Herder et Reil : « Toutes les facultés (alle Kräfte) fleurissent à la fois dans le génie », écrit Jean Paul (Jean Paul, 1963, p. 56 [1862, p. 163]), et cette « assu-rance du génie [qui] ne résulte que du développement harmonieux de toutes les grandes facultés (geniale Besonnenheit, die allein von dem Zusammenklang aller und großer Kräfte erwacht) » (ibid., p. 52 [1862, p. 154]). Pour Jean Paul, la Besonnenheit « suppose, à chacun de ses degrés, un équilibre et un antagonisme entre l’action et la passion, entre le sujet et l’objet » (Jean Paul, 1963, p. 56-57 [ibid., p. 164]), mais il explique clairement que l’équilibre auquel le génie s’efforce d’arriver n’est pas celui de la tranquillité ; et il se sert à cet effet d’une comparaison qu’il doit avoir, consciemment ou pas, emprun-tée à Leibniz : « La réflexion du génie ressemble à l’agitation du balancier qui, dans la montre, ne remue que pour régulariser et pour entretenir par cela même la marche (Die geniale Ruhe gleicht der sogennanten Unruhe, welche in der Uhr bloß für das Mäßigen und dadurch für das Unterhalten der Bewegung arbeitet) » (Jean Paul, 1963, p. 58 [ibid., p. 167]).

Une préoccupation commune au début de l’histoire naturelle et de la philo-sophie à l’époque moderne a été le développement d’un nouveau modèle pour expliquer à la fois le changement naturel et le changement historique. Dans le cadre d’un modèle de ce type, le changement est expliqué comme un conti-nuum de transitions imperceptibles sans autre dessein que sa perpétuation. La nature en tant que tout est un perpetuum mobile, le « repos absolu » n’existant pas, comme le suggère le sous-titre d’un traité de Robert Boyle (Boyle, 1669) ; en termes métaphysiques, on ne peut concevoir une substance « sans action »,

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3 août 2015 10:00 - Revue de psychanalyse 4-2015 - Manie - Collectif - Revue de psychanalyse - 175 x 240 - page 1108 / 1324 - © PUF -

1109L’énigme de Warburg

3 août 2015 10:00 - Revue de psychanalyse 4-2015 - Manie - Collectif - Revue de psychanalyse - 175 x 240 - page 1109 / 1324 - © PUF -

comme l’exprime Leibniz complétant les découvertes expérimentales de Boyle (Leibniz, 1962, p. 53 [1990, p. 41]). Dans la philosophie naturelle et politique également, on peut ainsi voir émerger une herméneutique du changement qui oriente l’attention sur ce que Leibniz appelle « tò mikròn, les progrès insensi-bles » (ibid., 1962, p. 57 [1990, p. 44]) et rend de ce fait également possible « de faciliter l’explication de qualités occultes », comme Boyle le souhaitait dans son programmatique Essay of the Great Effects of Even Languid and Unheeded Motion (Boyle, 1685, p. 2). Une explication de ce type et l’« incorporation » qui s’ensuit (Millen, 1988, p. 190) de celles-ci dans la philosophie expérimen-tale, qu’on a reconnue comme un trait marquant de la révolution scientifique, est obtenue en déplaçant l’accent de la latence de la qualité à son caractère imperceptible pour l’observateur : la distinction entre qualités occultes et quali-tés manifestes n’est ainsi plus tenable et peut être dépassée grâce à l’affirmation de ce que Francis Bacon appelait « le progrès latent (Processus Latens) », une sorte de transformation qui est parfaitement « continue », bien qu’elle « échappe presque entièrement aux sens » (Bacon, 1874, p. 348 [1986, p. 191]). On peut dire que le concept d’effort comme « commencement ténu du mouvement » chez Hobbes (Hobbes, 1991, p. 38 [2000, p. 124]), la notion de velléité pour signifier « le plus bas degré du désir » chez Locke (Locke, 1979, p. 230 [1983, p. 177]), et la notion d’inquiétude comme une série de « petites sollicitations imperceptibles » chez Leibniz (Leibniz, 1962, p. 166 [1990, p. 131]), sont tous dépendants de la redéfinition de l’alteratio (l’alloiōsis aristotélicienne) comme une « latio per minima » chez Bacon (Bacon, 1874, p. 258 [ibid., p. 116]), un mouvement par intervalles minimes. Il serait toutefois erroné de lire ces théories comme ouvrant la voie à la vision du monde apologétique que Franz Grillparzer énonce si péniblement : « en ce monde tout arrêt, aussi tenace soit-il, n’est en fin de compte qu’une imperceptible avancée (ein unvermerktes Weiterrücken) » (Grillparzer, 1964, p. 147 [1981, p. 23]). Des concepts comme ceux d’effort chez Hobbes et de velléité chez Locke annoncent un modèle beaucoup plus problématique, moins réconciliateur qu’ils ne le laissent d’abord penser car ils placent un malaise irréductible (uneasiness, une autre catégorie lockéenne) au cœur de la réalité non moins qu’au cœur de l’humain. Si le visage est « le cadran de ce prodigieux mécanisme d’horlogerie », comme le définit un phy-sionomiste anglais du dix-septième siècle (Gwither, 1694, p. 638), une telle façade montre tout autant qu’elle cache l’équilibre précaire du mécanisme qui se trouve dessous : comme le remarque Leibniz, « on appelle Unruhe en allemand, c’est-à-dire inquiétude, le balancier d’une horloge » (Leibniz, 1962, p. 166 [1990, p. 131]). Et inquiétude est le terme choisi par Coste, le traducteur français auquel Leibniz faisait confiance, comme traduction d’« uneasiness »

chez Locke.

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1110 Davide Stimilli

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3 août 2015 10:00 - Revue de psychanalyse 4-2015 - Manie - Collectif - Revue de psychanalyse - 175 x 240 - page 1111 / 1324 - © PUF -

SOPHROSYNE ET MANIE

Hannah Arendt nous a rappelé que « dès Aristote, la distinction entre repos et non-repos, entre l’abstention quasi-totale de mouvement physique extérieur et les activités de toutes sortes, est plus nette que la distinction des existences politique et “théorique” » (Arendt, 1958, p. 15 [2012, p. 71]), entre vita activa et vita contemplativa. Mais cela implique que « théorie ou “contemplation” [qui] désigne l’expérience de l’éternel, distinctes des autres […] » (ibid., p. 20 [2012, p. 75), ne peut durer, qu’elle ne peut être qu’une réalisation momenta-née de l’éternel. On pourrait bien résumer le projet de Warburg, en particulier l’« histoire psychologique en images de l’intervalle entre impulsion et action (illustrierte psychologische Geschichte des Zwischenraums zwischen Antrieb und Handlung) » (Warburg, 2000, p. 3) qu’il avait l’intention de proposer avec son atlas Mnémosyne, précisément comme une tentative de dépasser l’ancien Contrasto-Spiel (jeu de contraste), comme il l’appelle, entre vita activa et vita contemplativa (Warburg, 2001, p. 429). Nous comprenons ainsi l’exhortation, à la fin de sa conférence sur Rembrandt en 1926, d’étendre l’Athempause (lit-téralement, la pause entre deux respirations) entre impulsion et action :

L’ascension vers le soleil avec Hélios et la descente dans les profondeurs avec Proserpine symbolisent deux étapes qui appartiennent aussi inséparablement que les alternances de la respiration au cycle de la vie. Tout ce que nous pouvons emporter dans ce périple, c’est l’intervalle toujours fugitif entre impulsion et action (die ewig flüchtige Pause zwischen Antrieb und Handlung) ; il nous appartient de prolonger plus ou moins longtemps cet espace de respiration avec l’aide de Mnémosyne (Gombrich, 1986, p. 237-238).

La Mnémosyne invoquée ici n’est certainement pas le gardien bien-veillant d’un « trésor de délicatesses bibliophiles (Schatzhaus für bibliophile Kostbarkeiten) », mais plutôt le « grand sphynx » dont Warburg souhaitait « soutirer, sinon le secret, au moins la formulation de son énigme (wenn auch nicht ihr Geheimnis, so doch die Formulierung ihrer Rätselfrage)11 ». Je crois qu’il serait de même erroné de voir la Besonnenheit comme la réponse à l’énigme de la sophrosyne, comme Gombrich l’a suggéré, et de faire de Burckhardt son incarnation ou personnification, comme Ulrich Raulff le conclut trop hâtivement, alors même qu’il perçoit justement l’inquiétante étrangeté de Mnémosyne, l’ombre que le retour du passé refoulé et inquiétant jette infailli-blement sur le présent : Burckhardt « a opposé à l’inquiétude du passé (der Unruhe der Vergangenheit), qu’il sentait monter, la force plastique, modératrice

11. Warburg Institute Archive (W.I.A.), III.133.3.3., p. 1, 5 (Rapport annuel sur la bibliothèque pour 1925). Une lettre à Johannes Geffcken du 16 janvier 1926 (W.I.A., Correspondance générale (G.C.)), associe « Sophrosyne » et « Mnémosyne » comme attendant toutes deux « le culte de lecteurs silencieux (den Kult stiller Leser) » dans la bibliothèque nouvellement inaugurée.

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3 août 2015 10:00 - Revue de psychanalyse 4-2015 - Manie - Collectif - Revue de psychanalyse - 175 x 240 - page 1110 / 1324 - © PUF -

1111L’énigme de Warburg

3 août 2015 10:00 - Revue de psychanalyse 4-2015 - Manie - Collectif - Revue de psychanalyse - 175 x 240 - page 1111 / 1324 - © PUF -

de sa pensée, sophrosyne contre mnémosyne… » (Raulff, 1988, p. 92). Cette conclusion est contredite par la note, « Gleichnis zwischen Sophrosyne und Mania » (équivalence entre sophrosyne et manie), que Warburg écrit en prépa-ration du séminaire sur Burckhardt et en référence à l’étude de Carl Albrecht Bernoulli sur l’amitié entre Overbeck et Nietzsche12. De façon évidente et radi-cale, Warburg réinterprète les deux termes de l’équation lorsqu’il les identifie et comprend manie non pas comme le pôle opposé de sophrosyne, mais plutôt comme son équivalent : pour lui, sophrosyne est évidemment manie. Et s’il faut comprendre sophrosyne dans toute la complexité que j’ai essayé d’arti-culer ici, il en va de même pour la manie : qui ne consiste certainement pas seulement en un « penchant à virer dans l’état, symptomatiquement opposé » de la mélancolie, comme Freud l’a définie d’une façon bien connue et réduc-trice dans Trauer und Melancholie (Freud, 1916, p. 440 [1988, p. 272]), mais en une dynamis ayant sa propre autonomie, même si ce n’est pas tout à fait la theia dynamis que Platon place dans le Phèdre explicitement au-dessus de sophrosyne, « dont l’origine est humaine » (Phédon 244d ; Platon, 1914, p. 467; [1950, p. 32]).

La manie, je le conjecture, est donc la solution que Warburg apporte lui-même à l’énigme de sa guérison, le résultat de sa Krankheitseinsicht, de la compréhension plus mature de sa maladie, et la sophrosyne peut-être la solu-tion qu’il pourrait apporter à l’énigme de la manie elle-même (Assoun, 2010). De retour à Hambourg et jetant les fondements de la « soi-disant œuvre de sa vie (Lebenswerk)13 », Warburg célébrait sans doute un triomphe (malgré la litote qu’il emploie), et avec l’atlas Mnémosyne, comme le facteur Cheval avec son palais (Assoun, 2010), il entendait construire un vrai arc de triomphe, comme l’une de ses nombreuses formulations provisoires et pourtant lapidaires datant de ces années le proclame vigoureusement : Tragoediae Grecae nec non Triumphi Romani Restitutio14. Malgré son statut de torso15, nous ne pouvons

12. WIA, III.113.1.1., fol. [132]. Le livre de Bernoulli (1908) était une cause célèbre à l’époque du fait de l’action en justice engagée contre l’auteur par la Nietzsche-Archive à Weimar, qui a mené à la censure de plusieurs passages dans le deuxième volume, largement consacré au Zusammenbruch [effon-drement] de Nietzsche. Warburg l’a étudié intensément, comme le prouve les nombreux soulignements dans son exemplaire du volume à la Bibliothèque de Warburg. Une note manuscrite, où Warburg appelle Elizabeth Förster-Nietzsche par son surnom « Lama » et ajoute de manière peu flatteuse : zum Spucken (à vomir), révèle clairement le parti qu’il a pris dans la controverse.

13. W.I.A., G.C., de Aby à Max Warburg, 13 juin 1928.14. W.I.A., III.95.5, fol. [1], 6 février 1926, notes d’Aby Warburg pour sa première mission

d’enseignement après son retour de Kreuzlingen, le séminaire sur « Die Bedeutung der Antike für den stilistischen Wandel in der italienischen Kunst der Frührenaissance) » [La signification de l’antiquité pour le changement stylistique dans l’art italien de la première Renaissance]. »

15. Mot technique de l’histoire de l’art qui désigne une œuvre tronquée ou inachevée. [N.d.T.]

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taire notre admiration pour ce monument aere perennius et devons convenir avec Warburg que sa guérison était une entreprise digne de Münchhausen : « ma nature veut encore une fois se tirer elle-même de ce marécage ». Plus qu’un « symptôme » de sa guérison (Binswanger-Warburg, 2007, p. 214, 208), sa manie était finalement la meilleure thérapie pour sa maladie.

(Traduit de l’anglais et de l’allemand par Anne-Lise Hacker)

Davide Stimilli2977 Sunshine Canyon

Boulder, Colorado 80302USA

[email protected]

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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1113L’énigme de Warburg

3 août 2015 10:00 - Revue de psychanalyse 4-2015 - Manie - Collectif - Revue de psychanalyse - 175 x 240 - page 1113 / 1324 - © PUF -

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3 août 2015 10:00 - Revue de psychanalyse 4-2015 - Manie - Collectif - Revue de psychanalyse - 175 x 240 - page 1115 / 1324 - © PUF -

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